L'ascension des enfers [Quatrième épreuve]

- Et bien, et bien… je savais que vous arriveriez par l’intérieur. Chayan sera furieux en apprenant ça, il avait parié que vous tenteriez de vous introduire par les yeux de la statue, s’amusa perfidement Kay alors que le trio se rendait compte de sa présence.

Ils étaient arrivés plus vite qu’elle ne l’avait pensé. En fait elle avait même supposé qu’ils n’arriveraient pas jusqu’ici et elle n’était pas tombée loin de la vérité vu le raffut qu’il y avait eu jusqu’à la porte de leurs quartiers. Le trio de postulants adeptes fuyait d’ailleurs aussi vite qu’il avait débarqué, ce qui était avouons-le un terrible manque de manière que la gardienne ne manqua pas de leur faire signaler avec un humour très personnel.

- Vous me faussez déjà compagnie ? C’est tellement impoli… vais-je devoir vous punir ?

Un couteau de cuisine d’une longueur affolante s’extirpa des lambeaux de robe blanche que portait la revenante, les flammes des bougies rendant la lame presque étincelante dans la pénombre.

- Ca ne sert à rien de courir vous savez ? Je traverse les murs.

Un rire à glacé le sang s’éleva dans le couloir, les poursuivant sur une bonne centaine de mètres. Ici l’espace paraissait déformé, comme s’il y avait bien plus de superficie qu’il n’aurait dû y avoir. Les portes se succédaient, terriblement espacées et menant sur on ne savait où. Bientôt leurs pas finiraient par les mener sur un nouveau corridor que Chayan ne tarderait pas à rejoindre à son tour, guidé par les éclats de rire de sa belle…

Si l’un des voyageurs tentait d’ouvrir une porte, ce ne serait que pour tomber sur un avalanche de luxe et d’oisiveté macabre, des lieux de détente et de paresse empuantis par l’odeur de pourriture omniprésente dans la tour et baignés par l’éternelle brume glacée. Le positionnement des lieux transformait l’étage en un véritable labyrinthe pour qui n’avait pas les plans ce qui fournissait du même coup un formidable amusement pour les gardiens qui ne se lassaient jamais du jeu du chat et de la souris.

Mais sans se presser bien sûr, il fallait savoir faire durer le plaisir…



HRP : Ils jouent le jeu, alors ils ne se donneront pas du tout à fond MAIS s’ils nous coincent malgré tout ils ne nous feront pas de cadeaux ! Ne cherchez pas la confrontation directe ! Une dernière personne nous attend à l’arrivée… devinez qui ? =)

Ça c’est sûr, Elie n’y allait pas de main morte, comparée à certains autres. Elle défonçait du zombie à la pelletée et rien ne semblait en mesure d’enrayer sa course folle à travers tombes et cadavres réanimés. D’ailleurs c’était plutôt bien qu’elle ne se fasse pas arrêter facilement parce qu’ils avaient désormais toute une horde derrière eux. Courant comme des damnés, ballotant leurs bras en tous sens – ce qui s’avérait assez dangereux lorsque ceux-ci étaient pourvus d’épées – et hurlant comme des bêtes, les zombies ne leur feraient pas de cadeaux. Se cacher dans un coin effleura l’esprit du pyromane mais à quoi bon, ils se feraient repérer et quand bien même ils réussiraient, leur costume leur vaudrait de se faire courser à nouveau.

Feufolé revenait à peine de sa diversion qui, bien qu’efficace sur une dizaine de zombie, n’avait pas dégrossi les rangs morts-vivants pour autant. Ace n’avait aucune envie de se cramer une nouvelle fois et il n’attendit pas que l’esprit lui demande pour refuser une contre-attaque par le feu. Un signe de tête avait suffi et il n’aurait d’ailleurs pas pu dire grand-chose d’autre car l’étreinte d’Elie lui coupait le souffle à chaque saut qu’elle faisait.

Enfin le treizième étage ! La mauvaise jumelle les déposa et s’empressa de refermer la porte derrière elle. Ils l’avaient échappé belle mais Ace se demandait surtout pourquoi ce niveau était si différent des autres. Etaient-ils enfin arrivés ? Il n’eut pas à réfléchir longtemps car la gardienne fantomatique les attendait de pied ferme. Enfin… Bref.
Bon ! Topo ? Le but c’était pas de trouver les gardiens puisque ceux-ci semblaient déterminés à les étriper gaiement. Il fallait faire quoi alors !?

Comme Elie l’avait justement remarqué, il faudrait encore courir un peu, apparemment. Histoire d’amuser la galerie, sans doute. Seulement, détail :
- Putain j’suis baisé avec mon pied ! Il était certes content de la délicate attention des gardiens et ravi de voir qu’ici au moins il y avait la dose de feu mais cela ne l’aiderait pas à mieux courir pour autant !
Personne ne fit fi de la complainte du pyromane et Elie l’agrippa au poignet, le forçant à courir. Il ressentait la douleur à chaque pas, douleur accentuée par la crampe qu’il s’était faite en marchant à la manière des morts.

Il supporta la douleur tant bien que mal, se disant qu’il préférait amplement souffrir que mourir. Ce qui en soit était tout à fait légitime en tant qu’être vivant. Le mot d’ordre était donc : je pense donc je fuis. Des questions ? On les poserait plus tard. Une certitude cependant : la première personne à qui il pourrait s’en prendre allait payer pour toute cette merde. Qui que ce soit il se défoulerait. Oui, c’était injuste mais il s’en fichait : il avait besoin de remettre les pendules à l’heure ; c’était lui le bourreau, pas la victime !! Du moins dans le monde réel…

- Bordel j’croyais qu’y fallait simplement s’rendre en haut d’la tour !! Et cet étage c’est vraiment d’la merde, putain ! des portes, des portes, encore des portes… Et combien de zombies derrières celles-ci ? Où fallait-il aller ? S’ils étaient en haut de la tour ils étaient donc dans la tête de cette pseudo statue. La pièce était ronde, donc logiquement y faut s’rendre au centre, j’parie !
- Ca me rappelle un peu le Pacman, tu sais ? Mais un Pacman design parce que d’habitude c’est carré et y a des pastilles pour manger les fantômes. Remarque y en a peut-être mais… OOH ! Mais cours plus vite, grosse larve ! Tu vas te faire rattraper !
- Mais j’ai le PIED PÉTÉ, trouduc’ !
- Tu crois que les gardiens vont te faire des faveurs pour ça ? ‘Faut te réveiller, garçon. Allez, hue cocotte. On se magne. Mais si tu veux un coup de lance-flamme dans le couloir, rappelle-toi que je suis là !

C’était tentant mais quel effet aurait le feu sur un fantôme à part le traverser ? Un autre sacrifice inutile, en somme. Non, la seule solution pour le moment était de courir et espérer s’en sortir.
Il fallait également se soucier de Chayan ! Ces gardiens, là… Ils sont comme les araignées : on en a peur que quand on ne les voit plus.

Le treizième étage. Il l’avait atteint grâce à Elie, et le fait qu’il soit muni d’une porte indiquait que dès lors, les règles changeaient. Melena mit fin à son pouvoir, ses blessures se résorbant immédiatement, mais elle n’eut pas le temps de profiter de sa vivacité retrouvée que Kay les interpella. La femme fantomatique les fixait d’un air sadique, loin de vouloir leur souhaiter la bienvenue. Les consignes de Fisher refirent irruption dans sa mémoire : ils devaient atteindre la chambre des gardiens. Ce traitre n’avait jamais précisé que les deux immortels les attendraient pour leur mettre des bâtons dans les roues.

La psychotique lui prit la main pour se mettre à courir, et l’irlandaise ne cherchait pas à résister. Le rire glacé qui résonna longtemps semblait la poursuivre, s’accrocher à son cœur pour l’extraire de sa poitrine avec des lames de terreur. Elle ne se souvenait pas avoir jamais eu aussi peur de sa vie, mais c’était aussi cette émotion incontrôlable qui lui donnait des ailes, lui permettait de bondir le plus vite possible sur ses pieds endoloris. Leur horloge respective affichait 00 :38 :53, c’était le temps qui leur restait pour trouver la pièce finale, celle de leur salut et de la réussite.

Plus ils couraient, plus Melena avait l’impression de se trouver dans le pire de ses cauchemars. Les distances semblaient s’étirer au fur et à mesure qu’ils avançaient, jouant avec leurs perceptions, minant leur motivation. Pire encore que de savoir que Kay pouvait surgir de n’importe quel mur à n’importe quel moment, l’idée qu’un Chayan furieux pouvait leur couper la route était pétrifiante. Ace émit un constat intéressant : se rendre au centre. Pourquoi pas, à condition qu’ils puissent le trouver, car à moins que le couloir s’y rendant se trouvait derrière l’une des portes qui défilaient à des intervalles étrangement immenses, l’adolescente n’en avait pas encore vu.

Elle n’avait pas pu émettre de commentaire que le babillage hors contexte de Feufolé venait les accompagner dans leur fuite. La nécrophobe ne savait pas d’où sortait ce petit esprit, quel lien il avait avec le pyromane – hormis un pouvoir sans doute –, ni même quelles étaient ses capacités, mais l’envie de lui dire de la boucler la taraudait. Il était un peu comme la mouche du coche mais ça, seul son ami pouvait le lui faire comprendre. Néanmoins, Melena eut une idée à la fois pour se débarrasser de lui, mais aussi pour progresser dans l’épreuve.

- La… chambre… des gardiens, articula-t-elle en courant, il faut la trouver, tu peux pas nous éclairer ? Je sais pas moi… cherche si tu vois un chemin particulier, une pièce spéciale, un passage secret… et reviens nous guider après !

Ses yeux gris pâle se levèrent vers la petite boule de feu pour lui faire comprendre que c’était à elle qu’elle s’adressait, à défaut de connaitre son nom.

- S’il te plait, ajouta l’adolescente dans un souffle.

Le trio arrivait justement à une bifurcation, mais ce qui devait arriver arriva, Chayan était déjà là, les regardant de ses yeux morts avec un sadisme flagrant. L’option « foncer dans le tas pour forcer le passage » traversa la tête de la nécrophobe, mais face à un adversaire de cet envergure, il allait falloir l’esquiver, obligatoirement, et se passer de ce chemin qui se rapprochait du « centre ».

