Les voyageurs à l'école des sorciers

=> Provient de ce topic.



Dakota décréta que la psychiatre viendrait à domicile et la jeune fille ne se sentait pas de l’affronter. A dire vrai, elle était fatiguée de cette soirée qui s’éternisait, chaque seconde alourdissant la pression qui pesait sur leurs épaules, et décida de s’assoir dans un coin en attendant passivement que le temps passe. Un appel fut passée, la doctoresse conviée à venir immédiatement en échange d’une énorme somme d’argent, puis leur sort fut scellé. Avant le lendemain, ils se retrouveraient à nouveau tous à Dreamland, prisonniers de ce monde dont elle espérait pouvoir rompre le cordon qui les y liaient toujours.

Selene n’avait pas faim, mais consciente que son aventure allait lui demander des forces, elle commanda timidement un plat de pâte à la bolognaise qui lui fut apporté si rapidement qu’elle soupçonnait la cuisine des Earnshow d’être remplie de congélateur où se trouvaient conservés tous les plats imaginable, prêt à être servis à la demande. Néanmoins, le goût délicieux du repas confirma que les aliments étaient frais et redonna un brin de sourire à la rouquine.  

La jeune fille n’avait pas vérifié à quelle heure la psychiatre Thores était arrivée, mais il était tard, très tard. Son charisme n’avait rien à voir avec celui de Parkinson : elle dégageait une grâce légère et féminine, presque féline, si son tailleur trop serré ne semblait pas à ce point étouffer ses courbes. Le mensonge de Dakota lui fut restitué si bien qu’elle accepta d’y croire sans problème, examinant pourtant les mines fatiguée des adolescents qui se trouvaient face à elle. Des anorexiques, vraiment ? Heureusement qu’aucun pouvoir ne se déclencha malencontreusement.

Avant l’hypnose fatidique, le stress dévorait la toquée qui se triturait nerveusement la peau des doigts. Elle mourrait d’envie de tirer son carnet, de dessin quelques épouvantails pour l’accompagner dans cette séance périlleuse, mais du bien de l’opération dépendait sa retenue. Ses ongles devenaient insistants et commençaient à écorcher sa chair fine, alors qu’elle trépignait légèrement. Elle repensa au cachet donné à la femme de ménage en guise de test et si elle avait su… elle l’aurait gardé pour elle.

Ses yeux noisette brillaient d’inquiétude mais avant qu’elle ne se soit trahie, les voiles de l’inconscience s’ouvraient à elle et la chambre de son amie s’effaça pour laisser se dessiner les terres gelées. Ils étaient retournés là où ils avaient disparus du monde des rêves la première fois. Le vent cinglant déchainait les chutes de neige, les flocons giflant le visage de la galloise dont les joues rougirent presque instantanément. Elle portait toujours sa robe et son gilet, volés à Sextus, ainsi que le vieux caleçon arraché au cadavre d’un marchand ; ce n’était largement pas suffisant pour affronter le froid de la région.

Alors qu’elle cherchait des yeux ses compagnons, son pied s’enfonça dans un trou béant où elle s’enfonçait indéfiniment. Bientôt, la tempête disparut, ainsi que le bruit qui l’accompagnait. Seule perdurait une sensation de chute dans l’infini qui se solda par un atterrissage dur sur un sol chaud. La rouquine grelotait encore, mais elle sentait les rayons du soleil revigorer ses membres, causant la fonte immédiate des flocons de neige encore fermement accrochés à sa crinière flamboyante. Un brouhaha de voix et de marche les enveloppait, incitant Selene à se redresser au plus vite.

La première chose qu’elle aperçut fut une grande tour colorée et fantasmagorique cerclée par un portail aux gargouilles. Une vieille femme s’évertuait à parler à l’une d’elle sans succès, mais l’adolescent ne prit pas le temps de soulever un sourcil. En pivotant, elle découvrit un grand marché qui s’étalait plus loin qu’elle ne pouvait le voir. Des rires jaillissaient d’un peu partout, des prix étaient clamés à haute voix, des bijoux tintaient au vent, des tissus tanguaient sous la brise légère. Parmi les acheteurs, on voyait autant de famille aux apparats techyoïte que de jeune sorcières en robe d’écolière, des cowboy croisaient des femmes en tailleur, de jeunes gens volaient sur des planches ou roulait en vélo.

Pour la toquée qui n’avait connu à Dreamland que la rudesse du bateau de pirate et l’horreur de ses jours dans la région Sextusienne, voir autant d’animation positive lui donnait l’impression de se trouver dans un autre monde. Éberluée, elle vérifia que ses camarades l’avaient bien suivie dans sa chute puis demanda d’un ton absent :

- Ça alors… vous êtes déjà venu ici ?

Sydney se réveillait tant bien que mal et...

- Et mince ! Encore une fois !! Mais ma parole, ils ont posé des marteaux à ressort sur toutes leurs portes ou quoi !?

L'impression qu'avait Sydney d'avoir beaucoup dormi ces temps-ci s'avérait juste et il n'aimait pas ça. Il s'imaginait tel un otage à qui ont bande les yeux pour le faire passer d'une planque à une autre ; or le rôle d'otage n'était pas son favori.

Pas de divan cette fois, mais une sorte de ruelle ou cul de sac dont il ne reconnaissait pas l'architecture. Cela ressemblait étrangement à un style ancien, datant du Moyen Age ou une époque proche. Bien que rester prostré dans un coin était une activité dont il appréciait l'exercice, sa curiosité primait étonnamment, aujourd'hui. Il se leva donc puis se mit en marche. Il ne reconnaissait rien de ce qu'il voyait. Le paysage semblait tellement emprunt de magie qu'il crut d'abord être devenu fou. Vraiment fou.

Mais il en faut plus pour berner Sydney Miles ! Il croisa les bras.
- Psychotropes ! Lâcha-t-il enfin en hochant la tête. Ces singes m'ont drogués ! La voilà l'explication.

Il ne s'en était pas rendu compte mais le fait de se parler à lui-même avait attisé la curiosité de quelques passants qui le regardaient maintenant de biais.
*Oui... Ils parlent. De moi. Je ne suis pas comme eux, et ils le savent. Ils doivent être en train de fomenter un complot tarif de groupe pour m'expédier directement au royaume des morts. Aller simple. Ressaisis-toi, Syd ! Tu peux pas les laisser faire. Plus qu'une chose à faire, agir, penser, parler comme eux ; bref : se fondre dans la masse. Si je ne le fais pas, ils vont m'espionner, me persécuter, me tabasser, me tortuer... Et tout ce qui se termine en _er.
... MANGER !?*

Grooooooooïk ! Apparemment, le ventre de Syd n'était pas d'humeur à le rendre discret. Il n'avait rien avalé avant d'aller chez le Dr. et la faim faisait se tordre son ventre en des bruits atroces. En continuant son chemin, main sur le ventre, il arriva sur ce qui semblait être la place du marché. Le... Marché... Des pensées indicibles revinrent à son esprit alors qu'il rabâchait le mot "marché" dans sa tête. Des souvenirs d'une enfance douloureuse. N'écoutant que son courage... Il partit tremblant dans la direction opposée...

Qui sait le nombre de voleurs, de brigands et d'assassins qui peuvent se cacher dans ce genre de rassemblements mondains. Ces couleurs, ces senteurs et saveurs exquises n'étaient que des leurres pour qu'il s'enfonce dans ce dédale informe et noir de monde. Il s'arrêta un instant pour admirer avec quelle ingéniosité il avait encore une fois échappé à une fin atroce. Il en profita pour examiner les badauds. Leurs manières, mais aussi leurs vêtements. En fin de compte, il n'avait pas à s'en faire. Sa tenue préférée de pirate de jurait pas avec l'ambiance générale. Générale, parce qu'il y avait tout de même un petit détail qui heurta Sydney : que faisait ce groupe de gens allongés par terre ?

Fronçant les sourcils et bougeant sa tête de tous les côtés pour apercevoir les jeunes gens à travers les passants, il approcha d'un pas hésitant. Ils ne semblaient pas être du coin, eux non plus et après tout, si eux aussi avaient été victimes de ces charlatans junkies, il en résultait donc le dicton si bien connu : les ennemis de mes ennemis sont mes amis.
Amis... Ce mot fit retrousser ses lèvres à Sydney. Il n'était pas habitué à considérer des étranger comme des amis, encore moins si ceux-là même étaient allongés sur le sol pavé.
Elle se lève. Une jeune fille, rouquine. Et très mince. Elle semblait tout aussi étonnée d'avoir atterri ici que lui.

*Bon ! C'est pas auprès d'eux que je vais avoir des réponses, on dirait. En même temps... Ils sauront peut-être où chercher. Ils cachent peut-être bien leur jeu, mais moi aussi je sais jouer, parbleu !*

Prenant son air le plus jovial et le plus rassurant (bien qu'il ne le soit pas du tout intérieurement), il s'avança vers le groupe. Il fit son maximum pour que son sourire qu'il avait si longuement travaillé ne se déforme pas en un rictus empli de stress et de peur. Il n'aimait pas du tout parler, mais avait-il vraiment le choix. Qui se ressemble s'assemble... Normalement... Il s'adressa à la jeune femme.

- Heu... Bonjour, je crois comprendre que vous êtes des touristes, tout comme moi. Heu... Il ajouta plus bas :OÙ sommes-nous ? Ayez un air naturel : ils nous observent... Je ne vous veux aucun mal, et je crois qu'au contraire nous pouvons trouver des réponses quand à cette histoire d'hypnotiseur. Il tendit la main vers la rouquine Je m'appelle Sydney.

Le fait que ce soir la doctoresse qui vienne ici était plus rassurant pour James. Une chance en plus de ne pas se faire choper en mettant les pieds dehors. Dakota avait donc donné rendez vous à Madame Thores dans une demi heure, le temps pour les voyageurs de se reposer un peu pendant cette pause. Savoir qu'il touchait presque au but ravissait James et c'est donc avec un grand sourire qu'il ne se fit pas prier pour commander à manger comme leur avait permit leur hôte. Les sandwich dans la voiture avaient été bon mais pas assez lourd pour son estomac. L'adolescent commanda donc la même chose que Sélène pour deux personnes, lui et Jules.

Leur nouvelle psychologique ne tarda pas à venir et son apparence n'avait rien à voir avec celui de Parkinson. Elle semblait nerveuse et ses vêtements semblaient trop petits. Sans doute que ça séduisait les hommes normalement ? La séance débuta sans que la femme se rende compte de ce quelle faisait et James bascula dans inconscience avant d'atterrir dans un territoire enneigé lui rappelant le dernier endroit où il avait été avant de se faire éjecter. Le froid lui mordit le visage dans ses vêtements d'esclaves de vignerons et il n'eut pas le temps de voir ses camarades qu'il partait à nouveau dans un trou noir, ayant l'impression de dévaler sur un toboggan pour finir par atterrir dans un endroit qui n'avait rien à voir celui d'avant. La surface chaude et le soleil réchauffait le froid qui l'avait prit. Se mettant sur ses fesses pour voir où il était James écarquilla les yeux devant ce qu'il voyait. Un marché s'étendait devant eux et était surplombé par un immense palais que l'on aurait dit en bonbons. Bouché bée, l'adolescent ne savait pas quoi dire et suivait du regard le geste des autres personnes autour d'eux. la bonne nouvelle c'était qu'ils n'avaient pas atterris à Elipse...

