Aujourd'hui, c'est la foire à la Pastèque !

La japonaise avait pris son autodérision pour un jeu et désormais, c’était à son tour de dépeindre un portrait plus ou moins mélioratif. Elle l’écoutait silencieusement alors qu’elle voulait déjà protester au mot « faible ». Yoake était tout sauf faible mais ça, elle ne pouvait pas s’en rendre compte. L’irlandaise avait été faible : mourant de terreur à son arrivée à Dreamland, mortifiée en découvrant son premier pouvoir, pétrifiée pendant l’attaque du Sans nom. Jade l’avait sauvée. En lui tendant la main d’abord, puis littéralement dans l’arène de Sextus. Melena serait morte sur le sable sans sa meilleure amie, sous les yeux de milliers de personnes. Elle, elle était faible.

Le rire de l’hématophobe ne trouva en écho qu’un sourire à moitié forcé. La londonienne se souvenait, le monde réel, après l’exil. Elle avait craqué. Pas Jade, pas Elie, pas Ace. Elle. Et sa bêtise avait mis tout le monde en danger, et condamné la bonne jumelle. Ce n’était pas le poids des morts qui était si lourd sur ses épaules fragiles, mais celui de la culpabilité. Car on pouvait avoir les meilleurs espoirs du monde, trouver toutes les circonstances atténuantes… elle avait, au mieux, destiné celle qu’elle aimait à une vie dans un asile. Au mieux, parce qu’au pire, elle finira sur la chaise.

- Une équipe de choc oui, acquiesça l’adolescente un peu en retard.

Elle avait payé ses deux rubz et suivait son aînée vers les douches, annoncées comme froides. D’ailleurs, cette dernière avait emportée sa trousse de toilette et c’était bien venu, car l’irlandaise avait vraiment tout laissé dans sa consigne. Elle avait remercié son amie de sa générosité quand elle s’aperçut que toute trace d’hilarité avait déserté son visage. Les lèvres légèrement pincées, Melena suivit la japonaise des yeux. Elle devait avoir quelque chose avec les douches… déjà à Riven town, elle y était restée des heures !

La nécrophobe la suivit sans mot dit, affrontant courageusement la douche la plus proche de la sienne. L’eau était clair et glacée. Elle étouffa un petit cri et se frictionna nerveusement, en se disant que plus vite elle serait propre, plus vite elle retrouvera la chaleur réconfortante du soleil. Lorsqu’elle se rapprocha de Yoake pour lui emprunter un peu de son shampoing, la jeune fille s’aperçut que celle-ci était presque en transe. Elle se frottait, encore, et encore, avec ce regard vague légèrement déconnecté. Pourquoi ?

Melena finit de se laver, se décrassant avant plaisir du sucre et de la sueur qui s’accrochait à sa peau rougie. Elle grelottait sous le jet glacé mais ne s’en extirpa que lorsqu’elle se sentit enfin fraîche et propre. Pas de serviette. Qu’importe, il faisait suffisamment chaud pour sécher à l’air libre en quelques minutes et elle portait toujours son maillot de bain. La japonaise, elle, continuait à se frotter, avec une insistance qui alarma la thanatophobe. S’assurant d’un coup d’œil que ses vêtements secs, laissés à l’écart, étaient toujours là, elle s’approcha de son amie et lui attrapa de force les poignets. Les doigts fins de l’irlandaise ne lâchèrent pas ; elle attendit patiemment que ses orbes d’orage puissent plonger dans les obsidiennes de l’hématophobe.

- Hey, ça va pas ?

Elle tremblait. L’eau glacée sans doute. Melena se sentait désemparée devant ce visage blême, mais elle n’avait pas envie de lâcher Yoake, comme si ce geste signifiait l’abandonner. Que ferait Jade dans cette situation ? C’était elle la spécialiste du réconfort, pas l’irlandaise. Sa spécialité à elle, c’était de détester ceux qui l’entouraient. Obéissant à l’étrange instinct protecteur qui dormait sous son égocentrisme, l’adolescente quitta les poignets de son aînée pour ouvrir les bras et l’enlacer. Une joue contre la chevelure trempée de la nippone, elle murmura, sans trop savoir pourquoi :

- Si quelque chose ne va pas, tu peux m’en parler tu sais ? Tu ne voulais pas me laisser broyer du noir seule, alors dis-toi que je te rends la pareille…

Elle se détestait, elle se trouvait faible, incapable de contrer la folie qui la prenait à chaque fois qu’elle se lavait. Depuis qu’elle était à Draemland ça ne s’améliorait pas, elle sentit l’eau froide couler le long de son corps, mais la température ne la gênait plus. Ses mains frottaient inlassablement sa peau déjà rougit par le soleil, c’était comme si elle ressentait encore le sang qui la noyait dans ses visions elle avait beau essayé de ne pas y penser, mais à chaque fois qu’elle se lavait ça revenait. Elle n’avait pas oublié  le bleu qui marquait son visage un coup de chance dans un sens sa mâchoire n’avait pas explosé, mais pour elle, c’était une malédiction, et il y avait aussi sa blessure qui ne disparaitrait plus à son doigt combien de temps durerais le rituel cette fois-ci ? 1 heure ? 2 heures ? Combien de fois ? 8, ça serait bien et suffisant pour tenir jusqu’à ce soir.

Melena emprunta son shampoing, mais Yoake se trouvait dans l’incapacité de répondre, une boule s’était formée dans sa gorge, la honte surement. Elle ne se contrôlait pas et toutes les personnes présentent dans la douche devait en avoir conscience.

Est-ce qu’on la regardait maintenant, ou préférait-on l’ignorer, comme on ignorait quelqu’un de fou. Ses pensées la mettaient dans le désarroi le plus total. Elle choisit de se laver deux fois de plus afin de sentir mieux, c’était bien le minimum qu’elle pouvait faire à présent.

Elle récupéra un peu de gel douche et en appliqua à nouveau quand quelqu’un saisit ses poignets. Yoake s’apprêta à en découdre afin de pouvoir continuer son rituel, mais elle reconnut alors Melena. Son visage vira alors au rouge, rouge de la honte qu’elle ressentait pour cette maladie qu’on lui avait diagnostiquée il y a cinq ans.

Son amie demanda si ça allait et la Japonaise aurait voulu répondre que non, ça n’a jamais été depuis qu’elle était hématophobe avec action compulsive, qu’elle était faible de ne pas pouvoir tenir tête à sa maladie, son regard se porta alors sur son doigt ce dernier saignait, à force de le frotter ça devait  arriver. Tremblante, elle chercha quoi répondre à son amie quand cette dernière l’enlaça posant la tête sur la sienne… La Japonaise ouvrit de grands yeux étonnées, elle ne s’attendait pas à ça personne encore n’avait eu conscience de l’enfer que vivait la japonaise, elle s’était empressée de garder son secret, mais c’était difficile de le maintenir quand on passait 24h sur 24 avec quelqu’un.

Pourtant, Melena ne l’avait pas repoussé contrairement à ce qu’elle pensait. C’était sa plus grosse faiblesse et pourtant la thanatophobe l’avait prise dans ses bras murmurant des parole, tentant de la réconforter, maladroitement certes, mais Yoake ne s’était jamais senti aussi comprise que maintenant. Des larmes de soulagement tombèrent le long de son visage baignant par la même occasion la peau de son amie.
Elle se reprit et dit finalement :

- Merci Melena, je suis désolée, je ne voulais pas que tu voies ça.

Des images furtives passèrent à nouveau dans sa tête, son doigt était encore plein de sang, il fallait qu’elle continue… Maintenant. Elle s’écarte de son amie et lui dit :

- Il… Il faut que je continue. Je te retrouve dehors si tu veux et… J’essayerais de t’en parler.

Rallumant la douche, elle laissa l’eau s’écouler et frictionna à nouveau sa peau inlassablement son index saignait toujours autant, peut-être n’aurait-elle pas dû utiliser son pouvoir aussi simplement.

Une bonne demi-heure après elle se sentait suffisamment bien pour sortir, elle essora au mieux ses longs cheveux bruns et retrouva Melena en dehors des douches. Elle avait aussi gardé sa robe/maillot de bain et portait à sa main son gant, elle avait bien sûr pensé à remettre un pansement. La japonaise ne savait pas comment engager la conversation, mais si elle devait continuer à voyager ensemble autant tout lui dire non..

- C’est difficile, tu sais je n’en avais encore jamais parlé à quelqu’un à par le service médicale bien sur.

Sa peau semblait de plus en plus pale malgré les coups de soleil et une boule se forma dans sa gorge, mais il fallait que ça sorte.

- C’est compulsif, ce rituel… Si je ne le fais pas j’ai l’impression d’être souillé de porter encore sur moi le sang de toutes ses victimes. C’est.., C’est insupportable. A Dreamland c’est horrible je ne fais plus de cauchemar mais j’ai des horribles visions me rappelant ce qui m’est arrivée.

Elle leva alors ses yeux sombres vers son amie et réussit à calmer les battements de son cœur :

- J’ai réussi à contourner pas mal de problème pour mon hématophobie mais mon état compulsif, je ne peux rien faire… c’est comme si mon corps ne m’appartenait plus pendant quelques heures…

Un sourire crispé se dessina sur les lèvres de la japonaise :

- c’est complétement nul… n’est-ce pas ?

Comme d'habitude Ian oublia bien vite d'attendre Milly et ses réponses.
Un petit panneau avait attiré son attention: les douches n'étaient pas gratuites, il fallait débourser 2 rubz.
Il songea à retourner dans la piscine de pêche aux canards mais se ravisa; le tenancier l'aurait à l'oeil à présent et le jeune homme n'était pas fan des conflits et puis, il était presque riche à présent, il n'allait pas resquiller  pour si peu !
Il s'avança et vit un stand qui proposait des échantillons de toilette. Un coup d'oeil rapide lui fit comprendre que pour 15 rubz il pouvait avoir dans une pochette plastique, un petit tube de dentifrice, une mini bosse à dents, du shampoing pour un ou deux lavages maximum, une petite savonnette translucide qui ne sentait rien et un peigne.
Evidemment, pas de nécessaire de rasage ni de déodorant; quant au parfum Hugo Boss, il fallait oublier !
Il déboursa un total de 17 rubz et se dirigea vers les cabines faisant semblant de ne pas avoir vu la file d'attente. Le résultat ne se fit pas attendre: il fut alpagué par un malabar  et repoussé malproprement en bout de queue.
Il prit son mal en patience en dansotant d'un pied sur l'autre,  imaginant à l'avance le plaisir qu'il aurait à se glisser sous les gouttes fraîches, tant il avait chaud.
Il aperçut au loin Melena et Yoake, tenta de leur faire un coucou de la main mais elles s'engouffrait déjà dans le bâtiment sans l'avoir vu.

Enfin se fut son tour.
Il entra dans la cabine, se dévêtit et se lava avec délice; l'eau était vraiment à température idéale.
Il chanta à tue-tête tout en se frictionnant puis, propre comme un sou neuf, attrapa ses vêtements.

Ah, mais je ne peux pas enfiler ça, c'est dégoûtant !

Ni une ni deux, il retourna sous la douche, rinça abondamment sa garde-robe, essora, secoua les textiles afin de les défroisser et décida d'enfiler le caleçon à fleurs uniquement: le reste sècherait rapidement au soleil.
Il en profita pour comptabiliser ses possessions, il aimait faire cela, c'était comme un rituel qui le calmait.

Donc, le caleçon à fleurs rouge... A oui, le bleu je l'ai jeté au bar... le mien, la chemise, le pantalon, les chaussettes, les chaussures, la tune, la trousse de toilette, les caches-oreilles en fourrure... Tout y est ! S'exclama t-il joyeusement.

Il se dirigea vers le miroir afin de se peigner et ce qu'il vit lui fit grincer des dents.
Ses cheveux étaient plaqués, il n'avait pas de gel et sa décoloration laissait apparaître de plus en plus sa chevelure noire d'origine.
Pour un peu, il commençait à ressembler à Grégory Lemarchal, la maladie en moins, et ça il n'aimait pas du tout ! Cela lui donnait un air de gamin fragile qui aurait poussé trop vite, ce n'était carrément pas le look recherché !
Il passa un temps infini à tenter de redresser sa tignasse comme on la lui connaissait, en vain.
Dépité, il abandonna l'impossible brushing, se jurant de trouver un coiffeur séance tenante; de quoi avait-il l'air !
Il ouvrit et repoussa bruyamment la porte qui trembla sur ses gonds et s'apprêtait à partir a grandes enjambées vers les rues commerçantes quand il tomba nez à nez devant la trop belle  et la magnifique porcelaine de Chine encore plus blanche que d'habitude qui du coup ressemblait à une geisha qui n'était pas pour lui évidemment.

Persuadé qu'elle commentait son air de gagnant à la Star-académie, il rétorqua:

oui, c'est nul je sais, je file chez le coiffeur et après il y aura un bal, vous viendrez ? Et puis je connais une grange pleine de paille où on pourrait dormir chacun dans son coin; quand vous vous déshabillerez je tournerai le dos comme ça vous serez tranquilles, ça vous va ?
Milly viendra peut-être...

Il tourna la tête en tous sens: il avait oublié Milly !

Elle est encore sous la douche ? Demanda t-il aux deux filles.
Naturellement il avait aussi oublié son altercation avec Melena. L'avantage était qu'on ne pouvait pas le taxer d'être rancunier !

Aussitôt l'idée fut lancée, aussitôt fut-elle acceptée. Jade accueillit l'accord avec un large sourire et se laissa entraîner par l'euphorie communicative de Ian, la main du jeune homme enserrant son épaule. C'était étrange, d'ailleurs... venant de lui, ce contact ne la dérangeait pas. Elle sursautait pourtant à tout geste trop entreprenant, l'ombre des monstres du passé se superposant à l'image des audacieux qui faisaient le premier pas vers elle. L'hyperactif lui... rien. Pas plus de peur que de désir, une sorte de néant qui, loin de l'angoisser, l'enveloppait dans la douce chaleur du réconfort. Peut-être que l'innocence de Ian l'avait touché, en réalité. Il était si ouvert, si lisible, qu'on ne pouvait l'imaginer se livrer à une quelconque fourberie. Ce qu'elle tenait là, c'était l'utopie de l'amitié homme-femme. De quoi rendre la journée encore plus éclatante !

La bonne jumelle se laissa guider jusque l'estrade et grimpa à côté des autres mangeurs déjà attablés. Certains avaient ingurgité des quantités de pastèque tellement énormes qu'on pouvait légitimement se demander si leur œsophage n'était pas relié à un gouffre sans fond. L'adolescente fixa un moment, les yeux ronds, un mastodonte à la large bedaine ingurgiter l'un de ces fruits en une poignée de seconde. Elle en était presque surprise qu'il n'ait pas englouti la peau au passage, tiens...

- Et beh... on est et restera les outsiders, je crois !

Son ventre gargouilla bruyamment pour lui signifier qu'outsider ou non, il réclamait son dû. Et elle le lui donna. Ce n'était qu'un petit brin de femme mais elle était loin d'avoir l'appétit d'un moineau. On lui avait souvent dit qu'elle mangeait pour quatre, ce qui lui permettait d'ailleurs de mettre à profit ses dons de cordon-bleu mais... ce n'était pas suffisant cette fois. Mais être mal classée n'était pas un problème, pas plus que d'avoir du jus de pastèque dégoulinant de son menton jusque son nombril pour y former une flaque poisseuse. L'important, c'était qu'elle avait le ventre plein et une forme d'enfer ! Jay leva finalement les deux mains en signe d'abandon et suivit son camarade dans la foule.

Alors que la psychotique était déjà persuadée que sa question s'était perdue dans les limbes, Ian se décida enfin à répondre. A croire que ses paroles étaient parties se balader et boire un coup avant d'atteindre ses neurones. Rien que d'y penser, Jade ne put s'empêcher de pouffer dans sa main. Et pourtant le sujet était loin d'être drôle. Prenant subitement l'air grave, Jade cala ses mains sur ses hanches nues et soupira profondément.

- C'est si dur de faire un effort de sociabilité ? Elle qui boude et toi qui veut t'enfuir, à croire que c'est impossible de garder tous les gens qu'on apprécie près de soi !

Qu'il l'ait écouté ou non, elle ne le sut jamais. Il avait déjà embrayé sur une interrogation qui ne dévoilait que trop son lot d'angoisses intérieures. L'adolescente réalisa alors qu'il n'avait pas compris un traître mot de ce qu'elle lui avait expliqué plus tôt. Il n'avait qu'à prêter plus attention à ce que disait les autres, ce grand gamin !

- Mais qu'est-ce que tu t'es mis dans la tête ? Bien sûr que tu peux venir avec moi. C'est juste qu'à l'endroit où nous irons, j'aurais quelque chose à faire de mon côté. Je vous fausserai compagnie... quoi... une demi-journée maximum ? Pas de quoi fouetter un chat.

C'était suffisant pour rassurer l’hyperactif apparemment, celui-ci sautant du coq à l'âne en parlant de... hein ?! Jade manqua de s'étouffer en avalant sa salive de travers, tentant de donner un sens à ce qu'elle venait d'entendre. Faire l'amour à sa copine ? Mais qu'est-ce qu'il croyait ? Qu'elle retirait sa petite culotte dès le premier jour ? Déjà qu'elle n'était pas sure d'être fait pour les relations homosexuelles, offrir son corps tout de suite paraissait simplement inconcevable. Mais tout ce qu'elle réussit à faire fut balbutier des paroles incohérentes que son ami ne prit pas en compte, trop occupé à s'enquérir de son envie de se doucher.

Pourquoi tout allait tellement vite dans la tête de ce type ? A croire qu'il mettait le turbo en permanence, quitte à écraser tous les pauvres lapins qui avaient le malheur de traverser la route au mauvais moment. Pire, un chauffard au téléphone,  musique à fond et sandwich entamé sur les genoux. Jade était tellement perdue dans sa métaphore que quand elle leva les yeux il avait déjà commencé à s'éloigner vers l'endroit qu'il avait repéré.

- I... Ian ! Attends-moi !

Le blondinet s'était déjà inséré dans la file d'attente que la bonne jumelle se battait encore pour sortir deux pauvres rubz de sa bourse. Bon, elle le retrouverait plus tard, probablement. Après toute l'agitation de cette journée, ce calme soudain avait quelque chose de surnaturel. Là où elle se trouvait, les bruits de la fête étaient étouffés et tout ce qu'elle entendait était le murmure des conversations autour d'elle. C'était... calme. Combien de temps pourrait-elle goûter à cette tranquillité ? Trop peu de temps, comme elle l'eut supposé. Bientôt son tour arriva et elle se rinça tant bien que mal, serrant les dents sous le jet d'eau froide. La psychotique n'avait jamais été du genre à apprécier les contrastes chaud-froid et dans la chaleur ambiante, cette douche représentait plus pour elle une malédiction qu'une bénédiction. Elle s'en extirpa dès qu'elle ne fut plus collante, trop heureuse de pouvoir retrouver la chaleur dispensée par le soleil éclatant.

Au loin, les silhouettes de ses camarades se dessinaient près d'un stand de jeu. Bon, ils n'étaient pas en train de s'étriper, c'était déjà un point positif. Ne restait plus qu'à savoir si cette situation allait perdurer. C'est arborant un sourire nerveux que Jade fendit la foule pour se planter devant eux, propre comme un sou neuf mais toujours terriblement peu vêtue. Cette tenue d'esclave sextusienne aurait fait un véritable malheur à la une de playboy, à n'en pas douter !