Il fallut bien 20 mètres de course pour qu’Elie se souvienne qu’elle était bien plus rapide que Melena et Ace et qu’il serait donc de bon ton de mettre la pédale douce malgré les grands maladies qui leur filaient le train. Ajoutez à ça la remarque emprunte de douleur du pyromane et elle aurait presque eut des regrets de les avoir entrainé de force à sa suite et pourtant ! Ce n’était pas comme si on leur laissait le choix. Ils étaient les proies, et fuir était la seule chose permise dans ces conditions. Un comble quand on se rappelait qu’Elie existait justement pour éviter ce genre de situations dangereuses de perdurer.

Le couloir défilait, d’une longueur monotone troublée par l’apparition d’une porte de temps à autres, comme pour leur donner l’espoir qu’ils n’étaient pas coincés. La psychotique commençait sérieusement à en avoir marre d’aller tout droit en écoutant Feufolé dire de la merde, sans parler du fait qu’à force de tourner comme ça ils risquaient de revenir au point de départ ou pire, de tomber sur Chayan. Alors qu’elle ouvrait la bouche pour annoncer qu’elle prendrait la prochaine porte qui se présenterait, Melena la prit de vitesse en demandant à la boule de feu violette de trouver le chemin.

Ah ouais, pas con…

On se sentait bête d’un coup, de ne pas avoir trouvé l’idée d’abord, mais Elie savait bien qu’elle était plus faite pour agir que pour penser et cette préoccupation disparu bien vite de son esprit. Chayan qui s’était pris d’une envie de leur dire bonjour ne lui laissait pas la possibilité de se pencher sur ce genre de problèmes de toute manière.

- Je suis très contrarié, à cause de vous ma femme a gagné. Elle va me rabâcher les oreilles avec ça pendant une décennie.

Le mort fit craquer d’une manière répugnante ses cervicales avant d’ajouter d’une voix chargée de menaces :

- J’ai besoin de passer mes nerfs sur quelqu’un… un volontaire ?

- Et ta sœur ? répliqua la mauvaise jumelle avant de faire volte-face.

Une porte, une porte, une porte… tiens ! En voilà une ! Elle fonça sur la première qui se présenta et l’ouvrit en grand pour la refermer derrière ses deux compagnons qui n’avaient pas tardé à la rejoindre. La grande pièce dans laquelle ils avaient débouché était une sorte de bains japonais où régnait une chaleur à crever. Ici la brume était plus dense, un brouillard tropical qui les faisait abondamment transpirer sous les chairs putréfiées qui leur collaient à la peau. Des crânes où l’on avait fourré des bougies servaient d’éclairage et donnaient l’impression désagréable de les suivre des yeux. Peut-être était le cas ?

Elie bloqua la porte avec un meuble massif qui contenait une multitude de flacons odorants avant de chercher des yeux une issue. La seule qu’elle put discerner fut une porte sur le mur de droite donnant… sur un endroit sans gardien zombi il fallait l’espérer. D’ailleurs ce dernière grattait déjà au panneau de bois dans leur dos, susurrant à travers le trou de serrure :

- Rien ne sert de fuir…

Un nouveau concert de craquement retentit, ce à quoi la psychotique répondit par un violent coup de pied dans le meuble bloquant l’accès. Les voir jouer avec eux la débectait, ça allait au-delà du sadisme. Ces enfoirés devaient terriblement s’ennuyer pour en arriver à de telles extrémités.

- Faites pas attention à ce connard, ça lui ferait trop plaisir.

Un conseil en totale inadéquation avec sa précédente réaction mais elle s’en fichait bien. Elie entreprit alors de traverser l’immense bassin peu profond en nettoyant les plaies qui couvraient ses pieds du même coup. Ses blessures la picotait désagréablement, mais elle ne s’en soucia pas le moins du monde. Elle était bien trop pressée de finir enfin cette épreuve et de fausser compagnie à ces dégénérés du bulbe.

Alors qu’elle quittait l’eau pour tendre sa main vers la poignée chromée, sa force et sa vitesse s’évanouirent aussi vite qu’ils étaient venus. Elle pesta devant le laps de temps trop court d’utilisation de son pouvoir avant de pousser le panneau de bois…

Le fantôme violet refusait de fermer sa maudite bouche et commençait sérieusement à taper sur les nerfs du pyromane déjà bien entamés. *Un pac man… Et ta mère, c’est un pac man, peut-être !?*
Il n’avait ni besoin de Feu’ pour l’instant ni d’un interminable discours sur les jeux vidéo rétro. Melena vint à la rescousse en donnant une raison à l’esprit d’aller se faire voir ailleurs. Au moins Ace n’était pas le seul à n’apprécier qu’avec modération l’éloquence de Feufolé.

- Ouais, tiens c’est une bonne idée. Va voir là-bas si j’y suis.
- Oki doki !
Il avait répondu comme s’il ne se rendait pas compte qu’il ennuyait plus qu’autre chose… Incroyable. Avec l’espoir qu’il reviendrait en leur indiquant le chemin jusqu’à la ligne d’arrivée, le pyromane put se concentrer sur sa course effrénée à travers ce couloir qui n’en finissait pas.

Et maintenant Chayan, youpi… C’était certain, tout le monde ici voulait les voir mort. Mais s’ils s’emmerdaient à ce point-là, pourquoi ne pas avoir organisé des séances de torture pour Fisher ? Ça lui aurait plu, sans doute ! Mais non, au lieu de ça le trio de voyageur devait courir, le pyromane cherchant une porte qui l’inspirerait plus qu’une autre mais comment savoir si ce n’était pas là un autre piège ? Là encore il n’eut pas à faire de choix car Elie prit la première venue.

Ils avaient atterri dans une sorte de salle de bains à la décoration japonaise glauque, digne des occupants des lieux. Ace profita de cette petite pause pour souffler un peu. C’était absolument injuste : s’ils découvraient ce labyrinthe à chaque pas, les gardiens quant à eux connaissaient certainement cet étage comme leur poche. Et l’autre grand dadais qui les menaçait derrière la porte… Bien sûr que si, ça servait de fuir ! Ace ne voulait pas se retrouver en mode zombie une nouvelle fois, sans compter qu’il ne serait rien d’autre qu’un pion lobotomisé à coup sûr.

Feufolé refit son apparition, passant à travers le mur et rappelant au passage à Ace que si l’esprit pouvait le faire, Kay en serait elle aussi capable.
- T’as trouvé un chemin ?
- Ouais, plus ou moins. Alors j’ai pas fait le tour du proprio, hein donc je sais pas ce que vous pourrez croiser dans les autres salles. Je dis juste que j’ai compris comment était organisé l’éta-abrège, avant que Kay s’ramène.
- Hm. Oui. Donc l’étage s’organise selon plusieurs cercles concentriques : le couloir où vous étiez, des pièces comme celle où on est, puis encore un couloir, encore des pièces et puis enfin le centre. Y a des petits passages qui mènent d’un couloir à l’autre mais je crois que les portes peuvent jouer le même rôle.

Ça n’était pas vraiment clair mais pour Ace ça l’était suffisamment pour lui donner de l’espoir : l’apparente proximité avec la ligne d’arrivée leur garantissait de s’en sortir avant de se faire attraper. Ils avaient juste à traverser un couloir comme celui où rôdent les gardiens, prendre la première porte venue et logiquement, ils déboucheraient sur le centre.
Quelque part, ça semblait trop simple…

- Super, t’as assuré sur ce coup-là. Bon ? Chuis d’avis qu’on en finisse, pas vous ?
Sans attendre de réponse de la part des deux filles – et encore moins de Feu’ – Ace se dirigea vers la seul porte de sortie viable et entra dans la pièce voisine sans hésitation.

Volontaire pour jouer la souffre-douleur de Chayan ? Melena répondrait non, c’était certain. Elle avait commencé à faire demi-tour avant même que la mauvaise jumelle n'ait rétorqué instinctivement au sadique de chercher du coté de sa famille proche, mais cette dernière l’avait dépassé avec sa vitesse accrue pour ouvrir une porte et les inviter à se réfugier dans la pièce qu’elle offrait. Un bain japonais morbide aux brumes épaisses qui ne les protégeait en rien du gardien qui grattait à la porte pour les effrayer. C’était évident qu’il jouait, que cette mascarade n’était qu’une autre partie du scenario de leur film ridicule, mais l’effet escompté atteignait la nécrophobe mieux que personne d’autre.

Trop difficile pour elle de « ne pas faire attention à ce connard » et sous l'emprise de la terreur, elle trébucha et tomba genoux dans l’eau tandis que la psychotique traversait juste à coté. La boue et les chairs décomposées utilisées comme déguisement se détachèrent de sa peau blafarde pour se mêler à l’eau chaude qui se teinta d’une répugnante couleur brune. La boule de flamme violette qui s’était portée volontaire pour les aider refit son apparition pour un rapport au pyromane sur la façon dont était disposé l’étage. C’était déjà plus clair, même si ça n’aidait pas réellement en l’état.

Dans un premier temps, l’irlandaise passa dans la pièce suivante qui était une chambre glauque et froide. Le lit a baldaquin noir était vide, pourtant la sensation qu’un cadavre y était allongé, près à se lever, était étourdissante. Des chandeliers constitués d’ossements soutenaient des chandelles dont la cire rouge évoquait étrangement le sang. Dans un coin, une commode sinistre décorée de crâne, un coffre en bois neuf qui rappelait à Melena celui d’où elle pouvait faire sortir un cadavre. Cette endroit donnait la chair de poule, il fallait qu’ils terminent, vite !

- Qu’est-ce qu’il y avait au « centre » ? Demanda subitement l’adolescente à Feufollé. Tu peux nous y emmener ?

De toute façon, ils l’avaient envoyé en éclaireur pour qu’il les guide non ? L’unique issu de cette pièce sinistre était une porte qui ouvrait sur le second couloir, celui du cercle intérieur. Derrière le petit esprit dont la lueur violette était comme absorbée par celle des torches, la nécrophobe suivait rapidement, jetant régulièrement dans coups d’œil nerveux par-dessus son épaule. Ils passèrent un couloir, puis une porte, et ensuite plus rien d’un coté ni de l’autre. Rien que la monotonie glaciale des murs éclairés et lorsqu’enfin, le passage menant à la chambre centrale se dessina – en toute logique si on suivait les dire de Feufollé – Kay jaillit subitement d’un mur pour barrer le passage aux voyageurs.

