Les voyageurs à l'école des sorciers (2)

Ce topic est la suite de Les voyageurs à l'école des sorciers.

[HRP : on était à la 10è page et je trouvais que le message du MJ appelait superbement à un nouveau topic. Par contre, je n'ai pas trouvé de meilleur titre lol]

Perdue dans l’admiration de son épouvantail griffonné sur l’un des rapports du maire, Selene ne sursauta que lorsque James prononça son prénom. Ses yeux noisette bifurquèrent vers le duo que formaient les deux psychotiques et l’espace d’un instant, ils croisèrent ceux du nouveau venu. Intimidée, elle se détourna rapidement, au moment où leur hôte entamait une réponse plus qu’intéressante. Durant la pause pendant laquelle Ernest Mac Arthur s’appliqua à remettre magiquement de l’ordre dans son bureau, la rouquine répéta de façon inaudible « marchand de sable », comme si cela allait l’aider à y voir plus clair. Si Dreamland paraissait déjà surréaliste, cette histoire d’entité supérieure était au-delà de l’irréalisme. On se croirait dans un récit de science fiction qui traitait d’une divinité perdue et oubliée.

La suite malheureusement, fut encore plus inquiétante. Les tuer à la prochaine rencontre ? Instinctivement, n’ayant rien d’autre à quoi se raccrocher, la toquée agrippa la manche du pirate qui se trouvait à sa droite. Pendant une fraction de seconde, elle eut presque l’impression de défaillir. Si le maire ne se trompait pas, une personnalité surpuissante était actuellement à leur recherche pour les anéantir. Comment auraient-ils pu « comprendre » l’avertissement ? C’était absurde, impossible, pas juste. Sa raison d’adolescente refusait d’admettre qu’elle puisse être une bête traquée et menacée dans les deux mondes : comment allait-elle s’en sortir désormais ? Sa vie était finie…

L’invitation à sortir étant parfaitement claire, Selene se leva et quitta la pièce d’une démarche nerveuse, blanche comme une craie. Là même, elle ne cessa de progresser que lorsque le soleil percuta sa peau avec toute la chaleur dont il était capable en ce milieu de journée, mais des sueurs froides continuaient de courir dans le creux de sa colonne vertébrale. En regardant le ciel, son imagination redessinait dans les nuages un œil d’Horus qui les englobait tous, voyageurs, signe qu’ils n’échapperaient jamais au « marchand de sable ».

Lorsque ses compagnons l’eut rejoint, la galloise se précipita au devant de la phobophobe pour s’exclamer, la mine éclairée par angoisse :

- Dakota, Dakota, qu’est-ce qu’on doit faire ?! S-Si le maire à raison ? I-Il faut retrouver nos ombres et… et partir. Mais si le… il nous trouve ?!

Envahie par l’inquiétude, la rouquine se rongeait les ongles jusqu’à se faire mal. Son premier pouvoir se déclencha instantanément, remplaçant son tee-shirt par une chemise bleue à carreaux bourrée de paille. L’avantage de cette forme qui la privait d’un visage humaine était qu’au moins, elle ne grignoterait pas le bout de ses bras-branches. Néanmoins, ça ne suffisait pas encore à la rassurer, ses entrailles transformées nouées  comme jamais. Elle aurait bien aimé que son ami d’enfance apparaisse, mais malgré toute sa volonté, il restait absent ailleurs que dans l’enceinte de son crâne dérangé. Il lui susurrait sans relâche de se calmer d’ailleurs, mais elle n’y arrivait pas.  

Balayant furtivement de ses yeux-boutons la place de la mairie, la toquée aperçut un arbre jeune dont le tronc n’était pas encore protégé par une écorce épaisse. Poussant un petit gémissement, elle l’approcha en courant maladroitement et commença le graver à l’aide de ses bras. Ce n’était pas évident, et le résultat fut très grossier et approximatif, mais avoir obéit à cette compulsion lui avait rendu suffisamment de sérénité pour qu’elle se laisse aller, sa tête-sac contre son œuvre. La peur était bien entendu toujours là, mais ses pensées pouvaient désormais intégrer son cerveau dans l’ordre. Ne pas quitter la ville ? Rester à la disposition du maire ? Celui-ci voulait confirmer la théorie du Marchand de Sable, et si elle était exacte, que ferait-il ? Ne risquait-il pas de tous les livrer en pâture ?

Machinalement, Selene voulut se gratter l’arrière du crâne, mais la pression du bois sur sa tête en toile la surprit. Elle se retourna alors vers ses acolytes mais n’osait pas les regarder, baissant honteusement les yeux sur ses pieds et ses cuisses, rescapés de sa transformation.

La possibilité qu'il fut dans un autre monde par le biais d'une hypnose surprit Jake, qui s'était évertué à penser que les mondes parallèles n'existaient pas. De plus, il apprenait qu'une entité qui devait ne plus refaire surface était à leur poursuite et voulait les tuer. Quoi de plus naturel dans un autre monde surnaturel, dirait-on? Mais, même s'il ne laissait rien paraître à l'extérieur, au fond de lui, il avait peur que cela ne recommence, toutes ces souffrances et ces maux. Il avait peur que ce nouveau monde ne lui apporte que plus de malheurs, mais il se sentait tout de même en sécurité avec ses nouveaux amis, certes étranges au plus haut point, mais il les considérait comme des amis avant tout.

Toutes les frayeurs accumulées depuis sa venue dans le bureau du "Maire de Gloutoniskaïa", ville dans une contrée nommée "Dreamland" se dissipèrent à la sortie de la mairie, déjà par le beau temps qui régnait et la chaleur ambiante plus qu'agréable sur la place, et aussi parce que la dénommée Selene se transforma partiellement en éventail et s'enfuit à côté s'un arbre faisant quelque chose de bizarre et en poussant des bruits plus qu'étranges. Il fut tout d'abord choqué et eut un peu peur que ses "amis" ne lui aient préparés un coup fourré, mais ensuite éclata d'un rire qui faillit le clouer à terre de par l'absurdité de la situation et arriva à peine à formuler la question qu'il voulait poser.

-Donc si je comprends bien... (Ahahaha!) chacun de nous a un pouvoir particulier? Et Selene à le don de... (Ahahaha!) de se transformer en... (Ahahaha!) éventail?

Jake regretta de suite sa question et son rire, imaginant la réaction que pourraient faire ses compagnons, en particulier Dakota et Sydney, et se rendit compte que sa réaction avait pu blesser la concernée.

-Désolé!
*Et de une gaffe! Il fallait vraiment que je sorte ça... Si ça continue je crois qu'on va me rôtir vivant.*

[PS: Les (Ahahaha!) sont sensés représenter des rires...]

Le marchand de sable ?? C'était peut-être pas une histoire à dormir debout, finalement... Et c'était même à la limite de l'angoissant... Une sorte de dieu voulait leur mort... LEUR MORT !! C'était un dieu, donc il avait probablement des yeux partout ! Il y avait même une chance qu'il soit déjà au courant de leur localisation !! Mon dieu il fallait fuir !!!

Il sortit de la mairie totalement abasourdi par la nouvelle qui venait de lui tomber dessus. Il était un cadavre en sursis... Il espérait sincèrement que ce dieu n'aie pas beaucoup de fidèles car dans le cas contraire, leur escapade à Dreamland virerait assez rapidement à une clandestinité peu enviable... Un complot mondial ! Cette fois c'était certain : aucun amis, que des ennemis !! Enfin... A ceci près que Selene, Dakota et James étaient un peu plus fiable que tous les autres. Boh !! Quatre contre tout un monde ! On peut y arriver..! Youpi !!

Selene était au bord de la crise de nerfs et la transformation en épouvantail s'ensuivit mécaniquement. Au moins un pouvoir dont le pirate était capable de déduire la cause.
Ça plus le sien. D'ailleurs, il n'entendait aucun BIIP, actuellement. Il n'avait donc en théorie aucune crainte à avoir, mais c'était plus fort que lui. Quand on sait que quelqu'un veut nous tuer, on voit le mal partout... Ça marche même pour les gens sains d'esprit ! Alors c'est un jeu d'enfant pour un parano', non...?

Et l'autre, Mr Frigo, qui se gausse de l'état de la rouquine et accessoirement de chacun d'entre eux. Son pouvoir à lui aussi était parfaitement ridicule. Sydney lui adressa un regard noir. *Toi et moi, mon gars, on va pas être copains...* Et les pardons ne suffisent pas ! Admettons que j'écrase votre chat en le faisant exprès. Eh ben un pardon va pas le regonfler, désolé !!
Ce Jake était aux yeux de Syd l'élément perturbateur. Il pouvait être aussi faste que néfaste au groupe et même si ce dernier était à peu près soudé, l'idée de l'adoption n'était pas encore tout à fait ancrée dans l'esprit du pirate.

- Si tu nous disais plutôt ce que tu viens faire ici, au lieu de semer la zizanie. Hm ? Lui demanda-t-il. On est sympas : on te balance pas au Marchand de sable ; mais on t'adopte pas pour autant ! Et on a qu'une chance de faire une première impression, c'est ce que je dis toujours.
Peut-être qu'en apprendre un peu plus sur ce marin d'eau douce rendrait les présentations un peu moins hostiles. Enfin ça n'avait pas l'air de déranger James qui semblait apprécier particulièrement ce nouvel arrivant. Si ça l'amusait...

Faisant quelques pas hasardeux, le pirate jeta finalement l'ancre sur le banc où il était venu s'asseoir quelques heures plus tôt. Comme c'était frustrant d'être bloqué dans une ville pareille... Il n'avait aucune envie d'en faire le tour et redoutait le moment où le petit groupe déciderait de faire escale dans des lieux à risque comme le marché ou des ruelles infestés de rats (et de tueurs aussi, tiens. Pourquoi pas)...
Il ne restait aucune trace de leur affrontement contre les Unseelies, tout avait été reconstruit comme par magie et les cadavres s'étaient volatilisés. Où ça ? Un cadavre ne disparait pas comme ça, que comptaient-ils en faire !?
... Il préféra ne pas le savoir, en fin de compte.

Selene revenait de son arbre et Sydney la regardait du coin de l’œil. Elle semblait un peu calmée mais son apparence d'épouvantail demeurait. Pourquoi un épouvantail, d'ailleurs ? Sa maladie devait avoir un lien avec ça, sans aucun doute. Il eut beau fouiller sa mémoire, aucune pathologie qu'il connaissait ne présentait ces trucs ; et encore moins la transformation du malade... Bref !
On avait donc une nana épouvantail, un schizo' de 17 ans à peu près, un glaçon humain et un Mr. Freeze. Tiens..? Ils étaient peut-être frères ??

Le pirate se sentit un peu seul. La seul qui soit à peu près saine d'esprit c'était Dakota. Elle semblait juste avoir de grosses lacunes en terme de relations sociales ; mais ça, Syd ne pouvait pas lui en tenir rigueur. Mis à part ça, les autres étaient fous, à n'en pas douter... Il finit par conclure qu'il était heureux d'être aussi prudent. Ne pas accorder trop de confiance à des inconnus, et à fortiori lorsque ce sont des fous...
*Note pour moi-même : me faire vacciner contre la rage au cas où...