- Plus personne ne fuit cette fois ? Hum ?

Devant la tronche d'enterrement que tirait Yoake, la maigre tentative de sourire de Jade s'évanouit aussitôt. Qu'est-ce qu'elle avait ?

- Il y a un soucis ? Tu n'as pas l'air d'aller bien du tout... je peux faire quelque chose pour toi ?

Melena sentit les larmes chaudes de son amie tomber sur son épaule encore froide. Au moins, elle avait raison : Yoake n’allait pas bien. Mais que faire désormais ? Bien qu’elle se sente étrangement empathique avec l’hématophobe, l’irlandaise n’était pas plus douée pour les paroles réconfortantes. C’était le genre de choses desquelles elle semblait biologiquement dénuée, comme si rien de solaire ne pouvait s’abriter dans sa carcasse maudite. Quand la japonaise s’écarta pour lui demander d’attendre dehors, elle la regarda simplement. Sans un mot, ses yeux clairs plongés dans les obsidiennes pour y déposer directement son soutien.

Dehors, il faisait toujours aussi chaud. Il était encore tôt dans l’après-midi, le soleil était si haut qu’on croirait que jamais la nuit ne pourrait venir. Que pouvait bien faire Jade ? Ça faisait un moment qu’elles étaient séparées, mais l’idée d’abandonner Yoake la retenait de ne pas se lancer à sa poursuite. Dans un sens, la nécrophobe aussi avait besoin de distance. Autant pour digérer sa colère envers Ian que l’étrange « arrangement » convenu entre elle et la bonne jumelle.

Melena était sèche quand son amie la rejoignit, elle en profita pour remettre son short et sa chemise blanche désormais complètement froissée. Seuls ses longs cheveux noirs étaient encore mouillées mais elle se souciait peu qu’ils continuent à goutter dans son dos. Toujours sans rien dire, elle écouta la japonaise se confier. Ça lui faisait mal. Elle avait toujours reconnu une part de sa propre personnalité en Yoake. C’était la première qu’elle ouvrait une brèche sur son passé et, autant qu’elle voulait savoir, l’irlandaise avait peur de découvrir la vraie histoire.

- Nul ?

Les yeux d’orage de la londonienne se décrochèrent de ceux de la nippone pour disparaître dans le néant. Sa gorge s’était nouée. C’était à son tour d’avoir envie de parler, comme un échange, parce qu’elle se sentait comprise. Anesthésiée, changée peut-être, Melena ne voulait plus être plainte. Non. Elle acceptait son destin désormais, avec une abnégation proche de la folie qui la dévorait. Mais si elle avait besoin de l’amour de sa meilleure amie, la compréhension de Yoake était aussi la bienvenue. Parce qu’elle le savait, Jade ne lui pardonnerait pas les carnages qu’elle était capable de causer. Mais l’hématophobe, elle…
La brunette se mordilla sa lèvre inférieure. L’horreur était là. Toujours. Derrière chaque battement de paupières.

Pourtant, elle n’eut pas le temps de répondre quoique ce soit de particulier, parce que Ian surgit de nulle part, tel un clown hors de sa boîte. La thanatophobe était partagée entre la contrariété de le revoir – et d’être interrompue – mais aussi le soulagement : si l’hyperactif était là, sa meilleure amie ne devait pas être loin. … ou pas car visiblement, il avait perdue sa compagne. Melena ne se gêna pas pour frapper la paume d’une main contre son front en marmonnant entre ses dents :

- Bah non on ne l’a pas vue, elle était avec toi… et on verra pour le bal..., elle se tourna vers la japonaise pour ajouter avec douceur, je ne pense pas que ce soit nul. je comprends ce que tu ressens, parce que j’ai déjà ressenti ça aussi.

Cette conversation devra donc s’arrêter là et rester un mystère pour Ian. De toute façon, une boule se formait dans sa gorge. Sa poitrine et ses bras la brûlaient, porteurs des marques indélébiles de son séjour à Freedoom. L’image de sa mère s’imposa. Morte. Encore. Il est des secrets qui semblent être éternellement trop dur à avouer… seuls Elie et Ace savaient.

Melena avisa une espèce de grossière table en bois, certainement placée là pour la fête à disposition des amateurs de pique-niques. Elle était surmontée d’un parasol tressé dont l’ombre sera la bienvenue sur la peau rougie de l’adolescente.

- On à qu’à l’attendre là, proposa-t-elle en désignant l’emplacement d’un geste impatient, je suppose qu’elle ne doit pas être loin si elle t’a suivi à la douche ?

L’irlandaise ne croyait pas si bien dire. Ils n’étaient pas assis que sa meilleure amie les rejoignit, propre, pratiquement dévêtue, trop belle. Son rythme cardiaque accélera brusquement et à la question posée par Jade, elle ne put que balbutier un « non, non…mais… enfin… on fuyait pas… » et finit par se taire. Elle était heureuse que son accrochage avec l’hyperactif ne se soit pas transformé en véritable malentendu. Finalement, la mauvaise humeur de Melena s’envola, aussi vite qu’elle était arrivée, et un sourire illumina son visage… et s’éteignit quand la bonne jumelle interrogea Yoake. Supposant que son aînée n’avait pas spécialement envie de faire de ses soucis de santé une discussion de groupe, la nécrophobe vola à son secours avec un jeu d’actrice plutôt convaincant :

- Y’a rien de spécial en fait, osa-t-elle avec une expression taquine, certaines tolèrent juste moins l’eau glacée que les autres… ça a au moins un avantage d’être irlandaise.

Elle adressa un clin d’œil fugace à la japonaise et se tourna vers le stand de jeu le plus proche. Une course de kayak sur plusieurs mètres d’une piscine en bambou et en feuilles, remplie de jus de pastèque. Simple mais efficace. Posant les mains sur ses hanches, Melena proposa avec un entrain retrouvé :

- Je vous propose que moi et Jade, on vous montre ce que c’est de naviguer !

Yoake ne s’était encore jamais ouvert à quelqu’un, du moins pas aussi volontairement, au départ, elle avait l’impression de s’être mise à nue devant Melena. Mais finalement, en voyant son expression, la Japonaise eut tout de suite l’impression qu’elle la comprenait. Une fois de plus elles étaient si proches l’une de l’autre… Mais pour une fois, la japonaise aurait préféré que ce soit pour quelque chose de plus joyeux que leurs phobies respective.
Nul… Répéta Melena. En croisant son regard, la Japonaise remarqua tout de suite qu’elle avait envie de parler, mais qu’elle aussi cherchait ses mots, la jeune femme choisit alors de lui laisser le temps de répondre. C’est à ce moment-là qu’Ian apparut. Le manque de gel avait effectivement plaqué ses cheveux humides, mais elle ne le releva pas tout de suite… Bien-sûr, par la suite, elle se dit qu’en effet, cette coiffure changeait le personnage. Elle aurait bien répondu, mais sa courte discussion avec la thanatophobe lui revenait sans cesse en mémoire. Heureusement, Melena choisit de clore la discussion en lui confirmant qu’elle la comprenait.

Elle aurait aimé en savoir plus, mais le temps des aveux était passé et puis Ian n’aimait pas les pensées sombres autant essayer de sourire non ? C’est ce qu’elle s’entraînait à faire quand, la thanatophobe proposa de prendre place sur une table. La Japonaise hocha la tête et suivit le groupe quand Jade les rejoignit à son tour.

Elle avait conservé sa tenue d’esclave, et Yoake, se reprit à penser qu’à sa place, elle aurait déjà troqué cette tenue contre un maillot de bain qui restait quand même plus classe.
Elle demanda s’ils étaient enfin réconciliés et Melena le confirma. Jade passa alors son regard sur son visage de la Japonaise et demanda s’il y avait quelque chose. Décidément ses capacités de théâtre était complétement à revoir. Que pouvait-elle répondre, que ce qu’elle avait vécu l’obligeait à passer plusieurs heures sous la douche ? Elle ne voulait pas que sa phobie devienne un centre d’attention, même si Jade et Ians leur inspiraient confiance, ce n’était pas le moment. Elle s’apprêtait donc à assurer le contraire quand finalement Melena trouva l’excuse parfaite.

- Oui, ça doit être l’eau froide des douches, la différence de température est trop importante.

Elle fit une grimace et frissonna plus à cause du dégoût que du choc thermique. Mais la thanatophobe lança la prochaine activité, lui permettant de se reprendre, ce n’était pas le moment de se laisser aller, il fallait qu’elle retrouve sa bonne humeur.

- Pas de problème Melena, Ian et moi auront tout le loisir de vous regarder de la ligne d’arrivée. On est reparti ?

Répondit-elle d’un ton étonnement pressant. C’est alors qu’elle croisa une des jeunes femmes qui était dans les douches publiques, elle écorcha son prénom et lui tendit finalement un paquet de forme triangulaire. Yoake, habituée aux bizzarie de Dreamland posa son paquet sur la table et l’ouvrit. Qu’elle ne fut pas ça surprise en découvrant le magnifique faux fromage qu’on lui avait offert. Elle le posa sur sa tête et éclata finalement de rire à cause de l’autodérision.

- ce monde à pas mal d’humour quand même. Quelqu’un veut l’essayer ?

Elle enleva le chapeau fromage et remit son chapeau de paille qui était quand même bien plus le style de la Japonaise et rangea ses rubz avec le reste de sa bourse.

La façon qu'avait eu Melena de lui répondre, concernant Milly, en se plaquant la main contre le front comme s'il était débile grave le fit éclater de rire.
Malgré tout il pensa une fois encore que c'était bien dommage qu'elle soit si belle avec un aussi mauvais caractère mais on ne pouvait pas tout avoir dans la vie...
Il ne put s'empêcher de lui répondre:

Mais ne flippe pas comme ça, tu vas finir par attraper un ulcère et des rides qui tombent vers le bas sous le coup de la trentaine !
Milly n'est plus un bébé, elle n'est pas perdue... Tiens d'ailleurs la voilà !!! dit-il en faisant de grands signes dans sa direction.

Il écouta d'une oreille très distraite l'échange de conversation sur le sujet de la réaction de Yoake à l'eau froide, en fait cela ne l'intéressait pas; ce qu'il voulait c'était un coiffeur.
Il allait s'éloigner du groupe quand il entendit le Cadeau que Bouddha avait Reprit déclarer qu'elle resterait avec lui le temps que les deux amies fassent du bateau.
Alors là, s'il ne s'était pas retenu, il lui aurait sauté au cou: elle n'avait plus peur d'être violée par lui et voulait bien rester seule en sa compagnie !
Ah, Dreamland était fantastique et ses amies épatantes: même Melena avait le sourire à présent.

D'ailleurs cela tombait bien, il venait de prendre une douche et n'était pas très chaud pour pour se faire éclabousser à nouveau par du jus de pastèque, au prix qu'il avait payé les échantillons...
A peine s'était-il rapproché du Lotus à la Fraîcheur Printanière qu'une femme l'accosta  et lui remit un cadeau.
Ah ça, les cadeaux, Ian adorait cela ! Il en trépignait presque d'impatience tandis que la jeune fille ôtait le papier de ses longs doigts fins avec une préciosité toute japonaise.
Du coup il se dit que ce ne serait peut-être pas très bon pour lui d'aller en vacances en Asie car si tout le monde allait à ce rythme là, il craquerait c'était certain !
Enfin l'objet sortit du paquet surprise.

Top fun !!!
s'écria t-il en admirant le chapeau-fromage que Yoake mettait sur sa tête.
Tu me le prête ?
Et sans attendre de réponse, dès que la Japonaise eut remis son chapeau de paille, il le lui prit des mains, le posa sur sa tête et se mit à danser comme Fred Astaire.
Quand il eut terminer son numéro il le tendit aux deux autres filles et s'occupa d'étaler ses vêtements au soleil afin qu'ils sèchent.
La coiffure aplatie était oubliée,  autre chose le préoccupait: dans quoi mettrait-il toutes ses affaires ?
Il regarda alentours et jeta son dévolu sur un sac plastique en bon état, abandonné au sol.
Il renifla à l'intérieur; comme il ne sentait rien il s'exclama:
parfait ! Et rangea ses trésors un à un avant de proposer à Yoake de s'assoir sur l'herbe, bien en face de la rivière.
Une fois installés, il déclara à brûle-pourpoint:
Milly aimerait bien qu'on ne boude plus et qu'on ne s'enfuit plus parce qu'il faut qu'on reste une bande de potes.

Tout à coup, il se rappela ses autres paroles et lança un cri de joie en bondissant sur ses pieds:
et on aura le droit de l'accompagner, elle l'a dit !!! c'est pas beau ça ? elle s'absentera juste une demi-journée.
Dis, tu voudrais bien me donner ton chapeau-fromage ? Ou bien me l'échanger contre les protèges-oreilles ou me le vendre ?
En attendant la réponse, il s'allongea et ferma les yeux, il avait juste un petit coup de pompe; oh trois fois rien mais là il fallait qu'il se repose deux secondes.
Dans son cerveau, le chant des oiseaux et la voix de Yoake se mêlaient, il trouva que c'était très beau à entendre.

Cela ne faisait pas trois minutes qu'il se détendait qu'il bondit à nouveau:
Au fait, où est Gaston ? et détala en direction des douches où il le trouva somnolent à l'ombre d'un arbre.
Il l'attrapa gauchement, le coinça sous son bras sans écouter les "glouglou" de protestation du volatile, retourna vers la Japonaise avec un ouf de soulagement et demanda:
au fait, Milly et Melena font du bateau ? je ne les vois pas...

Pire que le rejet : le rejet avec tact. C'était comme ne pas oser vous dire que vous n'étiez pas assez proche pour faire partie d'un cercle intime. La gentillesse contenue dans les paroles de refus ne les rendait que plus tranchantes, plus blessantes. Les mensonges pour camoufler le tout, aussi. Soit, Yoake n'avait pas envie de se confier à elle. Mais est-ce qu'on lui laissait une chance au moins ? Jade avait l'impression que l'asiatique se cachait derrière un mur, inaccessible volontairement, comme si elle voulait limiter ses réels contacts sociaux à Melena. Jade avait cru avoir brisé cette barrière lors que l'épreuve des passes, mais il fallait croire qu'elle se trompait lourdement.

Les mains qu'elles avaient commencé à tendre en avant retombèrent, inertes, le long de son corps. Impossible d'exprimer sa déception ou sa contrariété, à vrai dire elle n'en avait pas vraiment le droit. On ne pouvait pas forcer les gens à vous aimer. Et pourtant elle aurait tellement voulu faire quelque chose ! Son pansement au doigt, tiens ! Si elle s'était trouvée avec Elie, elles auraient pu résorber la blessure en un clin d’œil ! Mais non, elle n'était que la moitié d'elle-même et sa petite amie était bien décidée à changer de sujet en l’entraînant dans une folle course en canoë. Et pourquoi pas après tout ? La psychotique n'avait jamais posé un orteil dans un bateau, mais ça ne devait pas être très compliqué que de s'asseoir et de ramer, non ?

- Humm... je crois que tu surestimes mes capacités mais pourquoi pas ? Tant que je ne prends pas un nouveau bain de jus de pastèque, tout m'ira.

Malgré son sourire on sentait clairement que le cœur n'y était pas vraiment. Le mur auquel elle s'était heurtée avait eu sur elle l'effet d'une douche froide, bien plus glaciale que celle qu'elle venait de prendre dans le petit cabanon.

Comme si le destin tentait désespérément de lui rendre le sourire, une inconnue vint apporter à l'asiatique un cadeau pour le moins étrange. Un chapeau en mousse en forme de portion de fromage, énorme autant que ridicule. Si sa propriétaire ne le porta que brièvement, Ian s'en donna à cœur joie. Le jeune homme avait l'air si sincèrement ravi que Jay ne put s'empêcher de partager son moment d'euphorie en pouffant derrière ses doigts.

- Vous êtes superbes, ce chapeau vous met vraiment en valeur !

Alors qu'elle tendait la main pour s'en saisir à son tour -pas de raison de se priver, la honte n'avait jamais tué personne- une lumière d'une pure blancheur se mit à émaner de ses doigts en contact avec ceux de Yoake. C'était comme si ses pouvoirs avaient capté d'eux-même un peu plus tôt sa volonté de soigner sa nouvelle camarade. A la vue de ce qui était en train de se passer, Jade se concentra pour amplifier le phénomène. Elle pouvait presque sentir -sens magique ou pure intuition?- que la plaie de l'index se refermait doucement. Trop doucement. C'était logique en somme, seule elle était forcément deux fois moins efficace, mais c'était déjà réconfortant de voir qu'elle était capable de quelque chose. Une fois la blessure disparue, la lueur s'évanouit et la bonne jumelle adressa un sourire gêné à l'asiatique.

- Euh... désolée, c'était pas volontaire. Je m'étais dit plus tôt que j'aurais bien voulu faire disparaître ta blessure et... hum... je crois que mes pouvoirs ont décidé de réaliser ma volonté de leur propre chef. Je pensais pas ça possible à vrai dire, jusqu'à maintenant je n'avais jamais soigné quelqu'un sans Elie...

Jade se gratta le cuir chevelu, pensive. Pendant ce temps, Ian s'était échiné à faire sécher tant bien que mal ses vêtements et l'adolescente jugea que le moment était le bienvenu pour cette course en bateau. Son ami était installé, Yoake n'avait qu'à le rejoindre et pour sa part elle ne savait pas trop où se mettre. Elle voyait gros comme une maison le moment arriver où où lui annoncerait que son geste était inutile, malvenu et déplacé. Elle attrapa donc la main de la nécrophobe et l’entraîna avec elle vers le stand, laissant le pauvre Gaston entre les mains bien trop prévenantes de l'hyperactif.

La queue n'était pas trop longue, mais juste assez pour laisser au couple quelque minutes d'intimité. Que faisaient deux personnes ensemble, d'ailleurs ? Et quand elles étaient du même sexe ? Bon Dieu, elle se posait vraiment trop de questions ! Alors que le duo était coincé entre deux groupes d'autochtones, Jay glissa sa main autour de la taille de Mel' et posa sa tête sur son épaule. Ce n'était pas encore naturel mais... elle s'y sentait bien. Est-ce que ce n'était pas déjà bon signe ?

- Tu veux bien rapidement me briefer sur la manière de devenir une super navigatrice ? Parce que si je suis aussi douée à ça qu'au tir à l'arc on est mal barrées !

L’irlandaise se pinça les lèvres. Visiblement, Jade n’avait pas été dupe de sa comédie et semblait attristée de ne pas être dans la confidence. Pourtant, c’était à Yoake de choisir à qui révéler ses maux, non ? De la même façon, Melena ne se voyait pas crier sur tous les toits que sa petite amie souffrait d’un dédoublement de personnalité. Heureusement, le chapeau fromage offert à la japonaise offrit une parfaite diversion aux humeurs maussades qui s’installaient. Soit, l’objet était ridicule, mais la thanatophob ne put s’empêcher de sourire d’un air amusé devant le numéro de danse de Ian. Quand il n’était pas lourd il était distrayant, c’était indéniable. Elle comprenait pourquoi Jade l’appréciait.