La lame de son couteau de cuisine brillait, si intense qu’on aurait pu la croire vivante, ou plutôt aussi morte et tordue que sa propriétaire. Melena ne put s’empêcher de pousser un cri en faisant immédiatement demi-tour pour rebrousser chemin, mais encore une fois au niveau de la bifurcation vers l’extérieur, le zombie maitre des lieux les attendait avec paresse. Réflexe instinctif et chance inespérée, l’adolescente ouvrit l’unique porte qui se proposait sur la gauche et la referma après que ses compagnons l’aient suivi.

Une vidéothèque. Impossible de savoir si tous les films entreposés étaient ceux tournés par les gardiens, ou ceux dans lesquels ils avaient joué – d’ailleurs, l’irlandaise ne perdrait pas de temps à vérifier – mais il y avait une quantité astronomique de vieilles cassettes, et bobines rangés sur des étagères morbides. Des grandes affiches décoraient les lieux, sans doute des grosses productions, mais une nouvelle fois, elle avait mieux à faire que de s’attarder sur les détails. Ils avaient deux gardiens aux trousses, dont une qui pouvait potentiellement débarquer n’importe quand. Bouger l’une des étagères pour bloquer la porte ? Impossible, Melena n’avait pas assez de force et n’était pas en état de se concentrer pour appeler son cadavre à le faire à sa place. L’unique chose qui lui venait en tête fut d’abord de se précipiter vers l’autre salle, dont la porte close attendait sur le mur gauche.


==== HRP ====

J'ai supposé que Feu' accepté de nous guider pour pouvoir avancer mon message... si ça te plait pas j'éditerai si possible, mais comme ça me paraissait logique dans la continuité des messages précédents^^' ...

C’est une chambre qu’elle découvrit en poussant la porte, bien vite rejoins par Ace et Melena. Dans le style « déco pour faire de délicieux cauchemars » cette pièce était parfaite avec sa décoration glauque et son immense baldaquin drapé de noir. On se serait cru débarqué dans le lieu de luxure d’une secte pseudo gothique et c’est avec plaisir qu’Elie quitta la pièce pour un nouveau couloir situé plus près du centre à en croire le charabia que leur servait Feufollé sur un plateau.

Les deux minutes qui suivirent se déroulèrent dans un calme quel suspecta n’exister que pour faire croitre leur paranoïa. Au lieu d’être rassurée l’adolescente ne pouvait qu’imaginer voir surgir Kay d’un mur ou Chayan leur sauter dessus au détour d’un couloir. C’était toujours comme ça dans les films d’horreur : le tueur attendait que tu baisse ta garde pour te trouer le bide et te balader dans toute la baraque en te trainant par les tripes. Vu la fascination du couple morbide pour le cinéma elle était prête à parier que c’était le genre de scénario qui leur trottait dans le crâne.

Comme pour ne pas la décevoir la gardienne fantôme choisit ce moment dans ses réflexions pour jaillir d’un mur de pierre en leur coupant le chemin. Son « je vous l’avais bien dit non ? » ne fit que rager la psychotique alors que leur petit groupe faisait volte-face comme un seul homme pour s’introduire dans la dernière pièce qu’il avait dépassé il y avait peu.

Ses muscles la faisaient souffrir et elle aurait tué pour pouvoir remettre la main sur le bonnet du travailleur qu’elle avait acheté avant le début des épreuves. C’est le souffle court qu’elle s’engouffra dans ce qui s’avéra être une vidéothèque dont l’un des murs était occupé par un gigantesque écran de projection. Loin de s’occuper de la déco, Elie préféra claquer la porte dans son dos, faire deux pas dans la pièce et évacuer sa colère.

- J'en ai marre de courir ! J'suis sure qu'ils nous attendent déjà de l'autre côté en plus... d'ailleurs je vais faire demi-tour pour la peine et ils l'auront dans le cul.

Ca semblait stupide, ça l’était peut-être vraiment, mais ça valait le coup d’essayer malgré le regard explicite que lui lança la nécrophobe à cette proposition. Son nez choisit ce moment pour se remettre à saigner maintenant qu’elle avait perdu dans sa course le lambeau de tissu retenant jusqu’alors le flot d’hémoglobine, ce qui ne fit que croitre l’irritation de la mauvaise jumelle.

- Rhaaa et en plus ça pisse le sang ! s'énerva-t-elle en s'essuyant le nez avec son avant-bras qui s'en trouva décoré d'une longue trainée écarlate.

Sa sensation de faiblesse s’était accrue mais elle mettait ça sur le dos des efforts physiques incessants qu’on leur imposait. Les étoiles qui dansaient devant ses yeux devaient elles aussi répondre à la même cause, non ? Elle passa sa main sur son front en sueur qu’elle barbouilla de sang du même coup avant de repartir vers la porte sur un coup de tête. En moins de 5 secondes elle avait regagné le couloir où l’attendait… personne à vrai dire.

- Putain je le savais, souffla-t-elle avec une pointe de fierté –mal placée-

Maintenant ne restait plus qu’à la jouer futé. Par exemple… qu’allaient penser Kay et Chayan en ne les voyant pas ressortir de l’autre côté ? Qu’ils étaient revenus ici pardi. Et ensuite ? Qu’ils avaient emprunté le chemin le plus court vers la chambre. En toute logique ils n’avaient donc qu’à prendre le plus long non ? Ou pas, et c’était ça le chaos. Mais qu’elle ait raison ou tord, Elie n’était plus en état de réfléchir, elle se contenta donc de suivre son instinct en prenant le couloir circulaire en sens inverse, bien déterminée à en finir avec cette épreuve à la con.

La route la fit repasser devant la porte donnant sur la chambre, puis sur une longue distance sans le moindre accès nulle part, une porte, un couloir, une autre porte et enfin…

- Non mais là c’est carrément déloyal ! s’insurgea l’adolescente en pilant net devant Chayan qui faisait le guet à l’entrée du couloir menant au centre, Comment vous voulez qu’on réussisse si vous attendez devant le seul accès ? On vient de se taper le tour là, y’en a pas d’autre alors on fait quoi ? On vous passe entre les jambes ? Ou alors faut qu’on mette le feu à votre collection de films pour que vous acceptiez d’enfin vous bouger le cul d’ici ?

Ses yeux s’illuminèrent aussitôt devant cette proposition pas si idiote que ça.

- Ah ouais… pas con en fait…

Feufolé s’était naturellement fait une joie de se rendre à ce point utile. Même Ace l’avait complimenté, pour le coup c’était vraiment Noël ! Là où ça serait un peu plus long c’est qu’aucun d’eux ne pouvait passer entre les murs mais ça n’était qu’un détail : il avait mémorisé un chemin rapide pour aller à l’arrivée.

Flottant gaiement dans les airs, Feufolé ouvrit la marche. La pièce voisine de la salle de bains était une chambre à la décoration style halloween ou encore film d’horreur. De toute évidence, quelqu’un était mort – plusieurs fois – dans ce lit rien qu’à l’odeur. C’était assez étonnant car il avait beau réfléchir, Ace ne trouvait strictement aucune utilité à une salle de bain et à un lit pour des morts-vivants ; d’ailleurs Chayan ne doit pas être un fan non plus : il est tout le temps dégueulasse. *A la maison, ça fait pareil avec les mixeurs et les robots de maman : y en a 35 en tout et on en utilise aucun.*

- Au centre ? Pas quoi, mais qui ! répondit-il, arborant un des sourires malicieux dont il avait le secret. Qu’est-ce que ça cachait ? Le pyromane eut une petite idée de qui les attendait à l’arrivée et si ça s’avérait exact, il ne manquerait pas de lui carrer un bon gros poing dans la face. Il l’avait bien mérité après tout.

- Tant qu’c’est pas le p’tit frère d’Avok qui nous attend au centre ça pose pas d’problème. Comme l’esprit violet l’avait rapporté, la sortie débouchait sur un second couloir circulaire et d’autres portes en face et toujours l’impossibilité de savoir ce qu’on trouvera derrière. C’était oppressant ; on ne savait jamais si un zombie pouvait jaillir d’une des pièces comme un diable de sa boîte pour les dévorer ou les tailler en pièce avec une tronçonneuse généreusement offerte par la maison.

Vint enfin un des couloirs menant apparemment au centre et au grand dam du trio, celui-ci était gardé par Kay. Pas étonnant qu’elle leur ait lâché les bottes : elle avait directement filé ici pour les y attendre. Pour le fair-play on repassera… - Saleté d’fantôme à deux balles !!!
Ils étaient pris en tenaille : d’un côté Kay brandissait son couteau à couper le saucisson, et de l’autre, Chayan, toujours d’aplomb pour se passer les nerfs après avoir perdu son pari.

Melena proposa un terme à ce dilemme embarrassant en fuyant vers une salle au hasard ; bientôt imitée par les deux autres. Visiblement ils avaient atterri dans la vidéothèque du couple morbide et Ace s’empressa de prendre quelques bobines pour dérouler la bande après avoir lu les titres. Il regarda ainsi quelques passages à la lumière d’une bougie.
- Hm, pas mal ! ‘Faut r’connaitre qu’ces cons ont du goût en matière de film murmura-t-il entre deux inspiration. Il aurait bien aimé reprendre son souffle et regarder un film mais la perspective d’être dérangé par les proprios ne mettait pas franchement en condition.

Visiblement Elie n’était pas non plus d’humeur à regarder un film avec lui. Dommage. Cependant sa décision de rebrousser chemin fit rire le pyromane. Le pire, c’est que ça pouvait marcher. Il suffisait juste d’anticiper les réactions de leurs poursuivants ; mais si ces derniers avaient en tête la même chose à leur égard, on ne s’en sortirait plus…
Le Ken adopta le plan d’Elie qui se plaignait de son hémorragie. Lui, avait envie d’aller aux toilettes, tout simplement. Remarquez comme le corps est fourbe : c’est toujours quand on joue à cache-cache qu’on a une envie pressante ; c’est rageant, à la fin !!

Ils étaient donc partis en sens inverse et le pyromane y croyait de plus en plus, ils allaient y arriver, bon sang !!
Eh non, c’était sans compter sur Chayan. Cette fois-ci la mauvaise jumelle pétait un câble – et c’était justifié. Elle en vint même à imaginer brûler les fil-… Oh my !

