Aujourd'hui, c'est la foire à la Pastèque !

Yoake était aux anges elle avait réussit à sortir son fouet sans craindre la blessure bon certes la Téquila pastèque et son esprit de compétition y était pour quelque chose mais quand même.

Seulement quand Jade lui parlait du sang qui contenait son fouet, la japonaise ne trouva rien à répondre, Elle sentait même la nausée monter en elle. Fait un pas en avant et tu reculeras de deux, c’était un peu son impression du moment sur sa phobie. Sans rien ajouter, elle recouvrit à nouveau sa main de son gant et se leva.

Elle avait repris son souffle et choisit de ne pas penser à son mal être qui s’agrippait à elle. Il y avait mieux à faire, boire un verre en plus avec ses amis lui ferait bien oublier tout ses problèmes. Melena proposa donc de se soûler et la japonaise approuva ses dires d’un sourire, après tout elle allait se faire offrir un verre. Elle récupéra ses affaires et remercia à son tour le villageois

Une fois au bar, elle laissa jade commander leurs cocktails. Alors que Melena parla de se laver, Yoake hocha la tête et posa ses yeux sombre sur sa peau, qui avait prit quelques couleurs grâce au soleil de Tehinastèque, mais aussi à cause de son bain forcé dans la piscine de pastèque, l’odeur qui en ressortait en devenait presque écœurante elle posa ses mains sur son visage et en sortit de la chaire de pastèque séché en grimaçant :

- Je pense que ma prochaine douche va durer 6 heures, il me faudrait bien ça pour décoller toutes la chaire de la pastèque.

Jade revient avec les cocktails et Yoake s’apprêtait à boire à la santé de cette journée quand on vient apporter à Jade un dindon qui s’appelait Gaston. En suivant l’histoire d’une oreille distraite, la jeune femme ne pu s’empêcher de penser : bienvenue à Dreamland, le pays des rêves. Mais quand même qui donc à pu rêver d’un dindon comme animal de compagnie…

C’est alors, que Melena parla de son rapport avec les hommes se trouvant trop inaccessible elle pensait flirter avec Ian pour voir… A première vu Yoake aurait tout de suite dit non mais elle était très mal placée pour donner son avis sur Ian, Aussi laissa-t-elle Jade donner son avis, après tout elle se débrouiller bien et au final rejoignait l’avis de Yoake. La japonaise conclut finalement.

- Tu l’as dit toi-même, Dreamland est vaste et ne manque pas d’homme on finira bien par trouver chaussure à notre pied.

Elle serait bien rester pour discuter encore du type d’homme de Melena, mais la téquila pastèque faisait son effet, elle s’excusa et partit aux toilettes.

Malheureusement pour elle la queue était énorme il y avait de tout des voyageurs, des touristes et des habitants de ce village chacun attendait son tour en rigolant entre eux ou en parlant de leurs exploits aux différentes activités de la foire. Yoake elle, eu tout le loisir de voir le soudain rapprochement entre Melena et Jade bien sur elle n’entendait rien. Ian avait eu raison la première fois en sentant leurs rapprochement mais dans un sens pourquoi toute cette mascarade sur les hommes… non ça venait juste de se produire, ce matin la thanatophobe avait parler de Meilleure amie. Elle en était là dans ses réflexions quand enfin se fut son tour.

Elle entra dans une petite pièce éclairé par un abat-jour fait de pastèque ou des flammes brulèrent allègrement, c’était dangereux surement mais la japonaise n’en était pas là, elle vida sa vessie et s’approcha du lavabo. Elle passa ses mains sur le lavabo et leva ses yeux sur le miroir déformé en face d’elle. L’occasion parfaites d’enlever tout la pastèque qui collait à la peau. En baissant les yeux elle remarqua plein de pastèque sur le sol et se dit que finalement elle ne devait pas être la première, aussi commença-t-elle …

Après quelques longues minutes, elle se regarda satisfaite, la journée allait être moins collante à présent. Elle attacha ses long cheveux et remarqua une nouvelle attraction en sortant, il s’agissait d’une course à la pastèque sur des coques de pastèque évidé bien sur l’eau était une nouvelle fois remplacer par le jus de pastèque, peut être que finalement Jade pourrait être couverte de jus de pastèque ce coup-ci. Surtout si on voyait les minis chutes qui départageais les gagnants.

* mais avant tout autant reprendre des forces non *

C’est au moment ou Jade avala sa mixture que Yoake arriva. Au moins ne voyait-elle pas que son verre était renversé. Elle grimaça en cœur avec la psychotique et faillit retourner au toilette illico presto.

Calmée, la japonaise dit en s’asseyant pendant qu’elle buvait son verre.

