Il n'y a pas d'âge pour apprendre à recevoir

A en croire James et Dakota, ses deux idées avaient été mauvaises. En ce qui concernait celle de la faille dont elle avait parlé, elle se demandait intérieur en vertu de quoi la surdouée pouvait affirmer qu’elle n’y croyait pas ? S’ils étaient revenus et que leurs pouvoirs avaient traversé, qu’est-ce qui garantissait que rien d’autre de Dreamland n’avait suivi le même chemin ? A cette pensée, la rouquine se dit qu’il serait alors possible qu’Asmodée ait également rejoint le monde des rêves. Finalement, elle préférait croire que seuls les voyageurs et leurs capacités spéciales avaient assuré le voyage. L’idée que son ancienne tortionnaire puisse se trouver quelque part à San Francisco lui tira un frisson.

La télé s’alluma brusquement. Ils n’avaient pas zappé que les flashs infos concernant des problèmes indubitablement liés aux voyageurs s’enchainaient à ne plus savoir où donner de la tête. Si leur groupe s’était montré plutôt discret, manifestement, d’autres n’avait pas perdu de temps pour se faire remarquer. Selene espérait qu’aucun de ses semblables qui se soient déjà fait repérer ne provienne de chez Parkinson, sans quoi leurs heures de liberté étaient comptées à tous. Dakota traduisit une autre forme de sa pensée à haute voix avant de faire les cent pas dans sa chambre.

La toquée ne savait plus vraiment quoi faire ni quoi proposer. Finalement, la première phase du plan qui consistait à savoir comment ils retourneraient à Dreamland n’était pas la plus simple à régler. Avant même que leurs péripéties n’aient réellement commencées, la galloise n’en voyait plus le bout et elle poussa un soupir qui symbolisait une sensation de totale impuissance. La phobophobe réintégra sa place derrière son clavier et James regardait toujours les informations qui ne tarissaient pas au sujet des voyageurs. Une série d’interviews à chaud étaient diffusées et toutes sortes d’avis apparaissaient à leur sujet, depuis celui qui voulait qu’on les enferme tous dans un laboratoire à celle qui proposait que le gouvernement mette en place un service d’aide et d’intégrations aux personnes « hors du commun ». Bien sûr, beaucoup criaient au canular et s’insurgeaient que l’état laisse se déployer un aussi gros réseau de « plaisanteries de mauvais goûts ».

Ne sachant plus que faire, Selene alla s’isoler à l’extrémité la plus éloignée du canapé. Elle ne voulait pas risquer de réveiller Myia en reprenant place sur le lit, et sentait le besoin de s’écarter légèrement. Toute cette succession de témoignages et de reportages à leur sujet l’angoissait : elle avait besoin d’un épouvantail. Un beau. Une fois installée, elle esquissait un grand spécimen de ses amis, chapeau rempli de paille et sourire cousu, yeux en boutons et nez grossièrement peint. Instantanément, dans un petit bruit de papier froissé, une pilule bleue se matérialisa devant les yeux de la jeune fille en tomba rebondir sur son carnet et roula sur le sol. Elle se pencha pour la ramasser et la dressa devant ses yeux. Elle ressemblait à un médicament, comme un antidépresseur du type valium ou quelque chose comme ça.

Juste pour voir, elle continua timidement son dessin, sans quitter sa trouvaille des yeux, mais rien d’autre ne se produisit. Intriguée, elle dressa son cachet au moment où Dakota achevait de donnait ses indications et déclara :

- Je crois que j’ai un autre pouvoir… enfin… j’sais pas… je dessinais, et c’est apparu…

Les images qui passaient à la télévision était vraiment terrible ou plutôt c'était ce que les voyageurs commettaient qui l'était. Maintenant l'adolescent comprenait mieux pourquoi les Elispiens ne les appréciaient pas si das leur monde des fous exerçait leur pouvoir avec de mauvaises intentions. Ca ne serait jamais passé dans son esprit de faire apparaître un objet dans le but de tuer...C'était tout simplement impensable pour le garçon. Après avoir parcourut sa chambre Dakota repartit devant son ordinateur tandis que Sélène s'était mise dans un coin comme si elle fuyait quelque chose. James lui lança un regard interrogateur puis reprit le cours des informations qui défilait devant ses yeux. Qui sait peut être qu'un nom de psychiatre sortirait, en point commun de ces gens paranormaux. James se demandait si les autres qui avaient voyagé avec lui avait prit connaissance de cette nouveauté ? Ou bien si ils faisaient parti de ceux qui montrait leur pouvoir...Bien qu'à sa connaissance il n'y avait personne de ce genre dans ses fréquentations.
Il fut tiré de ses pensées par leur hôte qui déclara attendre des confirmations sur la psychiatre que les deux filles avaient vus sur internet. Proposant par la suite de la faire venir ici vu qu'elle n'avait plus à caché le fait qu'elle consultait.
James n'eut pas le temps de répondre que Sélène s'exclama tenant dans ses mains un truc bizarre en expliquant qu'elle venait d'avoir un nouveau pouvoir. C'était pas drôle...Lui il avait toujours le même et Jules aussi. Enfin c'était tant mieux pour ce dernier qui en abusait bien assez comme ça. James se leva pour voir de plus près et fronça les sourcils :

- On dirait un médicament...Ca se trouve c'est du poison ?

ses yeux furent attiré par le carnet de la demoiselle où sur la page était dessiné à ce qui devait être un épouvantail. Elle dessinait cette chose, la devenait...Un problème avec les épouvantails ?

- Ou alors il transforme en épouvantail...

Rajouta t-il avec un demi sourire avant de retourner s'asseoir sur le lit. C'était pas un sujet primordial pour le moment. James regarda alors Dakota pour s'enquérir de bonnes nouvelles :

- Du nouveau...?

Le sourire qu'esquissa Miya fit plaisir a Zephyr qui lui rendit son geste. Elle n'avait vraiment pas l'habitude qu'on montre un quelconque élan de gentillesse à son égard. Elle croisa ses jambes et écouta la théorie de Dakota qui était loin d'être sotte. En effet, la traumatisée en avait vu des psychologues mais aucun ne l'avaient conduit jusqu'à Dreamland. Le seul étant le pétochard qui les avaient abandonnés au lieu d'assumer les conséquences de ses pratiques.
Lorsque la phobophobe proposa de prendre l'ordinateur tour a tour, la jeune fille mesura enfin l'ampleur des recherches qui devaient etre effectués. Cela pouvaient prendre des heures, voir des jours... Zephyr se demanda alors comment feraient les autres voyageurs éparpillés un peu partout dans San Francisco pour retourner a Dreamland, surtout s'ils n'avaient pas de connexions internet...