D’ailleurs, parlant de la bonne jumelle, voilà qu’elle utilisait ses pouvoirs pour soigner l’hématophobe. L’irlandaise se sentit soulagée : elle préférait quand ses deux amies s’échangeaient des politesses que quand elles faisaient la tête. En plus, c’était merveilleux : le pouvoir de guérir, par simple toucher, sans nécessiter de… manger des cadavres, par exemple. Un voile sombre traversa ses yeux pâles. Elle n’avait pas cette chance…

La main de Jade serrée dans la sienne la ramena sur terre. Visiblement, les autres n’avaient pas compris qu’il devait s’agir d’une compétition et s’étaient déjà installés pour les regarder concourir. Qu’importe : elle était bien là, juste avec la portoricaine. Son cœur battait plus fort et elle se sentait tout engourdie. Ce phénomène s’intensifia quand la psychotique l’enlaça et posa sa tête sur son épaule. Un peu maladroite, incapable de savoir comment réagir, Melena passa aussi un bras dans le dos de Jade, une main doucement posée sur sa hanche. Elle adorait cette proximité, le contact de sa peau contre la sienne… c’était comme un rêve qui se réalisait.

- En fait, répondit-elle avec un sérieux désinvolte, je comptais sur notre osmose naturelle pour faire le travail. Je suis sûr que ça marchera ! Avec un sourire invisible pour son amie, elle ajouta : la dernière fois que j’ai fait du kayak c’était avec ma mère, en Irlande… y’a longtemps. Mais en gros, la personne qui est devant donne le rythme et celle de derrière se charge de la direction. J’irai derrière si tu veux.

Elle laissa filer quelques souvenirs de son enfance. Ils étaient doux, si loin, comme s’ils appartenaient à une autre vie. Elle s’efforça de ne pas penser à la fin tragique de sa mère, ni à sa deuxième mort. Pas maintenant. Elle était avec sa petite amie et ne savait absolument pas comment se comporter. Devait-elle l’embrasser ? Genre galoche devant tout le monde ? Non… elle connaissait Jade, elle était certainement du style à être pudique, surtout pour ce type de relation. Quoi alors ? Son inexpérience était affligeante… à défaut de mieux, elle serra simplement légèrement son étreinte et posa sa joue contre le crâne chaud de la bonne jumelle. Se laisser porter était la seule option qui lui paraissait envisageable. D’ailleurs, elle se sentait tellement bien qu’elle regrettait d’avoir penser que Jade pourrait ne pas être sincère.

Quand ce fut leur tour, Melena aida galamment la psychotique à prendre place et s’installa souplement derrière elle. Elles tanguèrent un peu et un sentiment d’excitation envahit l’irlandaise. Ça s’annonçait assez amusant, mais elle redoutait qu’elles se retournent dans l’un des virages de la piste.

- Aller, encouragea l’adolescente, c’est à nous ! Donne le rythme et je te suis.

En quelques minutes, ses bras lui firent mal. La nécrophobe n’était pas taillée comme une crevette pour rien. Ses aventures à Dreamland avaient beau l’avoir endurcie, elle restait aussi désespérément dénuée de biceps. Plus d’une fois, ses directions aléatoires les firent prendre des orientations désavantageuses. Le seul point positif était qu’effectivement, quand il s’agissait de suivre le compte imposé par sa petite amie, elle était irréprochable.

Melena riait, alors tout était trop beau. Personne ne l’avait encore vu, mais le sol en terre s’était fissuré brusquement, sans aucune raison, et du sable jaillissait comme du sang ruisselant d’une plaie. Dorée, brillant au soleil éclatant. Certains grains, au lieu de simplement glisser, s’élevaient dans les airs pour constituer un œil. Implacable, transperçant, pétrifiant. Au quatrième virage que les filles prenaient, plutôt bien négocié par l’irlandaise cette fois, il était prêt. Sa pupille de sable plongée dans son regard d’orage, une voix d’outre-tombe tonna :

- JE VOUS VOIS.

Elle ne l’avait encore jamais rencontré de la sorte et pourtant, elle avait un sale pressentiment. L’hilarité s’était envolée, la jeune fille se sentait glacée, mise à nue par cet œil divin qui la suivait sans ciller. Un étrange hurlement reptilien résonna, couvrant momentanément les clameurs de la fête. Il se diffusa en échos surnaturelle, la source était impossible à localiser, et une nuée d’oiseaux s’envola de la jungle qui entourait Téhinastèque. Melena eut la nausée : ça lui faisait l’impression d’une bête en chasse.

- Jade…, appela-t-elle d’une petite voix, ça te dirait qu’on aille plus vite ?

Il y eu un cri dans la foule autour du bassin. Une chose venait de surgir du sol : des sortes d’épines dorsales, appartenait à une créature qui se déplaçait rapidement sous terre, comme un requin sous l’eau, soulevant un épais nuage de poussière. Celui-ci se rapprochait dangereusement du bassin où les adolescentes naviguaient, mais elles ne semblaient rien pouvoir faire pour éviter la collision à part…

- Plus viiite !!! Plus viiite Jade !!! Ce truc va…

Trop tard. Le « truc » venait de jaillir de terre, reptilien, on aurait dit un gros serpent, de la taille d’un grand félin, s’il n’avait pas 4 pattes griffus et musclées sur la partie supérieure de son corps. Il avait de grosses écailles couleur sable, une mâchoire articulée en trois parties, mais pas d’yeux. La créature avait bondit vers le canoë de Jade et Melena, prête à les déchiqueter toutes les deux. Le cœur de l’irlandaise s’était déjà arrêté, tout son corps suivit. Sa mort factice la clouait sur place, l’immobilisant face à son destin funeste. Elle voulut hurler au moment de l’impact, mais un éclair blanc sembla s’interposer et la bête se heurta à un mur invisible.

L’âme de l’homme pour qui elle avait accompli un service venait de lui sauver la vie ! Brusquement stoppée dans son élan, le monstre avait été repoussé à côté du bassin. La thanatophobe était terrifiée, si elle seulement pouvait parler ! Sans le savoir, elle déclencha une nouvelle facette de son pouvoir morbide et ses pensées filèrent vers l’esprit de sa petite amie :

- « Plus vite ! Plus vite ! Plus vite ! Je… non… je ne veux pas… être morte…. Me tuer… il va… ooh Jade s’il te plait… »

>>>>> Provient de là !

_______________________________

Allongé sur le dos, les bras croisés et les yeux fixés sur le plafond, le pirate avait tenté de s'auto-hypnotiser sans même y croire. Au moment où il ferma les yeux pour finaliser ce rite ridicule, il fut pris d'un vertige indicible : celui d'une chute immobile. Impossible de savoir si c'était la fatigue ou l'effet hypnotique qui l'avait attrapé le premier..

Il se laissa transporter, ballotter et se sentit fuir, filer toujours plus vite vers un point toujours plus loin, toujours plus petit. Il avait l'impression qu'on voulait lui arracher les yeux par l'arrière du crâne mais lorsqu'il voulut porter la main à son visage pour se préserver de cette douleur à laquelle il ne parvenait pas à résister, il fut surpris en remarquant que cela lui était impossible : son corps ne répondait pas. A vrai dire, rien ne répondait plus et même l'ordre de fermer les yeux semblait d'une vanité absolue et insensée.

C'est à ce moment qu'il crut comprendre : il cessa de luter et se concentra davantage encore, étant à la frontière entre le monde physique et le monde onirique. Un pas en avant le ferait retourner à Dreamland tandis qu'un pas en arrière le réveillerait immanquablement. Il avait déjà fait son choix : rien ne le retenait dans le monde réel, pour l'instant. Aucune envie, aucune passion, aucune énergie ni besoin. Paradoxalement, après tout ce temps passé à maudire Dreamland et à vouloir le quitter, Sydney y retournait de son plein gré. Si on lui avait dit ça auparavant, il aurait probablement ri et dénigré son interlocuteur qu'il aurait traité de fou ou d'idiot.

La confusion sensorielle qui était devenue dans les derniers instants semblable à un bourdonnement assourdissant laissa bientôt place à des perceptions plus ou moins distinctes : d'abord des bruits, des senteurs ; ensuite des sons et des odeurs... mais toujours un noir insondable au bout duquel brillait une faible étincelle blanche comparable à une étoile dans le néant de l'espace infini.

Il retrouva la sensation de son corps, son poids et la sensation.. de sa main. Sur son visage. Ce geste qu'il avait voulu exécuter sans y parvenir semblait pourtant effectif, désormais. Le paranoïaque se rendit alors compte que ce noir insondable, c'était sa main qui obscurcissait sa vue ; cette étoile blanche, un rai de lumière filtrant entre son index et son majeur. Lentement, il baissa la main, acclimatant ses yeux à la lumière ambiante.

Autour de lui, la panique était visible : ça se bousculait, ça courait et hurlait. Certains corps tombaient, poussés par les corps qui les précédaient et qui n'hésitaient pas dans leur hâte animale à les piétiner jusqu'à la mort. Un coup à l'épaule lui remit les idées en place. Il cligna des yeux rapidement et se mit inconsciemment en posture défensive tandis que les regards affolés se posaient sur lui par intermittence. Il ne semblait pas être à l'origine de ce vent de folie, aussi relâcha-t-il l'étreinte qu'il exerçait sur son sac à dos de peur qu'on le lui vole.

- Mais bon dieu des sept mers, c'est QUOI ce TRUC ?!
Il avait fini par cerner l'origine de la panique générale : une espèce de lézard géant et monstrueux dont les mouvements agiles bien que saccadés semblaient emprunts d'une colère noire. Les yeux du pirate s'étrécirent lorsqu'il constata que la peau de la bête avait la consistance et les motifs ondulants du sable. Il n'y avait qu'un seul être à Dreamland capable de créer une telle horreur.

Le reptile semblait vouloir s'en prendre à des jeunes filles qui ne possédaient pour seul moyen de locomotion qu'un canoë navigant sur une étendue rouge aux odeurs de.. pastèque..?
Le visage de Sydney se déforma et n'importe qui pouvait lire sur ses traits déconfits un message probablement assimilable à « ce monde est stupide ».

De sa ceinture, il empoigna sa couronne dont il coiffa son chef ; les cheveux prirent le même aspect écailleux que la bête et se mirent à siffler, véhéments. Sa main gauche attrapa ensuite son coupe-papier qui se transforma en épée dans une lueur mystique, possédant à présent un tranchant affûté meurtrier. Sa main droite, elle, décrocha le fouet d'obéissance et le déroula pour atteindre le manche de ce dernier, laissant le long fil traîner au sol en attendant de fendre l'air.

- EH, GODZILLA ! Ramène ta sale tronche par-là, tu veux ? On va parler.
Il s'était suffisamment approché du monstre pour que sa provocation surprenne ce dernier qui sembla lui trouver un intérêt soudain. Le lézard fixa le capitaine au bandana, sembla humer son odeur et lâcha un hurlement strident agrémenté d'une haleine fétide et de fils de bave visqueuse.

- J'ai pas peur de toi ! On m'a forcé à abandonner ma viennoiserie ce matin et j'ai rien bouffé à part de la pizza et un café : j'ai plus rien à perdre !
Fendant l'air, épée en avant, il exécuta une estocade qui se planta dans le corps sablonneux sans que cela semble réellement incommoder le monstre. De leur côté, les mille serpents plongeaient dans la chair irréelle pour y déverser un venin qui suintait sans pouvoir s'accrocher.

Déconcerté, il parvint à extraire sa lame alors qu'il lui semblait que le corps qu'il venait de planter agissait sur elle comme des sables mouvants, tentant de l'avaler lentement.
Il fit quelques pas en arrière afin d'évaluer la situation : merdique, comme d'habitude. Les cheveux serpents lâchèrent prise d'un mouvement unique et laissèrent s'échapper des filets de sable entre leurs dents acérées.
Le fouet du corsaire fila à son tour et claqua à hauteur de la tête de l'animal du Marchand de Sable, arrachant un nuage de sable au passage, au niveau de l'une des trois mâchoires. Un second coup, à revers, cette fois-ci, arracha un nouveau pan de « peau » dont le matériau semblait agir comme s'il voulait refermer la plaie et conserver du mieux possible l'intégrité de leur forme.

- On va voir si t'arrives à faire ça longtemps.
Une des pattes musclées vint le cueillir au moment où il finissait sa phrase, l'envoyant valser dans les airs pour retomber quelques mètres en arrière. Au moins, le message était clair : Sydney était passé au rang de proie numéro une et les jeunes filles pourraient au moins profiter de cet instant pour fuir – ou l'aider, sait-on jamais, des fois qu'un miracle de moralité sociale se produise, ce dont le capitaine doutait fortement au point qu'il ne l'envisageait presque pas.

D'ailleurs, pendant les quelques secondes douloureuses où il entreprit de se relever, Syd' s'interrogea sur ce qui l'avait poussé à sauver ces personnes. Non, ce n'était pas de la générosité ni de l'héroïsme, trait de caractère réservé aux imbéciles seuls... La réponse la plus probable qu'il retint fut qu'il devait s'être inconsciemment inquiété du sort de Jake, près duquel il était censé arriver selon les dires de ce vendeur. Encore une fois, on lui avait vendu une babiole inutile et inefficace. Encore une fois, on s'était foutu de sa gueule. L'artefact se révélait n'être qu'un petit objet simple manufacturé par des enfants esclaves et ne servant qu'une seule et unique fin : celle d'être un souvenir amusant dont on finit par se défaire à force de lassitude. Si ça se trouve, Jake n'avait pas attendu aussi longtemps pour se débarrasser de ce collier.

- Uh... Monde de merde...
Toutes dents dehors, le monstre se tenait prêt à s'abattre sur le paranoïaque pour le dévorer d'une bouchée. Dommage pour lui : sa proie tenait encore un peu à la vie, contrairement à tous ces Jonhs. Un réflexe vif de Syd' lui imprima un mouvement de poignet qui redirigea sa lame vers la patte sur laquelle le monstre s'appuyait le plus et trancha le sable dans une coupe nette. Le corps tomba lourdement au sol, amputé d'un membre dont la forme se perdait déjà comme un château dont le sable sèche et se désagrège à cause du vent. Le reptile semblait pourtant encore en vie, même si de son moignon s'échappait non pas du sang mais des grains dorés et fins.

Syd essuya grossièrement la goutte de sang qui coulait de son nez en lui apportant les odeurs ferreuses de l'hémoglobine.
- Alors ?! C'est pour aujourd'hui ou pour demain ?

A peine avait-il posé sa question à la belle Japonaise, qu'il fut témoin d'un spectacle extraordinaire: un monstre géant était en train d'émerger sous ses yeux écarquillés.

Mind blowing... ! Murmura t-il cette attraction est plus vraie que nature, ce doit être le clou de la fête, top fun !!! dit-il plus fort à l'intention de Yoake.

Il aperçut enfin Milly et Melena et trouva qu'elles se débrouillaient bien: elles étaient rapides pour des filles; bien moins cependant que le reptile préhistorico-fantastique qui avait l'air de vouloir poursuivre son numéro dans l'eau.
Malgré tout, il remarqua que l'atmosphère ambiante était étrange.
D'habitude, lors de ces sortes de shows, les gens avaient peur, certes, mais faisaient semblant, cela se voyait: petits et grands poussaient des hurlements de fausse panique, mêlés à la joie hystérique, les adolescents ricanaient en prenant des airs blasés et les papas posaient le dernier né sur leurs épaules afin qu'il puisse mieux voir.
Là c'étaient l'inverse: les mamans prenaient leur bébé sous le bras et couraient comme des dératées, tous les visages étaient tendus à leur paroxysme comme lorsqu'on est terrorisé, les environs n'étaient que cris sincères et débandade.
D'instinct il attrapa son sac plastique, coinça Gaston dedans en appuyant bien fort sur sa tête afin d'être sûr qu'il ne dépasse pas, fit un noeud à son baluchon de fortune, attrapa le coude de l'Ukiyo-e-magnifique-Image-du-Monde-Flottant et la poussa derrière lui afin de la protéger au moins de ce mouvement de foule.

Il y eut un éclair blanc qui semblait provenir du canoé et les gens affolés se bousculèrent, se piétinèrent au point qu'on aurait cru l'apocalypse. Ian eut même l'impression de voir un individu tomber du ciel tel les Quatre Cavaliers réunis en un type, non loin de lui, qui se voilait la face avec la main.
Un coup d'oeil sur Pseudo-Nessie lui fit définitivement comprendre qu'il attaquait les jeunes filles; son sang ne fit qu'un tour.

MILLYYY !!!! hurla t-il dans un mega stress.
C'est alors qu'il vit l'homme tombé des nues se coiffer de serpents et prendre un air cruel.
Ian pensant qu'il était de mèche avec la créature passablement sableuse s'apprêtait à foncer  afin de lui faire une tronche au carré dans les règles de l'art mais s'arrêta net car ce n'était pas tout...
Du coup les informations se mélangèrent dans son cerveau: en premier il vit le fouet cingler la poussière et hurla:
GAREZ-VOUS VOILA LE DOMPTEUR DU CIRQUE PINDER !!!
puis le coupe-papier qui se transforma en épée dans un éclair fulgurant et rectifia:
BALLS FROM HELLS, C'EST SAINT GEORGES !!!
Comme tout chevalier, le Personnage sans peur et sans reproche en imposait et partait au Front en affirmant haut et fort qu'il avait mangé une pizza pour faire croire à l'ennemi qu'il était une tortue Ninja.

C'était la guerre et il serait son page !
Il attrapa un morceau de pastèque abandonné au sol, l'écrasa dans ses mains et enduisit sa chevelure de suc afin de redresser les pics: quand on voulait servir un Héros, il fallait avoir de l'allure, Ian avait sa fierté !
Comme il passait les doigts dans sa chevelure, une chose étrange mais néanmoins déjà connue se passa dans son cerveau, comme si Speedy Gonzales avait donné un coup de frein subit.
Ses idées s'éclaircirent, le temps se ralentit et il en profita pour jauger les détails de la situation: la chimère était composée de sable donc vulnérable; aveugle, autre mauvais point, réagissant aux lumières vives, troisième faiblesse.
De plus, Saint Georges venait de trancher une patte qui peinait à se recomposer; c'était tout vu: lui le Serviteur  du Vénérable et Auguste Protecteur avait la possibilité de lui donner un coup de main !

Il chercha un bâton mais n'en trouva pas, il n'était pas à Dreamland pour rien; qu'importe, il attrapa sa chaussure, cela ferait l'affaire; déchira sa chemise de coton noir avec Mickey en placard dans le dos, arracha des mains la bouteille d'alcool de pastèque à un soudard qui peinait à s'enfuir et prépara une torche. Ne restait plus qu'à l'allumer.
Il trouva difficilement un silex et une brindille, et mit un temps infini à provoquer une étincelle.