- J'en sais rien mais...Waouh...

Souffla t-il avant de se redresser tendis qu'un homme vêtu étrangement s'approchait d'eux se présentant à Sélène comme étant un touriste. Mais vu son air étrange ça ne devait pas être un touriste d'ici. N'entendant pas la suite James s'approcha des deux mais ne capta que la fin de la conversation. Cet homme s'appelait donc Sidney.

- Salut Sidney ! Moi c'est James

Déclara t-il avec un sourire.

Après le froid glacial d'où ils provenaient, la chaleur du sol semblait embraser douloureusement la peau de Dakota. La vilaine impression d'être posée sur une plaque chauffante allumée finit néanmoins par disparaître et elle se mit en tête de se lever. Le paysage était bien plus hospitalier que celui qu'ils venaient de quitter mais ne pas savoir où ils se trouvaient était on ne peut plus désagréable. La surdouée pinça les lèvres en lissant sa longue robe sextusienne. Oh non, ça ne lui plaisait pas. Une situation incontrôlée était forcément mauvaise. Elle avait bien peur d'en avoir peur.

La question de Selene la tira de son mutisme contrarié. Non elle ne savait pas mais elle aurait bien voulu savoir ! Ce n'était pas faute d'avoir voyagé pourtant, mais ces bâtiments, cette magie... tout ça ne lui évoquait rien d'autre que les articles de journaux évoquant les différentes tours de Dreamland. Un simple nom de ville, rien de croustillant à se mettre sous la dent.

- Non, jamais. Je crois que cette ville s'appelle Gloutoniskaïa mais... mes souvenirs remontent à trop loin pour que je puisse l'affirmer avec certitude.

Elle croisa les bras alors que son regard ne quittait plus la haute tour colorée qui rappelait d'une manière saisissante un édifice de Moscou. La cathédrale St Basile lui souffla son inconscient alors qu'elle fronçait les sourcils à la recherche du nom exact. Malgré ses couleurs acidulées une étrange impression se dégageait de la tour. Quelque chose qu'elle ne connaissait que trop bien et qui s'appelait « peur ».

Un homme vint à leur rencontre et la phobophobe était si absorbée qu'elle ne le remarqua que lorsqu'il s'adressa à la rouquine. Son look excentrique fit hausser un sourcil à Dak' qui se contenta de suivre en silence ce qu'il racontait. Un touriste ? Et ces airs de conspirateurs... tout n'avait pas l'air de tourner très rond dans sa caboche. L'histoire d'hypnotiseur fut le détail suffisant pour lui coller l'étiquette voyageur sur le front. Ça expliquait probablement la suspicion de trouble mental qui s'imposait de plus en plus dans la caboche de la gamine.

Egal à lui même James fut le premier à répondre et ce avec un naturel déconcertant. A croire que le jeune homme ne connaissait pas le mot prudence ou précaution. Mais Dakota voulait bien reconnaître que ça faisait son charme, enfin tant que ça ne les attirait pas dans un guêpier. Elle avança à son tour pour planter son regard glacial dans celui de l'inconnu.

- Bonjour... Sydney. Nous ne sommes en effet pas d'ici, mais si vous avez aussi peur d'être épié je pense que nous devrions nous écarter de la foule, elle lança un regard aux alentour et porta son choix sur un parc non loin qu'elle désigna du doigt, Là-bas nous serions plus à même de discuter sans craindre d'être interrompus.

**Ou frappés, pourchassés, tués...**

Et sa mauvaise habitude reprenant le dessus, elle tourna les talons sans attendre de réponse comme si celle-ci coulait de source. Avoir toujours ce qu'on veut donne de bien mauvaises manières que voulez-vous ! Ses pas pressés la menaient droit vers son objectif qu'elle espérait sûr. Après tout elle s'était battue pour gagner sa liberté, et ce n'était pas pour se faire attraper bêtement derrière. Qui pouvait savoir si les gens d'ici n'étaient pas profondément anti-voyageurs comme les habitants d'Elipse ? On était jamais trop prudent.

D'ailleurs Syd' l'aurait probablement appuyé sur ce sujet...

Euh bonjour à vous deux : James et... Mademoiselle. Gêné, il passa sa main sur sa nuque en suivant la jeune fille. Syd ne s'attendait pas à rencontrer un tel accueil : deux personnalités TOTALEMENT différentes... Tandis que James semblait d'une franchise inquiétante, Cette jeune fille aux cheveux blonds semblait froide, très sûre d'elle et prudente. Oui, prudente.

Or s'il est bien UN type de personne dont Syd se méfie ce sont les gens prudents. Ils sont plus alertes que les autres, ils sont sur leurs gardes, et anticipent !

*Ce pourrait-il qu'elle ait percé mon masque ? Il n'est pas tombé, mais je dois être prudent. Un lieu isolé. Oui ! Rien de tel pour un guet-apens, une agression ou une menace ! Ou... Ou...* Bref, la routine.

La seule chose dont Sydney était persuadé tenait en une phrase :
*Je ne suis PLUS à San Fransisco*
Il n'avait quitté que très rarement la ville, de peur d'être attaqué par des bandits, ou des fermiers fous ; de ce fait, agir dans un environnement qu'il ne connaissait pas l'empêchait de se sentir à l'aise et de paraitre serin. Il ne pouvait pas jouer la comédie indéfiniment et il le savait. Il devait donc soutirer un maximum d'informations pour savoir si oui ou non il pouvait leur faire confiance.

Sur la défensive, il avançait bien moins rapidement que la jeune fille à qui il donnait 16 ans tout au plus. Des adolescents aussi sûrs d'eux dans un endroit inconnu, il n'avait encore jamais vu. Mieux vaut rester en arrière au cas où.

*Ne parle pas aux inconnus, ne parle pas aux inconnus... POURQUOI j'ai parlé aux inconnus !? Dans quelle guêpier je vais encore tomber ?* Il passa sa main sur sa poche... Rien ! Oublié ! Il avait oublié de prendre quelque chose pour se défendre ! Cela ne lui ressemblait pas. D'habitude il portait toujours sur lui un canif, une bombe aérosol ou encore un poing américain. Il se retrouvait donc dépouillé, mis à nu face à des fauves qui n'attendaient qu'une seule chose : lui sauter à la gorge.
Cette pensée lui donna des sueurs froides. Il s'arrêta un bref instant.

*Que dois-je faire ? Continuer ? Fuir ?? Non, je n'ai pas le choix, je dois continuer. Même s'il n'existe qu'une chance sur 100 qu'ils soient de mon côté, c'est toujours une chance qu'ils se fassent prendre avant moi.*

Il se remit en marche, espérant n'avoir éveillé aucun soupçon.
Il n'était pas fier de considérer le groupe de jeunes comme des boucliers de secours, mais c'était la seule chose qui lui permettait de gérer son angoisse grandissante. Un peu de répit dans ce monde de cannibales.

Dès qu'ils entrèrent dans le parc, il accéléra le pas pour se tenir aux côtés de la demoiselle aux yeux bleus.
C'est vraiment la première fois que vous venez ici ? J'ai plutôt l'impression que vous en savez pas mal sur cet endroit. On peut se faire confiance, hein ?
Il n'attendait pas vraiment de réponse. Moins le fond que la forme : avec un peu de chance, cela s'entendra au ton de la jeune fille si elle ment. Et puis les gens sont moins alertes quand ils parlent.

*Continuons à amadouer le loup.* Pensa-t-il.
Vous êtes ici pour quoi ? Tourisme ? Shopping ? Autre chose ?

*On pose les cartes, et on attend la suite. Quitte ou double.*

James eut l’air aussi fasciné qu’elle, bien qu’il n’ait aucune idée de l’endroit où ils se retrouvaient. Dakota en revanche, avança qu’il pouvait s’agir de Gloutoniskaïa. Faisant jouer sa mémoire, la rouquine se souvint avoir déjà entendu ce nom… Liam et Jonh, après leur fuite inattendue dans les plaines aux collines, avaient estimé que cette destination serait la leur, car ils l’avaient considérée comme la seule ville acceptable pour une enfant comme Ella. Un flash lui imposa l’image de l’enfant, sa bouille adorable qui cachait un secret sombre, et une vague de tristesse la fit momentanément déconnecter de la réalité.

L’arrivée de Sydney la fit sursauter. Étaient-ils des touristes ? Euh… d’ordinaire, ou du moins, depuis qu’ils avaient réuni leur petit groupe, c’était la phobophobe qui orchestrait les mensonges. Selene était bien moins douée dans cet exercice et préféra serrer la main de l’inconnu en méditant sur ses déclarations. Quelqu’un les observait ? Il voulait des réponses au sujet d’un hypnotiseur ? Jules avait déjà émit l’idée d’une paranoïa envahissante une petite heure auparavant, et c’est exactement le mot qui jaillit dans l’esprit de la toquée face au comportement de Sydney.

James se présenta avec un enthousiasme qui aurait presque parut suspect si l’adolescente ne le connaissait pas un peu. Elle ne put s’empêcher de sourire. Rien n’avait vraiment changé, mais au moins, elle se trouvait pour l’instant du « bon » coté du miroir en tant que voyageuse, et sans doute la chaleur du soleil l’aidait à se sentir plus à l’aise. Dakota prit enfin les commandes, invitant ses compagnons à s’écarter pour rejoindre un parc non loin de la place du marché.

Selene emboita le pas à la blondinette, hésitant d’abord un petit moment puis se résignant à lui glisser à voix basse :

- Il m’a dit que quelqu’un nous observait… tu crois qu’il a raison ? Ou bien… il débloque ?

Ils allaient atteindre le parc, l’ombre des arbres verdoyant appelant à un calme qui contrastait avec le tumulte de la foule. Néanmoins, la galloise se sentait effroyablement incommodée par ses vêtements sales et inadaptés ; sans compter que son gilet arborait toujours une déchirure tachée de sang qui n’avait rien d’engageant. D’un coup d’œil rapide, elle aperçut un petit étalage qui vendait des vêtements bon marché, hélant les passants en ventant leurs prix bas. Ce n’était pas du grand luxe, mais elle n’avait pas besoin de porter du Giorgio Armani, juste de quoi se sentir à l’aise pour l’épopée qui les attendait.