Un marchand de sable ? Mais normalement celui là il venait la nuit pour faire dormir les gens non ? Sa mère lui avait appris ça quand il était petit, ça rejoignait le Père Noël et la petite souris. Bien sur c'était possible que le marchand existe dans ce monde, la preuve avec l'homme à barbe blanche que les voyageurs avaient du sauver.
En fait le monsieur qui les faisaient dormir était pas gentil enfin de compte et les avaient dégager du monde de rêve...De chez lui et maintenant il voulait les tuer ! Une logique assez étrange que l'adolescent garderait pour lui pour pas se faire réprimander, surtout par Dakota et décevoir les autres. C'était surtout méga farfelue...Mais James n'avait trouvé que ça comme explication. Le maire après toutes ses révélations et l'ordre de rester en ville les congédia du lieu et le groupe se retrouva donc à nouveau dehors. Sélène se mit aussitôt à paniquer déclenchant par la même occasion son pouvoir. James la regarda aller voir un arbre et faire des trucs étranges tandis que le nouveau, dont on ne savait toujours pas le nom d'ailleurs, se mit à se moquer d'elle. Ca non plus c'était pas sympa. Et Sydney était bien d'accord là dessus vu le ton sur lequel il lui parla.

- Ne rigole pas c'est pas sympa ! Et puis au moins si elle se fait tirer dessus elle meurt pas !

Renchérit l'adolescent ensuite. Peut être que Sélène était un épouvantail mais au moins elle avait une défense comparé à eux. C'est sur que c'était pas très pratique ensuite et d'ailleurs James avait l'impression que le pouvoir de l'adolescente s'était accru en plus de faire apparaître des cadeaux. Enfin, pour ce dernier il faudrait qu'il teste lui aussi comme elle l'avait dit, c'était peut être lié à leur dernière quête.

- Au fait Sélène, tu as fait quoi pour que le cadeau apparaisse ?

Si ils devaient rester ici autant trouver une petite occupation. Même si James pouvait faire apparaître beaucoup de chose c'était toujours génial de recevoir un présent non ?

L’œil droit de Dakota tiqua. Alors après le père noël on leur servait la fameuse histoire du marchand de sable ? A croire qu’on comptait leur sortir toutes les inepties possibles et imaginables dont on abreuvait les enfants attardés jusqu’à l’overdose. Non seulement on leur présentait un ennemi absurde, voire ridicule, mais en plus on le leur présentait sous les traits d’un être divin, surpuissant et pis de que tout : qui n’aurait de cesse que de les pourchasser pour les éradiquer. Joyeuses perspectives d’avenir !

Dreamland avait toujours été dangereux mais savoir qu’un nouveau péril croisait leur route n’était pas pour améliorer la migraine atroce de la surdouée. Elle voulait partir de ce bureau, qu’on lui laisse le temps de se poser pour réfléchir à toutes ces informations qu’on leur balançait en bloc à la tronche avant de les sommer de se débrouiller avec comme des grands. Son vœu fut exaucé quand Ernest Mac Arthur les pria de sortir, non sans sortir l’une de ces recommandations de série télé. Ne pas sortir de la ville ? Ce n’est pas comme si ça avait été dans ses projets immédiats de toute façon, mais ça restait un choix qui lui était propre et se refusait mentalement d’obéir à un vieux fou si le besoin de prendre la poudre d’escampette se faisait sentir.

En 3 minutes à peine ils furent dehors. Le soleil était haut dans le ciel, astre luminescent et – chaud – majestueux, baignant la ville d’une lueur mordorée. Les foules se pressaient dans les rues dans un brouhaha de rires, de discussion et de murmures, sans même faire attention à eux. C’était agréable… ou du moins ça l’aurait été si elle n’avait pas – vu dans un éclair une cloque blanchâtre naitre sur sa peau et éclater – été prise à partie par Selene. Celle-ci paniquait complètement et semblait attendre d’elle la réponse à tous ses problèmes. Que répondre à ça ?

- S’il était vraiment si fort il nous aurait déjà trouvé. Le pire qu’on puisse faire est de se précipiter au risque de perdre en prudence, il faudra juste qu’on soit plus sur nos gardes et…

Peine perdue. La transformation de la toquée s’effectua juste à temps pour qu’elle ne se ronge pas les doigts après avoir fini de consommer ses ongles. C’est avec dépit que Dak’ la regarda s’approcher d’un arbre sous son étrange forme pour graver, de nouveau, des épouvantails sur un arbre à l’écorce tendre. La panique se lisait jusque sur ses traits de toile, sentiment que la gamine ne connaissait que trop bien et préféra ignorer. Après tout il y avait plus important que de régler les problèmes de crise de nerf de la rouquine comme – la peau de son bras qui commençait à fondre – se trouver un pied à terre et une source de renseignements. Une bibliothèque ferait très bien l’affaire pour le second point.

La suite de la scène se mua en moqueries et en disputes, les garçons se lançant dans un débat moral. La phobophobe préféra ignorer tout ça. Il y avait autrement plus important. Depuis quelques minutes les éclairs de réminiscence du cauchemar qu’elle avait exploré se faisaient de plus en plus présents. D’abord seulement des visions furtives, puis persistantes et qui en venaient à l’obséder complètement. Ne faisait-il pas trop chaud d’ailleurs ? Le soleil tapait, rougissant ses joues pâles alors que sueur froide se mélangeait à celle due à la douceur ambiante. Ses yeux bleus braqués sur ses mains si dépouillées de leur chaire cireuse qu’elle en voyait l’os, Dak’ se mua dans un silence horrifié.

** Qu’est-ce qui se passe ? Mais qu’est-ce qu’il m’arrive ?! **

Elle tira son miroir de sa poche et l’ouvrit avec appréhension pour se regarder. Lorsqu’elle croisa le regard de son reflet un hurlement strident s’échappa de ses lèvres et le choc la fit tomber à genoux. Ce qu’elle avait vu n’était plus qu’un masque de cire fondue qui n’avait plus rien d’humain et duquel jaillissait tel un iceberg solitaire le haut de son crâne mis à nu. Dans son orbite l’un de ses yeux n’était plus qu’une flaque opaline qui menaçait de s’écouler en dehors… ce qui finit par arriver pendant sa chute.

- Je fonds ! Aidez-moi je… je fonds ! criailla-t-elle prise de terreur pure sans pouvoir quitter des yeux l'horreur dévoilée dans le miroir.

En apparence elle restait pourtant parfaitement normale aux yeux de ses compagnons, et malheureusement pour le premier qui aurait l’idée de lui venir en aide celui-ci écoperait du cauchemar qui avait pris désormais tout l’espace dans la caboche de la surdouée. Qui a dit que la gentillesse était toujours récompensée ?

Presque immédiatement, Jake s’était ouvertement moqué d’elle. Du moins, c’est l’impression qu’elle avait eu ; et même si Sydney et James prirent sa défense immédiatement, ce qui la toucha beaucoup, le mal était fait. Pas tant qu’elle était extrêmement sensible aux moqueries, mais cela lui rappelait ses camarades de classe qui s’étaient à plusieurs reprises gausser de sa pathologie. Comme l’a si bien dit le psychotique à l’ami imaginaire, « ça n’était pas sympa ». L’adolescente aurait bien aimé au moins dire quelque chose, mais sa gorge d’épouvantail restait sèche. La meilleure réponse qu’elle aurait pu faire aurait été de recouvrir son apparence normale, mais visiblement, son pouvoir refusait de lui obéir… elle ne devait pas encore avoir atteint la durée minimale.

Le pirate s’était éloigné pour prendre place sur un banc tandis que la galloise revenait doucement vers ses amis, la tête basse. James l’interpella pour savoir comment elle avait utilisé son nouveau pouvoir, mais elle n’eut pas le temps de lui répondre car Dakota s’effondra en hurlant. Effaçant soudainement de son esprit les nuages apportés par les railleries, la rouquine se précipita auprès de la phobophobe pour la soutenir. Ses mains auraient sans doute été beaucoup plus pratiques mais faute de mieux, elle posa ses branches sur les épaules de la blondinette pour lui affirmer d’une voix tremblante :

- Mais… Dakota, tu n’as rien ! Tu-Tu ne fonds pas je t’assure ! Q-Qu’est-ce qui t’arrive ?!

Ce fait était réellement inconnu au bataillon de la toquée. Ses méninges tournaient à plein régime, cherchant à savoir si l’un des pouvoirs de son amie était capable d’avoir un contrecoup de cette sorte, mais elle fut forcée d’admettre qu’elle n’en connaissait aucun. Pendant un court instant, Selene se demanda si le Marchand de Sable ne les avait pas retrouvés pour leur faire subir des sévices psychologiques et individuels, mais cette suggestion était sans doute absurde. En vérité, elle aurait adoré pouvoir avoir son corps d’adolescente et cette fois, sa capacité lui obéit. Ses branches redevinrent des bras nus, sa chemise empaillée s’effaça, ses traits recouvrirent forme humaine. La panique se lisait clairement sur son visage pâle. Désemparée, elle prit la tête de la surdouée dans ses mains pour la forcer à la regarder :

- Dakota ! Tu ne fonds pa…

Sa voix se suspendit. En un flash, un éclair, Gloutoniskaïa avait disparu. Comme un vitrail que l’on assemble, un sous-sol et une vieille chaudière se matérialisèrent. Les tuyaux rouillés sifflaient avec rage, projetant une vapeur brûlante dont la température était insoutenable. Ça y est, elle fondait d’ailleurs, sa peau se détachait de ses os comme la cire d’une bougie ; une main osseuse portée à ses joues lui apprit que son visage dégoulinait sur ses épaules molles. La rouquine poussa un hurlement strident, le décor explosa comme un vase en verre, mais se reconstitua immédiatement pour la planter dans une vaste étendue de terre froide.

Les arbres figés pointaient vers elle des doigts accusateurs, la neige crépitait au contact de son corps encore bouillant. Vivante, comme une créature sournoise, la glace rampa sur ses jambes, puis ses hanches, son corps… Selene avait beau s’agiter, hurler, se débattre, tout était si réel ; un véritablement cauchemar. Le temps de se demander comment une telle horreur était possible ne lui était même pas laissé, bientôt, le lierre gelé parvenait à son visage, emprisonnant ses traits dans un masque incassable et glacial.