- je te remercie Jade tu as réussit à me couper l’appétit. C’est quoi cette mixture ?

Yoake écouta la courte réponse de Jade mais cette dernière passa tout de suite sur un sujet d’autant plus grave du moins c’est ce qu’elle comprenait des dires de Jade de quoi voulait-elle dissuader la thanatophobe ? Qu’elle était cette entreprise si dangereuse que seul Jade pouvait réaliser. La japonaise choisit de ne rien ajouter et d’écouter elle finirait bien par comprendre, mais déjà les parole des habitants de Quiet Hill lui revenait encore et encore…

Elle était prête à protester. Non elle ne mourrait pas : elle était plus forte maintenant, rien à voir avec l’adolescente qui avait échappé aux gladiateurs avec un coup de chance et de l’aide des amis. Aujourd’hui, elle terrasserait les cinq loups de la croix blanche à elle seule, sans une égratignure. Melena allait ouvrir la bouche pour argumenter mais Jade coupa son élan en prétendant qu’elle pourrait partir sans elle. Ses yeux gris s’ancrèrent dans les orbes bleus de sa petite amie, cherchant à la faire flancher, en vain.

Autre chose l’incitait à se taire. Un indice. Sa mission allait « à l’encontre de ses obligations » ? Le regard de la bonne jumelle s’était trop longtemps attardé sur son tatouage pour qu’il n’y ait pas de lien. Ça avait un rapport avec les tours mais… c’était impossible, est-ce qu’elle devait en détruire une ? Si tel était le cas, elle devait l’en dissuader. Se frotter à un gardien, ça n’avait rien de dangereux : c’était du suicide, pur et simple.

Leur conversation fut interrompue par deux énergumènes que l’irlandaise n’avait pas vraiment envie de voir en cet instant : Ian et Gaston. Jade eu la bonté de répondre. Elle, elle leva simplement les yeux aux ciels et regarda ailleurs. Même encore embrumée par l’alcool, autant l’émotion que la contrariété l’avait ramenée sur terre. Un peu trop vite. Un peu trop durement. En fait, Melena boudait. Elle pensait retrouver la psychotique pour qu’elles soient de nouveau inséparables. La laisser risquer seule sa vie, c’était contre nature.

C’est le moment que Yoake choisit pour revenir et l’espace d’un instant, la nécrophobe eut presque envie de lui proposer qu’elles reprennent la route toutes les deux. Presque. Parce qu’elle était réellement amoureuse et que son humeur maussade ne saurait entacher longtemps ce qui s’était passé quelques minutes auparavant. Impossible de savoir si Jade s’était aperçue de son humeur, mais cette dernière attira de nouveau son attention, avec plus de douceur, après avoir répondu à la japonaise.

L’irlandaise se tourna vers sa belle, la mine renfrognée accentuée pour la forme. Elle ne pouvait pas nier que la psychotique avait des arguments convaincants mais son instinct protecteur ne s’endormait pas pour autant. Par ailleurs, Melena constatait que Jade déployait tous ses efforts à ne pas clairement nommer sa « mission », comme si elle était top secrète et que quiconque, même ses plus proches amis, était considéré comme une potentielle entrave. Pour être honnête, la britannique fut vexée de ce constat, elle qui n’avait – presque – rien caché au sujet des épreuves de Freedoom.

Le masque. Le masque était la clef ultime. Qui portait un masque sinon les espions ? Elle ne savait pas encore pour qui elle travaillait, mais la bonne jumelle avait visiblement mis son temps à profit pour se rallier à une force secrète. Visiblement opposée à celle que la thanatophobe avait été contrainte de rejoindre. Pourquoi ne lui avait-elle rien dit ? Pourquoi…

- Ça va, j’ai compris, dit finalement Melena sans réussir à masquer son amertume, mais… ce sera mieux pour tout le monde que tu t’en sortes. Parce que si tu ne t’en sors pas, je m’occuperai d’abord de ceux qui t’auront tuée, et après je ferai regretter à ceux qui t’en envoyer là-bas de ne pas avoir sacrifié quelqu’un d’autre.

Elle était sérieuse. Pendant une fraction de seconde, les yeux pâles de l’irlandaise laissèrent filer un éclair de démence, la même qui l’avait animée à Silent hill, puis ils s’adoucirent. Un sourire timide s’étira sur ses lèvres blanches tandis qu’elle attrapait la main de sa petite amie.

- Mais je ferai ce que tu veux, t’en fais pas… de toute façon j’ai traversé un monde pour te trouver, je suis fatiguée maintenant. Je passe mon tour pour cette fois, ça te va ?