Au final, une flamme gigantesque jaillit.
Enfin... Disons plutôt une loupiote maigrelette mais qu'importe, la bravoure n'avait pas de dimension et le Laquais de sa Sainteté se rua vers la bête immonde scandant « Blood of my enemies » de Manowar pour colorer l'action, ponctuée de hurlements pour qui voudrait l'entendre:
FAITES COMME MOI TOUS ET SUIVEZ-MOI !!! ON VA LUI FAIRE LA PEAU !
D'abord, dans la foule, ce ne fut que coups d'yeux sceptiques et timorés.
Des hommes se retournaient pour voir si le voisin réagirait tandis que les femmes suppliaient du regard.
Un grand silence se fit puis Ian eut l'impression de sentir dans son dos deux ou trois balaises - de ceux qui étaient sûrs du bon fonctionnement de leur virilité - empoigner dignement un bâton, visage fermé, et composer avec des gestes lents et sûrs des torches qui s'enflammèrent d'un coup comme chez Lucifer.
Poussant des rugissement de bêtes féroces il arrivèrent sur les talons du jeune homme qui entonnait le refrain de son hymne guerrier.
D'autres suivirent, pressés de près par une poignée d'adolescents qui eux, avaient tout à prouver du bon fonctionnement de leur virilité.
Au final, le jeune homme avait soulevé une armée complète, se tenant rangs serrés pour lui prêter main forte, ça il en était sûr !

La bête démoniaque, dérangée par la lumière et la chaleur s'arc bouta et tourna la tête dans l'espoir de se venger de cette procession de vulgaires fourmis.
C'est alors que Ian clama en direction de l'Illustrissime Bienheureux Britannique:

VAS-Y SAINT GEORGES, TERRASSE LE !!!

Il se retourna.
Personne n'était derrière; les braves soldats avaient fuit et le vulgaire amas de tissus fumait sur une chaussure carbonisée.
Pour couronner le tout, le reptile avait l'air encore plus menaçant.
Ian se gratta la tête. Quelque chose n'avait pas marché dans son histoire, cela ne devait pas se passer comme cela: dans les films les valeureux combattants gagnaient toujours...
Du coup il se dit qu'il aurait peut-être eu mieux fait d'aller chez le coiffeur.

C'était fou comme votre corps était capable de se rappeler à vous. Osmose naturelle ou pas, technique innée ou pas, les muscles de ses bras lui faisaient comprendre de manière véhémente qu'ils auraient préféré rester au chômage. Les articulations de Jade la tiraillaient à chaque fois qu'elle maniait sa pagaie, souvenir laissé par le concours de passes en équilibre. Malgré la douleur, le duo ne s'en sortait pas si mal. Il y avait des ratés bien sûr et Speedy Gonzales ne serait jamais leur alter ego mais il n'y avait pas de quoi avoir honte. Autour, la folle les encourageait poliment, motivation suffisante pour arracher un sourire à l'adolescente épuisée.

- Après ça je veux un massage, souffla-t-elle, mutine, entre deux coups de rame.

Les yeux fixés sur la ligne d'arrivée, la bonne jumelle faisait de son mieux lorsqu'un craquement sourd résonna dans son dos. Un son proche du macadam se fendant en deux lors d'un des tremblements de terre qui agitaient parfois San Francisco. Ils se trouvaient aussi en zone sismique, à Téhinastèque ? Et cet œil, c'était quoi ?! La voix d'outre tombe lui glaça les sangs, mais ce qui acheva de la terroriser fut l'horreur sur les visages des spectateurs. Qu'est-ce qu'ils avaient pu voir de si horrible ? Un simple coup d’œil en arrière et elle se décomposa. Qu'est-ce que c'était que ce truc ?! Aussi gros que la chimère qu'elle avait combattu dans l’arène de Sextus, le monstre n'était visiblement pas là pour goûter à la tequila-pastèque. A croire qu'une journée tranquille à Dreamland, ça n'existait pas.

Bon, tout n'était pas perdu. Il y avait une vraie foule, le temps qu'il pourchasse tous ces pauvres gens, Melena et elle pourraient quitter la rivière artificielle, récupérer les autres et filer. Une théorie parfaite qui tomba à l'eau lorsque le reptile fondit vers le bassin, droit sur elles. Même sans la demande de sa petite amie, Jade comptait bien passer la seconde, voir la cinquième même. Ses mains crispées sur sa rame tremblaient comme celles d'un malade atteint de Parkinson et son cœur fébrile menaçait de jaillir de sa poitrine, lui donnait l'impression qu'elle allait tomber raide.

Ça y était. Malgré ses efforts, le monstre bondissait déjà en direction de leur canoë, prêt à les déchiqueter. L'adolescente ferma les yeux avec force comme si ça avait eu l'effet de la protéger de la mort et à son grand étonnement... rien de se passa. Elle leva avec crainte une paupière pour découvrir que la bête avait été projetée sur le côté par quelque chose de non identifié. Après un signe de croix rapide tandis qu'elle psalmodiait à mi-voix, Jade reprit la course avec toute la force du désespoir. Elle ne se rendit compte de l'état morbide de Mel' uniquement quand la voix de cette dernière s'exprima dans l'enceinte de son crâne.

- Comment tu fais ça ? Tu...

La bonne jumelle s'arrêta net lorsqu'elle découvrit dans son dos la cadavre de l'irlandaise étendu au fond de leur bateau. On l'aurait cru dévoré, déchiquetée par quelque chose d'horrible... même en connaissant ce « don », Jade ne pouvait s'empêcher de trouver ça terriblement réel et d'accompagner cette impression d'une violente nausée. Serrer les dents, faire taire les cris de son cœur et de son estomac et ramer. Ramer vite, ramer bien. Ramer seule. Elle aurait probablement lâché sa pagaie, devenant inconsistante devant la panique croissante si la Jade d'origine n'avait pas reprit les manettes.

- Je ferais ce que je peux, mais seule c'est pas facile ! Maugréa-t-elle entre ses dents à l'adresse de la fausse morte dans son dos.Je suis en string, j'ai rien sur moi pour nous aider et j'ai mal partout... oh merde ça fait vraiment un mal de chien!

Comme si Dieu avait entendu ses réclamations, un homme apparu de nulle part pour entamer un combat violent contre le monstre. Un voyageur bien équipé, visiblement. Ian aussi tentait à sa façon d'aider, mais ça ne servait à rien d'autre que d'ajouter à l'adolescente une angoisse supplémentaire : cet idiot allait juste réussir à se faire tuer ! Heureusement que celui qu'il appelait « St Georges » était assez doué pour gérer plus ou moins le problème en solitaire...

Le canoë heurta enfin le bord du bassin et Jade s'en extirpa pour le hisser sur le bord tant bien que mal, lui et son morbide fardeau. Melena ne semblait pas pouvoir encore se relever, mais le temps pressait. Elle se devait de faire quelque chose pour aider leur sauveur qui ne tarderait pas à se faire étriper. Penchée sur le corps de sa petite amie, elle lui murmura :

- Reste là, sans bouger. Cette chose doit se repérer à l'odeur, si tu as celle d'une morte je doute qu'elle te prenne pour cible. Moi... je vais voir ce que je peux faire. Elle marqua une pause avant de lancer, dans une tentative peu convaincue d'humour : L'étrangler avec mon string, peut-être.

Le temps de cligner des yeux qu'elle s'était déjà évanouie dans la foule en panique. Jade avançait tant bien que mal à contre-courant sans la moindre idée de ce qu'elle pourrait faire une fois sur place. C'est le ballottement du cristal entre ses seins qui lui permit de se remémorer la seule carte qu'elle avait actuellement dans sa manche : Hope. Jamais nom n'avait été si bien choisi. Le pendentif se mit à luire et la psychotique se retrouva bientôt à cheval sur son étrange monture qui s'éleva sans tarder dans les airs. Ici, non seulement elle pouvait respirer mais elle avait une vue parfaite sur le champ de bataille. C'est avec une clarté sans pareille qu'elle vit le monstre replonger dans le sol qui se mit de nouveau à vibrer. Où... où est-ce qu'il allait bien pouvoir sortir ?!

D'ici, Jade pouvait repérer plus où moins les déplacements de la bête. Lorsqu'elle la vit fondre sous Sydney, elle ne prit pas le temps de réfléchir et intima à la chimère de plonger. Le paranoïaque fut attrapé au vol juste avant que l'énorme mâchoire ne sorte pour le gober et la chimère remonta en flèche, ses deux cavaliers sur le dos. Enfin... pour l'heure, l'un des deux se trouvait en position « sac-à-patate » mais il ne leur en tiendrait probablement pas rigueur... non ?

- Euh... salut... Ça te dit un petit combat aérien ? Tu fournis l'arme et moi la monture ?

Arborant un sourire autant nerveux que gêné, Jay écarta les mains en signe d'impuissance.

- J'ai laissé mes affaires au vestiaire le temps de la foire, j'ai pas mieux à proposer pour le moment.

Jade n'y avait pas cru et Yoake le sentait  quelque chose se serra en elle, c'était  comme si elle avait  trahit la confiance de la psychotique, mais  ce n'était pas le but pourrait-elle lui pardonner son silence sur sa plus grande peur? Elle l’espérait.

Ian récupéra le chapeau fromage et se mit à danser, devant les jeunes filles, un fou rire la prit Ian réussissait au moins ça, faire naître de la joie dans le cœur des gens, Yoake s'étonnait elle même de ne plus ressentir en elle le dégoût face à sa phobie. Le jeune homme lui rendit alors le chapeau et partit étendre ces affaires. Se fut au tour de Jade de tendre la main pour récupérer le chapeau sa main toucha  la sienne et une faible lumière blanche jaillit alors et la  japonaise sans  comprendre laissa tomber le chapeau aux sol. Ses yeux fixèrent la lumières , elle sentait  son index se réchauffer, mais ce n'était pas désagréable loin de là. La lumière disparut et Jade s’excusa comme si elle  était coupable de soigner les gens.

- Tu…

Elle retira son pansement et regarda son doigt comme si c'était la première fois. Elle leva alors ses yeux vers Jade et constata que cette dernière était gênée sans vraiment comprendre pourquoi…

- Tu as soigné ma blessure.

C'était la deuxième fois qu'on le faisait et Jade n'avait même pas eu besoin de cadavre ou d'autre horreur c'est comme si pour elle c'était naturel. Un ange pensa-t-elle tandis qu'un sourire naissait dans ses lèvres. Voyant que la psychotique était toujours aussi gênée, Yoake fit quelque chose d'assez étrange pour elle . Ses bras entourèrent sa nouvelle amie.

- Merci, tu ne peux pas savoir le bien que tu m'as fait.

La situation devait être gênante, Jade devait sûrement trouver la réaction de Yoake trop excessive après tout il ne s'agissait que d'un simple bobo, mais c'était pour la japonaise une liberté supplémentaire pour son corps, peut-être que grâce à ça  elle se sentirait mieux . Elle retira ses bras et dit en regardant Melena qui faisait la queue.

- Tu devrait la rejoindre, Ian et moi on vous encouragera  du bords, ah et peut être qu'un jour j'aurais le courage d'en parler plus librement…. désolée.

Elle avait dit ça, pour s’excuser de ses mensonges, mais ces excuses étaient venues tellement tard que Jade ne devais rien comprendre du tout.

Tant pis elle rejoignit donc Ian laissant les deux participantes intégrer la file, Ce dernier lui proposa de prendre place sur l'herbe à côté de lui ce qu'elle fit dans une sourire. Elle leva une nouvelle fois sa main et regarda son index doutant encore de sa guérison. Elle ne s'était jamais sentit aussi bien depuis qu'elle était à Dreamland, elle passait des bons moments loin des dangers de ce monde. Ian parla alors du souhait de Milly, ainsi que sa proposition. Ils iraient donc tout les quatre, parce que Melena ne lâcherait  pas Jade et elle-même souhaitait rester près de ses amies. Aussi allait-elle dans le sens de Ian.

- Ne t'inquiète pas on finira bien par s'entendre , tant que tu ne fait pas des massages à Melena ça devrait le faire.

Dit-elle sur le ton de la plaisanterie. Ian ne semblait pas relever sa réponse car il parla de son chapeau fromage. Il voulait l'échanger Yoake porta le chapeau à ses yeux cherchant à voir ce qu'il avait de si attrayant rien sûrement, il était juste encombrant. Elle s'allongea et se servit du fromage comme oreiller et grimaça, en clair il était encombrant, inconfortable et totalement inutile, en revanche le cache oreille pouvais servir et prendrait beaucoup moins de place dans son sac.

- Je veux bien te l'échanger contre ton cache oreille, mais je ne pense pas que tu fasses une bonne affaire.

Ian ne répondit pas, il devait penser à quelque chose d'autre mais la japonaise posa son regard ailleurs tiens sur la courses qui débutait par exemple, Ian parla alors de Gaston mais Yoake ne trouva rien à répondre. Elle se leva et encouragea le duo qui semblait avoir bien du mal à avancer, le canoé, se n'était pas aussi simple que de faire du vélo.... Ian demanda alors où elles étaient et Yoake pointa du doigt dans leurs direction.

C'est alors qu'elle l'entendit, cette voix... c'était Dreamland même ? la japonaise sentit son sang se glacer, se sentant nu dans son maillot de bain elle remit son sac sur ses épaules et sortit alors sa batte, méfiantes, la fêtes était fini ce n'était pas difficile à comprendre. Elle vit alors le monstre sortir de terre sous les cris de peurs des fêtards, la peau de la japonaise devient blême quand elle aperçu les lames dorsales et les griffes sur ses mains, elle ne trouva pas la force de répondre à Ian se dernier pensais que c'était un spectacle... quel idiot...

C'est alors que le monstre fonça sur la barque et une lumière blanche la protégea mais pour combien de temps encore, Yoake ne resta pas très longtemps derrière Ian et fonça vers la barque, un homme descendit du ciel et la japonaise le vit coiffer des mêmes serpents que Melena et Dakota quelques jours plus tôt cette armes devait être terriblement efficace pour que chaque voyageurs en est un exemplaire, le voyageur inconnue s'attaqua à la créatures et Yoake se remit à courir en direction du canoë, jusqu'à ce que le mouvement de panique, la fasse chuter au sol elle se roula en boule et se releva comme elle pouvait, pour voir l'horreur de la situation.

Tout le monde courrait autour d'elle, le hurlement de la bête retentissait couvrant le crie de peur des gens autour d'elle la barque était contre la berge et Yoake eu juste le temps de voir la chimère s'envoler, et les cheveux blond de Jade s'envoler avec elle en direction du monstre, ou était Melena ? Yoake tourna la tête et ne pu répondre à cette question car elle venait de voir la folie même Ian se dirigeait avec pour seul arme un bâton de flammes, les gens derrière lui tremblant de peur n'en menais pas large. Yoake réagit alors par instinct elle n'avait pas oublié, c'était la dernière chance de Ian il était dans le coma, s'il mourrait ici, il ne se réveillerait pas dans le monde réelle. Elle pensa aussi à la joie qu'il avait eu en sachant que Jade ne les abandonnait pas, et sa détermination grimpa en elle.  Elle s’arrêta derrière la bête et ses yeux agrandissait de terreur devant le dos de la bête et ses lames tranchantes, ce n'était pas une  simplefemme comme la dernière fois que pouvait-elle faire contre ça. Elle vit alors la main du monstre se tendre s’apprêtant à frapper mortellement Ian et lança son fouet arrêtant net le bras du monstre. Son visage se tordit de douleur en sentant sa main se blesser à nouveau, des gouttes de sueurs dégoulinèrent le long de son front preuve de la fatigue qu'elle ressentait quand elle utilisait son pouvoir. Le monstre poussa un grognement et força sur son bras mais Yoake ne lacha rien. Elle hurla à l'attention de Ian :

-viens m'aider il faut le déséquilibrer.

Elle força à nouveaux et emmena le poignet de la bète derrière lui en y mettant toute sa rage et sa force, c'était tout ce qu'elle pouvait faire elle en avait conscience aussi restait-elle concentrée sur les geste du monstre essayant de jamais se trouver face à la bète, les secondes défilèrent presque interminable mais Yoake eu l'impression que son travail payait. Si tout allait bien Le nouveau voyageur et Jade aurait l'occasion de frapper.

Jade l’aurait entendue ? Ce constat calma momentanément la terreur de Melena. Si son amie pouvait l’entendre, alors elle n’était plus complètement seule dans son mausolée de chair, c’était presque rassurant. Presque. Elle ne voyait rien, mais crut entendre une voix par-dessus le vacarme de la foule qui appelait le monstre. L’irlandaise s’en voulait de ne plus pouvoir assister sa petite amie mais remerciait intérieurement cet inconnu d’éloigner le danger. Ses pensées continuaient à tourbillonner, tourmentées et fragmentées, mais elle n’était pas certaine que la psychotique les perçoive.

La thanatophobe ne sentit pas vraiment le canoë heurter le bord du bassin. Elle comprit que leur parcours était terminé quand Jade le hissa sur le bord et se pencha sur elle pour lui glisser quelques consignes avec un trait d’humour. Dans la carcasse morte et mutilée de Melena, son cœur se réchauffa. L’instinct protecteur de sa petite amie à son égard n’avait pas changé ; il y avait quelque chose de touchant qui l’aurait presque convaincue de rester sous cette forme. Malheureusement, elle détestait cet état. Il ta terrifiait, parce qu’elle craignait chaque fois qu’il ne s’arrête jamais, que ce soit la « vraie » mort, parce qu’elle ne se sentait plus vivante.

Il y avait le tumulte de la foule en panique, les déclarations enflammées de Sydney, les exclamations surexcitées de Ian, et les cris reptiliens de la chose. Quand elle ne laissait pas échapper ses hurlements chimériques, elle produisait des espèces de cliquetis surnaturelles, comme si ses dents étaient amovibles et s’entrechoquaient. En plus, une autre pensée s’insinua dans l’esprit de la nécrophobe : et si la créature du Marchand de Sable ne se repérait pas seulement à l’odeur et à l’ouïe ? Après tout, dès son apparition, elle l’avait attaquée, elle. Pas un autochtone, pas même Ian ou Yoake. La cible numéro 1 c’était elle, l’adepte, qui avait continué à faire parler de sa personne en participant à l’arrestation de Janice. Et si la chimère ressentait leurs pouvoirs ? Elle pourrait la trouver, faux cadavre ou pas.

L’irlandaise désactiva son pouvoir. Elle prit une profonde inspiration en revenant à la vie alors que ses blessures artificielles se refermaient sans laisser de traces. A l’instar de Jade, elle n’avait rien, tout son attirail était resté dans les consignes, et ce qu’elle portait actuellement, comme son magnégide, ne lui serait pas d’une grande aide. Pourtant, il était hors de question qu’elle reste planquée : déjà parce qu’elle ne voulait pas se laisser cueillir comme une idiote, mais aussi parce qu’elle ne supportait pas l’idée que la bonne jumelle risque sa vie seule. Pâle comme un linge, elle quitta le canoë et se précipita derrière un petit stand de souvenirs déserté pour détailler la situation.

Il y avait la créature, comme au centre d’une arène, le sol fissuré par ses voyages souterrains, des volutes de poussière s’élevant haut dans le ciel bleu. Il lui manquait une patte et le sable qui en suintait coulait indéfiniment, sans parvenir à se solidifier. Jade, elle, volait sur le dos d’une monture chimérique dont elle se promit de lui demander une explication de la provenance. L’homme inconfortablement installé avec elle lui disait vaguement quelque chose, bien qu’elle ait du mal à le remettre.

