Les voyageurs à l'école des sorciers

Sélène avait donc 15 ans, soit un an de moins que lui. Elle faisait bien son âge alors même si les aventures de Dreamland avait marqué son visage. Elle était encore au lycée et était dans le domaine scientifique. James avait toujours été nul pour cela... A vrai dire il avait eu bien du mal à passer son année, ses notes n'étaient pas vraiment très bonne mais vu sa situation ses professeurs avaient consentis à le laisser passer en 10th Grade.

- Je suis en 10th Grade, je suis dans les lettres et tout ça...je déteste la physique et la chimie, c'est trop compliqué

A peine avait il répondu à la question de la rouquine que la voix de Dakota s'éleva. Il ne l'avait même pas vu et pensa qu'il l'avait réveillé à cause de leur discussion mais elle ne semblait pas du tout énervé. Comme d'habitude, en fin de compte son amie était plongé dans ses réflexions. D'ailleurs elle leur fit remarquer que tous n'avaient pas d'ombre hormis Sydney. Plus d'ombre ? Etait ce un mauvais signe ? Ou bien était il mort ou devenu des créatures étranges qui n'en avait pas ?
L'allusion à Peter Pan fit doucement sourire James. Il y avait aussi penser, bien entendu mais bon...ici c'était pas un dessin animé et en admettant que comme venait de le souligner Sélène si on se basait sur l'histoire il fallait retourner là où les voyageurs avaient perdus leurs ombres. Rien que de penser à ce pays froid où il avait éjecté, l'adolescent frissonna des pieds à la tête. Du côté de Dakota, celle ci avait décidé de piquer la bouffe, ce qui était assez intelligent il faut le dire, et un ventre rond prit place en dessous de son vêtement.

Au même moment que Sélène revenait de la salle de bain des coups à la porte se fit entendre, sans doute l'heure pour eux de partir venait de sonner. Sydney leur demanda d'aller ouvrir la porte mais personne ne semblait vouloir bouger. Si le pirate envoyait toujours quelqu'un jamais il ne pourra s'en sortir...Ce dernier finalement consenti à y aller mais toujours avec une précaution : un spray au cas où ce soit un méchant derrière la porte. Si avec ça il comptait affronter un être de magie ou bien un mage c'était quand même être optimiste.
Fort heureusement ce fut juste un monsieur qui avait un certain sens de l'humour en faisait apparaitre un collier à fleur autour du cou de Sydney. Mais très vite le fait qu'ils devaient partir s'imposa et apparemment les voyageurs devaient aller voir le maire.
Une fois de nouveau seul, James se leva et alla dans la salle de bain se laver un peu le visage et peigner sa tignasse. Une fois cela fait il ressortit pour aller rassembler ses affaires et se joignis à Sydney en attendant de partir voir leur hôte, portant Simone dans ses bras.

Quelle perspicacité – ironisa-t-elle mentalement – un vrai trait de génie ! N’importe quel idiot aurait pu faire ce lien, Dakota répondit donc à ça par un visage neutre et blasé avant de détourner la tête pour rattacher plus convenablement sa poche du côté intérieur de sa cuisse pour que personne ne puisse remarquer un ajout de volume à son corps maigrelet. Ainsi positionné la longue robe flottante cachait tout et il y avait fort à parier que personne n’aurait l’idée saugrenue d’aller jeter un coup d’œil dessous. Elle n’était pas assez jolie pour provoquer ce genre de réaction perverse.

A peine finissait-elle qu’on frappait déjà à la porte et contre toute attente c’est Sydney qui alla ouvrir, se retrouvant du même coup affublé d’un collier de fleurs hawaïen du plus mauvais goût. Dak’ accueillit cette scène d’un haussement de sourcil, sourcil qui grimpa un peu plus haut lorsque l’homme dans l’embrassure annonça que le maire voulait les voir.

- Pour ? demanda-t-elle sèchement.

Un silence gêné s’installa après cette remarque brusque, elle profita donc de l’occasion ainsi offerte pour développer sa pensée. Elle ouvrit la porte pour retomber sur l’homme qui n’avait pas eu le temps de s’éloigner de plus que quelques pas.

- On a dévoilé le complot des unseelies et nous en avons abattu quelques-unes, vous nous avez récompensés pour ça et le moment de partir est arrivé. Pourquoi diable vouloir nous parler ? Nos deux partis ont accomplis leur part du marché et c’est donc le moment logique de se dire au revoir.

Elle marqua une pause pendant laquelle elle plissa les yeux, ses lèvres pincées ne formant plus qu’une fente. Il se dégageait d’elle une aura glaciale, de celle qui fait fuir toute tentative de socialisation. La seule chose qu’elle voulait maintenant c’était se tirer loin de ce maire trop futé. Qui sait ce qu’il allait leur demander, leur réclamer ? Et s’il leur demandait des comptes pour leurs agissements de la nuit ? C’était inacceptable, inconcevable, intolérable. Bien campée sur sa position elle croisa les bras et sortit de la pièce de la manière la plus naturelle possible malgré le paquet qui perturbait sa marche. La seule chose qu’elle accorda au mage coursier fut quelques mots balancés avec une froideur calculée :

- Au revoir, donc.

Si les autres suivaient tant mieux, mais elle ne comptait pas revenir sur ses pas pour offrir au sorcier l’occasion de les trainer de force devant son supérieur. Elle descendit donc à vive allure des dizaines d’escaliers, emprunta divers passages secret, parcouru des centaines de mètres de couloir qu’elle avait déjà pu repérer cette nuit pendant sa chasse à la poule et enfin arriva dans le hall d’entrée… pour faire face à un maire souriant.

- Enfoiré… pesta-t-elle à mi-voix.

Ernest Mac Arthur les attendait sagement devant la porte massive, obstacle incontournable avant la liberté tant espérée. Les bras croisés il semblait frais comme un gardon dans sa longue robe bleu nuit malgré la nuit agitée et les étoiles qui ornaient sa tenue semblaient scintiller comme si elles étaient réelles. Une tenue d’apparat, de celles qui en jettent et impressionnent histoire de bien faire comprendre qui était au-dessus des autres et dirigeaient nos vies comme un chef d’orchestre. La blondinette ralentit l’allure jusqu’à s’arrêter devant lui l’air visiblement contrariée. Elle ne savait pas ce qu’il voulait mais ça ne lui plaisait pas, il n’y avait plus qu’à espérer que ce n’était que la politesse qui le poussait à vouloir leur faire ses adieux.

