Adeptes ou le retour à la vie

HRP : je change de sujet, pour garder bien distincts ceux des épreuves en fait =3

Et non je ne sors pas de mon partiel de poétique comparé... bon si en fait, et je n'ai pas pu m'empêcher de faire le parallèle entre Lélio et le retour à la vie de Berlioz, où le personnage se réveille de son cauchemar qu'était la symphonie fantastique, et nous qui quittions enfin la dure cruauté des épreuves... voilà, voilà.... => []

Provient de la cinquième épreuve

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Melena ne s’était même pas encore redressée de son malaise que le pyromane l’assiégeait déjà de questions dont elle ne saisissait pas la pertinence. Sa voix résonnait dans son crâne comme une bille dans un flipper, ravivant sa migraine atroce. Comment ça où était Elie ? Elle était juste face à lui, sur son… ah bah non. L’adolescente venait d’ouvrir les yeux et effectivement, son amie avait disparu, ne laissant derrière elle que sa serviette et l’empreinte de son corps sur le matelas. Ses yeux gris écarquillés, elle n’arrivait pas à croire ce qui venait de se passer. Sa faux avait fait ça ? Il n’y avait pas de sang pourtant, la mauvaise jumelle n’avait pas crié, aucun signe avant coureur n’avait annoncé sa mort éventuelle.  

- C’est pas possible, c’est pas possible, c’est pas possible…, murmurait l’irlandaise alors qu’Ace appelait au calme.

Ses mains glissèrent jusqu’à l’arme maudite pour la récupérer. C’était irréaliste, elle ne pouvait pas être devenue assez puissante pour tuer quelqu’un d’un seul coup. Certes, ses pouvoirs de voyageuse s’étaient considérablement développés depuis qu’elle était arrivée à Dreamland, mais de la à arriver à un stade aussi radicale… elle ne pouvait pas y croire. Son comparse masculin réprimandait – encore – son petit esprit violet qui s’incrustait comme un cheveu sur la soupe. Melena, elle, restait tétanisée, pensive. Même les objets d’Elie, jusqu’à lors entreposés dans un coin de la pièce, avaient disparu ; on aurait dit qu’elle n’était simplement plus de ce monde.

Son mal de tête l’empêchait de réfléchir convenablement. La seule chose certaine était que leur complice avait visiblement été envoyée ailleurs ; mais était-ce définitif ? Allait-elle revenir ? Allait-il falloir aller la chercher ? Était-elle en danger ? Un instant, la nécrophobe se souvint de leur arrivée sur cette île cauchemardesque : un simple coup de poisse, un choix aléatoire qui aurait pu les expédier n’importe où… mais il avait fallait que ce soit sur Freedoom. Et si désormais, la psychotique avait subi le même sort ? Apparaitre en un autre lieu, peut-être hostile, dans l’état fébrile où elle avait l’air de se trouver. Son cœur se serra de culpabilité alors qu’une de ses mains montait s’agripper à la racine de ses cheveux cachée sous sa capuche. Une poignée de ces derniers s’arracha, restant accrochés à ses doigts blafards presque plus fermement qu’à son crâne.

- Merde, murmura-t-elle la voix gonflée d’amertume.

Son cas ne s’arrangeait visiblement pas. Les épreuves étaient terminées, mais leurs ennuis persistaient, à croire qu’une divinité obscure s’obstinait à vouloir les voir souffrir. Heureusement, Elie refit son apparition, exactement au même endroit que là où elle se trouvait avant, si ce n’est que sa serviette ne couvrait plus son corps nu. Melena était tellement abasourdie que ses yeux pâles restèrent fixée sur son amie plusieurs seconde avant que son encéphale ralentit par la migraine ne lui fassent prendre conscience de la situation. Cette vision raviva dans les brumes de ses pensées le souvenir de la nuit qu’elles avaient passé ensemble ; si douce, si douloureuse.

Comme une bonne claque cependant, l’irlandaise eut l’impression de toucher la solution du bout du doigt alors que le pyromane larguait déjà des questions ironiques sur leur comparse. Elle effleura son masque osseux, examina la faux, et la lumière s’alluma faiblement dans son esprit : une arme qui influait sur les âmes ? Après tout les voyageurs n’étaient pas "physiquement" présents dans le monde des rêves, et  faucher les âmes, c’était le rôle de la Grand Faucheuse, ce qu’elle incarnait visiblement à son échelle. Mais alors, qu’avait-il bien pu arriver à son amie qui avait étrenné cette capacité si spéciale ?

- Je suis désolée, commença la nécrophobe, je… j’ai eu un malaise et la faux m’a… échappé des mains… je connaissais même pas ce pouvoir…

Endommagée ? C’était pas nouveau, elle était divisée, incomplète, tous les termes étaient bons pour désigner son état psychique mais ce n’était pas ce que semblait vouloir dire l’homme qui lui faisait face. Il insinuait que s’être fait éjecté de Dreamland les avait « abîmé », qu’ils avaient semé au passage une chose importante qui entrainait leur mort lente dans l’autre monde. Et peut-être dans celui-là aussi d’après lui.

Elie aurait eu un millier de questions à poser même en sachant que les réponses ne seraient que des suppositions, mais déjà elle se désintégrait, aspirée dans une faille menant à Dreamland, jusque dans « sa » chambre. Son corps se recomposa comme un puzzle en une fraction de seconde, à l’endroit exact où elle avait disparu. Elle n’était d’ailleurs pas la seule à s’être fait la malle…

- Merde, ma serviette ! s’exclama-t-elle en plaquant un bras sur ses seins pour sauver ce qui lui restait de pudeur.

Non pas qu’elle y fasse très attention, mais c’était une question de principe qu’Ace n’avait pas l’air de prendre très à cœur vu le temps qu’il lui fallut pour restituer l’objet. Vérifier qu’elle n’avait rien ? Mouais, se rincer l’œil plutôt. Et ce ne serait pas le premier.

La mauvaise jumelle plaqua le morceau de tissu éponge qu’on lui tendait enfin contre son corps, laissant à l’air ses fesses qui pour l’heure n’étaient dans le champ de vision de personne. Même pas le temps de se remettre les idées en place ou de s’habiller qu’on l’inondait déjà de questions plus ou moins sensées, au point qu’elle ne savait plus par où commencer. De son côté, Melena se confondait en excuses en arborant toujours son étrange costume. Sous le drapé noir on pouvait voir ses mains trembler, et cette écume rouge sur ses lèvres étaient du sang ? D’ailleurs en parlant de ça elle se sentait étrangement bien, à mille lieux de son état lorsqu’elle avait quitté cette pièce et ce monde par la même occasion.

Était-elle guérie ? Ou l’échéance avait juste été retardée ? L’important dans tout ça était surtout qu’elle avait trouvé comment palier à ces problèmes de dégradations d’âme le temps de régler définitivement cette histoire de disparitions d’ombre. Le moment de l’utiliser sur la nécrophobe risquait de ne pas devoir tarder d’ailleurs.

- Nan, pas de poneys… juste un vieux marabout. Je suis revenue dans le monde réel deux petites minutes tout au plus. Il essayait de m’expliquer ce qu’il pensait de la situation mais j’ai pas entendu la fin.

Une moue boudeuse déforma sa jolie bouche alors qu’elle penchait la tête, pensive.

- Il disait que nos âmes étaient « dégradées », sûrement à cause de notre retour forcé dans le monde réel. Que la disparition de nos ombres était liée. Je crois que c’est la même pour la persistance de nos pouvoirs dans le monde réel. Mais faut pas t’excuser Mel’, surtout que je pense que ton pouvoir est la solution à ce problème. Regarde, je vais beaucoup mieux, comme si rien ne s’était passé. J’ai l’impression d’avoir subi une sorte de remise à zéro. Peut-être que si tu rentres toi aussi, ça te soignera. J’espère en tout cas.

Mais ils n’auraient pas tous cette chance. Les autres, ceux qu’ils avaient vu pour la dernière fois dans le cabinet de Parkinson alors qu’ils se séparaient, allaient probablement mourir faute de pouvoir rentrer. Mourir ici et végéter là-bas, un bien sombre tableau qui se dessinait devant les yeux de l’adolescente. Yoru, Dakota, James, Shannon, Selene, Myia, Moriccio, Alexander, Rochel, Ella… ils y en avaient tant d’autres encore, qui ne comprendraient pas ce qui leur arriverait. Mais comme il y avait une justice, ces enfoirés de Liam Baldwin et de Georges Mikkles crèveraient aussi comme des chiens.

Un nom s’insinua alors dans son esprit, remplaçant les autres avec la force d’un impact de balle. Jade. Jade aussi allait mourir. Elie blêmit tout d’un coup et du s’asseoir pour se remettre de ce qu’elle venait de réaliser. Même si elle en voulait encore à son double, la perdre restait insoutenable mais surtout…

- Je suis un pouvoir… si Jay meurt, je mourrais aussi, murmura-t-elle à peine audible.

La chasse à la bonne jumelle allait devoir reprendre, qu’elle le veuille ou non.

Si le tact était une notion inconnue à Feufolé, c’était la patience qui n’était pas l’apanage du pyromane. Il voulait des réponses et il les voulait maintenant. Maaaais on ne presse pas une jeune femme surtout quand cette dernière a réussi là où mille Houdini auraient échoués. A quoi Elie pouvait-elle s’attendre ? On ne disparait pas comme ça sans devoir expliquer un minimum le pourquoi du comment !

La mauvaise jumelle prit le temps de cacher son corps nu avec la serviette même si du point de vue d’Ace ce n’était pas nécessaire. Elle abrégea les souffrances d’Ace, trépignant intérieurement de savoir où elle était passée. Retournée dans le monde réel !? C’était donc l’effet du nouveau joujou de Melena… Et pour les non voyageurs, ça se passait comment..? Ace imagina avec une jouissance malsaine les pauvres dreamlandiens perdus dans le monde réel, rackettés, violés, battus par les habitants de cette bonne vieille ville : San Francisco. Waouh ! Ça vous remonte le moral ! De toute façon le monde des rêves devrait payer pour ce que le pyromane avait subi dans cette tour.

C’est vrai, ça… Si en tant qu’adepte il se devait de protéger la tour, pourquoi avait-il encore envie de casser la gueule aux gardiens et détruire leur sanctuaire au lieu de le protéger ? Marrant, ça… D’où l’inutilité des épreuves ! Eh !
- Attends, attends, j’ai loupé un bout, là. Donc t’as dit qu’c’était lié aux ombres, mais perso, moi j’ai toujours la mienne. Donc je m’en fous ? J’crains rien, c’est ça ?

Une seconde vérification établit le fait que malgré son retour régénérateur, Elie n’avait toujours pas retrouvé son ombre. C’était donc ça que voulait dire Mel par ‘il faut qu’on rentre’ ? Au moins elles étaient conscientes de leur maladie, ce serait plus pratique pour trouver un traitement ou tout simplement éviter d’y rester.

Par chance Ace n’entendit pas la révélation que fit Elie quant à sa nature. Il n’aurait de toute façon pas compris, ou bien il se serait torturé l’esprit pendant des jours. Ce qui lui fallait à lui c’était décompresser avant qu’il ne pète un câble pour de bon.

- Hey ! Du calme, les grands nerveux ! Y a une solution à à peu près tout et pour tout le reste il y a Eurocard Mastercard. Il y a forcément quelqu’un qui sait comment vous soigner. Je sais que vous êtes pas copains avec les gardiens mais pourquoi ne pas leur demander ? Vous perdez rien, en toute logique !
- Pourquoi on leur demande pas ? Justement parc’que la dernière fois qu’on leur a d’mandé quelque chose – à savoir partir d’ici – ils nous ont gentiment fait passer cinq épreuves de merde ! J’sais pas mais si ces cons savaient quelque chose ils nous diraient rien, j’parie. Qu’on soit vivant les emmerde déjà, limite.

Bon, quoi que les filles fassent, lui avait sa réponse : il ne craignait rien. Pour ce qui était de Mel, il pensa que la meilleure chose qu’elle pouvait faire dans l’heure c’était se trancher elle-même avec sa faux mais elle ferait bien ce qu’elle voudrait. Il annonça son départ, direction : le plumard. De toute façon la discussion allait prendre un tournant incompréhensible, il le sentait bien. Pour les discussions simples et sans pouvoir, il repasserait.

Seulement à moitié convaincu que sa sortie lui avait fait plus de bien que le cachet d’extasy aurait pu lui procurer, il s’allongea à nouveau sur son lit, laissant son esprit divaguer.
Au bout de cinq minutes il se releva brusquement, enfouit sa main dans sa hotte pour en ressortir le cachet et le goba, le tout en une fraction de seconde. Il attendit encore une bonne demi-heure et le cachet fit enfin effet. A défaut de dormir, il allait se fendre la gueule, tiens. Au début il ne ressentit rien d’autre qu’une petite nausée mais rapidement, une sensation de bien-être virtuelle s’installa. Virtuelle mais assez persistante pour se laisser prendre au jeu. Et allez, le voilà qui se poilait déjà à moitié en se remémorant Elie sans sa serviette ou bien encore la tête de Melena. Oh, et Fisher, aussi ; quel con, celui-là !