L’adolescente ne savait pas s’ils repasseraient dans le coin. Elle était déjà assez habituée à Dreamland pour savoir que l’inattendu fait partie du quotidien.

- Pardon, je reviens de suite, s’excusa-t-elle avant de trottiner jusqu’au vendeur.

Il n’y avait rien à l’effigie d’un épouvantail bien évidemment, mais elle dégota quand même assez rapidement des sous-vêtements, des chaussettes, un short style baroudeur, un tee-shirt assorti et des rangers pour 90 rubz. En fouillant dans sa maigre bourse, elle dégota le compte et remercia le couple de marchand avant de courir rejoindre ses camarades.

En chemin, elle faillit trébucher sur un petit objet laissé au sol. Selene se pencha pour le ramasser et s’aperçut qu’il s’agissait d’un rouge à lèvres couleur carmin, encore en très bon état malgré qui ait été abandonné. Sans doute était-il tombé d’un panier – ou d’un carton – mais personne dans les environs ne semblait se préoccuper de ce petit atout de maquillage. Elle le glissa dans sa poche et pénétra dans le parc, ses emplettes dans les bras. Le petit groupe l’avait devancé et lorsque la toquée le retrouva, la conversation était manifestement déjà entamée.

- Pardon, répéta-t-elle timidement en s’incrustant, je devais vraiment acheter des vêtements… j’en ai assez de ceux-ci. Je ne peux… plus les supporter…

Un infime instant, ses pupilles se perdirent dans le vague. L’image d’Asmodée s’imposa, couplée à celle de Liam qui égorgeait la propriétaire de la robe volée qu’elle portait. Le braquage meurtrier de la charrette de fruit s’enchaina cruellement, puis la rouquine secoua la tête pour se débarrasser de ces scènes macabres. Ses boucles flamboyantes dansèrent dans le soleil gloutoniskaïen. Oui, il fallait qu’elle se débarrasse de ses vêtements dreamlandiens actuels, car ils lui rappelaient chacun des crimes auxquels elle avait été témoin… mais surtout, involontairement, complice.

Si Sélène et James n'avaient aucune idée du lieu, Dakota elle semblait en avoir une. Si ils avaient bien mit les pieds à Gloutoniskaïa, ce nom qui lui avait parut un peu russe sur la carte à une époque où l'adolescent voyageait avec un autre homme...Penser à ce voyageur qui l'avait abandonné comme une vieille chaussette foutu le moral à zéro au pauvre James qui suivit donc le petit groupe dans un parc avec un nouveau membre parmi leur trio.
Sidney était vraiment étrange, ou bien juste trop prudent, ses regards aux alentours et ses chuchotement faisait de ce type un mec bizarre. Sélène les abandonna quelques instants pour faire il ne savait quoi mais il eut tôt fait d'avoir la réponse en la revoyant revenir avec de nouveaux vêtements. C'est vrai que les leurs n'étaient pas vraiment des plus discrets dans cette ville qui avait l'air coloré. D'ailleurs James en y pensant, se demanda où en était l'histoire avec l'histoire des satyres. Il fallait juste espérer que les deux se soient réconciliés.
Le quatuor arriva dans le parc et pour que se soit plus pratique pour discuter l'adolescent pensa qu'il valait mieux s'asseoir sur l’herbe que su un banc aligné en rang d'oignon. James posa son popotin sur l'herbe fraichement verte en ayant regardé avant si il n'y avait pas un panneau " interdiction de s'asseoir sur la pelouse".

- On fait quoi maintenant ? On a réussi mais on s'est pas demandé par où commencer après ! Je sais pas ce qu'il y a dans cette ville, si elle est comme Elipse vis à vis des étrangers

Demanda t-il en regardant ses compagnons à tour de rôle tout en s'occupant avec l'herbe près de lui, sans les arracher bien sur, c'était pas à lui cet herbe.

Alors qu'ils se dirigeaient à un rythme soutenu vers l'espace vert droit devant eux Selene pressa le pas pour arriver à la hauteur de Dakota et glissa à l'adresse de la surdouée ses doutes concernant la santé mentale de leur ami touriste.

- Il débloque c'est sûr, mais quelqu'un nous suit peut-être. Les deux ne sont pas incompatibles.

Elle accompagna sa réponse d'un haussement d'épaule alors que ses pieds menus foulait l'herbe luxuriante du parc. L'endroit était vaste, calme et apaisant. On n'y trouvait que quelques badauds qui se baladaient au gré de leurs envies et la gamine prit soin de se diriger vers un endroit presque désert à l'ombre de grands aulnes.

Dakota jeta un regard biaiseux à Selene qui décida soudain de partir faire des emplettes alors qu'ils venaient juste d'atteindre leur lieu de discussion. Comme si le moment s'y prêtait ! Enfin il fallait bien avouer que les frusques de la rousse étaient dans un état pitoyable à la limite de l'inquiétant. Le sang en était en grande partie responsable. A la voir on aurait pu croire qu'elle avait livré un combat acharné contre une horde de chiens enragés. Elle revint néanmoins relativement vite, laissant juste à James le temps de se trouver un coin confortable pour s'installer et à Sydney celui de venir travailler un peu Dak' au corps.

Le visage du jeune homme trahissait son stress, et sa voix son empressement à éclairer sa situation. C'était bien compréhensible, ce pour quoi elle répondit sans trop se faire prier. Ça ne lui coûtait rien après tout.

- C'est la première fois que je viens dans cette ville et non, sincèrement non, je ne pense pas que l'on puisse se faire confiance. Je ne vous connais pas. Qui ferait confiance à un parfait inconnu mis à part quelqu'un de parfaitement naïf ? Interrogea-t-elle en arborant un soupir crispé.

A cette question son regard se porta sur l'adolescent assit dans l'herbe et soupira. James en aurait bien été capable lui.

- On est arrivé là par hasard. On est tombé dans une sorte de trou noir téléporteur. C'est trop long à expliquer et ça me fatigue d'avance.

S'ils finissaient par devoir faire un résumé de leurs mésaventures elle laissait la place à quiconque la voudrait. Ça n'apportait de toutes façons aucune information utile et rentrait dans la catégorie « perte de temps ». Or Dakota ne perdait jamais son temps, ça c'était bon pour les autres.

Selene choisit se moment de froid passager pour revenir en s'excusant platement d'être partie s'acheter des vêtements décent. La surdouée la fixa un long moment sans rien dire avant d'hausser les épaules et de s'asseoir dans l'herbe à côté de James en prenant soin de ne pas froisser ses vêtements. Zephyr s'était installée à son tour ne laissant debout que la rouquine et le pirate que Dak' dévisagea un long moment avant de lâcher sèchement :

- Vous pouvez vous asseoir, l'herbe ne vous mangera pas.

Son ami psychotique prit alors la parole en demandant de but en blanc ce qu'ils allaient faire maintenant. C'était une bien drôle de question. Ils n'avaient pas tous choisi de revenir pour les mêmes raisons, et pour l'heure Dakota se préoccupait plus de la réussite de sa thérapie que du retour à la normale de son corps réel. Les autres voudraient probablement régler en premier leurs problèmes magiques... faire partie d'un groupe était vraiment fastidieux.

- Je ne sais pas pour vous, mais je n'ai pas de but réel. Je veux juste guérir alors je peux aller à peu près n'importe où. C'est en voyageant qu'on affronte nos problèmes, pas besoin d'avoir un endroit exact où aller. Quant à cette ville... on ne le saura qu'en expérimentant.

Tous s'étaient assis dans l'herbe sauf lui. pourquoi tenaient-ils à s'asseoir ? Cela cachait-il une partie d'un quelconque plan ? Cela troublait Syd. Ils cherchaient à le déstabiliser, et avaient fait mouche. Du sang froid, il en avait, mais pas outre mesure et sentait que celui-ci le quittait peu à peu... Ou disons qu'il se montrait de plus en plus absent.
Il se résolut cependant à s'asseoir, estimant qu'on pouvait difficilement cacher des pièges dans de l'herbe aussi bien entretenue sans qu'ils fussent apparents. Cependant le fait que le jeune James prenne tant de précautions en s'asseyant ne le rassurait aucunement. Peur d'abimer un gazon, ou bien avait-il reconnu un endroit stratégique ?

*Je pense... Que je pense trop* songea-t-il finalement. Il passa sa main sur son front, essuyant une goutte de sueur naissante. La phrase de la jeune blonde lui avait fait l'effet d'une bombe glacée à l'intérieur du ventre. De toute évidence, elle avait autant confiance en lui que lui en eux.

Si eux n'avaient pas de but, lui en avait un, il prit donc la parole.
- N'importe où, n'importe où... D'accord, mais moi ce que je veux, c'est savoir d'OÙ on vient..! Ce n'est tout de même pas normal que de San Fransisco je me retrouve ici ! J'ai vu ce grand flash et... Il s'interrompit. Il n'avait pas envie de passer pour un dérangé ou un illuminé auprès des jeunes gens. La bouche toujours à demi-ouverte, il réfléchissait à une fin de phrase plus standard. Et... On a dû me transporter ici, je suppose. On est loin de San Fransisco ? C'est-à-dire que je... Ne suis jamais vraiment sorti de la ville alors... Voyez... Avoua-t-il dans un rire qui même pour lui sonna terriblement faux.

Il amena son pouce à sa bouche et mastiqua son ongle. *Syd, Syd, Syd. Tu es en train de raconter ta vie à des inconnus qui SOIT n'en ont strictement rien à faire, SOIT s'en serviront pour te balancer dans un asile.* Il baissa la tête un instant. Tous les regards se tournaient vers lui, il le savait. Il avait l'impression que même les passants le fixaient avec tout leur dédain ou leur crainte, comme s'il eut été un animal de foire.

Sur trois personne, il ne connaissait le nom que de James. Il ne disposait donc pas d'un avantage là dessus. *J'aurais eu mieux fait de donner un faux prénom...*
Au fond de lui il regrettait d'être sorti de chez lui aujourd'hui. Pire qu'un rêve, il nageait en plein cauchemar. Il se promit que s'il attrapait un jour ce "Dr Thores". Sans doute était-il handicapé par sa paranoïa, mais s'il s'était écouté, il aurait évité cette dangereuse aventure.

Il releva la tête. Fixa un à un les membre du petit groupe, puis joignant ses mains, il parla suffisamment bas pour que seuls eux puissent l'entendre.
Je vais vous avouer quelque chose. En réalité, je suis... Echec et mat. Je n'ai aucunement l'intention de vous nuire, voilà : je joue cartes sur table. Vous ne me faites pas confiance, moi non plus. Mais, je crois qu'on devrait mettre ça de côté un instant pour former... Une sorte d'accord... "pourparlers". Seulement voilà : pour ça j'ai besoin de savoir si vous n'aviez pas l'intention de me sauter à la gorge à la moindre occasion. Simple précaution, vous comprenez. Je n'ai... Pas grand chose à offrir sinon rien, mais en contrepartie, je ne demande pas grand chose, juste de vous suivre pendant quelques temps. Caressant son bouc, il haussa un sourcil comme pour demander l'avis de chacun des jeunes.