- Bonjour monsieur le maire, encore merci pour votre hospitalité. Maintenant si vous le permettez j’aimerais bien sortir respirer un peu l’air frais.

Sauf qu’il ne semblait pas d’humeur à le permettre…

Ce fut Sydney qui se dévoua, de mauvaise grâce visiblement, à ouvrir la porte. Il se retrouva donc face à un homme jovial qui, en plus de les inviter gentiment à sortir, les informa que le maire voulait les recevoir. Pourquoi donc ? Avant que la rouquine n’ait le temps de poser d’autres questions, le coursier avait refermé la porte. Bien : elle avait ses chaussures, ses vêtements, ses affaires dans son sac, alors elle était prête. Bien entendu qu’elle aurait souhaité pouvoir continuer à se la couler douce dans cette suite, poursuivant avec James leur discussion avortée, mais abuser de l’hospitalité d’Ernest Mac Arthur risquait de leur mettre à dos un homme qui s’était montré relativement généreux.

D’ailleurs, Dakota qui ne démordait pas de son humeur ronchonne rouvrit la porte pour interpeler sèchement le pauvre émissaire qui n’avait pas que suivre des ordres. Selene se mordit la lèvre inférieure, angoissée. Elle aurait voulu s’approcher de son amie pour lui demander de se calmer un peu, mais celle-ci s’était déjà élancée dans les escaliers. Gênée, l’adolescente sortit à son tour et leva ses yeux noisette vers le messager qui n’avait pas l’air d’avoir tout percuté pour lui adresser un sourire :

- Excusez-là… elle est… un peu brusque des fois, mais elle n’est pas méchante.

Elle passa une main dans ses cheveux, énièmes tentatives de les arranger définitivement, et se retourna pour s’assurer que ses comparses masculins suivaient. Lorsque James fut à sa hauteur, elle se pencha vers lui pour lui dire avec un petit rire complice :

- Moi aussi je trouve ça trop dur la physique et la chimie.

Son visage pâle s’illumina de nouveau. En réalité, elle appréciait la phobophobe, mais celle-ci avait le chic pour la stresser ; avec le psychotique, tout semblait moins oppressant, plus doux, de quoi l’aider à aborder les problèmes dreamlandiens avec plus de légèreté. D’ailleurs, Selene reprit une mine plus sérieuse pour confier à voix basse :

- Hier soir j’ai déclenché un pouvoir bizarre… j’ai fais apparaitre de nulle part ça…

Elle s’interrompit le temps de sortir son manuel des castors juniors. Au moins, il avait l’air plutôt utile, mais il pesait son petit poids.

- Il était dans un paquet cadeau, je crois que c’est lié à Noël, quand on était dans les Terres gelées… tu y étais toi aussi, non ? Tu as déjà fais ça ?

Le coursier avait eu la bonté de les conduire au bas des marches, dans la mesure où la blondinette les avait semés. La toquée n’avait donc plus à penser aux bifurcations qu’elle empruntait, ce qui lui économisa sans doute des heures de recherche dans ce véritable labyrinthe. Son regard tomba sur le pirate, qui avait toujours l’air de bouder. Serrant les mains par réflexe d’angoissée, ses doigts effleurèrent l’épouvantail qu’elle s’était gravé la veille sous le pouce ; ce dernier lui rendit le souffle de courage nécessaire pour interpeler le paranoïaque avec un sourire doux :

- Quelque chose ne va pas Syd...

Ah, voilà qu'ils débouchaient enfin dans l'entrée où les attendaient le maire et Dakota. Selene le salua à voix basse avant d'instinctivement baisser la tête. Ils n'avaient pas été très sages cette nuit.

- Bonjour Mademoiselle, la nuit n’a pas eu l’air d’un grand repos pour vous. J’en suis désolé mais je ne peux vous laisser partir tout de suite. Nous avons quelques sujets à aborder au préalable.

Durant ses explications, le maire avait gardé un sourire de façade tout à fait convaincant pour qui ne le connaissait pas vraiment. Il caressait sa longue barbe blanche tout en parlant, ses yeux rivés sur la silhouette maigrichonne de celle qu’il avait catalogué mentalement comme « la chef du groupe ». Il avait beau ne pas aborder le sujet il avait aussi à l’esprit les dégâts de cette nuit qui avaient pu bien heureusement être réparés par magie, sans parler des plumes de poules disséminées dans tout le bâtiment. Les cris n’avaient de plus pas été en reste ce qui s’était révélé une véritable plaie pour les travailleurs nocturnes. Mais ce n’était pas ce problème qui l’intéressait tout particulièrement.

Les compagnons de l’enfant ne mirent pas longtemps à arriver, escortés par Lacus son fidèle secrétaire qu’il avait envoyé aux nouvelles. Il répondu aux bonjours qu’on lui adressa par un signe de la tête agrémenté d’un salut jovial qui n’en était que plus louche. A toutes ces interrogations silencieuses il ne répondit que par une invitation qui semblerait à Sydney, mais aux autres aussi peut-être, suspecte.

- Si vous voulez bien me suivre dans mon bureau…

Si le choix semblait offert, notre petite bande fut vite détrompée par un attroupement de mage propres sur eux bien décidés à leur servir d’escorte qu’ils le veuillent ou non. La porte semblait désormais inaccessible et bientôt nos quatre amis se retrouvèrent assis dans de confortables fauteuils devant un bureau en chêne massif couvert de paperasse. Des parchemins s’empilaient jusqu’à des hauteurs inconcevables à côté de pots en cristal remplis de plumes et d’encres multicolores. Une série de tampons étaient éparpillés un peu partout entre des feuilles de papiers buvard, des enveloppes, un coupe-papier et une photo encadrée d’enfants souriants. L’intégralité des murs de la pièce était occupée par d’immenses étagères croulant sous les livres excepté celui situé derrière le bureau qui était pour sa part percé d’une fenêtre grandiose faite de vitraux.

Depuis son propre fauteuil, plus imposant, surélevé et plus beau, Ernest mac Arthur les fixait par-dessus ses lunettes rondes qui avaient glissé légèrement sur son nez aquilin. Après un long moment de silence pendant lequel ils n’eurent aucun mal à entendre une mouche voler autour de la tasse de café du maire, celui-ci finit par prendre la parole avec un calme débonnaire.

- Et bien, la nuit a été agitée n’est-ce pas ! Je sais que vous êtes pressés de partir, mais j’aimerais d’abord vous poser quelques questions sur votre nature. Vous êtes des voyageurs non ?