Si, si ! Il en était certain, Fisher pouvait être marrant, lui aussi. Choppant son deuxième cachet, il sortit de sa chambre une nouvelle fois avec l’idée d’en faire cadeau à son nouveau copain du moment. Il le chercha à travers tout l’étage, chantant son nom, le répétant en boucle et réinventant le chant lyrique contemporain. Il était bien ! Et quand on est bien on chante. On a le droit, non ? Il était adepte, bordel de merde ! Il avait le droit de chanter !

Elie la rassura bien vite en lui annonçant que non seulement elle allait mieux, mais qu’en plus son pouvoir lui permettait de renvoyer les gens dans le monde réel. Ça ne durait visiblement pas bien longtemps, mais c’était tout de même un exploit en soit. Elle reconsidéra sa faux différemment, avec intérêt cette fois ; et combien de fois allait-elle pouvoir l’utiliser ? Cela faisait assez longtemps qu’elle était à Dreamland pour comprendre que les capacités étaient généralement limitées, un tel don ne pouvait pas se garder indéfiniment, ce serait trop beau. Enfin… ça l’aurait été, si l’envie de retrouver son apparence normale n’était pas de la partie.

Silencieusement, ses pensées suivaient le même bout de chemin que celles de la mauvaise jumelle. Tous les voyageurs qu’elles avaient connus étaient concernés par ces étranges symptômes qui allaient se déclarer chez eux inévitablement, mais combien parviendront à se réveiller à temps ? Un nœud venait de se former quand ses réflexions sautèrent sur sa meilleure amie, et le murmure d’Elie décupla ses inquiétudes. Si jamais la psychotique mourrait, l’irlandaise perdrait les deux personnes qui comptaient le plus dans cet univers de détraqués.

Melena ne savait pas vraiment si elle avait lu la décision de sa complice sur son visage, ou bien si elles suivaient simplement le même fil de pensées. Elle n’écoutait pas la proposition de Feufolé, et de toute façon, Ace lui fit une réponse tout à fait convenable avant d’annoncer qu’il allait se coucher. Une fois les filles seules, la nécrophobe se releva fébrilement pour prendre l’une des mains d’Elie dans la sienne. Celle-ci semblait froide mais en réalité, c’est elle qui devait avoir de la fièvre.

- On va aller la trouver, ne t’en fais pas… je… on était venues pour ça, non ?!

Le sourire fragile qu’elle adressa à son amie fut brisé par une quinte de toux qui enflamma sa poitrine. Nouvelles gouttes de sang déposées dans le creux de sa main, ça devenait réellement difficile à supporter. Si seulement elle pouvait se réveiller elle-même…

Ayant totale confiance en les dires de la mauvaise jumelle, l’irlandaise déclara qu’elle allait aussi se soigner et retourna sa nouvelle arme contre elle. Du moins, c’est ce qu’elle voulu, mais ça n’eut aucun effet, la lame en croissant de lune se contentait de traverser son corps, comme si elle n’avait été qu’un fantôme. Il fallut qu’elle essaye plusieurs fois avant de réaliser que l’espoir qui avait grimpé en flèche dans son esprit venait de retomber comme un soufflé.

- Ça ne marche pas sur moi…

Son mal de tête était vraiment une tare pour se creuser les méninges, surtout quand la peur de mourir d’une dégénérescence incurable pointait sournoisement le bout de son nez. Pourtant, ses yeux gris, miroir de sa faiblesse grandissante, s’illuminèrent derrière son masque de crâne lorsqu’elle eut une idée alternative.

- Dis… si je l’utilisais encore sur toi, tu pourrais demander au marabout de me réveiller ? S’il te plait.

L’adolescente espérait vraiment que la psychotique accepte. Si elles devaient quitter cette ile pour retrouver Jade en jouant contre la montre, il fallait qu’elle soit en pleine forme, et cette maladie paralysante lui dévorait toutes ses forces. Bien sûr, les images de la première épreuve se glissaient dans ses esprits, et l’expression possédée de la mauvaise jumelle sous le contrôle de l’ordre de son double la travaillait encore, mais… avec le recul, c’était plus fort qu’elle. Ce petit pincement au cœur pour la brunette ne voulait pas la lâcher, et tout ce qu’elle avait vécu ensemble était trop solide pour qu’elle lui en veuille, alors qu’au final, elle était toujours vivante. Elle ne lui confierait peut-être plus sa vie c’est sûr, mais en même temps, son amie lui en serait certainement reconnaissante.

D’ailleurs, ce cheminement de pensées éclair lui renvoya en conclusion la promesse que lui avait fait Elie de la protéger, quoiqu’il en coute, pendant qu’elles seraient sous l’emprise des gardiens. Malgré tout, elle avait tenu parole, et un élan d’affection qui ne lui ressemblait pas vraiment gonfla encore plus son estime de celle qui eut été sa rivale.

- Au fait, murmura-t-elle en passant du tout au tout, tu as tenu ta promesse… merci.

Ace se réjouissait déjà de son immunité sans se soucier des troubles qui remuaient ses deux comparses, inquiétude grandissante menaçant sérieusement de leur faire perdre pied. Oui, bien sûr qu’il avait son ombre. En tant que nouveau voyageur arrivé après la bataille il n’avait pas eu à subir le traitement qu’on leur avait infligé, mais ce n’était pas vraiment une raison de « s’en foutre » comme il le disait si bien. A moins que Melena et elle ne comptent vraiment que pour du beurre ? Possible, après tout ils ne se connaissaient que depuis 3 ou 4 jours mais après tout ce qu’ils avaient vécu ensemble la mauvaise jumelle avait pensé compter au moins un peu plus.

Alors que la déception et une pointe de rancœur remplaçait l’appréhension sur ses traits, Feufolé se mit en tête de demander un service aux gardiens. La bonne blague…

- Bien sûr, et c’est toi qui te charge de leurs caprices qui suivraient hein ? Comme mourir ou combattre des monstres géants ou tuer ta… rien, oublie.

Braquée, l’adolescente tourna la tête alors qu’Ace rabrouait son invocation avant d’annoncer qu’il allait se coucher. C’est à peine si elle lui grommela une bonne nuit alors que la porte de la chambre se refermait sur lui, et c’est Melena qui la tira de son état amer en lui promettant d’aller trouver Jade. Encore ? Comment pouvait-elle affirmer des choses pareilles après ce qu’elle avait déjà enduré au nom de cette cause ? La nécrophobe n’avait pas la même obligation qui la liait à la bonne jumelle et le faire par pure bonté d’âme c’était juste… trop. Néanmoins cette proposition toucha Elie, arrivant même à lui arracher un sourire.

- Ouais… mais je comprendrais que tu veuilles plus tu sais.

Mais sa décision semblait déjà prise, d’ailleurs elle était déjà passée à autre chose et tentait désormais de se trancher avec sa propre lame, sans succès. Comme d’habitude les pouvoirs prenaient un malin plaisir à être effectif avec tout le monde sauf son propriétaire et celui de l’irlandaise ne faisait pas exception à la règle. Heureusement une alternative existait, à laquelle Elie acquiesça sans même prendre un temps de réflexion. Bien sûr qu’elle voulait bien y retourner et la réveiller.

Alors qu’elle s’apprêtait à donner le top départ, préparée mentalement aux désagréables sensations qui allaient suivre, Mel’ changea de nouveau de sujet pour… la remercier. Mais de quoi ? Il lui fallut une poignée de secondes pour que remonte le souvenir d’avoir promis la protéger et la sortir de la vivante. Cette promesse avait pourtant été bien loin d’être tenue, la psychotique l’ayant brisé dès la première épreuve en massacrant littéralement sa camarade. Surprise, elle dévisagea un instant avant de répondre :

- De rien, vraiment. J’ai rien fait qui mérite des remerciements. Mais on a plus de temps à perdre, tranche moi qu’on en finisse avec ces conneries.

La main gauche maintenant toujours la serviette en place, elle écarta le bras droit pour parfaire l’invitation. Bientôt la lame inconsistante traversa sa chair et elle disparue de nouveau, désintégrée avant d’être aspirée dans l’autre monde. Tout tourbillonnait de nouveau en imprimant dans son cerveau en miettes la certitude qu’elle ne se ferait jamais à ce traitement puis…

- Me revoilà… souffla-t-elle en se redressant sous l’œil intrigué du marabout.

Elle ne s’était à vrai dire « absentée » que 10 secondes tout au plus, le temps de s’affaler inerte sur les coussins miteux avant de se redresser dans un sursaut. L’homme ne comprenait pas au juste ce dont il retournait, mais ça aiguisait sa curiosité. Malgré tout ce serait à lui encore une fois de répondre aux questions de la brunette. Les siennes devraient attendre encore un peu…

>> Direction le monde réel (encore)

Elie lui rétorqua qu’elle n’avait rien fait pour mériter ses remerciements, et pourtant…. Qu’aurait-elle pu faire seule lors de la deuxième épreuve ? Et contre Avok ? Et dans la tour ? Quelque part, involontairement, son amie l’incitait à surmonter sa peur, la gonflait de courage en lui laissant entrevoir que tout était possible. Elles n’avaient que 17 ans, mais elles avaient survécus à des atrocités qui auraient emporté beaucoup des plus solides des adultes. Son corps avait encaissé, son esprit était en lambeaux, mais elle était toujours là. Qu’importe, ce serait trop long à expliquer… trop difficile aussi, les grandes confessions n’étaient pas son truc.

Melena dressa donc sa nouvelle arme, appréhendant ce geste qui ressemblait à une mise à mort, et abattit le tranchant au travers de la silhouette de la mauvaise jumelle. Encore une fois, celle-ci disparut, ne laissant que sa serviette qui échoua sur le sol. Ces voyages avaient quelque chose d’étrangement excitant et effrayant à la fois : jamais elles n’avaient pu traverser les mondes aussi facilement. La nécrophobe n’avait plus qu’à attendre désormais, priant que sa complice parvienne à faire quelque chose.

Le silence était étonnant dans cette tour, même pas le babillage de Feufolé. La jeune fille eut tout le loisir de se demander s’il y avait d’autres adeptes dans leurs quartiers, combien, qui étaient-ils, quelles sortes de capacités ils avaient ? Sa main libre glissa sous sa cape et écarta le tissu de son haut en toile pour toucher son tatouage encore frais. Malgré le caractère lugubre de la chose, elle ne pouvait s’empêcher d’y voir une consonance avec la marque des mangemorts dans Harry Potter. C’était un peu ça… ils étaient désormais les sous-fifres de deux détraqués sadiques, rappelés à la maison au moindre pépin par ce symbole maudit. Que lui accordait-il comme avantage d’ailleurs ? Impossible de le savoir, mais qu’au moins ce soit utile ; ce serait un minimum de compensation pour les horreurs qu’elle avait affronté.

Lentement, une odeur étrange commença à l’embaumer complètement. L’adolescente fronça les sourcils, elle avait l’impression que la fragrance venait de partout et de nulle part, comme si elle n’était pas de ce monde. Pas de ce monde ? Aussitôt, elle eut l’impression d’éclater en un milliard de particules, réussissant à conserver sa conscience en un seul morceau par un miracle inouï. Suite à cette sensation de dispersion, vint celle où elle avait l’impression de passer à travers le trou d’une aiguille, d’être absorbée par la chair et la matière.

Subitement, Melena ouvrit les yeux. Ses vrais yeux, ceux de la réalité. L’odeur nauséabonde lui hanta le cerveau quelques secondes, la conduisant à grimacer et à se frotter le nez avant qu’Elie ne l’aide à se remettre debout. Au moins, cette dernière allait parfaitement bien, pas de toute, son nouveau pouvoir permettait aux voyageurs de traverser les dimensions. Elle passa une main dans ses cheveux pour constater avec soulagement qu’ils ne s’arrachaient plus, mais le vrai réconfort viendrait lorsqu’elle serait de retour à Freedoom et aura confirmation que son corps astral ne risquait rien. Pourtant, elle aurait bien serré son ancienne rivale dans ses bras, simplement pour célébrer cette première victoire, mais cette dernière interrogeait déjà le vieux marabout.        



Direction : L'appartemment du Marabout

>> En provenance du monde réel

- …ûr, acheva-t-elle machinalement alors qu’elle réapparaissait nue dans sa chambre déserte.

Au loin on pouvait entendre quelqu’un chanter et Elie se surprit à reconnaître la voix de Ace. Mais qu’est-ce qu’il lui prenait ? On aurait dit qu’il avait bu, ou pris quelque chose avec des effets approchants. On aurait dit qu’il appelait Fisher, associant souvent son nom avec le terme « ami » ce qui n’en disait que trop sur son état. L’adolescente secoua la tête dépitée, mais préféra déjà trouver de quoi s’habiller avant de partir voir ce qui avait pu le mettre dans cet état. Apparaître nue devant lui dans ces circonstances risquait de mal tourner.