Ace partit dans un rire dément. Mouaahaha ! ! Putain, laisse-moi faire ! J’m’en charge ! Ouahaha !
Et le pyromane de partir en courant joyeusement et riant comme un fou furieux, Feufolé sur ses talons. Arrivé dans la vidéothèque, il ne se retint plus. Présentant son avant-bras gauche à l’esprit violet, il lui permit de consumer une partie du membre, de quoi mettre à feu et à cendre le joli répertoire filmique des deux enquiquineurs.

Ce dernier s’exécuta et calcina le tiers de l’avant-bras du Ken avant de fondre sur les pellicules. Ace n’avait même pas ressenti la douleur tant il était obsédé, fasciné, et impatient. Là, devant la salle en flamme, il tremblait d’excitation, riant tout seul et sautillant joyeusement.
- Mouahahah ! OUAIS ! VAS-Y, BRÛLE ! BRÛÛÛÛLE !!!

- Et ça y est, on l’a perdu… Ace ? Ace, il faudrait y aller maintenant, avant qu’on te tombe dessus. Dis, tu m’écoutes ??

Elie coupa son geste en s’exclamant qu’elle en avait marre de courir et qu’elle préférait faire demi-tour. C’était stupide. C’était génial. Ces deux pensées antagonistes en apparence se succédèrent dans l’esprit de la nécrophobe qui s’était immobilisée, la main encore tendue vers la poignée de la pièce suivante. De toute façon, ils n’auraient jamais l’ascendant en force sur les deux gardiens, et ces derniers jouaient visiblement avec eux. Pour passer outre leur surveillance, il fallait sûrement se prendre à la partie et appliquer les mêmes règles de fourberie enfantine. Melena n’était pas du tout d’humeur à s’amuser dans un cache-cache avec les deux plus grands sadiques morbides qu’elle ait pu connaitre, mais le temps qui s‘égrenait sur son épaule suffisait à sa motivation : il fallait qu’ils terminent, ils n’avaient pas toute la journée cette fois.

L’hémorragie nasale de la mauvaise jumelle choisit ce moment pour se manifester encore. Ajoutée à son déguisement de zombie, le rendu était vraiment écœurant, et l’irlandaise ne pu s’empêcher d’afficher une mine qui traduisait son impression avant de quitter la pièce à son tour. Prendre un autre chemin ? Pourquoi pas. Pourtant, malgré la durée de leur tour dans le couloir éclairé à la torche, il n’y avait pas la moindre porte, pas le moindre passage, rien du tout qui les conduirait « au centre ». Finalement, la psychotique traduisit l’impression même qu’avait Melena en réalisant qu’une fois revenus au point de départ – et donc visiblement à l’unique chemin vers la fin de l’épreuve – Chayan faisait le guet.

L’adolescente avait déjà saisi le bras de son amie pour l’inciter à fuir, mais elle se figea lorsqu’elle suggéra de brûler la collection de films qu’ils avaient entrevus sous peu. Effectivement, les deux tordus étaient si mordus de cinéma que les faire réagir en détruisant leur unique source de distraction – voire la seule chose qui leur soutirait encore un peu d’intérêt – était peut-être l’unique moyen de les éloigner du passage tant convoité.

Ace saisit l’occasion d’allumer un feu avec un enthousiasme débordant. Il se précipita vers la pièce sacrée avec Elie sur ses talons, laissant la nécrophobe seule au milieu du couloir dont l’apparence étrangement glacée empêchait les torches de le réchauffer. Que devait-elle faire désormais ? Les suivre ? Profiter de l’ouverture ? Vu la façon dont Chayan s’était lui aussi prestement dirigé vers la vidéothèque, il y avait de fortes chances que ce lieu leur tienne énormément à cœur. Assez pour libérer volontairement l’accès à leur chambre, point d’arrivé des voyageurs désireux de terminer cette épreuve.

Les hurlements déments du pyromane lui parvinrent, presque plus inquiétant encore que la possibilité que Kay débarque d’un instant à l’autre pour la poignarder. Ce type, qui était un allié – en passe de devenir un ami – était un véritable cinglé, jouissant bien évidement d’une destruction par les flammes qui risquait de lui coûter la vie. Si les gardiens tenaient tant que ça à cette collection dénichée par hasard par l’irlandaise, combien de chance y avait-il qu’ils épargnent Ace ? Le jeu était fini désormais : plus de plaisanterie, plus de mètres d’avance, et c’était trop dur à affronter pour Melena.

A quoi lui servaient ses pouvoirs dans cette situation ? Rien ne viendrait en aide au dealer, rien ne lui viendrait en aide si jamais elle se jetait dans la gueule du loup. En temps normal, elle aurait profité de l’occasion avec une mesquinerie non dissimulée, mais à cet instant, son égoïsme était mis à mal par la culpabilité. Si ses complices ne survivaient pas, elle ne supporterait pas de ne pas les avoir aidé, mais en même temps… elle avait trop peur de mourir pour s’aventurer de leur coté. Les sacrifices, les actions désespérées, ça n’étaient pas pour elle.

Sa faiblesse immense était un fardeau de plus, sa peur viscérale logée dans ses entrailles depuis que le pouvoir d’Elie avait cessé de faire effet, réduisant à néants ses capacités à faire abstraction du danger. C’était la deuxième épreuve d’affilé où elle avait l’impression de perdre la mauvaise jumelle, avec le pyromane en prime cette fois, mais elle ne pouvait plus rien…

Peut-être se cherchait-elle une excuse, peut-être était vrai, mais son amie ne l’aurait-elle pas encouragée à terminer l’épreuve pour être épargnée ? Celle-ci lui avait bien demandé, quelques étages plus bas, de ne penser qu’à elle si jamais la situation était désespérée, et qu’elle se chargerait de retenir le danger. Le cœur lourd, trop lourd de remords et de culpabilité, l’irlandaise prit finalement la direction de la chambre centrale. Elle l’atteignit la tête basse, sans conviction, et ne leva son visage encore barbouillé de boue et de charogne que pour apercevoir Fisher qui attendait patiemment.

A peine l’idée était-elle formulé qu’Ace l’avait adopté, d’ailleurs le jeune homme courrait déjà en direction de la vidéothèque en poussant un rire de dément qui eut pour effet d’inquiéter très fortement Elie. Elle lui emboita aussitôt le pas alors que son imagination lui balançait dix mille issues possibles à cette situation, toutes négatives. Comment pouvait-elle les protéger efficacement s’ils agissaient sur des coups de tête sans se soucier de leur propre bien ? C’était l’hôpital qui se foutait de la charité mais pour l’heure c’était bien son dernier soucis.

Lorsqu’elle pénétra dans la pièce à saccager, le bras de Ken commençait déjà à commencer à se consumer et elle ne comprit que trop l’horreur de son pouvoir. Mais de quelle maladie pouvait-il bien souffrir à la fin ? Obsession du feu ? Pyromanie ? La seule chose de sûre était qu’il avait pété un bon câble au point d’en inquiéter jusqu’à Feufollé, sans parler de Chayan arrivé lui aussi et pour ainsi dire dans une colère noire. Ses yeux morts fulminaient alors qu’il serrait les poings dans un chuintement de chairs répugnant, son attention fixé sur les flammes qui léchaient les murs, faisait fondre les précieuses pellicules, mangeait jusque l’écran tendu sur l’un des murs et à travers lequel Kay apparu à son tour folle de rage.

- Vous avez osé…

- Et dire que nous restions corrects. Je vais répandre vos tripes fumantes sur tout l’étage pour vous apprendre le respect du 7ème art.

Alors que Chayan s’évertuait à éteindre l’incendie à l’aide de matériel caché dans un placard pour ce genre de situations, Kay s’était tournée vers eux en brandissant son couteau et avec la ferme intention de s’en servir. S’ils n’avaient jusqu’alors que joué à chat, les règles avaient changé. A n’en pas douter il ne resterait pas grand-chose d’eux si la gardienne venait à les attraper.

Bon, trouver un plan, trouver un plan…

- Si vous tentez quoi que ce soit, je les crame ! Je vous jure que je le ferais !

Faute de mieux la mauvaise jumelle s’était jeté sur une armoire vitrée fermée à clés, avait explosé la vitre en faisant apparaître la batte de Jade de nulle part et s’était saisit de plusieurs bobines, visiblement rares. Une des torches décrochée de son socle lui servait d’arme menaçante. Les flammes dansaient à quelques centimètres à peine des trésors cinématographiques et ce fut suffisant pour bloquer la revenante dont les yeux roulèrent dans ses orbites.

L’adolescente recula lentement jusqu’à se heurter à Ace qui lui tournait le dos et à qui elle octroya un magnifique coup de pied au cul histoire de le réveiller un peu. C’était pas le moment de perdre les pédales !

- Tu te réveilles, t’arrêtes de rire comme un con et tu vas au centre tu m’entends ? Tu veux mourir ou quoi ?

Elle ne sut pas si ce fut ses paroles, son geste ou un détail qui lui échappait qui réveilla Ace, mais le fait est qu’il finit par se tirer bon gré mal gré. Elie le suivit, toujours à reculons pour faire face aux gardiens qui lui jetaient des regards promesse d’une mort prochaine. La peur pour elle-même lui était étrangère, mais elle ne pouvait s’empêcher de s’inquiéter pour le pyromane et pour Melena qui… mais où est-ce qu’elle était d’ailleurs ? L’adolescente espéra qu’elle avait simplement rejoint la chambre mais rien ne pouvait le lui assurer. Elle ne put calmer ses craintes qu’une fois ses pieds passant la ligne d’arrivée où elle posa les bobines au sol avec un soupir de soulagement.

0 :12 :56… ils l’avaient fait à temps.

Un cristal magnifique trônait au milieu de la pièce devant lequel Fisher montait la garde avec son éternel air de dandy anglais et avec les gardiens arrivant par l’unique couloir donnant ici El’ se sentait légèrement prise en sandwich entre les mâchoires d’un requin blanc. Heureusement quand Kay s’approcha ce ne fut que pour récupérer les bobines qu’elle vérifia avec soin avant de grommeler :

- C’est bon elles n’ont rien… si vous les aviez touché j’aurais planté votre tête à un pic devant l’entrée de la tour. Vous savez à quel point cette bobine est précieuse ? elle ajouta à l’adresse de son mari, Tout ça c’est de ta faute, si tu n’étais pas si feignant tu les aurais rattraper avant qu’ils atteignent la vidéothèque ! On sait tous les deux que tu es bien plus rapide !