Nouveau silence auquel il répondit aussitôt :

- Je prends cette absence de réponse pour un oui. Voyez-vous, ici à Gloutoniskaïa, nous n’avons rien contre les gens comme vous. Les étrangers j’entends. Vous êtes globalement de bons clients et chez nous c’est tout ce qui importe… le commerce vous comprenez ? Le budget d’entretien de la cité est considérable et… mais ces sottises doivent vous ennuyer. Passons directement à ce qui nous intéresse : la raison de votre présence dans mon humble bureau.

Sur ces mots il ouvrit l’un des tiroirs du meuble pour en tirer une carte de Dreamland, classique en apparence. Il la déroula soigneusement sur l’un des rares espaces libres de son secrétaire et magiquement des diagrammes colorés apparurent à sa surface. Il y était légendé les différentes concentrations en dérèglements surnaturels. Certaines zones étaient à peine perturbées mais d’autres, particulièrement les villes et les terres gelées, avaient des bouleversements qui crevaient le plafond. Il tapota la carte avant de reprendre son discours.

- Je suis persuadé que les monceaux de problèmes qui nous tombent dessus sont le fait des voyageurs, volontairement ou non. J’aimerais savoir ce qui se passe au juste, et pourquoi… trois d’entre vous n’ont plus d’ombre, acheva-t-il stupéfait de sa toute récente observation.

Les personnes concernées et les autres présentes dans la salle n'eurent pas le temps de regarder le mystérieux phénomène, car un cri masculin se rapportant à un celui d'une chute se fit entendre dans la salle. Tous regardèrent autour d'eux mais ne virent aucune apparition qui puisse expliquer cet étrange bruit. Tout à coup, surgit de nulle part tel un rapide éclair, un jeune homme s'écrasa violemment en une chute horizontale sur la grande dans un grand bruit de fracas et de corps inanimé. Il commençait à se lever et à jurer, résistant au choc grâce à sa carrure, les livres de la bibliothèque contre laquelle il s'était fracassé lui tombèrent dessus et entraînèrent dans leur chute des manuscrits dans un bruit de feuilles épouvantable, tant déchirées que froissées.

Tout le fond de la salle où le visiteur avait apparu était désormais couvert de livres et de manuscrits, tombant encore à l'endroit où un corps semblait se dessiner. Les spectateurs de cette scène, encore abasourdis par la rapidité des faits ne semblait pas réagir physiquement, se demandant ce qui pouvait bien se passer. Une bonne minute passa avant qu'ils ne remarquent que l'homme essayer de se débarrasser des ouvrages tombés sur lui et essayer de se remettre debout tout en renversant délicatement et lentement la paperasse posée sur le bureau du maire en le heurtant de nombreuses fois, et jurant à chaque chute:

-Aïe! ça fait mal!

Le temps pour que le visiteur inattendu se lève finalement, ce qui fut difficile, car la chute l'ayant fortement secoué et endommagé, il du s'y reprendre à plusieurs fois avant qu'il ne put se relever. On distinguait bien les coupures sur son torse nu et le sang qu'il perdait.

-Euh, bonjour, moi c'est Jake Anderson, dit ce dernier faiblement et grelottant, v-vous p-pouvez m-m'aider s-s'il v-vous p-plait? Il-l f-fait f-froid ici... dit-il avant que ses cheveux ne se recouvrent d'un léger givre et qu'il ne se recroqueville sur lui même en se figeant tel une statue.

[HRP : Ah ! Un nouveau à Glouto' ! Eh bien bienvenu !]

Sydney sortit de la pièce en dernier, subissant la discussion entre James et Selene et il aurait donné n'importe quoi pour retrouver un semblant de silence. Le mage hyperactif les menait jusqu'au bureau du maire où devait déjà se trouver Dakota. Sydney avait pour habitude de se contenter de peu, mais encore fallait-il qu'il l'aie, ce peu ! Et là, il n'avait rien. Ou plutôt : il avait tout pour être de mauvaise humeur ce qui attira l'attention de la jeune rouquine. Le pirate n'eut pas le temps de réfléchir à une réponse que le quatuor entrait déjà dans une pièce tout droit sortie de Harry Potter. Comme il s'y attendait, ça puait le piège à plein nez : à peine furent-ils tous réunis que des mages apparaissaient derrière eux, les empêchant de fuir.

Bien évidemment, Syd ne voulait pas suivre cet hurluberlu mais il n'avait pas le choix. Les questions rhétoriques ça allait bien cinq minutes, mais dès le matin... C'était dur à encaisser !
Et dès le début : les questions qui fâchent... *Criez-le plus fort, pour voir..?* pensait ironiquement le paranoïaque. Après tout, il fallait vraiment être un fin observateur pour remarquer que le trio n'était pas originaire de la ville.. Mais quand même ! Ce type venait d'achever en une question leurs espoirs de passer encore inaperçus. Tout cela était bien trop louche pour être honnête. Il avait le ton de ceux qui se voulaient les dominants. Prédateur super-informé, il voulait leur prouver qu'il avait lu une bonne demi-douzaine de milliers de bouquins de plus que chacun des voyageurs pour les intimider. Et ça marchait !

La carte qu'il sortit aurait pu impressionner le pirate s'il n'avait pas déjà été gavé de ce genre de choses la veille. Il fut même un peu déçu d'observer que cette carte ne faisait que ça. Mais "ça", c'était suffisant pour leur apporter une preuve (sans doute montée de toute pièce, ça n'était pas impossible) pour leur faire porter le chapeau d'une quelconque erreur de prévision météo.
Et encore cette histoire d'ombre à deux balles, mon dieu !! Ils voulaient le rendre fou, oui c'était ça !! Et quoi, ensuite ? Il allait pleuvoir des trucs invraisemblables !?

Sydney ne croyait pas si bien dire... A peine eut-il fini d'imaginer un scénario catastrophe que celui-ci se produisit : un truc vraiment invraisemblable tomba du ciel, achevant de concerter Syd dans son idée que tout ceci était une machination affreuse (et au passage, détruisant l'once de santé mentale qui lui restait).
Un homme venait d'apparaitre. On ne savais d'où, ni comment, ni pourquoi... Toujours est-il qu'il surprit autant le parano' que les autres personnes présentes dans la salle. Sa pupille partit en vrille alors qu'il regardait tour à tour la chose vivante ensevelie sous les bouquins et le maire comme si ce dernier aurait pu lui donner une explication satisfaisante de ce qui venait de se passer.

