Premiers pas à Elipse

- Allez debout Angie ! Il est l'heure ! une voix familière réveilla la jeune femme.


- Huuum ... Pas encore 'Pa je veux dormir.


Angie avait du mal à ouvrir les yeux comme-ci son âme lui disait de rester encore un peu dans le monde de la nuit. Angie aimait ce monde, un monde où l'angoisse de la mort ne venait jamais la déranger, c'était le seul endroit où elle se sentait toujours en sécurité...


Son père s'approcha doucement du lit, il regarda sa petite fille luttant pour ouvrir les yeux. Il se mit à genoux en lui caressant la joue.


- Ma puce, allez s'il te plaît, on va être en retard, lui murmura-t-il.


- Mais 'Pa ! Je veux pas, j'en peux...


Peter, c'était son nom, l'interrompît. Il savait très bien qu'Angie ne supportait plus tous ces rendez-vous inutiles, toutes ces heures perdues. La jeune fille était persuadée que personne ne pourrait la guérir et elle s'était faite à cette idée. Elle avait maintenant ses habitudes, elle savait comment gérer ses crises, mais son père s'en voulait tellement... Il aurait donné sa vie pour retrouver la petite fille joyeuse de 7 ans qu'elle était...


- Chuuut, je le sais.


Il avait envie de lui promettre que c'était la dernière fois et que cette fois elle s'en sortirait, mais il ne pouvait pas, c'était déjà bien trop dur pour lui de la voir dans cet état.


- Je t'attends en bas, dit-il en s'éloignant de la chambre.


Les minutes s'écoulaient et Angie ne voulait toujours pas ouvrir les yeux, enroulée dans sa couette, elle comptait les secondes qui défilaient inexorablement. "


- C'est la dernière fois ! pensa-t-elle en se levant machinalement du lit.


Angie se dépêcha d'enfiler son jean et son pull, le passage par la salle de bain lui servit juste pour un brossage rapide de ses dents. Elle descendit en trombe l'escalier qui menait à la salle où son père l'attendait. Un sourire se dessina sur ses lèvres lorsqu'il la vu arriver.


- Angie... Tu aurais pu te coiffer quand même...


Il savait que sa fille n'allait lui donner aucune réponse, elle attrapa son sac à dos qu'elle ne quittait jamais et suivit son père.


Le trajet en voiture fût court mais suffisamment long pour qu'Angie s'endorme.


- On y est !


C'est en sursaut qu'Angie se réveilla, voilà il était l'heure, elle ne pouvait plus faire demi-tour. Son père l'accompagna jusqu'au 11ème étage de cet immeuble délabré, le numéro de l'appartement avait été taggé laissant apparaître 666 au lieu de 36, une odeur d'encens se dégageait dans le couloir sombre.


- C'est là ! affirma le père d'Angie. Je ne peux pas t'accompagner ma puce...


- Je sais ! le coupa Angie tout en frappant à la porte.


Un silence insoutenable régnait dans cet endroit glauque. Angie était morte de peur mais elle ne voulait pas le montrer à son père, elle voulait que pour une fois dans sa vie, il ne s'inquiète pas pour elle. La jeune fille frappa de nouveau, attendit quelques minutes mais ne voyant aucune réponse, elle ouvrit lentement la porte de l'appartement. Elle s'avança timidement, retenant son souffle.


Soudain une énorme voix grave se fît entendre !


- Viens par ici !


Dans le fond de la pièce principale, Angie distinguait un homme assis à même le sol, quelques bougies éclairées la grande pièce. La peur commençait à envahir le corps de la jeune femme, elle sentait son coeur s'accélérer, ses mains devenaient moites, sa respiration quasiment impossible... L'ombre de l'homme devenait floue, elle avait l'impression que la terre se dérobait sous ses pieds...


- Nan, pas maintenant se disait elle.