Privée de celui qui l'avait amputée d’un membre, la créature du Marchand de Sable tourna sa tête aveugle vers le pauvre Ian, nu pied, sans chemise, tenant dans ses mains une chaussure qui fumait. Arme dérisoire qui ne le protégerait en rien et l’adolescente était trop loin pour l’aider. Elle voulait crier, lui dire de déguerpir, mais mourrait de peur à l’idée de révéler sa position. La chimère des sables chargea alors, prête à l’éviscérer d’un coup de griffes… et ce fut le fouet sanglant de l’hématophobe qui sauva l’hyperactif in extremis. Elle tenait bon, malgré sa phobie et l’anémie, mais alors, elle devint la nouvelle cible. La thanatophobe blêmit plus encore : Yoake allait se faire tuer. C’était inévitable.  

Tant que personne ne faisait attention à elle, Melena pouvait agir. Dans le dos de la bête au museau tourné vers la japonaise, juste à côté de Ian, elle fit apparaître son coffre à cadavres. La grande boîte ouvragée s’extirpa du sol dans des entrelacs surnaturels et bientôt, la charogne costaude de ce bon vieux Bald souleva le couvercle pour sortir à l’air libre. A la lumière du jour, il était affreux. Une tâche maronnâte, souvenir de sa blessure mortelle, s’étalait sur le devant de son tee-shirt crasseux. Il était criblé de trous causés par des balles desquels le sang coagulé ne coulait pas et des œdèmes post-mortem marbraient son visage rustre.    

- Désolée Yoake, murmura l’irlandaise qui frissonna, pâlit, mais conserva son contrôle.

La marionnette rua alors sur la chimère de sable avant qu'elle n'attaque, passa un bras autour de son cou et se mit à lui marteler la gueule de ses poings brisés. Des coups puissants, sans retenue, qui décrochaient chaque fois des lambeaux de sable et de chair sans réellement blesser le monstre. Au cinquième coup, les mains du cadavre étaient écorchées jusqu’à l’os et la bête, elle, était intacte. Elle se souleva alors sur ses pattes arrière, tira un grand coup avec son membre lié qui traîna la japonaise sur plusieurs mètres et planta ses griffes dans le dos de Bald pour le jeter au sol comme une poupée de chiffon.

Tombée face au soleil, ce furent alors les pieds de la charogne qui furent utilisés comme arme. Un coup bien placé fit reculer le monstre, un autre lui tira un hurlement, mais acheva également de l’énerver. Elle poussa un caquètement victorieux et plongea en avant. Sa gueule aux trois mâchoires s'enfonça dans le ventre du cadavre, aussi facilement que s’il était en mousse, et arracha violemment la peau et une partie de la cage thoracique. Parfaite démonstration de supériorité et de férocité.  

La vision des organes dénudés exposés à la lumière du soleil donna un haut-le-cœur à Melena qui ferma instinctivement les yeux et se réfugia derrière son stand. Elle avait appris à faire face mais ce flash était au-delà de ce qu’elle pouvait supporter. Recroquevillée, les jambes serrés contre sa poitrine, elle pressa ses paupières closes et brûlantes de migraine contre ses genoux. Agitée de frisson de terreur, elle ne pouvait plus bouger, pétrifiée par le choc de cette image.

Abandonnée sur le champ de bataille, sa marionnette trop utilisée subit une pourriture accélérée jusqu’à ne devenir qu’un squelette mutilé couvert de vêtements déchirés. L’hématophobe et l’hyperactif redevenaient alors les seules cibles à portée immédiate…

Plutôt fier de lui jusqu'à présent, le pirate s'était reposé sur ses lauriers après les premiers coups. Il constata son erreur lorsque la bête répondit par un geste d'une agilité inouïe qui lui fit recevoir un coup de queue puissant. Le souffle coupé, il entendit de manière confuse des acclamations dont il ne parvint pas à cerner l'origine.

- Saint QUI ? Je suis athée, putain !
Perturbé par cette syncope imprévue, le capitaine avait perdu le rythme du combat et ne parvint pas à retrouver sa concentration. Le monstre, lui, profita du moment d'absence de son adversaire pour tenter de porter un coup fatal à celui qui avait fait l'affront de le sous-estimer. S'enfouissant dans le sol, le monstre souleva un nuage de sable et de poussière qui força Syd' à passer son bras devant ses yeux. Lorsqu'il put enfin le retirer, il n'y avait plus rien.

Le sol tremblait et un bruit rocailleux émanant des profondeurs indiquait que la bête de sable avait dû creuser... non pas pour s'enfuir mais pour mieux contre-attaquer. Ce repli stratégique empêchait de le localiser avec précision ; le sol instable n'arrangeait rien à cette position délicate dans laquelle Sydney comprenait peu à peu son erreur : il avait été imprudent de s'approcher autant, de se mêler à un combat qui n'était pas le sien.

Les tremblements se firent plus intenses sous ses pieds ; le corsaire voulut esquiver mais le mini-séisme manquait de le faire tomber à chaque seconde. Il se prépara à encaisser le coup. Son corps se couvrit alors d'écailles dures et solides, rendant son aspect reptilien. Cette protection magique, avec sa couleur terre donnait à la peau de Sydney une teinte ocre proche du sable dont était composé l'horreur qui perçait déjà le sol et s'apprêtait à le happer férocement.

Concentré sur ses pieds, il ne vit pas arriver la chimère qui l'emporta d'un coup de tête, le propulsant sur sa croupe avant d'entamer une remontée fulgurante. Secoué et écrasé par les forces contraires, le paranoïaque dut attendre que l'animal mythique stabilise son vol avant de s'asseoir d'une manière plus convenable. Il put alors détailler le dos nu de sa sauveuse, mais ce n'était pas la seule chose que la tenue mettait à nu et il ne put retenir ses yeux d'appréhender les courbes de la demoiselle bien que celle-ci semblait peu à l'aise de cette rencontre inopinée.

Le vent hachurait les paroles de la jeune fille, forçant le capitaine au bandana à tendre l'oreille pour la comprendre. Il ne répondit à ses questions que par un grognement peu convaincu mais néanmoins coopératif. Il jugeait la question idiote étant donné la situation. Que pouvait-il faire à part ça ? Sauter ? S'écraser violemment au sol comme un gros sac à matières fécales ? Non merci, ça ira.

Le semblant d'excuse que la portoricaine trouva ne parvint pas à convaincre le corsaire pour qui la prudence et la méfiance étaient des préceptes vitaux. Comment pouvait-on être à ce point naïf et partir sans arme en pensant que tout irait bien à Dreamland ? Encore une fois, les jeunes faisaient montre de leur entêtement téméraire et irresponsable.

- C'est à se demander qui sauve qui... On verra plus tard pour les excuses vaseuses. Plonge, cet iguane des plages est en train de lorgner sur la chintock en bas !
En effet, le sbire animal du Marchand de Sable avait délaissé Sydney, désormais hors d'atteinte, et songeait déjà à se faire un casse-croûte de la voyageuse restée à terre.

Celle-ci semblait vouloir le maîtriser à l'aide d'une mince ficelle rouge qui entravait la patte de l'animal. Plus loin, un type un peu trop enthousiaste agitait vainement une torche dans tous les sens sans que Syd' ne parvînt à comprendre le but de la manœuvre. Une troisième personne se donnait corps et âme... enfin surtout le corps qu'il finit par abandonner aux mâchoires de sable qui le déchiquetèrent de manière éhontée : les morceaux de chairs et les gerbes de sang voletaient autour du point d'impact avant de s'écraser lamentablement sur le sol ou tout autre surface capable de les accueillir.

- Eh ben j'espère que tu tenais pas trop à celui-là parce qu'il va être difficile à remplacer, commenta cyniquement le boucanier à l'adresse de la jeune fille alors qu'il s'agrippait au flanc de la chimère, prêt à descendre en piqué, lame en avant.
La bête docile s'exécuta et les deux voyageurs purent apprécier la délicate sensation d'avoir le vent qui vous siffle si fort dans les oreilles qu'on dirait celui-ci animé par la volonté de vous enfoncer une tronçonneuse dans le tympan en guise de coton-tige.

Le lion ailé arriva dans le dos de la bête, au niveau du garrot dans lequel la lame trancha profondément et avec expertise, laissant voire une tranche nette et droite. Le coup avait été si brutal que Sydney avait dû resserrer son étreinte sur le manche pour éviter de lâcher l'épée.
- Laisse-les : c'est entre toi et moi, mon grand ! Un combat de lézard à lézard !
Le monstre, contrit de douleur, peina à se relever et la plaie cracha un long flot de sable avant de pouvoir se refermer partiellement. Au sol, les grains semblaient s'envoler ou s'enfouir sous terre, disparaissant petit à petit, incapables de venir se fixer à nouveau dans le corps d'où ils émanaient.

- Il va crever un jour ou bien ? Non parce que c'est pas que ça me passionne pas de faire le pompon pour ce truc mais j'aimerais bien avoir la paix un jour, quand même. Et puis on va manquer de chair à canon si on doit attendre une autre opportunité comme ça.
Des yeux, il cherchait une idée, une solution ou ne serait-ce qu'un objet qui lui mette la puce à l'oreille quant au moyen de disposer de cet immense chose gênante. Dans les Terres Gelées, il avait suffi de tuer le sbire pour que ce dernier tombe en poussière mais là, les choses étaient très différentes, comme si le Marchand de Sable devenait de plus en plus éloquent dans sa manière de détester les voyageurs. D'abord une manifestation, une inondation de sable, un assassin et maintenant ça ! Quelle joie que d'être reçu de manière aussi diligente par son hôte.

Au passage, cette suite d'événement créa un déclic dans l'esprit du pirate qui craignait désormais que cette chose ne l'attendît LUI. Arborant son visage de mauvaise foi, il entreprit donc de se décharger de toute responsabilité tout en remisant le tact au placard, comme à son habitude.
- D'ailleurs, elle vient pour qui, cette bête ? Moi j'y suis pour rien, c'était toi qu'elle visait, de base. Je sais pas ce que vous avez fait pour mériter l'attention du Marchand de Sable mais j'apprécierais assez que vous ne mêliez pas les honnêtes voyageurs dans vos sales situations, merci.

Une idée en suivant une autre, le fourbe corsaire profita de cet instant pour matérialiser discrètement son Casier Judiciaire afin que la couverture de celui-ci touche un coin de peau. Le hasard et leur posture fit que ce coin de peau se trouva être un bout de fesse mais il n'y avait rien de sexuel là-dedans car ce n'était qu'un livre ; S'il vous plaît, retenez votre libido, lecteurs.
De toute façon, au bout des quelques secondes réglementaires, le pirate fit disparaître son livre, écœuré par votre attitude déplorable comme si rien ne s'était passé.

Chaussure fumante d'une main, sac en plastique contenant, entre-autre, un Gaston glougloutant furieusement de l'autre, Ian était au comble de la joie: les choses se passaient enfin à peu près à son rythme, c'est à dire rapidement.
Son pouvoir avait pris fin mais il arrivait à bien jauger la situation puisqu'elle était en vitesse accélérée, donc faite pour lui !

Le problème était que décidément, rien ne passait comme prévu: Saint Georges n'avait pas terrassé le dragon ni même remarqué sa bravoure et le dompteur du cirque Pinder n'avait pas réussi à apprivoiser la bête féroce avec son fouet tant et si bien que Milly, la toute belle et toute fine petite adolescente fut obligée d'user d'une de ses nombreuses magies de fée pour venir en aide au soi-disant héros baraqué, dans la force de l'âge - c'est à dire grosso modo la trentaine passée - donc un vieux !
Sur son cheval ailé, la belle enlevait le chevalier dans les airs, c'était le monde à l'envers.

Seulement voilà... Saint georges-Dompteur-Déchu n'étant plus à son poste de combat ; Nessie – après avoir joué à la taupe – se dirigeait vers lui toutes griffes dehors.
Ian leva bien haut la chaussure-torche afin de relever le défi de ce duel singulier, et s'apprêtait à se battre à la loyale quand Yoake-Samouraï arriva à la rescousse en projetant une gerbe de sang qui ligota la patte du monstre, lui sauvant ainsi la vie.

Ultra reconnaissant, il accourut aux côtés de Yoake qui l'appelait au secours, freina sec en soulevant une gerbe de poussière et tira si fort sur le filin que le noeud coulant se serra au point d'abîmer en partie la patte armée du lézard géant d'où un petit jet de sable s'échappa.
C'est alors qu'il vit que le fil étrangleur était du sang.
Il fit une grimace de dégoût avant de se tourner vers la jeune fille qui semblait fortement anémiée et peut-être à deux doigts de s'évanouir.
Il ne prit pas le temps d'attendre qu'elle tombe: sans lui demander son avis – comme il en avait hélas l'habitude – il la porta afin de l'emmener à l'écart du danger mais au bout de quelques enjambées, il s'arrêta net, bouche-bée: un macchabée taché de sang pourri sortait d'un coffre.
Tout en reculant, abasourdi, il reposa la jeune fille sur ses pieds gardant tout de même sa main dans la sienne en signe de protection.
Eberlué, il assista impuissant au combat féroce. Ils étaient presque aux premières loges et Ian vit tout jusqu'au moindre détail.
Le sang pas frais giclait tandis que le monstre gueule béante achevait tranquillement son repas.
Il vit les chairs déchiquetées, avalées à grands bruits de mâchoires, une jambe, puis l'autre, un bras... le torse fut ouvert au point qu'on pouvait contempler l'anatomie interne jusqu'aux boyaux sanguinolents encore pleins de matières fécales qui coulaient lentement sur le sol.
Quand la tête fut broyée, le lézard abominable recracha le squelette comme on se débarrasse d'une arête dans un poisson pané.

Complètement paniqué par cette vision digne des films gore il reprit son fardeau, le serra bien fort afin qu'il ne tombe pas et courut comme un fou vers un stand où il aperçut Melena cachée.

Euh... Elle n'a pas l'air très bien... dit-il d'une voix blanche tout en déposant la Japonaise aux côtés de la trop belle.
Il lui faut peut-être à boire...
Il se tourna, cherchant des yeux une des nombreuses pastèques abandonnées dans le fuite du public quand il vit la chimère ailée faire un piqué et Saint-Georges décapiter net l'ensablé.
De joie, il cria victoire en sautant sur ses pieds et se dit qu'il irait bien souquer afin d'aider la monstruosité à perdre son hémoglobine poussiéreuse.
Il piqua un sprint, se plaça devant ce qui restait de Pseudo-Nessie et ne vit pas la patte armée se lever vers lui car la Belle-Mère de Blanche-Neige, déguisée en sorcière lui offrait un bonbon tout blanc comme une crotte de chien archi-constipé.
Pour sûr qu'il en voulait bien de cette friandise ! Il en salivait d'avance tandis que le monstre écorchait salement son bras.
D'instinct il s'éloigna rapidement en lui criant: Même pas mal ! Et dégusta la sucrerie qui avait un délicieux goût de chantilly.
C'était bon, c'était léger comme un pop-corn, le jeune homme était heureux et fermait les yeux de ravissement.
Quand il les rouvrit... Il était en train de monter dans les airs comme un ballon en direction de la monture fantastique.
Il allait presque la toucher afin de monter à bord quand le vent se leva et le projeta loin, très loin...

MILLYYYY ….! Hurla t-il en voyant le paysage s'éloigner.
Qui avait fait cela ?
Saint Georges ? La trop belle acariâtre ? Yoak... Non, pas elle; la belle Japonaise était trop gentille pour utiliser aussi lâchement ses pouvoirs afin de se débarrasser de lui.

Jusqu'où fut-il ainsi emporté et où retomba t-il ?
il ne sut pas car contrairement à l'ascension, la chute fut si brutale qu'il tourna de l'oeil, le sac plastique contenant -entre autre – le dindon de Milly tout serré contre son coeur.
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HRP: je ne sais pas comment utiliser le « spoiler » donc voici le sort de la sorcière:
Goût chantilly:
Léger, si léger... Cette sucrerie vous rendra aussi aérienne qu'elle!
Pendant un message RP, vous serez si léger que vous pouvez vous envoler jusqu'à trois mètres au-dessus du sol mais attention ! Le moindre coup de vent pourrait vous entraîner loin, très loin des vôtres...

Tout n'était que chaos. C'était toujours dans ces moments-là que Jade se rappelait avec force qu'elle n'était qu'une fille de 17 ans. Une fille qui n'avait pas encore fini sa scolarité, qui rêvait d'une histoire d'amour à l'eau de rose, de sorties entre copines et d'une bonne part de pizza. Pas de se faire dévorer par un monstre de sable géant. Mais avait-elle le choix ? Elle s'était jetée elle-même à corps perdu dans ce combat pour protéger cet inconnu qui leur avait sauvé la vie, elle avait même proposé de fournir la monture pour la suite de la bataille... revenir en arrière paraissait inconcevable et pourtant ! Son cœur se serrait d'angoisse et elle aurait tué pour se retrouver au sol et au calme devant une bonne tequila-pastèque.

Sans s'offusquer du ton employé par Sydney, elle obtempéra et fit plonger Hope droit sur l'envoyé du Marchand de Sable. Le vent sifflait à ses oreilles au point de lui faire mal mais ce n'était rien en comparaison de la douleur qui envahissait sa poitrine sous l'effet du stress. C'était... c'était comme avoir Labeau Nefaie qui s'asseyait sur son torse, à peu de choses près. Impossible de savoir qui c'était l'appréhension de combattre ou la vue du cadavre en lambeau qui lui offrait cette « délicate » sensation. Elle n'avait pas le temps d'y réfléchir, de toute façon. Le duo était déjà proche du monstre, le pirate entamant la chair sablonneuse. Pas assez profondément malgré ses talents d’épéiste évidents. La peau de ce lézard devait être dure comme la pierre, alors comment faire ? Il lui faudrait plus d'élan, plus de force, plus...

La bonne jumelle enfouit sa tête dans ses mains dans l'espoir d'y trouver une réponse, mais tout ce qu'elle obtint fut plus de questions. La stratégie militaire ce n'était vraiment pas sa tasse de thé. Pendant ce temps, le chevalier inconnu déblatérait des paroles plus ou moins cohérentes dont l'adolescente ne saisissait pas complètement le sens. La seule chose évidente était qu'il essayait de tout lui mettre sur le dos et ça... c'était hors de question.

-  Hey ho, tu t'arrêtes là tout de suite ! J'ai rien demandé, moi ! Je ne sais même pas qui c'est, ton « marchand de sable » ! Tout ce que je faisais c'était m'amuser à la foire, boire un coup et me promener, rien qui mérite d'attirer l'attention d'une horreur surpuissante !

C'était la meilleure, ça ! Comme si elle n'avait pas déjà assez de choses à se reprocher, il fallait qu'on lui fasse porter le chapeau pour d'autres qui ne la concernaient pas le moins du monde.

-  C'est toi qui est arrivé en même temps que ce truc et c'est toi qui sais qui l'envoie. Qu'est-ce qui me dit qu'il ne venait pas t'accueillir, toi ?

Pendant qu'ils se disputaient ainsi, l'affrontement continuait au sol dans une terrible confusion. Elle était tellement perdue dans sa contemplation qu'elle ne sentit même pas le contact du livre sur sa fesse. Il lui sembla même voir Ian s'envoler en hurlant mais c'était absurde, il ne volait p...

-  Que... hein ?!

En suivant son camarade des yeux, la blondinette avait fini par croiser ceux d'une vieille femme immonde qui ressemblait à la méchante reine de Blanche Neige. A la place des pommes dans son panier se trouvait une multitude de bonbons à l'aspect peu ragoutant.