L'homme avait à vue de nez le même âge que Sydney, et semblait tout aussi déboussolé que lui lors de son arrivée dans cette ville. A la fois intéressant et terrifiant. Qu'est ce que cela voulait dire ? Était-il un complice des mages ? Ou bien un espion ? Un autre voyageur ?? Hm... Oui. Un voyageur. C'était la seule réponse qui justifiait la tenue du gus ainsi que le givre qui se formait sur ses cheveux.
La mauvaise humeur de Syd avait laissé place à un scepticisme marquant l'ultime frontière entre la simple colère et le pétage de câble. Or là, ce fut la goutte d'eau qui débordait du vase.

Sérant les poings, il tenta une ultime fois de se contrôler en vain. Il demanda d'un ton chantant au maire :
- Ah ! Je vois ce que vous vouliez dire par "monceaux de problèmes qui nous tombent dessus". Quittant son sourire faux, il laissa sa colère exploser MAIS VOUS VOUS FOUTTEZ DE NOUS OU QUOI !? COMMENT EST-CE QU'ON POURRAIT ÊTRE RESPONSABLES DE CE GENRE DE CONNERIES !?

Il passa sa main sur son visage pour s'aider à se concentrer. Il lâcha enfin, d'une voix tremblante de colère Tout ce que je demande c'est partir d'ici... Et bon dieu qu'est-ce que vous voulez à la fin, qu'on en finisse !! Dites-le nous clairement avant qu'on meure tous étouffés sous une avalanche de nouveaux venus ! Il désigna Jake d'un doigt accusateur.

Se tournant vers le concerné, il lui demanda d'un ton sec : C'est assez chaud pour toi, maintenant ? D'où tu viens ? Comment est-tu arrivé ici ? Ce type était l'archétype même de ceux dont Sydney se méfiait, voyant en lui un espion, un traitre, un assassin, voire même les trois à la fois. Pour lui, cette matinée ne relevait plus de la suite de fâcheuses coïncidences : c'était une conspiration en bonne et due forme. Il en avait la certitude. Et même les paroles de James la veille ne purent lui enlever l'idée que chacun avait eu son petit rôle à jouer pour le faire puissamment chier.

La journée s'annonçait décidément très mauvaise pour le pirate ainsi que pour ceux qui devraient supporter sa mauvaise humeur... Bienvenu dans le monde des paranoïaques !

le fait que Dakota cours après l'envoyé du maire n'étonna pas James. Au contraire si elle serait resté de marbre là ça aurait été inquiétant. La voix de la voyageuse leur parvenait et elle était loin d'être aimable. le pauvre homme ne devait plus savoir où se mettre. Sélène présentait ses excuses tandis que James la rejoignait suivit de Sydney et la rouquine glissa à l'adolescent que elle non plus n'aimait pas la physique et la chimie. cela fit doucement rire James, ce petit décalage. Elle lui parla ensuite d'un nouveau pouvoir qu'elle avait eu hier soir et lui montra un livre, qui était apparu enveloppé dans un papier cadeau. C'était tout à fait possible que cela soit lié à la quête du Père Noël...seulement James ne voyait pas comment vérifier ça.

- On verra ça tout à l'heure ! Ne faisons pas tarder le Monsieur

Le coursier avait eu la gentillesse de leur servir de guide, leur évitant ainsi de se perdre dans ses couloirs infinis. Lorsque le groupe arriva Dakota était en pleine discussion avec le maire puis ils furent entouré de mage et n'eurent d'autre choix que d'obéir sagement en allant dans le bureau de l'hôte de ses lieux.
Assis dans de confortable fauteuil surplombé par l'homme à la barbe blanche, James regardait autour de lui s'attendant à voir des trucs magiques comme dans Harry Potter mais tout semblait...normal. Il n'y avait que des tonnes de livres dans cette pièce.
Le mage se mit alors à parler et leur demanda si ils étaient bien des voyageurs. Que répondre à cela ? de toute façon ils n'en eurent pas le temps que le vieil homme prit leur silence pour un oui. Un soulagement profond détendit les traits de l'adolescent lorsque Ernest avait annoncé que cela ne posait aucun problème ici. Tant mieux...il n'avait pas envie de revivre une nuit sanglante.
Leur hôte voulait savoir si il savait quelque chose, dépliant une carte avant de soudainement se faire interrompre par un bruit sourd. Un homme venait tout bonnement de faire son apparition et de faire tomber des livres. La goutte d'eau qui fit déborder le vase pour Sydney qui se mit alors à crier dans le bureau.

- Ne crie pas...!

C'est vrai ça servait à rien ! En plus le nouveau venu était terrorisé dans son coin et ses cheveux avait glacé, preuve évidente que ce dernier était un voyageur. En bon gentil qu'il était James se leva et alla chercher un long manteau suspendu pour le mettre sur le torse nu du jeune homme. Il s'approcha doucement pour ne pas l'effrayer et lui mit le vêtement sur ses épaules, tachant de l’emmitoufler dedans. Il allait pas le laisser mourir de froid quand même !

- Ca va aller t'inquiètes pas ! Je te veux aucun mal fais moi confiance

Sans faire exprès l'adolescent mit en marche son nouveau pouvoir sur le pauvre nouveau.

Une chanson de The Weather Girls résonna brièvement dans la caboche de Dakota alors qu’un homme tombait ni plus ni moins du ciel. C’était vraiment fortuit, une telle arrivée comme pour illustrer le discours que leur tenait le maire. L’air désemparé de Jake s’extirpant du tas de livres était suffisant pour appuyer son argumentaire sur leur non responsabilité directe. Les gloutoniskaiens avaient beau être pacifistes ils n’en étaient pas pour autant idiots et la surdouée aurait mis sa main à couper qu’ils punissaient les coupables avérés de bien belle manière.

Ses pensées tourbillonnaient dans sa tête alors qu’elle fixait tour à tour carte et inconnu à la chevelure givrée, probablement seule à remarquer un phénomène d’apparence mineur. Ce n’était presque rien, mais la barre de perturbation au-dessus d’Elipse et de Gloutoniskaia avaient toutes deux augmentées imperceptiblement. Juste un frémissement des diagrammes qui n’avait pu échapper à l’œil de rapace de la phobophobe. Et c’était très intéressant.

