Premiers pas à Elipse

L’obscurité tranchée par le faisceau lumineux ne semblait que plus profonde, plus inquiétante. Le première réflexe que jade eut en voyant quelqu’un en jaillir pour se retrouver inondé par la lumière de sa torche fut de sursauter avant de brandir sa batte de baseball en avant. Elle était si morte de trouille qu’elle n’arrivait pas à comprendre que l’homme qui lui faisait face partageait ses sentiments. Seul et perdu dans son costard plus si impeccable que ça, ses mèches éparses collées à la sueur qui dégoulinait de son front.

- STOP ! Ne fais pas un pas de plus ! criailla-t-elle pathétiquement en faisant des moulinets maladroits avec son arme.

Il s’arrêta aussitôt, l’air troublé. Le néon défaillant éclairant un moment la scène avant de disparaitre tel un éclair fugace. Tout était trop étrange, les paroles de l’inconnu sonnaient faux, celles naïves mais peut-être vraies de Cassie la terrifiaient. Qu’il s’approche ? Non ! Non ! Surtout pas ! Elles ne savaient pas qui il était, d’où il venait… et si c’était un traitre ? Et s’il était descendu les chercher ??

La voix de Jay restait coincée dans sa gorge, et le fait de savoir qu’on attendait sa réponse augmentait la pression qui faisait ployer ses frêles épaules. S’il était comme eux, le rejeter sans information serait le tuer. S’il était un elipsien qui se jouait d’eux… le laisser approcher signerait peut-être leur arrêt de mort. Son cœur s’emballait alors que toutes ces pensées se chamboulaient dans son crâne jusqu’à lui en donner la migraine. Alors que ses yeux bleus passaient de l’inconnu à Cassie puis à Georges, encore et encore, l’adolescente finit par murmurer :

- Je ne peux pas… je ne peux pas le laisser venir. Et si c’était un piège ? Et s’il nous avait entendus tout à l’heure et venait pour nous attirer dans une embuscade un peu plus loin ? Et s’il avait une arme ? Comment faire confiance à quelqu’un qui commence par nous mentir avec son histoire farfelue de chute ??

Elle transpirait désormais à grosses gouttes, sa combinaison techyoïte moulante mélange d’un noir abyssal et d’un blanc éclatant souillé de çà et là par les immondices des bas-fonds collant sa peau moite. Tout comme sa tenue semblait le suggérer, elle se sentait comme une extra-terrestre, sur une autre planète. Tous ses repaires étaient chamboulés. Elle avait fait confiance trop de fois et à tort, au point d’en payer le prix par un viol. Sans Elie, tout courage l’avait déserté. Elle était seule, elle était faible… non, c’était bien trop dangereux.

L’ainé de leur groupe qui persistait à conserver son mutisme semblait s’amuser de la situation, pour l’agacement complet de la demoiselle paniquée. En désespoir de cause et ne sachant quoi faire de mieux, Jade haussa le ton pour s’adresser à l’homme qui lui faisait face, toujours éclairé par sa lampe de poche.

- On peut plus te laisser partir maintenant que tu nous as vu donc on va… euh… te demander de retirer tes vêtements et on te ligotera avec le temps de mettre assez de distance entre toi et nous. Si t’es sage on préviendra quelqu’un pour qu’on t’envoie de l’aide.

Sa tentative pour paraitre ferme et sure d’elle était réduite à néant par les tremblements de sa voix. C’était pas son truc, être courageuse. Elle avait oublié jusqu’à la définition de ce mot il y a longtemps déjà.

- Allez ! Dépêche-toi !

La bonne jumelle agita sa lampe si fort pour le presser à s’activer que le tuyau ressembla l’espace d’un instant à une discothèque avec effet stroboscopique. C’est à peu près à cet instant qu’à Freedoom son double se retrouva avec un flingue pointé entre les deux yeux. Aussitôt, à des milliers de kilomètres de là dans les boyaux putrides des égoûts d’Elipse, Jade sentit quelque chose dans son dos. Comme si deux gros parasites tentaient de s’extirper de son corps au niveau de ses omoplates, mais sans pour ressentir de douleur pour autant. Sous la pression, certaines des fermetures éclair de sa combinaison s’ouvrirent pour laisser jaillir une paire d’ailes blanches comme neige.

Jay resta un moment interdite au milieu de la pluie de plumes, hésitant à ranger son arme pour tâter ses nouveaux membres. Son air perdu et surprit ne faisait que la rendre plus fragile… angélique en somme.

- Je… que… c’est quoi ce bordel ? Qu’est-ce qui m’arrive ?

"Tu es la bienvenue, Fillette." Souffla Georges après que Cassie eut exprimer son contentement pour ses explications. Cependant elle ne semblait guère convaincue de la situation dans laquelle elle se trouvait. A croire qu'elle cherchait une caméra subtilement caché dans ce lieu des plus sordides. C'était peut être Cieline qui l'avait, remarqua-t-il pour lui même. Il ne prit pas la peine de répondre aux aboiements de Cassie concernant cette disparition. A l'instant même où elle s'évanouissait dans l'obscurité, c'était déjà trop tard. Cela arracha à Georges un haussement d'épaules. La nouvelle se fit à cette fatalité, juste avant de craquer pour de bon. Elle se mit à nier l'évidence, haussant dangereusement la voix. Ce n'était pas tellement cela qui froissait le vieil homme, mais l'exentrique du groupe, c'était lui !

Avant qu'il ait pu dire un mot, la jeune latine sortit un couteau. "Chouette !" Trépigna Georges. Un meurtre en direct, comme ça elle ne viendrait plus lui remettre en pleine tête cette petite boutade de vente aux esclaves. Mais au lieu de trancher la gorge trop bruyante de Cassie, Jade retourna la lame sur elle. Quel spectacle réjouissant tout de même. Bon, elle aurait pu faire mieux, m'enfin c'était toujours mieux que rien. La plaie saignait, avant de se résorber.

"C'est le bon côté de DreamLand", nargua-t-il.

L'affaire enfin réglée, il fut convenu de prendre une pause un peu plus loin. Ils s'assirent sur de gros tubes rouillés, glacés et cabossés. Les deux donzelles entreprirent les féminités typiques, tandis que Georges plongeait ses mains dans ses poches délabrées. Il en sortit des miettes...

"Pe-tit petitpetit !" Appela-t-il en distribuant ses résidus alimentaires. Quelques rats vinrent timidement à ses pieds pour léchouiller la maigre pitance offerte. Ils le remercièrent de couinements sincères. Enfin, ça, c'était dans sa tête.
Les filles, elles, discutaient chiffon. Georges s'incrusta :

"Moi, je sais ce que je vais faire. Je m'en retourne chez moi, dans mon domaine au bord de la mer. Y-a tout mon trésor là-bas. Et moi c'est Georges, mais on le savait déjà non. Et Jade, si vous me permettez, c'est un très joli prénom, le nom... d'un caillou, pouffa-t-il. Autant s'appeler quartz, ou silice, ou feldspasth, ou grès mica..."

Il fut interrompu par la venue inopinée d'un être étrange. Serait-ce le come back de Ciéline ? Ah, ou alors elle aurait pris du poids, changé de vêtements et changé de sexe. Un inconnu débaroulait encore. L'inquiétude des filles montait en intensité. C'était peut être un traitre gna gna gna.

"Non, moi je sais ! Intervint le cinquantenaire en pointant l'intrus du doigt. Avec son costar, ce ne peut-être qu'un agent secret !"

Alors qu'il se trouvait derrière la femme caillasse, il fut bousculé par ce qui surgit de son dos. Des ailes blanches immaculées !
"Et ba ça, c'est pas mal du tout, Commenta-t-il. Des ailes de pigeons !"

C'est le moment que choisit le sombre inconnu aux problèmes d'élocution pour s'enfuir. Il fuit tellement vite qu'il ne vit pas le mur devant lui. Encore un champion, s'exclama Georges, laissant les autres à la torpeur provoquée par la poussée frénétique d'une paire d'ailes. Georges en avait vu des choses, suffisamment pour ne pas se laisser endormir par ce genre de phénomène mystérieux. Il préféra rejoindre l'imbécile étourdit. Allait-il lui sauver la vie en lui évitant la noyade dans une eaux boueuse et pleine de déjections bicentenaires ? Ou simplement l'aider à retrouver ses esprits en lui administrant une bonne paire de claques revigorante ? Non, il l'attrapa par le col puis déclara d'un ton solennel :

"C'est bon, sur l'étiquette c'est écrit Made in Taiwan, on a rien à craindre."