Il y eut alors un craquement étrange, comme si la glace se fendillait d’un coup, et tout sombra dans les ténèbres. Lorsque son esprit refit surface, la toquée était recroquevillée sur le sol, toujours au même endroit. Crispée, en position fœtale, elle secouait la tête, couverte de sueur. Brusquement, elle ouvrit ses yeux noisette en poussant un dernier cri qui dut se répercuter dans toute la place de la mairie. Les pieds qu’elle voyait devaient être ceux de Dakota, mais son cerveau était trop chamboulé pour réussir à mettre ses pensées dans l’ordre. Sa gorge était sèche, elle n’arrivait pas à parler, uniquement à respirer bruyamment. Tremblant comme une feuille, elle tendit une main devant ses yeux, toucha son visage, et réalisa qu’elle n’avait pas changée. Ce n’était qu’un rêve… un cauchemar. Mais comment ? Pourquoi ? Elle n’avait jamais songé à Dreamland, même en dormant, et là…

Elle voulut se relever, mais ses forces l’abandonnèrent ; un sanglot ébranla tout son corps fragile, la paralysant sur le sol. Immédiatement, son épouvantail apparut à ses cotés, fidèle à l’appel de la détresse de sa protégée. Selene savait qu’il était là, elle l’attendait, car ses pleurs ruisselaient sans qu’elle ne puisse rationnellement en saisir la cause. L’apparition se pencha sur elle et posa une branche sur son épaule, tandis que l’autre caressait délicatement ses cheveux rougeoyant :

- Calme-toi ma petite, ce n’est rien. Ce n’était qu’un… qu’un mauvais rêve, tu ne le referas plus, il ne t’appartient pas. Je suis là maintenant, et je chasserai toutes ces images de ta tête ! Fais-moi confiance…

Prostrée par terre, l’adolescente hocha fébrilement la tête en signe de compréhension. Déjà, l’apaisement faisait sa route. Sa respiration s’amenuisait, son cœur ralentissait, et le barrage de ses larmes de reconstituait…

Jake se sentit encore plus coupable lorsque le tonnerre et la fureur des gens qu'il s'attribuait déjà comme ami s’abattirent sur lui. Il fut pris d'une crise d'angoisse, dans laquelle il fut prit d'un répulsion pour lui même, se disant qu'il n'allait pas se faire de vrais amis, et que tout ses malheurs qu'il avait tenté d'oublier allaient recommencer. Il se ressaisit alors, pris de l'envie de passer outre ses débuts infructueux et de nouer rapidement des liens d'amitié avec ses nouveaux compagnons, tous différents, mais qui semblaient avoir une telle cohésion, une telle unité. Ils devaient avoir passé beaucoup d'épreuves ensemble. Il était pour la première fois le bleu, qui allait devoir s'adapter, malgré la différence de connaissance apparent sur le monde qui l'entourait.

Alors qu'il prenait des bonnes résolutions, Jake remarqua que la dénommée Dakota fut prise d'une crise assez bizarre, où il semblait qu'elle voyait sa peau fondre, ce qui mit extrêmement mal en point Jake, qui redouta que le fameux Marchand de Sable ne commence déjà sa chasse à l'humain. Mais cette crainte ne s'affirma que plus lorsque Selene fut elle aussi touchée par une crise assez violente.

La théorie du futur massacre ne faisait que s'annoncer de plus en plus clairement, mais Jake essaya de se rassurer intérieurement en se disant que cela pouvait très bien être quelqu'un d'autre qui pouvait à tout moment l'attaquer lui aussi. Par pur réflexe, il se posta en position de défense et se plaça devant les filles dont il se sentait le devoir de protéger même si sa vie en dépendait.

-Ça arrive...

Sans doute se rendit-il compte un peu trop tard que tout ces gestes étaient inutiles, car les filles semblaient se sentir déjà mieux. Il se rassura alors, prenant appui un possible concours de circonstances.

-En tout cas, est-ce que ça va les filles? Vous voulez que j'aille chercher de l'aide... Ah, je ne crois pas être très utile dans un monde inconnu.

-Est-ce que c'est normal ce genre de chose, ou il faut vraiment s'inquiéter? chuchota-t-il à James.

Ne bougeant pas de son banc, il regarda bouche bée Dakota sombrer dans la folie. Il avait dit qu'elle était saine d'esprit ?? Il vit en cette crise un appel à s'enfuir : le Marchand de Sable avait frappé. Pourquoi lutter contre un mal invisible ? S'il savait l'identité de ce dieu, il ne savait ni comment lutter ni quoi faire. Il ne bougea pas, jugeant que fuir serait se faire remarquer immanquablement.
Selene voulut prêter main-forte à son amie, et c'était la pire des choses à faire. Y voyant là un affront, le Marchand de Sable semblait l'avoir frappée à son tour. On ne touche pas quelqu'un qui se fait électrocuter ; il devait en être de même pour une victime du dieu.

Par chance, les deux garçons avaient un instinct de survie plus développé que les filles. Au moins le groupe n'était constitué qu'à 50% de lemmings, c'était déjà ça. Un épouvantail apparut aux côtés de Selene qui tentait de retrouver son calme. Dakota en revanche ne semblait pas résolue à recouvrer la santé.

Jake devrait avoir une envie subite de mourir car il s'adressa aux filles. C'était son problème. Sydney se leva, nonchalant, et alla s'asseoir à un banc un peu plus loin. Sait-on jamais, des fois que le dieu tente une attaque sur tout le groupe à la fois... La scène semblait avoir attiré quelques badauds qui se répartissaient en un cercle parfait autour des quatre voyageurs. Le paranoïaque se remercia de s'être écarté d'eux. Si on lui posait la question, il ne les connaissais pas. D'ailleurs ça ne manqua pas. Un mage un peu plus curieux (et énervant, de fait) que la moyenne aborda le pirate.
- Vous savez ce qui s'est passé ?
- Non répondit simplement le pirate avant de se lever et de s'éloigner - encore - du groupe. C'était déjà assez gênant comme ça.

Il fallait aussi mentionner le fait que dans les foules de gens, il y avait toujours des malades, des fous furieux ; bref : ce genre de types qui vous poignardent gratuitement ou vous écrasent le pied avec un faux semblant de "j'ai-pas-fait-exprès" ou tout simplement arborant l'éternel "j'm'en-foutisme".
De là où il se tenait désormais, il ne voyait plus ses camarades sinon la bonne cinquantaine de rapaces avides de ce genre d'événements dont on ne voyait ici que le dos.
Imaginez leur sourire satisfait quand ils vous regardent de haut. Pourquoi pas vous jeter des gravillons au passage comme pour dire "T'es pitoyable et moi je suis encore debout". Haha ! Très drôle...

Sydney avait horreur de ces gens-là qui - friands d'insolite - se précipitaient sur les lieux d'un accident pour "voir" ; sans même penser qu'il étaient inutile et que ce genre de spectacle pouvait totalement se passer de spectateurs (et en général ça facilitait les choses quand il n'y en avait aucun). Ces charognes qui prennent un malin plaisir à se repaitre du malheur des autres et... Et...
*|i]... Et on divague un peu, là. Non ?[/i]*

- excusez-moi, est-ce que-
- Allez vous-en !
Un autre curieux venait d'aborder le pirate qui perdait visiblement patience. Le pauvre bonhomme continua son chemin en regardant le pirate d'un œil inquiet. *Non, non, hors de question de faire comme vous, les gars ! C'est pas de l'altruisme que d'aller les étouffer par votre présence...* pensa-t-il.

Il finit donc par aller se poser près d'un arbre du parc, d'où il pouvait voir quand la foule se dissiperait. Il sortit son coupe-papier et commença à se curer les ongles en fredonnant une mélodie improvisée. Se changer les idées. Oui, c'est ça, il fallait qu'il se change les idées. Il avait réussi à garder son calme jusqu'à présent et il fallait qu'il continue. Seuls les coupables craignent l'ordre. Et si l'ordre c'était le dieu, alors il devait agir comme s'il ne le craignait pas - ou alors un tout petit peu, quand même...

Sélène n'eut pas le temps de répondre à sa question que des cris provenant de Dakota attirèrent leur attention. Cette dernière était en totale panique et disait qu'elle fondait. James haussa les sourcils se demandant si son amie n'avait pas pété un boulon à force de trop réfléchir, et il en était sur, de n'avoir pas dormi de la nuit. La rouquine fut la première à s'approcher de la plus jeune du groupe et avec son apparence d’épouvantail essaya de la réconforter. Heureusement elle reprit forme humaine mais à peine avait elle posé ses mains sur Dakota qu'elle aussi se sentit mal, se mettant à pleurer et à hurler.

Les yeux écarquillés dans une telle scène James ne savait que faire et Jake lança une phrase qui le laissa pantois. De quoi" ça arrive" ? De quoi parlait il ? Et c'était quoi ce revirement de sa personnalité à vouloir protéger les filles ?

- Non ce n'est pas normal...!

Et c'est ça qui était encore plus inquiétant. Seules les deux demoiselles étaient touchés par ce mal bizarre, et encore Sélène allait très bien avant de toucher Dakota. A moins que ça soit autre chose pour l'instant il valait mieux ne pas s'approcher de la blondinette. Ce que les habitants de cette ville n'appliquaient pas du tout. Naturellement tout cela avait remuer la curiosité des gens qui se demandait ce qui se passait. Par la même occasion, Sydney en avait profité pour se faire la malle...

- C'est rien c'est juste le petit déjeuner qui n'est pas passé...

Un peu pourri comme explication mais l'adolescent n'avait trouvé rien d'autre. Il ne fallait pas rester là en tout cas c'était trop dangereux et surtout cela pourrait rameuter le Marchand de sable. James s'approcha de Dakota, la voir comme ça lui brisait le cœur, alors que Sélène se faisait réconforter par son ami imaginaire, la phobophobe restait seule avec ses craintes. Ne surtout pas la toucher. Ce qui était assez dur pour lui qui avait plus l'habitude de faire des câlins en réconfort. Et plus flûte c'était son amie il pouvait bien prendre le risque d'être contaminer. Ses bras s'enroulèrent alors autour du corps de Dakota qu'il serra contre lui avant de dire :

- Dakota tu m'entends ? Tout va bien je te promet ! Tu ne fonds pas du tout c'est ton imagination ! Fais moi confiance tu ne risque rien

Il espérait que la blondinette croit ses paroles et qu'elle retrouve son état normal. Sinon ça serait problématique pour la suite à venir. Et ces gens qui ne voulaient pas partir !

- Mais dégagez bordel !

Cria t-il à leur adresse, resserrant par la même occasion sa prise.

[Hrp : Dakota redevient normale dès qu’elle refile le cauchemar hein ! Deux à vous tromper, au moins vous êtes solidaires lol Je vais arranger ça comme je pourrais.]

Lorsque les branches de Selene se posèrent sur ses bras secoués de tremblements, un cri s’échappa des lèvres de Dakota. Ce contact rugueux lui arrachait des couches entières d’épiderme cireux et cette vue manqua de lui faire tourner de l’œil. Elle allait fondre et disparaitre en ne laissant derrière elle qu’un squelette dans une marre d’encaustique, un reste à peine humain que personne ne pleurerait. Déjà Sydney s’éloignait comme si elle avait la lèpre, Jake la regardait comme si elle n’était rien d’autre qu’une bombe à retardement, même James ne faisait rien alors que la honte et la peur se disputaient ses traits.

Qu’est-ce qui était le pire ? Etre ignorée des trois hommes ou subir le réconfort aggravant de la toquée ? La réponse fut vite donnée lorsque celle-ci redevint humaine en récupérant du même coup le cauchemar qui avait fini par rendre folle Dakota. Aussitôt la phobophobe cessa de trembler sans quitter pour autant sa position de prostration, l’oreille aux aguets guettant le souffle court de la rouquine et les sanglots qui se bousculaient dans sa gorge.

Elle commençait à peine à comprendre ce qui venait de se passer, et elle ne savait pas s’il fallait considérer ça comme un don ou une malédiction. Ce cauchemar, car c’était bien ce que c’était avec du recul, avait été volé à l’exhibitionniste sado masochiste par un simple effort de concentration. Elle s’était infiltré dans sa tête pour y piocher une horreur qui avait l’avait envahi jusqu’à lui faire péter un boulon et ensuite… elle l’avait rendu par contact physique. C’était probablement un nouveau pouvoir, aussi tordus que les précédents, que son esprit allait telle finir par croire à la longue.

Toujours immobile, visage tourné vers le sol, elle réfléchissait. James arriva – trop tard – pour éloigner les badauds et elle ne put s’empêcher de ressentir une bouffée de rancœur. Il n’avait pas été là quand elle en avait eu besoin et maintenant il voulait sauver les apparences en jouant les protecteurs ?