Elle tomba à genoux, fixant l'homme qui restait toujours immobile. Angie prit son médaillon entre ses doigts et le fît tourner sur lui-même, elle essaya de se calmer, faisant le vide dans sa tête, elle ferma les yeux. La peur était toujours présente, elle ne s'en allait jamais très vite mais la jeune femme avait appris à la gérer un minimum. L'homme commença à parler, mais Angie n'écoutait pas, elle ne voulait pas écouter...


Une main se posa sur son front tandis qu'une autre lui prît le poignet. Elle ouvrit les yeux et vît devant elle un homme hideux couvert de peintures aztèques sur son visage, il prononçait des mots qu'elle ne comprenait pas, des mots sortis de nulle part. Une étrange sensation de chaleur l'envahit subitement, elle avait l'impression que son âme s'échappait, elle perdit pied avec la réalité, son esprit était vide, la jeune femme ne pouvait plus penser, ses membres se figèrent, puis plus rien...


Soudain la sensation inverse s'empara d'elle, le froid la pénétra, la faisant grelotter. Angie était recroquevillée sur elle-même, la main toujours sur son médaillon, mais quelque chose avait changé, elle le sentait. L'odeur d'encens avait disparu, la voix de l'homme aussi. Le sol était froid et humide, comme-ci elle était sur un trottoir, des bruits de fond se faisaient entendre mais elle les distinguait mal. Angie n'osait pas bouger, encore moins ouvrir les yeux...


Mais où était elle ?! Qu'est-ce qui s'était passé ?!

La coalition des glandus étaient en marche pour sa rébellion ! La pauvre Cassie, terrorisé par les chiens, se mit à engueuler Georges comme un putois. Lui qui voulait juste être sympa et compatir à l'aversion de cette dernière pour les canidés, le voilà bien accueilli. Il était loin de se douter que la seule évocation du nom de "chien" pouvait la mettre dans cet état.
Jade également enfonçait le clou en geignant que rien ne les atteindrait, qu'il n'aurait pas ce qu'il voulait. De quoi ? Il ne comprenais pas ce sous entendu ? Le prenaient-elles pour un papy pervers ? Vraiment, le sens du discernement de Jade était aussi lumineux qu'un néon d'égout...

"Hey les filles, c'est un type de cinquante ans en pyjama de patient dans des égouts qui vous dit ça, et vous prenez ça tellement à coeur ?"

C'était toujours la même chose, il était malade. Il avait tellement de défilés d'idées qui paradaient dans sa tête qu'il sentait le besoin d'ouvrir une soupape, cette dernière étant sa bouche qui débitaient alors un flot malgré lui navrant de paroles insistantes. Ah que ces pouvoirs lui manquaient. Auparavant, personne n'aurait pu se targuer de le voir aussi vulnérable, sans barrière, aussi misérable et peu éloquent, dans l'incapacité de réfléchir correctement, et aussi lourd sur des sujets qui n'en demandait pas tant.

Il posa sa main sur le crâne de Cassie et lui ébouriffa les cheveux. Il avait été refroidi par sa réaction, et décida de partir devant tout seul pour bouder tout son content.
Les néons délabrés n'éclairaient les tunnels que par des halos lugubres intermittents. Ainsi eut-il du mal à en croire ses yeux lorsque soudain apparu un nouveau type, comme ça, sans rien pour prévenir, sans éclair à la Terminator ou un petit *plop !* de circonstance. Il semblait encore plus déphasé qu'il n'avait pas l'air vraiment clean non plus... Il voulait connaître la direction du port. Mais à peine Georges voulut répondre : on est en plein milieu des terres, y'a pas de port ici ducon, que le nouveau venu s'embarqua dans un tripe félin.