- Oh la ferme… rétorqua simplement Chayan.

La psychotique, torche brandit devant elle attendait la sentence. Ils allaient vraiment passer l’éponge si facilement ?

Comme c’était BEAU !! le sacrifice en valait le coup et toute la pièce était en flammes ! Quel spectacle grandiose ! Certes, Ace n’avait pas encore trouvé de signification symbolique à son œuvre pour le moment mais c’était tout ce dont il avait besoin : un vrai gros feu. Il était en transe, heureux de pouvoir enfin se lâcher, se passer les nerfs après sa frustration d’avoir dû laisser cette fichue torche quelques étages plus bas. Il s’était mis en tête de danser avec les flammes d’ailleurs où était ce porte-clés du costume de ballerine ? Ça pouvait peut-être rajouter au caractère artistique de la chose, non ? Il allait inventer… Le dixième art : la crémation contemporaine ! Fier fils guerrier du mouvement dada.

Dans sa transe, le pyromane finit par heurter quelque chose – ou plutôt quelqu’un. Et Elie le lui rendit bien : coup de pied magistral au cul, le voilà par terre à nouveau. L’effet avait été le même qu’une gifle à une hystérique : ça avait refroidit ses ardeurs. Il tentait de faire l’inventaire de ses actions depuis qu’il avait entendu le mot ‘brûler’ en un dixième de secondes mais Elie souleva un point très juste : on ne peut plus profiter des joies de la vie quand on est mort. Sur ces belles paroles, le Ken se releva et commença à courir en direction du centre. Dans ce genre de moment on ne se pose pas beaucoup de questions… ‘On dit cours, tu cours’.

Enfin il passa la ligne d’arrivée, Elie sur ses talons. Melena les y attendait déjà en compagnie de Fisher.
- Vous voyez, je vous avais dit qu’on vous attendrait à la ligne d’arrivée. Mais si je vous avais dit qui dès le début ça n’aurait pas été drôle… Enfin voilà, tout est bien qui… Hm.. Non, ça colle pas trop comme proverbe… Quelqu’un a une proposition ? Je sèche.
- J’en ai une ! ‘On a eu chaud au fesses’. R’garde l’horloge : à 10 minutes près on loupait.
Ace se tut aussitôt alors que les gardiens approchaient. Pour sûr il allait se faire lyncher pour ce qu’il avait fait et récupérer deux ou trois pellicules, quelle que soit leur valeur, n’allait pas alléger sa peine. Combien de doigts pétés, cette fois-ci ? A moins que ça ne soit encore pire que ça ?

Que pouvait-il dire pour plaider sa défense ? Rien, rien du tout. Peut-être qu’ils étaient férus de cinéma mais ils en demeuraient incapables d’apprécier son art. La pyromanie n’a pas encore sa place dans le monde artistique. C’est pourtant une force fascinante quand on y réfléchir. Vénérée depuis la nuit des temps !! Mais non, Môssieur et Mâdâme préfèrent une toile tendue sur laquelle on passe des images plates et dénuées de liberté.

Le point positif à tout ça était qu’il n’avait plus envie de frapper Fisher, il était calmé. Et surtout : ils avaient survécu tous les trois ! On était même presque en position de pouvoir négocier que l’ordalie soit exclusivement réservée au Ken. Mais bien entendu, il ne souleva pas ce point. Si cinquième épreuve il y aurait, il ne tenait pas à l’affronter seule.

A la simple idée de se retrouver seul, Ace repensa à son héroïsme – laissons-le appeler ça comme ça – lors de la bataille contre Avok où il avait bravé seul la furie du titan pendant d’interminables minutes. Accessoirement, il repensa à sa main gauche et se souvint que ô miracle il avait toujours mal, mais cette fois encore plus : le tiers de son avant-bras ayant été calciné, la douleur avait été augmenté par la même occasion ; de quoi faire de jolis souvenirs.

Soudain honteux de son action, il rabaissa sa manche pour cacher du mieux qu’il put les dégâts qu’il s’était infligé. Il ne put s’empêcher de regarder Feufolé, comme en souvenir de ce soir-là. Ce dernier remarqua le regard discret que le pyromane lui adressa et lui rendit un sourire réconfortant – si s’en était réellement un.

- Bon… J’suppose que j’vais encore raquer, hein ?
Ace se serait volontiers enfui s’il en avait eu l’occasion et si la tour ne regorgeait pas de morts-vivants près à lui faire payer son affront. La culpabilité était absente, elle n’est d’ailleurs qu’une question de point de vue ; et il était hors de question de faire preuve d’empathie envers ces deux monstres. Cependant s’il éprouvait de la honte c’était pour avoir laissé cours à sa vraie nature, s’être dévoilé ainsi au regard des autres. Enfin, il allait surement se retrouver avec le couteau de Kay enfoncé profondément dans sa gorge d’ici quelques secondes, qu’est-ce que ça pouvait changer ?

Le moment de rendre la sentence était venu, et le spectacle des trois voyageurs qui attendait dans une tension poussée à son paroxysme avait quelque chose de touchant. Où plutôt ça aurait touché les gardiens s’ils avaient encore eu un cœur. Impossible de déterminer le plus amusant : l’air de chien battu attendant sa correction d’Ace, celui farouche d’Elie qui pensait les éloigner avec une simple torche ou les tremblements irrépressibles de Melena ? Impossible de faire un choix.

- Vous mériteriez de mourir…

- … mais par chance c’est déjà fait, on va donc s’estimer quittes, pour cette fois.

- Mais n’oubliez pas qu’à la prochaine idée du genre on ne passera pas l’éponge si facilement.

En réalité c’était surtout que tout ce qui avait été irrémédiablement détruit était remplaçables et le peu de bobines rares avaient été sauvées. Il aurait été dommage de mettre un terme à cet amusement et de se priver de nouveaux adeptes alors qu’ils se faisaient si rares ces derniers temps. Mais hors de question de le leur dire, les explications restaient épuisantes et avoir parcouru l’étage en long en large et en travers leur avait suffi pour les 6 ans à venir.

Heureusement l’épreuve suivante serait vite pliée et ils pourraient regagner leurs pénates pour s’y reposer tout leur saoul. Le matériel approprié avait déjà été amené par Fisher qui relâchait sa surveillance du cristal maintenant que ses maitres étaient là pour faire les préparatifs adéquats. Alors qu’il traçait des signes cabalistiques sur le sol, plaçait des bougies, des grigris ainsi que ce qui ressemblait à des restes humains en trois tas bien distincts, Kay et Chayan entreprirent d’annoncer la fin de cette épreuve et le début de la suivante…

- Bon, comme vous pouvez le supposer vous avez fini cette épreuve.

- Même si les moyens douteux que vous avez employés sont tout sauf acceptables…

- Néanmoins nous tenons à vous féliciter en vous offrant un cadeau. Et pas n’importe lequel. Le cadeau le plus précieux qui soit.

- Nous vous permettons à chacun de vous de choisir une personne de son choix à ressusciter. Vraiment et pas à l’état de zombie bien sûr. Des personnes du monde réel décédées, parmi vos amis ou vos proches… un petit ami peut-être ? Bref, tout est permis.

- Alors, qui choisissez-vous ?

Devant l’air de poissons fris que leur servirent les trois potentiels adeptes, Kay se sentit forcer d’ajouter avec une pointe d’agacement :

- Ce n’est pas une blague. Choisissez-vite on n’a pas toute la journée. Si vous ne dites rien d’ici 2 minutes nous retirons notre offre. Elle ajouta dans un soupir, Ils me fatiguent…

- A qui le dis-tu…


HRP : Vous allez faire vos choix dans vos prochains messages. Je vous laisse à chacun 2 messages libres pour discuter en paix avec votre "cadeau" après quoi je mettrais un lien vers le topic de la prochaine épreuve... enjoy !

Fisher faisait le guet devant un cristal magnifique, mais elle avait autre chose en tête que de dérober quoique ce soit. Toutes ses pensées étaient tournées vers ses acolytes, qui mettaient un temps fou à revenir. Sa propre horloge avait disparu après s’être figée, de sorte qu’elle n’avait plus aucun moyen de connaitre la durée de son attente. Peut-être finalement avait-elle été très courte, mais la terreur qui rongeait ses entrailles étirait sournoisement ses repères temporels.

Finalement, le couple revint, Elie marchant à reculons en brandissant une torche qui flamboyait à quelques centimètres d’un lot de pellicules qui tenait visiblement suffisamment à cœur des gardiens pour qu’ils retiennent leurs attaques. Infiniment soulagée par la résolution de cette épreuve, Melena poussa un soupir, sans oser approcher son amie. Elle ne savait pas quoi lui dire en réalité, devait-elle justifier le fait qu’elle s’était rendue au centre seule ? Devait-elle la féliciter comme après la troisième épreuve ?

Le pyromane ne lui laissa pas le temps de se décider, car il se présenta visiblement résigné à sa punition, mais Kay et Chayan l’épargnèrent, malgré leur désapprobation totale des moyens utilisés. De son coté, la nécrophobe ne se sentait aucunement peinée de la perte affective des gardiens : combien de coups tordus les voyageurs avaient-ils encaissé depuis qu’ils disputaient ces épreuves ? Un petit revers de fortune n’était pas de trop, même s’il était misérablement insignifiant comparé à ce que le couple de sadiques mériterait.

L’évocation du cadeau attisa simultanément l’intérêt et la méfiance de l’irlandaise. Comment pouvait-on sincèrement croire qu’on pouvait recevoir un présent des deux morts-vivants morbides ? Même sans les avoir connu très longtemps, Melena mettrait sa main à couper qu’il y avait de nombreuses années que la moindre trace de générosité ou d’empathie avait disparu de leurs cœurs, mais vu l’agacement perceptible dans la voix de Kay qui les pressa un bon coup, ce n’était pas une blague. Un vertige étourdit l’adolescente, qui ne savait pas très bien sur quel compte le mettre ; ce harassement inexpliqué ? La perspective de revoir sa mère ? Les deux ?