- Un bonbon ou un sort ? caqueta la vieille avant de lui offrir un sourire édenté.

Halloween ? Encore ? Après un soupir, Jade piocha un bonbon qu'elle enfourna avec une moue de dégoût sans se poser plus de question. Qu'elle le veuille ou non, on ne pouvait rien contre l'esprit de cette fête alors autant se prêter à son jeu. Qui sait ? Peut-être que les effets indésirables qui accompagnaient chaque intervention pourraient se révéler d'une quelconque utilité ? Comme pour répondre à son interrogation intérieure, la psychotique vira au violet de la tête aux pieds. De la peau aux cheveux en passant par les dents et le blanc des yeux, rien ne semblait épargné. Ridicule peut-être, ça avait au moins le mérite de rendre sa presque nudité moins évidente aux yeux des spectateurs.

-  C'est tout ? Juste violette ? Même pas un truc utile pour contrebalancer l'aspect myrtille ?

Tâtant son corps à la recherche d'un détail de différent, Jay réalisa que sa peau était étrangement élastique. Et pas que sa peau. Lorsqu'elle tira dessus, son index s'allongea pour reprendre sa taille normale dans un claquement sec lorsqu'elle relâcha sa prise. C'était... c'était juste...

-  Parfait ! Elle se tourna vers Sydney pour lui offrir son plus beau sourire violacé. J'ai un plan, monsieur le pirate. Vous me faites confiance ?

Visiblement non, mais elle ne comptait pas lui laisser le temps de protester. D'une pression des cuisses, l'adolescente intima à sa chimère de plonger de nouveau et se pencha en avant pour lui glisser à l'oreille ce qu'elle attendait d'elle. Hope rugit et fondit vers le lézard géant alors que Jade se tenait prête. Ça allait marcher, il fallait que ça marche ! Lorsqu'ils furent assez proches, elle allongea ses jambes pour les nouer autour des flancs du monstre et son invocation entama son ascension. Sous elle, ses jambes s'allongeaient encore et encore, se rapprochant de leur limite... c'était le moment.

La psychotique attrapa Sydney par la taille et laissa Hope fuir entre ses jambes, les laissant sans monture. Tout ce qui les attendait à présent était la chute. Comme un élastique qu'on relâchait, ses membres se rétractèrent dans un claquement, projetant le duo à toute vitesse vers le monstre. Il était trop tard pour regretter, tout ce que Jade pu faire fut hurler. Hurler à s'en décoller les poumons alors que le sol se rapprochait à une vitesse vertigineuse et que le rouquin brandissait en désespoir de cause son coupe-papier magique.

Est-ce qu'elle avait encore des os à briser ? Ils le découvriraient bien assez tôt. Lors de l'impact la lame trancha la nuque du lézard avec tellement de force qu'elle fendit le corps jusqu'à passer au travers. Macabre trophée, la tête massive tomba dans la poussière où elle commença à se désagréger. Jade et Sydney furent quant à eux projetés au sol. L'adolescente enserra le pirate dans ses bras dans l'espoir de le préserver de l'impact. Il n'avait pas la chance d'être aussi malléable qu'elle, un tel choc risquait de le réduire en miettes...

Spoiler:

- C'est moi ou t'essaye de me mettre sur le dos l'apparition de ce truc ? C'est pas moi, je te dis ! C'est pas parce que je sais qui est le Marchand de Sable qu'il vient expressément pour moi. Il doit être venu pour un de tes copains, c'est tout.
Sydney n'aimait pas ce genre de résistance de la part de ses interlocuteurs. Il préférait de loin les personnes qui acquiesçaient en acceptant simplement les faits qu'il énonçait ; la mauvaise foi l'irritait de manière assez vive.

Pourtant, il réussit à prendre sur lui et ne rien dire de plus. Sans doute aussi parce qu'il était engagé dans un duel à mort entre son « dragon » et lui, chevauchant une chimère. Il songea d'ailleurs à en dire davantage au petit groupe sur leur réel assaillant mais préféra de loin l'idée de monnayer cette information de toute évidence occultée par le temps et la plupart des média employés pour en apprendre davantage.

Dans ses réflexions, Sydney vit passer le fanatique de Saint Charles ou qui que ce soit passer devant ses yeux, visiblement propulsé par une grande force et envoyé au loin. Cet événement eut au moins l'effet de concentrer à nouveau le pirate sur sa tâche.
- « Plus dure sera la chute », commenta-t-il simplement d'un ton sceptique. Il portait d'office le nombre de victime à deux sans même s'inquiéter du sort réel de l'homme volant. S'il survivait, ça serait tant mieux pour lui.

La jeune fille préféré, au lieu de retourner se battre, venir cueillir une confiserie dans le panier d'une vieille sorcière, ce que le corsaire désapprouva vivement d'un grognement constipé.
La vieille l'intima d'imiter sa benjamine mais il refusa. Il se vit tout de même « offrir de force » une confiserie peu engageante dont l'odeur âcre lui tira un léger rictus de dégoût. Il rangea le bonbon dans son sac sans savoir s'il serait un jour assez fou pour le manger ou pas.
- C'est bon ? On peut y aller ?? Bien ! A la bonne heure, matelot.

Ils reprirent la voie des airs tandis que la dénudée savourait son poison sucré. Le capitaine au bandana s'attendait à la voir bleuir et chuter de sa bête d'un instant à l'autre mais au lieu de ça, elle.. prit une teinte violette assez inquiétante. En la voyant allonger son doigt comme s'il s'agissait d'un chewing gum ou d'un élastique, c'est lui qui fut pris de l'envie de sauter de la chimère pendant une fraction de seconde.

Il écarquilla les yeux quand l'aubergine malléable lui demanda si elle avait confiance en elle. Pas besoin de réfléchir car sa bouche éructait déjà instinctivement un NON.
Malheureusement – comme par hasard – ce « non » fut bien vite balayé par le vent violent, presque chassé de sa bouche à peine eut-il franchi ses lèvres : la chimère reprenait de l'altitude avec force et vigueur. Elle fit suivre sa légère ascension d'une descente tout aussi musclée.

Pas du tout préparé, le paranoïaque peina à suivra la cadence et même un simple geste pour maintenir son bandana sur sa tête s'avérait difficile, contrecarré par les forces contraires qui faisaient pression sur son corps anti-aérodynamique.
Dans ce tourbillon de couleurs, il ne comprenait rien et ne voyait aucune issue jusqu'à ce qu'une tâche violette ne se dessine devant ses yeux : la jeune fille venait de l'attraper pour lui faire lâcher la chimère. Les deux étaient à présent en l'air et leur vision eut à peine le temps de se stabiliser que la chute, accélérée par l'effet élastique, reprenait de plus belle.

Syd', lui, se débattait. Cette salope avait tout planifié depuis le début : elle allait le faire s'écraser au sol comme une fiente de mouette, le tuer pour une obscure raison. Dans sa lutte, il agitait son épée dans l'espoir de trancher la fourbe. Il n'y parvint malheureusement pas et le choc s'annonçait de plus en plus proche. Dans un dernier espoir, la voyant reliée au monstre, il fendit l'air de sa lame qu'il pointa en direction de la bête, la tenant à deux mains.

Ils arrivèrent droit sur le dos du lézard des sables dans lequel il enfonça son épée en angle droit, lui imprimant une légère rotation du poignet qu'il ne perçut même pas, cette dernière ayant pour effet de faire glisser le tranchant une fois pleinement enfoncé dans le corps écailleux, le tranchant de part et d'autre.

L'atterrissage fut brutal et douloureux malgré le corps élastique qui le recouvrait et ses écailles qui amortissaient les chocs.
Le corsaire avait la tête qui lui tournait effroyablement et ses jambes flageolaient presque. Oh bien sûr qu'il n'avouerait pas qu'il avait voulu la tuer. Il préférait de loin l'image du héros triomphant que la foule lui renvoyait avec des acclamations. Pour autant, cette attention soudaine ne lui plus pas.
- Fermez vos clapets, bandes de chiens des mers, lâches ! Vous n'avez rien fait pour stopper ce machin alors la moindre des choses que vous puissiez faire, marins d'eau douce, c'est d'avoir un peu de décence et d'humilité !

Autant il ne se serait pas privé d'une telle célébrité à Atlantis, autant la révélation de l'omniprésence du Marchand de Sable le rendait très mal à l'aise : il craignait que sa victoire ne lui attire les foudres de ce dernier. Ce Dieu ancien n'apprécierait probablement pas qu'un pirate effronté contrecarre ses plans de vengeance en se mêlant de ce qui ne le regardait pas. Les habitants, refroidis par la réprimande, se dispersèrent rapidement. Entre les raclements de gorge gênés et les murmures indécis, chacun retournait à son stand ou commençait à déblayer les dégâts engendrés par l'affrontement. Seuls quelques villageois restèrent pour continuer à acclamer les voyageurs ; certains saouls, d'autre juste hystériques ou heureux d'avoir échappé à leur funeste sort de dégât collatéral.

Le pirate n'y prêta aucune attention et se dirigea vers son binôme d'infortune à qui il tendit une main ferme tout en la regardant de haut. Il ne voulait à aucun prix s'abaisser en reconnaissant que celle-ci lui avait sauvé la vie ou l'avait aidé à tuer le monstre. En vérité, il en était encore à se dire que tout se serait très bien passé et qu'il n'avait pas besoin d'aide.
- Rien de cassé ? Allez, debout moussaillon : on va ramasser tes potes.

Son corps lui faisait mal à plusieurs endroit. Rien ne semblait brisé mais il aurait très probablement un bon nombre de bleus et probablement déjà une ou deux côtes fêlées... allez savoir.
Une fois la jeune fille debout, son cœur rata un coche et son pouls s'accéléra. Il se sentit fébrile et ému. En effet, il venait de se souvenir qu'il avait récolté des informations sur elle, quelle excitation ! D'un côté il mourrait d'envie d'ouvrir son carnet pour s'assurer qu'elle était bien honnête et que le monstre avait été en tout temps sa seule et unique cible, mais d'un autre côté il souhaitait aussi garder le secret de son pouvoir encore un moment, juste le temps d'un petit questionnaire innocent.

- Il va vraiment falloir que vous appreniez à faire attention à vous, bande de mousses. Si vous ne savez pas encore ce qui vous a attaqué, alors je donne pas cher de votre peau dans l'avenir. Enfin bref, moi c'est Syd'. CAPITAINE Syd'. A qui ai-je l'honneur, mam'zelle ? il feignit une révérence qui se voulait hypocrite ; les pirates n'étaient pas connus pour leurs manières sincères, après tout.

- Oh, désolé : j'oubliais... Il ôta sa couronne de méduse et la remplaça par son bandana rouge après avoir brièvement recoiffé ses cheveux. Il se rappela alors que sa lame était restée fichée dans le monstre dont le cadavre commençait à s'égrainer, révélant un bout de lame surmonté par une garde. Tournant les talons, il intima la jeune fille de le suivre d'un mouvement de tête. Une fois arrivé au pied de la carcasse sablonneuse, il entama l'escalade pour venir récupérer son arme qui avait entre temps repris son aspect d'origine. Il la remisa à sa ceinture et descendit en glissant sur les écailles qui se transformaient sur son passage en sable fin.

Le monstre tourna alors la tête vers Yoake. La Japonaise savait qu’il en voulait à sa vie. Tremblante, elle saisit sa batte de son autre main et la leva au-dessus de sa tête. Cela n’empêcherait pas le monstre de la tuer, elle le savait, mais elle ne pouvait s’y résoudre. Quelle contradiction, elle ne pouvait laisser un ami mourir sous ses yeux, mais elle avait peur d'en assumer les conséquences.

Elle serra sa prise sur sa batte, tout en retenant sa respiration et attendit que la bête attaque.
Mais quelqu’un passa soudain au-dessus d’elle directement et s’attaqua à la bête. En un regard, la Japonaise reconnue Bald le cannibale, celui qui peu de temps plus tôt voulait les tuer. Pourtant, il ne se serait jamais jeté dans la gueule de ce monstre pour la sauver, à moins que… La mort en soit responsable.

*Melena* pensa-t-elle

Elle ne put réfléchir plus longtemps la bête leva le bras et Yoake se sentit trainer sur plusieurs mètres sans qu’elle puisse réagir. Le monstre jeta le cadavre à terre et Yoake pu voir que malgré les efforts de Bald, le monstre plongea sa mâchoire pour en extirper tripes et boyaux. Le dégoût devait se lire le visage de la jeune femme, tandis qu’elle se levait, mais la bête n’en avait pas fini avec elle du sang dégoulina de ses dents pointues et arrivèrent juste sur son visage et ses bras nus. Le regard de la Japonaise s’agrandit de terreur en voyant les gouttes de sang continuant de pleuvoir sur son corps et la recouvrir peu à peu de ce liquide rouge comme si le cadavre en contenait des litres et des litres. En regardant devant elle et au travers du voile rouge caractéristique de ses visions, elle remarqua qu’Ian tentait de l’aider. L’aider à quoi déjà ? La fatigue s’accentuait et Yoake se sentant doucement partir, dans un effort de concentration, elle réussit à résorber son sang repris place dans son corps.

Elle se sentait mal, on la portait sûrement, mais rien ne calmait l’angoisse qu’elle ressentait au plus profond d’elle-même, elle tourna faiblement sa tête, mais le visage de Ian oscilla parfois avec celui de Kyle puis celui de Bald. Celui des villageois avait le regard vide des morts du salon de thé, il ne manquait plus que son petit frère… En fait non, il était là et la suivait malgré le sang qui dégoulinait d’une plaie béante sur son torse.

Elle voulait hurler, mais seul un faible râle sortit de sa bouche, elle secoua la tête dans tous les sens afin de quitter cette vision d’horreur et sentit finalement qu’on la déposait. Elle cligna plusieurs fois des yeux afin de se concentrer sur la réalité et entendit Ian parler de son état à Melena. Elle dit alors :

- ça… ça va passer ne t’en fait pas

Mais Ian était déjà parti. Elle tenta de bouger ses membres un à un, espérant pouvoir fuir en cas de besoin, mais c’était peine perdu son regard croisa alors celui de Melena son visage était aussi pale que la mort et la Japonaise se rendit alors compte que la thanatophobe paraissait aussi fragile qu’elle. C’était tellement bizarre de la voir comme ça, mais en même temps, elle était tellement plus humaine à présent.

- Tu, tu as détourné l’attention de la bête non ? Merci de m’avoir aidé à m’enfuir… On a fait une sacrée équipe.

Elle essaya de sourire, afin de motiver son amie, mais son sourire se transforma vite en grimace à cause de la fatigue surement.

Elle laissa sa tête aller en arrière et remarqua Ian qui hurlait le nom de Milly en volant au-dessus d'elles, il n’en ratait pas une celui-là. Elle entendit aussi les cris de victoires des villageois et Yoake se mit debout sur ses jambes tremblantes s’appuyant sur le stand pour ne pas retomber au sol.

- ils ont réussi.

Dit-elle contente de voir la bête redevenir un simple tas de sable.

- Des bonbon ou un sort ?

Fit une fois rocailleuse derrière elle. En se retournant la Japonaise, fixa la vielle tenant un bol de bonbons devant elle. Hésitante, elle prit finalement un bonbon et le mit dans sa bouche.

- ça ne peut pas me faire de mal, merci.

Dit-elle en sentant le goût de gingembre envahir sa bouche. Drôle de parfum pour un bonbon, mais pourquoi pas. Elle remarqua alors qu'elle avait quand même du sang sur ses bras, celui de bald sûrement, mais qu'importe, elle avait besoin d'eau et les douches n'étaient pas loin.

-Je, je dois aller...

Il devait encore avoir de l'eau même froide ça fera l'affaire, elle ne supportait pas d'avoir le sang de ce malade sur sa peau même si c'était infime et puis son doigt s'était à nouveau ouvert, elle ne pouvait pas demander à Jade de la soigner une fois de plus. S’exciter comme ça, lui faisait tourner la tête, elle tenta un pas, deux pas et s'effondra au troisième dans les bras d'un homme, elle mit un temps à comprendre qu'il s'agissait de Gab.

-Tu ne devrais pas te lever maintenant le combat t'as épuisés.

-Merci, mais je dois vraiment...


-Assis toi au moins pendant quelques minutes, le temps de te reposer.

Dit-il en la posant sur la chaise d'un stand.

-Ta main, tu es blessée ? Je vais m'en occuper.

-Laissez passer, j'ai ce qu'il faut! fit un villageois tenant une trousse de secours à la main.

-Et moi, j'ai à boire dit un autre, je suis sûr qu'elle ira mieux après ce jus de pastèque vitaminée.

Yoake s'étonna de voir les villageois se plier en quatre pour elle, ce n'était pas comme si elle avait fait quelque chose contre la bête de sable. Un coup d’œil vers ses amis lui apprit qu'elle était la seule à bénéficier d'autant d'attention. Bientôt, elle n'arrivait même plus à voir de têtes connues . La masse qui l'avait entouré là dérangeait de plus en plus, mais elle ne savait pas comment s'en débarrasser. Elle tenta donc :

-Vous devriez peut-être vous occuper des autres non, ils sont peut-être blessés...

-Elle est tellement gentille de penser aux autres avant de penser à elle-même.

-Attends, tu as du sang sur ta peau, je vais enlever ça.

Yoake retira sa main soudain tendue et insista :

-Vraiment, je vais bien, il y a sûrement plein d'autres choses à faire que de s'occuper de moi non ?

-Oui je sais bien, mais je m'inquiète vraiment pour toi...

Fit un autre en réussissant à enlever le sang sur sa joue.

-….Peut-être avec un baiser

Termina un petit vieux devant le regard horrifié de la Japonaise.

-Un baiser ? Mais tu déconnes vieux schnock si jamais elle fait un baiser, c'est à moi, après tout, je suis le fils du maire de ce village...

-Et avec moi, elle ne manquera de rien, j'ai tout une villa à Sextus...

-Mais une femme n'a pas besoin de ton argent grand père retourne t'occuper de tes esclaves.

Gab lui tendit alors sa main :

-Ignore-les, Yoake, c'est avec moi que tu veux être non. Allons-y !

-Tu crois vraiment qu'on va te laisser partir avec elle.

Dit le vieux en frappant Gab d'un coup de canne.

C'est à ce moment-là que tout dégénéra sous les yeux de la Japonaise, pratiquement tous se battaient pour elle, et quand ce n'était pas le cas, il venait chacun son tour lui offrir des cadeaux, ou alors lui proposer un arrangement certain même jouais sa main aux lancées de pastèques

Agacée, la nippone donna une claque à un homme qui voulait cette fois lui offrir Dreamland.

-Mais vous êtes complètement cinglés allez tous voir un psy sérieux !

Profitant du blanc qu'offrait son intervention, Yoake se dégagea, frôla Melena et couru à travers les stands, tous ces gens lui faisaient peur. Depuis quand étaient-ils comme ça, c'était juste au moment ou le monstre était vaincu, mais elle n'avait pas vaincu le monstre et se pouvoir n'avait aucun rapport avec sa phobie, c'était le bonbon ? Sûrement, elle se souvenait qu'elle n'avait pas pu résister à la proposition de la vieille dame comme si elle n'était plus maîtresse d'elle-même.