Dakota pris le premier tour, pianotant a une vitesse effarante sur son clavier. Selene l'accompagnait, penchée devant l'écran. Zephyr pensa en elle-même qu'il était inutile qu'elle participe pour le moment. Etre 2 ou 14 personnes devant l'écran ne changerait rien. Elle resta donc assise sur le canapé, profitant de cette courte pause pour envoyer un message à sa famille d'accueil, prétextant la rencontre d'une vieille amie qui l'avait invité a passer quelques jours chez elle. " Tout va bien, je vous aime. " La traumatisée sentit un pincement dans sa poitrine. Cela ne faisait que quelques heures qu'elle les avaient quittés mais après son retour de Dreamland, elle avait l'impression de ne pas les avoir vu depuis des mois.

*Peut-etre même depuis un an ?*

C'est alors que Dakota annonça qu'elle avait trouvé quelque chose. La découverte de son hôte laissa Zephyr bouche bée. Ce tyran de Georges Mickles n'était autre qu'un voyageur dans le coma. Certes, cela tenait debout mais la traumatisée eut du mal a admettre que ce fumier de capitaine qui les avait mis en esclavages était un des leur. Il aurait du se trouver en cage lui aussi... C'est alors qu'elle se posa une question.

- Je me demande quel est son pouvoir. Car chacun de nous ici, sait que nos pouvoirs sont en liens avec nos soucis mentaux. Or, le capitaine n'est pas victime de cela..

Ce fut le moment que choisit Myia pour se lever, ce qui engendra un contact avec la traumatisée qui se raidit. Les muscles de sa machoires se contractèrent alors qu'un élan de panique l'envahissait. Elle n'avait pas été assez vigilante et elle devait le payer.

*Non ! Non, je ne veux pas ! Pas encore! *

La voyageuse attendait que son pouvoir se déclenche mais en vain. Des souvenirs enfouis ne revinrent pas a la surface comme toutes les autres fois précédentes. Zephyr expira un grand coup, peut-etre était-elle guérie au fond ? Ou alors, il était possible que Myia soit insensible au don de la jeune fille ... Toujours est-il que la traumatisée leva un regard reconnaissant a la curieuse femme en rouge qui sortait déja son portable. Certes, elle aurait souhaitée la remercier mais suite a son appel, elle s'assoupit sur le rebord du canapé. James eut alors une idée lumineuse. Dreamland, monde du rêve, c'était terriblement logique. Tellement que personne n'y avait pensé. Même Dakota le reconnu avec un semblant de sourire.

C'est alors que Selene parla de l'autre psychiatre. Zephyr ne savait pas vraiment si c'était une bonne idée. Avec tous les charlatans qui couraient les rues de San Francisco ...

- Peut-être devrions-nous nous informer davantage sur cette personne ?

Quant a la page internet, elle risquait de prévenir tout San Francisco ! Malheureusement Jules démontra qu'il était déja trop tard : a la télévision des journalistes parlaient de faits incroyables et quasiment impossibles. Sauf venant de Dreamland. Dakota jeta la télécommande sur le canapé avant d'entrer dans une grande réflexion. Suite a laquelle elle choisit la solution de la psychiatre, retournant a son clavier, elle affirma attendre des informations sur cette femme. Zephyr approuvait totalement ce choix.
Selene brandit alors une petite pilule bleue, parlant d'un nouveau pouvoir.

*Il ne manquait plus que Ça...*

James paru s'en inquiéter quelques minutes mais s'en détourna finalement pour demander des nouvelles à Dak'. Zephyr, jeta a un oeil à l'écran sur lequel défilait encore les informations. Si un nom de voyageurs apparaissait, il ne fallait pas le rater. On ne savait pas qui s'était fait remarqué mais si un patient de Parkinson parlait, chacun des voyageurs serait en danger.

Non seulement ils gardaient leurs pouvoirs mais ceux ci évoluaient même dans le monde réel ? L'adolescente fixait la petite pilule dans le creux de la main de la rouquine, l'air plus intéressée que surprise. Elle s'y attendait un peu à vrai dire, mais entre supposer et en avoir la preuve il y avait un véritable fossé qui venait d'être comblé. Les suppositions que fit pleuvoir James n'étaient pas rassurantes du tout, et maintenant qu'il les avait exprimé il y avait bien peu de chances pour que quelqu'un veuille bien l'avaler pour faire le test. Et pourtant Dakota mourrait d'envie d'en connaître l'effet. Après tout s'il s'agissait d'un don dans la lignée de celui qui avait été utilisé sur elle dans la limousine elle pourrait facilement y trouver un intérêt personnel.

Mais avec aucun cobaye on restait au point mort. A moins que...

La gamine appuya se leva pour rejoindre l'interphone à l'entrée de sa chambre et appuya sur le bouton. Lorsqu'une voix lui répondit enfin elle demanda à sa femme de chambre de venir. Alors que celle-ci traversait l'immense demeure pour rejoindre la pièce où ils se trouvaient réunis, Dakota en profita pour prendre le médicament mystère des mains de la toquée puis attendit patiemment qu'Ally pointe son nez. Elle ne tarda pas et à peine fut-elle entrée que Dak' lui mit sa main sous le nez, le nouveau pouvoir de Selene dans le creux de sa paume.

- Avale ça, ordonna-t-elle imperturbable.

L'employée recula de deux pas, l'air d'hésiter entre la peur et la vexation.

- Mais mademoiselle ! Je suis femme de chambre, pas cobaye ! Il est hors de question que je...

- Avale ça ou j'irais dire à ma mère ce que Dean et toi faites régulièrement dans son cellier. Je suis sure qu'elle en sera ravie. Qui sait, vous aurez peut-être même une augmentation ? Ironisa la surdouée avec un sourire pâle et cruel.

Ally blêmit aussitôt alors que ses lèvres se mettaient à trembler. Elle ne pouvait pas savoir ! Comment le pourrait-elle ? Elle n'avait pas de preuve ! Et ce chantage immonde... de la part d'une enfant qu'elle avait vu grandir, la déstabilisait complètement. Elle chercha les yeux de Dakota pour y lire une éventuelle blague mais ne trouva que froideur et détermination. Déglutissant bruyamment elle prit la pilule dans la paume de la main tendue vers elle, la fixa un instant puis la gobe tout rond. La peur à l'idée d'avoir avalé du poison ou de la drogue emballait son cœur mais bientôt elle se sentit débarrassée de sa crainte de mourir et de sa colère pour avoir dû se mettre en danger. Elle se sentait sereine, calme, en paix.