Au milieu des affaires que son calendrier de l’avent lui avait craché dessus à son arrivée dans la chambre, il lui sembla apercevoir un morceau d’étoffe noire. Un examen plus approfondi lui appris que l’un de ses présents n’était rien d’autre qu’une robe de soirée bon marché mais plutôt jolie qu’elle s’empressa d’enfiler après avoir remarqué l’existence de sous-vêtements parmi le reste du barda. C’était sexy, bien trop pompeux pour la situation mais c’était mieux que rien.

Melena n’était toujours pas revenue après ce petit manège, si bien qu’elle se décida à partir chercher le pyromane seule en attendant. Elle le trouva toquant à la porte d’une chambre comportant une petite plaque métallique qui mentionnait « Azraël Fisher », non sans chanter comme un possédé. Il n’était pas dans son état normal et il aurait fallu être aveugle pour ne pas le remarquer. Pourtant il n’y avait aucune bouteille d’alcool aux alentours, juste un sachet dans sa main qui contenait un cachet. Un cachet ?

- Mais… qu’est-ce que t’as gobé comme saloperie ?! s’exclama-t-elle alors en s’approchant pour lui retirer la drogue des mains.

Le souvenir de Jade shootée aux calmants du capitaine était encore trop vivace pour que son opinion sur la drogue ait pu changer. C’était juste de la merde créée pour fuir ses problèmes, qui vous rendait apathique ou stupide… ou complètement barré comme l’était Ken à cet instant. Pour éviter qu’il ne récupère l’extasy, elle fourra la drogue dans son décolleté en affichant un air sévère. Ce mec filait vraiment un mauvais coton.

- Tu peux te brosser pour le récupérer, et t’avises pas d’aller le chercher !

Elle lui tapota le torse de l’index, enfonçant son doigt au niveau du sternum jusqu’à le faire reculer, dos contre la porte. Qu’est-ce qu’on était censé faire dans ces cas là pour qu’il redevienne « normal » ? Lui mettre la tête dans l’eau ou le faire vomir ? Lui mettre des claques peut-être ?

L’adolescente croisa les bras pour le jauger, à bout de nerfs. D’abord il les laissait se débrouiller et ensuite il se camait pour aller gratter l’amitié auprès de Fisher. Impossible de s’avoir à quoi s’en tenir avec ce mec. Un coup il te déteste, l’autre il fait des efforts, ensuite il te lâche puis il devient ton ami au point d’accepter de faire le leurre pour toi, il s’inquiétait pour toi puis plus rien, nada ? Inconstant, pire qu’une fille en pleine période de règles !

- Il se passe quoi au juste dans ta tête dis-moi ? Tu trouves ça intelligent de nous lâcher pour aller prendre de la merde ? Ça t’arrangerait peut-être qu’on meure après tout, siffla-t-elle, son visage n’étant plus qu’à un centimètre à peine de celui du pyromane.

Au fil de son discours elle s’était rapprochée jusqu’à se retrouver plaquée contre lui, ses yeux azurs le dardant d’un regard meurtrier. S’il croyait s’en tirer comme ça sans explications il rêvait ! Elle était si agacée qu’elle ne se rendait même pas compte en quoi cette position prêtait à confusion. D’un point de vue extérieur on aurait sans difficulté pu croire à une fille entreprenante faisant des avances à l’objet de ses désirs. Et pourtant !

- Dis quelque chose bon sang, ou chante-le. Ça a l’air d’être ton trip, ajouta-t-elle sans bouger d’un iota, l’œil noir.

Il avait d’abord arpenté le couloir dans le mauvais sens, s’était perdu et avait fait demi-tour sans même s’en rendre compte. Finalement, elle était là : la porte de Fisher. *Azraël ? Comme le pays ?*
Bon, c’était pas grave : il pouvait quand même le faire avaler la pilule, peu importe son prénom ; enfin normalement. En même temps comment ne pas compatir avec ce type : personne l’aimait et il était traité comme un clébard. Alors Ace allait passer un peu de temps avec lui et ça serait marrant. De toute façon ils se comprendraient, en tant que mal aimés.

- Persooonne, tout seeeeuul, que mwoaaaaaaaaaa. FISHER ! Ouvre la porte, mon vieux ! Allez, soit cool, quoi ! Laisse-toi aller !! Fisheeeeeer, Fisheeeer ! Le meilleur, le meilleur c’est Fisheeeeeeeereuuu !
- Ace, tu devrais pas chanter aussi fort, c’est… Enfin ça commence à être gênant…
- Quand on a pas de bras on se tait et on laisse faire Ace, hm ? Heu en fait non, parle. J’aime bien la musique, ça a une belle forme, tu sais !?
- Hein ??

Aucune réponse de la part du serviteur ; il n’était peut-être pas là, il avait peut-être peur de se ‘lâcher’ ou bien pas envie de voir Ace dans cet état, tout simplement. Aussi, ça ne plus pas au pyromane qui commença à tambouriner contre la porte. En rythme, d’abord, puis de manière anarchique car il fut bientôt dans l’incapacité de suivre le tempo qu’il avait d’abord imposé. Et puis musicalement ou pas, Fisher pouvait entendre. Ce n’était qu’une question de minute avant qu’il sorte, il en était sûr !

Feufolé observait la descente de son créateur avec une certaine pitié dans le regard. Depuis la fin de la cinquième épreuve il n’était plus le même ; il était devenu plus agressif, plus je-m’en-foutiste, et maintenant drogué. Malgré ses tentatives pour paraitre fort face à la mort d’Alexander, il encaissait grave, comme on dit. Ce dernier ne remarqua même pas l’arrivée d’Elie, continuant à tambouriner, à moitié avachi par terre, chantant comme un ivrogne.

Il n’eut même pas la présence d’esprit de répliquer lorsqu’elle lui arracha la pilule des mains. Dans sa tête au contraire il parlait mais oubliait d’ouvrir la bouche et de synchroniser le tout. *Merde, c’est pas cool, quoi ! C’mon cadeau d’noël.* Son regard suivi avidement le sachet jusqu’à ce qu’il disparaisse dans le décolleté de la mauvaise jumelle. Non, franchement, il comprenait qu’Elie soit en colère, c’était légitime. Il comprenait tout le monde, en cet instant. Il avait envie de compatir avec n’importe quoi. Mais pourquoi elle s’approchait aussi près de lui ?? Sa vision se troublait et il voyait les mouvements de la jumelle de manière saccadée ce qui en soit était assez amusant. Il se mit donc à rire de ce qu’il voyait, rire de ce qu’il pourrait dire et… Et… C’était quoi la question, déjà ?

AH ! Le temps de chanter ! Elie lui proposait un karaoké ? Cool.
Levant le doigt et l’agitant comme un chef d’orchestre, il entama un chant sur un air improvisé.
- Quand t’as l’moral dans les taaaalons, prends un p’tit cachet rond ! Et euh… J’ai plus d’rime en ‘on’ à part ‘sacrément con’ il se remit à rire.

Puis, son regard croisa celui de la mauvaise jumelle qui le fixait toujours d’un œil meurtrier. Son moral baissa d’un coup.
- Nan, j’veux pas qu’tu meures. J’veux pas. J’taime bien, beaucoup, mais j’aime pas qu’on soit mort. Et puis Alexandre aussi il est mort… Je l’ai tué, tu sais ? Alors qu’il était vivant une deuxième fois. Et là il est re-mort. Re—mort… ‘Remord’… Aaaaah ! Ca vient d’lààà !! okéééé

Son regard s’évada vers la porte de Fisher à laquelle il était adossé, regardant la plaque au nom de l’adepte et puis une larme commença à couler le long de sa joue, puis une autre. Pourtant ses potes du monde réel l’avaient prévenu que l’exta’ pouvait provoquer des sautes d’humeur ! Pourquoi il les avait pas écoutés !?
- Maintenant il est mort et j’suis encore tout seul… Y a personne qui me comprend, personne qui m’aime. Et puis c’est tout ! Alors comme Fisher c’est pareil, j’pensais que…
Persoooooone, tout seeeeeeeul, que moaaaaaaaaa… Ace, dans ta faaaaaaace.
…
Je peux avoir mon autre cachet, maintenant ? C’est pas cool, l’autre a plus assez d’effet.

Les cachets devaient être mal coupés ou bien ils avaient un effet différent sur le pyromane qui devait don voyage à Dreamland à une autre drogue… Toujours est-il qu’il ressentait déjà l’envie de prendre un autre cachet pour se sentir bien à nouveau, échapper au passage à vide qui suit la prise d’extasy. Mais Elie ne voulait pas.

De retour à Freedoom, encore. Fidèles au poste, sa cape, son masque et sa faux l’avaient suivi. Pourtant, l’adolescente ne prévoyait plus d’autres voyages pour l’instant, et commençait à en avoir assez de se sentir grimée comme la grande faucheuse. L’aide d’Ace devrait attendre… si jamais il acceptait de la leur donner, mais il ne fallait pas oublier qu’il se fichait suffisamment de leur sort pour aller dormir alors qu’elles étaient à l’article de la mort. Enfin… non, en fait, il s’était inquiété pour Elie, mais n'avait pas semblé affecté que Melena souffrait des mêmes symptômes. Après coup, ce manque d’attention gonflait le cœur de l’irlandaise d’amertume.

Pourtant, elle avait l’habitude qu’on l’ignore, qu’on la laisse seule, et même que l’on s’amuse à la rabaisser et l’humilier. Pourquoi alors ? Parce qu’ils avaient traversé des épreuves ensembles et qu’elle pensait qu’ils s’étaient rapprochés ? Ses souvenirs s’envolèrent vers la fin du combat contre Avok. Ils avaient l’air tellement unis à ce moment, près à se soutenir jusqu’à ce que tous leurs muscles cèdent, capable de toutes les prouesses. Le pyromane ne l’avait-il pas cherché avec inquiétude avant de la mettre à l’abri ? Ne l’avait-il pas prise dans ses bras lorsqu’ils croyaient la mauvaise jumelle morte ? Ne s’étaient-ils pas tous échanger des gentillesses une fois dans l’auberge ? Une belle blague.

Les épreuves étaient terminées, et voilà que tout redevenait comme avant, à savoir qu’elle et Elie faisait bande à part, tandis qu’Ace retrouvait son rôle de beau salop. La nécrophobe regretterait presque de lui avoir dit qu’il était un mec cool, elle se sentait un peu trahie ou bien déçu. Ce n’était pas son genre de s’attacher aussi vite, et ça commençait à lui jouer des tours ridicules.

Au moins, une fois débarrassée de son accoutrement sinistre, elle put respirer profondément et se décider enfin à sortir de la pièce. La serviette d’Elie trônait toujours par terre, signe que soit elle s’était habillée, soit elle était sortie en tenue d’eve. Melena passa une main dans ses cheveux, contente de constater qu’elle n’en perdait plus, ramassa son journal et se retrouva dans le couloir. Des éclats de voix familières l’attirèrent, si bien qu’après avoir parcourut quelques mètres dans l’étage, elle tomba sur ses deux comparses enlacés devant la chambre de Fisher.

A cet instant, la nécrophobe ne sut pas vraiment ce qui se passa dans son cœur. Ace pleurait, soit. La psychotique, elle, arborait une superbe robe de soirée noire au dos nu qui la rendait plus belle encore qu’elle ne l’était d’ordinaire, contrastant joliment avec sa peau blanche. Ce n’était pas vraiment de la jalousie… ou juste un peu, parce que l’irlandaise se savait ni amoureuse de l’un, ni de l’autre, mais pourtant… après ces récentes réflexions, elle ne put s’empêcher de se sentir de trop.

Sans un mot, elle s’éclipsa en espérant que personne ne l’ait vu. Quand ils voudraient la voir, ils devraient savoir où la trouver. « T’es trop conne ! » songeait-elle alors qu’elle retournait vers sa chambre, les jambes fébriles, mais c’était plus fort qu’elle. C’était dingue de réaliser comme le contact des deux jumelles, et même de certaines autres personnes, l’avaient changé ; ou plutôt, comme son épaisse carapace de solitaire avait été mise à mal, révélant sa fragilité enfouie.