Cela voulait peut-être dire que l’épreuve était terminée ? Revoir un proche était la récompense de tous les nouveaux adeptes ? Elle n’était pas présentable du tout et empestait la charogne, mais les gardiens ne lui laisseraient pas le temps de prendre un bain. La gorge nouée, son corps tout entier empli de coton à cause de l’émotion, elle articula faiblement :

- Ma… ma mère…

Certes, elle aurait pu demander quelqu’un d’autre d’insignifiant – pour s’assurer que ça ne soit pas un coup foireux – mais si jamais c’était réel, elle aurait perdu l’unique occasion de revoir Anney. Les dispositifs étaient prêts. Après un babillage incompréhensible et une succession de mouvements que la brunette soupçonnait d’être parodiés tant ils étaient ridicules, une volute de fumée noire s’éleva au dessus d’un tas d’ossements et de chair humaine. Lorsque la brume opaque se dissipa, la silhouette qui se dessina à l’intérieur était si reconnaissable que la nécrophobe crut qu’elle allait faire un malaise.

Sa mère était habillée avec la robe d’un blanc éclatant qu’elle portait à son enterrement, sans aucune trace de blessure, aucune marque de son accident. Elle ressemblait beaucoup à sa fille, notamment par ses yeux d’un bleu clair aérien, mais ses cernes et son teint maladif accentuaient le fait qu’elle se rapprochait de la quarantaine d’année. Ses cheveux noirs étaient plus courts aussi, tombant juste sur ses épaules.

La revenante posa une main sur son front, comme si une migraine douloureuse venait de frapper à l’intérieur de son crâne. Le plissement de ses yeux indiquait qu’elle essayait de comprendre, et surtout de reconnaitre la personne qui lui faisait face dont les traits étaient presque entièrement masqués par la boue et d’autres substances écœurantes.

- Ma… Maman… c’est bien toi ?

Question stupide dans l’absolu, mais c’est tout ce qui était venu. Que dire d’autres dans un moment pareil ? La concernée écarquilla les paupières, devinant alors qui se trouvait à sa portée après tout ce temps, son amour maternelle capable de percer le leurre qui avait trompé les zombies :

- Melena ?!

Il n’en fallut pas plus pour que l’adolescente se jette dans les bras de sa génitrice. Ça faisait moins de trois ans que l’accident avait eu lieu, mais l’absence d’Anney lui paraissait avoir duré une éternité. Ce que ressentait l’irlandaise à cet instant était indescriptible, indicible même. Elle oublia jusqu’aux gardiens qui devaient les regarder de leurs yeux sadiques, jusqu’à Fisher et sa tête à claque, jusqu’à ses acolytes qui retrouvaient eux aussi des proches décédés. Son déguisement tachait les vêtements immaculés de la ressuscitée, mais aucune des deux parentes n’en avait cure. La nécrophobe retrouvait jusqu’à l’odeur de sa mère, la texture de sa peau, la sensation de cette étreinte maternelle qu’elle avait perdu depuis trop longtemps.

- J’arrive pas à croire que tu sois là…
- Moi non plus, avoua sa génitrice à mi-voix, je n’arrive même pas à me souvenir où j’étais tout ce temps. C’est tellement… flou.

Melena s’écarta pour croiser le regard de sa mère. Elle avait toujours cru que ce moment n’arriverait jamais, parce que dans le monde réel, les morts ne revenaient pas à la vie ; mais ici, tout était différent. Les larmes qui coulaient abondamment sur ses joues traçaient un sillon blanc dans la boue qui la barbouillait. L’émotion était si forte qu’elle en perdait ses mots, que tout se chamboulait dans sa tête, et ses lèvres muettes ne pouvaient que trembler sous le coup de ce profond bouleversement.

C’était une blague, forcément. Après tout ils venaient bien de leur cramer leur précieuse collection de films alors les récompenser était illogique et stupide non ? Et bien non apparemment, vu que la mère de Melena ne tarda pas à apparaître dans un nuage de fumée digne des effets spéciaux des studios hollywoodiens. Elie laissa tomber sa torche sous le coup de la surprise, le bout de bois enflammé roulant sur deux mètres avant que Chayan ne l’éteigne sous sa semelle. **c’est quoi ce bordel ?!** était tout ce qui lui venait à l’esprit pour le moment, mais un nouveau soupir irrité de Kay la rappela à l’ordre. Les minutes qu’on leur avait octroyées filaient à une vitesse folle et il fallait se décider, canular ou pas.

- Amber. Faites revivre ma sœur, souffla-t-elle complètement déboussolée.

Aussitôt dit aussitôt fait. Après une nouvelle scénette ridicule s’extirpa d’un nuage de fumée la silhouette gracile de celle qui avait partagé le ventre de sa mère, puis sa vie pendant 14 ans. Le visage angélique d’Amber encadré par une cascade de cheveux bruns se tourna vers la mauvaise jumelle accrochant son regard de ses yeux noisette passablement surpris. Les jumelles se fixèrent un long moment en silence, Elie persistant sur sa certitude que ce ne pouvait être vrai… elle était morte devant ses yeux après tout non ? C’était à cause de cette tragédie qu’elle avait « existé » à sa manière. La voir devant elle était à la fois un soulagement indicible et la source de nombre de questions sur la raison de son existence.

La ressuscitée régla le problème en se jetant dans ses bras malgré l’aspect répugnant d’Elie et son odeur immonde, enfouissant son visage dans le cou de la psychotique qui ne put s’empêcher de fondre en larmes. El’ enroula finalement ses bras autour du corps gracile d’Amber, toujours si jeune, si innocente…

- Tu n’as pas changé tu sais ? Tu m'as tellement manqué...

- Que… quoi ? Jade explique moi ! Je…j’étais morte et maintenant je suis là, je comprends rien à ce qui se passe !

- C’est pas grave, c’est pas important.

Jade… oui, qui d’autre après tout ? Elle se contenta de passer sa main dans la chevelure bouclée de sa sœur pour la presser un peu plus contre elle de peur de la perdre à nouveau. Son instinct lui soufflait que les choses allaient mal tourner, mais elle ne pouvait chasser sa certitude de pouvoir protéger Amber envers et contre tout. Elle était devenue plus forte désormais et il était impensable de laisser le passé se reproduire, même si ce n’était qu’une vulgaire copie. Cette possibilité lui fit serrer les poings mais le cœur qui s’emballait dans la poitrine collée à la sienne semblait bien trop réel pour être un leurre.

Elle était là, de retour. Elles pourraient rattraper ses 3 années manquées et Elie se ferait un plaisir de l’informer des dernières nouveautés, des chanteurs à la mode, des techniques de self-defense mais surtout de toujours rester sur ses gardes. Elles pourraient aller au cinéma et se goinfrer de pop-corn comme à la belle époque, s’échanger des informations sur les garçons qui leur plaisaient. Des choses normales et qu’elles auraient dû avoir.

- Tu vis maintenant c’est l’important ok ? On a tellement de choses à rattraper !

Amber la repoussa légère pour l’examiner avant de se mettre à rire, de ces fous rires communicatifs dont elle seule avait le secret.

- Jade… t’as vieillis ! Et t’as pas perdu de temps pour remplir ton soutien-gorge !

- Hey ! Ferme-là la naine ! rétorqua-t-elle en frottant énergiquement le crâne de sa sœur avec son poing fermé.

C’était trop beau pour être vrai, et Elie le savait bien. Tout d’abord il allait falloir lui exister ce qui « leur » était arrivé à Jade et elle et rien que d’y penser ça lui filait la migraine. Comment lui dire qu’à cause de sa mort elle souffrait d’un dédoublement de personnalité ? Amber était si fragile qu’elle s’en voudrait probablement à mort de quelque chose qui n’était pas réellement de sa faute. Mais elles ne pourraient y couper.

- Au fait… moi c’est Elie, pas Jade. A cause de ce qui s’est passé je me suis pour ainsi dire divisée enfin c’est pas un problème hein ! Bref, je te présente Melena, et lui c’est Ace.

Comment détourner la conversation en une leçon. Ses compagnons avaient sûrement autre chose à faire que de se présenter mais pour l’heure la psychotique avait envie de partager sa joie avec le monde entier, à commencer par ses amis. Ils avaient fini par devenir si importants pour elle qu’il était totalement impossible de ne pas leur présenter la personne la plus importante pour elle, celle qu’elle aimait plus que tout.

- Je vous présente Amber. C’est ma petite sœur.

- Petite, petite… je suis née que 6 minutes après toi je te signale !

[HRP] : Alex Blizzhead > Si tu passes par ici, je tiens à dire que la ressemblance des noms entre mon pnj et toi est totalement fortuite.
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Etonnamment, Ace n’écopa d’aucune punition, pas la moindre petite vengeance de la part des gardiens mais au contraire : on leur proposait un… Cadeau !? C’était vraiment louche comme histoire. A moins… A moins qu’il n’y ait plus d’épreuves ? En avaient-ils fini avec toute cette histoire, ils avaient enfin réussi ?? Il échangea un regard de poisson mort avec Feufolé qui semblait tout aussi surpris. Lorsque les gardiens annoncèrent la nature du ‘cadeau’ en question, le cœur du pyromane fit un bond. Non.. Ce n’était pas possible !? Il avait bien entendu ?

Sans aucune hésitation, l’image de son majordome s’imposa d’elle-même. Cependant il n’en revenait qu’à moitié et préféra laisser l’honneur aux filles pour voir de quoi il en retournait. Si ça se trouve, tout ça n’était qu’un canular pour le simple plaisir de leur avoir donné de faux espoirs. Ce fut donc Melena qui ouvrit le bal : elle souhaitait qu’on lui rende sa mère. Après une mise en scène particulièrement exagérée de la part du couple macabre, une silhouette de femme se détacha de la brume et pour Mel ça ne semblait faire aucun doute : c’était bel et bien sa mère.

C’était déjà ça : on avait la certitude que les gardiens n’avaient pas menti sur ce point. Mais quand il s’agit de tests, ‘un c’est bien mais deux c’est mieux’. Au tour d’Elie, donc. Qui allait-elle faire revivre ?
Sa… Sœur ? Un grand vide se créa dans la poitrine du pyromane, réalisant soudain qu’il avait beau avoir passé autant d’épreuve qu’il le voulait en compagnie de ses deux camarade, il ne connaissait rien de leur histoire. Après le même cinéma grotesque, les gardiens firent apparaitre une fillette d’environ la quinzaine. Putain elle était morte à cet âge-là !?