Il avait détecté la présence d'un chat qui observait le curieux groupe d'un œil gourmand tout en remuant la queue. Peut-être que l'animal avait vu en Jade et ses ailes une potentielle volaille à se mettre sous la dent ? Ce bestiole plaisait décidément bien à Georges ! Il s'en approcha avec des « petit petipetipetit... » en guise d'apprivoisement, attrapa l'objet de panique par le col et le plaça sur son épaule. La nouvelle mode des capitaines pirates.
Le chat chercha son équilibre en enfonçant ses griffes dans la maigre chair de son perchoir, ce qui lui tira quelques « argh... ! »

« Et bah, entre la grosse dinde, les chiens et les chats, notre équipage va pouvoir s'appeler les 30 millions d'amis ! »

Tandis que le cinquantenaire grattouillait le cou de son nouvel ami, apparut dans un ronronnement d'extase, une nouvelle personne. Cette forme humanoïde et recroquevillée sur elle même semblait apprécier de patauger dans de la boue verdâtre. Mais que se passait-il à la fin ? Pourquoi tant de monde apparaissait, ici précisément et dans un intervalle de temps aussi réduit ? Ce plan cosmique échappait au capitaine, et il ne s'en souciait guère. Il se contenta de dire :

« Comptez pas sur moi pour faire un cours de rattrapage. »

Il tourna les talons, enjamba la rousse à terre, et s'enfonça dans un tunnel obscur. Après tout elles ne voulaient pas de lui, alors, il allait faire comme il l'avait toujours fait auparavant, se débrouiller seul. Et si jamais il avait besoins de compagnons, alors il en engagerait. Le groupe put voir ainsi la silhouette d'un homme mûr, en pyjama d’hôpital avec un chat à l'épaule qui se léchait encore les babines disparaître progressivement dans le noir.

Les voix qu'entendait Angie s'approchaient de plus en plus, mais la jeune fille ne parvenait toujours pas à les comprendre, ou peut-être qu'elle ne voulait tout simplement pas les entendre. Toujours recroquevillée sur elle-même, elle ne voulait pas faire le moindre geste, elle aurait aimé pouvoir aller jusqu'à arrêter sa propre respiration afin de devenir invisible aux yeux des inconnus qui s'approchaient d'elle. Elle ferma les yeux encore plus fort, donnant ainsi à son visage une drôle d'expression. La même question la taraudait toujours, mais où pouvait-elle bien être ?!

Elle aurait pu tout simplement se lever et s'avancer vers ces gens, mais tout cela lui était impossible, elle était comme tétanisée, trop de nouveautés pour la jeune fille, trop de choses différentes qu'elle n'arrivait pas à gérer et encore moins à comprendre. Angie voulait retrouver son monde, ses habitudes, son père... La présence de son père lui manquait atrocément, il était toujours là quand elle ne se sentait pas bien, elle avait besoin de lui continuellement. Il avait mis sa vie de côté pour sa petite fille, il avait abandonné tous ses rêves pour elle. Souvent elle s'en voulait pour ça et à chaque fois elle essayait de s'éloigner de lui afin qu'il puisse être heureux, mais ça ne servait à rien, il était vital pour elle d'être à ses côtés, il lui donnait la force d'avancer.

Des larmes commencèrent à perler aux coins de ses yeux, elle ne voulait pas pleurer, Angie voulait être forte, réussir là où elle avait toujours échoué. La jeune essaya quelques instants d'oublier la situation dans laquelle elle s'était retrouvée. Elle fit le vide dans sa tête, libéra ainsi son esprit de toutes ces choses qui l'effrayaient. Il lui fallait penser à autres choses pour tout oublier. Elle essaya de se remémorer sa dernière soirée chez elle...

Elle n'avait pas quitté sa chambre, même quand son père était monté la prévenir que le dîner était prêt, la jeune fille avait gentiment refusé de descendre prétextant un stupide mal de ventre. Angie était allongée sur son lit, ses cheveux roux étalés sur ses oreillers, un livre entre les mains, elle se sentait pas trop mal.

La jeune fille essaya de se rappeler de l'histoire du livre, elle pourrait ainsi s'évader quelques instants de ce monde effrayant...