Elle ne daigna ouvrir la bouche que quand l’exhibitionniste réclama de l’aide à cause du froid ambiant. Du froid ? Quel froid ? La température était tout à fait correcte ici, elle devait friser les 17 ou 18 degrés ce qui était parfait pour une pièce à vivre, et puis…

- La meilleure solution contre le froid est encore de s’habiller. Exhiber ses pectoraux est une chose mais quand on ne l’assume pas on garde sa chemise, rétorqua-t-elle froidement.

Et puis ce pantalon en cuir, quel mauvais goût ! On aurait dit l’homme tout droit échappé d’un congrès sadomasochiste. Dak’ leva les yeux au ciel pour laisser la technique d’approche à James alors que Sydney se mettait à pousser des cris d’orfraie. Il était à n’en pas douter en pleine crise de paranoïa et la demoiselle avait toujours eu une manière propre et brutale de calmer les hystériques. Sa main partit, si vive que le pirate ne s’aperçu de son existence qu’une fois qu’elle eut claqué contre sa joue. Ca n’avait pas dû faire bien mal vu la frappe de mouche de la gamine, mais c’était la surprise qui était importante, tout pour lui faire oublier au moins un peu le bordel qui logeait sous son bandana.

- Calme-toi, tu es complètement hystérique.

La voix était cassante, impérieuse, presque menaçante. Un agacement profond se lisait sur le visage pâle et cerné de l’adolescente qui détestait au plus haut point perdre le contrôle d’une situation. Maintenant qu’elle avait au moins un peu de silence elle pouvait se lancer dans les explications, où du moins ce qu’elle avait cru comprendre par elle-même.

- Sydney n’a pas totalement tort, néanmoins je suis presque persuadée à l’heure qu’il est que ces perturbations sont de notre fait. Par là j’entends les anciens voyageurs. Pas volontairement je gage, et nous n’avons je le crains aucun contrôle sur la chose.

Elle tortilla autour de son index l’une de ses mèches roses, le front plissé par la réflexion.

- Il y a peu nous étions situés massivement dans les plaines gelées pour retrouver… ce qui est totalement absurde d’ailleurs… le père-noël. Et sans comprendre pourquoi nous avons tous été projetés hors de Dreamland jusque dans notre monde. J’extrapole peut-être mais ce doit être le cas pour tous les voyageurs quelque soit leur localisation à cet instant-là. Une fois de retour chez nous nous étions changés, nous avions entre autres gardé nos pouvoirs qui n’ont aucune place dans notre monde. Nous sommes donc revenus à Dreamland pour réparer ce détail gênant. Je ne crois pas non plus trop m’avancer en liant notre perte d’ombre à cet incident, c’est d’ailleurs peut-être la cause de ces dérèglements… des restes de nous, incontrôlables et dérangeants.

Dakota exprima son mécontentement par un bref soupir avant de tourner les yeux vers celui que personne n’avait encore aidé à relever. Elle détestait les nouveaux qui débarquaient comme ça, à qui l’on devait apprendre la vie. Qui la lui avait appris à elle ? Personne. Autodidacte jusqu’au bout des ongles faute de meilleure option. Et cet in connu ne devrait pas compter sur les pour apprendre les bases de Dreamland, elle avait déjà bien assez bossé avec Sydney qui, à chaque fois qu’il posait les yeux sur elle, semblait la prendre pour un terroriste armé d’une ceinture d’explosifs.

Sans autres grandes formes de procès, les voyageurs avaient tous été conviés dans le bureau du maire. En réalité, l’invitation ressemblait plus à une obligation, mais l’adolescente n’allait de toute façon pas protester. Se mettre les gens plus puissants qu’elle à dos, surtout un homme si important dans une ville si singulière, ça ne serait pas forcément un exemple d’intelligence. Sans un mot, elle rangea donc son manuel des castors juniors et suivit le cortège que l’escorte ne lâcha qu’après être parvenue à destination.

Les questions d’Ernest Mac Arthur, directes et dérangeante pour quelqu’un ayant été habituée à être traquée pour son existence de voyageuse la laissèrent sans voix. En tous les cas, la rouquine aurait-elle voulu parler que ça aurait été impossible, car soudainement, un homme torse-nu apparut de nulle part et heurta les lourdes armoires desquelles s’effondrèrent des monceaux d’ouvrages épais. Ce fut le point de départ d’une crise d’hystérie de la part de Sydney, qui fit sursauter la toquée. Angoissée, elle se mordit inconsciemment la lèvre inférieure : s’en était déjà trop. Un ami lui serait de la plus grande aide, histoire que ses pensées ne se perdent pas dans un tourbillon de craintes injustifiées.

En essayant de se relever, Jake s’était agrippé au bureau, juste à la gauche de Selene, dont il faisait choir bon nombre de paperasse. Profitant de la diversion offerte par les répliques glacées de Dakota pour reprendre un minimum le contrôle de la situation, la galloise attrapa d’une main tremblotante l’une des plumes du maire qui menaçaient de tomber de son perchoir ainsi que l’un des parchemins qui cascadaient, visiblement vierge. Tandis que sa cadette exprimait sa réflexion, elle s’évertuait à tracer des visages connus qui lui renvoyaient des ondes d’apaisement. Lorsque trois épouvantails dessinés fébrilement, en équilibre sur un genou, lui ouvrait les bras en guise de soutien, la jeune fille leva enfin ses yeux noisette vers ce qui l’entourait.

Une nouvelle fois sans le savoir, elle venait d’activer l’un de ses pouvoirs qui avait touché le pirate sur sa droite et le nouveau venu sur sa gauche. Comme si elle était coupable d’une bêtise, Selene reposa rapidement son parchemin et sa plume sur un coin du bureau, fixant honteusement ses mains réfugiées entre ses cuisses blanches. C’était tellement plus fort qu’elle que parfois, elle ne se rendait compte de son geste qu’après l’avoir accompli, et peut-être était-ce déplacé de sa part que d’avoir utilisé ces objets sans même en demander la permission.

Son regard obliqua encore vers Jake que James soutenait avec bonté. Le blond avait l’air blessé, mais il fallait avouer que vêtue de la sorte, il n’inspirait pas réellement confiance. Ses cheveux étaient d’ailleurs couverts de givre, comme si la température de la pièce était descendue flirter avec les 0°C, pourtant, aux yeux de la rouquine, elle était tout à fait convenable. N’osant pas se pencher vers le nouveau psychotique pour l’aider à se relever, la toquée préféra affronter le visage du maire aux airs de Dumbledore. Elle ouvrit d’abord la bouche, sans qu’aucun son ne puisse en sortir, puis elle articula timidement :

- Peut-être que… vous savez ce qui s’est passé ? Je veux dire… un évènement particulier, qui aurait pu tous nous toucher ?