Cassie se tenait toujours derrière Jade comme pour se protéger et en même temps encourager sa "compagnonne d'infortune". Elle avait bien donné son avis sur cet homme en le pensant inoffensif, certes menteur mais perdu. Cependant, Jade n'était pas de cet avis. Elle était dans ce monde depuis beaucoup plus longtemps que Cassie et par conséquent elle savait reconnaitre les bonnes des mauvaises personnes et savait lorsqu'il fallait se méfier ou non de quelqu'un. Pour le moment la cynophobe ne pouvait que s'écraser face à ses décisions. Elle chuchota à la jumelle:

-Tu as peut-être raison.. Fait comme tu le sens mais ne lui fais pas de mal..

Cassie attendit alors que Jade déclame à l'inconnu la suite des événements et lorsque ce fut fait, elle ouvrit de grands yeux surprit, horrifiés même par ce qu'elle avait décidé. Elle chuchota en bafouillant:

-Retirer ses vê.. mais.. Le ligoter...le?

Choquée par ses propos, la cynophobe ne rajouta pourtant rien et baissa la tête, peinée par le sort qui était réservé à cet inconnu. La voix de Jade était chargée de peur malgré qu'elle voulut paraitre franche et sûr.

*C'est une fille courageuse*

Pensa Cassie, plongée dans ses pensées lorsqu'une force inconnue provenant du dos de Jade vint l'éjecter quelques mètres derrière. Propulsé brutalement au sol, Cassie poussa un cri de douleur mêlé à de la peur et tomba sur les fesses en se réceptionnant sur ses poignets. De là où elle était, elle ne vit rien que la pénombre et ne savait pas ce qu'il s'était passé quand un éclair du néon tout proche éclaira le tunnel. En une brève seconde, la cynophobe aperçu deux grandes ailes blanches telles celles d'un ange accrochées au dos de la jumelle paniquée. Émerveillée, elle oublia sa douleur aux poignets et se redressa en disant lentement:

-Tu es... un ange...!

Elle n'en revenait pas.. Elle avait envie d'en voir plus mais une fois de plus la pénombre réapparue. Le front crispé, elle se concentra sur la silhouette de Jade quand sa vision se transforma soudainement! Elle l'a voyait! Pas très nette et pas très détaillée mais elle voyait la couleur de ses vêtements, sa silhouette, la forme des ses ailes..

-Quelles sont belles..

lança-t-elle. Un chien était passé par là, au dessus d'elle, dans les rues d'Ellipse sans qu'elle ne le sache. Soudainement Cassie observa aussi une différence dans sa perception des odeurs comme allant de paire avec sa nouvelle vue.

-Oh non ça revient!

Elle ne pu admirer plus longtemps les ailes d'ange de Jade. Ce n'était vraiment pas le lieu approprié pour récupérer l'odorat d'un chien. Elle se souvint que la dernière fois que ce phénomène était apparu chez elle, c'était qu'il y avait un chien prêt d'elle. Affolée, elle se mit alors à scruter les environs, jusqu'au bout du tunnel en répétant:

-Un chien, il y a un chien! Ou il est! Ou il est! Aidez moi!!

Mais elle ne perçu aucune présence canine. Sans s'en rendre compte, elle se recula jusqu’à pratiquement se blottir dans la douceur des ailes de la jumelle. Elle se calma un temps et remarqua que, malgré que les odeurs soit fortes, elles étaient moins agressives que la dernière fois. Comme si elle pouvait à présent un peu mieux trier les pires odeurs des plus douces. Toutefois, pas encore assez habituée à une telle sensibilité olfactive, la cynophobe mit sa main sur son nez, le cœur battant par la peur de voir apparaitre un chien.C'est a ce moment là que Georges déclara que l'inconnu était inoffensif. Rassurée sur ce point, Cassie lança:

-Partons vite d'ici avant qu'il n'arrive alors.. Je vous en prie..

La traiter de caillou puis de pigeon… le capitaine avait bien régressé depuis leur dernière rencontre. Un vrai gamin à peine sortit de maternelle, si naturellement taquin et absurde qu’il n’était pas possible lui en vouloir très longtemps. Si Elie aurait pensé que ce n’était qu’une ruse pour se rapprocher des gens, les dépouiller, les trahir et les vendre, Jade ne vit en ces paroles sporadiques et potentiellement blessantes des vaines tentatives pour nouer des liens. Après tout n’avait-il pas tout perdu ? Ses compagnons corsaires, ses pouvoirs, son self-control. Le grand Georges Mikles pataugeait dans la fange aux côtés d’une bande de greluches écervelées, il avait de quoi perdre les pédales.

Forte de ses convictions douteuses, Jade pouvait accorder toute son attention aux transformations que son corps venait de subir. Que voulaient bien pouvoir dire ces ailes ? En quoi pourraient-elles aider à sa guérison ? Ce n’était pas comme si elle avait été acrophobe ou ornitophobe…

- Je pige pas… je pige vraiment pas…

L’adolescente caressa les plumes immaculées qu’elle éclairait de sa lampe de poche, ses yeux écarquillés comme ceux d’un enfant le matin de noël. Est-ce qu’elle pouvait voler ? Elle aurait tant aimé, pour fuir toujours plus loin, toujours plus haut, rejoindre les nuages et s’y perdre pour ne plus jamais avoir à subir la moindre douleur. Jade ferma les yeux pour visualiser ce doux songe, quitte à se couper totalement de la réalité, mais la voix de Cassie la fit redescendre sur terre. Elle ne s’était même pas rendue compte que l’homme s’était enfuis ; et avait vaguement compris que la jeune femme lui avait fait un compliment avant de se mettre à hurler sur tous les toits qu’il y avait un chien. Un chien ?

Réminiscence de la nuit sanglante, Jade se retourna brusquement pour éclairer les environs, et ce à une vitesse qui la surprit elle-même. Elle retenta un nouveau mouvement, puis un autre, gesticulant de manière assez ridicule. Seule l’obscurité la protégeait de nouvelles moqueries de la part du capitaine mais elle s’en fichait bien. Son impression s’était révélée exacte : elle était devenue plus rapide. Beaucoup plus rapide.

- C’est génial ! Je crois que je n’ai pas que des ai… commença-t-elle avant qu’un cri de la cynophobe ne l’interrompe de nouveau.

Retour brutal à la réalité, Jade essaye de se concentrer plus de deux secondes d’affilées sur la possible présence d’un chien dans les égouts. Plus d’un bas-rouge y errait peut-être encore à l’heure actuelle et sa vitesse ne servirait à rien dans une course poursuite contre des bêtes avec ces deux appendices dans son dos qui la ralentiraient. Son examen rapide des alentours ne révéla rien d’autre que de la pourriture, des déchets et des rats. Comme pour les raffermir cette impression de sécurité relative, Georges choisit ce moment pour affirmer que l’inconnu n’était pas un danger.

Jade renifla de manière méprisante, se refusant à regarder dans la direction de son ainé. Qu’est-ce qu’il en savait ? Il avait un détecteur à traitre sur lui ? Et c’était quoi cette histoire de made in Taiwan ?! Ça devenait vraiment n’importe quoi. Il était plus que temps de mettre les pendules à l’heure.

- Calme-toi Cassie, y’a pas l’ombre d’un chien. Il devait être au-dessus, dans la rue. Et toi… comment tu peux être si sûr de toi ? Qui te dit que ce n’est pas un elipsien qui veut notre peau et qui essaye de nous attirer dans un piège ?

Elle croisa les bras pour se donner de la contenance et éteignit sa torche dans le but d’économiser des piles et de ne pas avoir à subir les regards moqueurs qu’on pourrait lui adresser. La journée était déjà assez dure comme ça, il n’y avait franchement pas besoin d’en rajouter.