C'était un vieux livre, trouvé dans le fin fond du grenier, la couverture et les pages étaient jaunies par le temps. On avait du mal à y déchiffrer le titre... "Horreur d'égout-ant" semblait-il. C'était l'histoire d'un jeune prof de philo et de son étudiante. Une catastrophe les avait obligés à se cacher dans les égouts plusieurs semaines. Une histoire d'amour liait les deux jeunes personnages. Des zombies dirigeaient le monde extérieur...

Des bruits de pas s'approchèrent rapidement d'Angie, tous les efforts qu'elle venait de faire pour oublier tout ça volèrent en éclats. Elle ne pourrait rien changer, elle était là et elle ne pouvait pas s'échapper... La voix d'un homme bougonnant quelques mots se fit entendre plus distinctement. Mais la jeune fille restait toujours immobile. Elle sentit soudainement quelques choses la frôler, elle ouvrit les yeux par instinct et réussit juste à distinguer l'ombre d'un homme. Il paraissait assez âgé, il avait une drôle d'allure avec ses habits, quelque chose bougeait sur son épaule, mais d'où elle était Angie ne distinguait pas ce dont il s'agissait...

Finalement, il aurait du dire la vérité tout de suite. Une fois qu'il eut fini ses paroles, La femme « normale » semblait compatir pour lui. L'obscurité empêchait le toqué de voir les réactions des deux filles mais apparemment elles ne restaient pas indifférentes.
En revanche, Allan avait beau être complètement perdu, il eut la ferme impression que sa détresse ne fit ni chaud ni froid au cinquantenaire. Ce dernier lui tourna le dos avant de se payer littéralement sa tronche, induisant le fait que sa méchanceté provient du fait qu'il soit né avec le mauvais sexe. Les pensées d'Allan ajoutèrent de l'agacement à son incompréhension : Qu'est-ce qu'il lui arrivait à celui-là? Pourquoi un tel traitement? Si le seul problème de ce monsieur était de garder pour lui les deux demoiselles, qu'il se les gardent!

Le poing d'Allan se referma sous l'énervement. Toutefois, il ne pouvait rien faire alors que la femme ailée tenait toujours sa batte. Allaient-elles aider le vieil hurluberlu s'il venait à lui faire ravaler ses paroles? Comme par signe du destin, la première demoiselle (la normale) commença à crier sur l'homme âgé. La deuxième s'y mit par la suite. Super, elles se liguaient contre lui! Il pouvait alors essayer de les avoir dans sa poche. L'homme mûr resterait alors seul alors que lui serait en charmante compagnie! Mais si c'était si simple... Il fallait encore qu'Allan comprenne ce qu'il se passe ici, et où c'était, « ici ».
L'ange vint ensuite à la rencontre d'Allan. La main délicate aux doigts fins qui se referma sur le poignet d'Allan cachait bien sa force. Allan fut tiré en toute grâce mais avec une facilité qui ne devrait pas être permise entre une fillette à peine majeure et un homme dans la fleur de l'âge. Décidé à accepter ses excuses, Allan allait remercier la femme ailée pour son soutien (et exprimer son mécontentement sur la manière d'agir de l'ex-pirate) quand l'éclat répété du néon offrit à Allan une vue des étranges : Entre deux éclairement un homme mal sapé venait d'apparaitre. Le jeune homme, en pleine conscience, ne comprenait pas plus la situation que lui, et demandait son chemin. L'ange promit de tout expliquer, et c'était pas de refus. Tout s'embrouilla encore plus dans la tête d'Allan, comme une rafale de vent qui emporte les feuilles de l'automne, chaque feuille représentant une interrogation, une idée, une pensée d'Allan. Toutefois, dans ce désordre volant, des morceaux sortirent de la brise et se rassemblèrent. Allan comprenait un peu mieux, mais c'était surréaliste! Il fallait qu'il confirme sa pensée! Allan pointa alternativement le nouveau et la cynophobe:

Que? Ce type viens de se téléporter, là, à l'instant! Et toi! Tu n'as pas dit être venue pareil que moi? On se téléporte ici en fait? On est mort ou dans un monde parallèle? Nan, nan, laissez tombé... Mais on est où?