Après tout, s'il n'avait rien contre les "gens comme eux", alors peut-être saurait-il les aider. Comme la phobophobe l'avait dit, ils étaient venus réparer ce qui n'allait pas, du moins dans leur cas, pas mettre plus de désordre que de raison.

Des idées confuses entrèrent progressivement dans la tête de Jake au fur et à mesure qu'il se repliait sur lui même et essayait de se séparer de tout ce qui l'entourait. Sa tête se remplit d'idées confuses et, tel un brouillard, lui embrumèrent l'esprit et les quelques secondes de transe qui le séparèrent du monde lui semblèrent des heures.

Mais à travers ces ténèbres, Jake vit une lumière se rapprocher, accompagnée d'un jeune homme qui lui inspirait confiance et qui lui chassait les ténèbres peut à peu. Puis une autre vague de sentiments chaleureux lui fit disparaître ce brouillard et il reprit le contrôle sur son cerveau en même temps que ses cheveux reprirent leur état normal.

Son premier geste fut de s’emmitoufler dans le manteau que son sauveur lui avait donné. Il analysa la pièce rapidement. Tout d'abord, il remarqua un homme à peu près de son âge qui était manifestement déguisé en pirate qui était sur le qui-vive.

Puis il aperçût une très jeune adolescente, qui semblait visiblement dans une phase terminale de mécontentement et qui semblait vouloir sa peau millimètre par millimètre.

Il vit ensuite une jeune fille qui semblait fragile et assez timide, mais qui recelait de bonté à travers ses yeux et inspirait aussi au calme et à l'apaisement.

Et, finalement, le regard de Jake se posa sur l'homme qui l'avait sauvé. Il fut tout de suite pris d'admiration pour ce jeune et séduisant châtain aux yeux verts, et fut tout de suite pris d'un sentiment de confiance envers lui de sorte qu'il voulait tout lui confier et aussi de telle façon qu'il pourrait croire tout ce qu'il lui dirait. Il en alla même à vouloir lui déclarer sa flamme, mais se dit que sans la bague, ça ne fonctionnerait pas.

Tout d'abord surpris par la question du pseudo-pirate, il le fut aussi par la manière dont l'adolescente le replaça et comment il fut calmé après, comme si il la craignait très fortement.

-Ah bah ça y est, je crois que l'hypnose du Dr Mackingsley a marché, mais elle est quand même très précise, pour une hypnose. Sinon je viens de San Fransisco. Et vous, vous êtes qui? Et on est où?

La situation devenait critique. Ils étaient quatre contre... Beaucoup plus un !! Le maire était sans doute puissant et s'échapper ne serait pas facile. les autres mages se feraient également un plaisir de les traquer ou de leur balancer des voyageurs à demi-nus sur la tronche jusqu'à ce que coma s'ensuive. Ou alors, ils feraient croire qu'ils les poursuivraient pour que Syd pète un plomb, oui ! C'était ça ! C'était perfide, aussi.

Un jour le pirate se vengerait, mais pour l'heure il devait trouver quelque chose pour s'éclipser en vitesse avant que ces sauvages ne le transforment en animal complètement stupide avant de-... LA POULE !!! Elle aussi, alors... C'était un mage espion transformé de plein gré en gallinacé pour épier chacun de leurs faits et gestes. Astucieux, mais pas assez pour l’œil expert du pirate ! Il se préparait à sortir le spray anti-moustique, il en vaporiserait dans les yeux du maire ! Oui ! Après quoi il-*SMASH !!*

Une petite gifle qui avait pour auteur Dakota venait de produire chez le paranoïaque l'effet d'un ménage de printemps en un temps record. Son esprit devint subitement clair, comme débarrassé d'un bordel monstre. Le linge entre dans la valise que quand il est plié, et Sydney avait l'impression d'avoir échappé de peu à l'implosion de valise imminente.
D'ailleurs en regardant autour de lui, il constata que personne n'avait dégainé baguette ni autre ustensile potentiellement dangereux. Et surtout, le BIIP n'avait pas retenti. Preuve qu'il n'y avait aucun danger du moins dans les environs. Il se méfierait en sortant.

Secouant la tête comme pour se réveiller d'une transe quelconque, il adressa un merci.. assez incertain à Dakota. Devait-il la remercier de l'avoir frappé ? C'était assez spécial. Il éprouvait la même sensation de calme intérieur que la veille et tout lui paraissait désormais si beau, si bienveillant *nan, quand même pas, ho !*

Il arriva à se concentrer à nouveau sur la discussion. Dakota semblait établir une distinction entre "anciens" et "nouveaux" voyageurs qui échappait encore à Sydney. Et la discussion vira à nouveau sur les ombres perdues. Bon sang !! Trois ? Oui : trois fois en une matinée. Ça virait à l'obsession... Chez Selene en tout cas c'était confirmé. Demander de l'aide à des mages qui n'arrivaient même pas à expliquer des perturbations au dessus des villes... Semblait un peu vain. Enfin... 'Mieux que de rien dire du tout.

D'ailleurs le nouveau venu marmonnait dans son coin et... Ah non : c'était adressé à qui voudrait l'entendre. Un autre gars de San Fran'.
- Eh bé... A croire que tous les voyageurs viennent de San Francisco... C'est tellement cliché... Trop d'ailleurs pour que cela soit honnête. Cet homme mentait peut-être mais impossible pour le pirate d'imaginer que ce dernier puisse ourdir des plans contre eux... Il n'y arrivait pas : trop serin. Encore une fois, il devrait attendre que son cerveau se dégourdisse pour pouvoir penser rationnellement.

- Ici, on est à Gloutoniskaïa. A "Dreamland" ajouta-t-il en mimant les guillemets. Si tu es ici suite à une hypnose, alors demande un remboursement parce pour tomber dans une ville comme ça, on a pas du inhaler que de l'encens... En tout cas, moi, c'est ce que je ferai...