- La dernière fois que j’ai mis les pieds dans cette ville on a pointé une arme sur moi dans l’intention de me tuer, on m’a poursuivi, forcé à chasser un rat géant… j’ai été harcelée sexuellement par un cuisinier obèse avant d’être chassée des égouts par des chien enragés, poursuivie par une foule en colère et manquée d’être écrabouillée par une météorite. Elipse porte la poisse, alors moi quand je croise un mec dans les égouts j’ai dû mal à penser qu’il est totalement blanc. Apporte moi des preuves et je reverrais peut-être mon jugement, mais hors de question que je voyage en sa compagnie sans ça !

Allan reprenait peu à peu ses esprits. La douleur de son front l'empêchait de ressentir l'eau croupie qui s'imbibait dans ses cheveux et lui trempait le dos. Le vieil homme du groupe le tira par le col avant de traiter son smocking de « made in Taïwan ». Mais que... C'est de la pure conception américaine! Une petite fortune ce smocking! Comment osait-il!
Fort de sa dignité, Allan retira la main de l'homme de son costume. Que croyait-il faire avec sa vanne de mauvais goût? Allan se releva ensuite, tanguant légèrement à cause de son mal de crane. Un regard sur sa main lui indiqua qu'il l'avait pas loupé, le mur! Il n'avait rien pour arrêter l'hémoragie, la seule chose à faire était de garder ses mains les plus saines possible (ce qui n'était pas une mince affaire dans les égouts) et plaquer sa main contre son front pour ralentir la coagulation.

Il entendit une voix hurler : il s'agissait de la cynophobe, hurlant qu'un chien rodait. La femme aux « ailes de pigeons » chercha de partout à l'aide de sa lampe torche avant d'affirmer qu'aucun chien ne trainait. Son affirmation devait-elle être rassurante? Difficile à croire, vu l'intonation irritable sur laquelle elle l'eut dite. Ensuite, elle parla d'Allan avec des mots qu'il ne comprenait pas : Venait-elle de le traiter d'élyptien? C'est une nouvelle insulte à la mode chez les jeunes? Un rat géant c'est à dire? 15 cm? Wouha, elle en a vécu des épreuves la pauvre, et elle vient encore dans les égouts? Je les éviteraient pourtant après m'être fait poursuivre par des chiens enragés. D'ailleurs était-ce ces chiens là que craignait l'autre ado? Puis si elles pouvaient crier un peu moins fort les deux, parce que là j'ai un horrible mal de crane...

ça suffisait. Cette suite d'élément d'incompréhension commençait à vraiment mettre les nerfs du toqué à bout. Pour couper court à la voix trop élevée de la jumelle, Allan intervient en criant :

Stop maintenant! S'il vous plais! Ecoutez, j'ai passé une très mauvaise journée, d'accord! Oui je vous ai menti, je ne suis pas tombé ans les égouts, je sais même pas depuis quand je suis là!

C'est vrais après tout, étais-je resté inconscient quelques heures ou plusieurs jours?

J'étais à un rendez-vous pour une séance de soin par l'hypnose, je me suis endormi et quand je me suis réveillé j'étais dans ces égouts! Ce type m'a volé tout mes biens hors mis mon costume, bien heureusement! Je vous ai entendu alors j'ai accouru pour chercher de l'aide. Vous me menacez, vous vouliez m'attacher, vous... vous... Et vous avez des ailes! Hurlais-je, haletant, en pointant la jumelle de ma main pleine de sang. Du coup j'ai pris peur et je me suis ouvert le crâne, en grande partie par votre faute! J'ai énormément mal au crane, alors vous êtes priées d'arrêter de crier!

Je marquai un temps de pause. Il fallait que je m'assois. Un éclat du néon défaillant au dessus de ma tête m'indiqua un rebord potable. Je m'y dirigea et pris place. Ce même éclat me permit de bien m'assurer la présence des ailes de la jeunette. Une fois posé, j'expirais un bon coup, calais ma tête entre mes mains et poursuivis en fixant le sol :

Je rêve pas hein? J'ai trop mal pour que tout ça ne soit qu'un rêve. Alors quoi? Je nage pas en plein délire, tout le monde les a vu ces ailes... Qu'est-ce qu'il se passe ici? Et on es où? On est pas à San franscisco hein? C'est la pire journée de ma vie... Enfin je crois...

Le fait de parler de pire journée de sa vie lui rappelait l'accident des maisons, son passage au tribunal, le début de sa maladie. Ouai, c'était presque pire...

La journée prenait une sacrée tournure. C'était dans une cascade navrante de sommation de se taire que les voix s'élevait de plus en plus. Cette agitation n'était pas pour lui déplaire. En plus de la décérébrée qui avait une peur panique visiblement des chiens, il y avait Jade qui développait son tempérament de victime pleureuse. Ce n'était pas avec une attitude comme cela qu'elle allait s'en sortir. Preuve en est sa série de déboires lamentables. Si elle voulait continuer sans encombre, il lui fallait plus de jugeote. Bien que le smoking ne venait véritablement pas de Taïwan, ce costume venait bien d'une fabrique de textile d'une ville Terrienne, non Dreamlandienne. Ce maladroit parti sucré les fraises n'était qu'un pauvre voyageur de plus. Il fit part de ses réflexions à la demoiselle incapable de brandir une arme sans trembler comme une feuille.

Il déplia ses vieux genoux. Les remarques firent mouche, ce qui semblait loin de plaire à la jumelle. Mais l'une des clés de la survie dans ce milieu hostile, c'était justement d'être malin, et de ne pas hésiter à se salir les mains. Tous, autant qu'ils furent, avaient ou allaient commettre un crime plus ou moins intentionnellement. Ici, personne, et encore moins un voyageur, ne pouvait rester blanc comme neige, y compris mademoiselle pauvre-de-moi.

L'inconnu reprenait connaissance. Encore une pleureuse de plus. Le voilà qu'à peine remis de son violent black out, il se mettait à geindre et à raconter sa vie inintéressante qui néanmoins confirmait la théorie du voyageur. Georges décrocha rapidement et lui tourna le dos. Le courant des ses pensées l'entraina de l'hypnose à un cours qu'il avait reçu dans sa jeunesse sur la reproduction des oursins. Il reprit au moment qui l'interpella le plus, avant de répondre.

"Tu veux dire que si t'as oublié de tourner au virage, c'est de notre faute ? Pauvre petit, tu n'iras pas bien loin... Et c'est pas moi qui vais te faire un topo, j'en ai déjà fait un et tu manques... d'attributs pour que je te fasse cet honneur."

La pire journée de sa vie, ah, il allait en voir défiler une bonne cohorte d'autres. Georges retourna auprès de la femme ailée et de la cynophobe. Ils s'étaient suffisamment reposé (ou pas), mais dans tout les cas, ce chahut allait certainement attirer du monde. Et Georges ne tenait pas à être là lorsque ce serait le cas.

"Alors Cheftaine, par où on va ?" Lui lança-t-il sans aucun complexe, comme s'il ne lui avait rien dit de désobligeant quelques minutes auparavant.
"C'est pas tout ça mais, j'aimerais mieux ne pas être là quand... Il glissa les derniers mots à l'oreille de Cassie... quand les chiens vont arriver..."

*Pas l'ombre d'un chien... Au dessus, dans la rue* se répétait la cynophobe pour se calmer.

Elle regarda au plafond et en effet, il n'était pas vraiment haut. Elle se souvint alors que la dernière fois que son pouvoir olfactif c'était déclenché, cela avait été du à la présence d'un chien dans les environs. Lors du job de la passe de l'envol, un chien se trouvait sur la banquette arrière de la voiture d'un usager du péage. A présent, elle savait que seule la proximité d'un chien pourrait déclencher ses pouvoirs et elle n'avait pas forcément besoin de le voir. Rassurée qu'il n'y ait aucun danger canin dans les égouts, la cynophobe entreprit une série d'inspiration et d'expiration afin de rejeter tout son stress et penser à autre chose. L'odeur n'était pas toujours agréable lorsqu'elle ne faisait pas attention et parfois elle inspirait malgré elle des vents de moisissure, eaux stagnantes et ordures en décomposition. Ce qui lui tira de nombreuses grimaces et une envie de vomir. Pas fameux! Mais en se concentrant, elle pouvait mettre en avant un groupe d'odeur particulier sans pour autant savoir d'où celles-ci provenaient.