*Là c'est clair : soit ils sont cool... Soit ils me coulent...*

Dakota l’avait dévisagé un instant, mais Selene n’avait pas osé croiser son regard. Elle n’avait pas encore commencé à songer qu’elle pourrait elle aussi s’assoir que la phobophobe lança une invitation sèche qui l’incita à obéir sans rien dire. Ses mains se resserrèrent nerveusement sur ses vêtements neufs alors qu’elle prenait place juste à coté de Sydney. L’extrémité de ses doigts lui faisait encore mal, échos du nombre incalculable de fois où elle avait gratté le bois de la charrette qui la transportait lors de son précédent voyage.

La déclaration de la blondinette la surprit légèrement : elle voulait simplement guérir ? C’est vrai que tous avaient été d’accord pour revenir, mais la rouquine avait prioritairement songé à savoir comme rétablir l’équilibre de son cas pour réintégrer le monde réel sans ses pouvoirs. Si Dakota refusait de prendre part à cette quête, comment ferait-elle ? De tous ses alliés, elle restait étrangement la plus rassurante au cas où ils aient à affronter le danger. Zephyr semblait aussi fragile qu’elle-même, fuyant méticuleusement les contacts, et James un peu trop insouciant et instable. Et puis, malgré son caractère, la galloise commençait à apprécier la gamine et trouvait que ce serait ingrat de l’abandonner après qu’elle leur ait offert gite, couvert et moyens pour financer leur retour.

Le paranoïaque expliqua sa situation. Selene avait l’impression de percevoir dans sa voix une sorte de détresse et d’incompréhension qu’elle se souvenait avoir ressenti en arrivant pour la première fois. Mais… on s’habituait. On s’habituait forcément, car c’était cela ou mourir. L’adolescente baissa les yeux, évitant délibérément le regard de son voisin qui finit inévitablement par se poser sur elle. Ce dernier prit alors la parole, déballant tout son sac d’un seul coup, et se tut dans l'espoir de recevoir une réponse claire. A l’entente de sauter à la gorge , le meurtre de la femme innocente sur une plage sextusienne clignota devant le regard de la toquée, mais elle ferma ses paupières aussi fort qu’elle le pouvait pour faire disparaitre cette image. Une larme perla sur ses cils, mais elle l’essuya si vite que personne – à part peut-être l’œil vif de Dakota – n’aurait pu s’en rendre compte.

- Nous n’avons pas… l’intention de te tuer, répondit-elle faiblement, ses pupilles explorant le vide. Ni de te faire du mal.

Ses mains se mirent à trembler légèrement. Elle avait besoin d’un épouvantail ; mais ici, pas de carnet, pas de crayon, rien. Sur la toile de fond noire de ses yeux clos, son « ami » d’enfance dansait pour la rassurer, si bien qu’elle avait l’impression de sentir sa présence derrière elle. Comme lorsqu’elle était petite, elle s’imaginait adossée à son bâton dur, sa présence bienveillante la protégeant de son père.

- Tu es… en quelque sorte, très loin de San Francisco, expliqua-t-elle. Je ne vois pas de quel grand flash tu parles mais ce qui est sûr, c’est qu'ici, nous sommes à Dreamland. C’est… un monde parallèle tu vois ? Où seul notre esprit est projeté, alors que notre corps reste dans le monde réel.

Elle ouvrit les yeux. Son imagination la quitta aussitôt, et sans la sensation de son épouvantail favori à ses cotés, elle se sentait infiniment seule. Le soleil filtrait à travers les branchages, dessinant sous les arbres des ombres mouvantes paisibles et apaisantes.

- Nous quatre, on est déjà venu, et on a voulu retraverser pour résoudre quelques problèmes… et guérir, ajouta-t-elle en jetant un coup d’œil à Dakota.

La rouquine marqua une pause avant d’enfin oser affronter le regard de son voisin.

- Si tu ne nous fais pas assez confiance pour nous croire, alors…

En fait, Selene ne savait pas comment finir sa phrase. Que devait-elle dire ? L’inviter à s’en aller s’il refusait d’accepter la vérité ? Chercher à le convaincre ? Et s’il venait à donner crédit à l’incroyable, devait-elle le prévenir qu’il prendrait peut-être part à des évènements auxquels il ne voudrait peut-être pas être mêlés ? Ses yeux noisette se levèrent vers ses camarades ; cherchant de l’aide pour prendre le relai.

Dakota souhaitait guérir, ce qui était tout à fait normal, après tout elle avait payé le docteur Parkinson pour ça à la base. Lui, il n'avait aucun problème c'est pour cela que enlever ses pouvoirs faisait partie de son premier but. Néanmoins pas question de se séparer à Dreamland, c'était trop dangereux de rester seul alors James resterai quand même avec ses camarades, ses nouveaux amis. Ils venaient en plus d'accueillir un nouveau voyageur parmi eux qui semblait ne pas être rassuré. Sidney prit à son tour la parole sur la question de James et il avait l'air complètement paumé le pauvre. Comme eux à une certaines époques, leur premier pas à Elipse avait été la plus étrange des choses et ce qui suivit, tous ses évènement n'étaient pas en reste non plus. Sidney avait du bol, ou peut être pas, d'avoir atterrit ici en premier.

Sélène répondit la première, tentant de "rassurer" la méfiance de l'homme sur nos intentions envers lui. Lui expliquant par la même occasion où il se trouvait. Elle ne termina pas une phrase et regarda ses camarades à la recherche d'un soutien. Elle avait oublié aussi qu'il était fort probable que Sidney ait hérité d'un pouvoir en venant ici en rapport avec son problème mais peut être que ça casserait tout le truc qu'avait construit Sélène.

- Mais oui reste avec nous, on mord pas( sauf Jules peut être) et tout seul tu t'en sortira pas dans ce monde...Si tu es d'accord bien sur on ne veut pas te forcer la main non plus !

A plusieurs c'était déjà assez dur de survivre dans ce pays de fous alors tout seul il n'osait même pas imaginer. James avait de la chance, Jules ne l'avait jamais abandonné et ils étaient toujours au moins deux. L'adolescent n'avait plus rien à dire, de toute façon ce n'était pas un grand bavard à la base, et laissa Dakota finir si elle le souhaitait. Parcourant du regard l'herbe autour de lui quelque chose par terre attira son regard et il se redressa un peu pour tendre son bras attrapant dans sa main une montre. Mais pas n'importe laquelle. Une montre Lucky Luke ! Il ignorait si elle était à l'heure mais l'aiguille tournait toujours prouvant qu'elle fonctionnait encore.

- Trop bien...!

Souffla t-il avec un grand sourire.

Comme la fois précédente, c'est avec un enthousiasme percutant que James répondit. Sydney commençait à cerner le caractère du jeune homme, ce qui le rendait moins suspect à ses yeux. Mais ce qui fit écarquiller ses yeux à Syd était le récit de la jeune rouquine. Un univers... Parallèle ? Il avait quelques fois songé à voyager hors de San Fransisco, mais ce n'était surement pas comme cela qu'il imaginait son baptême... Dreamland. Dream... Land...

*Elle... Débloque ou quoi ?* pensa-t-il, sceptique. Puis il regarda à nouveau autour de lui. Ce décor à la fois magique, loufoque et exubérant ne pouvait certainement pas être issu de la réalité. Des animaux dont Syd n'aurait jamais imaginé l'existence allaient et venaient, tout comme d'autres moyens de transports incongrus... Non. Impossible que la rouquine débloque.

Si ce qu'elle disait était vrai, alors seul son esprit arpenterait cette ville depuis maintenant quelques heures ? Tout cela semblait pourtant si réel... Etait-il mort ? L'avait-on tué lors de son état hypnotique ? Tout cela paraissait de plus en plus louche. La situation n'en demeurait cependant pas moins tendue car si la rouquine et Jamais avaient assuré ne pas lui vouloir de mal, l'invitant même à se joindre à eux, rien n'était joué tant que la fille au regard glacial n'aurait pas prononcé son verdict. Enfin invité... Avec tout de même une note qui sonnait faux. Le genre de fin de phrase à la "si tu veux" pouvait laisser entendre une tactique de psychologie inversée. Espéraient-ils par là lui refuser poliment de se joindre à eux ? Il jetta un coup d'oeil à James qui semblait tout heureux d'avoir trouvé une montre à l'effigie du célèbre cowboy Lucky Luke.

*Non. Ça m'étonnerait franchement que James se montre tout à coup si perfide alors qu'il a fait preuve de franchise depuis le début.* Sydney eut alors une révélation lorsqu'il repensa au mot guérir. Il n'avait pas fait le rapprochement jusque là, car il avait entendu cela au sens physique et non psychologique. Ça y est ! Il tenait l'histoire : eux aussi souffraient de troubles mentaux. Ayant eu recours eux aussi à l'hypnose, ils sont venus ici dans l'espoir de guérir. Syd avait totalement perdu de vue ce détail depuis qu'il avait quitté le cabinet du Dr Thores. Il avait lu que les méthodes de la savante étaient étranges, mais il comptait dessus pour qu'enfin cela fasse ses preuves. Lui aussi voulait... Guérir.

Et les voilà donc piégé dans un monde étrange, alors que leurs corps endormis (ou morts) gisaient inertes à San Fransisco. Cette idée le laissa sans voix. Une question lui traversa tout de même l'esprit :
*si nous quatre sommes fous ; est-ce que tout le monde ici est fou ??*
Mais il préféra se taire pour le moment, jugeant que la situation ne se prêtait pas encore à ce genre de questions.

Il ne savait pas où il se situait par rapport au monde réel, ni si ce monde... Dreamland... existait bel et bien, mais l'idée de voyager seul lui parut suicidaire. Quitte à voyager dans un monde de fous, autant le faire avec des fous que je connais. Il essaya pendant une fraction de seconde d'imaginer de quels troubles souffraient les trois adolescents. Aucune idée, sauf pour la blonde : était-elle également... Parano' ? Même s'il y avait peu de chance que cela s'avère exact, il ne coûtait rien à Syd d'essayer de rassurer les jeunes quand à ses intentions. Devait-il leur avouer sa maladie..? Il n'en avait pas le courage. Ce fardeau était le témoin d'un passé qu'il voulait oublier, et s'il commençait à dupliquer ce souvenir, il ne serait jamais tranquille.