Avant de se laisser tomber sur son lit, un objet qui dépassait de son sac attira son regard. Il s’agissait de sa pierre nécromancienne, achetée juste avant l’épreuve à Mme Labeau Nefaie. Elle l’avait prise pour ses facultés à consulter une personne de l’au-delà, afin de pouvoir contacter sa mère. Melena la fit tourner dans ses mains, indécise. Les souvenirs de l’éteinte d’Anney étaient encore si présents qu’elle sentait encore la chaleur de son corps et son parfum maternelle qui l’enivrait en lui faisant oublier toutes les horreurs qu’elle avait vécu. Devait-elle utiliser cet objet ? Est-ce que cela aurait seulement un sens ? Elle avait envie de pleurer encore une fois mais retint ses larmes de toutes ses forces. C’en était assez désormais, il fallait juste… attendre, et ça passerait. Comme tout le reste…

Il était complètement camé, et le voir rire comme un détraqué donnait à la mauvaise jumelle des envies de meurtre. Elle était à deux doigts d’encastrer la tête du pyromane dans la porte de Fisher en lui déclarant que ça rimait aussi avec « agression », « altercation », « amputation », « annihilation » et beaucoup d’autres mots dont elle se ferait un plaisir fou de lui offrir une démonstra…tion. Mais alors qu’elle leva son poing serré pour mettre son projet en application, les traits d’Ace se décomposèrent avant qu’il ne se lance dans un discours touchant et qu’il fonde en larmes, tout simplement.

Le fait que son camarade « l’aimait bien, beaucoup » ne marqua pas longtemps l’esprit de la demoiselle, bien plus focalisée sur le désespoir entrainé par la perte d’Alexander. En fait Ace avait juste voulu paraître fort, pour finir par fuir sa détresse comme il le pouvait. C’est-à-dire mal. Elle ne pouvait que trop comprendre la solitude dont il parlait et l’envie de lui crier qu’il avait tort et que Melena et elle seraient toujours là pour lui remua ses entrailles.

Mais comme à son habitude Elie était maladroite et ne savait pas trop quoi dire, si bien qu’elle finit par ignorer la dernière demande du pyromane avant de le serrer dans ses bras avec tendresse. Après quelques secondes passées dans cette position, l’adolescente se décida enfin a desserrer les lèvres sans relâcher son étreinte pour autant. Hors de question de se reculer et de laisser voir qu’elle aussi avait les larmes aux yeux, encore bouleversée par ce qui venait de lui arriver à elle aussi. Elle devrait être forte pour eux.

- C’est faux, tu n’es pas seul. On est là pour toi non ? Je croyais qu’on était amis… les amis c’est fait pour ça non ? S’épauler, se réconforter, s’écouter… j’ai pas beaucoup d’expérience dans le domaine mais quand même… Alors non, je te rendrais pas ton cachet. Mais je veux bien t’écouter si tu as besoin de vider ton sac, ok ?

Le visage enfoui dans le creux du cou d’Ace, elle s’essuya discrètement les yeux avant de se reculer. Après avoir tapoté l’épaule du pyromane elle lui attrapa la main et entreprit de chercher Melena. Elle devrait déjà être de retour depuis le temps, non ? Son désir de lâcher prise devait être au moins aussi grand que le leur et une thérapie de groupe serait peut-être du meilleur effet.

Ils avaient vécu les pires atrocités ensemble et pourtant ils ne savaient pas grand-chose les uns des autres, voir rien du tout concernant Ace. Il était plus que temps de briser ce mur, d’ouvrir leurs cœurs et de resserrer enfin les liens de ce groupe bancal qui avait débuté dans une haine mutuelle. Dans son état Ace aurait probablement du mal à communiquer sans lâcher des absurdités mais Elie osait espérer que les effets de la drogue ne dureraient plus bien longtemps. Entre ses seins le sachet la démangeait, mais il était hors de question de le sortir de sa planque maintenant.

Elle se mit donc en tête de trainer son camarade jusqu’à sa chambre et une fois devant elle y jeta un coup d’œil, mais l’irlandaise n’y était pas, pas plus que son journal. Etait revenue et partie ailleurs pour une obscure raison ? L’idée qu’elle aurait pu les surprendre dans une position qu’elle aurait jugé compromettante ne lui effleura même pas l’esprit. Après tout elle n’avait rien fait de plus que ce qu’elle faisait habituellement avec Mel. Rien à se reprocher ni à justifier.

- Mais qu’est-ce qu’elle fout ? soupira la mauvaise jumelle en passant sa main libre dans ses cheveux.

La psychotique ouvrit la bouche pour demander l’avis du pyromane sur la question puis se rappela à la vue de sa tronche décalquée, yeux rouges et inondé de larmes, qu’il n’était pas en état de répondre correctement à sa question. Elle relâcha légèrement sa prise sur le poignet du garçon et finit tout de même par lui dire sans attendre grand-chose :

- Tu penses qu’elle serait allée dans sa chambre sans venir nous voir avant ? C’est pas logique…

Tout en se grattant le crâne l’adolescente fronça les sourcils tout en espérant qu’il s’agissait bien de ça et pas du marabout qui aurait choisi de ne pas la renvoyer ici. Ils avaient déjà bien assez de problèmes ici pour y ajouter un sorcier vaudou et sa mauvaise volonté motivée par son côté vénal.

La drogue avait toujours de l’effet, mais Ace entamait la seconde phase, le contrecoup de l’euphorie : la descente. Aussi fugace et virtuel soit-il, le bonheur accordé par cette drogue avait un prix, et après le sourire vient les pleurs ; histoire de rembourser, quoi. Le pyromane avait le choix jusqu’à il y a un instant : continuer sa descente ou reprendre un cachet. Heureusement pour lui, Elie refusait de le lui donner même si dans l’instant présent il aurait préféré le contraire.

Intérieurement, Feufolé poussait un ‘ouf’ de soulagement. Il n’avait pas d’autre choix que de suivre son créateur et si ce dernier n’avait aucune emprise physique sur lui, c’était réciproque : l’esprit était incapable d’empêcher Ace de se droguer ; tenter de le raisonner ne s’était pas avéré très utile non plus… Ah ! Ce gamin allait lui donner du fil à retordre, pour sûr !

Le pyromane pleurait sans avoir aucune emprise sur ses émotions, balloté de tous côtés, bombardé d’images floues et le cerveau court-circuité. Quelque part ça lui faisait presque du bien de se lâcher sans penser à son orgueil. De toute façon, c’était un peu foutu pour la bonne image de soi.
La surprise put se lire sur son visage lorsqu’Elie le pris dans ses bras ; il ne s’y attendait pas du tout. Abasourdi, il écouta ce qu’elle lui dit du mieux qu’il put, sans savoir quoi répondre. Des amis ? Il en avait eu, mais jamais aucun ne s’était soucié de lui de la sorte. En fait, ce n’étaient même pas des amis, c’était comme de la prostitution : il achetait leur présence, comme un parrain de la pègre pourrait acheter la confiance d’hommes de mains. Il n’était vraiment qu’une merde lamentable…

*J’mérite pas des amis comme vous… Jevauxrien…* Son esprit embrumé empêchait Ace de savoir s’il avait seulement pensé ça ou s’il l’avait lâché à voix haute, s’il devait le dire, s’il ne ferait pas mieux de fermer sa gueule, se rouler en boule sur son lit et s’étouffer avec de la poussière. Toutes ces questions existentielles passaient en intermittence, comme des idées satellisées qu’il était incapable de fixer tandis qu’on l’entrainait il ne savait où… Ah si : une chambre. Déjà l’heure de s’étouff-… de dormir ? Tout allait un peu trop vite pour lui, il se sentait comme un amateur d’art plongé dans un monde ressemblant à une peinture expressionniste : tout avait une autre signification, une autre forme et il ne savait pas trop quoi penser de ce qu’il voyait ou ressentait.

Il rabâchait sa conception du mot ‘amitié’ lorsque la mauvaise jumelle lui demanda son avis.
- Elle y est p’têt quand même… Y a quoi d’logique ici, t’façon ? Regarde : j’me traine une boule de feu violette… Alors pfffffffffffffffffffffffffffffffffffffffffffff.
- Là-dessus, il marque un point, mais je suis pas n’importe quelle boule de feu, quand même ! Enfin je dis ça... Ah oui ! Il m’a semblé avoir entendu quelque chose, tout à l’heure mais j’ai pas vu si c’était elle ou quoi. Elle dort peut-être ? Allez ! 15 points si elle dort ! Qui dit mieux ?
- nggggueule, t’parltropfort….

Ace se dirigeait vers la prochaine chambre d’un pas lent, essuyant les larmes sur son visage d’un revers de manche avant de renifler plus ou moins bruyamment. Parfois, le sol et les murs arborant le même gris terne se mélangeaient, forçant le jeune homme à trouver repère en s’appuyant contre la première paroi venue. Il passa devant sa chambre, hésitant un instant à entrer pour aller chercher son deuxième cachet d’extasy. Ah non : c’était Fisher qui… Non, ça c’était avant. Maintenant c’était Elie qui l’avait. Booooon….

Il avait vu les dégâts de la drogue de ses propres yeux et pourtant à présent il comprenait les accros. L’exta’ semblait la solution la plus facile à tous les problèmes mais dès que le manque se faisait ressentir, c’était bad. Mais il savait très bien qu’aucune des deux filles n’accepterait de lui donner ne serait-ce qu’un cachet. Tiens en parlant de ça, il était arrivé devant la chambre de la nécrophobe.
Il entra, manquant de tomber, et trouva Melena sur son lit. Ou du moins il devinait Melena.

- Ouais, elle est là. Tu dors, Mel ? Si oui, j’te laisse, j’dérange pas
- Tu aurais peut-être dû frapper avant d’entrer, non ?
- Pffffffffff pourquoi toujours de la violence… J’en ai ma claque…

Il n’entendit pas la réponse de la nécrophobe mais elle avait parlé, donc elle ne dormait pas, en principe. Ou si ? Il entra donc, trouva le premier fauteuil venu et se laissa tomber dedans. Ses jambes pesaient une tonne et il avait froid.

Elle tournait et retournait encore la pierre dans ses mains lorsqu’Ace et Elie firent irruption dans sa chambre. Furtivement, en espérant que personne ne l’ait vu, elle essuya la larme qui perlait au coin de son œil malgré ses efforts et rangea son objet magique dans son sac. Le comportement du pyromane aurait fait se soulever l’un de ses sourcils en temps normal, mais le cœur encore trop lourd, elle ne put que s’interroger intérieurement sur la nature de son air complètement à coté de la plaque. Avant qu’Elie ne parle, et ne lui fasse éventuellement remarquer qu’elle aurait pu venir la voir en revenant du monde réel, l’adolescente renifla avant de dire d’une petite voix :

- Désolé je… j’sais pas, j’ai eu envie de m’isoler un peu. Je crois que je réalise pas encore complètement…

Elle espérait que ça suffirait et que son amie ne lui poserait pas d’autres questions. Sa réaction avait été stupide elle ne savait, mais malgré tout ce que Dreamland lui imposait, elle restait une gamine après tout, une enfant qui n’avait pas totalement fini de grandir, et qui se retrouvait balancée au cœur d’horreurs sans nom. Ses yeux gris balayèrent sa chambre froide, impersonnelle. Peut-être devrait-elle la décorer, histoire qu’elle soit au moins à son goût ?... Ou bien ne jamais y revenir, c’était encore la meilleure des solutions. Ne plus vivre un étage sous les gardiens, ne plus savoir que les sadiques qu’ils étaient rôdaient quelque part dans son périmètre.

Finalement, Melena adressa un sourire à ses compagnons. Elle était contente de les voir en fait, et voulait rapidement chasser de son esprit sa fuite puérile devant l’étreinte à laquelle elle avait assisté. Après tout, signifiait-elle quelque chose de particulier ? Pas forcément, même s’il était tout à fait envisageable que la mauvaise jumelle ait un faible pour leur ainé. Après tout, il était assez mignon, courageux, et d’une maladresse presque touchante. Bref, ce n’était vraiment pas la question. La nécrophobe commença à réunir toutes ses affaires, éparpillées par son calendrier, avant de faire une proposition :

- Vous ne voulez pas qu’on sorte d’ici ? Je crois que je supporte plus… d’être enfermée dans cette tour. Y’a même pas de fenêtre, j’ai l’impression d’étouffer !

Elle marqua une petite pause. Son silence taisait ce qu’elle sous-entendait, à savoir qu’elle voulait prendre ses distances avec leurs supérieurs, mais aussi avec son matricide qui rongeait toujours ses entrailles. Une moue ayant pour rôle de rallier les autres à sa cause, l’irlandaise ajouta :

- Il fait encore jour non ? Autant en profiter… même si on peut pas dire que ce soit un cadre touristique de rêve.

Et elle pesait ses mots, mais tout serait mieux que la résidence des gardiens de la paresse, même une ville anémiée qui attendait la mort, même une population de fantômes. Son rangement touchait à sa fin, tandis qu’elle avait casé dans son sac à bandoulière toutes ses petites possessions qui pourraient lui être utiles à un moment inattendu. La jeune fille y ajouta sa couronne de méduse, sa pierre nécromancienne, ses potions, passa son sifflet de dressage autour de son cou, et disposa tous le reste dans sa hotte pour ne laisser que les biens de Jade dans son sac à dos. Elle lui rendrait en temps voulu. Ses yeux tombèrent alors sur sa combinaison qui avait extrêmement souffert de son affrontement contre Avok. Avant de sortir, elle la mettrait à la machine… il y en a bien une quelque part, non ?