C'était amusant! Elle ne comprenait toujours pas pourquoi elle était dotée de ces pouvoirs, selon elle probablement une faculté spécifique de protection lui étant attribué dès sa venue à Dreamland lui servant à repérer les chiens alentours par leur odeur et même la nuit! En tout les cas, Cassie était loin de s'imaginer transformée en chien un jour ou l'autre mais elle espérait qu'avec un peu d'exercice, elle puisse un jour arriver à cibler ce qu'elle souhaitait sentir dans l'air ainsi que voir plus distinctement la nuit, ce qui serait rudement pratique. Plongée dans ses pensées, Cassie releva la tête au milieu du discours de Jade lorsqu'elle entendit le mot "chien enragé". Elle tenta de comprendre la suite de ses propos et bien vite elle comprit que la jumelle retraçait son parcours a Ellipse.

*Elle a été face a des chiens enragés*

Rien qu'a l'idée, la cynophobe fut parcourut d'un frisson désagréable et bien vite elle chassa cette idée tandis que Jade monta d'un cran dans son estime. Soudain l'inconnu piqua une crise sommant tout le monde de l'écouter. Il avoua son mensonge et raconta son histoire. Cassie se reconnue parfaitement dans son récit et elle s’avança pour dire pleine d'enthousiasme:

-Oui c'est ça! C'est pareil pour moi! Je le crois moi!

Elle le pointa du doigt, geste inutile dans la mesure où le quatuor se trouvait dans le noir. Seule elle pouvait voir les formes dans la pénombre la plus totale. Un éclat du néon indiqua les positions de chacun et éblouie Cassie qui mit sa main devant ses yeux. Elle observait toujours Allan qui s'était assis. Ça lui faisait un peu de peine de le voir comme ça. Elle voulait aller le réconforter mais n'en fit rien car elle ne souhaitait pas créer de problème à ceux qui avait accepté sa présence dans leur groupe. Georges s'approcha alors pour demander la suite des événement et chuchota a l'oreille de Cassie ce qu'elle redoutait précisément. A ses mots, la cynophobe resta figée, debout comme un piquet et pour ne pas ceder à la panique, elle se remémora les mots de Jade:

*Pas l'ombre d'un chien... Au dessus, dans la rue*

Ce qui l'apaisa immédiatement, puis ne laissant pas à Georges le temps de partir et de lui tourner le dos, elle s'avança vers lui et l'attrapa par la manche. Prenant une grande inspiration, elle lança:

-Pourquoi tu me dis ça à moi? C'est quoi le but? Tu crois peut-être que je suis une peureuse? J'ai peut-être une peur bleue des chiens mais sache que j'ai pas peur de toi moi!

Autant que ce soit dit, Cassie avait peut-être des airs de fille fragile et peureuse mais elle ne se laissait pas faire! Alors quitte a devoir rester avec Georges et Jade, autant que cela se passe dans le bonnes conditions. La cynophobe se tenait fermement sur ses jambes prête à recevoir la réaction de Georges. Elle l'observait, scrutant le moindre de ses gestes tandis que lui, ne voyait surement rien. Elle avait donc un avantage. Dans la pénombre, elle prit doucement la main de Jade dans la sienne.


++++ HRP ++++

Au sujet du muffins, je le veux au chocolat-pépite de chocolat =3
~ Waf! ~

Les couinements pathétiques d’Allan en tristes reflet de ses propres réactions firent vibrer la corde sensible dans le cœur de Jade. Il avait vraiment l’air sincère cette fois ci et… déboussolé. Elle pouvait comprendre ça, ne l’avait-elle pas été elle-même ? Et même maintenant qu’elle avait pris ses marques elle restait toujours la proie facile, l’enfant apeurée qu’elle était à ses débuts de voyageuse. L’intervention du mot « hypnose » dans le discours de l’homme acheva de la convaincre en la couvrant du même coup de honte. Elle l’avait traité de menteur, d’elipsien, de danger. Elle avait proposé de l’attacher et de l’abandonner dans les égouts au beau milieu de la crasse et de la vermine. C’était ça alors, qu’elle était devenue ? Si ses parents la voyaient…

Le regret et la compassion la bouleversaient à un point tel que des larmes lui venaient aux yeux. Elle s’était tellement fixée sur elle-même qu’elle ne se rendait plus compte de son égoïsme. Le dégoût de soi était si fort en cet instant qu’elle en tremblait. Il fallait faire ou dire quelque chose pour rattraper le coup, mais quoi ?

- Je…

Le capitaine anéantit aussitôt ses efforts en rabrouant le business man avant de partir dans un délire un brin macho. Et il lui demandait quel chemin prendre comme si rien ne s’était passé ! Comme s’ils étaient amis ! Comment… comment pouvait-il agir de manière aussi désinvolte ?! Le néon grésilla un instant et illumina les traits offusqués de l’adolescente qui restait bouche bée, ce qui lui donnait l’air d’un poisson hors de l’eau. C’est voir la réaction de Cassie après que leur ainé lui eut murmuré quelque chose à l’oreille qui lui rendit sa mobilité, et sa langue par la même occasion.

Vu la réaction de son homologue féminin ce n’avait pas dû être des mots doux mais plutôt des menaces. Quelque chose qui devait être lié à sa peur des chiens. C’était le moment ou jamais de faire une démonstration de solidarité féminine ! Jade pressa la main qui s’était glissée dans la sienne en signe de réconfort puis prit la parole en tentant de conserver son calme précaire.

- Ça suffit maintenant, avec toutes tes piques et tes remarques désagréables ! Je ne sais pas ce que tu cherches à faire mais tu n’auras pas ce que tu veux. Toutes… toutes tes insultes glisseront sur nous.

Peu convainquant mais c’était mieux que rien. Elle s’avança alors vers Allan sans lâcher la main de Cassie et s’accroupie pour lui faire face. La psychotique coinça sa lampe torche sous son aisselle et tendit sa main libre à l’homme avachi pour le remettre debout.

- Allez relève toi. Je suis désolée pour ce que j’ai dit plus tôt. J’ai paniqué… je panique facilement.

Sans attendre de véritable réaction elle glissa ses doigts autour du poignet d’Allan et tira en se relevant. Elle s’attendait à devoir fournir des efforts importants mais au lieu de ça elle réussit cette effort avec une facilité déconcertante, comme si… comme si sa force avait doublé. Un autre effet de sa nouvelle transformation ? Savoir qu’elle pourrait enfin être utile était une bonne chose, mais dépendre de la mise en danger d’Elie la mettait mal à l’aise. D’ici elle ne pouvait rien pour elle, mais son double se sortirait de cette situation délicate. Elle y arrivait toujours.

L’adolescente lâcha avec douceur Al’ et récupéra sa lampe afin d’observer son plan à la lumière blafarde. Elle était à peu près sûre de l’endroit où ils se trouvaient, il fallait juste prendre à droite puis continuer sur une 100ène de mètres et…

*PLOP*

La brunette papillonna des yeux, une fois puis deux avant de lâcher un juron à mi-voix. Un jeune homme venait de se matérialiser devant eux comme par magie. La lumière du néon le dévoila un instant, l’air aussi perdu que l’homme d’affaire. Un autre voyageur ? Encore ?

- N’ai pas peur ! On va tout t’expliquer ! commença-t-elle pour limiter tout déclenchement de panique avant d’ajouter moins convaincue, Enfin on va essayer…

Matthew sentit l'humidité du sol. Il crut d'abord que le bateau avait une fuite mais l'endroit où il se trouvait été radicalement différent de celui où il s'était endormi en fumant son joint. Tout d'abord le sol boueux et l'obscurité l'intriguèrent, aurait-il dormi si longtemps ? Par de là le hublot de sa cabine, le temps paraissait pourtant clair...

Il se releva couvert de boue, un néon l'éclaira un instant, puis une source de lumière inconnue vint parcourir l'endroit ou il se trouvait. Une voix tout aussi inexpliquée s'adressa à lui. C'était une jeune fille. Mais une jeune fille avec des ailes et une tenue sophistiquée. Si l'endroit avait parut moins lugubre, plus accueillant et sans odeurs nuisibles, Matthew l'aurait pris pour le paradis. Cependant, il constata qu'elle n'était pas seule. D'autres gens se tenaient derrière elle et ne possédaient aucun attribut d'oiseau. Il remarqua un homme vêtu d'un costard, l'air blafard, un autre le regardait, suspicieux. Une autre fille se tenait à leur côté. Elle tenait fermement la main de la fille ailée et semblait être de mauvaise humeur.