Là encore, il ne semblait pas y avoir méprise et la jeune fille se jeta dans les bras de son ainée. La scène des retrouvailles était vraiment touchante, à dire vrai. Lui n’avait jamais réellement porté d’intérêt ni fait l’expérience des liens unissant les membres d’une famille, que ça soit la sienne ou une autre. Combien de vies son trafic de poudre avait-il abrégées ? Combien de familles détruites ? Il y avait vraiment de quoi se sentir mal.

A cela s’ajoutait une certaine culpabilité : il avait tant souffert de la mort de son majordome et pourtant il ne faisait pas partie de sa famille… Si ! Il en faisait partie et d’avantage même que ses parents ! Décidé, il chassa cette pensée stupide de sa tête. Alexander avait été le père qu’il n’avait jamais eu, et sa fonction de majordome n’avait jamais fait de lui un esclave sinon un mentor.

Il fut tiré de ses rêveries par les présentations qu’Elie faisait, se rendant compte qu’il n’avait toujours pas donné son choix aux gardiens qui l’attendaient avec impatience.
- Amber, hein ? Ravi de te connaitre. Moi c’est Ace et le truc violet, là c’est Feufolé.
- Salut la miss ! C’est vraiment très touchant mais on fera les présentations après que tu aies fait ton choix, Ace ? A moins que tu ne veuilles ressusciter personne ?
- Si, bien sûr que si.
Alexander. Mon… Majordome. Ça pouvait paraitre ridicule d’un point de vue extérieur mais il s’en fichait bien, dans l’instant présent.

Troisième séance de danse exotique pour les gardiens mais cette fois la tension était à son comble. Ça avait marché pour les filles mais si cette fois-là ça ratait, ou quoi ? Après avoir envisagé tous les scénarii catastrophe possibles, Ace vie enfin apparaitre l’ombre d’Alexander se détacher de la brume, puis son corps, et enfin son visage.

Ace passa une bonne dizaine de secondes, bouche bée devant le miracle qui s’était produit, incapable de dire quoi que ce soit. Le mentor du jeune homme ne sut d’abord que dire mais on n’oublie pas les cinq dernières années de sa vie aussi facilement.
- M-Monsieur Ace ? Est-ce bien vous ?? Je… Je pensais ne plus jamais vous revoir, si vous saviez comme je suis-
Le quadragénaire fut coupé dans sa phrase par le pyromane qui le prit dans ses bras à défaut de n’avoir rien trouvé à répondre. Tant d’années passées à regretter, à souffrir de l’absence de celui qui avait été un père pour lui… Toute cette tristesse ressentie et maintenant voilà qu’ils avaient à nouveau l’occasion de recommencer à vivre comme une vraie famille.

- Vous m’avez tellement manqué balbutia le jeune homme en proie à des larmes de joie. Alexander ne put retenir quelques larmes, lui non plus et prit le garçon dans ses bras.
Une bonne minute passa avant que les deux hommes ne se quittent. Le majordome regardait Ace avec un sourire empli à la fois de joie et de fierté.
- Vous m’avez manqué également. J’ai beaucoup regretté sur mon lit de mort. Regretté de vous laisser seul. Mais je vois que vous avez bien grandi et que vous avez su suivre ce que je vous ai appris.
- J’ai essayé, oui. Vous avez aucun regret à avoir maintenant ; on a tellement d’choses à rattraper.. Ace ressentit une pointe de honte en faisant l’inventaire de toutes les fois où il n’avait pas suivi les enseignements de son mentor. A 23 ans il ne respectait pas ses parents, vendait de la drogue, trainait avec des dealers, et jurait comme un charretier… Il avait l’impression d’avoir bafoué la confiance que son maître avait placé en lui.

- C’est vrai… Vous pourriez commencer par me dire où nous sommes et pourquoi vous êtes aussi sale ajouta-t-il en riant. A vrai dire rien de tout ça n’avait d’importance mais il était difficile de faire comme si rien ne s’était passé.
Ace sourit à son tour. C’est vraiment une longue histoire… Pour faire simple on… On est pas dans l’monde réel, plutôt dans le monde des rêves, enfin c’est compliqué. Tout c’qu’il y a à savoir c’est qu’on aurait jamais pu s’revoir si elles ne m’avaient pas aidé dit-il en désignant les deux filles. - J’te présente Elie et Melena.

Il aurait tout le temps de raconter ses aventures à son majordome mais le pyromane tenait vraiment à présenter Melene et Elie. Elles méritaient vraiment qu’on s’intéresse à elles ; après tout si elles ne l’avaient pas guidé il serait en train de faire le guignol au premier étage en tant que zombie de garde.

- On a énormément de choses à rattraper je suppose, je vois que tu as bien grandi, un sourire attendri illumina son visage pâle, mais j’aimerais quand même savoir comment tout ça est possible ? Et pourquoi tu es dans cet état ? Où on est exactement ?

Anney ne perdait pas de temps, à peine revenue d’entre les morts que son rôle inné reprenait le dessus ainsi que l’inquiétude maternelle quant au bien-être de sa fille. Melena la dévisagea comme si elle venait de se faire poser la colle du siècle : par où commencer ? Il y avait tant de choses à dire… des choses qui d’ailleurs ne rassureraient pas la ressuscitée le moins du monde ; « bah en fait maman, notre accident m’a traumatisé au point de devenir thanathophobe. Alors j’ai vu un psychiatre pour me soigner, mais son hypnose m’a envoyé droit dans le monde des rêves, où j’ai développé des pouvoirs particuliers en rapport avec ma pathologie. Je peux euh… manger des cadavres pour me soigner par exemple. ». Rien qu’à l’imaginer, cette réponse était tout à fait inenvisageable et l’adolescente se réfugia dans la fuite, ses yeux gris refusant de croiser les orbes bleus de sa génitrice.

- Réponds-moi, Melena, je suis… tu peux pas savoir comme je suis heureuse de te revoir, tu n’as pas arrêté de me manquer… mais c’est totalement irréaliste !

Elie la tira d’affaire momentanément en l’interpelant pour lui présenter sa sœur. Ce n’était que partie remise, mais c’était toujours ça. Amber… elle ne connaissait d’elle que les anecdotes comptées par Jade et l’agression atroce qu’elle avait subie que lui avait rapporté Elie, mais elle avait l’impression d’avoir déjà entendu parler de ce petit brin de fille depuis des années. L’air de famille qu’elle avait avec les copies conformes était flagrant et Melena ne put s’empêcher de sourire devant la vivacité qu’elle affichait après moins de quelques minutes de résurrections. Ace répondit le premier, en présentant son compagnon enflammée du même coup, et si l’irlandaise ne souleva qu’un sourcil, Anney faillit défaillir en apercevant l’esprit violet

- Moi c’est Melena, enchantée, fit la nécrophobe en ignorant honteusement sa réaction.

Dans l’absolu, Amber était censée avoir le même âge qu’Elie, mais elle semblait avoir conservé l’apparence et la mentalité de ses 14 ans, de sorte que la nécrophobe ne pouvait s’empêcher de voir en la gamine une véritable « petite sœur ». Le pyromane s’était absenté, mais il restait son ancienne rivale, à qui elle tenait plus que tout faire connaitre sa parente.

- Je te présente ma mère au fait, ma… vraie mère. Maman, voici Elie : c’est une amie à moi.
- Anney, compléta simplement la concernée qui, après avoir sourit à la psychotique, assista à la résurrection du dénommé Alexander. Explique-moi maintenant, exigea-t-elle en capturant le regard de sa fille, ça devient complètement…

En fait, elle ne trouvait pas ses mots, sans doute parce qu’il n’y en avait pas. En pleine détresse, l’adolescente tourna les yeux vers la mauvaise jumelle, puis céda en poussant un profond soupir. Une boule se créa dans son estomac alors qu’elle s’apprêtait à tout lâcher, le plus simplement possible, et en occultant les aspects les plus dangereux de leur condition pour commencer. Sa mère serait folle d’inquiétude de savoir ce qu’elle avait enduré pour lui apparaitre en cet instant couverte de boue et de chairs mortes.

- Et bien… c’est compliqué… disons qu’on n’est pas vraiment… pas du tout dans le monde réel. Ici c’est… Dreamland, le monde des rêves… ou une dimension parallèle si tu veux. C’est pour ça que ce qu’on vit en ce moment est possible… la résurrection, le petit esprit violet…

Elle avait l’impression de s’embourber dans un de ces mensonges digne d’une enfant imaginative qui cherchait à excuser sa dernière grosse bourde. Pourtant, c’était la stricte vérité, et sa simple renaissance était un argument suffisant pour que sa mère la croie sur parole. Il lui suffisait de plongeant dans les prunelles grises de la chair de sa chair pour lire, au-delà de l’embarras, toute sa souffrance et toute l’étrange maturité qui avait germé trop rapidement. Qu’avait-elle bien pu vivre pour en arriver là ? C’était trop dur de ne pas savoir, mais alors qu’elle ouvrait la bouche pour poser toutes les questions qui lui brûlaient les lèvres, Ace les interrompit en présentant ses complices à son majordome.

Avec ce qui se passait, l’irlandaise regrettait toujours d’être si peu présentable alors qu’elle rencontrait ceux qui étaient les plus chers à ses fidèles compagnons d’épreuve. Le pyromane ne leur avait jamais parlé de son majordome, mais Melena lui adressa quand même un grand sourire, tant la joie qu’elle ressentait était impossible à faire disparaître pour l’instant. Elle se sentait toute engourdie, la tête lui tournait, elle avait des fourmis dans les mains et les pieds…

- Moi je te présente ma mère, répondit-elle en introduisant Anney.

Après les épreuves qu’ils venaient de vivre, tous ces échanges mondains devaient paraître affreusement ridicules aux yeux des gardiens et de Fisher, mais c’était bien la dernière des choses à laquelle songeait Melena pour le moment. Et si c’était vrai ? Et si tout était terminé, qu’elle pourrait repartir de cette ile maudite avec celle qui lui avait manqué si longtemps, si elle pouvait retrouver un semblant de vie normale… bien sûr, elle eut un pincement au cœur en imaginant ce que ressentirait ses parents adoptifs avec le retour de sa véritable mère – surtout Cecilia – mais…

- Excuse moi maman, lui murmura la nécrophobe en prenant son bras avec une douceur fébrile, je crois qu’on a tous énormément de chose à se raconter, mais il faut nous laisser le temps de mettre un peu d’ordre dans nos esprits… ça nous surprend vraiment autant que vous.
- Vous laissez le temps de prendre un bain aussi ? questionna la revenante avec un sourire complice qui voilait à peine sous inquiétude sous-jacente.
- Accessoirement, acquiesça l’irlandaise en riant.