C’était étrange de le dire, mais pour une fois Feu’ était bien plus sensé que son maitre. Alors elle serait passée pendant qu’elle consolait Ace ? La raison qui l’avait empêché de venir les aborder ne voulait pas se former dans l’esprit de la mauvaise jumelle qui n’y comprenait décidément rien. Elle suivit malgré tout le camé jusqu’à la chambre de Melena où, miracle, elle se trouvait. L’irlandaise était pour l’heure affalée sur son lit et même si ses yeux étaient secs lorsqu’elle se redressa, leur rougeur trahissait qu’elle avait pleuré.

Alors que le mâle du groupe allait s’affaler dans un fauteuil, Elie resta plantée sur le pas de la porte, le visage fermé. Ca la blessait de les voir tous les deux se réfugier dans leur coin et pleurer, sans même penser un seul instant à chercher du réconfort auprès d’elle. Peut-être qu’ils ne la voyaient pas comme une amie, tout simplement. Qu’ils n’avaient pas confiance en elle, en sa capacité d’écoute, en sa compassion.

- Ah… répondit-elle avant de pincer les lèvres.

Son amie ne sembla rien remarquer d’étrange, tentant même de lui offrir un sourire qui ne heurtait que plus les sentiments de la mauvaise jumelle. Non seulement elle ne voulait pas partager avec elle, mais elle lui mentait. Elle lui souriait alors que son envie de s’effondrer exsudait par tous les pores de sa peau. Qu’est-ce que c’était censé vouloir dire ?

Mais Mlle Melena étouffait et voulait sortir. Faire du tourisme et prendre le grand air, rien que ça. Elie pouvait comprendre ce désir mais il ne ressemblait que trop à une fuite, sans parler d’un détail que la nécrophobe semblait oublier. Le regard de la psychotique glissa jusqu’à la main gauche d’Ace, et son pied aux orteils brisés. Rien de tel qu’une petite randonnée avec fracture… quand on voulait empirer son état et rentrer en pleurant sa mère. Elle poussa un soupir en se décidant à ramener son ancienne ennemie sur terre.

- Dans son état ? Il aura déjà du mal à descendre les escaliers. Et je parle même pas du cachet qu’il a gobé comme un bonbon.

Rien que le faire sortir de son fauteuil où il était désormais vautré était du domaine de l’impossible. Après bien sûr il fallait aussi prendre en compte l’état de ses propres pieds écorchés qui ne souhaitaient qu’une chose : se plonger dans une bassine d’eau bien chaude et d’y agoniser. Même si l’atmosphère de la tour était pesante et que la présence des gardiens au-dessus de leurs têtes n’était pas pour lui plaire, il faudrait attendre encore un peu avant de mettre le nez dehors.

La mauvaise jumelle fit deux pas dans la pièce et s’assit sur une chaise qui faisait face à un bureau sommaire aussi lisse et plat que le reste de la pièce. Mais la décoration était loin d’être sa préoccupation première. La femme qui venait de passer par la porte si, par contre.

C’était une femme grande et élancée qui devait bien faire dans les 1m80 au bas mot. Sa chevelure brune lui cascadait jusqu’au creux des reins et encadrait un visage aux traits orientaux qui aurait pu être charmant en occultant ses paupières lourdes. Cet attribut rendait son regard méprisant et fourbe malgré le léger sourire qui étirait ses lèvres. Elle portait la marque d’adepte en plein milieu du front et ce sigle attirait le regard avec bien plus de force que sa tenue digne d’une Jasmine des studios Disney. Amie ou ennemie ? Ils ne tarderaient pas à le savoir.

- Alors vous êtes les nouveaux… je vous imaginais plus… moins… enfin autrement.

Alors qu’elle penchait la tête pensive et légèrement moqueuse, la psychotique ne put s’empêcher de bondir sur ses pieds douloureux comme si elle était montée sur ressors. Pour qui elle se prenait celle-là, à les jauger comme s’ils n’étaient rien ? Qui lui avait demandé son avis d’ailleurs ?

- Bah casse-toi si on te plait pas, rétorqua Elie avec agressivité avant de pousser la femme dehors sans ménagement et de claquer la porte derrière elle, Non mais sans déconner…

Lorsqu’il bougeait la tête, Ace voyait le monde comme une succession de vagues, ou d’images mal reliées entre elles… Un film psychédélique, en somme. Pour les nuances, ça oscillait entre le gris, le noir et les larmes. Et un peu de violet, étrangement réconfortant. Ce fut un soulagement de s’affaler dans le fauteuil, si bien qu’il n’envisageait pas d’en bouger. Un peu de repos dans ce monde qui ne tournait pas rond. Assailli par des sentiments négatifs et une bien piètre estime de soi, le pyromane se morfondait sur son sort, ne sachant toujours pas pourquoi on organisait cette petite réunion de groupe. Il ne méritait pas de présence humaine autour de lui.

Melena, quant à elle, exprimait le souhait de sortir ; c’est-à-dire faire l’exact chemin inverse et plus encore ce qui compressa le cœur du pyromane. Il avait survécu à bien pire mais là c’était même pas la peine : [mode loque humaine : on].
‘Il fait encore jour’… Ça, ça dépendait du point de vue. Tout était moche dans l’instant présent pour le Ken. D’ailleurs si ça se trouve, il méritait bien qu’on le crève à la tâche. Descendre et remonter la tour dix fois de suite serait suffisant. Ou non, quand même pas : deux fois suffiraient. Ou une, si on était gentil.

Franchement, ça valait pas le coup les cachets à l’unité, bordel ! Le jeune shooté ferma les yeux et secoua sa tête pour essayer d’évacuer ce résidu de trou noir qui aspirait son cerveau et son cœur, mais tout ce qu’il réussit à faire fut de se donner le tournis. C’était pas comme ça qu’il allait réussir à se lever.
- Ace, ça va ? T’as l’air bizarre… T’es… Tout blanc. ‘Fin.. t’as jamais été très bronzé de toute façon, mais là encore moins que d’habitude.
- Jailagerbe…
- Hm… Prendre l’air serait peut-être pas une si mauvaise idée, en fait…

Cependant Elie avait raison sur un point : l’état du pyromane ne lui permettait pas de se déplacer, à moins d’être motivé par quelque chose de vraiment important pour lui. Et pourquoi aller dehors quand le dehors vient à vous ? Une autre adepte, à n’en point douter. C’était comme si c’était écrit sur son front. Bien entendu, Ace ne distinguait qu’une silhouette floue mais la voix était suffisamment féminine pour qu’il ne se trompe pas sur le sexe de leur visiteur.

Elle les imaginait quoi ? Cette phrase chargée de sous-entendus n’était pourtant pas équivoque : c’était un reproche. On ne dit pas ça à une personne qui se révèle être encore mieux que ce qu’on avait imaginé à priori, en temps normal. Maussade, Ace soupira longuement alors qu’Elie chassait l’indésirable de la chambre. Bon débarras, mais quand même… Elle avait raison.

-Je…
Je tiens à m’excuser… Envers tous les habitants de cette planète de respirer le même air qu’eux…
Voilà, c’était dit. Il se sentait tellement mal qu’il aurait voulu s’excuser de sa présence, de son paraitre, de son ‘être’ même et ça le faisait gerber. Non, sans sous-entendus : ça le faisait vraiment gerber.

Il se mit debout en un éclair, fila à travers la chambre, ouvrit la porte et rendit tout ce que ses tripes pouvaient contenir sur la belle Jasmine. Hop ! Peinture express !
- Tiens, connasse ! Tu m’prends pour dla merde, jte rtourne le compliment. Maint’nant casse-toi avant que j’te fasse bouffer tes pieds.
Aussi sec, il referma la porte derrière-lui. Le cachet devait être parti avec ou un truc du genre car il se sentait étonnamment mieux. Ou du moins : moins mal.

Tremblant, il retourna s’asseoir sans croiser le regard de ses compagnons. Son visage était déformé par un rictus de dégoût profond.
- Que j’me prenne pour d’la merde, passe encore. Mais qu’on m’le fasse remarquer ça m’écorche la gueule !

Tout finissait par s’arranger : la mauvaise humeur revenait. Ace eut droit à un compte-rendu « ce que vous avez raté à l’épisode précédent », un review de tout ce qu’il avait réussi à comprendre pendant sa transe et que son encéphale avait gentiment mis de côté. Il n’en avait pas l’habitude, mais oui il avait besoin de vider son sac… Restait à espérer que les filles ne s’évaporeraient pas une seconde fois.

- S’cusez moi pour t’aleur… J’aurais pas dû. J’ai dit que j’m’en foutais mais c’est pas vrai… Il resta un moment sans rien dire, le regard dans le vague. S’il s’écoutait, il serait déjà en train de raconter sa vie aux deux filles alors qu’il les connaissait à peine.
- C’est juste que je croyais pouvoir faire comme si sa mort me f’sait rien mais en fait j’sais pas quoi faire…
J’sais même pas pourquoi j’vous dis ça, p’têt à cause de c’qu’on a vécu ensemble. C’est pas grand-chose mais bon…

Nouveau soupir, long et pesant. Il tourna la tête vers Feu’ qui voletait à côté de lui. Ace avait froid et mal à la tête à présent. Pourtant il avait envie de rester un peu ici, discuter de n’importe quoi, se changer les idées. « Ça ‘sert’ à ça, les amis »… Le pyromane n’avait jamais voulu voir qu’un seul sens du mot ‘sert’, celui du sens utile, l’ami comme outil pratique, comme moyen.
Mais Elie lui faisait comprendre que ce qu’il avait toujours pensé être de l’amitié n’était qu’une vision fausse. Il était peut-être temps de s’ouvrir un peu aux autres ? Pour de vrai ?

Elie refusa sa proposition sans l’ombre d’une alternative. Melena pensait pourtant être censée : comment pouvoir vouloir rester dans le rayon de ceux qui les avaient incités à tuer leurs proches ? Rien que d’y penser, elle avait envie de devenir folle, mais elle se contenta de tourner son regard vers Ace. Effectivement, il avait l’air passablement mal, et elle pesait ses mots. L’adolescente avait également trouvé deux cachets étranges dans les offrandes de son calendrier de l’avent, étaient-ce de ceux-la que parlait la mauvaise jumelle ? Certainement. Certes, elle n’était pas suffisamment calée en drogue pour pouvoir reconnaitre de l'extasie quand on lui collait sous le nez, mais il était évident que ces cadeaux n’étaient pas nets.

Son attention fut soudainement détournée par une femme qui se présenta dans l’encablure de sa porte. Incroyablement grande, aux traits orientaux, une expression profondément lymphatique alourdissant son visage. Impossible de se tromper sur sa nature : le signe des adeptes se trouvait en plein milieu de son front, clamant son appartenance à la tour au premier regard. Première prise de contact : une notation apparemment moqueuse des trois voyageurs qui venaient d’endurer les pires horreurs qu’on ait pu leur imposer.

Tandis qu’Elie s’était jetée sur ses pieds, Melena jaugea l’inconnue avec un air de dédain. Qu’est-ce qu’elle savait de ce qu’ils valaient ? Ils venaient de survivre aux épreuves, d’assassiner père, mère et sœur, ils n’avaient pas besoin qu’une indienne curieuse vienne émettre un jugement sur leur apparence. Comme toujours, il fallait un bouc émissaire à la colère incontrôlée de la nécrophobe, et cette fille faisait une cible parfaite. Elle n’eut cependant pas le temps de formuler sa réplique glaciale à haute voix, car son amie avait congédié la Jasmine du dimanche en claquant la porte.

Le comportement alors incohérent d’Ace la fit revenir à leurs préoccupations premières. Le jeune homme avait l’air réellement mal, et toute cette souffrance qu’il émanait toucha l’irlandaise. Elle se sentit subitement encore plus qu’idiote d’avoir fuit l’étreinte qu’il avait partagé un peu plus tôt avec la mauvaise jumelle, parce que peut-être n’avait-elle eu d’autres but que de réconforter le pyromane. Bouche bée, Melena se sentait même prête à réduire la distance qui les séparait pour l’enlacer à son tour, mais il bondit sur ses pieds pour aller rendre le contenu de son estomac sur leur nouvelle ennemie. Certes, c’était assez drôle en soit – une douce vengeance bien que puérile – mais pourquoi cela devait-il se passer sur le pallier de SA chambre ?

Néanmoins, le retour de leur ainé et la poursuite de ses confidences cathartiques retint toutes protestations de la part de la nécrophobe. Ce n’était pas grand-chose ce qu’ils avaient vécu ensemble ? S’entretuer ? Décapiter des cadavres ? Tuer un titan ? Percer les lignes de centaines de zombie ? Partager le déchirement de crimes inhumains ? D’après l’avis de l’irlandaise, ce genre d’horreur pouvaient tisser des liens plus forts que tout. Ils avaient réussi ensemble, se devaient tous la vie, et rien que pour ça… ils étaient liés.