Outre tout ce petit monde, son joint avait disparut et l'état de ses vêtements n'arrangèrent en rien son humeur. N'ayant aucune envie de taper la causette avec ce qu'il pensait être des gens revenus d'une soirée, il fit demi-tour et partit dans une direction opposée à eux, mais tomba sur un mur. Dépité, il se tourna vers le groupe.

- Vous savez dans quelle direction se trouve le port ? il tâta le mur en même temps qu'il se déplaçait dans le noir. Et comment sortir de cet endroi...

Une inquiétude l'empêcha de terminer sa phrase. Où plutôt un son. Des cris multiples et aigus non loin de là fusaient. Ces cris, il les avait déjà entendu. Des cris de rats, fuyant un danger. Le danger en question ne pouvait être qu'un prédateur. Ces avertissements avaient la dernière fois été précédés par l'arrivée d'un chat.

- Chat ! hurla t-il.

Il fit volte face, dos au mur. Il sentit les rats courir et escalader ses chaussures. Lui, ne bougea pas, tétanisé par l'apparition de yeux brillants juste derrière le groupe d'individus à qui il avait adressé la parole un peu plus tôt. Son salut, depuis toujours était la fuite. Mais fuir où ? Le jour de la chute dans la crevasse revint le hanter.

-Non pas encore, pensa t-il tout bas, avant de fermer les yeux.

Sa respiration saccadée se mêla aux cris des rats, ponctuée de temps à autre par un "miaou" de la bête.

- Allez debout Angie ! Il est l'heure ! une voix familière réveilla la jeune femme.


- Huuum ... Pas encore 'Pa je veux dormir.


Angie avait du mal à ouvrir les yeux comme-ci son âme lui disait de rester encore un peu dans le monde de la nuit. Angie aimait ce monde, un monde où l'angoisse de la mort ne venait jamais la déranger, c'était le seul endroit où elle se sentait toujours en sécurité...


Son père s'approcha doucement du lit, il regarda sa petite fille luttant pour ouvrir les yeux. Il se mit à genoux en lui caressant la joue.


- Ma puce, allez s'il te plaît, on va être en retard, lui murmura-t-il.


- Mais 'Pa ! Je veux pas, j'en peux...


Peter, c'était son nom, l'interrompît. Il savait très bien qu'Angie ne supportait plus tous ces rendez-vous inutiles, toutes ces heures perdues. La jeune fille était persuadée que personne ne pourrait la guérir et elle s'était faite à cette idée. Elle avait maintenant ses habitudes, elle savait comment gérer ses crises, mais son père s'en voulait tellement... Il aurait donné sa vie pour retrouver la petite fille joyeuse de 7 ans qu'elle était...


- Chuuut, je le sais.


Il avait envie de lui promettre que c'était la dernière fois et que cette fois elle s'en sortirait, mais il ne pouvait pas, c'était déjà bien trop dur pour lui de la voir dans cet état.


- Je t'attends en bas, dit-il en s'éloignant de la chambre.


Les minutes s'écoulaient et Angie ne voulait toujours pas ouvrir les yeux, enroulée dans sa couette, elle comptait les secondes qui défilaient inexorablement. "


- C'est la dernière fois ! pensa-t-elle en se levant machinalement du lit.


Angie se dépêcha d'enfiler son jean et son pull, le passage par la salle de bain lui servit juste pour un brossage rapide de ses dents. Elle descendit en trombe l'escalier qui menait à la salle où son père l'attendait. Un sourire se dessina sur ses lèvres lorsqu'il la vu arriver.


- Angie... Tu aurais pu te coiffer quand même...


Il savait que sa fille n'allait lui donner aucune réponse, elle attrapa son sac à dos qu'elle ne quittait jamais et suivit son père.


Le trajet en voiture fût court mais suffisamment long pour qu'Angie s'endorme.


- On y est !


C'est en sursaut qu'Angie se réveilla, voilà il était l'heure, elle ne pouvait plus faire demi-tour. Son père l'accompagna jusqu'au 11ème étage de cet immeuble délabré, le numéro de l'appartement avait été taggé laissant apparaître 666 au lieu de 36, une odeur d'encens se dégageait dans le couloir sombre.


- C'est là ! affirma le père d'Angie. Je ne peux pas t'accompagner ma puce...


- Je sais ! le coupa Angie tout en frappant à la porte.


Un silence insoutenable régnait dans cet endroit glauque. Angie était morte de peur mais elle ne voulait pas le montrer à son père, elle voulait que pour une fois dans sa vie, il ne s'inquiète pas pour elle. La jeune fille frappa de nouveau, attendit quelques minutes mais ne voyant aucune réponse, elle ouvrit lentement la porte de l'appartement. Elle s'avança timidement, retenant son souffle.


Soudain une énorme voix grave se fît entendre !


- Viens par ici !


Dans le fond de la pièce principale, Angie distinguait un homme assis à même le sol, quelques bougies éclairées la grande pièce. La peur commençait à envahir le corps de la jeune femme, elle sentait son coeur s'accélérer, ses mains devenaient moites, sa respiration quasiment impossible... L'ombre de l'homme devenait floue, elle avait l'impression que la terre se dérobait sous ses pieds...


- Nan, pas maintenant se disait elle.


Elle tomba à genoux, fixant l'homme qui restait toujours immobile. Angie prit son médaillon entre ses doigts et le fît tourner sur lui-même, elle essaya de se calmer, faisant le vide dans sa tête, elle ferma les yeux. La peur était toujours présente, elle ne s'en allait jamais très vite mais la jeune femme avait appris à la gérer un minimum. L'homme commença à parler, mais Angie n'écoutait pas, elle ne voulait pas écouter...


Une main se posa sur son front tandis qu'une autre lui prît le poignet. Elle ouvrit les yeux et vît devant elle un homme hideux couvert de peintures aztèques sur son visage, il prononçait des mots qu'elle ne comprenait pas, des mots sortis de nulle part. Une étrange sensation de chaleur l'envahit subitement, elle avait l'impression que son âme s'échappait, elle perdit pied avec la réalité, son esprit était vide, la jeune femme ne pouvait plus penser, ses membres se figèrent, puis plus rien...


Soudain la sensation inverse s'empara d'elle, le froid la pénétra, la faisant grelotter. Angie était recroquevillée sur elle-même, la main toujours sur son médaillon, mais quelque chose avait changé, elle le sentait. L'odeur d'encens avait disparu, la voix de l'homme aussi. Le sol était froid et humide, comme-ci elle était sur un trottoir, des bruits de fond se faisaient entendre mais elle les distinguait mal. Angie n'osait pas bouger, encore moins ouvrir les yeux...


Mais où était elle ?! Qu'est-ce qui s'était passé ?!

La coalition des glandus étaient en marche pour sa rébellion ! La pauvre Cassie, terrorisé par les chiens, se mit à engueuler Georges comme un putois. Lui qui voulait juste être sympa et compatir à l'aversion de cette dernière pour les canidés, le voilà bien accueilli. Il était loin de se douter que la seule évocation du nom de "chien" pouvait la mettre dans cet état.
Jade également enfonçait le clou en geignant que rien ne les atteindrait, qu'il n'aurait pas ce qu'il voulait. De quoi ? Il ne comprenais pas ce sous entendu ? Le prenaient-elles pour un papy pervers ? Vraiment, le sens du discernement de Jade était aussi lumineux qu'un néon d'égout...

"Hey les filles, c'est un type de cinquante ans en pyjama de patient dans des égouts qui vous dit ça, et vous prenez ça tellement à coeur ?"

C'était toujours la même chose, il était malade. Il avait tellement de défilés d'idées qui paradaient dans sa tête qu'il sentait le besoin d'ouvrir une soupape, cette dernière étant sa bouche qui débitaient alors un flot malgré lui navrant de paroles insistantes. Ah que ces pouvoirs lui manquaient. Auparavant, personne n'aurait pu se targuer de le voir aussi vulnérable, sans barrière, aussi misérable et peu éloquent, dans l'incapacité de réfléchir correctement, et aussi lourd sur des sujets qui n'en demandait pas tant.