La blondinette scrutait avec la curiosité d'un scientifique devant un rat de laboratoire l'évolution de l'état de son employée. Celle ci était non seulement vivante mais paraissait comme apaisée. Ce résultat apparent était en parfaite adéquation avec ce qu'elle avait cru comprendre du pouvoir de la toquée. Pour confirmer cette impression Dak' demanda sans ressentir aucune gêne pour la conduite qu'elle avait tenue, trop intéressée par les éventuels avantages que pourraient apporter le nouveau pouvoir de Selene.

- Comment te sens-tu ? Plus calme n'est-ce pas ?

- Oui je... je me sens détendue, commença Ally avant d'ajouter les sourcils froncés d'incompréhension, Je sais que je devrais être en colère et avoir peur mais je n'y arrive même pas.

- Merci de ton aide, tu peux disposer.

Tout en parlant la phobophobe avait ouvert la porte de sa chambre comme une invitation à sortir et la femme de chambre ne se fit pas prier. Malgré l'absence de peur la dernière chose dont elle avait envie était qu'on la fourre de pilules inconnus. Elle n'était pas assez payée pour ce genre de fantaisies. Dakota referma derrière elle et retourna s'asseoir comme si de rien n'était. Car ce n'était rien. Personne n'était mort, ils savaient maintenant à quoi servait ce médicament que synthétisait Selene... tout est bien qui finit bien. Malgré tout le regards de certains de ses camarades semblaient exprimer un avis différent.

Sans s'en soucier elle fixa ne nouveau son attention vers son ordinateur qui lui signalait la réception d'un courriel. C'était la réponse d'un des hommes qu'elle avait contacté, avec en prime une vingtaine de numéros de téléphone et les noms associés. Elle effectua le virement promis avant d'imprimer la liste et de la glisser entre les mains de Zephyr.

- Ce sont des clients de Thores qui ont consulté récemment. Probablement des voyageurs. Il faudrait leur passer un coup de fil pour vérifier ça. S'ils sont comme nous ce sera le feu vert pour notre séance de groupe.

James fut le premier à s’approcher de l’adolescente pour voir sa pilule de plus prêt. Après avoir foncé les sourcils, il supposa très sérieusement qu’il pouvait s’agir de poison. Selene tressaillit inquiète, et l’idée d’être transformée totalement en épouvantail par ce pouvoir ne l’enchantait pas non plus. Elle n’avait aucune idée de si son comparse avait raison, mais il était tout bonnement hors de question qu’elle prenne le risque de l’avaler. La mine troublée, elle s’apprêtait à ranger le cachet bleu dans sa poche mais Dakota se leva pour aller appuyer sur l’interphone situé près de l’entrée de sa chambre. Cette dernière vint ensuite récupérer la pilule de valium des mains de la toquée trop étonnée pour l’empêcher de s’en emparer.

La femme de chambre se présenta et, par un chantage lourd de sous-entendus, fut forcée de gober le médicament sans savoir ce qui l’attendait. Pendant le court instant de silence où tout le monde avait les yeux rivés sur le cobaye improvisée, le cœur de la galloise battait à tout rompre. Si jamais la dénommée Ally s’effondrait, elle aurait été autant responsable que son hôte en tant que celle qui avait généré ce poison. Le verdict tomba et elle ne put retenir un soupir de soulagement. Une pilule de calmant qui dissipait la peur et la colère ? C’était intéressant… mais elle ne savait pas vraiment comment elle l’avait produit. Dans le doute, elle redessina rapidement quelques épouvantails sur son carnet, mais il ne se passait rien du tout. Selene remit donc une mèche de ses cheveux roux derrière ses oreilles et abandonna l’idée de faire apparaitre d’autres pilules. Si c’était vraiment l’un de ses pouvoirs, il réapparaitrait bien assez tôt. Malheureusement.

Dakota avait manifestement reçu une réponse à l’un de ses mails. Elle imprima une page noircie de numéros de téléphone qui appartenaient aux patients de la psychiatre Camélia Thores. Zephyr reçu la feuille et la toquée dut s’approcher d’elle pour pouvoir y jeter un œil. Myia dormait toujours paisiblement, totalement indifférente de ce qui se passait autour d’elle. La réputation de la méthode Parkinson devait aider, car en moins d’un mois d’ouverture, le cabinet de la jeune femme semblait déjà avoir reçu un certain nombre de cas à traiter.

Tirant son portable de sa poche, la rouquine s’apprêtait à composer un premier numéro, mais une inquiétude, sans doute engendrée par la paranoïa de James et Dakota, pointa le bout de son nez. Ses doigts restèrent en suspendu au dessus de son clavier tactile et elle leva timidement ses yeux noisette vers ses compagnons :

- C’est vraiment une bonne chose d’appeler avec nos téléphones ? Si ces personnes se font attraper… ou se sont déjà fait arrêtée, la police pourrait ratisser leur réseau de contact pour enquêter et… dans la mesure où ils nous connaissent pas, on sera automatiquement suspects.

Elle se mordit les lèvres de peur d’avoir dit une bêtise. Dakota risquait une nouvelle fois de la rembarrer, mais après tout, c’était elle la première qui avait présumé de la rapidité et de l’efficacité des services d’ordre à les retrouver si besoin est. L’estomac de Selene se nouait de plus en plus. Une sensation étrange était née à son réveil et ne s’amoindrissait pas ; celle d’être une fugitive une nouvelle fois, presque une criminelle qui devait apprendre à vivre sans se faire repérer. Elle n’avait pas envie de vivre comme ça jusqu’au restant de sa vie… alors si elle devait passer par Dreamland pour s’en sortir, elle se sentait plus déterminée que jamais à le faire.