Ça y est, Allan perdait le court de ses pensées. Le nouveau prit peur d'un chat que le vieil homme récupéra avant de le poser sur son épaule. C'était à la mode chez les jeunes, de mettre un animal de compagnie (rat, furet, iguane, …), mais il avait passé l'age de ce mettre à la mode celui-là vue ses goûts vestimentaires!

De nouveaux éclats de néon, cette fois c'était une jeunette, recroquevillée en boule au sol, qui venait d'apparaitre. Allan ne rêvait pas c'est sur! Un ange, deux téléportations, et tout cela plus réel que ne pouvait l'être cette scène! Le doyen du groupe semblait trouver la scène commune. Cela arrivait souvent ici? Et c'était où ici bordel! Allan entendit le doyen marcher jusqu'à passer au dessus de l'adolescente recroquevillée sans même un geste pour l'aider et continuer sa route. Allan en profita pour prendre la parole :

Déjà, ce vieux bougre ne m'inspire pas. Il est qui cet homme? Et déjà, Vous êtes un ange? Pourquoi on se téléporte ici, c'est le paradis? Tt ça est insensé, s'il vous plait, demoiselle ange, expliquez-moi.

Allan c'était mal formulé avant la confusion. En fait, il aurait voulu dire « expliquez-nous ». Les sourcils froncés, la mine grave, le trentenaire attendait une réponse, une réaction, un geste, 'importe-quoi qui aurait pu l'aider de la part de la femme aux ailes.

Après la phobique des chiens, le phobique des chats. Pas besoin d’être un génie pour le comprendre en voyant le jeune homme déboussolé se mettre à hurler à la vue d’un pauvre matou que l’errance aveugle avait mené ici, à moins que ce ne soit la présence fortement concentrée de rats. Une jeune fille était apparue de nulle part une poignée de secondes plus tard et Jade ne put que se pincer l’arête du nez en se demandant ce qui se passait exactement. Un plaisantin avait placé un aimant à voyageurs dans les égouts ? L’exil massif avait provoqué des perturbations qui ramenaient les gens ici pour une raison ou pour une autre ?

Impossible de réfléchir avec Georges qui en remettait une couche. Le capitaine avait l’air déterminé à se faire passer pour une victime, un paria. Il fuyait comme un lâche, faible et vêtu de son pyjama d’hôpital, le chat sur son épaule rajoutant une touche d’un comique pitoyable. Où est-ce qu’il allait comme ça tout seul ? Il allait juste mourir !

- Qu’est-ce que… HEY ! REVENEZ !

Sans lui prêter attention il avait enjambé la rousse à terre et l’adolescente serra les poings, frustrée de son impuissance. Malgré ce qu’il lui avait fait elle ne pouvait supporter l’idée de le laisser à la merci de tous les prédateurs qui rodaient dans le coin. L’avalanche de questions d’Allan ne fit que renforcer la tension qui habitait son corps frêle. Elle comprenait cette détresse, cette incompréhension mais… elle ne savait pas si elle aurait la force de tout expliquer et de retenir son ancien bourreau en même temps.

- On est dans un monde parallèle et lui c’est… c’est le capitaine. Georges Mikles. Je crois pas être un ange c’est juste un pouvoir et le paradis ici ? Franchement ?

La voix de la psychotique se brisa en un rire sans joie alors qu’elle pressait le pas pour tenter de rattraper le cinquantenaire. Heureusement la force physique défaillante de l’homme le poussait à adopter un rythme peu soutenu et la brunette n’eut donc pas de mal à arriver à sa hauteur avec sa vitesse doublée. Elle posa la main sur l’épaule décharnée juste devant elle sans se soucier de déranger le chat qui y était juché.

- Attendez ! Vous allez mourir tout seul, vous avez tout perdu ! Je… je veux pas vous voir mourir. Et vous n’avez même pas de plan ! Laissez-nous juste le temps de leur expliquer les bases, vous pouvez au moins faire ça ?