- Tu as un train de retard, cracha Dak’ en levant enfin ses yeux glacés vers ceux de son ami.

Oui, elle était en colère. Et à raison ! Comme au premier jour de leur rencontre elle avait la preuve qu’on ne pouvait décidément pas compter sur lui, et alors qu’elle l’avait simplement quitté par le passé, elle avait juste actuellement envie de le secouer comme un prunier. Ses petits poings se crispèrent alors qu’elle se remettait debout pour balancer avec hargnes aux passants trop curieux :

- Ouais, une indigestion de cauchemar. Maintenant cassez-vous !

Offusqués les badauds s’éloignèrent non sans les darder de leurs regards curieux. La gamine les ignora avec son air hautain habituel pour se rapprocher de Selene qu’elle gratifia d’un « merci » gêné. Ne sachant pas quoi ajouter elle fit signe aux autres de se bouger pour rejoindre le pirate qui avait décidé de migrer de banc en banc jusqu’au prochain continent. Pendant qu’ils marchaient vers Syd’ elle entreprit de leur expliquer brièvement ce qui venait de se passer, sans grand enthousiasme.

- Je crois que j’ai encore un nouveau pouvoir. J’ai comme absorbé un cauchemar de Jake et le conserver quelques minutes à suffit pour que je me l’approprie complètement. Quand Selene m’a touché elle l’a récupéré. C’est vraiment n’importe quoi, qu’est-ce que je suis censée être là ? Un dealer de cauchemar ?

Elle secoua la tête agacée alors qu’elle arrivait à hauteur de son objectif. Elle se laissa tomber sur le banc à côté du paranoïaque et attrapa sa tête dans ses mains. La migraine n’était pas encore partie et le manque de sommeil lui mettait les nerfs à vif. Elle ne voulait pas discuter mais sentait qu’ils en avaient tous besoin c’est pourquoi elle lâcha de mauvaise grâce :

- Rien à voir avec ce soit disant marchand de sable donc. Et je pense pas qu’il soit omniscient, omniprésent et omnipotent, sinon on serait plus là pour discuter depuis longtemps.

Isolée sur une petite ile personnelle dans l’océan de son esprit, où son ami la rassurait de sa présence et de ses douces paroles, le monde qui l’entourait échappa complètement à la toquée. Ses pleurs emportaient ses craintes, ne lui laissant que les frissons, vestiges d’une terreur onirique. Lorsque la dernière de ses larmes eut roulé sur son visage pâle, l’épouvantail de son enfance disparut dans un dernier murmure de soutien et l’adolescente reprit un peu conscience de l’endroit où elle se trouvait. Elle entendit Dakota chasser furieusement les curieux, puis les pas qui s’éloignaient en faisant frémir le sol dallé de la place. Selene allait déjà beaucoup mieux après l’intervention de son plus fidèle compagnon, mais les remerciements de la phobophobe lui tirèrent un sourire faible.

La rouquine se redressa en position assise, mais ses complices étaient déjà en train de partir pour rejoindre Sydney. Elle eut tout juste le temps d’entendre la blondinette expliquer ce qui c’était passé avant qu’ils ne soient hors de portée de ses oreilles. Sur une lubie soudaine, la galloise fit volte face : l’ami qu’elle avait gravé sur l’écorce tendre d’un arbre était toujours là. Nouveau sourire. Elle était bien entourée, rien ne pouvait aller mal pour l’instant. Naturellement, ignorant totalement les curieux qui continuaient de la regarder par-dessus leur épaule, elle se remit debout, épousseta ses vêtements, reprit son sac sur ses épaules et se dirigea vers ses compagnons de route. En chemin, elle vérifia qu’elle n’avait pas abimé sa bague. Non, pas une éraflure, la lueur magique et sombre qui semblait concentrée dans les pierres noires était intacte.

- Je suis désolée, dit-elle juste après être arrivé à la portée de ses acolytes, ça va maintenant.

Ses yeux noisette n’osaient fixer personne, sinon brièvement les prunelles bleu glacier de Dakota. Après sa démonstration de panique pathologique et l’encaissement du pouvoir, Selene estimait s’être assez donnée en spectacle comme ça, mais ne savait pas comme se faire oublier. En réalité, elle aurait bien voulu visiter un peu Gloutoniskaïa, qui lui apparaissait comme une ville enchanteresse. De là où elle était, la magie du quotidien s’étalait partout, depuis les arbustes mouvants aux gens qui se déplaçaient en volant dans des bulles de savon, sans compter les multiples modèles de robes de mage et les affiches publicitaires animées.

Il était difficile de croire que même dans un décor pareil, ensorcelé et illuminé par un soleil radieux, la mort était à leur trousse. Elle n’avait pas entendu les déductions de la blondinette, mais sous son crâne roux, maintenant passé son stress maladif, les conclusions sensées s’articulaient plus facilement : si le Marchand de Sable avait su les trouvé en un claquement de doigts, ils seraient déjà sans doute tous morts. En vérité, ils avaient donc l’avantage, pour l’instant, de rester non localisés. A condition que Mac Arthur ne les vendent pas bien sûr. Inconsciemment, elle se mordilla la lèvre inférieure et un nuage passa sur son regard doux.

Le seul moyen de s’en sortir restait encore de résoudre leur problème, du moins en ce qui la concernait elle, Dakota et James, à savoir : retrouver leurs ombres. Nul doute qu’il s’agissait là d’une affaire de magie, et quelle ville risquait d’être le mieux fournie sur le sujet que Gloutoniskaïa ? Timidement, l’adolescente ressortit de son mutisme pour proposer :

- Vous ne pensez pas qu’on pourrait en profiter pour… faire des recherches sur le Marchand de Sable de notre coté ? Ou… euh… au moins pour nos ombres ! Peut-être qu’on trouvera comme les retrouver, les attraper et les… rattacher ?

Elle marqua une pause, les sourcils légèrement froncés. Tout en réfléchissant, elle remit derrière ses oreilles une mèches rousses qui s’évertuait à faire bande à part de sa chevelure flamboyante. Dans Harry Potter, où ils cherchaient des informations en général ? Ah oui…

- Euh… dans une bibliothèque par exemple !

La foule se concentrant autour des jeunes compagnons, Jake vit Sydney s'éloigner, trop indifférent à la situation bizarre qui se passait. Cette foule s'amassant et ne leur laissant plus d'espace pour respirer, il vit la réaction colérique de ses camarades les chassant, sûrement due à l'émotion provoquée par les visions de Dakota. Les mages présents se mirent à poser des questions à Jake, qui ne put répondre vraiment.

Ecoutez, je peux pas trop vous dire ce qui se passe, parce que je ne sais pas ce qui se passe! Maintenant passez votre chemin! *On dirait des paparazzi ces gens là*

Jake, était pris du même sentiment d'incompréhension qui le mettait dans un état profond de confusion, mais il décida de retenir ses questions, sous peine de se faire tuer vif par ses compagnons. D'ailleurs, ceux-ci se calmèrent et décidèrent d'aller rejoindre Sydney, et pendant ce très court chemin, Jake entendit Dakota qui disait qu'elle avait vu son cauchemar. Il se demandait bien ce que ça pouvait être.

La troupe reformée, Selene proposa d'aller à la Bibliothèque pour pouvoir se renseigner sur ce fameux marchand de sable, qui lui donnait la frousse à chaque évocation, bien qu'il ne sache pas trop pourquoi. Et puis, la bibliothèque était un endroit calme, le genre d'endroit que Jake aimait de par l'atmosphère chaleureuse et silencieuse qui se dégageait et donnait envie de se relaxer.

-Oui, bonne idée!

Mais avec les paroles de Selene, il s’aperçut qu'en effet, certains d'entre eux avaient perdu leur ombre! Pourtant, le cerveau rationnel de Jake se demanda comment cela était possible, car l'ombre résultait uniquement d'absence de lumière, mais, l'ombre avait-elle un autre sens dans ce nouveau monde? Cela était plausible. Il fallait aussi enquêter sur les principes de bases de ce monde, et aussi sur la magie, mais, pour Jake, le concept de la magie dans ce monde était flou, c'est pourquoi il voulait vraiment aller à cette bibliothèque.

-Ça va aussi me permettre d'en apprendre un peu plus sur ce monde sans avoir à vous déranger. Au fait, vous avez tous un pouvoir si j'ai bien remarqué? Es-ce que je suis susceptible d'en avoir un?

On ne voyait pas Dakota. Non. On l'entendait. Elle avait de bons poumons, cette fille... Enfin au moins ça voulait dire qu'elle allait mieux ce qui était déjà ça. Le pirate poussa un soupir de soulagement. Si elle n'était pas morte ça voulait dire que le Marchand de sable n'était pas la cause de son mal. Ou alors si, mais il préférait les faire souffrir, les tuer à petit feu... Et finalement cette optique n'était pas réjouissante non plus...

La foule se dissipait et bientôt ses compagnons le rejoignirent. Bien qu'elle ait été la première touchée, Dakota ouvrait la marche comme à son habitude ; comme si rien ne s'était passé. Seulement il était fort probables que les séquelles soient plus mentales qu'autre choses et si on pouvait voir les plaies du corps, celles de l'esprit étaient bien moins visibles. D'autant plus qu'avec le caractère de la petite blonde, on pouvait aisément cacher ce genre de choses à priori...

Elle s'effondra sur le banc, juste à côté de Sydney. Celui-ci la suivit des yeux sans pour autant tourner la tête. S'il était heureux qu'elle n'y soit pas restée, le paranoïaque n'avait que peu de confiance en cet enfant et le fait qu'elle s'assoie aussi près de lui le rendait mal à l'aise. Elle avait beau leur assurer que le Marchand de Sable n'y était pour rien, si ça lui reprenait le pirate était en première ligne.

L'idée de se rendre à la bibliothèque consulter quelque bouquin occulte découla presque naturellement de la discussion. Tellement naturellement que cela fit naitre chez Sydney des frissons. *'IL' y est pour rien, hein..?* Dans ce cas comment un lien avait-il pu être établi aussi rapidement ? C'était vraiment une histoire à faire froid dans le dos. Et si Dakota et Selene... Etaient... Infectés !!? Si ce mal était en fait le dieu qui avait pris possession de leurs esprits à toutes les deux !? C'était vraiment perfide.. Sydney se décala de quelques centimètres de la cadette comme si cet écart nouvellement créé aurait pu lui éviter une mort certaine.

James et Dakota n’avaient encore rien dit mais le pirate espérait qu’ils n’aient pas à aller là-bas. Les bibliothèques. Surtout les bibliothèques magiques ; il avait déjà vu à quoi ça ressemblait avec un de ces films sur les sorciers… Harry Potter. D’ailleurs la ville collait parfaitement avec l’univers, toute réflexion faite. Le Marchand de Sable c’était Voldemort, alors ? Le pirate se surprit dans ses rêveries qu’il rangea directement dans la case ‘Stupide – A ne pas ouvrir’.

- Et vous voulez chercher quoi à la bibliothèque… Qui vous dit qu’il y aura ce que vous cherchez ? Et puis de vous à moi, les bibliothèques… C’est trop grand et silencieux, j’aime pas ça. Il se rendit compte après coup que son argument ne valait rien. Dépité, il baissa les yeux. S’ils n’étaient pas décidés à y aller, au moins là c’était clair, ils allaient y aller exprès.