Sachant qu'il y avait des possibilités à tous venant du monde des rêves, James n'avait pas cherché un résultat rassurant pour la pilule. Déjà, le fait que Sélène se transforme en épouvantail ne l'était pas...C'était assez suspect quand même ! A moins que la demoiselle ai peur de ces derniers ce qui était quand même assez...spéciale. Laissant de côté ce nouveau pouvoir l'adolescent était retourné s'asseoir sur le lit alors que Dakota avait appuyé sur un interphone pour appeler quelqu'un avant de s'emparer de la pilule mystère. Quelques secondes plus tard une dame entra dans la chambre, ce qui devait sans doute être une domestique ? Dakota ordonna à la nouvelle venue d'avaler ce quelle tenait dans sa main et une discussion trop sous entendu pour James qui ne comprenait pas rendue victoire à la blondinette.
Tout les regards étaient fixés sur la femme de chambre en attente de résultat mais rien de physique ne fit son apparition. La seule chose fut que elle semblait plus détendu et n'arrivait pas à se mettre en colère contre sa maitresse. C'était ça son nouveau pouvoir ? Rendre les gens apaisés ? C'était cool ! Dakota congédia sa servante et ils se retrouvèrent a nouveau entre voyageurs.
Leur hôte reprit sa place face à l'ordinateur et apparemment une réponse s'était fait savoir. Une page s'imprima qu'elle donna ensuite à Zephyr pour les appeler. Ce qui ne plaisait à Sélène vu ses paroles, ou plutôt elle avait peur de se faire prendre. Tout ça commençait à donner mal au crâne à James. Il y avait trop de restriction, trop de danger dans chaque actes qu'ils feraient.

- Et tu propose une cabine téléphonique ? D'aller les voir ? Si on s'arrête à chaque danger de se faire repérer dans dix ans on y est encore, peut être même moins si on se fait choper nous aussi. Car tôt ou tard ils enquêteront sur Parkinson et sur ses patients alors soit on se dépêche de se bouger le cul soit on quitte le pays mais on fait quelque chose ! Ca me soule de rester ici à vous regarder pleurnicher

Jules avait une nouvelle fois fait une intervention, le pauvre du coup était resté invisible en gardant son pouvoir. Néanmoins son ami était toujours présent bien que le fait d'être entouré de nanas ne l'enchantait pas plus que ça.

- T'exagère un peu quand même...On fait de notre mieux !

Répliqua James pour défendre ses camarades.

Selene n'avait pas l'air ravie à l'idée d'utiliser son téléphone et Dakota partageait son sentiment. Elle avait plutôt eut dans l'idée d'utiliser une cabine ou un téléphone qu'elle ferait acheter en vitesse par un domestique, avec une carte à puce prépayée sans demande d'identité. Le problème restant était qu'en consultant de nouveau un médecin ils apparaitraient dans d'autres dossiers suspects. La psychiatre accepterait peut-être de ne pas laisser de traces contre une importante somme d'argent mais rien n'était moins sûr. Avant qu'elle n'ait pu parler Jules exprima sa pensée par la bouche de James. Être entourée de gens un minimum réfléchis avait quelque chose de rassurant.

- Tu... enfin il n'exagère pas. Je pense qu'être paranoïaque est à l'heure actuelle le meilleur moyen de se protéger. Je vais envoyer quelqu'un nous acheter un téléphone en centre-ville. On devrait avoir un retour dans l'heure qui vient.

Triturant une de ses mèches colorées la gamine pinça les lèvres avant de se mettre debout et d'épousseter machinalement sa jupe. Ils ne pouvaient plus rien faire d'autre qu'attendre, elle pouvait donc s'atteler à une tâche tout aussi ardue, voir pire. Parler à sa mère. Elle se dirigea vers la porte l'air contrariée et tout sauf motivée puis ouvrit la porte avant de se tourner vers ses camarades.

- Je dois faire quelque chose de personnel. Faites comme chez vous, dit-elle avec une absence de chaleur tout sauf engageante.

On put lire brièvement dans ses yeux que faire comme chez soit n'était pas foutre le bordel puis elle referma la porte derrière elle. Elle resta un instant immobile dans le couloir après quoi elle se mit en marche en poussant un soupir à fendre l'âme. Elle était fatiguée d'avance de la conversation qu'elle allait avoir avec sa génitrice, voyait même déjà le regard critique que lui lancerait sa mère, imaginait déjà sa manière de la juger, de lui dire la honte qu'elle jetait sur leur famille. Une malade mentale chez les Earnshow ? Une suicidaire ? C'était une infamie.

La peur d'avoir peur du jugement, de la critique, du déshonneur faisait rage en elle même si elle se savait pertinemment au dessus de tout ça. L'avis des gens, de sa famille même, la laissait indifférente. Mais cette fois peut-être ? C'était les peut-être qui poignardaient encore et encore son cœur de glace, le doute était toujours le pire ennemi qu'on pouvait rencontrer.

Au détour d'un couloir elle ordonna à un péquin lambda de se charger de sa course et d'apporter le téléphone dans sa chambre pour le donner à ses camarades si elle ne l'avait pas encore réintégré entre temps. Une fois son rôle effectué elle traina les pieds vers une pièce donc l'imposante porte de bois peint en noir ne masquait pas totalement la voix de femme qui provenait de derrière. Sa mère était apparemment en pleine conversation téléphonique, le travail sûrement, et la surdouée fut à deux doigts de faire demi tour mais tint bon. Elle devrait y passer à un moment ou à un autre de toutes façons.

Elle tourna la poignée pour pénétrer dans un imposant bureau dont la baie vitrée donnait sur la mer surplombée d'un ciel nocturne. Derrière un bureau tout de verre et d'acier sa mère était assise dans un fauteuil en cuir noir, le portable collé à l'oreille. A la vue de sa fille elle mit un terme à la conversation avec un ton sec héréditaire de toute évidence avant de fixer sa fille les sourcils froncés.

- Je me suis inquiétée, articula-t-elle avait lenteur sans que son visage ne trahisse une quelconque inquiétude réelle.

- Ce n'était pas le but, commença Dakota avant d'ajouter avec réprobation, mais ça n'aurait pas été le cas si tu ne fouillais pas dans ma corbeille à papier. Ou ne me faisais pas suivre.

Mère et fille se jaugèrent un instant, chacune plantée à l'une des extrémités de la pièce.

- Tu as voulu te tuer et je devrais l'ignorer ? Tu n'en laissais rien paraître. Tu ne nous avais parlé de rien. Pourquoi ne nous as-tu parlé de rien ?

**Parce que tu préfères travailler que t'intéresser à moi, parce que je connaissais déjà ta réaction, parce que je sais qu'au fond me voir disparaître ne serait qu'un désagrément à régler comme un autre.**

- Parce que ça ne concernait que moi, finit-elle par répondre avec aigreur.