James semblait absorbé par sa montre, fier de sa trouvaille. La rouquine, assise à côté de lui semblait... non : était très stressée. Ne restait plus que la petite blonde qui n'avait pas encore pris la parole. Sydney osa une dernière phrase, celle - il l'espérait - qui devait la convaincre de lui faire confiance :

- Finalement... Que je sois à San Fransisco ou pas... Tout ce que je souhaite c'est guérir également. Je ne sais pas comment c'est possible en ces lieux, mais si nous avons les mêmes objectifs, alors ne sommes-nous pas alliés ? Je ferai mon possible pour aider le groupe et ne pas vous ralentir, mais la décision finale vous appartient, mademoiselle.

Le babil de ses compagnons s'était peu à peu mué en fond sonore. Elle n'y prêtait qu'une oreille distraite alors que ses yeux glacés ne quittait pas l'herbe grasse sur laquelle elle reposait. Recommencer encore et encore les explications et les présentations à chaque rencontre était épuisant pour sa langue acerbe et ses nerfs fragiles. Sans parler du fait que personne ne lui avait rien expliquer à elle, et qu'elle avait dû apprendre au fil des épreuves diverses et variées à commencer par la grand-mère qui l'avait poursuivie en la traitant de monstre. Tout ça faisait paraître sa situation personnelle comme injuste. Toujours aidante, jamais aidé. Ah elle est bien belle l'égalité !

Dakota jeta un coup d’œil rapide à Selene qui tentait à la fois de rassurer et d'éclairer Sydney. Bien, très bien. Elle se débrouillait comme une cheffe et c'était toujours ça de salive d'économisée. Refoulant son ressentiment elle raviva un peu son intérêt pour la conversation qui semblait arriver à son terme. Entre les regards que lui jetaient la rouquine et le pirate elle sentait qu'elle devait dire quelque chose mais quoi ? Amen ?

- Oui ? Finit-elle par demander à contre cœur.

Elle dévisagea les membres du groupe qui semblait dans un état d'attente source d'une pression particulièrement désagréable pour elle. La surdouée n'avait beau avoir que 13 ans elle s'était peu à peu imposée comme une leader et devait maintenant en subir les conséquence malgré son évident manque de volonté. Ils voulaient un discours ? Soit, ils l'auraient.

- Vous voulez venir vous venez voilà tout. On a concrètement aucun moyen de vous empêcher de nous suivre et on change tellement souvent de compagnons ici qu'en avoir un de plus ou un de moins ne change rien. Vous ne faites pas exception à la règle, elle marqua une pause avant d'ajouter, Malgré tout le respect que je vous dois.

Cette marque de politesse semblait fausse et rendait l'ensemble presque plus vexant mais ce n'était pas son problème. D'ailleurs l'endroit était si paisible qu'elle n'en avait strictement aucun pour l'heure. Pas d'angoisse, pas de peur, juste un sentiment de sécurité qui provoqua l'activation du No Power's Land. Tous les pouvoirs des gens du cercle qu'ils composaient furent désactivé par la proximité et il n'y avait plus qu'à espérer qu'ils ne soient vraiment pas en danger...

Le jour commençait à décliner mais il faisait encore doux. Le parc se vidait progressivement pour les laisser dans un état de presque solitude qui permit à Dak' d'aborder avec moins d'appréhension un sujet délicat. Car si Syd' était vraiment nouveau, il fallait vraiment lui donner toutes les bases. Encore du boulot en perspective, même pas payé de surcroit.

- Mais si vous tenez à faire partie de notre... groupe... il va falloir vous éclairer sur quelques points. On ne peut pas se permettre de vous voir vous étonner de tout. Donc petit un : tous ceux qui viennent du monde réel sont appelés voyageurs. Selon le lieu on peut être aimé, ignoré ou détesté. Le plus souvent détesté à cause de mon petit deux qui est : nos pouvoirs. La plupart des voyageurs sont mabouls et ont des pouvoirs liés à leur problème. Vous découvrirez le premier des vôtres bientôt je suppose.

La phobophobe inspira profondément pour reprendre son souffle. Le plus logique maintenant était sûrement d'aborder leurs différents cas mais parler d'elle ne la mettait en en joie. Son visage n'était qu'un masque inexpressif alors qu'elle se triturait une mèche de ses cheveux blonds. En parler ou ne pas en parler, telle était la question.

**Oh et puis merde.**

- Un petit tour pour expliquer nos dons s'imposent non ? Un volontaire pour débuter ?

James, avec son enthousiasme habituel, encouragea Sydney de se joindre à leur groupe. La rouquine se tut alors, préférant laisser aux autres la charge de cette discussion. Elle n’était pas douée pour les décisions, elle l’était pour les suggestions à la rigueur, mais finissait toujours par suivre l’avis des gens qu’elle estimait dignes de confiance. C’est ainsi qu’alors que le psychotique s’extasiait sur sa montre à l’effigie de l’indémodable star du Far West, le paranoïaque reprenait la parole pour une nouvelle fois assurer qu’il n’était pas mauvais mais qu’il s’en remettait au verdict de Dakota.

La concernée n’avait pas l’air spécialement passionnée par ce qui se passait et manifestement, le fait qu’on la sollicite la dérangeait. Sans raison qu’elle puisse expliquer elle-même, un sourire naquit sur les lèvres clairs de Selene, qui baissa les yeux sur l’herbe verte sur laquelle ils s’étaient installés. Peut-être parce qu’elle commençait à apprécier la phobophobe, et que percevoir les traits de son caractère particulier était chaque fois comme… une fenêtre ouverte sur sa personne intérieure, qu’elle avait l’air de prendre soin de cacher. Néanmoins, il disparut lorsque la blondinette parlait du fait que l’on se perdait facilement de vue à Dreamland. C’était vrai. Cruellement vrai. Mais pour l’instant, la galloise était contente d’avoir perdu ses anciens compagnons, et espérait ne jamais les recroiser. Sa santé mentale chancelante ne résisterait pas à un autre viol, ni à d’autres préjudices psychologiques.

A cette pensée, alors que Dakota étoffait leur présentation du monde des rêves, la toquée tira légèrement la manche de son bras gauche pour dégager son poignet. Sa blessure à peine cicatrisée était toujours là, traçant une ligne rouge sombre pas très jolie à voir depuis le bas de sa baume jusqu’à la moitié de son avant bras. Elle s’empressa de la cacher, plaquant machinalement une main sur son poignet en espérant que personne n’ait rien vu. Aucun des autres ne savait qu’elle avait essayé de se suicider dans la tour d’Asmodée et ce n’était pas le genre de chose qu’elle avait envie de mettre sur la scène public.

Réaliser la présence de cette plaie qu’elle avait oubliée raviva toutes sortes de souvenirs insupportables. Au-delà de l’apparence de la croute qui s’était formée sur sa peau rougie, c’était l’écho du contexte de cette automutilation qui lui donnait la nausée. La tête lui tourna, ses mains tremblaient, elle avait besoin de se changer, de quitter cette enveloppe de tissus crasseux qui lui rappelaient ses anciennes mésaventures.

- Excusez-moi, dit-elle à nouveau à voix basse alors que Dakota demandait à chacun une présentation de leurs pouvoirs. Je… ‘faut que je mette ces vêtements. Je reviens.

La mine crispée, les lèvres pincées, elle se leva et rejoignit un arbre assez gros pour la dissimuler des regards indiscrets. Avec le soleil couchant, le parc s’était déjà considérablement vidé, lui laissant une opportunité de s’isoler complètement. Une fois cachée, elle s’adossa au tronc doux, ses yeux fermés levés vers le ciel, puis elle éclata en sanglot. Comme un contrecoup à retardement, les souvenirs de ce qui lui était arrivé la hantaient, ruinant ses efforts de restées sereine et concentrée. Ses larmes coulaient encore lorsqu’elle enfila en quatrième vitesse ses nouveaux vêtements, se débarrassant d’un air dégouté des fripes dont elle avait hérité jusque là, puis elle s’adossa de nouveau à l’arbre gloutoniskaïen. Elle n’y avait pas pensé en achetant ses vêtements, mais elle allait devoir garder son gilet pour masquer ses blessures et ses cicatrices.

Avant de faire son tube de rouge à lèvres suivre son porte-monnaie dans une poche de son short, elle utilisa les angles de son bouchon pour graver dans le tronc un petit épouvantail. Il lui souriait de toute sa bouche cousue, si bien que l’on pouvait imaginer que les commissures de ses lèvres allaient finir par se rejoindre sur son front. Selene lui répondit d’une mine triste, apaisée par cette présence familière. Hors de portée du NPL et seule, la pilule de valium se matérialisa à nouveau dans les airs. Elle tendit la main juste à temps pour l’attraper, puis la serra dans son poing avant de la glisser dans sa poche.

Il était temps qu’elle soit forte, sans quoi, elle mourrait dans ce monde. Elle ne voulait pas, et elle ne laisserait pas Liam la détruire de l’intérieur. Après un ultime soupir, elle laissa glisser sa main sur sa gravure réconfortante, puis quitta sa cachette pour retourner vers ses camarades, s’essuyant furtivement les joues pour faire disparaitre ses larmes. Néanmoins, s’il y avait une chose qu’elle ne pouvait pas masquer, c’était la rougeur de ses yeux. Elle passa devant une poubelle dans laquelle elle jeta sans état d’âme son ancienne robe, son caleçon et ses vieux sabots trop grands, puis se rassit à coté de Sydney en réitérant d’une voix cassée :

- Désolé.

Bien que émerveillé de sa trouvaille, il lui en fallait peu, James entendait quand même ce qui se disait autour de lui. Sidney avait le même but que Dakota et son raisonnement n'était pas faux...L'adolescente d'ailleurs avait finalement décidé de se joindre à la conversation mais le ton qu'elle employait laissait entendre qu'elle se forçait un peu. Pour James, Dakota était depuis le début l'intelligente du groupe, celle qui prenait les décisions les meilleures pour ne pas mourir. Peut être en avait elle assez de ce rôle ? Mais lui, il n'avait pas la carrure pour cela. Le jour déclinait de plus en plus et l'adolescent attacha la montre à son poignet avant de retourner parmi ses camarades. Dakota était en train d'expliquer le fonctionnement du monde des rêves à Sidney, les voyageurs et ce que ce nom leur apportait. Autre que des pouvoirs cela apportait aussi des ennuis.

Sélène se leva alors déclarant qu'elle allait changer de vêtement mais elle ne semblait pas aller très bien. Inquiet, James la suivit du regard mais ne la suivit pas. Des fois, les personnes avaient besoin d'être seules pour aller mieux. Reportant son intention sur ceux encore présent, Dakota proposa de montrer leur pouvoir à Sidney pour appuyer ses propos. Etant celui ayant la magie la moins repérable l'adolescent se proposa et imagina dans sa tête, comme il en avait l'habitude, un petit objet pas très compliqué. Il dessina dans tête une bille tendant sa main pour la faire apparaître à l'intérieur mais...rien ne vint à cause du pouvoir involontairement déclenché par Dakota.