Il posa sa main sur le crâne de Cassie et lui ébouriffa les cheveux. Il avait été refroidi par sa réaction, et décida de partir devant tout seul pour bouder tout son content.
Les néons délabrés n'éclairaient les tunnels que par des halos lugubres intermittents. Ainsi eut-il du mal à en croire ses yeux lorsque soudain apparu un nouveau type, comme ça, sans rien pour prévenir, sans éclair à la Terminator ou un petit *plop !* de circonstance. Il semblait encore plus déphasé qu'il n'avait pas l'air vraiment clean non plus... Il voulait connaître la direction du port. Mais à peine Georges voulut répondre : on est en plein milieu des terres, y'a pas de port ici ducon, que le nouveau venu s'embarqua dans un tripe félin.

Il avait détecté la présence d'un chat qui observait le curieux groupe d'un œil gourmand tout en remuant la queue. Peut-être que l'animal avait vu en Jade et ses ailes une potentielle volaille à se mettre sous la dent ? Ce bestiole plaisait décidément bien à Georges ! Il s'en approcha avec des « petit petipetipetit... » en guise d'apprivoisement, attrapa l'objet de panique par le col et le plaça sur son épaule. La nouvelle mode des capitaines pirates.
Le chat chercha son équilibre en enfonçant ses griffes dans la maigre chair de son perchoir, ce qui lui tira quelques « argh... ! »

« Et bah, entre la grosse dinde, les chiens et les chats, notre équipage va pouvoir s'appeler les 30 millions d'amis ! »

Tandis que le cinquantenaire grattouillait le cou de son nouvel ami, apparut dans un ronronnement d'extase, une nouvelle personne. Cette forme humanoïde et recroquevillée sur elle même semblait apprécier de patauger dans de la boue verdâtre. Mais que se passait-il à la fin ? Pourquoi tant de monde apparaissait, ici précisément et dans un intervalle de temps aussi réduit ? Ce plan cosmique échappait au capitaine, et il ne s'en souciait guère. Il se contenta de dire :

« Comptez pas sur moi pour faire un cours de rattrapage. »

Il tourna les talons, enjamba la rousse à terre, et s'enfonça dans un tunnel obscur. Après tout elles ne voulaient pas de lui, alors, il allait faire comme il l'avait toujours fait auparavant, se débrouiller seul. Et si jamais il avait besoins de compagnons, alors il en engagerait. Le groupe put voir ainsi la silhouette d'un homme mûr, en pyjama d’hôpital avec un chat à l'épaule qui se léchait encore les babines disparaître progressivement dans le noir.

Les voix qu'entendait Angie s'approchaient de plus en plus, mais la jeune fille ne parvenait toujours pas à les comprendre, ou peut-être qu'elle ne voulait tout simplement pas les entendre. Toujours recroquevillée sur elle-même, elle ne voulait pas faire le moindre geste, elle aurait aimé pouvoir aller jusqu'à arrêter sa propre respiration afin de devenir invisible aux yeux des inconnus qui s'approchaient d'elle. Elle ferma les yeux encore plus fort, donnant ainsi à son visage une drôle d'expression. La même question la taraudait toujours, mais où pouvait-elle bien être ?!

Elle aurait pu tout simplement se lever et s'avancer vers ces gens, mais tout cela lui était impossible, elle était comme tétanisée, trop de nouveautés pour la jeune fille, trop de choses différentes qu'elle n'arrivait pas à gérer et encore moins à comprendre. Angie voulait retrouver son monde, ses habitudes, son père... La présence de son père lui manquait atrocément, il était toujours là quand elle ne se sentait pas bien, elle avait besoin de lui continuellement. Il avait mis sa vie de côté pour sa petite fille, il avait abandonné tous ses rêves pour elle. Souvent elle s'en voulait pour ça et à chaque fois elle essayait de s'éloigner de lui afin qu'il puisse être heureux, mais ça ne servait à rien, il était vital pour elle d'être à ses côtés, il lui donnait la force d'avancer.

Des larmes commencèrent à perler aux coins de ses yeux, elle ne voulait pas pleurer, Angie voulait être forte, réussir là où elle avait toujours échoué. La jeune essaya quelques instants d'oublier la situation dans laquelle elle s'était retrouvée. Elle fit le vide dans sa tête, libéra ainsi son esprit de toutes ces choses qui l'effrayaient. Il lui fallait penser à autres choses pour tout oublier. Elle essaya de se remémorer sa dernière soirée chez elle...

Elle n'avait pas quitté sa chambre, même quand son père était monté la prévenir que le dîner était prêt, la jeune fille avait gentiment refusé de descendre prétextant un stupide mal de ventre. Angie était allongée sur son lit, ses cheveux roux étalés sur ses oreillers, un livre entre les mains, elle se sentait pas trop mal.

La jeune fille essaya de se rappeler de l'histoire du livre, elle pourrait ainsi s'évader quelques instants de ce monde effrayant...

C'était un vieux livre, trouvé dans le fin fond du grenier, la couverture et les pages étaient jaunies par le temps. On avait du mal à y déchiffrer le titre... "Horreur d'égout-ant" semblait-il. C'était l'histoire d'un jeune prof de philo et de son étudiante. Une catastrophe les avait obligés à se cacher dans les égouts plusieurs semaines. Une histoire d'amour liait les deux jeunes personnages. Des zombies dirigeaient le monde extérieur...

Des bruits de pas s'approchèrent rapidement d'Angie, tous les efforts qu'elle venait de faire pour oublier tout ça volèrent en éclats. Elle ne pourrait rien changer, elle était là et elle ne pouvait pas s'échapper... La voix d'un homme bougonnant quelques mots se fit entendre plus distinctement. Mais la jeune fille restait toujours immobile. Elle sentit soudainement quelques choses la frôler, elle ouvrit les yeux par instinct et réussit juste à distinguer l'ombre d'un homme. Il paraissait assez âgé, il avait une drôle d'allure avec ses habits, quelque chose bougeait sur son épaule, mais d'où elle était Angie ne distinguait pas ce dont il s'agissait...

Finalement, il aurait du dire la vérité tout de suite. Une fois qu'il eut fini ses paroles, La femme « normale » semblait compatir pour lui. L'obscurité empêchait le toqué de voir les réactions des deux filles mais apparemment elles ne restaient pas indifférentes.
En revanche, Allan avait beau être complètement perdu, il eut la ferme impression que sa détresse ne fit ni chaud ni froid au cinquantenaire. Ce dernier lui tourna le dos avant de se payer littéralement sa tronche, induisant le fait que sa méchanceté provient du fait qu'il soit né avec le mauvais sexe. Les pensées d'Allan ajoutèrent de l'agacement à son incompréhension : Qu'est-ce qu'il lui arrivait à celui-là? Pourquoi un tel traitement? Si le seul problème de ce monsieur était de garder pour lui les deux demoiselles, qu'il se les gardent!

Le poing d'Allan se referma sous l'énervement. Toutefois, il ne pouvait rien faire alors que la femme ailée tenait toujours sa batte. Allaient-elles aider le vieil hurluberlu s'il venait à lui faire ravaler ses paroles? Comme par signe du destin, la première demoiselle (la normale) commença à crier sur l'homme âgé. La deuxième s'y mit par la suite. Super, elles se liguaient contre lui! Il pouvait alors essayer de les avoir dans sa poche. L'homme mûr resterait alors seul alors que lui serait en charmante compagnie! Mais si c'était si simple... Il fallait encore qu'Allan comprenne ce qu'il se passe ici, et où c'était, « ici ».
L'ange vint ensuite à la rencontre d'Allan. La main délicate aux doigts fins qui se referma sur le poignet d'Allan cachait bien sa force. Allan fut tiré en toute grâce mais avec une facilité qui ne devrait pas être permise entre une fillette à peine majeure et un homme dans la fleur de l'âge. Décidé à accepter ses excuses, Allan allait remercier la femme ailée pour son soutien (et exprimer son mécontentement sur la manière d'agir de l'ex-pirate) quand l'éclat répété du néon offrit à Allan une vue des étranges : Entre deux éclairement un homme mal sapé venait d'apparaitre. Le jeune homme, en pleine conscience, ne comprenait pas plus la situation que lui, et demandait son chemin. L'ange promit de tout expliquer, et c'était pas de refus. Tout s'embrouilla encore plus dans la tête d'Allan, comme une rafale de vent qui emporte les feuilles de l'automne, chaque feuille représentant une interrogation, une idée, une pensée d'Allan. Toutefois, dans ce désordre volant, des morceaux sortirent de la brise et se rassemblèrent. Allan comprenait un peu mieux, mais c'était surréaliste! Il fallait qu'il confirme sa pensée! Allan pointa alternativement le nouveau et la cynophobe:

Que? Ce type viens de se téléporter, là, à l'instant! Et toi! Tu n'as pas dit être venue pareil que moi? On se téléporte ici en fait? On est mort ou dans un monde parallèle? Nan, nan, laissez tombé... Mais on est où?