Il se sentait un peu gêné de révéler ses points faibles comme ça. POURQUOI il l’avait fait, d’ailleurs !? Quoi après : il leur donnerait quelques tuyaux pour le liquider en toute discrétion ?? Cependant les bibliothèques étaient comme tous ces lieux publiques : on n’y était jamais en sécurité et un ‘accident’ est si vite arrivé…
Il repensa inévitablement à son enfance ce qui eut pour effet de lui faire serrer les poings. Il avait été trahis parce qu’il avait fait confiance et voilà qu’il s’apprêtait à recommencer ! Il n’était même pas sûr que tous soient dignes de confiance ; surtout Jake dont il ne connaissait rien à part le pouvoir. Pouvoir que ce dernier semblait avoir oublié ou tout simplement il n’en avait pas conscience.. ?

- Un pouvoir ? Bien sûr que tu en as un ! Tu as pas senti quand il s’est activé ?? Pourtant ça ne date même pas d’un quart d’heure… Après tout, il était fort possible qu’il n’ait pas fait le lien, le paranoïaque n’avait compris que tardivement que ce BIIP dans sa tête était en fait la manifestation de son pouvoir. Cependant il ne pouvait s’empêcher de considérer Jake comme une menace au lieu de voir en lui une personne qui à bien des égards lui ressemblait lorsqu’il était apparu dans ce monde étrange…

Dakota ou comment casser quelqu'un en une seconde. Si elle voulait blesser James en lui disant que c'était trop tard c'était réussi. L'adolescent la laissa donc n'ayant pas envie de se faire encore plus réprimander. La blondinette rembarra les spectateurs comme elle savait si bien le faire et le groupe rejoignit Sydney qui était toujours sur son banc. maintenant que tout était clame ça y'est il les connaissaient à nouveau ?
Dakota leur expliqua alors ce qui s'était passé et tout cela était du à un nouveau pouvoir qu'elle avait reçu. Ou bien une malédiction au vue de l'état dans lequel cela l'avait mit...État que James n'avait même pas secouru ! c'était Sélène qui avait eu le courage en premier d'aller voir ce qu'avait la cadette du groupe et lui était resté planté comme un con...Pas assez vif, pas assez rapide. L'image de max tombant dans l'eau s'imposant comme un souvenir inoubliable qui se superposait toujours dans les moments les plus ressemblants entre deux situations.
Pire, encore une fois James avait abandonné son amie et nulle doute que cette dernière lui pardonnera un jour. Il était vraiment naze comme ami. La suite de la conversation n'arrivait qu'à moitié dans ses oreilles seul le mot bibliothèque et autre chose arriva dans son cerveau, préoccupé à retenir ses larmes qui menaçait de couler.
Sélène allait récupérer Dakota et l'adolescent serait à nouveau seul, comme toujours. Pas étonnant en même temps quand on était pas capable de venir en aide au gens à qui on tenait. Si ça se trouve la rouquine faisait semblant de le supporter depuis le début ! Et Sydney avait bien raison de ne pas lui faire confiance...En tout les cas James ne pouvait pas verser de l'eau devant les autres voyageurs, il était déjà assez pitoyable comme ça.

- Je...je vais aller voir là bas si j'y suis...je reviens...

Dit-il d'une petite voix enroué avant d'exécuter ses paroles s'éloignant du groupe pour aller derrière un des somptueux arbres qui décorait la place. Il laissa alors libre cours à ses larmes, ne s'occupant pas du regard des gens qui le voyait et ceux qui lui demandait ce qu'il avait. Une personne néanmoins se distingua dans l'esprit de James et naturellement il vint se nicher dans les bras de Jules. ( un mec qui s'enlace tout seul c'est normal !). Le visage de l'adolescent changea alors se durcissant et il rejoignit le groupe de voyageur s'approcha de Dakota qu'il agrippa par le col avant de siffler entre ses dents :

- J'espère que tu es fière de toi ! Tu as réduit en une seconde tous ses progrès ! Félicitations !

Jules, car c'était sa personnalité qui était présente, lâcha la blondinette puis toisa les voyageurs de son regard glacé.

- Vous valez vraiment pas mieux que les autres...Je me casse et j'emmène James avec moi.

Il détourna les talons et se dirigea là où il avait "laissé James".

[Je suis digne d'écrire un scénario de film ! Mais si vous savez quand dans un groupe y'en a un qui veut partir et les autres après ils ont " mais non pars pas !"...vous voyez pas ? =3]

L'idée qui lui était venue il y a quelques minutes déjà naissait enfin sous les caboches de ses camarades qui l'intégraient ou la repoussaient avec plus ou moins d'enthousiasme. Elle ne comprenait pas pourquoi Syd' était réfractaire à cette idée et de toutes façons elle s'en fichait bien. C'était une étape obligée sur la route de leur guérison.

Alors que Jake faisait preuve d'un manque total d'observation que le pirate s'acharnait à lui démontrer, James se retira d'un coup avec - elle l'aurait juré - les larmes aux yeux. Pourquoi ? La gamine ne comprenait pas ces élans émotifs. Il n'y avait aucune raison de pleurer. Mais c'est pourtant le visage baigné de larmes que James revint bientôt pour se saisir d'elle violemment en lui crachant des insanités au visage. Ses propos étaient tellement aberrant que les yeux de Dakota s'écarquillèrent de surprise.

- J’ai réduit tous ses progrès ? Oh mais désolé ! Grand pardon ! C’est vrai que lui m’a pas laissé dans mon délire psychédélique où j’avais l’impression de me transformer en statue de cire laissée au soleil. C’est vrai qu’il ne m’avait pas non plus abandonné aux attaques du monstropoulpe pendant la nuit sanglante, se servant de ma mort possible comme diversion pour fuir. Non hein ? Alors ta gueule, ferme ta grande gueule.

La voix sèche et glaciale de Dakota n’avait servi qu’à refroidir un peu plus l’atmosphère, et elle s’en fichait bien. Elle était probablement la seule à connaitre assez James pour reconnaitre Jules dans le discours que celui-ci venait de tenir. Ça faisait si longtemps qu’elle ne l’avait pas vu s’exprimer sous les traits de sa personnalité originale qu’elle avait failli tomber dans le panneau elle aussi mais… les mots ne trompaient pas.

Elle réajusta son col tout en fusillant le dos de l’adolescent du regard. S’il cherchait à ce qu’elle s’excuse il pouvait toujours courir. Qu’avait-elle fait de mal après tout ? Rien. Et elle ne demanderait pas le pardon alors qu’elle n’avait « rien » fait. De toute façon il fuyait déjà, lâche qu’il était, même pas capable de subir les justes réparties à ses mensonges éhontés. D’ailleurs il était hors de question qu’il parte comme ça en emmenant James et sans rendre de comptes.

- Reviens là pauvre con ! A moins que tu ais peur de voir la vérité en face ? Parce que la personne qui « réduit ses progrès » c’est toi ! Rien que toi ! Et tu n’existes même pas ! James mérite mieux qu’un abruti même pas réel, vindicatif et jaloux. Tu le tires par le fond, faudrait peut-être que t’enregistres un jour mon pauvre.

Le tact ? Qu’est-ce que c’est, ça se mange ? En tout cas ça semblait loin, bien loin de Dakota dont la voix avait de nouveau attiré l’attention des badauds. Forte de la conviction d’avoir raison elle ne se souciait pas d’eux et concentrait toute son attention sur le Jules portant les traits de James et qui leur tournait toujours le dos.

- Non mais qu’est-ce que tu lui apportes franchement ? A cause de toi tout le monde le prend pour un fou et il ne se fait aucun ami dans le monde réel. Tu brides ses relations sociales, tu dégrades l’opinion des gens sur lui. Tu en fais un être triste et seul… ose me dire le contraire en me regardant en face. Prouve-moi que j’ai tort.

Un rire amer s’échappa de ses lèvres alors qu’elle prenait Selene à partie d’un regard entendu.

- Cela dit autant nier le fait que la terre tourne autour du soleil.

Elle le méprisait si profondément qu’elle n’arrivait pas à trouver les mots exacts qui reflétaient sa pensée. Il n’était rien et arrivait encore à lui pourrir la vie à elle, Dakota Earnshow. Elle ne voulait pas que James s’en aille mais son orgueil lui interdisait de courir derrière lui tant que cet imbécile congénital d’ami imaginaire serait aux commandes. La phobophoba lui tourna donc le dos à son tour pour s’éloigner dans l’idée de trouver cette fichue bibliothèque.

Le sac qu’elle avait entre ses jambes ballotait de gauche à droite au gré de sa marche et elle ne consentit à le retirer que lorsqu’elle fut hors de vue des autres. Pas besoin de les attendre, ils la rejoindraient probablement dans quelques heures tout au plus même si des pas dans son dos lui indiquaient qu’une personne au moins cherchait à la suivre.

Selene se demanda un instant si elle n’aurait pas mieux fait de se taire. Certes Jake parut immédiatement d’accord, mais le pirate paranoïaque s’insurgea contre l’idée de la bibliothèque. La rouquine ne comprenait pas trop ses arguments, et ne put que le fixer d’un air désemparé. Elle venait de lui dire ce qu’elle comptait y trouver ; et même si elle n’avait aucune certitude de réussir, rien ne valait le coup d’essayer. Quant au fait que ce soit grand et silencieux, l’adolescente ne saisissait pas bien en quoi cela était un obstacle, mais après que Sydney ait répondu au psychotique torse-nu avec un sarcasme assez cassant, elle lui dit timidement :

- Tu sais, tu n’es pas obligé de rentrer avec nous… dans la bibli…

James s’était éclipsé pendant ce petit échange. La galloise avait été tellement absorbée par l’observation de ses pieds qu’elle ne s’en était même pas encore aperçue. Ses yeux noisette scrutèrent alors les environs, bouche entrouverte prête à poser le fatidique « bah, il est où ? », mais finalement, le psychotique revint vers eux avant qu’elle n’ait eu besoin de le demander. Néanmoins, il semblait changé ; son visage était plus dur, presque mauvais, une expression qu’elle ne lui avait jamais vu.

- J-James ?

Il l’ignora complètement et agrippa Dakota au col pour lui jeter à la figure des paroles que la rouquine ne comprenait pas vraiment. On aurait dit une toute autre personne, notamment lorsqu’il ajouta qu’il partait seul en « emportant James ». C’était bien le visage de l’adolescent mais pourtant… serait-ce Jules qui parlait à travers lui ? Ce serait ça sa maladie en fait, il souffrirait d’un dédoublement de personnalité ?

En tout cas, le regard glacial qu’elle reçut de Jules – qui s’exprimait au travers du corps de son créateur – la fit frissonner des pieds à la tête. Comment le jeune garçon qu’elle aimait bien, avec lequel elle discutait futilité ce même matin, pouvait-il désormais les envoyer balader avec autant de mépris ? Estomaquée, Selene ne sut pas quoi répondre mais la phobophobe, elle, n’avait pas perdu sa langue. La vulgarité de cette dernière l’a fit d’ailleurs sursauter ; non plus qu’elle n’y était pas habituée – elle était ado après tout – mais entendre cette gamine haute comme trois pommes lancer des insultes avec tant de hargne avait quelque chose de perturbant.