- Ca...ça marche pas ! C'est pas normal !

Balbutia t-il mais essayant quand même encore de faire apparaître quelque chose mais en vain. Peut être avait ils perdus leur pouvoir ici ? Ca serait quand même un comble dans un tel lieu pareil. La panique commença doucement à s'insinuer en James accompagné d'un stress mais cette fois si Jules ne prit pas sa place.
Sélène choisit ce moment là pour revenir et s'excusa. De quoi ? James la regarda et vit ses yeux rougis balayant d'un coup sa panique. La rouquine allait mal et lui il paniquait parce qu'il pouvait plus utiliser son pouvoir. Parcourant la maigre distance qui le séparait de la demoiselle épouvantail l'adolescent la serra dans ses bras pour lui faire un câlin. C'était ce que lui faisait Jules quand son moral n'allait pas, alors pourquoi ça ne marcherait pas avec Sélène ? Il ignorait ce qui tracassait cette dernière mais un câlin c'était toujours bien , si on oubliait le désaccord de son meilleur ami.

A chaque réponses de nouvelles questions... Plus on lui en apprenait, plus Sydney réalisait qu'il ne comprenait alors qu'une infime partie de la chose. Un puzzle immense s'étend sous ses pieds et il se tient dessus, avec une poignée de pièces en main, sans savoir qu'en faire.
L'image du puzzle lui plut. Il la garderait en souvenir, comme un marque page au début d'une nouvelle aventure. Apparemment une aventure MAGIQUE. Si chaque "voyageur" disposait de pouvoirs, il devait certainement en avoir aussi. Si tant est que cela fut exact. Quel était ce pouvoir, quelle en était la nature ? Une force certainement versatile car James ne réussit pas à faire la démonstration tant attendue par Syd. Dommage... Peut-être une autre fois. Il n'était pas de ceux qui restaient campés sur leurs acquis, du moins dans ce genre de choses et même sans preuve il était donc plutôt enclin à croire en ces pouvoirs.

Les vêtements qu'avait revêtit la rouquine lui seyaient bien mieux que ses anciens chiffons, même si ceux-ci semblaient avoir une forte valeur sentimentale tant elle semblait troublée après les avoir quittés. James se pencha donc vers elle pour la serrer dans ses bras. Cela n'étonna qu'à moitié Syd qui appréciait le caractère de ce dernier. Sans doute ses pouvoirs étaient-ils différents de lui, mais la gentillesse apparente du jeune homme avait donné à Syd l'envie de lui faire confiance. Un peu. Du moins... Plus que les autres.

Cela ne faisait aucun doute qu'ils étaient passés par de nombreuses épreuves, certaines apparemment douloureuses. Il se sentait frustré. D'habitude, c'était lui qui avait une longueur d'avance sur les gens, pas l'inverse ! Mais il fallait bien reconnaitre qu'il n'avait pas le choix pour le moment, et même si la petite blonde apparaissait tantôt froide tantôt absente, il devait pourtant s'en remettre à elle. 20 ans... Il avait 20 ans et un trio d'adolescents étaient plus à même que lui de savoir quoi faire, ou comment faire... Le trouveraient-ils vieux ? Non point qu'il fut un expert dans le conflit des générations, mais... Mais au final, rien de ceci ne semblait importer dans ce monde des rêves.

C'était décidé : il allait voyager avec eux en essayant d'apporter son aide du mieux qu'il le pouvait. Il apprendrait, ça n'était pas un problème. Il se jura d'apprendre à connaitre ce monde, ses pouvoirs... Et accessoirement ses compagnons de route.
Le mot d'ordre était : rester discrets. Ça, il savait faire... Cependant d'autres questions lui virent à l'esprit :

*Comment sortir d'ici, pourquoi nous hait-on, comment peut-on savoir que l'on est guéris..?* Il les poserait plus tard. Ce n'était plus le moment de poser des questions : les jeunes avaient besoin de repos. Il aurait voulu dire quelque chose pour réconforter la jeune rouquine, mais rien ne lui venait. Il était encore trop étranger au groupe pour se permettre ce genre de réactions amicales, elles seraient sans doute mal prises.
Point la fatigue mais la faim se fit ressentir à nouveau chez Syd. Il consentit à repousser une fois encore les demandes de son estomac, jugeant qu'il trouverait bien de quoi manger dans un coin de la ville. Mais PAS dans le marché ! Personne ne l'obligerait à mettre les pieds dans ce piège à loup géant. Du moins pas pour l'instant. Il ne s'en sentait pas la force de toute façon.

Voir ces gens qui déambulaient autour d'eux, les autres discutant, d'autres encore achetaient des choses sur les étals ; mais surtout ce groupe si soudé en dépit même des aléas de Dreamland... A cette vue, il ne put s'empêcher de penser non pas à lui, mais au groupe. Qu'allaient-ils vivre, que leur faudra-t-il affronter pour espérer guérir ? Pour la première fois dans sa vie, Sydney Miles se mit imaginer au pluriel : "nous". A défaut de savoir quoi faire autant profiter de cette expérience, il décida de vivre cela comme un test. Être capable de tolérer un groupe sans se méfier d'eux en chaque instant devrait lui prouver qu'il peut guérir. Sera-t-il à la hauteur de cette tâche ?

Son regard se posa sur l'herbe du parc. Il ne la fixait pas vraiment, il tentait d'assimiler tout ce qu'il avait appris en si peu de temps ; il se déconnecta donc de la scène pendant un instant, songeur.

Tel le soleil un jour d'eclipse Selene disparu de nouveau en se confondant en excuses. Et pour quoi ? Se changer. Quelle priorité ! Dakota haussa un sourcil avant de secouer la tête de dépit. Vu la tronche que tirait la rouquine elle aurait fait une fixation sur ses frusques jusqu'à les voir disparaître de toutes façons. Faire partie d'un groupe et subir les désirs et pulsions de tout un chacun était une vraie plaie.

Heureusement que James y mettait un peu de bonne volonté ! Son meilleur ami – car c'était bien ce qu'il était devenu au fil du temps – avait décidé de faire une petite démonstration de ses talents. Alors que Dak' ne l'avait jamais vu échouer à l'utilisation d'un de ses pouvoirs cette fois ci rien ne se passa, au grand étonnement de l'adolescent. Pour confirmer les doutes qui commençaient à germer sous son crâne la phobophobe fouilla sa poche pour en sortir son miroir de poche. Si jamais elle se trompait Mary serait verte d'être appelée pour rien, mais depuis le temps qu'elle ne l'avait pas dérangé ça devrait tout de même passer...

Elle plongea son regard dans celui de son reflet et, sans se soucier de l'effet qu'aurait son manège sur Sydney, elle invoqua 3 fois le nom de Bloody Mary. Sans succès. La surdouée secoua son miroir comme si ça avait pu avoir une quelconque utilité puis finit par le remettre dans sa poche avec un sifflement mécontent. Qu'est-ce que c'était que cette histoire ??

- Je vais essayer quelque chose, grommela-t-elle en se remettant sur ses pieds avec mauvaise humeur.

Tomber en panne juste au moment d'une démonstration était réellement dérangeant. Ils risquaient de passer pour une bande de mabouls ou d'affabulateurs et ni l'un ni l'autre n'était du goût de la phobophobe. Elle ne voyait que trois explications possibles à ce phénomène, qu'elle ne tarda pas à exprimer à voix autant tout en s'éloignant à bonne distance de ses camarades.

- Mes pouvoirs ne marchent pas non plus, et je vois que 3 causes potentielles. La première serait notre guérison, mais on sait tous que ça n'est pas le cas. La seconde serait que notre « renvoi » de Dreamland ait altéré nos capacités à la magie, mais cette hypothèse est rendue caduque par l'utilisation de nos pouvoirs dans le monde réel. Reste la troisième... moi.

En tant que phobophobe, sa maladie et ses pouvoirs s'attaquaient à la raison même des dons de voyageurs. Si elle était capable d'en copier il était tout à fait crédible qu'elle puisse les mettre en pause. Mais comment ? Elle n'avait rien fait de particulier, mais mettrait un point d'honneur à décortiquer ses actes et ses pensées jusqu'à mettre le doigt dessus. Enfin si elle avait raison. Et pour ça rien de telle qu'une petite mise en pratique. La plupart des dons étaient limité par le temps, la distance ou les deux. Si ce pouvoir était neuf il ne devait pas être encore trop étendu. La 15ène de mètres qui les séparaient désormais devrait être suffisante.

- Quelqu'un peut réessayer ?

Sa question s'adressait à vrai dire plutôt au psychotique. C'était probablement le seul assez réactif et volontaire pour se prêter à son caprice du moment. Elle ajouta tout de même par pur soucis de politesse plus que par réel intérêt pour les désirs de ses camarades :

- S'il-vous-plait ?

L’étreinte soudaine de James la surpris, mais ne lui déplut pas spécialement. C’était simplement… si inattendue et saugrenu quant à la situation qu’un long moment, Selene resta figée sans savoir comment réagir. Cette proximité lui fit soudainement se poser une question si stupide qu’elle aurait rougit de l’entendre elle-même : depuis combien de temps personne ne lui avait fait une pareil démonstration d’affection ? Dans le monde réel, elle n’était pas non plus du genre à câliner facilement, mais il n’était pas rare qu’elle s’étreigne avec ses amies, voire même occasionnellement avec l’un des garçons de son petit cercle. Mais à Dreamland, elle n’était plus une adolescente. Elle était devenue un objet, une chose, un monstre, une alliée ou une ennemie. Les seuls contacts physiques qu’elle avait connu étaient les coups, une morsure, des blessures, et des viols.

La rouquine réalisait comme elle manquait de cette affection amicale et une nouvelle larme roula sur sa joue. James était gentil, elle glissa son visage dans son cou le temps de sentir furtivement sa peau contre la sienne, puis lui murmura un « merci » à l’oreille avant de s’écarter décemment, résistant à l’envie de lui prendre la main. Son cœur battait fébrilement, elle rosissait, mais il y avait fort à parier que Dakota, qui se lançait dans une expérience avec un miroir de poche n’apprécierait pas de les voir se cajoler plus longtemps. Sydney ne disait visiblement plus rien, absorbé par l’observation et des réflexions qu’il gardait pour lui-même.

La blondinette appela trois fois Bloody Mary, fantôme urbain dont avait entendu parler la galloise, ce qui lui fit lever un sourcil. La phobophobe savait-elle « vraiment » la faire apparaitre ? C’était cela son pouvoir ? Pourquoi donc ? Selene n’eut pas le temps de tergiverser elle-même sur la question, car son alliée décréta que sa capacité ne fonctionnait pas. A sa dernière hypothèse, la toquée voulut rétorquer que son pouvoir à elle avait fonctionné, mais Dakota se levait déjà pour creuser la distance avec ses camarades.