L’adolescente ne savait pas quoi répondre au pyromane, alors après deux tentatives incertaines, elle se résolue à faire ce qu’elle faisait généralement avec Elie : elle se pencha en avant pour lui prendre la main. La droite, pour ne pas le blesser. Ce contact avait quelque chose d’étrange : elle avait l’habitude avec les jumelles, mais Ace lui était finalement pratiquement inconnu, et elle n’était pas du tout du genre tactile. Melena raffermit sa prise avec maladresse, cherchant de ses yeux pâles le regard de son allié, mais la porte se rouvrit pour laisser apparaitre une « Jasmine » couverte de vomi.

Elle semblait admirablement faire abstraction de la substance écœurante – et de son odeur – alors qu’elle tirait lentement de sa ceinture une de ses multiples fioles remplie d’un mélange douteux. Manifestement prête à la jeter sur les voyageurs, la nécrophobe amorça un mouvement pour se lever, mais une main puissante se referma sur le poignet de la grande indienne. Ces cinq doigts appartenaient à un homme de la quarantaine, cheveux bruns hirsutes et barbe fournie, vêtu du classique jean et débardeur blanc qui permettait de laisser admirer son importante musculature.

- Voyons, voyons, ce n’est pas très gentil de ta part de provoquer nos nouveaux collègues alors qu’ils sortent tout juste de leurs épreuves.

Ses yeux d’un noir profond détaillèrent tour à tour les voyageurs. Le haut en toile de Melena avait légèrement glissé, dévoilant une partie de la courbure de ses seins. Il put donc s’y égarer, notant la présence de la marque des adeptes. Rien d’autres à mater de toute façon ; l’inconnu eut alors un sourire en coin intraduisible tandis qu’il continuait d’évaluer le trio. Des jeunots pâles et pas bien épais, c’est tout ce qu’il voyait pour l’instant ; un petit esprit violet en prime.

- Tu devrais faire attention, reprit-il à l’intention de l’indienne, ils doivent bien cacher quelques petites choses pour être arrivés jusque là.
- C’est pas bientôt fini, rétorqua sèchement l’irlandaise en faisant un pas vers le duo planté dans l’encablure de sa porte, vous vous attendez à quoi, qu’on vous fasse une démo ?

Elle croisa les bras, défiant les deux adeptes de ses prunelles grises glacées. Tout ce qu’elle voulait c’était qu’ils disparaissent, elle s’était assez battue les derniers jours, et ça n’avait servi à rien d’autre que creuser la tombe de sa raison. Elle n’avait même pas peur, ça paraissait juste vain : elle se sentait vide et fatiguée.


+++++ HRP +++++

Bon, pour une fois, y'a une tête qui m'est venu quand j'ai pensé au PNJ :
lui ! Et... il s'appelle Sven Wolf (kof kof, mais il n'a pas grand chose à voir avec le X-man lol).

La scène qui se déroulait devant ses yeux avait de quoi dissuader n’importe qui de s’essayer à la drogue. Voilà qu’il s’excusait d’exister maintenant, de respirer ! De quoi faire palpiter une veine sur le front d’Elie mais heureusement la suite du programme fut bien plus drôle… Voir Ace ouvrir la porte pour rendre tripes et boyaux sur cette imbécile condescendante avait quelque chose de jouissif, même si ça ne valait pas un bon broyage de molaires en règle.

Puis revint le temps des larmes. Même si la mauvaise jumelle ne savait pas comment le montrer les paroles d’Ace la touchaient, tout comme pour Melena visiblement. Pour une raison qu’elle ne saisissait pas, voir son amie glisser sa main dans celle du pyromane lui provoqua un désagréable pincement au cœur. Elle qui n’avait l’habitude d’attribuer le mot « jalousie » qu’à Jade n’arrivait pas à mettre le doigt sur ce sentiment à peine naissant qui menaçait de lui broyer la poitrine. Et puis… pourquoi aurait-elle été jalouse ? Ce n’était pas comme si l’un ou l’autre lui appartenait.

L’indienne avait de toute façon décidé de ne pas lui laisser le temps de réfléchir à la question. Elle pénétrait déjà dans la chambre couverte d’une substance immonde, ses longs doigts fins se saisissant habilement d’une fiole. Dans son esprit le mot « danger » s’imprimait en lettres de feu mais avant même d’avoir pu esquisser un geste un nouvel individu fit son apparition pour stopper l’attaque amorcée. Il semblait plus compatissant et plus respectueux mais Elie s’en fichait bien. Il n’avait rien à foutre ici, pas plus que Miss India.

- Non, monsieur muscle et mademoiselle éprouvette attendent juste qu’on leur montre la porte, siffla-t-elle en faisant craquer ses phalanges, Ne vous inquiétez pas, je fais ça très bien.

Alors qu’elle s’apprêtait à lever le poing, le rire de l’indienne l’arrêta net. Qu’est-ce qu’il lui prenait à celle-là ?! Elle allait vite apprendre qu’on ne rigolait pas avec eux, surtout après ce qu’ils venaient de subir.[/color]

- Qu’elle est drôle… je sais où est la porte, merci. Je vous enverrais les frais de pressing. Quant à nous impressionner excusez-moi mais vous avez encore beaucoup, beaucoup de travail devant vous. Les voyageurs sont vraiment tous pareils. Un ou deux pouvoirs et vous vous croyez supérieurs à ceux qui ont gagné leur influence par le labeur. Tellement minable…

Dans un soupir la jeune femme fit volte-face, pleine de fierté malgré les souillures qui s’étalait sur ses vêtements finement brodés. La psychotique quant à elle serra les poings alors qu’une tempête de rage pure se déchainait dans le creux de son ventre. Qu’est-ce qu’elle savait d’eux hein ? Rien ! Jamais ils n’avaient affirmé être forts ou meilleurs que ces deux adeptes. Ils cherchaient juste à retrouver la paix qu’ils méritaient. C’était elle qui était minable, tellement nécessiteuse de prouver sa valeur qu’elle en arrivait à ramper au service de deux cadavres ambulants. Eux l’avaient fait pour la liberté au moins, même si cette décision s’était avérée la pire de toutes celles qu’elle avait prise.

Son bras jaillit pour saisir l’épaule de celle qu’elle détestait déjà, la forçant à faire demi-tour de nouveau. Malgré ses 20 cm de plus, elle semblait aussi frêle qu’une enfant. Par quels moyens une fille aussi faible avait pu passer les épreuves ? Elie aurait mis sa main à couper que sa collection d’éprouvettes n’y était pas pour rien…

- Tu crois que tu vas t’en aller aussi facilement après nous avoir insulté ? Et d’ailleurs t’es qui au juste ? C’est quoi ton nom, qu’on puisse le graver sur ta tombe ?

- Je m’appelle Pas, rétorqua l’indienne tout en tentant de se libérer de l’étreinte douloureuse.

Malgré cette réponse sincère, la psychotique prit ça pour une moquerie supplémentaire. De colère elle poussa Pas dehors sans douceur et celle-ci en tomba sur les fesses, brisant une fiole au passage. Le liquide violacé répandu sur le sol y stagna un moment avant de dissoudre la pierre comme de la glace sous l’action du feu. Elle roula avec dextérité pour ne pas tomber dans le trou qui se formait sous elle puis se redressa, sous regard lourd lançant des éclairs.

- Une semaine… une semaine de préparation… petite conne… maugréa-t-elle.

Sur ces douces paroles elle tourna les talons et disparu avant que quiconque, même Sven, n’ait pu tenter de la rattraper.

============

HRP : Au fait... voilà Pas !

Spoiler:

Le silence qui suivit ses déclarations aboutit chez le pyromane à la conclusion que non, vider son sac ne faisait pas du bien. Il se sentait ridicule(ment faible), rien de plus. Puis il sentit Melena prendre sa main. Savoir que l’on pouvait compter sur quelqu’un, ça valait tous les discours du monde. Tour à tour, les filles lui avaient prouvé qu’il pouvait compter sur elles et ça faisait chaud au cœur.

Ce genre de situation, de sensations, Ace avait l’habitude d’en rire, ne les voyant qu’à la télé à travers des téléfilms bidons, se moquant de chaque personnage. Sauf que là, il était le personnage. Son regard s’était perdu sur sa main dans celle de la nécrophobe. Le sourire qu’il adressa à Melena était encore chargé de tristesse et pourtant, il se sentait mieux, moins seul.

La petite scène touchante fut interrompue par le retour de l’indienne en rogne. Et hop, on était bon pour une vindict party. Pourquoi il fallait toujours que ça se finisse comme ça..?
Y’avait pas à dire, sa robe était moins belle et une femme superficielle, quand on pourrit sa robe… Par chance, un bras l’empêcha de leur balancer le contenu de sa fiole. Un type d’une carrure assez impressionnante apparut, se révélant être l’heureux propriétaire de ce bras salvateur. Ami ou ennemi ? Dans tous les cas, Ace lui devait probablement la vie car il ne se sentait pas d’esquiver les grenades chimiques de la femelle en furie toute la journée.

L’invitation à la prudence ne fut pas bien accueillie par l’empoisonneuse qui haussa les sourcils avec dédain. Bon ok, le trio n’avait pas les muscles du barbu mais bon, si elle avait envie de tester une nouvelle coupe de cheveux un peu plus… Enflammée, Ace aurait été bien disposé à lui faire voir de quel bois il se chauffait.

Le pyromane se redressait sur son fauteuil alors qu’on sommait les visiteurs de quitter les lieux pour la… Combien ? Troisième fois ? Bordel, ils étaient têtus et c’en était énervant au possible.
Jasmine quitta la pièce – enfin – sans oublier de leur cracher une petite tirade déplaisante au passage, à laquelle Ace ne répondit qu’en soupirant un « ta gueule » exaspéré.

Les présentations se poursuivirent dans le couloir où grâce à Elie le trio put enfin connaitre le nom de cette furie.
Le Ken tenta de réprimer un rire mais ne put résister ; il éclata de rire.
- « Pas » !? Putain mais c’est nuuuuuuuuul comme nom !!! Hahahaha !!
Rien de tel pour vaincre un coup de déprime que de se moquer de quelqu’un. Les mots peuvent faire encore plus mal que les poings et avec un nom pareil, nul doute que cette charmante Pas avait dû souffrir durant son enfance. Enfonçons donc le clou d’avantage ; remuons le couteau dans la chair. Ou en langage plus approprié : jeter de l’huile sur le feu !!

- Hm… On le changera pas, celui-là… Toujours le même observa Feu à propos de son créateur. Aussi loin qu’il s’en souvienne, l’un des adages du pyromane était « le malheur des uns fait le bonheur de moi », et rien ne semblait avoir changé de ce point de vue ; il s’était juste contenté de rajouter des exceptions sur une petite liste, les rares épargnés, parmi lesquels figuraient en bonne place Alexander et également les deux filles, à présent.
- Ouais nan mais attends, là… C’est pas tous les jours qu’on peut s’foutre d’la gueule de quelqu’un qu’on déteste, quoi…
- Oui, je suis content pour toi Ace. Dis, tu te souviens de la dernière fois que tu as fait ça ? Avec le petit Billy ? Lui il s’en souvient, en tout cas.
- Oah, mais lui… Pff… Tu m’casses dans mon délire, là… C’est pas cool.

L’euphorie, rapidement enrayée par Feu’, laissa place à un silence morose à nouveau. Y’avait pas à dire, Freedoom n’était vraiment pas l’endroit idéal pour se fendre la poire.
Ace se leva à la manière d’un vieillard à cause des courbatures. Il fit quelques pas en direction de Melena et lui adressa simplement un « merci ». A elle de choisir le bout de phrase qu’elle voulait coller : merci ‘de m’avoir réconforté’, ‘d’avoir été là pour moi’, ‘de m’avoir cuit des pâtes’, non, vraiment : ce qu’elle voudrait. Il y avait juste besoin de savoir que ce merci s’était accompagné d’un sourire sincère.
Il ferait de même pour Elie car elle aussi l’avait empêché de se faire du mal dans un sens… Mais il n’était vraiment pas doué pour ce genre de chose… Les mots du genre ‘désolé’ ou ‘merci’ figuraient parmi les plus difficiles à formuler alors qu’on ne lui fasse pas répéter ça une dizaine de fois, hein.

A l’entrée, le mec baraqué se tenait toujours là bien que Pas soit partie. Il avait l’air plus aimable, sa présence posait moins de problème.
- Et toi ? T’es qui ? Pourquoi on vous a pas vu jusque-là alors qu’on a visité l’île et la tour de long en large ?
- Ce qui m’étonne, moi, c’est pourquoi vous n’avez pas quitté l’île alors que vous en avez la possibilité en tant qu’adeptes ? Je veux dire : comme lieu de résidence y a mieux, quoi… Je sais pas, une belle prairie ou une forêt accueillante… Ou encore une plage chaude et… Vous aimez le golf, vous aussi ? Tiens ça vous fait un point commun avec Fisher.
- Mais c’est quoi cette obsession avec le golf !?