Pour la deuxième fois en moins d’une dizaine de minutes, leur groupe retenait l’attention des passants. Peut-être que le maire allait revenir vers eux en les priant de cesser de mettre le bazar sur la place de sa mairie, ou bien la polie – si elle existait ici – viendrait les arrêter pour perturbations sur la voie publique. Les pics de la blondinette, bien que violents et blessants étaient tous vrais, objectivement. Cela confirma d’ailleurs ce que songeait la toquée – que James avait consulté pour un trouble dissociatif de la personnalité – et donc que c’était Jules qui les avait si durement envoyés se faire voir.

La galloise fut rassurée de savoir que son ami, celui qu’elle aimait bien, n’était pas responsable de ce soudain revirement d’humeur ; mais lorsque Dakota la prit à partie d’un regard entendu, elle se sentit crouler sous la gêne. Timidement, elle hocha la tête, signe qu’elle était globalement d’accord, mais détourna ses yeux noisette vers le ciel bleu et ensoleillé. Les évènements de la nuit lui revinrent, si nette que la douleur qu’elle avait ressenti quand les paroles de la surdouée l’avait cinglée directement était encore vive. Tant de choses sous-jacentes dans ce groupe en apparence coopératif, surtout de la part de la blondinette.

Selene réalisait que cette dernière était capable d’une méchanceté verbale qu’elle se gardait bien d'exprimer en temps normal. Que penser alors ? Qu’elle était hypocrite et qu’elle n’éprouvait absolument bien pour eux ? Qu’elle était strictement cette statue de glace sans cœur ? Difficile à croire quand on la regardait pourtant, elle n’était qu’une gamine, plus jeune qu’elle… comment avait-elle pu souffrir pour en arriver à si peu d’humanité ?

Ses deux amis s’éloignaient dans deux directions différentes, et la toquée ne savait pas lequel rejoindre. Néanmoins, Jules lui faisait peur désormais, et elle ne savait pas combien de temps durerait la crise du psychotique. Convaincue que James les retrouvera une fois qu’il aurait reprit ses esprits, elle s’élança à la suite de la phobophobe et ne parla qu’une fois à sa hauteur :

- Dakota ! Ce… ça va ?

Elle ne savait pas trop pourquoi elle posait cette question, peut-être parce qu’intuitivement, elle avait eu l’impression qu’une corde sensible de sa cadette avait été fragilisée. A bien y réfléchir, peut-être était-ce pour cela qu’elle s’était montrée si cassante avec Jules, elle aimait bien James ? Selene ne savait pas quoi dire de plus, elle avait aussi peur de subir les flammes de la benjamine en fait. Ses doigts se mirent à frénétiquement gratter l’intérieur de ses paumes, elle aurait bien voulu faire apparaitre l’un de ses amis déjà, mais elle n’osait rien faire devant la surdouée. Elle se contenta de chercher ses yeux bleus glaciers de son regard sincèrement inquiet.

Jake restait sceptique par rapport au pouvoir qu'il avait, semble-t-il activé tout à l'heure. Peut-être l'avait-il activé inconsciemment pendant le rêve dont James l'avait sorti. Il se demandait avec l'air d'un gamin de huit ans découvrant les cadeaux sous le sapin de noël quel pouvoir il pouvait avoir. L'invocation d'un super dragon! ... à priori non, vu que la pièce n'avait pas explosé... peut être un pouvoir négligeable... sûrement... mais c'était cool quand même!

Notre exhibitionniste/fétichiste/gay/adepte du BDSM/fou/cinglé/accro aux salles de musculation préféré ne semblait pas trop se préoccuper de la situation présente, surtout après la violente réplique de Sydney, remarqua qu'un étrange petit animal le regardait avec admiration depuis tout à l'heure. Cette petite et toute mignonne créature ressemblait fort à un petit bébé chat, mais un petit bébé chat noir ailé avec d'étranges lignes rouges qui se baladaient sur son corps! Et qui parlait visiblement... mais le gros problème, c'était qu'il se trouvait dans une animalerie. Le coup de foudre animalier l’amena à réaliser qu'il n'avait aucun moyen de se payer quoi que se soit...

Apparemment la monnaie Dreamlandienne était le "Rubz" et un familier aussi craquant avec des pouvoirs valait... 5 000 Rubz. Peut-être l'équivalent du dollar? En tout cas il se dit qu'il voulait un familier! Mais la situation présente le ramena à la réalité... En effet James avait soudainement changé de comportement et semblait avoir eu une discussion serrée avec Dakota. Le groupe se scinda, Selene rejoint Dakota, et Jake se sentit l'idée de rejoindre James, même s'il sentait que l'idée tirait dans le suicide, ou la torture... ce qui acheva de convaincre Jake de le suivre...

-Attends James!

Selene venait d'émettre une idée brillante : il n'était pas obligé de les suivre ! Après tout, c'était largement plus fun de se faire assassiner tout seul, dehors ! Mon dieu... Il était foutu s'il restait seul plus de deux minutes. Il serait encore plus risqué de se séparer du groupe que d'entrer avec eux dans la gueule du loup. Enfin... En temps normal parce que là, le "groupe" venait de se scinder en deux : Dakota's team et Jules' team. *Il faut vraiment que je choisisse..?

Aller réconforter Jules/James avec Jake c'était s'opposer à Dakota, la chef du groupe. Ne rien faire, c'était se mettre à dos le chien de garde - Jules - et risquer de perdre le seul... Ami..? Qu'il avait ici : James...
"A ou B ? Répondre C !" Sauf que là, c'était plus difficile que ça... S'il s'écoutait, Sydney serait déjà parti visiter la ville en solo, ou du moins continuer sa migration via banc-express "notre compagnie est bancale"... Ca ferait un super slogan !!
Sauf qu'il n'avait pas envie de devoir tout recommencer, de devoir se réintégrer dans le groupe comme le pauvre Jake devrait le faire. Dakota ou James ? Suivre l'un c'était perdre l'autre. Rhaaaa !!! Ils le faisaient exprès pour le tirailler mentalement, c'est ça !? L'option du canular n'était cependant pas vraisemblable à moins que les voyageurs soient doués d'un talent théâtral caché depuis longtemps.

Incapable de choisir, il tira à pile ou face dans sa tête. Rien de mieux que se forcer la main pour savoir ce qu'on voulait vraiment. Il tira de sa bourse une pièce d'un rubz qu'il jeta discrètement en l'air. Pile, c'était Dakota, face c'était James.
Pile. Mouais... Pas convaincu... Après tout, qu'avait-elle fait à part le menacer à l'aide d'un fantôme, d'une épée, de paroles...
Face. Hm. C'était plus acceptable. Mais Jules collait vraiment la frousse ! BAH ! Au diable la peur de tout et de tout le monde, il avait l'occasion de se socialiser un peu, il n'allait pas abandonner en si bon chemin !

Il courut dans la direction de Jules, puis rattrapant Jake, il lui emboîta le pas.
- Jules... Attends, s'il te plaît. Jules !! Diantre ! Ce garçon était encore plus têtu qu'une mule ! Le pirate pressa le pas pour arriver à la hauteur du jeune homme au regard durci par la colère. Jules... Je te demande de réfléchir juste une seconde... Où ira-... Où irez-vous, tous seuls ? Je ne sais pas si tu étais là quand James et moi avons parlé, ce matin mais ce qu'il m'a fait comprendre, c'est que bon gré mal gré, le voyage est plus sûr en groupe ! Et puis peut-être qu'on vaut rien, oui. Tu as sans doute raison. Mais j'ai perdu DIX ans de ma vie à penser la même chose ; à penser que personne ne voudrait me parler sans me vouloir du mal. Jusqu'à ce que je rencontre James.

Il marqua une pause, puis reprit Ouais, bon ok, dit comme ça, c'est stupide, mais... Eh ! Tu m'écoutes !?
La seule chose que Syd pouvait lire sur le visage de ses compagnons était du mépris. Ah non : c'était du dégoût. Pourquoi ? Qu'avait-il dit ? Il leva ses mains en signe d'incompréhension puis remarqua que celles-ci revêtaient de drôles de menottes... il regarda son corps du mieux qu'il put : tout avait changé, il ne portait plus son déguisement de pirate. Il posa sa main sur sa tête : *DIANTRE !!* Son bandana avait disparu, laissant place à une sorte de... Truc qui... Qui lui collait à la tête, impossible de l'enlever !
Un bref passage de sa main sur ses tempes lui permit de reconnaitre la forme de deux boulons.

Deux boulons dans la tête, une allure repoussante, aucun doute : il était transformé en une sorte de Frankenstein !

Spoiler:

Ah ouais... V'la l'genre...

Se retournant en direction de Dakota et Selene, il réitéra son signe d'incompréhension. La réponse fut identique : dégoût total. La journée s'annonçait super... VRAIMENT !!
Qui était à l'origine de ce truc ? Un mage surement ! A moins que ça ne soit une mauvaise plaisanterie de la part d'un des sbires du Marchand de Sable !! Une malédiction ancestrale ?
Non : tout avait origine ici, à Gloutoniskaïa ! Un des mages se riait de lui ! A défaut de savoir qui était le responsable, il accusa le maire dans un grognement incompréhensible. Après tout c'était son job de gérer ses zigotos et soit il venait de s'en montrer incapable, soit il était mouillé dans cette histoire. L'un comme l'autre étant inadmissible, le pirate Frankenstien se promit de lui faire la remarque à l'occasion.

A ce stade là, ne restait de viable que le choix C : ni Dak ni James. Il s'assied donc sur un banc - pour changer - et croisa les bras pour exprimer son indignation. Ils voulaient du monstre, ils en auraient : Sydney Miles était vraiment, VRIAMENT de mauvaise humeur !!

Il ne s'attendait pas vraiment à ce que Dakota comprenne. Et de quoi parlait elle ? C'était Jules qui avait empêché James de lui venir en aide avec ce poulpe. Pas besoin de mettre une vie en danger, surtout la sienne. Le jeune homme s'était arrêté pour écouter son blabla lui tournant toujours le dos. Il n'allait pas nier qu'il était un peu un frein pour James dans la vie courante mais c'était lui son créateur, lui qui le faisait apparaître. Triste et seul, c'était comme cela que Jules l'avait "trouvé". Tant que ses sentiments étaient présents dans l'adolescent il serait toujours là. Etait ce sa faute si les humains étaient sans coeur et des traitres ? Jules n'avait de toute façon aucune justification à donner sur son comportement. Son travail c'était de protéger James et de le rendre heureux autant que possible.

- Tu as faux sur un point...J'ai retenue James de te sauver de poulpe alors qu'il allait se ruer dessus comme un con pour te sauver?

Il voulait au moins rétablir ce point puis reprit sa marche. Derrière lui la voix de Jake hurlant le prénom de l’adolescent parvint à ses oreilles rejoint peu après par le sien. Qu'ils étaient chiants. James/Jules soupira et s'arrêta de nouveau lorsque Sydney arriva à son niveau. Ce dernier lui sortit tout d'un discours qui ne laissa rien transparaître sur le visage de James. Il l'aimait ou quoi ? C'est alors que le pirate se retrouva d'un coup affublé d'un déguisement horriblement répugnant où un air de dégoût ne put s'empêcher de s'afficher sur ses lèvres. Qu'est ce que c'était que ça ? En tout cas cela sembla vexé Sydney qui alla bouder dans son coin.
Même si il était écoeurant et que il ne donnait pas du envie de venir lui parler, James avait envie de rire devant ce Frankenstein étrange, qui boudait. Cela dit il ne tarda pas à le rejoindre dans le monde d'Halloween et sentit un vent frais parcourir ses jambes.