C'était trop facile... Le maire voulait les voir juste pour leur demander pourquoi il ne savait pas lire une carte et comment allaient leurs ombres !? Ridicule ! Il devait avoir une autre idée derrière la tête, le vieux hibou ! Si le jeune aux cheveux de glace était arrivé dans le bureau précisément, c'est que quelque chose l'avait attiré ici. Le pirate était tombé près du parc, lui. D'ailleurs non : il s'était réveillé dans une autre ville avant d'être transporté... A à peine 20 mètres DE SELENE !!
- Je crois que les voyageurs s'attirent entre eux, ou un truc comme ça... Je suis apparu tout près de l'endroit où vous vous êtes matérialisés dit-il à l'attention de Dakota, Selene et James. Et maintenant, il y a lui qui arrive à nos pieds. Si Dakota a raison, alors... Ces dérèglements c'est par exemple ce qui fait que j'ai été envoyé dans cette ville et que je ne suis pas resté à l'endroit où j'étais apparu en premier. *Enfin... Si tant est que ça soit pas simplement un délire... Non, je suis sûr que cette salle vide... Je suis certain que c'était réel !*

Il se pouvait également que ces "perturbations" soient dues à l'utilisation de leurs pouvoirs ; après tout ils avaient mis la dose, hier... Mais bon, parler de ses pouvoirs c'est un peu comme révéler qu'on a de l'eczéma... C'est assez délicat et on aime pas en parler aux non initiés. La comparaison n'était pas très poétique, mais au moins l'idée y était.

Comme personne n'avait semblé vouloir aller aider le nouvel arrivant de sa dure chute, James s'était porté volontaire. Au moins il avait pas une apparence et des mots méchants à lâcher. Derrière leur dos Dakota critiquait déjà le voyageur sans savoir les circonstances de la chose. On arrivait tel qu'on avait été emmené alors peut être que le jeune homme avait enlevé son haut pour une raison X ou Y dans le cabinet ?
Enfin , c'était Dakota on allait pas la changer ni Sydney et ses crises de paranoïa. Heureusement la blondinette calma ce dernier par une gifle qui se fit très bien entendre avant de répondre au maire. C'est vrai que les problèmes actuels étaient sans doute de leur faute mais involontairement, comme le soulignait son amie.

Le nouveau venu demanda alors où ils étaient après avoir parlé d'un autre Docteur. A croire que la méthode de Parkinson avait fait le tour dans tous les cabinets. Sydney se fit un plaisir de lui répondre même en faisant de l'humour, enfin si s'en était bien. Le pirate rajouta même l’hypothèse que es voyageurs s'attiraient entre eux pour le point d'arrivage. C'était un peu gros, c'était peut être même que des coïncidences, il faudrait demander à d'autres étrangers ou attendre de nouveaux malades. D'ailleurs en parlant de malade, quel était le problème du quatrième compagnon ? Pour que ses cheveux gèlent avait il peur du froid ? ce n'était pas très logique il faisait assez chaud dans cette pièce...
James parla après Sydney pour orienter son nouvel "ami".

- Tu as donc compris que tu n'es pas à San Francisco ni sur Terre mais dans un autre "monde" où nous sommes appelés des voyageurs ! Je suis James, voici Dakota, Sélène et Sydney

Présenta t-il ses compagnons avant de conclure par le maire.

- Et voici le maire de Gloutoniskaïa qui a eu la gentillesse de nous offrir l'hospitalité pour cette nuit ! Ah et j'ai failli oublier !

Se baissant James prit la poule qui était scotché à ses jambes avant de la montrer à son interlocuteur, un sourire peint sur ses lèvres.

- Voici Simone, mon animal de compagnie !

La théorie de Sydney se tenait. A l’époque de son arrivée, les gens ne se tombaient pas dessus comme ça. Ou rarement. Il y avait bien trop de coïncidences pour que la magie n’ait rien à y voir et il était parfaitement crédible que l’un des désordres abandonnés par les voyageurs soit capable de ce genre de choses. Mais ce qui la préoccupait le plus à l’heure actuelle c’était que ses compagnons avaient l’air décidé à adopter ce « Jake Anderson ». Un nouveau compagnon possiblement tordu avec un lot d’ennui fourni en prime. Si seulement elle avait pu en savoir plus sur lui, sur ce qu’il avait dans la tête, sur sa maladie… La gamine plissa les yeux en fixant l’exhibitionniste puis…

Puis le noir, l’obscurité percée d’une porte unique en suspension dans le néant. L’angoisse pénétra le cœur de Dakota comme un poignard : elle pouvait chuter, elle pouvait disparaître, mourir. La peur d’avoir peur de ne pas comprendre aussi, insidieuse, vile et mesquine. Elle se jeta sur la poignée pour la faire tourner et pénétrer là où elle donnait peu importe ce que c’était, tant que ça lui permettait d’avoir un sol sous ses pieds et un ciel au-dessus de sa tête trop pleine.

Le panneau grinçant s’ouvrit devant elle et se referma aussitôt qu’elle eut pénétré cet espace inquiétant. Lorsque la phobophobe se retourna il n’y avait plus aucune trace de la porte, comme si elle n’avait jamais existé. Elle inspira profondément pour se donner de la contenance et observa l’endroit où elle se trouvait. Cela ressemblait ni plus ni moins à une chaudière ancienne, les tuyaux de métal rouillant par endroit en libérant des jets de vapeur brûlante. L’air était suffoquant et la chaleur atroce, l’atmosphère si opaque qu’il lui fallut du temps pour distinguer un garçon occupé à entretenir un mécanisme dans un angle de la vaste salle. Dak’ haussa un sourcil en réalisant qu’il s’agissait de Jake. Le garçon tremblait, un outil à la main, alors que… que sa peau fondait. Comme une bougie de cire il se liquéfiait sous l’effet de la chaleur des pans de peau se détachant pour atterrir au sol dans un « ploc » dérangeant.

Lorsqu’il le comprit le garçon paniqua, retira sa chemise dans l’espoir d’arrêter de phénomène mais ne réussissant qu’à se débarrasser de plus de lambeaux de peau jusqu’à découvrir le blanc de ses os. Panique, hurlements. Des cloques blanchâtres se développèrent un peu partout sur son torse comme des bulles d’air s’échappant d’une eau chauffée à la casserole et finissaient par exploser en lui arrachant des cris glaçant. Elle le suivit des yeux avec une sorte de curiosité malsaine alors qu’il se mettait à courir pour échapper à son cauchemar puis… le décor changea.