En réaction à ce qu’elle avait dit, il s'enchaine une suite de répliques plutôt ambigües. Jules s’exclama brusquement qu’il en avait marre de la paranoïa ambiante générée à l’origine par Dakota ; et cette dernière répondit en appuyant le fait que l’ami imaginaire avait raison… en confirmant que la paranoïa était la meilleure des défenses dans l’instant présent. Selene souleva les sourcils et secoua la tête en rangeant son téléphone. Leur hôte s’éclipsa en prétextant avoir à faire quelque chose de personnel. La rouquine étant dans le secret, elle était la seule à pouvoir se douter que la phobophobe se rendait au devant de ses parents, mais elle n’en dit rien et reprit place sur le lit, aux cotés d’une Myia toujours profondément endormie.

La toquée passa une main dans sa tignasse flamboyante et se massa la nuque. Elle commençait à se sentir épuisée, toute cette histoire faisait peser sur ses épaules fragiles une pression totalement incomparable avec ce qu’elle avait vécu jusqu’à ce jour. L’image de sa tante s’imposa à son esprit : que penserait-elle de ce que sa nièce vivait ? Que dirait-elle de ses pouvoirs ? La galloise n’était pas certaine de savoir alors, dans le doute, elle préférait retarder le plus possible le moment où elle rentrerait ; puis, si elle pouvait être débarrassée de ses capacités de voyageuses avant de le faire, ce serait un plus. Cependant, quelque chose continuait de la tracasser.

- Ça me fait peur… que tout ça de gens ait conservé leurs pouvoirs…

Elle fit un geste vers la télé.

- Même si nous, nous redevenons normaux… si jamais nous sommes rattachés à cette histoire, on se fera quand même arrêter… on aura aucune preuve que « nous », nous ne sommes pas dangereux.

Un soupir triste et las s’échappa des lèvres de l’adolescente. Elle fixa un long moment le vide devant elle puis, sans prévenir, un sourire qui n’évoquait aucune réelle joie se dessina sur son visage. On pouvait même lire sur ses traits une certaine amertume dont le fruit avait du mal à glisser dans sa gorge. Après un effort visible pour déglutir, elle ajouta :

- Parfois, là-bas, j’imaginais ce que penseraient mes amies si je leur racontais tout ce que j’avais vécu à Dreamland… mais maintenant…

Le film de ses aventures défila devant ses yeux noisette, pâle, évanescent, mais il était là, trop présent même. Les viols qu’elle avait subi se détachaient du reste comme des traces laissées au fer, des points brûlés de la pellicule, et elle s’efforça de les oublier une fois encore. Le visage d’Ella apparut et ne s’effaça pas. Cette petite qu’elle avait connu si adorable, avec laquelle elle s’était même un peu liée dans la salle d’eau d’Asmodée… mais ensuite, elle avait choisi Liam. Selene n’avait jamais compris ce que cette enfant trouvait de si fabuleux dans la personne du taulard, ni même la raison pour laquelle ce dernier s’amusait à jouer les nounous.

Ce qui marquait la jeune fille à cette heure n’était pas de décortiquer la complexité des affections inter-voyageurs, mais le fait de se dire que la petite Ella avait été elle aussi entrainée dans cette histoire sans queue ni tête. Leurs semblables seraient tous arrêtés et emprisonnés qu’elle n’y échapperait pas. Aux yeux de la rouquine, c’était aberrant. En réalité… leur monde n’était pas moins fou que Dreamland. Au contraire… le pays des rêves devait sans doute en tirer sa démence.

Dakota jeta le regard le plus glacial de sa carrière droit dans celui offusqué de sa mère. Oh. Elle ne leur avait rien dit ? Depuis quand le désespoir devait-il être dit ? Est-ce qu'une mère n'était pas sensé le voir, le sentir par une sorte d'instinct animal la reliant inexorablement à son rejeton ? Un simple sens de l'observation aurait permis de discerner le mal être de la surdouée. Après tout les enfants qui vivaient cloitrés dans leurs chambres et avait ordonné suivre des cours par correspondance n'étaient pas légion. Ceux qui aseptisaient leur lieu de vie, scrutait la préparation de leur nourriture, épiait chaque détail de leur vie pour être sûr que rien ne leur échapperait, que rien n'irait de travers... devaient se compter sur les doigts d'une main. Et elle n'avait rien vu. Qu'elle s'achète donc des yeux !

Une veine palpitait nerveusement sur la tempe blafarde de la phobophobe. Elle ne savait pas trop si elle devait laisser libre cours à son envie démesurée de sortir ses quatre vérités à sa mère avant de sortir en claquant la porte, où rester polie comme on s'attendait à ce qu'elle le soit. Après tout d'un point de vue bassement terre-à-terre c'était ses parents qui lui permettaient de subsister. Être déshéritée à cause d'un mot de travers serait vraiment dérangeant. N'est-ce pas ?

- J'ai voulu me tuer, soit. Mais je ne l'ai pas fait. Et je ne le ferais probablement jamais. Je vais voir un psychiatre pour soigner mes troubles dont je ne tiens pas le moins du monde à partager avec quiconque de mon cercle intime.

Une moue étrange déforma ses lèvres avant qu'elle n'ajoute :

- Ne craignez rien. Votre fille et votre honneur sont saufs.

Sa mère entrouvrit les lèvres pour dire quelque chose mais se reprit au dernier moment. La conversation était close, et elle n'avait à vrai dire rien à ajouter à ça. Et tellement de travail l'attendait, empilé sur un coin du bureau ! Alors que la femme d'affaire se saisissait en silence d'un dossier pour fourrer son nez dedans, sa progéniture quitta la pièce en silence et referma la porte derrière elle. Ça aurait pu être pire, mais malgré son soulagement elle ne pouvait s'empêcher de se sentir mal. Mal parce que cela aurait dû être pire, mais qu'un manque d'affection flagrant empêcherait toujours une éventuelle issue émotionnelle.

Alors qu'elle commençait à s'éloigner le long du couloir monochrome un bruit de serrure la poussa à se retourner et c'est non sans étonnement qu'elle aperçu le visage sévère de sa mère dans l'embrasure. La femme d'âge mûr fixa un long moment sa fille sans rien dire, cherchant ses mots. Elle savait qu'elle n'avait rien à dire, mais il fallait qu'elle s'exprime. Laisser partir sa fille sur ce genre de conclusion était parfaitement déplaisant. Les dossiers attendraient.

- Dakota... j'aimerais que tu me parles. Vraiment. Je... je prendrais le temps. Je peux décaler mon diner avec McCoy si tu le veux.

L'adolescente prise au dépourvu ne savait pas vraiment quoi répondre. Lui parler ? Mais bon dieu de quoi ?? Lui raconter l'horreur dans laquelle elle vivait lui paraissait tout bonnement impossible, quant à parler de sa séance de psy avec toutes ses implications c'était complètement proscrit.