- Youpi moi aussi je suis déguisé...!

L'adolescent se demandait bien en quoi et imagina un miroir dans sa tête pour voir. L'objet se matérialisa comme par magie devant lui et James put alors se mirer. Ses yeux s'écarquillèrent et le rouge monta rapidement à ses joues devant sa tenue, s'empêchant de faire un "kyaa".

Spoiler:

Gêner James ne savait plus où se mettre et naturellement il ne pouvait pas se trimballer comme ça avec deux mecs autour de lui ça faisait trop...trop...bizarre !

- On va...on va rejoindre les autres !

Balbutia t-il avant de s’exécuter marchant tant bien que mal avec ses chaussures à talons en direction des deux filles. Une fois arrivé James s'adressa à Dakota sans oser croiser son regard. De un à cause de sa tenue et de deux pour le comportement de Jules et le sien par la même occasion.

- Je suis désolé d'être inutile...et de n'avoir pas pu te sauver encore une fois...Même si tu veux plus de moi, je veux rester avec vous...!

Dakota était en train de faire émerger son sac de nourriture improvisé d’entre ses jambes maigres lorsque Selene arriva à sa hauteur. Elle se le passa en bandoulière avant de répondre à sa question que n’importe qui aurait trouvé mignonne, voir charmante… gentille en tout cas. N’importe qui sauf Dakota qui la trouvait juste agaçante. Elle ne supportait pas qu’on fasse preuve de pitié envers elle, car si on le faisait cela signifiait qu’elle faisait pitié et ça c’était intolérable. Son regard inquiet était plus blessant qu’une lame pour l’ego démesuré de la gamine dont le regard glacé fusilla celui de la rouquine.

- Pourquoi ça n’irait pas ?

Son ton était sec et cassant, de ceux qui font mourir dans l’œuf les tentatives de conversation. Elle ne savait même pas ce qui la retenait encore de tous les planter sur place, mis à part la peur d’avoir peur de se retrouver seule bien sûr. Même si Jules avait avoué que le coup de la nuit sanglante était de lui, elle ne pouvait s’empêcher d’en vouloir à James pour sa lâcheté encore fraiche. Entre un ami sur qui on ne pouvait compter, un presqu’inconnu qui les fuyait à la moindre occasion, un adepte BDSM et une fille naïve qui se faisait visiblement bien des illusions sur son compte, Dak’ ne savait plus trop quoi faire. C’était bien d’avoir des gens sur qui compter en cas de problème, mais ceux-là étaient globalement tout sauf fiables.

Elle expira bruyamment pour montrer son irritation juste au moment ou un éclair de lumière orangée vint tourbillonner autour d’elle. Et elle savait bien ce que ça signifiait, tout comme ce rire moqueur qui lui donnait des envies de meurtre. Le souvenir du dernier Halloween était gravé dans son mémoire, et pas d’une bonne manière c’était le moins que l’on puisse dire. La peur d’avoir peur de se retrouver avec le même costume naquit au creux de son ventre, ses lèvres se pincèrent… avant de se détendre lorsqu’elle put enfin s’observer une fois l’esprit envolé.

Pas de chapeau gland, pas de combinaison rose et phallique, pas de testicule sur chacun de ses pieds. R.A.S. Malheureusement elle avait tout de même hérité d’un costume dont le désagrément lui sautait déjà aux yeux… ou à l’œil plutôt. Un masque très laid lui recouvrait le visage, avec un œil unique qui ne lui permettait, hélas, que de voir en deux dimensions. La surdouée avait la fâcheuse impression de regarder une simple photo, les individus ne se déplaçant que sur un plan unique totalement dépourvu de profondeur. Se concentrer pour tenter –en vain – d’évaluer les distances lui filait déjà la migraine.

Alors qu’elle sortait son miroir pour s’admirer brièvement, James arriva déguisé en… en… en prostituée avec un masque de poupée, se confondant en excuses. Il était attendrissant mais Dakota se contenta tout de même d’un haussement d’épaules pour signifier qu’elle s’en fichait. Elle aimait beaucoup James mais ça n’empêchait pas son ressentiment de la tirailler de l’intérieur comme une bête sournoise tapie dans ses entrailles. Elle shoota simplement dans un caillou pour laisser libre court à sa mauvaise humeur et à sa grande surprise la pierre fila à une vitesse hallucinante pour aller s’encastrer dans un mur.

Dakota resta interdite quelques instants avant de faire quelques pas, la main en avant. Ce devait être un simple effet de son imagination, ce devait être une petite poubelle proche et non une grande poubelle éloignée. Cette idée s’envola complètement lorsqu’elle eut parcouru 15 bons mètres. La benne lui semblait toujours aussi lointaine, ce qui voulait dire qu’elle avait hérité d’un don en plus de cette malédiction de vision en 2D.

- Je déteste Halloween, finit-elle par lâcher en tournant son masque ridicule en papier mâché vers ses camarades.

Les badauds ne semblaient pas se soucier de leurs transformations qui s’opéraient les unes après les autres, à croire que c’était un phénomène habituel dans le coin. C’était tant mieux mais ça ne changeait rien à l’inconfort de la situation. Un nouveau regard vers la tenue de James la poussa à l’un de ses rares traits d’humour, et ils avaient intérêt à en prendre note car le prochain n’interviendrait probablement pas avant très, très longtemps.

- T’as pris un abonnement minijupe et bas résille d’ailleurs ?

La réplique sèche de la gamine, sans parler de son regard, coupa nette à la rouquine l’envie de discuter. Elle ne comprenait pas vraiment pourquoi Dakota agissait de la sorte, ça l’attristait énormément, mais elle serra discrètement les dents et retint ses quelques larmes. Ses pensées furent distraites par un nuage orangé qui l’enveloppa, tandis qu’un rire moqueur résonna à ses oreilles de façon surnaturelle. Elle se souvenait parfaitement de la dernière fois que ce phénomène était apparu, et lorsqu’elle se vit affublée de chaussures à talons et de collants résilles, la jeune fille crut pendant un instant qu’elle avait écopé du même costume qu’à la dernière manifestation de l’esprit farceur.

Spoiler:

Néanmoins, le soleil ne lui brûlait pas douloureusement la peau, et elle eut beau le souhaiter, elle ne se métamorphosa pas en chauve-souris. Selene sursauta devant l’apparence relativement effrayante de la phobophobe, et eut la même réaction en voyant arriver James. Son masque de poupée, complètement figé dans une expression étrange était aussi inquiétant que sa tenue féminine était farfelu. L’adolescente voulut reculer d’un pas, mais le port de talons-hauts n’étant pas son fort, elle trébucha et dans sa chute, bouscula Jake qui suivait de près le psychotique.

Outre le fait que l’adolescente avait offert une superbe vue de ses sous-vêtements à qui voudrait bien les voir – heureusement, cette fois, Liam n’était pas là – son bref contact avec le dérangé de la température avait déclenché par inadvertance son pouvoir temporaire. Une petite sphère noire scintillait au dessus de la tête du concerné, Selene ne savait pas encore qu’elle était la seule à la voir, ni qu’elle serait son inconvénient. soulagée de voir que son amie avait retrouvé ses esprits, passé le choc de la première apparition des costumes, elle se redressa tant bien que mal et s’adressa à James avec un sourire timide :

- Je suis contente de te… euh… revoir.

Dakota choisit cet instant pour shooter dans un caillou qui fusa percer une benne qui se trouvait à au moins quinze mètres. Interdite, la galloise resta coite de surprise : à moins d’avoir une force qui dépassait l’entendement réel, personne n’aurait pu être capable d’un tel exploit avec autant de détachement. La surdouée devait avait hérité d’une super force, ou quelque chose comme ça, avec son costume de cyclope.

A la dernière raillerie de Dakota, la toquée crut que c’était à elle qu’elle s’adressait. Visiblement, au précédent passage de l’esprit d’Halloween, James devait aussi avoir hérité d’une tenue aguicheuse. Selene ne dit rien et se retourna pour apercevoir Sydney, toujours à l’écart, grimé en monstre de Frankenstein. Involontairement, une grimace de dégout étira les traits de la rouquine qui dit, hésitante, sans vraiment réaliser les mots qu’elle prononçait :

- Sydney ne vient pas… mais il est tellement laid que…

Soudain, elle plaque ses mains sur ses lèvres. Qu’était-il arrivé à sa voix ? Au lieu de son timbre doux et clair d’adolescente, voilà qu’elle avait l’horrible voix nasillarde d’une vieille sorcières digne du plus kitch des contes pour enfants. En quoi était-elle censée être alors, en fée carabosse ? Dépitée, elle baissa la tête, voilant alors son visage déconfit derrière l'auréole de son chapeau pointu.

Alors que Jake courait à ses risques et périls pour rattraper James qui s'éloignait du reste du groupe, il vit ce dernier se transformer en... en ..... en truc avec un masque et des vêtements de poupée gothique, ainsi que des collants à rayures.

Sydney, lui se transforma en un, BEUUURRRRKstein qui le dégoûtait au plus haut point et qui lui donnait envie de ne pas se rapprocher de lui. En effet, la chose immonde et puante qu'il était devenu lui donnait la nausée, et la sensation de remous dans le ventre qu'il avait subi de par le voyage jusqu'à Dreamland s'accentua et la chose qui devait arriver arriva. Un malheureux buisson dû se recolorer en marron cacao, couleur de son petit-déjeuner préparé avec soin et amour par ses très gentils et très gais/gays parents, qui lui manquaient déjà terriblement.

Selene, elle, devenait une sorte de sorcière bizarre, bas résille, chapeau pointu et costume farfelu qui rendait le tout inhabituel, très inhabituel, trop inhabituel, mais pourquoi inhabituel? Jake se rendit compte que les quelques minutes le séparant de son arrivées lui avaient semblées être des heures et lui firent comprendre que ses camarades le considéraient comme juste un passant qui s'attachait trop à eux, mais comme il conaissait leur prénoms, il n'allait pas lâcher l'affaire si rapidement.

Dakota, quant-à elle, devenait une sorte de cyclope avec une force assez colossale qui méritait un 10/10 au gros SHOOT dans un caillou qui avait failli détruire un mur placé derrière une malheureuse poubelle qui avait subi un HEADSHOT! Le phénomène bizarre allait bien ralentir tout les affronts qui lui seraient adressés, et les curieux allaient visiblement passer leur chemin, mais, bizarrement, il n'y avait pas de curieux. Tout le monde passait juste sans avoir une attention particulière à ces phénomènes, comme s'il avaient l'habitude.

1) Ne pas énerver Dakota-Cyclops au risque de se retrouver dans le décor avec un ou deux membres génitaux ou non en moins.
2) Ne pas faire de commentaire sur Sydney-Stein, même si l'idée était très prenante, mais encore remuante.
3) Ne pas dire à James-Doll qu'il n'aimait pas franchement les garçons portant des vêtements de filles, mais commencer à lui faire preuve de son amour fou et passionnel en espérant qu'il soit au moins bi ou gay.
4) Ne pas faire part à Sor-Selene de ses impressions vagues concernant son accoutrement bizarre, surtout sur le fait qu'elle ne devrait pas reporter la même chose.

*Ah, oui, ça doit être ça...* Jake se rappela qu'à son arrivée, il avait vu une affiche plutôt pour les enfants sur laquelle était écrit : "Prenez garde à l'Esprit d'Halloween!". Cet esprit frappait sûrement tout le monde à Dreamland pour Halloween tel Peeves l'esprit dans Harry Potter.