Elle pensait qu'en s'éloignant du combat, elle serait en sécurité, elle avait eu tort. Elle le comprit bien trop tard en entendant une voix derrière elle.

-Enfin seuls !

Le bonbon:

Sa tête lui faisait mal et l’image du cadavre éventré semblait imprimée sur sa rétine. C’était comme rouvrir la voie à une vieille terreur que, jusqu’à là, elle parvenait à dompter. Ses oreilles bourdonnaient, le monde n’était que brouhaha et images incertaines. A tel point que lorsque l’hyperactif  installa une Yoake anémiée à ses côtés, Melena resta figée dans sa posture prostrée et murmura un « fiche-moi la paix Ian » sans même lui jeter un regard. Pourtant il fallait qu’elle bouge. Jade. Elle était toujours en train de se battre. Jamais elles ne s’étaient laissées tomber quand elles voyageaient ensemble, il n’était pas question de perdre les bonnes habitudes.

Ses yeux d’orage se tournèrent vers la japonaise qui la remercia de l’avoir sauvée. Bizarrement, elle se sentit irritée – presque en colère. Avec le recul, l’intervention de l’hématophobe était stupide ! Elle aurait pu se faire tuer en sauvant Ian et aux yeux de l’irlandaise, pas besoin de s’interroger longtemps pour savoir quelle vie comptait le plus. L’adolescente resta muette, blafarde et assommée par la migraine. Ce qui l’énervait au fond, c’était de ne pas encore être assez forte… ne pas être assez forte pour préserver les rares personnes auxquelles elle tenait.

Elle ne fit même pas attention à l’hyperactif qui s’envolait vers d’autres cieux en criant. Avec lenteur, elle déplia ses membres fins et se remit sur ses jambes. Un choc sourd lui parvint, écho de l’assaut final, et quand elle osa quitter sa cachette, la bête était morte. Autre détail, sa petite amie arborait une couleur myrtille de la tête aux pieds mais ça, ça ne l’étonnait même pas. « B.AD. ». Par contre… les yeux de Melena s’agrandirent quand elle reconnut le « pirate » qui leur avait prêté main forte : c’était ce type exécrable dans les terres gelées qu’elle avait traité comme du poisson pourri.

Un ressentiment brûlant enfla dans la poitrine de la nécrophobe. Pas vraiment de la jalousie, parce qu’elle se conduisait de la sorte avant que ses sentiments ne soient révélés ; non juste, elle ne supportait pas qu’un énergumène qu’elle détestait observe si peu de distance avec Jade. Surtout dans cette tenue. Oubliant momentanément Yoake qui se tournait vers une étrange vieille femme, l’irlandaise s’avança d’un air inquisiteur vers le duo formé par la psychotique et le paranoïaque. Sans s’annoncer, elle attrapa la main de Jade pour la tirer en arrière et la placer dans son dos, afin de faire face à Sydney. Bien que pâle comme un linge, encore fragilisée par son accès de phobie, elle planta ses yeux pâles dans ceux du pirate.

- Tiens donc, voilà une surprise, dit-elle froidement, c’était super, au revoir.

Dire merci ? Non. C’était au-dessus de ses forces. Et puis, c’était facile de combler ses lacunes par tout un attirail hors de prix. Avec son propre équipement, elle aurait terrassé ce truc en deux fois moins de temps, alors rien ne l’impressionnait. Qui parlait de délit de faciès ? Consciente que Jade ne comprendrait pas cette réaction, Melena la fit reculer de quelques pas pour lui murmurer hors d’atteinte des oreilles du concerné :

- Ce type n’est pas fréquentable, il ne reste pas avec nous ! … je ne l’aime pas, ajouta-t-elle, je l’ai croisé dans les Terres gelées. Déjà, il a utilisé un de ses pouvoirs en douce sur moi, et en plus, à ce moment là, j’étais seule dans le blizzard ; il m’aurait laissée crever que de me donner deux-trois conseils qui ne lui coûtaient rien pour m’aider à trouver mon ombre. Elle feint de réfléchir, Oh non pardon, il m’aurait aidé si j’avais accepté de le « servir » en échange. Pfff !

C’est à ce moment que la voix de Yoake l’empêcha de poursuivre ses messes-basses.  Effectivement, l’irlandaise avait vu du coin de l’œil qu’elle attirait son petit fanclub, mais elle ne se doutait pas que la situation dégénérerait. L’hématophobe la frôla dans sa fuite avant de disparaître entre les stands peu à peu regagnés par leurs propriétaires. Les membres de l’attroupement semblèrent reprendre leurs esprits depuis le départ de japonaise et Melena, elle, poussa un soupir en se pinçant l’arrête du nez :

- Je vais la chercher… s’il te fait, fais attention avec lui le temps que je revienne, elle désigna Sydney du menton.

Allait-elle partir longtemps ? Devait-elle l’embrasser ? L’enlacer ? Ne rien faire ? L’adolescente resta bloquée un instant, l’air gêné, et accentua seulement brièvement la pression de sa main sur celle de sa petite amie avant de suivre son aînée. A chacun de ses pas, l’impression qu’un coup de marteau s’écrasait contre chacune de ses tempes. Au moins, il ne fut pas si difficile de trouver la trace de Yoake parce que les gens murmuraient encore sur son passage, comme s’ils avaient vu passer une célébrité. Brusquement, la thanatophobe faillit renverser une vieille qui s’était dressée sur son chemin. La même qui proposait plus tôt des friandises à la nippone justement.

- Pas le temps mamie, grogna-t-elle en la dépassant.

Elle n’avait pas fait trois mètres que la même femme aux allures de sorcière disney se représentait en lui plantant sous le nez son plateau à bonbons avec plus d’insistance. Agacée, Melena en prit un juste pour qu’on lui fiche la paix et l’enfourna sans même réfléchir. Même sans en avoir bu énormément, la dernière remontait d’ailleurs à sa pizza party avec Elie et Jade, elle reconnut le goût significatif de la bière. Bizarre pour un bonbon.

Son ventre gargouilla. C’était un peu la même sensation que quand on avait bu trop de coca. L’adolescente dût pourtant remettre ses problèmes gastriques à plus tard parce qu’elle venait de retrouver son amie et un type beaucoup trop insistant tentait de l’approcher d’un peu trop près.

- Hé-là ! S’exclama Melena, laisse-là tranquille.

En jetant un œil à Yoake, elle eu presque honte de se dire qu’elle comprenait cet individu. Après tout, elle ne s’était jamais posé la question, mais elle était vachement jolie non ? Son cœur appartenait à Jade et pourtant… elle n’avait jamais réalisé qu’elle ressentait aussi une telle attirance charnelle, et passionnelle, pour l’hématophobe. Ou bien… ou bien ce n’était pas naturel et elle avait mangé un truc louche. Comme ces champignons dans la forêt au nord de Sextus.

- Laisse-nous toi ! Je ne m’occupe que d’une seule fleur aujourd’hui.
- Ecoutez, rétorqua Melena en se pinçant l’arrête du nez, on vient d’affronter un monstre, j’ai mal au crâne, ne m’obligez pas à vous éloigner de force, s’il vous plait…

Non elle n’avait pas envie. Cela signifierait très certainement utiliser ses pouvoirs, probablement celui de la faucheuse, et elle n’était pas certaine que ce genre de pratique contribuerait à augmenter sa côte de popularité auprès des autochtones. Le type allait protester mais l’estomac de l’irlandaise ne lui en laissa pas le temps : aussi irrésistible qu’inattendu, un rot comme elle n’aurait jamais cru pouvoir en produire se fraya un chemin vers la sortie. Outre l’aspect disgracieux de la chose, l’éructation provoqua une onde de choc qui souleva un nuage de poussière et balaya le dreamlandien qui retomba, sonné, plusieurs mètres plus loin.  

Spoiler:

Ian et son ballon ne filaient pas vite mais inexorablement.
Avant de tomber dans les pommes il avait eu le temps de voir sa chère Milly se transformer en chewing-gum à la myrtille puis le chevalier-dompteur Saint Georges raccourcir l'iguane géant du trognon; c'était bien ce qu'il pensait: ce type était un héros même s'il était loin d'égaliser l'adolescente.

Quand la scène ne fut plus qu'un point à l'horizon, le jeune homme regarda vers le sol histoire de voir où il se dirigeait et ne vit que des champs de pastèques immenses et plats qui semblaient s'étendre à l'infini.
Finalement ce voyage lui plut et il entonna « Fly away » de Lenny Kravitz; malheureusement, il ne put finir sa chanson: un gamin, sur le chemin poussiéreux qui sillonnait entre les cultures, jouait avec un lance-pierre.
Il fallait croire que les corbeaux devaient manquer dans ce coin car il prit le ballon pour cible, tira et dégomma l'objectif en un PAF retentissant.
Sous le poids du globe-trotteur, la baudruche fit un piqué en direction de l'unique champs où se trouvait une grande pierre plate en plein milieu; c'est la-dessus que Ian atterrit la tête la première, pas de chance...

Quand il rouvrit l'oeil une migraine carabinée l'attendait tapie au fond du crâne et une bosse germait dessus.
Il resta assis quelques instants à s'ébrouer, vérifia si son sac plastique était toujours là, libéra un Gaston qui le regardait avec des yeux mauvais avant de lui tourner le dos et lâcher une fiente juste devant lui.

Mon pote, c'était ça ou te faire écrabouiller par la foule ou te faire bouffer par le lézard alors estime toi heureux: tu es vivant !

Ian était aux anges en se remémorant la bataille.
Certes il ne l'avait gagnée mais il avait bien participé et avait fait tout ce qu'il lui était possible de faire avec juste un pouvoir de rien du tout et aucun objet magique, ça fallait le faire !
Il énuméra ses actions juste pour le plaisir du brossage de nombril:
D'abord j'ai protégé Gaston puis j'ai indisposé le monstre avec ma torche, vu qu'il a bougé, j'ai aidé Yoake et je lui ai sauvé la vie !
Si ce n'était pas de l'héroïsme pur ça !

Bon il fallait qu'il bouge à présent.
Il se leva, vérifia s'il n'avait pas perdu d'affaires et se retourna afin de se situer un peu.
C'est alors qu'il vit un petit paquet derrière la pierre.
Il déchira rapidement le papier et découvrit une paire de baskets banales mais neuves; il en sauta de joie avant de les enfiler:
MERCI DREAMLAND CHERI !!! lança t-il au ciel.
Au moment de nouer les lacets, il vit une goutte de sang tomber.
Il arrêta son geste, reluqua à nouveau le firmament: rien.
Il repris sa tâche.
Une autre goutte... C'était trop fort !
Il eut alors l'idée de s'inspecter lui-même et vit la blessure sur son bras: une longue estafilade sanguinolente.
AAAAHHHH, AU SECOURS ! JE VAIS MOURIR !!! hurla t-il désespéré.
Le môme franc-tireur qui n'était pas loin arriva en courant, regarda la blessure et s'exclama:
Bof, c'est rien, t'as qu'à cracher dessus, ça désinfecte, c'est mon père qui dit ça.
Ah bon... répondit simplement Ian en glaviotant sur la griffure.

T'es d'où toi ? Je ne t'ai jamais vu. Moi je suis à la ferme là-bas lança l'enfant en faisant un geste vague.
Ben, j'étais à la foire à la pastèque et il faut que j'y retourne, il y a bal ce soir ! Répondit le jeune homme.
La foire ? Veinard ! Mais c'est loin... Tu as de quoi prendre le bus ? Demanda le garçon
Ouais j'ai un peu de tune, c'est où le bus ? Demanda l'hyperactif.
Tu vois le virage tout là-bas ? Et ben l'arrêt c'est juste après; faudra attendre un peu... Bon je file, hasta luego !
Sur ce, l'enfant déguerpit et Ian se retrouva seul sous un soleil de plomb.
N'ayant ni chapeau ni casquette il décida d'enfiler son caleçon noir et fluo sur sa tête afin de se protéger de l'insolation, tout en criant: Je suis Slip-Man !!!

Il traversa le champs et se retrouva sur le chemin de terre.
Afin de se donner du courage il entonna « I'm a pooor lonesome cowboy » mais cela ne suffisait pas à raccourcir la route droite et ennuyeuse; il décida donc de réciter ce qu'il voyait à ses pieds, cela lui donnerait la cadence:
« Craie et silex et herbe et craie et silex
Et silex et poussière et craie et silex
Herbe, herbe et silex et craie, silex et craie
Silex, silex et craie
Et craie et silex
Et craie... », hourra ! S'écria t-il: le virage était presque à portée de pas.
Tout ragaillardi, il se mit à courir jusqu'au petit auvent de toile rouge délavée, tenant à peine sur quatre piquets de bois vermoulu faisant office d'abri-bus.
Il attendit.
Ce n'était pas son fort mais il n'avait pas le choix ni rien d'autre à faire.

Tout près, des canaux d'irrigation creusés à même la terre filaient droit vers les plantations en une eau glauque et stagnante, peuplée de myriades de moustiques.
Le corps du jeune homme vêtu d'un simple caleçon à grosses fleurs rouges devint alors leur terrain de jeu préféré et accessoirement un garde-manger appétissant.
Littéralement bouffé, Ian passa son temps à les chasser, à se donner des claques, à écraser les intrus gonflé de sang tout en sautillant de rage.
Mais au moins, tout ceci l'avait occupé; il ne vit pas le temps passer et aperçut au loin, le bus ou du moins une masse noirâtre qui s'approchait à la vitesse de l'escargot.
Le jeune homme plissa des yeux et mit sa main en visière: le véhicule se rapprochait; se rapprocha encore puis s'arrêta.
Ian aussi ne bougeait plus mais pour d'autres raisons.
Mâchoire pendante, bras ballants, la mine dépitée il contemplait d'un oeil morne l'engin de locomotion nommé « bus »: un vieil âne tirant lamentablement une charrette toute de guingois.
Au-dessus, un cocher, peut-être encore plus âgé que la bête tentait, impuissant, de faire avancer l'animal rétif qui avait décidé de faire ici même sa pause syndicale.

Sonnée, Jade eut un mal fou à se remettre sur ses jambes. Elle avait l'impression de continuer de vibrer, comme si le violence du choc ne s'évacuait que progressivement de son corps. C'était probablement dû à la consistance actuelle de son corps mais peu importait la raison, tout ce qu'elle avait en tête à l'heure actuelle était qu'elle avait gagné ! Malgré la peur qui la prenait au ventre elle avait tenu bon et combattu jusqu'au bout, malgré son plan totalement dingue qui aurait fait souiller le fond de culotte de la Jade habituelle. Elle se sentait grandie par son exploit, d'ailleurs elle rayonnait encore littéralement de charisme -comme tout au long du combat- effet de son pouvoir qui ne tarderait pas à disparaître.

Pendant que l'adolescente exultait, son compagnon d'arme rabrouait les civils. Elle ne s'en formalisa pas, après ce qu'il venait de vivre, le pauvre devait être une véritable boule de nerf... d'ailleurs devait-elle s'excuser ? Il avait risqué sa vie par sa faute, c'était le minimum syndical.

- Désolée pour tout à l'heure, j'ai agis dans l'urgence. J'espère que tu n'as rien de cassé... j'ai fait de mon mieux pour amortir le choc.

La bonne jumelle agrémenta son explication d'un sourire gêné avant d'écouter les remontrances du pirate tandis qu'elle retrouvait ses couleurs naturelles. Elle avait presque l'impression d'entendre parler une version masculine d'Elie. Ou de sa mère. Même si elle comprenait les raisons de ce conseil, elle ne pouvait s'empêcher de penser que se conduire comme ça en permanence frisait la paranoïa, Dreamland ou pas. Si on ne pouvait jamais se détendre, autant se pendre tout de suite. Elle esquissa un discret signe de croix sur sa poitrine pour s'excuser de sa pensée païenne.

Il se nommait donc Sydney et se proclamait capitaine... rien que ça ! Pourtant une fois débarrassé de ses serpents il n'avait plus rien de très impressionnant. C'était juste un mec dans la vingtaine grimé en pirate, sa longue tignasse rousse tenue en respect par son bandana. S'il n'avait pas l'air des plus ouvert, il n'avait pas non plus l'air d'un criminel en puissance. Un bon point pour lui d'ailleurs. Et puis, il venait de les aider non ? C'est qu'il ne devait pas avoir un mauvais fond. Cet homme était sûrement, à l'instar de la mauvaise jumelle, un roquet qui aimait beaucoup aboyer, bien plus que mordre.

Si l'envie de poursuivre la conversation était là, la question des présentations soulevait un point délicat : quel nom donner ? Il était hors de question de révéler sa véritable identité, surtout si proche de Miquitzli, mais Yoake et Melena passaient leur temps à l'appeler Jade. Si elle se présentait sous son nom d'emprunt, la supercherie serait aussitôt révélée et franchement, il y avait mieux comme début de relation amicale. Commencer par un mensonge évident n'était pas chose à faire, surtout quand l'ami potentiel était visiblement susceptible. Elle resta donc pensive un moment sans répondre tandis que le pirate s'en allait récupérer ses affaires. C'est seulement lorsqu'il revint vers elle qu'elle soupira et tendit le bras pour une franche poignée de main, sourire charismatique en prime.

- Enchantée, Cap'tain ! Tu peux m'appeler Milly, c'est qu'un nom d'emprunt mais il y a d'autres entités surpuissantes que je n'ai pas envie d'alerter en laissant connaître ma véritable identité.

Melena choisit ce moment pour arriver, il n'y avait plus qu'à espérer qu'elle ait entendu sa déclaration pour enregistrer qu'il y avait des choses à garder secrètes, au moins pour l'instant. L'espoir de Jade sur le sujet retomba un peu lorsqu'elle constata que sa petite amie était bien trop préoccupée par l'antipathie qu'elle ressentait pour Sydney pour s'intéresser à autre chose. La psychotique écoutait en silence, un sourcil haussé, tandis que l'effet de son pouvoir s'estompait. Le récit qu'elle lui faisait était tellement à l'opposé du comportement du paranoïaque... ne venait-il pas de les aider gratuitement ? Soit il avait changé, soit Melena voyait encore le monde en noir et blanc et vu le comportement de cette dernière envers Ian, l'adolescente ne pouvait s'empêcher de pencher pour la seconde proposition.

- Tu ne crois pas que tu dramatises un peu, là ? Il n'a pas l'air si mé...

Tiens, une impression de déjà-vu... une fois encore on ne l'écoutait pas et on partait sans l'attendre. Pff... Il n'y en avait pas un pour rattraper l'autre ! La bonne jumelle regarda la nécrophobe s'éloigner à recherche de Yoake, sans même s'intéresser à son opinion ou à ses désirs. Une moue agacée sur le visage, Jade croisa les bras avant de finalement hausser les épaules, se tournant vers Syd'. Qu'elle dise ce qu'elle voulait, la psychotique avait bien l'intention de se faire son propre jugement.

- Ne fais pas attention à Melena. Elle est gentille mais elle a tendance à être un peu... rétive lorsqu'il s'agit de faire de nouvelles rencontres. D'ailleurs elle m'a dit que tu avais utilisé un pouvoir en douce sur elle. De quoi elle parlait au juste ?