Les deux femmes restèrent un moment face à face, l'espace les séparant semblant faire des milliers de kilomètres. La mère et sa fille échangèrent un regard, un soupir, puis Dakota revint vers le bureau pour y pénétrer de nouveau. Répondre à l'effort fourni était la moindre des choses. Une convention sociale comme une autre. Et puis elle ne pouvait pas plus décevoir sa mère qu'elle ne l'avait déjà fait.

Elle lui raconta tout. Les cauchemars, son imagination débordante, sa trop grande lucidité. Sa crainte grandissante, dévorante, qui étouffait tous ses efforts pour vivre normalement. Son désir de s'en sortir, sa lassitude, ses espoirs. Lorsqu'elle eut finit le silence s'installa de nouveau, profondément gênant. Sa génitrice finit par le briser, l'air sombre :

- Tes amis... ce sont tous des patients de ce docteur Parkinson. Tu les connais à peine. Tu es sûre que les inviter ici était une bonne chose ?

- Dites vous que c'est un groupe de soutien moral mère, rétorqua-t-elle ironiquement avant d'ajouter, Vous allez être en retard à votre rendez-vous. Passez une bonne soirée.

Elle se retira une nouvelle fois et cette fois ci personne ne la retint. La blondinette regagna donc sa chambre juste au moment où l'employé qu'elle avait envoyé en course revenait avec un portable bas de gamme et une puce rechargeable neuve. Ça ferait l'affaire. Elle posa sa nouvelle acquisition à côté de Selene avant de s'asseoir dans son fauteuil de bureau. Elle ne serait pas celle qui appellerait, elle avait bien trop peur d'avoir peur de ne pas trouver les mots.

Dakota décida finalement de partir sur l'achat d'un téléphone portable et d'une carte pour ne pas se faire repérer un minimum. C'était déjà un début pour avancer dans leur enquête en espérant que les personnes qu'ils appelleront se montreront coopératifs. leur hôte les laissa ensuite seule en disant qu'elle avait quelque chose de personnel à faire et James se retrouva donc avec les deux autres filles et son meilleur ami. La dame en rouge dormait toujours sur le lit même pas réveillé par la télé. Elle était définitivement partie ou bien avait elle le sommeille lourd ? L'adolescent releva la tête vers Sélène qui venait de ouvrir la bouche disant qu'elle avait peur de tous ses voyageurs, que malgré tous eux, les gentils, seraient rattachés à ceux qui utilisaient leurs pouvoirs à mauvais escient. Ca lui rappelait les Elipsiens qui avaient automatiquement mit tout les inconnus dans le même panier à cause de leur prédécesseur. C'était quand même triste de poser des étiquettes automatiquement sans connaître les gens.

- C'est pour ça qu'il faut vite trouver comment résoudre ce problème, plus tôt les gens perdront leurs pouvoirs ici moins il y aura de casse...enfin j'imagine...

La rouquine était parti dans ses pensées, et James se contentait de la fixer attendant une suite qui apparemment avait du mal à venir vu le visage que sa camarade affichait. Un faux sourire s'était affiché soudainement sur ce dernier alors qu'elle évoquait le fait de s'être demandé ce que ses amis penseraient de ses aventures. James ne pouvait pas trop dire son opinion là dessus étant donné que sa liste d'amis était clairement pas très remplis. Avant il en avait pleins, et puis l'accident était arrivé et tout avait disparu. la solitude avait fait son apparition et si Jules n'était pas venue à lui il y serait encore. Maintenant James avait rencontrer d'autres personnes qui le regardait pas comme un fou à lié et ensemble ils étaient dans la même galère.

- J'imagine que ils ne t'aurait pas cru...

Souffla t-il avant que Dakota revienne en même temps que l’employé et la commande faite. Apparemment la blondinette n'avait pas envie d'appeler et étant le seul homme sociable du groupe et surtout qui en faisait le moins il fallait le dire. James se leva du lit et prit le téléphone avec la liste.

- Bon bah je commence...

L'adolescent se mit alors à composer le premier numéro, la conversation fut très brève puisque James se fit raccrocher au cul.

- Génial...

Marmonna t-il mais n'abandonnant pas pour autant il continua ses appels. le reste ne fut pas non plus très aidant , surtout une jeune femme qui n'arrivait pas à comprendre ou alors peut être faisait elle semblant. D'autres niaient en bloc d'être allé à Dremland. Finalement au bout d'un moment quand le désespoir commençait à se peindre sur le visage de l’adolescent deux personnes sur la liste avouèrent être allé dans le monde des rêves suite à la consultation avec Thores. Un sourire triomphant s'afficha sur le visage de James qui remercia le dernier interlocuteur un peu trop avant de raccrocher. Il regarda ses camarades toujours avec un grand sourire :

- Je pense que l'on peut prendre rendez vous avec de docteur !

James avait sans doute raison : ses amies ne l’aurait pas cru. En fait, se serait-elle crut elle-même ? Au fil du temps, si tout s’était passé comme cela aurait dû se passer, peut-être bien qu’elle-même aurait fini par songer que son séjour à Dreamland n’avait été qu’un rêve causé par un délire imaginaire ; résultat engendré par l’hypnose. Quoi croirait, dans leur monde sombrement terre-à-terre, qu’il existait une dimension parallèle où l’on pouvait se changer en épouvantail ? Être deux pour un même corps ? Ou même choisir l’âge qu’on avait envie d’avoir ?
Un désespoir indicible envahissait la rouquine, car elle se sentait au bord du gouffre. Un gouffre immense et sans fond où elle et tous ses compagnons pouvaient tomber d’un instant à l’autre. La question était stupide, mais incroyablement bien venue : à quel monde appartenaient-ils désormais ?

Lorsque Dakota refit son apparition, elle apportait avec elle un portable bas de gamme acheté tout juste pour leurs appels d’enquête. Dans la mesure où la phobophobe déposa sa récente acquisition à coté de la toquée, celle-ci crut qu’il lui revenait de passer les coups de téléphones, mais James fût le plus rapide et s’en empara pour commencer à joindre les patients de Thores inscrits sur la liste. Suivant les expressions qui passaient sur le visage de l’adolescent et les bribes de discussion dont elle était la spectatrice, Selene comprenait que faire parler des inconnus au sujet du pays des rêves n’était pas une chose facile. Il fallut un certain temps avant que le psychotique ne reçoive des réponses favorables et déclare enfin avec un grand sourire que la psychiatre était fiable.