Alors qu'il entamait un second trajet pour rejoindre le groupe à peu près réuni, exception à un Sydney-Stein près, Jake était encore tout étonné et ne fit pas attention à Selene qui le renversa, et par la même occasion lui fit perdre le sens l'équilibre. En effet, à chaque pas, il trouvait un moyen de se cogner contre un gros pavé et manquait de peu de s'étaler à plat devant tout les autres. Mais ceci arriva quand il se retrouva face à James. Un étrange nuage orangé suivi d'un rire moqueur le transforma en la même créature bizarre et efféminée que James et le fit perdre son équilibre et entraîna James dans sa chute.

Ils étaient désormais face à face, par terre, une scène typique d'un film d'amour mes direz-vous? Mais l'adolescent rougissant sous la position abordée par le hasard ne se ramassa pas qu'un simple livre sur la tête, mais trois grosses encyclopédies qu'un mage venait de faire tomber. Malheureusement pour lui, la tête de Jake ne tomba pas sur les lèvres de James, mais sur les gros pavés bien durs qui ne firent pas peu mal au dérangé de la température.

Une fois relevé et le mal de crâne passé, Jake s'adonna à une réflexion interne qui avait pour but de résoudre les quelques hésitations de son mental, mais la voix rauque et nasillarde que Selene arborait lui parut bien étrange.

-Quelqu'un peut me dire ce qu'il se passe?

Entre tout ces phénomènes, Jake était totalement paumé et se laissait progressivement gagner par une sorte d'incompréhension générale qui lui faisait remettre en cause la cause de son arrivée à Dreamland, contrée vaste, inconnue, étrange et surtout qui vous faisait perdre facilement la boule si vous étiez tout seul.

Sydney regardait - de loin - ses amis se transformer tour à tour. Chaque costume semblait pourvu d'un pouvoir bien spécifique et manque de pot, le sien c'était de puer ou de rebuter tout être vivant qui daignait poser un regard sur lui. Bon... Rien d'anormal pour la journée d'aujourd'hui.

Si Dakota avait gagné une force surhumaine et Selene une voix affreuse, le piratenstein n'avait encore aucune idée du plus qu'apportaient les costumes de Jake et James. Les voir tous deux dans des corps à ce point semblable avait quelque chose de réellement troublant. Physiquement il était impossible de les distinguer et c'était pas une bonne nouvelle. Se faisant passer pour James, Jake pourrait très bien tenter un coup fourré ou pire : Sydney faisant à peu près confiance au premier, le second avait un joker tout désigné pour lui faire tirer la dame de pique. Qui que ce soit, le paranoïaque maudissait intérieurement le responsable de ces transformations qui étrangement ne choquaient pas les gloutoniskaïens - mais ça il n'allait pas s'en plaindre...

Or donc, retour à la question initiale : comment distinguer Jake de James !? C'était impossible. Ah ? Pas tant que ça, en fin de compte : Jake c'était celui qui manquait de se casser la figure à chaque pas. Facile à retenir. Le bougre ne devait pas être très habitué aux talons hauts de poupée, certainement. Jak-arrémentpasdechance tomba finalement sur James et s'il ne s'était pas pris un-... deux.. Ah non : trois bouquins sur le crâne, il aurait été définitivement impossible de les distinguer l'un de l'autre. L'efficacité du moyen mnémotechnique n'était donc plus à prouver.

Sans doute pouvait-on les reconnaitre également à la voix, mais c'est comme si le petit groupe tentait de marquer une distance entre le parano' et eux. Ah oui... Le costume...
- S'il vous plaît, les gars... C'est pas marrant, ce costume... Je dis rien sur les vôtres alors par pitié arrêtez de me fuir, c'est frustrant, quoi...
Rien à faire, c'est comme si le fuir était devenu pour eux un réflexe comme le cœur de battre. Eh bien il les suivrait à distance, pas de problème... Après tout ça ne pouvait pas lui faire de mal...

Attendez une minute... Bien sûr que si, ça pouvait lui faire du mal ! A cette distance, ils pouvaient fomenter à loisir l'assassinat du pirate, et il n'entendrait rien du tout !! Eh bien tant pis pour le malaise ambiant, mais Sydney décida de se rapprocher du groupe. Un forcing était bien moins dangereux que les laisser planifier tranquillement leurs plans atroces.

- Si l'un de vous avait une explication à tout ça... Ce serait bienvenu. 'Pas que j'apprécie pas les blagues, hein *quoi que...* mais voilà... Me transformer en monstre repoussant c'était pas dans mes projets et je pense que c'est pareil pour vous, non ?

James se retrouva rapidement entouré d'une sorcière et d'un cyclope. remarque ce dernier déguisement était mieux que celui qu'avait eu Dakota l'autre fois...La blondinette shoota dans un caillou qui partie comme si il avait pesé rien du tout et alla s'écraser contre une poubelle. Alors ne pas énerver la plus jeune du groupe semblait être une bonne idée. Il se demandait bien qu'elle pouvait être le pouvoir de son costume à lui mais, que à présent ils étaient deux à revêtir. Heureusement que le masque sur son visage cachait la rougeur de ses joues en voyant Jake dans cette tenue. Il était pas fan non plus des mecs déguisés en filles mais bon...ça faisait toujours un petit effet.
Dakota lui lança alors une petite boutade à l'adolescent et si cette dernière se tentait dans l'humour à son égard c'était quel ne lui en voulait plus trop non ?

- Même paaaaaas...

James heurta durement le sol sous l'effet domino de Jake et Sélène. Il se retrouvait coincé sous son collègue qui en plus de cela reçut une pile de livres sur la tête. C'était vraiment pas de bol...Mais ça serait bien si le nouveau pouvait se relever car James n'avait pas l'habitude de servir de matelas à des mecs mignons. Le mec mignon en question finit enfin par se relevé et l'adolescent put enfin en faire de même époussetant sa mini robe. Sydney quant à lui avait fait son come back, pour leur plus grand déplaisir, et semblait pas content que les voyageurs le fuient. En même temps il était tellement horrible alors qui voudrait trainer avec ça ? James recule de quelques pas pour mettre une certaine distance et préféra répondre à Jake qui était beaucoup mieux à regarder même avec un masque qui cachait son beau visage et puis ça répondrait de toute façon par la même occasion à la question du monstre.

- C'est simple...il y a quelqu'un qui s'amuse à Halloween à déguiser les voyageurs pour l'occasion et chaque costume à sa spécificité. Par exemple le costume de Cyclope permet d'avoir une méga force et celui de Sydney...rien qu'à l'apparence donne pas envie de s'en approcher... Enfin ça finit par disparaitre au bout d'un moment quand même

James ne savait pas ce que son costume lui permettait de faire, en tant que poupée, car c'était ce lui semblait être le plus nominatif. Ou bien était ce une femme de ménage...? Bref.

- On y va à cette bibliothèque alors ? Elle ne doit pas être très loin

L’atmosphère semblait se détendre de nouveau entre James et elle, mais comme tout ne pouvait décidément pas bien se passer il avait fallu que Selene soit maladroite, que Sydney soit affublé d’un horrible costume et que Jake existe tout simplement. Les corps se heurtaient et s’empêtraient, gênés par leurs tenues ridicules et leur gaucherie abusive. La sphère noire au-dessus de la tête du blond en bas résilles ne devait pas y être pour rien mais Dakota avait d’autres chats à fouetter que de s’occuper de costumes idiots et maudits qui disparaîtraient sous peu.

Par exemple… le pirateinstein les suivait, et c’était bien plus dérangeant. Rien que le regarder suffisait à faire monter en elle des poussées de haine et de rejet aigües. Il était horrible, si horrible qui ne méritait pas de vivre, pour sûr. Et pourtant il s’acharnait à les suivre comme un chien galeux guettant les quelques miettes qui vous tomberaient de la main par inadvertance. Et il geignait en plus, se plaignait, mendiait leur amitié ! Il grattait centimètre par centimètre pour réduire l’écart entre lui et le groupe jusqu’à dépasser le seuil limite du supportable.

- Dégage, tu es monstrueux !

James venait à peine de finir ses explications que Dak’ poussa avec brusquerie Sydney sans penser un instant à sa force démesurée. Le contact violent de ses petites mains avec les épaules de son ainé fit voler celui-ci sur plusieurs mètres avant qu’il ne vienne heurter les pavés. Une chance, vraiment, que son don temporaire lui évite de ressentir la douleur…

Sous son masque en papier mâché la surdouée toisa la chose qu’elle se refusait d’appeler « homme » dans l’enceinte de son crâne. Ce n’était plus celui qu’elle avait connu, juste un monstre dérangeant, inhumain et source d’une foule de sentiments négatifs. Si ça n’avait tenu qu’à elle, elle l’aurait abandonné ici même sans une once de remord.

- On peut y aller maintenant, répondit-elle avec froideur à la question de James.

En toute logique la bibliothèque devait se trouver soit dans le centre-ville, soit du côté des établissements scolaires de la ville. Le problème était qu’elle n’avait aucune idée de l’endroit où se trouvaient l’un et l’autre ce qui la poussa à se résigner à ce que les hommes ne font sous aucun prétexte dans l’espoir de préserver leur virilité : demander son chemin. En tant que représentant du sexe faible cela ne posa aucun problème à Dakota qui alpagua le premier passant venu pour lui demander la direction de l’usine à savoir la plus proche.

Aux vues de ce qu’il lui répondit, il n’y avait qu’une bibliothèque à Gloutoniskaïa et elle se trouvait du côté de l’université à une dizaine de minutes de marche de l’endroit où ils se trouvaient actuellement. Elle écouta attentivement les instructions pour ne pas en perdre une miette et se mit aussitôt en chemin. Les autres suivraient bien non ? Même ceux dont elle ne voulait pas d’ailleurs…

La phobophobe était bien déterminée à ouvrir le chemin sans attendre personne, quitte à ne les retrouver que quelques heures plus tard mais c’était sans compter sa vue handicapante en deux dimensions. C’était particulièrement fastidieux de se repérer, et bientôt la peur d’avoir peur de se tromper et de se perdre fit surface. L’angoisse fut suffisante pour la pousser à s’arrêter et attendre sagement la première personne qui arriverait à sa hauteur. C’était frustrant et affligeant, rien que penser à son incapacité la rendait honteuse. Sous son costume le rouge lui montait aux joues, marque d’infamie que personne heureusement ne pouvait contempler.

Lorsque le premier de ses compagnons arriva à sa hauteur, elle lui saisit fermement le bras – en lui faisant mal au passage – et lui glissa avec une réticence plus que visible :

- Je vois en deux dimensions, je n’arrive pas à me repérer convenablement. Tu peux ouvrir la marche en fonction des instructions que je vais te donner ? Je ne tiens pas à me perdre, surtout pas comme ça.

Elle désigna d’un geste explicite sa tenue avant de lever les yeux au ciel sous son masque. Qu’est-ce qu’il ne fallait pas faire quand même… dépendre des autres était une bien horrible punition. En y réfléchissant bien elle aurait même préféré porter son immonde costume de l’année précédente. Cette pensée lui échappa d’ailleurs dans un murmure qui aurait pu troubler n’importe qui non encore informé de sa dernière aventure d’halloween :

- Être un pénis était bien plus facile…