L’esclavagiste s’arrêta, l’air boudeur. Il ne disait rien mais au moins il ne bougeait pas, elle prit donc ça pour un accord tacite. Elle lui prit la main pour le pousser à faire quelques pas en arrière mais se stoppa net en se rappelant que le doyen avait l’objet de la terreur d’un des nouveaux juché sur son épaule. Bon, une bonne dizaine de mètres suffiraient et la voix portait bien dans ces tunnels…

- Bon écoutez-moi tous : vous n’êtes pas chez vous. Ce n’est pas notre monde. Nous sommes ce qu’on appelle des voyageurs, des étrangers dotés de pouvoirs liés à nos pathologies mentales. On peut venir ici par l’hypnose, le coma, la drogue… et pleins d’autres moyens. On ne peut pas en repartir comme on veut alors le but c’est de survivre jusqu’à notre réveil. Première étape : sortir de cette ville. Des questions ?

"Sauvé du moment que le matou ne soit effrayé et détale dans ma direction" pensa Matthew profitant du sursis offert par le présumé capitaine Georges. Attentif même si la confusion le gagnait lui aussi, il écouta l'ange qui se disait ne pas l'être. De nombreuses informations filtrèrent et s'infiltrèrent dans sa tête.
Un monde parallèle, ça existe vraiment ? N'était-on pas en train de lui raconter des bobards ? Pourtant c'était réel. Une fille avait bel et bien apparut comme par enchantement dans le périmètre. Et puis la fille ailée avait mentionné la drogue dans son discours, en tant que l'une des causes de ce qui leur arrivait. Justement c'était la dernière chose qu'il avait consommé. Ensuite, tous ces gens étaient atteint de pathologies, enfin c'est ce qu'elle disait. Une pathologie ça ne se repère pas du premier coup d'oeil, la sienne était la phobie des chats et sans l'intervention d'un des nombreux matous regorgeant sur cette terre, elle aurait pu paraître inaperçue. Ces compagnons d'infortunes ne présentaient aucuns troubles visibles, sauf la petite rousse venue du néant, visiblement apeurée. "L'espace restreint et l'obscurité étouffante y sont pour quelque chose", pensa t-il. Elle était peut être claustrophobe, Dieu seul le savait...

- J'ai l'impression qu'Angéla sait comment sortir d'ici..

Ce qui le chiffonnait dans toute cette histoire, outre ses habits salis et la présence de chats dans les environs était qu'ils devaient hériter d'un pouvoir. Un pouvoir, une sorte d'avantage en quelque sorte. Jusqu'ici sa phobie lui avait littéralement pourrie la vie dans bien des situations, qu'elle puisse devenir un atout était impensable. Il avait même prétexté une allergie aux poils de chat en guise de feinte pour ne pas révéler sa phobie qui prêtait à sourire. Ce qui le rendait si misérable aux yeux de gens normaux allait le rehausser ? Il en doutait... Cependant cet espoir de revanche résonnait en lui comme un soulagement. En ce qui concernait la survie, il ne comprit pas ce qu'elle voulait dire par là. Certes, elle devait parler de la circulation d'armes et de leur usage. Matthew avait apprit à parer tout type d'arme allant de la bâte de baseball au pistolet. Pour ce dernier, il savait qu'il n'avait pas droit à l'erreur. La dernière qu'il pourrait commettre avant de rejoindre père et mère de l'autre côté. Bref il ne savais pas trop ce qu'il pouvait y avoir à la surface d'aussi dangereux. Et si le danger venait des pouvoirs ? Si cette hypothèse s'avérait juste, le moyen utilisé pour faire capituler l'adversaire serait à son tour d'utiliser son pouvoir. Mais quel pouvoir ? Il ne s'était pas encore manifesté. Cette réflexion incessante enrichie par plus de questions que de réponses lui donnèrent mal au crâne. Il en regretta presque de s'être procurer de la drogue chez ce vendeur à la sauvette. Il secoua sa tête comme pour chasser ce qui le perturbait puis passa sa main dans ses cheveux et se souvint qu'il devait mettre les points sur les i. Il lança un regard accusateur à l'homme d'affaire.