Elie vint la soutenir face aux deux inconnus qui squattaient son pallier, et fut coupée dans sa démonstration de force par le rire de l’indienne qui se moquait visiblement de sa menace. Comme il fallait s’y attendre un flot de remarques méprisantes plu sur les trois voyageurs, laissant Melena bouche bée. Ça faisait bien longtemps qu’elle n’avait pas eu à endurer ce dédain propre aux dreamlandiens, et avait presque oublié à quel point ça lui donnait envie de leur refaire le portrait. Avait-elle seulement choisi d’être envoyée dans cet autre monde la première fois ? Choisi d’atterrir à Freedoom ? Choisi d’être capable de développer des capacités en lien avec la mort ? Cette espèce de grande asperge orientale ne connaissait rien de sa vie, rien de ce qu’elle avait vécu, mais se complaisait dans une critique méprisante qui en disait long sur sa façon d’être.

Ce fut pourtant la mauvaise jumelle qui agit la première en retenant l’adepte par l’épaule, pour lui réclamer au moins son nom. Le sérieux avec lequel elle répondit qu’elle s’appelait « Pas » fit longuement douter la nécrophobe quant à la possibilité qu’il puisse réellement s’agir d’un prénom. Néanmoins, la psychotique dut prendre cette répartie pour une boutade moqueuse puisqu’elle repoussa au sol leur nouvelle ennemie en brisant l’une de ses fioles au passage. L’effet ne se fit pas attendre, et Melena frissonna de la tête au pied. Alors c’était ça ses atouts secrets ? Inutile d’imaginer les effets que pouvait avoir ce genre de mixture sur la chair humaine, et l’idée que la grande indienne puisse venir la tuer dans son sommeil avec l’une de ses décoctions s’obstinait à venir trotter dans sa tête de thanathophobe.

Sven avait assisté à toute la scène sans rien dire, observant le lien qu’il semblait y avoir entre l’unique mâle de la bande et le petit esprit violet. Quand ce dernier s’adressa à lui d’ailleurs, il lui répondit simplement :

- Appelez moi Sven. J’ai mes raisons pour être encore là, tout comme des gamins comme vous doivent avoir eu les leurs pour vouloir passer les épreuves. Et non désolé, je ne suis pas fan de golf, et je ne savais pas que Fisher l’était.

L’irlandaise frictionna ses bras, ses pensées encore accrochées au « merci » de Ace. Elle ne savait pas trop ce qu’elle avait fait pour lui quand elle y réfléchissait, à part lui avoir pris la main, mais ça devait avoir eu son importance. Pourtant, elle ne pouvait pas s’empêcher de se dire qu’elle lui devait autre chose… n’était-ce pas lui qui avait fait diversion contre Avok ? Qui l’avait portée quand elle avait été gravement blessée ? Lui qui avait pris le risque d’aller brûler les films lors de la quatrième épreuve ? Il méritait qu’elle lui rende la pareille. L’adepte baraqué la fit revenir au présent en déclarant avec sérieux :

- Ceci dit, j’vous conseillerai de ne pas trop chercher Pas. On changera pas le fait qu’elle ne soit pas facile à vivre, mais si vous cherchez les ennuis volontairement, j’aurais plus aucune raison d’intervenir.

La mauvaise jumelle devait être prête à protester car elle souleva un sourcil, visiblement interloquée par ce conseil. Avant qu’elle n’ait pu dire quoique ce soit, Sven, qui était beaucoup plus grand, lui tapota légèrement le crâne en affirmant avec un sourire taquin :

- Mais oui, je sais, je sais, c’est elle qui a commencé pour cette fois. Au fait, finit-il en changeant de sujet, si vous voulez sortir et ne pas descendre tous les étages à pieds, il y a un ascenseur dissimulé juste avant l’entrée aux quartiers privés. Ça fait partie des choses que Fisher oublie parfois de spécifier.

Sur ces mots, il s’éloigna, laissant enfin seuls les trois voyageurs. Melena regarda s’éloigner l’adepte, sans réellement savoir ce qu’elle devait penser de lui. Avant de refermer sa porte, elle jaugea avec une once d’appréhension le trou qui s’étalait à quelques mètres de sa porte, offrant un voyage express au niveau inférieur. Elle n’avait pas intérêt à se lever en pleine nuit : si elle oubliait de faire attention, elle risquait d’avoir une sacrée surprise.

Une fois isolée dans le périmètre restreint de sa chambre close, elle poussa un soupir. Ils n’étaient encore remis de leurs épreuves que déjà, ils s’étaient fait une ennemie, à croire que Dreamland refusait de leur laisser le moindre répit. La jeune fille passa une main dans ses cheveux noir ébène, elle avait vraiment envie de s’aérer. Même si la ville était morose, ça lui changerait plus les idées que de rester dans l’enceinte des pierres froides et sinistres. Songeant à l’objection que lui avait opposée son amie à la première tentative, une lumière se fit dans l’encéphale de Melena : elle savait comment rendre la pareille à Ace. L’idée même lui retournait l’estomac, mais c’était la moindre des choses. Plus pâle qu’à l’accoutumée, elle déclara subitement :

- Si on sort je… je pourrai utiliser mes pouvoirs pour te soigner…

Ses yeux gris détaillèrent tour à tour les doigts cassés, la main brûlée,… il en avait besoin, c’était certain. Consciente de ne pas forcément avoir été très convaincante, la nécrophobe offrit un sourire sincère au pyromane, comme celui dont il lui avait fait don un peu plus tôt, et ajouta :

- Ne t’en fais pas pour moi… je te dois bien ça.

Une chance pour Pas qu’un saut dans le vide ne tente pas Elie, sinon elle l’aurait probablement poursuivit pour lui faire payer l’insulte. Le fait de voir le dégât causé par la fiole brisé ne faisait que révolter un peu plus l’adolescente. Et dire que cette nana avait voulu leur en balancer une au visage… ça les aurait tué aussi facilement qu’un claquement de doigt. Si même les autres adeptes devenaient leurs ennemis ils ne seraient jamais tranquilles, jamais. Y aurait-il un jour un lieu où ils pourraient se sentir en sécurité et chez eux ?

Le rire d’Ace dans son dos fit redescendre sa colère d’un cran tout en lui faisant réaliser sa méprise. Alors c’était pas une blague, mais vraiment son prénom ? Sven confirma bientôt ce fait si bien qu’Elie fut bien forcée de se rendre à l’évidence qu’une fois encore elle avait agi de manière impulsive et irréfléchie. Mais quand bien même, cette fille l’avait bien cherché. D’ailleurs elle s’apprêtait à le signaler, haussant déjà un sourcil quand le mastodonte la fit terre en lui tapotant le crâne. La surprise bloqua la mauvaise jumelle alors que son subconscient s’insurgeait.

** Tu crois faire quoi là ?! Je ne suis pas un clebs !**

Mais bizarrement elle n’avait pas vraiment envie de s’en prendre à lui. Ça se voyait qu’il n’était pas méchant et son geste était plus protecteur que moqueur. Elie se contenta de soupirer longuement à l’instar d’un ballon qui se dégonfle avant de se tourner vers Melena et Ace. Et de se stopper net.

La scène qui se déroulait devant ses yeux était touchante, mignonne, ainsi que beaucoup d’autres attributs tout sauf péjoratifs mais pour une raison qu’elle ne s’expliquait pas l’adolescente se sentait mal. Elle aussi aurait voulu pouvoir se rendre utile et soigner, pas seulement pouvoir transférer ses propres dégâts à son double. Elle aurait voulu pouvoir apporter quelque chose de positif à son tour. A ne savoir que détruire, se retrouver devant un tel spectacle c’était comme si… on la narguait. « Vois ce que tu ne pourras jamais faire ». Qu’on l’évinçait. « Je lui suis plus utile que toi ». A cette pensée elle secoua la tête pour la chasser et s’avança jusqu’à les rejoindre, les mains posées sur les hanches. L’irlandaise avait trop l’air décidée pour qu’on l’en empêche, même s’il y avait des moyens autrement moins dégoutants de soigner le pyromane maintenant qu’ils avaient récupéré leurs affaires. Comme… acheter une potion par exemple.

- Tu crois pas qu’on pourrait plutôt mettre la main à la poche et rappeler Labeau ? Je veux dire t’es loin d’être forcée d’en arriver là, mais autant parler à un mur, Enfin bon, si tu y tiens allons trouver cet ascenseur camouflé…

Elle attrapa l’un des poignets de chacun de ses comparses et les entraina vers l’entrée de leurs quartiers en prenant soin d’éviter le trou béant qui occupait l’espace devant la chambre de la nécrophobe. L’envie de frapper quelque chose était si forte qu’elle en tremblait, ne pas comprendre pourquoi un catalyseur empirant son état. La psychotique aurait voulu dire ou faire quelque chose pour se sentir mieux et briser cette atmosphère bizarre qui s’était formée après la dernière épreuve. Puis une idée stupide germa dans son crâne.

Elie se concentra pour faire apparaitre un cadeau et lâcha le poignet de Mel’ de justesse pour le rattraper alors qu’il se matérialisait dans les airs. Une fois le papier déchiré la déception se lu sur son visage, allant même jusqu’à lui tirer un murmure contrarié.

- Je voulais une brosse à dents, mais forcément j’ai jamais ce que je veux, elle ajouta ensuite plus haut, Vous croyez que la brosse à dent que j’ai balancé sur Avok est encore dehors ? Parce que comme ça j’aurais pu la donner à Ace pour… enfin… c’est pas top de rien faire après avoir gerbé. Enfin pas « agréable » quoi. Même si je suppose qu’en fait c’est pas si important.

**T’es vraiment qu’une blaireaute !**

Elie en était encore à se fustiger mentalement alors que le trio parvenait près de l’entrée. A leur approche un pan de mur sembla réagir à leur marque d’adepte et se transforma pour laisser place à une porte d’ascenseur ressemblant à s’y méprendre à celle des vieux hôtels de certains films d’horreur. Sans hésiter et surtout pour faire oublier sa tentative minable d’aide, la mauvaise jumelle appuya sur le bouton d’appel.

Le membre 'Jade Martins' a effectué l'action suivante : Lancer de dés

'Joyeux noël' :

Au moins ils étaient renseignés sur les deux autres adeptes de cette tour : Pas et Sven. L'une était une sorcière méprisante tandis que l'autre était plutôt une force tranquille. Joli contraste. Ça, on avait bien compris qu'il fallait pas chercher madame crise de nerfs... Et ça plaçait Sven bien plus haut dans l'estime d'Ace que ne pourrait jamais l'être sa collègue empoisonneuse.

Ce gars était sympa mais on ne savait pas ce dont il était capable. Si ça se trouve il avait une force surhumaine ou un autre don hallucinant.
Alors que la discussion se poursuivait entre l'adepte et la mauvaise jumelle, Ace fut abordé par Melena. Il n'en croyait pas ses oreilles si bien qu'il dut se repasser la phrase au moins deux fois pour être sûr d'avoir compris. Elle lui proposait de le soigner...
- Tu sais, j't'oblige pas... J'sais qu'c'est dûr pour toi, j'voudrais pas te forcer..

Le sourire de la thanatophobe laissait comprendre qu'elle faisait ça de bon cœur ce qui ne manqua pas de toucher le pyromane.
- Merci ajouta-t-il en souriant à son tour.
Elie revint, proposant une alternative à l'utilisation du pouvoir nécrophage en rappelant le gros monstre vert de l'autre fois. Enfin l'autre fois, c'était il y a à peine quelques jours, mais ça semblait appartenir à un autre monde, à une autre vie. Ah non, finalement on était bon pour sortir quand même.

Sur le chemin, Elie se concentra pour faire apparaitre de nulle part un cadeau. Un autre de ses pouvoirs, sans doute ; même si ça n'avait rien à voir avec les précédents... De celui-ci elle tira un sandwich au thon, bien qu'elle aurait préféré avoir une brosse à dent... Pour lui ??
C'est vrai que le goût du vomi c'est pas génial mais décidément, Ace n'arrivait pas à comprendre le soudain élan de gentillesse et de compassion de la part des filles. Et surtout ce ton dans la voix d'Elie.
Se pourrait-il qu'elle... Non, c'était stupide.

- Bah t'en fais pas, ça partait d'une bonne intention. J'me d'mande si j'peux l'faire aussi... se concentrant sur une image de cadeau, il déclencha le même pouvoir que sa camarade à la seule différence qu'il n'eut pas le réflexe de le rattraper à temps.