Melena lui adresse un clin d‘œil. Est-ce qu’elle tiendrait son engagement ? Oui, certainement. Est-ce qu’elle resterait aux aguets du moindre signe indiquant que la bonne jumelle à besoin de son aide ? Oui, aussi. Même si elle le ferait en cachette pour ne rien gâcher, elle surveillerait autant que possible que tout se déroule bien et interviendra au besoin. Son regard se posa alors successivement sur Yoake, Ian et Gaston et après un instant d’hésitation, elle déclara :

- Choisissez le prochain jeu, ok ? J’ai encore quelque chose à dire à Jade en… euh… privé.

Elle attendit que tous s’exécutent – du moins, en tout cas les deux êtres humains du lot – et fixa la fausse blonde dans ses yeux bleus quand elles furent seules. Petite-amie pour de vrai ? C’était encore trop beau. Melena rabattit ses mèches d’ébène derrière ses oreilles, elle avait cet air d’adolescente inexpérimentée devant le garçon qui lui plaisait. Subitement, Jade lui paraissait plus grande, plus mature, plus tout.

- Tu ne m’as pas expliqué ce que tu entendais vraiment par « faire semblant d’être ensemble »… je veux dire… quelle nuance il peut y avoir ? A mes yeux, on essaye ou on n’essaye pas, mais un entre-deux, ça me parait difficile. Et je ne serai pas vexée que tu changes déjà d’avis. On a tous les deux pas mal bu…

Elle rougit sans finir sa phrase. En ce qui la concerne, ses sentiments n’ont rien à voir avec l’alcool.

Ca sentait le roussi et il y aurait du grabuge; ça Ian en était sûr ! il n'y avait qu'à regarder un peu et écouter les deux "copines" pour le comprendre.
Afin de se rendre discret il entreprit de s'occuper de Gaston en lui donnant des miettes de pain trouvées sous la table.
Il aurait bien aimé bien que Milly le lui offre mais il n'osa pas demander, du moins pour le moment: l'atmosphère était chargée, c'était le moins qu'on puisse dire.
D'ailleurs il avait bien vu que son amie avait déjà l'air de regretter d'avoir embrassé la trop belle; c'est sûr, elle devait préférer les garçons, c'est plus complet comme rapport, à moins d'acheter des godemichets.
Il avait une copine comme ça, elle en avait une collection et même des préservatifs goût vanille-fraise !
Du coup voilà, il en était sûr, la fête était une mascarade avant la ville de tous les dangers; d'ailleurs les deux filles parlaient de mort. Il se souvint de la jungle et de Jake qui avait été bien malin de disparaître avant l'imbroglio; maintenant il était le seul garçon de la bande et n'avait qu'un pouvoir: celui de réfléchir, la belle affaire quand vous avez un flingue pointé entre les deux yeux !
que pouvait-il faire ou proposer ?
il ne voyait pas d'autant qu'il n'était pas trop fan des choses dangereuses. Et puis Melena allait être très triste et pleurer; déjà qu'elle faisait la gueule... Même elle n'avait pas l'air d'apprécier sa présence.
J'men fous carrément grommela t-il entre ses dents.
Il trouvait qu'elle se la pétait grave et Milly aussi d'ailleurs avec leurs airs de conspiration. Qu'est-ce qui les obligeaient à faire ce dont elles n'avaient pas envie ?
Aller risquer sa peau je ne sais où, pour quoi faire ? dans un monde pareil ? si encore cela avait été le vrai mais là... Franchement il ne comprenait pas et si c'était leur trip de se la jouer en rêve comme dans les films d'horreur et bien après tout c'était leur problème !

D'ailleurs le rayon de soleil oriental pointait le bout de son nez fraîche comme une carpe koï, elle avait dû trouver les douches la veinarde !
les glou-glou joyeux du dindon ne l'amusait plus, il s'étira et faillit renverser la table; il la rattrapa de justesse. Une chance les filles n'avaient rien vu, elles étaient trop obnubilées par leur délire.
D'ailleurs Milly avait commandé un breuvage couleurs vomi qu'elle avalait en faisant la grimace, c'était sûrement pour se punir d'avoir des mauvaises pensées.
Il se demanda si elle aimerait avoir un fouet à clous comme les masochistes; il avait vu ça dans un film religieux où les mecs racontaient que Jésus était peut-être une femme.
Il poussa un soupir car à la longue cette conversation l'ennuyait et à part triturer un verre ou deux, il n'y avait rien à faire dans ce troquet.
Sur la table de derrière, des gus avaient abandonné un morceau de pastèque. Il en avait un peu marre de manger la même chose mais il avait un petit creux.
Il allongea le bras afin d'attraper le fruit et faillit tomber de sa chaise.
Il se rattrapa vite fait au bras de la splendide.
Ca y est, elle allait criser, c'était sûr ! le gogol de service avait osé toucher une partie de son corps, il allait en entendre parler !
mais non, elle était complètement déconnectée elle aussi. D'ailleurs à cet instant, ses yeux lancèrent un éclair... Non de dieu ! pour un coup il en était tout retourné. On aurait dit un regard d'assassin fou !
Et dire que toutes les trois le snobait sous prétexte qu'il avait un grain ! elles ne s'étaient pas vues !
malgré tout, il trouva cela normal: c'est comme chez les imbéciles; ils sont toujours contents d'avoir l'impression d'en trouver un plus stupide qu'eux, cela leur fait croire qu'ils sont intelligents; là c'était pareil, il n'y avait pas de quoi déprimer.
Il mangea son fruit en pensant à sa mère. Il espérait qu'elle n'était plus à son chevet. Le top serait de pouvoir lui faire un coucou de là où il avait atterri juste histoire de la rassurer.