Pas Jade mais « Elie » ? Amber fronça les sourcils, peu sûre d’avoir bien compris. Ce devait être une blague, quoi d’autre sinon ? Malgré tout il fallait avouer que cet endroit étrange, ces deux morts-vivants qui les fixaient avec ce qui ressemblait à une lueur de sadisme dans les yeux et sa résurrection théoriquement irréalisable faisaient pencher la balance intérieur de l’adolescente en faveur du possible. Mais peu importe le nom qu’elle se donnait, ça restait sa sœur et elle se devait de faire bonne impression devant ses amies. La brunette leur adressa donc un salut timide avant de glisser à l’adresse de la mauvaise jumelle :

- Il est mignon… c’est ton petit ami ?

Alors qu’Elie ouvrait des yeux ronds devant cette question incongrue, Ace la sauva d’une réponse en se présentant à Amber, sans oublié Feufollé qui fit très forte impression. Son petit ami ? Elle avait vraiment de drôles d’idées…

Ce fut bientôt le tour de Melena d’introduire sa mère, une certaine Anney. Elle lui ressemblait énormément, tant et si bien que s’en était troublant. Bien qu’heureuse la génitrice avait l’air bien pressée qu’on éclaire sa lanterne et l’adolescente pouvait très bien le comprendre. Sa propre sœur trépignait d’ailleurs d’un pied sur l’autre sans oser poser la question. Rien que d’imaginer que la dernière chose dont elle se souvenait était d’avoir senti une lame s’enfoncer dans sa gorge Elie se sentait mal. Bizarrement c’était toujours quand on se devait de parler qu’on ne trouvait plus ses mots et qu’on écopait d’une bouche sèche et pâteuse. Bof… les explications attendraient.

Le pyromane ne tarda pas à ressusciter un certain Alexander qui n’était autre que son majordome. Ce choix intriguant laissait planer beaucoup de questions, à commencer par la relation qu’il entretenait avec le vieil homme qu’il leur présenta en arborant un sourire que Melena et elle ne lui connaissait pas. A en croire la discussion qu’ils avaient tenue ils devaient être proches, une sorte de relation père-fils touchante. Le perdre avait dû être difficile… même si l’âge avancé du bonhomme laissait présager une telle fin.

C’est la remarque vis-à-vis d’un bain plus que nécessaire lâché par Anney qui rendit sa langue à Elie. C’était vrai qu’elle sentait toujours le rat mort, le mort tout court d’ailleurs, mais elle ne se sentait pas capable de quitter sa jumelle ne serait que 5 petites secondes. C’était déjà un tel miracle de la retrouver, s’imaginer la perdre pendant son absence lui retournait le cœur. Amber s’inquiétait d’ailleurs de plus en plus de la présence de Kay et Chayan, allant même jusqu’à glisser à l’adresse d’El’ :

- Euh… ce sont eux qui nous ont ramené ? Ils sont pas dangereux ? Ils… nous regardent bizarrement…

- Ils le sont, mais ils ont dit que vous étiez nos cadeaux alors je ne pense pas qu’ils feront quelque chose contre vous-même si j’ai pas confiance du tout. Ils nous ont forcé à nous entretuer tu sais ? Juste après qu’on ait rencontré Ace.

Amber laissa glisser sa main droite jusqu’à sa gorge blanche et recula d’un pas pour aller heurter involontairement Alexander. S’ils avaient été capable de faire ça elle ne voulait même pas imaginer ce dont ils étaient capables. Mais surtout…

- Euh… mais attends ! Vous êtes déjà morts vous aussi ? s’exclama-t-elle, éberluée.

- Ouais, y’a environ 2 jours. Mais c’est pas l’important, l’important c’est qu’on est tous vivants non ? On aura qu’à rentrer dans le monde réel et…

Et merde. Parce que si les corps des trois voyageurs les attendaient sagement dans le monde réel, ceux de leurs êtres aimés devaient être en pleine décomposition depuis longtemps déjà. Impossible de retourner dans une telle enveloppe, qui le voudrait d’ailleurs ? Anney, Alexander et Amber étaient prisonniers de Dreamland, et s’en rendre compte dissipa légèrement l'euphorie d’Elie.

L’adolescente attira sa sœur à elle tout en fusillant le couple morbide du regard. Elle était sûre qu’ils avaient tout calculé, ces psychopathes devaient se réjouir de son expression qui se décomposait en réalisant la face sombre de ce cadeau. Mais elle ne cracherait pas sur ce don pour si peu ! Elle resterait, elle se battrait et elle protègerait Amber coûte que coûte ! C’était ça être sœurs non ?

- Ils nous ont bien eu… on ne peut pas les ramener avec nous. Ils sont coincés ici sans corps où retourner… bande d’enfoirés…

- Qu’est-ce que tu veux dire par « coincé ici » ? s’inquiéta Amber, le visage blême.

Le quadragénaire salua poliment Melena, Elie et leurs parents mais il avait cependant quelque peu de mal à comprendre ce que lui disait Ace. Un monde des rêves, hors du monde normal… Et même si les jeunes filles qui accompagnaient le pyromane semblaient charmantes, les deux autres personnages restés en recul n’inspiraient pas une once de confiance.

- Je ne suis pas certain de comprendre où vous voulez en venir mais si je comprends bien, vos deux amies et vous avez fait appel à ces deux… Personnes ici présentes pour me faire revenir d’entre les morts. Alexander désigna de la main Kay et Chayan, les deux gardiens lui semblaient en effet les personnes les plus capables d’un tel prodige et il n’avait pas tort : sans eux, ceci aurait été autrement plus difficile, sinon impossible. Qui que vous soyez, madame, monsieur, je suppose que nous nous devons de vous remercier pour ce miracle.

Ace adressa un merci de la tête ; il était reconnaissant, oui, mais comment ignorer que ces mêmes gardiens leur avaient fait endurer tant d’épreuves toutes aussi horribles les unes que les autres ? Evidemment Alexander n’en savait rien et cela serait là aussi difficile de lui expliquer tout ça.
Et puis le jeune homme n’avait pas vraiment la tête à ça. Tout ce qui importait à présent c’était de retrouver une vie calme et normale, apprendre à se connaitre à nouveau après tant d’années séparés…

Puis vint l’inévitable question : Comment vont vos parents, monsieur Ace ?
Si le majordome arborait son habituel air stoïque face aux événements qui le dépassaient, le visage de Ken ne manqua pas de s’assombrir en revanche.
- Egaux à eux-mêmes se contenta-t-il de dire froidement.
- Ne soyez pas si dur avec eux… Vous les connaissez autant que moi, bien que leur travail nécessite beaucoup de leur temps vous comptez à leurs yeux, n’en doutez jamais.
*Compter… Ça c’est sûr : je compte. Je suis l’agent qui va augmenter leurs part de marché lorsque je serai en âge de diriger cette entreprise..* pensa le pyromane, affichant un air dubitatif que ne manqua pas de remarquer son mentor. Ce dernier posa sa main sur son épaule comme l’on rassurerait un enfant, le prenant sous son aile.

Les relations entre le jeune Ace et lui s’était souvent passées de mots à ce point que l’un pouvait comprendre ce que l’autre ressentait sans qu’il n’eût rien à dire. Si d’ordinaire l’on a beaucoup de choses à se raconter après des années sans s’être vus, les deux hommes savaient que tout viendrait à temps et que profiter de l’instant présent était la meilleure chose à faire. Le silence aussi peut être apprécié et il veut parfois dire bien plus que ce que l’on pourrait penser.

L’accolade prit fin lorsqu’Amber heurta Alexander, ce qui eut pour effet d’attirer l’attention des deux hommes sur la conversation des deux sœurs. Effectivement, ils étaient déjà morts eux aussi, ce à quoi le majordome répondit par un haussement de sourcil interrogateur à l’attention de son jeune protégé, lequel acquiesça. Ace se rappelait être mort, mais pas de la mort. Avant, après, mais entre les deux la résurrection avait laissé place à un grand vide, un trou sans souvenir ; il devait en être de même pour le quadragénaire, ce qui pouvait entre autres expliquer que ni l’un ni l’autre ne se souvenait s’être vu dans le monde des morts – si tant est qu’il y ait un tel monde.

Ace avait eu le temps de se faire à cette idée mais à travers le ton neutre de son mentor, le pyromane voyait bien que cela le travaillait d’imaginer son protégé mort. C’était légitime mais le connaissant, il ne poserait pas de question sur ce sujet. D’ailleurs il était assez perspicace pour comprendre sans qu’on lui dise ce qu’il en retournait de la situation ; il ne savait évidemment pas où il se situait géographiquement mais les éléments présents comme les gardiens et sa miraculeuse réincarnation étaient suffisants pour qu’il ne doute pas de la véracité des dires d’Elie.

- Ouais, comment ça, coincés ici ? Ils n’ont pas de corps ici non plus et pourtant ils y sont, nan ? Je vois pas où est le problème !
- Ben c’est le monde des rêves donc vous n’êtes ici que spirituellement, ce qui implique que si vos corps physique est dans le monde réel, ceux des ressuscités le sont aussi… Et dans un état un peu moins… Enfin tu vois ce que je veux dire ? Tiens ça me rappelle Matrix, dans un certain sens. Il était bien ce film, n’empêche !
- COMMENT t'as pu voir un film, toi, déjà ?
- Laisse, je te réexpliquerai plus tard.
- 'Toute façon ça change rien ; si y faut que je reste ici je resterai. ‘Doit bien y avoir des endroits un peu plus vivables que cette île, nan ?

En tout cas il l’espérait fortement. Mais pour partir il faudra l’aval des gardiens à coup sûr et ça, c’était une autre affaire. Maintenant qu’ils étaient adeptes, le couple macabre pouvait très bien décider de les emprisonner sur l’île comme des animaux de compagnie. Ne devaient-ils pas défendre la tour, d’après leur titre ?

>> Direction la cinquième épreuve