Le souvenir du contact contre son fessier, jusqu'alors occulté, lui revint en mémoire. Est-ce que ça aurait un rapport avec... non, décidément elle finissait par devenir aussi méfiante que les autres ! Le bénéfice du doute n'était pas fait pour les chiens et cet homme y avait droit autant que les autres. Autant changer de sujet avant de devenir aussi exécrable que le reste du monde. D'ailleurs elle avait une foule de questions plus constructives à poser.

- Enfin bref, c'est pas important ! Parle-moi plutôt de ce qui nous a attaqué... tu as l'air assez calé sur le sujet, c'est quelque chose que tu avais déjà rencontré ? J'ai croisé pas mal d'horreurs mais jamais rien de ce genre... d'ailleurs tu es apparu de nulle part, non ? Tu étais tombé dans un trou dimensionnel ? Ça m'arrive tout le temps, c'est à me rendre dingue !

Ian s'approcha du cocher et demanda:
Euh... Vous pourriez m'emmener rapidement à la foire à la pastèque ?
Oui hombre, on pourra t'emmener tranquillement quand Martino aura décidé, répondit simplement le vieil homme avant de se caler sur son siège en vue d'une sieste.
Le jeune homme mal à l'aise continua d'une petite voix: mais... votre Martino va mettre longtemps à se décider ?
Oui hombre... affirma t-il en fermant les yeux.

L'hypercactif était tellement dérouté que Dreamland put savourer au moins cinq minutes de silence à entendre les mouches voler et les pastèques pousser.
Le vieux ronflait à présent et l'âne le regardait bêtement; Ian n'avait pas d'autre choix que de poursuivre sa route à pied, ce qu'il fit.
Le chemin était monotone et filait droit à perte de vue. Le bout qui se mêlait à l'horizon dans une brume de chaleur semblait descendant.
S'accrochant à l'espoir que la déclivité annonçerait les portes du village, il repartit d'un pas alerte, Gaston assez loin de ses talons.
Durant sa pérégrination, il en profita pour se remémorer tout ce qu'il avait déjà vécu dans ce monde fantastique et se demanda comment un monstre pareil avait pu débarquer à la foire d'un patelin perdu au fin fond d'une jungle, pourquoi Jake avait des flammes dans ses cheveux, s'il y avait beaucoup d'autres voyageurs ici ou ailleurs, si sa maman ne s'ennuyait pas trop de lui, etc, etc...
Tout ceci l'amena à un croisement dont les pancartes de bois indiquaient: tout droit, la « foire à la pastèque » et à gauche, la ferme « Hacienda Sol i Sombra » dont on apercevait les bâtiments en torchis à demi délabrés.
Ian hésita, se demandant si là-bas il n'y aurait pas un véhicule qui pourrait l'emmener mais les lieux semblaient déserts, abandonnés.
Craignant de perdre son temps en pas supplémentaires pour rien, il continua tout droit en s'ennuyant si profondément qu'aucune chanson ne lui vint à l'esprit comme si dans sa tête tout devenait vide avec juste des parasites qui défilaient à toute vitesse.
Grâce à son trouble il n'avait pas encore mal aux jambes, ne ressentait aucune fatigue mais il avait des ampoules aux pieds qui le faisait boiter. Il s'arrêta afin de mettre ses baskets en position savates qui éviterait le douloureux frottement aux talons.

Ainsi penché, il ne pouvait entendre les pas feutrés derrière lui qui approchaient et sursauta quand il sentit une main se poser ferme sur son dos.
Il se redressa d'un coup et fit face à un homme trapu, sec, entre deux âges, peut-être la quarantaine qui arborait un je ne sais quoi de déjà vu dans les traits du visage comme taillés à la serpe.
Hola, lança l'homme, tu es étranger ?
Salut, répondit Ian tout sourire, je retourne à la foire, il y a bal ce soir !
Je sais, Pedro m'a dit... ajouta l'autochtone d'une voix grave, à peine teintée de sous-entendu et... Tu n'as pas pris le bus, tu n'a pas d'argent ?
Ian lui répondit naïvement que si, il avait des rubz mais que l'âne ne voulait pas avancer et que le cocher faisait la sieste.
A cet instant, le jeune homme perçut une lueur fourbe et agressive dans les yeux noirs de l'interlocuteur; sa sirène d'alarme intérieure se mit en marche.
Bon... J'y vais, j'ai encore de la route à faire moi, dit-il d'un ton mal assuré.
D'une main sur l'épaule, l'homme stoppa net l'amorce de départ.
Voyageur ? Interrogea t-il les yeux plongés dans les siens, seul ? Ajouta t-il.
Ian avait beau avoir une tête de piaf il possédait quand même un minimum de jugeote et son esprit lui soufflait que la rencontre ne promettait rien de bon.
Il décida de taire le nom de ses potes et défia du regard le fermier.
En guise d'atmosphère sonore à la mésaventure, un air s'imposa à lui: Man with a Harmonica de Il était une fois dans l'ouest,  mais il n'osa même pas fredonner: le type ne semblait pas posséder de sens de l'humour.
Seul. Affirma le jeune homme, c'est interdit ?
Au même moment un éclair d'acier l'aveugla, l'homme avait sortit un couteau de la poche intérieure de sa veste en lambeau en un geste vif et posant le tranchant sur sa carotide articula froidement: ta tune hombre et vite, d'un ton qui n'admettait aucun commentaire.

Ian se sentit pris au piège. Un rapide coup d'oeil alentour l'informa instantanément qu'il n'y avait aucun bâton en vue sur la terre battue, que les silex étaient trop petits pour servir d'arme et qu'il n'avait rien sur lui pour se défendre; quant à l'agresseur, il semblait pétri dans du roc.
Plus loin, le garçon qui avait crevé son ballon faisait les cents pas, à sa droite le dindon imperturbable picorait des insectes; instinctivement il resserra l'étreinte sur son sac plastique contenant ses trésors.
L'homme appuya le surin sur le cou de l'hyperactif de manière significative en réitérant sa demande de manière plus pressante.

Il n'avait pas envie de donner ses rubz. Il était sûr qu'en cas de vol Dreamland n'userait pas du don de multiplication qu'il avait imaginé, simplement parce que ce n'était pas du jeu, les dés étaient pipés comme on dit.
L'espace d'un instant, il vit s'envoler à tir d'ailes le rendez-vous chez le coiffeur, les fringues à acheter, la téquilla pastèque à offrir à Saint Georges en guise de bienvenue et pourquoi pas la batte comme celle de Yoake.
Si seulement l'un ou l'une de ses potes pouvait arriver là comme par magie, pour le tirer de ce mauvais pas, et donner une bonne leçon à ce bandit des grands chemins... Il se mit à prier le Dieu de Dreamland car il n'était pas sûr de l'efficacité de celui de son monde puisqu'il n'y était plus.
Le truand impatient appuya encore et menaça entre ses dents:
aboule ton fric tout de suite où je t'égorge net comme un  porc que tu es, voyageur !

C'est bien connu : les ennuis n'arrivent jamais seuls. C'est pourquoi Sydney accueillit l'arrivée de Melena avec un roulement d'yeux blasé. Sa première impression de la voyageuse ne faisait que se confirmer – mais qui avait besoin de confirmation de toute façon ? Pas Sydney.
Il préféra ne rien dire et se contenter de hausser les épaules. Que croyait-elle ? Qu'il allait faire la route avec elle ? Et quand bien même, ça ne serait jamais pour ELLE qu'il rejoindrait le groupe.

Il profita de ces messes basses pour épousseter ses vêtements et entreprit de repartir ensuite. Plus rien ne le retenait ici de toute façon. Tout ce qu'il avait souhaité, c'était retrouver un Jake visiblement absent et il ne repartait pas les mains vides : les informations collectées sur cette Milly viendrait s'ajouter aux pages que le pirate devinait déjà innombrables dans un futur plus ou moins proche. Il avait même eut droit à un petit bonus, une confession. Un aveu, plutôt.

Deux questions se faisaient principalement entendre dans la tête du corsaire. La première : pourquoi cette fille était-elle obligée de mentir sur son identité (sous-entendu : est-ce que sa collaboration forcée avec elle lui retomberait dessus), et la seconde : pourquoi avait-elle tenu à lui faire part de son mensonge ? De l'honnêteté ? La bonne blague : une personne honnête n'a pas à mentir sur son nom. Il devait y avoir quelque chose d'autre, manifestement.

En parlant de ça, Sydney remarqua que Melena repartait Dieu sait où, et Milly de se tourner vers lui. Que lui voulait-on, encore ? A tous les coups, on allait lui demander de rendre des comptes et cette situation l'énervait déjà. Le bénéfice du doute disparaissait dans l'ombre de la charge de la preuve de bonne foi. Il écouta à moitié les excuses qu'il aurait largement préféré entendre de la bouche de la coupable.

- J'ai déjà eu le loisir de profiter de son caractère « rétif » comme tu dis. En fait, je ne m'attendais pas à une autre réaction de sa part. Je ne suis pas surpris, seulement déçu qu'elle se ferme d'office à tout raisonnement sous prétexte d'à priori ridicules.
Il ne réalisa qu'après coup que Milly lui donnait ici la seconde chance qu'il pensait déjà perdue. C'était peut-être l'occasion de travailler un peu ses relations sociales : s'il pouvait rallier Milly à sa cause en adoucissant la situation, elle empêcherait peut-être Melena de lui nuire par la suite. Il fallait tenter.

- Oui. Oui, j'ai utilisé mon pouvoir sur elle. Et sur toi aussi. Mais tu as l'air intelligente alors je suppose que tu aimerais poser la question du « pourquoi », question que Melena, elle, n'a même pas pris le temps de poser. Laisse-moi t'expliquer, matelot.
Il matérialisa son carnet à la couverture de cuir dans sa main et l'agita un instant pour mettre l'emphase sur le fait que ce carnet était le pouvoir dont il parlait.
- Si tu n'es pas une nouvelle voyageuse, tu dois savoir que Dreamland est ce type d'endroit où la prudence est le maître mot. Chacun se prémunit comme il le peut pour faire face aux dangers. Ce truc, c'est ma manière à moi. Il me permet, en cas de contact, de récolter des informations sur ma cible. Il y a une page pour chaque personne sur qui j'ai exercé mon pouvoir. Il y a Melena, Jake – la personne que je cherche actuellement – et toi, par exemple.

Devant l'enthousiasme de la jeune fille, il l'invita d'un hochement de tête à s'approcher et ouvrit le Casier Judiciaire à la page nouvellement créée. Cette page apparaissait très différente des autres, coupée à la moitié en diagonale comme une figure de jeu de carte dont il manquerait l'autre moitié.
Ne se formalisant pas plus que ça sur ce détail dont il espérait obtenir des réponses au cours de sa lecture, le capitaine se concentra sur le corps du texte.

Jade Martins
17 ans
Amie

Gémellaire
Belle et bête
Origine
Lâcheté abusive
Ange & Démon
Manipulations astrales
Vœu solennel

B. A sauvé la vie de Sydney Miles.

M. A choisi de prendre le risque de blesser les sentiments de Melena Autumn.

B. A soigné Yoake Akiyo.

M. A menti sur son identité.

B. A libéré ses agresseurs pour leur permettre de fuir Quetzalcoatl.

M. A menti sur son identité.

B. A choisi de préserver et protéger l'île volante et son coeur, le Diamant Sauvage.

M. S'est moquée du handicap d'Alexander Blizzhead.

B. A hissé Jake Anderson et Alexander Blizzhead pour les sauver d'une chute dans l'acide

M. A menti sur son identité.

Comme à son habitude, il examina le contenu de la page d'un air froid, en silence. Le silence qui annonçait sa conclusion qui tomba comme un couperet moral :
- J'ignore ce qui peut pousser une personne à mentir autant mais ce que je sais, c'est qu'il est impossible de bâtir une collaboration saine sans confiance. Et le mensonge est le cancer de la confiance : il en abuse, insidieux, et finit par la détruire irrémédiablement tôt ou tard.

Il referma son livre d'un coup sec qui fit claquer les pages entre elles. Il continua :
- Mais j'imagine que tu as tes raisons. De très bonnes raisons, tout comme j'ai les miennes d'utiliser mon pouvoir. Pour en revenir à Melena, elle m'avait demandé de l'aide dans les Terres Gelées quand elle accompagnait Alexander. Je lui ai posé pour seule condition de me reconnaître comme leader du groupe le temps de notre coopération. Ce n'est pas très agréable mais c'est nécessaire quand on veut être sûr que rien de fâcheux n'arrive. Surtout quand on lit sur la page de quelqu'un que cette personne est adepte des menaces de mort et a abandonné ses amis à plusieurs reprises.
Comme pour prouver ses dires, il rouvrit le livre à la page « Melena Autumn » tout en concluant : Mais bon... Les gens ont leur orgueil et il faut croire que celui de Melena devait passer avant la sécurité du groupe ; elle a donc choisi de refuser et je ne l'ai pas forcée. Voià ce qui s'est passé.

Le paranoïaque laissa le temps à Jade de finir sa lecture de la page avant de faire disparaître le livre. Il leva un instant les yeux et constata que le centre d'attention était à présent autre part, ce qui était une très bonne chose.
Il se souvint alors qu'il n'avait pas répondu à toutes les questions de sa collègue d'abattage de monstre, aussi entreprit-il de réparer cette omission.
- Non, je ne suis pas passé par un trou dimensionnel. Je suis juste retourné à Dreamland afin de retrouver Jake ; on avait acheté un collier qui était supposé nous faire nous retrouver dans ce genre de cas mais il ne fonctionne pas. J'aurais dû le savoir... Pff.. pirates !
Enfin bref, oui : je sais ce qui nous a attaqué mais tu te doutes bien que ce genre d'information ne vient pas gratuitement. Je trouve que j'ai déjà beaucoup parlé de moi et je t'ai même laissé voir mon carnet, c'est pas rien, quoi ! A ton tour de m'en apprendre davantage. Tu dois forcément connaître un ou deux trucs sur ce monde, non ?

C'était évident d'un point de vue extérieur qu'il profitait de ce bénéfice du doute qu'on lui allouait et le pirate se savait en position de négocier, à fortiori maintenant que Melena n'était plus dans les parages. Il profita également de ce moment d'accalmie pour inspecter la confiserie qu'on venait de lui donner. L'effet sur Jade ayant été moindre, il conclut qu'il pouvait consommer le sien sans que rien de grave lui arrive. Il enfourna le bonbon dans sa bouche.

- Hm.... Goût bière..? Mais qui a eu cette idée-là ?
A peine eut-il le temps d'avaler la friandise qu'un énorme rot se forma dans sa gorge. Il eut au moins la décence de se tourner, épargnant jade de l'onde de choc aux relents de bière qui s'échappait de sa bouche, soulevant poussières et gravats sur son passage.
- J'aurais jamais dû manger ça... Le tien était largement plus cool ! Oh djû, y en a un autre qui monte..!
Il se sentait horriblement gêné de ces réactions gastriques involontaires mais vu la taille et la puissance de ces éructations, il était humainement impossible de les contenir.

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[HRP : La page de Melena est disponible >>ici<< en milieu de page.]

La pauvre Yoake dévisage l’homme en face d’elle

*mais quelle idiote*

Cet homme se mit à nouveau à sourire dévoilant sa bouche édentée et Yoake pensa à nouveau

*Idiote tu aurais mieux fait de rester près de tes amis*

Le regard brûlant qu’il avait sur elle la pétrifiait sans qu’elle ait le réflexe de saisir sa batte.

*idiote, idiote, idiote…*

Son cerveau avait dû rester bloqué sur ce mot l’empêchant de réfléchir sereinement, elle s’en voulait de s’être isolé comme ça. Elle avait utilisé pratiquement tout son pouvoir contre la bête et la seule solution qui lui restait était de se blesser elle-même pour le blesser lui, mais ça elle en était incapable.
L’homme fit un pas, puis deux et elle recula comme elle pouvait ses mains touchèrent alors la paroi du stand. Aucune porte de sortie de ce côté, elle tourna alors son regard à droite puis à gauche sentant la peur monter en elle.

Elle ne voulait pas, surtout pas là, maintenant, et avec lui.

Cette voix ? La voix de Melena qui demandait à l’homme d’arrêter. Soulagée, Yoake tourna sa tête vers son amie et aperçut le regard de la thanatophobe, que voulait-elle transmettre à travers ce regard ? Yoake, troublée secoua la tête, c’était encore ce bonbon sûrement. La réflexion de l’homme lui fit froid dans le dos et sans un mot, elle choisit de rejoindre Melena.

* Faible, faible, faible…*

Répétait son esprit. Il était vrai que Yoake n’avait pas servi à grand-chose contre ce monstre de sable, il lui manquait beaucoup de pouvoir et d’objet, mais pour ce dernier point, il fallait de l’argent…Allait-elle prendre le risque d’acheter une arme plus efficace… Aurait-elle le courage de tuer une nouvelle fois ?
Ses pensées auraient sûrement continué ainsi si Melena n’avait pas lâché un rot puissant faisant ainsi voler l’homme à plusieurs mètres.

- Melena…Comment te dire,… Impressionnant ?

L’homme semblait dans les vapes, mais la jeune femme n’avait aucune envie de s’approcher de lui, elle se tourna alors vers la thanatophobe qui lâchait un nouveaux rot tonitruant.

- On devrait mieux aller rejoindre les autres, après ce que tu lui as fait, il devrait s’en tenir là. Tu passes devant ?

La Japonaise ne savait pas quoi faire devant l’état de son amie, dans un sens, c’était drôle, mais aussi très embarrassant pour elle. Elle s’inquiéta donc :

- Tu es sûr que ça va ? Tu as mangé un bonbon de la vielle dame toi aussi ? Je suis sûr que la réaction exagérée des hommes vient de là, et Ian qui s’est envolé je ne sais où… Et Jade était violette, c’est ça…

Un nouveau rot remplaça la réponse de Melena et des étals justes devant s’écroulèrent face à l’onde de choc. La Japonaise grimaça et proposa une autre solution :

- On devrait plutôt attende que ça passe, avant de détruire Tehinastèque… Et puis si c’est pour que je retrouve tous mes prétendants…

- Eh vous deux, vous ne pensez pas que ce monstre en a assez fait.

C’était un villageois qui était sur la place quelques instants plus tôt, la Japonaise faillit prendre peur, mais elle était avec Melena, elle ne risquait rien pour le moment. Elle répondit donc :

- Je suis désolée mon amie ne se sent pas bien… ça devrait passer.

- C’n’est pas une raison…Faite en sorte qu’elle se calme…

Fit le villageois avant de s’éloigner pour rejoindre un autre stand quelques mètres plus loin. Yoake de son côté faillit s’énerver elle murmura :

- Il était quand même bien contente quand…Eh attend,…Il ne voulait pas se marier avec moi, il ne m’a rien offert et accessoirement, il s’est énervé contre moi sans tenter de me violer…

Son sourire s’élargit, c’était provisoire et s’était terminé, ça n’avait pas duré heureusement d’ailleurs, à présent, elle était sur d’une chose, elle ne voulait pas avoir une foule de prétendants, un suffirait amplement…Cet incident l’avait même complètement épuisée.
Elle se tourna une nouvelle fois vers son amie qui venait d’envoyer une nouvelle onde de choc, les étals qui étaient fragilisés tombèrent à leurs tours. D’un air désolé, la Japonaise dit alors comme pour l’encourager :

- ça devrait passer dans peu de temps… On retrouvera les autres quand tu iras mieux.