La galloise restait figée, fébrile, peut-être trop proche de leur but pour y croire réellement. Elle passa lentement une main dans ses cheveux, regardant tour à tour James et Dakota. D’ailleurs, elle se doutait que les affaires personnelles que cette dernière avait eu à régler étaient en lien avec ses parents, mais elle n’osait pas lui demander devant leurs compagnons comment s’était passé son entrevue. Elle se mordilla la lèvre, souffrant d’une étrange compassion pour la blondinette qui l’obligeait à s’intéresser à sa discussion parentale, mais forcée de remettre ses questions à plus tard.

- Que doit-on faire d’après toi, demanda timidement Selene en s’adressant à la phobophobe. Aller voir cette psy dès demain ?

Une pensée maussade fila dans son esprit. Pessimiste et anti-constructive, mais l’adolescente ne put s’empêcher de la formuler à voix basse, plus pour elle-même que pour ses camarades.

- Si elle ne s’est pas enfuie comme Parkinson…

A l'avis de Zephyr, Dakota avait été imprudente. Donner à cette femme un pilule dont elle ne connaissait rien pouvait être dangereux. D'autant plus qu'ils n'étaient pas vraiment en position de faire cela ! Etre des voyageurs était déja assez encombrant pour devenir des criminels. S'ils se faisaient attraper, la police aurait vite fait le lien entre les jeunes gens et aussitôt aurait arrêté tous les clients de Parkinson, mettant alors au grand jour leur nature particulière. La femme de chambre avait d'abord refusée de peur que ce petit médicament soit une quelconque substance toxique. Cette réaction était tout à fait normale et Zephyr suspecta Dakota de savoir qu'elle refuserait. Cette jeune fille était d'une intelligence incroyable et un détail tel que celui-ci ne pouvait lui avoir échappé. La traumatisée en eût la confirmation quand la phobophobe commença à faire du chantage à la pauvre servante.Evidemment, personne ne savait de quoi elle parlait mais le ton qu'elle employait semblait pointer du doigt des agissements peu catholiques et la femme de chambre, d'abord surprise, ne put que capituler. Elle s'empara alors de la petite pilule que sa maîtresse lui tendait et l'avala d'un coup. Sans prendre le temps de réflechir. Le résultat ne se fit pas attendre. En effet, la femme de chambre se calma de manière stupéfiante, incapable de ressentir la moindre colère envers Dakota qui aurait très bien pu l'empoisonner. Celle-ci, ayant découvert le secret de la pilule congédia sa servante qui ne se fit pas prier et quitta rapidement la pièce. Zephyr observa alors la voyageuse traverser la chambre pour atteindre l'ordinateur. Elle était d'un calme déconcertant. Elle aurait pourtant pu causer la mort d'une personne, mais cela semblait la laisser complètement indifférente, stoïque. Etonnament, la traumatisée ne fût pas surprise par cette réaction, elle commençait à être habituée à cette jeune fille et à son sacré caractère.

La phobophobe était installée à son écran depuis quelques minutes lorsqu'elle se retourna, tendant à Zephyr une liste de noms auquels étaient attribués des numéros de téléphone. Dakota expliqua brièvement qui étaient ces gens et ce qu'il fallait faire. La traumatisée observa d'abord la liste et se pencha légèrement pour que Selene, qui s'était approchée d'elle, puisse voir également. Il devait y avoir une vingtaine de noms, les appeller prendrait un certain temps. La toquée, ne voulant perdre de précieuses minutes, dégaina son portable. Néanmois, elle resta en suspend, réfléchissant à un élément qui échappait à Zephyr. Selene émit alors la possibilité que s'ils utilisaient leur propre portable, les autorités pourraient remonter le réseau jusqu'à eux. Au fond, ce n'était pas une idée sotte. Remonter jusqu'à une personne via son portable était un jeu d'enfant. Ils faudrait donc être plus prudent. Si ils ne l'étaient pas, ils finiraient dans un laboratoire avant même d'avoir atteint leur but.

Jules fit alors une intervention des plus sèches que Dakota sembla approuver avant de s'éclipser. La soi-disant "paranoïa" était effectivement necessaire, mais la prudence n'est pas forcément un symptome d'une telle maladie. Selene profita du moment de calme qui suivit la sortie de leur hôte pour s'adresser à la petite troupe. La pauvre jeune fille semblait en détresse et la traumatisée ne put le supporter. Elle s'approcha de son amie et lui dit des paroles réconfortantes : promettant que tout finirait par s'arranger, qu'ils retourneraient à Dreamland, arrangeraient le cours actuel des choses, et reviendraient. Qu'ils ne se feraient pas attraper à leur retour et qu'enfin, ils seraient guéris. Malheureusement elle savait bien que la toquée avait raison. Ils deviendraient des bêtes de foire, des monstres à ne pas approcher... Et même s'ils guérissaient, qui voudrait les croire ? Zephyr chassa ses idées noires de sa tête et proposa à Selene de se reposer un peu. Elle semblait à cran ces temps-ci. De toute manière, il faudrait un certain temps avant que le téléphone n'arrive, la toquée pouvait donc profiter de ce moment pour se calmer. Zephyr quant à elle, retourna devant l'écran de la télévision, en comparant cette fois-ci les noms de la liste avec ceux qui défilaient sur l'écran. Rien ne semblait coincider.

Dakota revint au bout d'un moment armée du portable qu'elle déposa sur le canapé, près de Selene. Contrairement à ce que pensait la traumatisée, ce fût James qui s'empara de l'objet avec la ferme intention d'appeller les clients. Selene sembla un peu destabilisée, mais vu son état, Zephyr craignait qu'elle perde ses moyens.

* Et bien soit ! *

La jeune femme lui tendit donc la liste, qu'il prit.

- Tu devrais faire attention. Si des voyageurs issus des consultations de Thores se sont déja fait remarqués, ils sont peut-être sur écoute, ainsi que les autres clients. Veilles à ne pas donner d'informations quant au lieu où nous nous trouvons ou à nos intentions. Ah ! Et j'oubliais... Ne reste pas trop longtemps en ligne, on ne sait jamais s'ils leur venait à l'idée de tracer notre appel...

A bien y réflechir, Dakota avait raison. Ils devenaient tous paranoïaques, petit à petit. Le voyageur commença à composer les premiers numéros qui ne furent pas très fructifiant. Chose logique. Par les temps qui courent, qui oserait évoquer son statut de voyageur ? Alors que la traumatisée pensait tout perdu, le visage de James s'éclaira, déclarant que la consultation était possible. Selene proposa une consultation pour le lendemain.

]- A mon avis, le plus tôt sera le mieux.