- Mes pouvoirs ne fonctionnent pas sur demande, répondit timidement l’adolescente. Je ne sais pas vraiment comment ils se déclenchent…

Elle savait que cela n’allait pas satisfaire la surdouée, mais c’était malheureusement la vérité. Même si elle avait grosso modo compris quand se déclenchaient ses capacités spéciales, elle aurait été totalement incapable de les restituer pour une démonstration, même avec toute la volonté du monde. Pour faire néanmoins preuve de bonne volonté, la galloise se pencha un peu plus vers leur nouveau compagnon pour lui confier timidement :

- Euh… moi je peux me transformer en épouvantail… à moitié…

Une vague rouge envahit ses joues crémeuses. A dire, cela semblait parfaitement stupide et irréaliste, et si le paranoïaque ne les prenait pas encore pour des cinglés, cela risquait d’être bientôt le cas. Cherchant à maladroitement créditer sa déclaration, la jeune fille poursuivit en sortant sa pilule de valium de sa poche :

- Des fois, je fais apparaître des cachets comme ça aussi… je ne sais pas trop pourquoi, mais ils calment les gens…

Voilà, elle venait de montrer qu’elle portait sur elle un médicament prescrits aux dépressifs. Selene n’était pas certaine d’avoir été convaincante, pas du tout en fait, car le pirate avait désormais tous les éléments en main pour les accuser de folie aigüe. Sans un mot de plus, elle s’écarta en baissant les yeux, puis passa une main dans sa crinière rousse complètement emmêlée, un goût amer en travers de la gorge.

Tiré de son absence par la confidence de sa voisine, il haussa les sourcils en signe d'étonnement. Ces pouvoirs semblaient très variés, mais malgré tous les efforts des voyageurs, rien ne se passa. Soit ils étaient vraiment très imaginatifs, soit c'était le trac : c'est bien connu, c'est quand on veut faire des démonstrations que cela échoue. Encore une manigance du destin pour décrédibiliser les gens ! Dans son scepticisme il leur accorda tout de même une chance. Se riaient-ils de lui ouvertement ? Parbleu ! Ça n'avait pas l'air d'être leur genre à priori. A priori...

Lorsque la rouquine lui montra un cachet d'antidépresseurs qu'elle sortit de sa poche, il ne trouva rien d'autre à dire qu'un pitoyable
- Ah...

Visiblement ces pouvoirs n'avaient l'air aucunement dangereux, ni pour lui ni pour eux. Mais ce qui l'inquiétait se résumait à savoir de quel pouvoir il avait hérité. Restait James, qui semblait le plus apte à lui fournir une preuve de l'existence de ces pouvoirs.

- Je ne doute pas que vous ayez des dons ou que vous soyez capables de choses dépassant l'ordinaire, mais le fait que vous n'arriviez pas à m'enf aire la démonstration c'est peut-être une bonne chose pour l'heure. Surtout si nous tenons à ne pas nous faire repérer. Peut-être devrions-nous trouver un endroit plus sûr ou attendre qu'il y ait moins de monde ? Imaginez que vos dons se déclenchent tous en même temps ? J'ai pas très envie d'assister à un feu d'artifice mystique, si vous voyez ce que je veux dire... Il se tourna vers James. Si j'ai bien compris chacun dispose d'un pouvoir différent en fonction de sa... Maladie. J'ai bon ? Seulement à voir cette ville on dirait que ses habitants n'ont pas besoins d'être atteints pour exercer une certaine magie. Sachant cela, il suffirait d'aller dans un coin réservé à ces magiciens, de passer pour des gens normaux et là, vous pourrez faire étalage de vos talents sans risquer d'être repérés. Bien que nous soyons dans le parc, la proximité du marché ne me rassure pas du tout.

Il lui vint alors une théorie : si ces pouvoirs étaient issus de leurs souffrances, alors l'utilisation de ceux-ci pouvaient avoir deux résultats : l’apaisement de leurs troubles ou l'aggravation de ces derniers. Ou bien rien de cela ? C'était une piste à creuser. Il mènerait sa petite enquête au fil du temps.
En tant que paranoïaque, il voyait le danger partout. Son pouvoir ne devait donc pas tarder à se manifester d'une manière ou d'une autre au cours du voyage. L'idée de voyage spirituel prenait tout son sens si l'on regardait l'expérience sous cette optique.

- Quelqu'un a un plan de la ville ou quelque chose du genre ? Je ne sais pas quelle heure il est, mais il va falloir songer à trouver un pied-à-terre si on veut passer la nuit en ville. Mais si tu souhaite essayer encore une fois de faire appel à tes pouvoirs, James, je t'en pries. il fit un geste de la main pour signifier à James qu'il pouvait procéder comme il l'entendait.

James était quand même vachement déçu de ne pas avoir réussi à faire appel à son pouvoir. Juste quand il en avait besoin pour une petite démonstration à un nouveau dans ce monde. Mais cette déception était vite partie en voyant l'état de Sélène à qui l'adolescent avait fait à câlin. La demoiselle lui souffla un merci et un sourire s’afficha sur son visage. Ils se séparèrent, car ce n'était pas le moment de se laisser aller à la tendresse. Dakota essayait de son côté de faire apparaître Bloody Mary à travers son miroir mais en vain. C'était vraiment très étrange...la blondinette se leva alors pour s'éloigner d'eux et émit plusieurs hypothèses qui était tout à fait valable. La dernière solution lui rappela que son amie pouvait aussi copier le pouvoir des autres, ou certains du moins n'ayant pas le souvenir qu'elle ai peu copier les siens.

Sélène , ayant reprit un peu plus de joyeuseté expliqua à Sidney les siens et son tout nouveau pouvoir antidépresseur. Quand est ce qu'elle avait fait apparaître une pilule ? En tout cas cela ne sembla pas impressionner leur nouveau camarade qui heureusement ne doutait pas de leur capacité. Manquerait plus qu'il ne les prenne pour des fous...

- C'est ça oui, le pouvoir à un lien avec nos problèmes, bien que personnellement je ne vois pas où est le mien...

Répondit James avec une mine dépité. Bien que Sidney n'avait pas tort sur le fait de ne pas attirer les regards sur eux, l'adolescent tenait quand même à vérifier l'hypothèse de Dakota qui attendait un dévouement. De toute façon son pouvoir, ne se voyait pas à des kilomètre à la ronde. Sidney pour finir, l'invita quand même à retenter son imagination.

- Bah d'après ma nouvelle montre...

Il jeta un coup d'oeil à cette dernière qui ne semblait pas être très en retard vu le soleil qui commençait à s'éteindre et l'heure marqué dessus.

- Il est environ 20h...mais c'est approximatif sans doute..bref...

James lâcha son nouveau jouet et se concentra sur sa main imaginant à nouveau une bille qui apparut enfin dans sa main. Un grand sourire tout heureux illustra ses lèvres.

- Yatta !

S’écria t-il joyeusement avant de donner la bille à Sidney qui disparaitrait comme par magie dans cinq minutes. Apparemment c'était bien Dakota qui bloquait leur pouvoir. Un peu gênant quand même...James se tourna vers celle ci et l'invita d'un geste de la main à revenir dans le groupe.

- C'est... Fascinant. balbutia Syd en observant minutieusement la petite bille que venait de créer James. Tout simplement fascinant... J'avoue que pendant un instant j'avais douté de votre parole, mais devant une telle preuve, je ne peux que vous croire. Il avait franchi une étape. En faisant confiance à ces jeunes qui lui ont prouvé qu'il avait bien fait, Sydney tournait une page de son existence : rien ne serait plus jamais pareil après ça.

Cela m'étonne que nous soyons haïs par les autochtones... Ça veut sans doute dire que des voyageurs ont utilisé leurs pouvoirs à mauvais escient. Avec de telles forces entre leurs mains, il est logique que certaines personnes ne puissent résister à l'appel du pouvoir avec un grand P. 'Faut être doublement malade, je pense...
Il avait eu de la chance. S'il avait rencontré un autre groupe, celui-ci n'aurait peut-être pas pris d'autre peine que de l'étriper sur place. Il redoutait intérieurement de devoir un jour faire face à ces personnes.

*Si James a pu matérialiser une bille, alors cette jeune fille à côté de moi a dit vrai en affirmant qu'elle pouvait faire apparaitre des pilules. Un pouvoir pour se soigner, c'est pratique, et y en aura jamais de trop, je suppose.* Il fixa la petite blonde *et un pouvoir qui annule les autres pouvoirs. C'est loin des pouvoirs que j'imaginais, comme cracher du feu ou des truc du genre, mais ils doivent être bien content de pouvoir faire ça en cas de pépin.*

Le crépuscule approchait lentement et les derniers rayons du soleil dispersaient une lumière orangée dans le ciel, tel un brasier qui laisserait bientôt place au ciel étoilé. Étaient-elles les même que dans leur monde ? La lune brillait-elle de la même manière ? La tour au milieu de la ville semblait refléter ce coucher de soleil à travers toutes les saisons grâce à ses couleurs chatoyantes. Il serait bientôt l'heure de trouver une auberge ou un hôtel. Même si sans argent, Sydney sentait bien qu'il allait passer la nuit dehors. L'air serait plus tiède en soirée et encore plus la nuit.

Il n'était pas resté dehors aussi longtemps depuis son enfance. La nuit et tous les gens qui s'y promenaient le terrifiaient. Après tout, dans les films c'était la nuit que les meurtres avaient lieux ! A l'idée de cette ville plongée dans le noir, il ne pouvait s'empêcher de penser à "Projet Blair Witch". Savoir que l'un d'entre eux pouvait invoquer Bloody Mary ne l'enchantait pas non plus.

*Cette ville doit être affreuse à Halloween* pensa-t-il avant de se remettre à faire rouler la bille entre ses doigts. Il aurait tout le temps d'y repenser plus tard. Il avait eu assez d'idées stupides pour aujourd'hui.

Comme prédit, seul James se montra à la hauteur de ses attentes. Il confirma ses doutes en matérialisant une bille et aussitôt les rouages du cerveau de Dakota se mirent en branle. Elle était donc bien responsable de l'inhibition des pouvoirs qui était visiblement limitée par une distance inférieure ou égale à 15 mètres. Mais provoqué par quoi ? Ses dons avaient le chic de s'activer suivant des conditions plus que délicates et celui-ci n'échappait probablement pas à la règle. Il lui fallait partager la peur de quelqu'un pour copier ses pouvoirs, alors pour les annuler il était logique de penser qu'il fallait ne pas avoir peur. Et il était vrai qu'elle n'avait pour l'heure aucune angoisse, mais il faudrait encore quelques tests supplémentaires avant de pouvoir classer cette théorie comme avérée.