Une étendue de terres gelées, les arbres prisonniers du givre semblaient pointer leurs doigts accusateurs vers Jake. Le psychotique s’était arrêté aussi brusquement que le changement de lieu s’était opéré et se tenait désormais immobile les pieds enfoncés dans la neige jusqu’aux mollets. La solitude de cet endroit frappait bien plus que celui de la chaudière, rien ne vivait ici. Juste le froid mordant et un silence de mort. Alors que le psychotique se mettait à grelotter, portant encore les stigmates de sa précédente expérience, il fixa avec effroi ses jambes. Une couche de glace rampait sournoisement sur son pantalon, l’emprisonnant dans son écrin de glace. Elle montait à une vitesse folle et changeait du même coup le jeune homme en une statue de glace hurlante. D’abord jusqu’à la taille, puis jusqu’aux épaules… s’agiter ne servait à rien d’autre qu’à faire grandir plus vite ce mal glacial. Bientôt le gel gagna le visage tordu par les cris, le gelant dans une grimace de terreur pure.

Comme si elle venait de se prendre une claque Dakota se sentit soudain projetée en arrière et papillonna des yeux. Il lui fallut quelques secondes avant de comprendre qu’elle n’avait pas quitté son fauteuil. Qu’est-ce qu’il venait de se passer au juste ? Tremblante elle essuya la sueur qui lui coulait dans le creux du menton avant de regarder ses mains comme si c’était la première fois qu’elle les voyait. Elle avait l’impression d’avoir rapporté quelque chose de cette vision, mais quoi ? Elle ferma les yeux pour retrouver son calme et lorsqu’elle les rouvrit elle se sentait bien. Presque bien du moins. La seule chose qui persistait était la migraine qui lui vrillait le crâne. La douleur la poussa à fusiller James du regard alors qu’il présentait sa poule.

- Simone, génial… grommela-t-elle avec une ironie plus que visible.

Elle voulait s’en aller plus que jamais, mais il fallait avouer que la situation tournait en opportunité de comprendre ce qui leur arrivait. La résignation pris donc non sans mal la place de la frustration.

- Bon, et sinon ça nous mène où tout ça hein ? Qu’est-ce que vous attendez de nous ?

[HRP : attendez le message du MJ avant de poursuivre]

Ernest mac Arthur regarda avec un brin de dépit la pagaille que l’individu tombé du ciel avait semé dans son bureau.  Des monceaux de livres pour la plupart précieux jonchaient le sol et ses papiers dument empilés avaient volé aux quatre coins de la pièce. Il surprit même la rouquine à griffonner sur l’un de ses rapports d’espion écris à l’encre invisible à révélation magique. Les jeunes n’avaient plus aucun respect de nos jours.

Il garda le silence tout du long, les lèvres pincées en une parodie de sourire qui n’avait plus rien de joyeux. Il n’aimait pas le bazar, oh ça non. Néanmoins certains de ses « invités » avaient au moins la décence de répondre à ses questions et c’est bien l’unique motivation qui l’empêcha de les transformer en une bestiole quelconque pour leur apprendre les bonnes manières. L’exil massif l’intriguait vraiment, et il ne voyait à vrai dire qu’une poignée de personnes capables d’un tel exploit. Et si cette personne avait été capable d’altérer la nature même des voyageurs il ne restait qu’une seule option plausible.

- Le marchand de sable… marmonna-t-il dans sa barbe, les sourcils froncés.

N’était-il pas censé être endormi ? Beaucoup le disait mort et il n’avait jamais prêté aucun crédit à ces élucubrations. Cette chose était l’incarnation même de Dreamland, sa chute se serait forcément traduite par celle du monde tout entier. Mais depuis combien de temps n’avait-il pas paru ? Des millénaires, au point de transformer son existence en légende racontée pour effrayer les enfants. Il n’était pas mauvais en soit, mais voir revenir une sorte de Dieu vivant sur le devant de la scène ne plaisait pas du tout au maire, surtout si celui-ci s’amusait à éjecter les intrus au risque de mettre en péril l’équilibre naturel des choses. La violence n’avait jamais été une solution acceptable et il aurait préféré que le marchand se mette au goût du jour.

Et aux vues des discours qu’on lui tenait, les perturbations avaient lieu jusque dans l’autre monde. Une véritable catastrophe, les mondes allaient peut-être même s’effondrer les uns sur les autres comme un château de cartes. Qu’est-ce qui avait bien pu lui passer par la tête ?

Les questions timides de Selene et abruptes de Dakota lui tirèrent une grimace. Qu’est-ce qu’il pouvait bien répondre à ça ? Tout n’était pour l’heure que conjectures et il n’avait aucune réelle idée de ce qu’il attendait de cet entretien. Néanmoins il n’était jamais bon de paraître ignorant ou impuissant, il se poussa donc à répondre de la manière qui lui semblait la plus convenable possible.

- Je suppose qu’il pourrait s’agir d’une entité nommée Marchand de Sable, techniquement en sommeil. C’est la seule personne assez puissante pour provoquer un exil doublé d’une altération de la nature même des voyageurs mais… j’ai dû mal à croire qu’il puisse vraiment avoir été réveillé. Quant à ce que j’attends de vous… voir plus clair sur ce qui se passe pour régler les problèmes de ma ville, quoi d’autre ?

D’un mouvement compliqué de la main tous les livres réintégrèrent leurs étagères alors que les papiers s’empilaient de nouveau sur le bureau. L’ordre rétabli il reprit avec sérieux.

- Si j'ai bien raison, et que c’est bien lui le responsable de tout ça… vous feriez mieux de vite réparer ces désagréments et de ne jamais revenir. Jamais. Je gage qu’il vous tuera à la seconde où il vous trouvera. L’exil devait être un avertissement que vous avez bafoué. Les voyageurs perturbant trop Dreamland, je suppose qu’il doit voir en vous une menace pour le bien être du monde même… enfin en partant de l’hypothèse que je ne me trompe pas.

Il caressa sa barbe, l’air penseur. Il avait du travail devant lui pour vérifier sa théorie, et pour ça il lui fallait du temps ainsi qu’un calme qu’il n’aurait pas tant que cette bande trainerait dans les parages. Ernest se mit donc debout pour désigner la porte en un simulacre d’invitation avant de les inviter ni plus ni moins à lui fausser compagnie, et vite.

- Cette discussion fut instructive. J’ai quelques recherches à mener pour confirmer tout ça, vous pouvez donc vaquer à vos occupations. Je vous demanderais juste de ne pas quitter la ville, j’aurais peut-être besoin de vous sous peu… et vous de moi. Au revoir.


[HRP : A suivre.... ICI]