-Ce type il a un nom et son nom c'est Matthew. Matthew Owens..

Georges disparaissait peu à peu dans la noirceur des tunnels, bien décidé à faire le chemin tout seul, en boudant bien comme il faut. Il traînait ses savates exprès, avait les bras croisés et fit une moue de tout les diables. Faire la grimace lui allait très mal, car son visage s'en trouvait horriblement défiguré, et toutes les rides le marquaient profondément. C'était voir un labrador se muer en bouledogue, un changement assez choquant mais assez hilarant. Il avait usé de cette technique fut un temps pour dérider une jeune et riche héritière, qui par le biais d’événements plus ou moins hors de propos, avait finit par financer une partie du SlavedogMillionnaire, son plus magnifique navire.

Il n'avait pas feint d'aller plus loin que la voix de Jade résonna pour le dissuader de s'aventurer seul plus avant. Il s'immobilisa quelques secondes, tiraillé par la joie qu'on le retienne et par la vexation. Il consentit tout de même à revenir un peu vers eux, en traînant toujours les pieds. Il buta sur quelque chose. Ah oui, c'était cette pauvre petite toujours recroquevillée sur elle même dans la fange et la boue. La position foetale lui allait si bien. Georges lui lança une série de coups de pieds.

« Allez, debout la bleusaille ! Les explications ont commencés, on recommencera pas pour tout le monde. »

Il gratifia son chat perché de quelques gratouilles en lançant un regard sévère vers Matthew.

« C 'est qui Angéla ? La seule personne qui sait comment sortir, c'est elle, fit-il en désignant nonchalamment Jade, parce qu'elle a un plan du paradis. »

Non mais franchement, s'indignait le capitaine, dire que le paradis ressemblait à des égouts, il fallait vraiment avoir de la merde dans les yeux, ou avoir les idées religieuses d'un ragondin. Il perdit vite cette idée au profit d'une autre qui parlait de l'histoire d'un rat d'égout qui avait pataugé dans une flaque de liquide radioactif et s'était mué en un homme-rat maître des art-martiaux.
Il respira un bon coup, et s'emplit donc les poumons d'un air nauséabond qui le ramena à la réalité. Il voulait partir. Sa boutade précédente avait également pour but de ne pas resté fixé à cet endroit telle une moule sur son rocher. S'ils ne changeaient pas de position, il allait y avoir du vilain. Le rat géant baveur d'acide pouvait débarquer d'un instant à l'autre, alléché par les odeurs de chairs fraîches. Au même titre que les tortues ninja, attirés par la tête de pizza de certains des nouveaux.

Georges n'osait plus l'ouvrir. D'une parce qu'il n'avait pas envie de se refaire rabrouer, et de deux, parce qu'il boudait. Mais il trépignait d'impatience, se tortillant comme un enfant presque débordé par son envie plus que pressante.

Une lumière jaunâtre se rapprochait dans le dos du groupe de voyageurs. Ce n’était pas Chocobéaine, non, mais son maitre qui, une fois n’était pas coutume, avait perdu sa trace. Tout le tintamarre causé par ses semblables l’avait alerté et il était venu voir, des fois qu’il s’agissait de son fidèle ami rongeur, mais il ne rencontra qu’une troupe de jeune gens, dirigée par cet homme visiblement plus vieux là.

- Ça-ça alors, en-encore des vi-visiteurs dans les ég-outs ! Je ne pen-pensais plus en voir d-depuis…

Le halo de sa lanterne, nouvelle acquisition dont il était fier, illumina chacun des visages étrangers, quitte à en aveugler plus d’un, et ses yeux s’écarquillèrent lorsqu’il aperçut Jade.