Ça y est, Allan perdait le court de ses pensées. Le nouveau prit peur d'un chat que le vieil homme récupéra avant de le poser sur son épaule. C'était à la mode chez les jeunes, de mettre un animal de compagnie (rat, furet, iguane, …), mais il avait passé l'age de ce mettre à la mode celui-là vue ses goûts vestimentaires!

De nouveaux éclats de néon, cette fois c'était une jeunette, recroquevillée en boule au sol, qui venait d'apparaitre. Allan ne rêvait pas c'est sur! Un ange, deux téléportations, et tout cela plus réel que ne pouvait l'être cette scène! Le doyen du groupe semblait trouver la scène commune. Cela arrivait souvent ici? Et c'était où ici bordel! Allan entendit le doyen marcher jusqu'à passer au dessus de l'adolescente recroquevillée sans même un geste pour l'aider et continuer sa route. Allan en profita pour prendre la parole :

Déjà, ce vieux bougre ne m'inspire pas. Il est qui cet homme? Et déjà, Vous êtes un ange? Pourquoi on se téléporte ici, c'est le paradis? Tt ça est insensé, s'il vous plait, demoiselle ange, expliquez-moi.

Allan c'était mal formulé avant la confusion. En fait, il aurait voulu dire « expliquez-nous ». Les sourcils froncés, la mine grave, le trentenaire attendait une réponse, une réaction, un geste, 'importe-quoi qui aurait pu l'aider de la part de la femme aux ailes.

Après la phobique des chiens, le phobique des chats. Pas besoin d’être un génie pour le comprendre en voyant le jeune homme déboussolé se mettre à hurler à la vue d’un pauvre matou que l’errance aveugle avait mené ici, à moins que ce ne soit la présence fortement concentrée de rats. Une jeune fille était apparue de nulle part une poignée de secondes plus tard et Jade ne put que se pincer l’arête du nez en se demandant ce qui se passait exactement. Un plaisantin avait placé un aimant à voyageurs dans les égouts ? L’exil massif avait provoqué des perturbations qui ramenaient les gens ici pour une raison ou pour une autre ?

Impossible de réfléchir avec Georges qui en remettait une couche. Le capitaine avait l’air déterminé à se faire passer pour une victime, un paria. Il fuyait comme un lâche, faible et vêtu de son pyjama d’hôpital, le chat sur son épaule rajoutant une touche d’un comique pitoyable. Où est-ce qu’il allait comme ça tout seul ? Il allait juste mourir !

- Qu’est-ce que… HEY ! REVENEZ !

Sans lui prêter attention il avait enjambé la rousse à terre et l’adolescente serra les poings, frustrée de son impuissance. Malgré ce qu’il lui avait fait elle ne pouvait supporter l’idée de le laisser à la merci de tous les prédateurs qui rodaient dans le coin. L’avalanche de questions d’Allan ne fit que renforcer la tension qui habitait son corps frêle. Elle comprenait cette détresse, cette incompréhension mais… elle ne savait pas si elle aurait la force de tout expliquer et de retenir son ancien bourreau en même temps.

- On est dans un monde parallèle et lui c’est… c’est le capitaine. Georges Mikles. Je crois pas être un ange c’est juste un pouvoir et le paradis ici ? Franchement ?

La voix de la psychotique se brisa en un rire sans joie alors qu’elle pressait le pas pour tenter de rattraper le cinquantenaire. Heureusement la force physique défaillante de l’homme le poussait à adopter un rythme peu soutenu et la brunette n’eut donc pas de mal à arriver à sa hauteur avec sa vitesse doublée. Elle posa la main sur l’épaule décharnée juste devant elle sans se soucier de déranger le chat qui y était juché.

- Attendez ! Vous allez mourir tout seul, vous avez tout perdu ! Je… je veux pas vous voir mourir. Et vous n’avez même pas de plan ! Laissez-nous juste le temps de leur expliquer les bases, vous pouvez au moins faire ça ?

L’esclavagiste s’arrêta, l’air boudeur. Il ne disait rien mais au moins il ne bougeait pas, elle prit donc ça pour un accord tacite. Elle lui prit la main pour le pousser à faire quelques pas en arrière mais se stoppa net en se rappelant que le doyen avait l’objet de la terreur d’un des nouveaux juché sur son épaule. Bon, une bonne dizaine de mètres suffiraient et la voix portait bien dans ces tunnels…

- Bon écoutez-moi tous : vous n’êtes pas chez vous. Ce n’est pas notre monde. Nous sommes ce qu’on appelle des voyageurs, des étrangers dotés de pouvoirs liés à nos pathologies mentales. On peut venir ici par l’hypnose, le coma, la drogue… et pleins d’autres moyens. On ne peut pas en repartir comme on veut alors le but c’est de survivre jusqu’à notre réveil. Première étape : sortir de cette ville. Des questions ?

"Sauvé du moment que le matou ne soit effrayé et détale dans ma direction" pensa Matthew profitant du sursis offert par le présumé capitaine Georges. Attentif même si la confusion le gagnait lui aussi, il écouta l'ange qui se disait ne pas l'être. De nombreuses informations filtrèrent et s'infiltrèrent dans sa tête.
Un monde parallèle, ça existe vraiment ? N'était-on pas en train de lui raconter des bobards ? Pourtant c'était réel. Une fille avait bel et bien apparut comme par enchantement dans le périmètre. Et puis la fille ailée avait mentionné la drogue dans son discours, en tant que l'une des causes de ce qui leur arrivait. Justement c'était la dernière chose qu'il avait consommé. Ensuite, tous ces gens étaient atteint de pathologies, enfin c'est ce qu'elle disait. Une pathologie ça ne se repère pas du premier coup d'oeil, la sienne était la phobie des chats et sans l'intervention d'un des nombreux matous regorgeant sur cette terre, elle aurait pu paraître inaperçue. Ces compagnons d'infortunes ne présentaient aucuns troubles visibles, sauf la petite rousse venue du néant, visiblement apeurée. "L'espace restreint et l'obscurité étouffante y sont pour quelque chose", pensa t-il. Elle était peut être claustrophobe, Dieu seul le savait...

- J'ai l'impression qu'Angéla sait comment sortir d'ici..

Ce qui le chiffonnait dans toute cette histoire, outre ses habits salis et la présence de chats dans les environs était qu'ils devaient hériter d'un pouvoir. Un pouvoir, une sorte d'avantage en quelque sorte. Jusqu'ici sa phobie lui avait littéralement pourrie la vie dans bien des situations, qu'elle puisse devenir un atout était impensable. Il avait même prétexté une allergie aux poils de chat en guise de feinte pour ne pas révéler sa phobie qui prêtait à sourire. Ce qui le rendait si misérable aux yeux de gens normaux allait le rehausser ? Il en doutait... Cependant cet espoir de revanche résonnait en lui comme un soulagement. En ce qui concernait la survie, il ne comprit pas ce qu'elle voulait dire par là. Certes, elle devait parler de la circulation d'armes et de leur usage. Matthew avait apprit à parer tout type d'arme allant de la bâte de baseball au pistolet. Pour ce dernier, il savait qu'il n'avait pas droit à l'erreur. La dernière qu'il pourrait commettre avant de rejoindre père et mère de l'autre côté. Bref il ne savais pas trop ce qu'il pouvait y avoir à la surface d'aussi dangereux. Et si le danger venait des pouvoirs ? Si cette hypothèse s'avérait juste, le moyen utilisé pour faire capituler l'adversaire serait à son tour d'utiliser son pouvoir. Mais quel pouvoir ? Il ne s'était pas encore manifesté. Cette réflexion incessante enrichie par plus de questions que de réponses lui donnèrent mal au crâne. Il en regretta presque de s'être procurer de la drogue chez ce vendeur à la sauvette. Il secoua sa tête comme pour chasser ce qui le perturbait puis passa sa main dans ses cheveux et se souvint qu'il devait mettre les points sur les i. Il lança un regard accusateur à l'homme d'affaire.