Son index caressant sa joue anguleuse, la surdouée revint d'un pas rapide vers le groupe. La bille tenue par Sydney eut juste le temps de disparaître à cause de NPL que celui-ci s'arrêta, redonnant la possibilité à tout un chacun de faire preuve de magie. La phobophobe ne remarqua même pas la différence, trop occupée à étudier la dernière tirade du petit nouveau. Il s'étonnait qu'ils soient haïs ? Et pourtant... il y avait tellement de raison pour pousser la population locale à de telles extrémités !

- J'ai la capacité de faire apparaître Bloody Mary, couteau de cuisine et envies meurtrières en prime. Vous pensez vraiment que ça n'a pas de quoi attiser la peur ? Et la peur entraine la haine à défaut de mieux. C'est normal.

La gamine haussa les épaules pour montrer qu'il n'y avait rien de surprenant là-dedans avant de s'asseoir avec le même soin méticuleux que précédemment.

- D'ailleurs pour finir ce que j'ai commencé, j'ai aussi le don de copier les pouvoirs des autres, mais apparemment seulement ceux des phobiques. Et depuis peu, stopper ceux de tout le monde.

Le soleil qui déclinait peu à peu étirait l'ombre des arbres, leur donnant l'aspect de géant de contes de fée. Le parc était maintenant intégralement vide mis à part leur compagnie, leur donnant l'impression délicieuse d'être seuls au monde. L'endroit était si paisible qu'il ferait un bon lieu de camping. Leurs poches peu remplies ne leur permettraient pas de se payer l’hôtel tous les soirs de toutes manières.

Avec l'obscurité les boursouflets apprivoisés sortaient de l'abri végétal pour voleter, boules de fourrure luminescentes, formant un magnifique ballet autour des voyageurs. S'était tout bonnement féérique mais ça n'était pas encore suffisant pour éclairer une lueur d'émerveillement dans les yeux glacés de l'adolescente. Elle avait encore un détail à régler avant de se soucier du paysage.

- Au fait je m'appelle Dakota Earnshow. Désolé de ne pas m'être présentée avant. Je peux vous tutoyer ?

Sa main maigrelette était maintenant tendue vers Sydney, fantôme de membre humain à la lumière évanescente du jour. Elle ajouta avec sa morgue habituelle :

- Ce n'est qu'une convention sociale à laquelle je me plie et je dois avouer que ça me fatigue. Vous voulez bien ?

Après sa démonstration ratée, Sydney affirma au cours d’une longue tirade qu’il les croyait malgré tout, avant de poser toute une série de question à laquelle les voyageurs ne pourraient pas répondre s’il ne cessait pas de parler. Sa volubilité tira un sourire à la toquée qui le dévisagea discrètement alors que James et Dakota continuaient l'échange. Il n’avait pas l’air méchant. Son look de pirate lui donnait même un petit quelque chose fantaisiste qui plaisait à l’adolescente. Pourtant, elle ne pouvait s’empêcher d’éprouver une certaine appréhension à faire confiance à ce voyageur de la dernière heure ; Jonh aussi s’était montré gentil avec elle au début, avant de se faire le complice de Liam dans ses brimades cruelles. William avait été respectueux et courtois, mais n’était jamais intervenu pour empêcher le taulard de la martyriser. Elle avait toujours été seule au final dans ce monde, et elle finissait par croire – même si elle voulait se persuader du contraire – qu’elle ne pouvait se fier qu’à elle-même et ses pouvoirs.

Les boursouflets sortirent de leur cachette, lévitant avec une douce légèreté, tournoyant parfois sur eux-mêmes, décrivant des cercles et des pirouettes. Émerveillée, Selene tendit une main vers l’un des petits spécimens qui volait à moins d’un mètre de leur groupe en poussant une exclamation qu’elle n’avait pas pu retenir :

- Wouaa… c’est trop beau…

Elle jeta un coup d’œil complice à James, un grand sourire illuminant son visage enfantin. Ça n’était pas des épouvantails, mais la féerie de ce spectacle suffisait à chasser au moins pour quelques temps les humeurs noirs de la galloise. L’un des boursouflets s’était posé sur sa main blanche. Elle l’attira lentement à son visage et effleura sa fourrure fine avec l’une de ses joues. Les yeux fermés, elle savoura la sensation du petit corps qui frémissait, comme le ronronnement d’un chat, puis l’écarta avec douceur en riant.

- Ils sont trop mignons ! Personne sait ce que c’est ?

Dakota était occupée à se présenter auprès de Sydney. En croisant le regard de la blondinette, la rouquine cessa de rire, mais elle ne pouvait pas complètement empêcher son sourire d’essayer d’étirer ses lèvres claires. Elle laissa repartir l’animal qui dériva vers un arbre, estompant brièvement des morceaux de son ombre imposante, puis déclara à l’adresse de leur nouveau compagnon comme si elle n’avait jamais quitter la conversation :

- Moi c’est Selene, désolé de ne pas l’avoir dit plus tôt.

L’adolescente se mura alors dans le silence, contemplant les groupes de points lumineux qui se répartissaient dans tout le parc vide comme des lumignons colorés. Si le marché n’avait pas assez mit en exergue les atouts enchanteurs de Gloutoniskaïa, la danse nocturne des boursouflets remettait immanquablement les pendules à l’heure. La toquée poussa un soupir. Elle n’avait jamais pu rester à un endroit précis à Dreamland, son précédent séjour avait été ponctué d’une succession de voyages et de fuites, de captivités et de cavales.

- On pourrait visiter la ville demain ? Suggéra-t-elle timidement. On ne sait pas vraiment par où commencer, ni même vraiment ce qu’on doit faire… alors ce serait un début. Puis, elle a l’air plus intéressante que Sextus, ajouta-t-elle en baissant les yeux.

A ces mots, elle se frictionna machinalement, à la façon des personnes qui ont des secrets à cacher. Un nuage passa dans son esprit récemment dégagé, puis elle redressa la tête pour sourire à nouveau, avec la douceur réservée des enfants qui ont souffert.

Heureux comme un pou d'avoir réussit à faire fonctionner son pouvoir ne se sentit que mieux lorsque Sidney déclara trouver cela fascinant et par la même occasion qu'il ne doutait plus de leurs paroles. Pour une fois dans sa vie, l'adolescent se jeta lui même un chapeau. Bref, après ce court moment de problème leur nouveau camarade revint sur un sujet épineux : la haine de certaines personnes contre les voyageurs et il avait tout de suite compris pourquoi. Certaines personnes n'usaient pas tous de leur pouvoir à bon escient...
Dakota était revenu avec eux en parlant de Bloody Mary avec une description qui ne donnait pas du tout envie de la connaître. Alors que James, l'ayant vu avait trouvé cette femme plutôt fascinante tout comme Jules. L'adolescente continua à raconter ce qu'elle pouvait faire et la conclusion du dernier test.

L'obscurité était à présent tombé et des créatures nocturnes sortirent dans le parc dans des petites lumières et si Dakota n'avait pas laisser passer un émerveillement ce ne fut pas le cas de Sélène où James se joignit à cette dernière. Tout comme elle il ignorait de quoi il s'agissait ce qui ne faisait qu'accroître la beauté de ces petites choses poilus. Il avait laissé Dakota se présenter et s'occupait d'une petites boules de poils qui avait atterrit dans sa main qu'il caressait du bout des doigts. ce n'est que lorsque celle ci s'envola pour rejoindre les siens qu'il revint parmi le groupe. Et maintenant que fallait t-on faire ? L'idée de visiter la ville était tout à fait sympathique bien que l'adolescent ne connaissait que Sextus prisonnier d'une cage. Cependant Sélène ne semblait pas en garder un bon souvenir.

- Cette ville a l'air étrange alors peut être que on pourra trouver des réponses ici et de l'aide pour vous guérir ? Mais on dors où ce soir ? A l’hôtel ? Dehors ?

James n'avait pas dormi à la belle étoile depuis longtemps, son meilleur ami n'étant pas friand de ce genre de chose.

Sydney serra la main de Dakota en sachant très bien qu'elle ne le faisait pas par plaisir. Enchanté. lui adressa-t-il ainsi qu'à Selene. oui, on se tutoie, ça fait plus détendu. Je suis content de voir que la confiance peut s'installer. Au moins un peu. Il se tourna ensuite vers James Pour ce qui est de dormir, pour ma part ce sera dehors. Le parc a l'air assez tranquille, je suppose qu'on ne viendra pas me chercher des noises. Il songea un instant à dormir en haut d'un arbre mais il se résigna : il pouvait très bien tomber de l'arbre dans la nuit ce qui le ramènerait au point de départ avec en prime quelques blessures. Aucun intérêt.

L'idée de Selene de visiter la ville lui plaisait mais il était conscient que s'ils voulaient ce faire, ils auraient besoin de reprendre des forces, tous autant qu'ils sont. Pour ce qui était de guérir dans cette ville, il se montra plus défaitiste en faisant la moue lorsque le jeune adolescent avait fait part de ses espoirs.
*Cette ville a l'air remplie de cinglés, à mon avis c'est pas grâce à eux qu'on va recouvrir une once de santé !*
Il faudrait bien commencer par quelque chose, ou quelque part pourtant.
Et cette tour intrigante au beau milieu de la ville devait être ce quelque part. Mais elle dégageait quelque chose qui se traduit chez Sydney par une peur infondée à l'idée de pénétrer en ces lieux.

Je sais pas où vous autres voulez dormir, mais au moins vous saurez où me trouver. Et si vous ne me trouvez pas... eh bien fouillez les caves des gens les plus louches. *J'ai horreur des caves.* C'était dans les caves que les meurtres les plus glauques avaient lieux et il ne tenait pas à s'y trouver, ni en visiteur ni en... Invité..?
Il se leva enfin. Cela faisait trop longtemps qu'il était resté assis et il son dos ainsi que ses jambes le lui firent remarquer avec zèle. Il s'étira avant de marcher un peu pour se dégourdir les jambes. Il scruta le parc plongé dans l'ombre dans l'espoir de trouver un endroit où passer la nuit de la façon la moins désagréable possible. Il trouva non loin de là un arbre dont le tronc était suffisamment gros et dont une face semblait plongée dans l'obscurité, ce qui le mettrai à l'abri d'un quelconque prédateur nocturne, bête ou humain.

En parlant de bête, les boules de poils lumineuses virevoltaient autour d'eux. Il faillit les trouver mignonnes jusqu'à ce que l'une d'entre-elle s'approche un peu trop rapidement de sa tête.
- Ah ! ouste ! Laissez-moi en paix ! La repoussant de la main, il grommela J'espère que ça pique pas, ces machins... Syd continua ses aller-retours de quelques mètres pendant un instant avant de s'arrêter. Il indiqua aux jeunes l'arbre auprès duquel on le trouverait s'ils décidaient de dormir ailleurs :Bon. Moi je réserve le gros, là. Se retournant, il observa le groupe de jeunes pour voir si aucun ne ferait d'objections.