- Ooooh, en-encore vous !

Une euphorie qui ne laissait pas forcément présager de bonnes nouvelles fit rayonner le visage du « jeune-vieillard ». Si l’ermite n’avait toujours pas quitté les rives de la quarantaine depuis son entrevu avec l’adolescente, son apparence elle, avait au moins pris cinq ans ; il avait l’air plus fatigué, plus courbé, plus fragile. Il sembla hésiter un instant en regardant la psychotique, car si ses souvenirs étaient exacts, elles étaient censées être deux jumelles, et l’une était moins commode que l’autre. Bon, celle-ci avait des ailes d’ange, elle ne pouvait qu’être la bonne âme des deux.

- J-je vous re-reconnais ! V-vous av-ez dé-déjà ramené mo-mon choco u-une fois !

Avec une rapidité qu’on ne lui soupçonnerait pas, il sautilla jusqu’à Jade et se cramponna à son bras. Il dressa vers elle ses yeux las et humides, ronds comme ceux qu’un enfant qui réclamait une sucrerie avec toute la force de sa candeur :

- V-vous m’ai-deriez en-encore une f-fois hein ?! Vou-vous êtes t-tous des vo-voyageurs, n-non ?!

L’ermite sentit qu’il devrait au moins s’expliquer. Il se moucha dans sa vieil chemise, sans se soucier de dégouter la jeune fille qu’il avait en face de lui, et commença son récit d’une voix brisée et fatiguée :

- J-j’étais dans l-les ég-outs, co-comme d’habitude… et-et j’me suis sou-soudain réveiller là-là-bas.

Aucun geste, en réalité, il faisait référence au monde réel.

- J’ai réuss-ssi à re-revenir, m-mais Choco m’a en-encore échappé… ça-ça m’inquiète p-parce que de-depuis mon re-retour, je crois q-que quelque chose rôde d-dans le coin !

Le jeune-vieillard laissa échapper un gémissement plaintif. Mon dieu, que deviendrait-il si son rat venait à mourir ? La solitude serait bien le pire des fléaux qui pourrait l’atteindre dans son refuge. Se tournant vers les autres, il poursuivit en dégoulinant de désespoir :

- C’est u-un petit rat ss-si mignon… en-en plus, il est-est d-devenu p-plus sage ! Il ré-répond m-même à son n-nom quand on-on l’appelle, mais j-je crois qu-que je ne cr-crie pas assez f-fort. Ai-aidez-moi s-s’il vous plait, ra-ramenez-le ! J-je vous offrirai c-ce que j’peux, co-comme la d-dernière fois !



[HRP : Alors, je m'adresse notamment aux nouveaux voyageurs, ce message marque le début d'une mini-quête. Celle-ci n'est pas obligatoire, vos personnages peuvent très bien décider de faire bande à part (enfin, il faut être au moins 2 quand même lol), mais mener cette petite aventure à terme vous permettra de remporter des récompenses : objets et xp bonus selon la performance. Vous avez donc tout interêt à y participer, ne serait-ce que pour pimenter un peu votre situation !

Pour ceux qui n'ont pas suivi la première version du forum, l'ermite des égouts est un voyageur caché là depuis une dizaine d'année. Son pouvoir principal est d'invoquer un rat géant à la bave aussi corrosive que l'acide et à l'agressivité décuplée. Aux dernières nouvelles, il mesurait 1m50 pour 75kg, mais avec le temps qui s'est passé, il est certainement plus gros désormais.

Pour ceux qui voudrait lire la précédente quête de l'ermite (qui n'était pas MJitée par moi), rendez-vous ici. La prochaine personne qui répondra ne devra pas le faire à la suite, mais plutôt ouvrir un nouveau topic du style "A la recherche de Chocobéaine", "scouts des égouts" ou que sais-je encore, avec l'indication [mini-quête] à coté.

Pour toute question, envoyez un MP sur le compte de Melena . Amusez-vous bien !]

Votre aventure se poursuit ICI