De ce dernier, Ace reçut une paire de tongues.
- Héhé ! Petit veinard ! Enfin ceci dit, c'est encore pire que le sandwich pour ce qui est du brossage de dents. Le sandwich au moins, ben... T'aurais troqué ton haleine pour une charmante odeur de thon, c'est toi qui vois !
- Clair ! J'peux toujours essayer d'les mâcher plaisanta-t-il.

Il continua sa route avec la paire de tongues entre les mains. Elles étaient moches en plus.
L'ascenseur, très stéréotypé, leur fit descendre la tour en un rien de temps. Ace se blâmait de ne pas avoir découvert ce truc plus tôt. Ça les aurait vachement aidé pour la quatrième épreuve !! Mais non, il a foncé comme un boulet. Quelle connerie..

Une fois au rez-de-chaussée, l'atmosphère semblait moins pesante, comme si la distance ainsi établie avec les gardiens faisait du bien à tout le monde. Le trio put donc aller s'aérer, prendre une bonne bouffée d'air frais. Pourtant on ne s'habituait toujours pas au décor... Rien à faire à ce niveau là : tout semblait éternellement moche et hostile. Pourtant la ville avait retrouvé son calme depuis l'attaque d'Avok et l'état des habitations avant celle-ci pouvait laisser croire que rien ne s'était passé. Ironie cruelle.

- Ouais, y a pas à chier on est mieux dehors.
- Et surtout ici, on ne risque pas de voir débouler Pas avec une de ses fioles mystères ! Rien que ça c'est déjà un soulagement. Enfin par empathie, parce que concrètement ça ne me ferait rien à moi.

Le membre 'Ace Ridley' a effectué l'action suivante : Lancer de dés

'Joyeux noël' :

Elie avait tenté de la dissuader en avant qu’ils auraient pu rappeler Labeau Nefaie, ce qui n’était pas une si mauvaise idée en soit, mais Melena n’arrivait pas à expliquer en quoi elle préférait que ce soit elle. Ça lui couterait moins cher de se servir de ses pouvoirs et puis… la mauvaise jumelle lui avait dit elle-même non ? Elle n’était pas maudite, elle pouvait rendre la vie. Il était temps qu’elle puisse mettre ce fait à l’épreuve alors, de ne plus utiliser sa capacité pour échapper à sa propre mort, mais aussi pour rendre service à ses amis. C’était aussi la seule façon d’oublier à quel point ce qu’elle faisait était ignoble, de ne plus se sentir aussi souillée qu’un monstre nécrophage.

Le simple remerciement du pyromane lui fit chaud au cœur, et la psychotique les entraina tous les deux pour trouver l’ascenseur. Cette dernière essaya d’ailleurs de lui trouver une brosse à dent en faisant apparaitre un cadeau, mais tout ce qu’elle obtint fut un sandwich au thon. L’irlandaise se souvint qu’elle aussi avait ce pouvoir, même si elle ne savait pas réellement comment elle l’avait utilisé la première fois. Ce fut au tour de Ace de faire un essai et visiblement, il en était également capable, bien que le résultat escompté ne fut pas celui atteint.

Ça permettait au moins de confirmer que cette faculté puisait dieu sait où, au hasard, un présent que les voyageurs étaient capable de matérialiser. Malgré la situation, Melena rit de bon cœur à la plaisanterie de son ainé, pénétrant dans la cabine d’ascenseur digne d’un film d’horreur. Ça faisait si longtemps que son visage pâle n’avait pas été coloré par l’hilarité, que ses yeux gris n’avaient pas brillé d’une lueur positive. Pourtant, ils venaient de vivre les pires épreuves de leur vie, se trouvaient dans une tour infestée de morts et se rendait en promenade dans une ville-cimetière… mais elle avait besoin d’oublier, d’ouvrir son cœur à autre chose que la négativité, pour une fois. C’était le seule moyen de ne pas sombrer, de ne pas devenir folle.

Avant de sortir de l’ascenseur, la nécrophobe observa ses comparses comme elle ne l’avait jamais fait : comme des amis. Finalement, depuis leur arrivé, la mort avait plané au dessus de leur tête comme un oiseau de proie qui menaçait de fondre sur eux n’importe quand. Il avait fallu qu’ils deviennent adepte pour chasser la pression, pour se libérer, et le prix à payer lui oppressait encore la poitrine. Mais sans ces deux complices, avec qui l’entente n’était pas forcément au top à l’aube de la première épreuve, elle n’aurait pas survécu. Avec eux, elle se sentait plus forte, rien ne saurait les arrêter.

Bien sûr, cette appréciation ne franchirait pas ses lèvres. L’adolescente le gardait pour elle, comme un secret précieux. De toute façon, son attention fut rapidement détournée une fois à au RDC : une étrange odeur semblait la hanter avec obstination, comme jamais auparavant. Instinctivement, elle sentait la présence des cadavres, pouvait même approximativement situer leur position, même si ça se résumait globalement à « partout ». C’était écœurant.

- Je… j’ai l’impression de sentir les morts…, murmura-t-elle, c’est…

Mais en fait, il n’y avait pas de qualificatif suffisant pour décrire à quel point ça retournait son estomac. Le nez et les sourcils plissés, Melena n’avait pas l’intention de se défiler. Elle fit quelque pas en espérant que ça s’atténuerait, mais il n’en était rien. Il lui fallut sortir et s’éloigner de plusieurs pas avant d’être débarrassée de ce qui semblait être un nouveau pouvoir particulièrement inconfortable. Vêtue de sa tenue miquitzlienne, elle avait froid. Frictionnant ses bras, elle se dit que la première étape serait sans doute de s’acheter un manteau chaud – à défaut de pouvoir mettre sa combinaison – et se tourna vers ses camarades.

- Ça va mieux…, dit-elle, au fait !

A son tour, elle fit apparaitre un cadeau et coup de chance, il contenait la brosse à dent tant espérée. Avec un sourire timide, elle la tendit au pyromane en prenant soin d’éviter son regard – ainsi que celui de la mauvaise jumelle.

- Tiens, j’ai eu du bol.

La nécrophobe avait presque l’impression que d’avoir réussi là où son amie avait échoué n’était pas très correct vis-à-vis de cette dernière, sans trop savoir pouvoir d’ailleurs. Encore le souvenir de cette étreinte qui lui avait fait croire qu’il y avait quelque chose entre ses deux comparses ? Qu’importe. Elle passa une main dans ses cheveux noirs en tournant la tête, cherchant une tombe à profaner. Les deux cadavres qu’ils avaient utilisés pour la quatrième épreuve avaient déjà été remis à leur place, ce qui ne lui facilitait pas la tâche.

Jetant son dévolu sur un emplacement où était plantée une croix en métal oxydé, Melena utilisa son pouvoir de manipulation pour faire sortir de terre la carcasse décomposée de ce qui avait du être un jeune adolescent. Il portait encore son short et son tee-shirt rongé, mais il était visiblement mort depuis longtemps : à certains endroits, ses os étaient partiellement visibles, noircis par la chair putréfié. L’irlandaise sentit que tous ses membres se mettaient à trembler au fur et à mesure que l’instant T approchait, mais elle ne voulait plus reculer. Elle n’était pas un monstre, elle n’était pas un monstre, elle n’était pas un monstre… ce leitmotiv se répétait inlassablement dans son crâne alors qu’elle refermait sa main sur celle de sa charogne.

Après une profonde inspiration emplie du parfum de la mort, elle mordit à pleines dents dans la chair sous le pouce. La marionnette s’affaissa, mais la nécrophobe ne lâchait pas prise. Ses propres blessures légères se résorbèrent, et elle s’efforça de déplacer également son pouvoir sur le pyromane. Au fur et à mesure qu’elle avalait ses bouchées atroces de peau décomposée, les os d’Ace se remettaient en place, ses brûlures disparaissaient, et il fut bien rapidement comme remis à neuf.

Secouée de spasmes de dégout et de peur, tout en étant contente de ce qu’elle avait fait, Melena se laissa tomber à genoux en essuyant ses lèvres. Par une ultime volonté morbide, elle fit apparaitre son coffre sinistre qui déploya ses fils translucides pour les refermer magiquement sur la carcasse de l’adolescent et l’entrainer dans sa gueule béante. L’irlandaise restait prostrée au sol, agitée de tremblement, pâle comme un linge, mais lorsqu’elle ouvrit enfin les lèvres, ce fut pour murmurer, au bord du vomissement :

- Je… je vais remonter me brosser les dents…

Le membre 'Melena Autumn' a effectué l'action suivante : Lancer de dés

'Joyeux noël' :

Malgré l’état sentimental étrange dans lequel elle se trouvait, Elie ne put s’empêcher de rire à la blague du pyromane. C’était idiot, mais c’était ça qui faisait du bien. Ce n’était qu’un éclat de rire enfoui sous une montagne de colère et de tristesse mais c’était cette rareté qui le rendait précieux. Alors que l’ascenseur s’ébranlait elle adressa un sourire sincère, comme si l’ombre sur son cœur venait de se lever. Elle ne savait même pas pourquoi elle s’inquiétait après tout. Ils étaient vivants et ensemble non ? Alors tout irait bien.

Pendant la descente elle mordit dans son sandwich et profita de cette sensation trop rare à Dreamland qu’était celle d’un ventre plein. Ce n’était rien qu’un vulgaire encas, mais ça lui rendait l’énergie qui semblait l’avoir déserté suite à sa « maladie ». Avant d’avoir atteint le rez-de-chaussée elle se sentait déjà rechargée comme la pile d’un lapin energizer et c’est d’un pas rapide et assuré qu’elle sortit de la tour sans réellement s’attarder sur ce que Melena voulait dire par « sentir les morts ». Forcément qu’elle les sentait, ça puait la mort dans toute la tour non ?

- J’avoue, je supportais plus non plus l’atmosphère malsaine qui règne là-bas.

Maintenant qu’ils étaient dehors à observer le paysage, la psychotique avait l’impression de tourner une page de sa vie. Elle avait froid, elle était condamnée à être l’esclave de deux sadiques mais… jamais elle n’avait eu l’impression d’être aussi vivante. Elle s’étira longuement, ignorant la chair de poule qui couvrait sa peau trop pâle. Oui il n’y avait pas à dire, on était mieux dehors.

Sa camarade avait même réussi où elle avait échoué en faisant apparaître une brosse à dent, et si Elie se permit sourire ce n’était que pour masquer la frustration qui lui dévorait les entrailles. Elle était définitivement bonne à rien. Le fait d’avoir sauvé ses camarades à maintes reprises ne lui venait même pas à l’esprit. Ne restait que l’évidence de présent qui lui crachait au visage son inutilité flagrante. Heureusement une bourrasque vint lui remettre les idées en place, lui faisant réaliser qu’elle aurait plutôt dû se réjouir. Elle adressa donc malgré tout un sourire à la nécrophobe qui évita étrangement son regard comme si elle avait honte de quelque chose.

- ‘Spèce de chanceuse, tu devrais jouer au loto, lança-t-elle avec une moue amusée.

Sauf que les bons moments ne pouvaient pas durer. Ils étaient venus là pour soigner Ace après tout, et Melena s’était mise à la tâche en allant déterrer un cadavre putréfié pour le consommer, faute d’avoir un sandwich au thon. L’odeur écœurante qui provenait du corps lui soulevait le cœur d’ici, l’adolescente n’osait même pas imaginer ce que vivait son amie, ni même détourner les yeux. Refuser de la regarder aurait été reconnaître cet acte comme honteux et piétiner ses propres paroles sous ses semelles jusqu’à ce qu’il n’en reste rien. Elie se força donc à regarder en silence, les mâchoires serrées pour ne pas laisser échapper une parole qui évaporerait le courage que l’irlandaise avait dû rassembler pour accomplir cette besogne.

Une fois qu’elle eut fini, son ancienne ennemie s’effondra sur le sol à l’instar du corps putréfié et la mauvaise jumelle accouru aussitôt, mais déjà Mel’ murmurait qu’elle allait remonter se brosser les dents. Dans cet état ? Elle était si pâle et nauséeuse qu’elle ne ferait pas trois pas sans rendre tripes et boyaux. Elie activa sa force lycanthropique pour soulever avec une facilité déconcertante sa camarade de terre comme une princesse des contes de fée tout en la réprimandant du regard.

- Ne sois pas stupide, je vais te ramener. T’as autant de chance d’arriver à remonter seule que moi de gagner un championnat d’échecs… sans vouloir t’offenser.

Son expression maternelle se mua en un tirage de langue complice sans que la portoricaine ne réalise que cela dévoilait la marque qui l’ornait désormais. Elle pivota ensuite vers Ace pour lui faire signe de les suivre, s’il le désirait, avant de se diriger de nouveau vers la tour chargée d’une Melena qui dans ses bras ne semblait pas peser plus lourd qu’un fétu de paille.

- Allez viens, tu en profiteras toi aussi pour passer dans la salle de bain. On aura tout le temps de faire nos courses plus tard !