La possibilité que la psychiatre se soit enfuie était possible, mais il n'y avait qu'un moyen d'être certains.

- Dakota, pourrais-tu retrouver les coordonnées du cabinet s'il te plaît ? Si Madame Thores est toujours disponible, nous obtiendront surement un rendez-vous. Seulement, étant donné l'heure, je pense qu'il est inutile d'appeller maintenant...

- L'heure n'a pas d'importance, rétorqua Dakota dans un haussement d'épaule.

Ils étaient réactifs et, étrangement, utiles. Ils avaient réussi à appeler tous ceux de la liste et confirmer au moins pour certains d'entre eux un voyage à Dreamland. James évoluait de plus en plus positivement ce qui réjouissait le petit cœur desséché de la surdouée. Il avait de l'avenir. La suite par contre lui plus bien moins, et plus Selene et Zephyr parlaient plus le sourcil droit de la gamine avait grimpé jusqu'à atteindre la stratosphère. Prendre rendez-vous pour ALLER voir le docteur Thores ? N'avaient-elle donc rien suivi ?

- Elle viendra. Ici. Et elle sera là dans l'heure si on fait ce qu'il faut car nous sommes du côté de l'argent, et l'Homme est de nature cupide. C'est comme ça, lâcha-t-elle sans aucun état d'âme.

D'un geste sec de la main elle réclama le téléphone. Autorité naturelle ou simple gentillesse de James, le fait est qu'il fut bientôt dans sa main. Le numéro de téléphone déniché plus tôt fut bien vite composé, celui du portable même de la psychiatre. Appelé le cabinet à cette heure aurait été une réelle perte de temps.

Les sonneries s'enchainèrent et alors qu'elle allait tomber sur le répondeur une voix ensommeillée résonna dans le téléphone. Dak' exposa alors leur situation enrobée de mensonge et ce avec un sang froid déconcertant. Aux yeux de Thores ils étaient désormais un ramassis d'anorexiques cherchant réconfort par le groupe et solution par l'hypnose. Leur gêne à dévoiler leur pathologie et leur désir d'être reçus en si grand nombre rendait préférable la consultation à domicile. L'argent rendait l'heure acceptable, surtout quand la somme grimpait haut.

- Mon chauffeur passera vous prendre devant chez vous dans une demi-heure, conclut la phobophobe avant de raccrocher.

Hors de question de donner son adresse, et à cette heure les flics n'iraient pas suivre les déplacements du docteur pour une simple suspicion parfaitement farfelue. Ce n'était plus qu'une question de temps avant leur départ et cette pensée emplissait Dakota d'un soulagement intense. Malgré tous les dangers que recélait Dreamland, ce monde parallèle lui faisait moins peur. Et il l'aidait.

Elle réintégra sa chaise de bureau et la fit pivoter d'un coup de pied contre le sol pour tourner le dos à ses compagnons. Trop de choses à faire, à gérer. Mentir était d'un fastidieux ! Ça lui donnait la migraine. Portant sa main à son visage la gamine pinça l'arrête de son nez, les yeux clos. Heureusement ce serait bientôt finit...

Un estomac gargouilla derrière elle et lui tira un soupir. Elle avait eut tant à faire qu'elle n'avait même pas pensé à nourrir ses invités. Les quelques sandwichs dévorés pendant le voyage avaient dû être digérés depuis longtemps maintenant qu'elle y pensait. Si seulement la peur leur avait coupé la faim à eux aussi elle n'aurait pas eut à se préoccuper de choses aussi triviales.

- Si vous avez faim vous pouvez passer commande par l'interphone près de la porte. Demandez ce que vous voulez.

Une moue étrange déforma ses lèvres alors qu'elle ouvrait un des nombreux tiroirs de son bureau pour en sortir un tube contenant une multitude de comprimés. Elle en prit deux et les goba sec avant de murmurer :

- Je me contenterais d'un peu d'aspirine...

Et en effet l'heure n'avait pas d'importance.

Une magnifique berline noire pénétra dans le garage des Earnshow baigné par la lueur des néons des sorties de secours. La portière conducteur s'ouvrit sur un chauffeur en costume impeccable qui se pressa d'aller ouvrir la portière arrière droite, et une longue jambe galbée fit son apparition avec une grâce sulfureuse involontaire. A la suite du mollet hâlé vint le corps étriqué dans un tailleur trop juste pour les formes de la psychiatre. La situation semblait la rendre légèrement mal à l'aise et les tics nerveux faisaient rage. Mais ce n'était pas l'important. Ce qui comptait était qu'elle était venue et avait respecté leurs engagements.

Pas de traces, pas de notes, rien qui ne puisse les pointer du doigt en cas d'enquête de police un peu poussée. Tout se passerait bien, si le destin le voulait ainsi.

Il fallut quelques minutes pour que le docteur rejoigne sous étroite escorte le lieu apprête pour l'occasion. Un boudoir au sol en damier noir et blanc à l'instar du mobilier, une décoration froide à la limite de l'angoissant qui procurait l'impression dérangeant d'avoir pénétré dans un monde où la couleur n'existait pas. Un canapé et quelques fauteuils en cuir savamment disposés devant une cheminé de marbre blanc éteinte étaient occupé par un groupe d'adolescents qui devaient avoir entre 13 et 17 ans. La seule exception d'âge consistait en une gamine assoupie dans un coin.

Étrangement ce n'était pas la plus âgée ni le seul garçon qui prirent la parole mais une gamine maigre et maladive. Les explications données par téléphone furent répétées avec une exactitude presque surnaturelle et Camelia fut invité à pratiquer sa séance dans les plus brefs délais. Si leurs paroles sonnaient justes, leurs regards n'en restaient pas moins étranges... mais il fallait bien accomplir le travail demandé.

Au bout de quelques minutes ils avaient tous sombré dans un état hypnotique, laissant la psychiatre seule dans la pièce. Si seulement elle avait su ce qu'elle venait de faire...

Pendant ce temps, à Dreamland :

Le groupe d'adolescents réapparu approximativement là où on l'avait expulsé du monde des rêves, dans les terres gelées. La tempête faisait toujours rage et avant d'avoir pu comprendre où ils mettaient les pieds ils chutèrent les uns après les autres dans l'un des trous noirs parsemant la pleine glacées, tourbillonnant encore et encore dans le néant jusqu'à heurter un sol étrangement lisse et chaud, comme si le soleil y avait dispensé ses bienfaits tout le jour et pour cause, c'était le cas.

Bienvenue à Gloutoniskaïa !

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