-Ce type il a un nom et son nom c'est Matthew. Matthew Owens..

Georges disparaissait peu à peu dans la noirceur des tunnels, bien décidé à faire le chemin tout seul, en boudant bien comme il faut. Il traînait ses savates exprès, avait les bras croisés et fit une moue de tout les diables. Faire la grimace lui allait très mal, car son visage s'en trouvait horriblement défiguré, et toutes les rides le marquaient profondément. C'était voir un labrador se muer en bouledogue, un changement assez choquant mais assez hilarant. Il avait usé de cette technique fut un temps pour dérider une jeune et riche héritière, qui par le biais d’événements plus ou moins hors de propos, avait finit par financer une partie du SlavedogMillionnaire, son plus magnifique navire.

Il n'avait pas feint d'aller plus loin que la voix de Jade résonna pour le dissuader de s'aventurer seul plus avant. Il s'immobilisa quelques secondes, tiraillé par la joie qu'on le retienne et par la vexation. Il consentit tout de même à revenir un peu vers eux, en traînant toujours les pieds. Il buta sur quelque chose. Ah oui, c'était cette pauvre petite toujours recroquevillée sur elle même dans la fange et la boue. La position foetale lui allait si bien. Georges lui lança une série de coups de pieds.

« Allez, debout la bleusaille ! Les explications ont commencés, on recommencera pas pour tout le monde. »

Il gratifia son chat perché de quelques gratouilles en lançant un regard sévère vers Matthew.

« C 'est qui Angéla ? La seule personne qui sait comment sortir, c'est elle, fit-il en désignant nonchalamment Jade, parce qu'elle a un plan du paradis. »

Non mais franchement, s'indignait le capitaine, dire que le paradis ressemblait à des égouts, il fallait vraiment avoir de la merde dans les yeux, ou avoir les idées religieuses d'un ragondin. Il perdit vite cette idée au profit d'une autre qui parlait de l'histoire d'un rat d'égout qui avait pataugé dans une flaque de liquide radioactif et s'était mué en un homme-rat maître des art-martiaux.
Il respira un bon coup, et s'emplit donc les poumons d'un air nauséabond qui le ramena à la réalité. Il voulait partir. Sa boutade précédente avait également pour but de ne pas resté fixé à cet endroit telle une moule sur son rocher. S'ils ne changeaient pas de position, il allait y avoir du vilain. Le rat géant baveur d'acide pouvait débarquer d'un instant à l'autre, alléché par les odeurs de chairs fraîches. Au même titre que les tortues ninja, attirés par la tête de pizza de certains des nouveaux.

Georges n'osait plus l'ouvrir. D'une parce qu'il n'avait pas envie de se refaire rabrouer, et de deux, parce qu'il boudait. Mais il trépignait d'impatience, se tortillant comme un enfant presque débordé par son envie plus que pressante.

Une lumière jaunâtre se rapprochait dans le dos du groupe de voyageurs. Ce n’était pas Chocobéaine, non, mais son maitre qui, une fois n’était pas coutume, avait perdu sa trace. Tout le tintamarre causé par ses semblables l’avait alerté et il était venu voir, des fois qu’il s’agissait de son fidèle ami rongeur, mais il ne rencontra qu’une troupe de jeune gens, dirigée par cet homme visiblement plus vieux là.

- Ça-ça alors, en-encore des vi-visiteurs dans les ég-outs ! Je ne pen-pensais plus en voir d-depuis…

Le halo de sa lanterne, nouvelle acquisition dont il était fier, illumina chacun des visages étrangers, quitte à en aveugler plus d’un, et ses yeux s’écarquillèrent lorsqu’il aperçut Jade.

- Ooooh, en-encore vous !

Une euphorie qui ne laissait pas forcément présager de bonnes nouvelles fit rayonner le visage du « jeune-vieillard ». Si l’ermite n’avait toujours pas quitté les rives de la quarantaine depuis son entrevu avec l’adolescente, son apparence elle, avait au moins pris cinq ans ; il avait l’air plus fatigué, plus courbé, plus fragile. Il sembla hésiter un instant en regardant la psychotique, car si ses souvenirs étaient exacts, elles étaient censées être deux jumelles, et l’une était moins commode que l’autre. Bon, celle-ci avait des ailes d’ange, elle ne pouvait qu’être la bonne âme des deux.

- J-je vous re-reconnais ! V-vous av-ez dé-déjà ramené mo-mon choco u-une fois !

Avec une rapidité qu’on ne lui soupçonnerait pas, il sautilla jusqu’à Jade et se cramponna à son bras. Il dressa vers elle ses yeux las et humides, ronds comme ceux qu’un enfant qui réclamait une sucrerie avec toute la force de sa candeur :

- V-vous m’ai-deriez en-encore une f-fois hein ?! Vou-vous êtes t-tous des vo-voyageurs, n-non ?!

L’ermite sentit qu’il devrait au moins s’expliquer. Il se moucha dans sa vieil chemise, sans se soucier de dégouter la jeune fille qu’il avait en face de lui, et commença son récit d’une voix brisée et fatiguée :

- J-j’étais dans l-les ég-outs, co-comme d’habitude… et-et j’me suis sou-soudain réveiller là-là-bas.

Aucun geste, en réalité, il faisait référence au monde réel.

- J’ai réuss-ssi à re-revenir, m-mais Choco m’a en-encore échappé… ça-ça m’inquiète p-parce que de-depuis mon re-retour, je crois q-que quelque chose rôde d-dans le coin !

Le jeune-vieillard laissa échapper un gémissement plaintif. Mon dieu, que deviendrait-il si son rat venait à mourir ? La solitude serait bien le pire des fléaux qui pourrait l’atteindre dans son refuge. Se tournant vers les autres, il poursuivit en dégoulinant de désespoir :

- C’est u-un petit rat ss-si mignon… en-en plus, il est-est d-devenu p-plus sage ! Il ré-répond m-même à son n-nom quand on-on l’appelle, mais j-je crois qu-que je ne cr-crie pas assez f-fort. Ai-aidez-moi s-s’il vous plait, ra-ramenez-le ! J-je vous offrirai c-ce que j’peux, co-comme la d-dernière fois !



[HRP : Alors, je m'adresse notamment aux nouveaux voyageurs, ce message marque le début d'une mini-quête. Celle-ci n'est pas obligatoire, vos personnages peuvent très bien décider de faire bande à part (enfin, il faut être au moins 2 quand même lol), mais mener cette petite aventure à terme vous permettra de remporter des récompenses : objets et xp bonus selon la performance. Vous avez donc tout interêt à y participer, ne serait-ce que pour pimenter un peu votre situation !

Pour ceux qui n'ont pas suivi la première version du forum, l'ermite des égouts est un voyageur caché là depuis une dizaine d'année. Son pouvoir principal est d'invoquer un rat géant à la bave aussi corrosive que l'acide et à l'agressivité décuplée. Aux dernières nouvelles, il mesurait 1m50 pour 75kg, mais avec le temps qui s'est passé, il est certainement plus gros désormais.

Pour ceux qui voudrait lire la précédente quête de l'ermite (qui n'était pas MJitée par moi), rendez-vous ici. La prochaine personne qui répondra ne devra pas le faire à la suite, mais plutôt ouvrir un nouveau topic du style "A la recherche de Chocobéaine", "scouts des égouts" ou que sais-je encore, avec l'indication [mini-quête] à coté.

Pour toute question, envoyez un MP sur le compte de Melena . Amusez-vous bien !]

Votre aventure se poursuit ICI