Un serveur passa avec des tapas et des cacahuètes sur un plateau.
Ian fouilla dans sa poche à la recherche de sa monnaie. il eut beau triturer le fond de l'une puis de l'autre, il ne trouva rien d'autre que son caleçon trempé qu'il jeta dans un coin.
Il se leva et dans une danse de saint-Guy se fouilla de pied en cape comme à l'aéroport, toujours rien, c'était trop fort !
Il avait perdu ses rubz. Ce n'était pas de chance et cela le contraria.
Il se rassit dépité quand il s'entendit dire qu'il serait bon que lui et Yoake dégagent de là, pour aller voir vers les jeux si elles y étaient car elles avaient encore à parler, en privé s'il vous plait !
elles qui avaient déjà passer tout leur temps à se causer en privé, les laissant en carafe elles étaient plutôt gonflées !
Il s'apprêtait à regarder la Japonaise mais se ravisa: elle allait encore mal le prendre et penser des choses bizarres; il décida de laisser tomber; les filles le fatiguaient avec leur esprit tordu.
Il sortit du bar main dans les poches en sifflotant; il n'avait pas envie de se mettre en colère, cela ne valait pas le coup, il en avait vu d'autre et attendit que Yoake le rejoigne.
Pour autant, il n'était pas non plus d'excellente humeur, c'était le moins que l'on puisse dire.
Tu veux jouer à quoi ? lança t-il mi-figue mi-raisin comme à une môme qui s'ennuie en cours de récréation.
Non, je dis ça parce que je me doute bien que tu n'as pas envie de faire un brin de causette avec un taré comme moi, vous avez d'autres chats à fouetter vous autres les esprits éclairés, hein ?
dans l'idéal il aurait bien aimé dormir un peu ou écouter des CD, voire même partir ailleurs, rencontrer d'autres voyageurs moins snobs et surtout plus drôles mais où ? et sans argent...
Il regarda autour de lui: il aurait aimé avoir un chien.
En faisant le tour du village il en trouverait peut-être un errant, tout malheureux, tout sale, les yeux pleins d'amour pour lui, Milly avait bien trouvé un dindon, elle !
Il ne pouvait cependant pas laisser l'estampe japonaise toute seule, cela ne faisait pas.
Tout en la suivant, il continua de chercher, bien décidé à ne jouer à rien tant que sa quête à lui n'aurait pas aboutit.

Les yeux plongés dans la contemplation de son verre vide dont les parois étaient encore suintantes d'un liquide verdâtre, Jade souffla en guise de réponse à la question de Yoake un « une thérapie de choc contre la gueule de bois ».  A vrai dire, elle avait à présent une folle envie de rendre tripes et boyaux sur le sol et ne réprimait cette pulsion que par un grand effort de volonté. Elle pouvait sentir son estomac se tordre dans tous les sens pour se libérer de ce fardeau, mais au moins elle avait l'esprit plus clair. Quoi que soit ce mélange, il devait contenir un peu de la magie de Dreamland et la psychotique comptait bien profiter de cette résurrection cérébrale pour faire le point de manière claire sur sa relation avec Melena.

Au moins, cette dernière avait fini par abandonner l'idée de se suicider en sa compagnie. Un petit pas pour l'homme, un grand pas pour l'humanité ! Bien sûr  elle n'avait pas l'air enchanté par l'ultimatum qu'on lui imposait mais elle avait au moins la présence d'esprit d'arrêter de luter en vain. Avec l'amertume de son ton venait les menaces et autres prédictions funestes qui tirèrent une grimace à Jay. Si ça n'avait été que des mots en l'air elle n'y aurait même pas fait attention mais... on aurait dit qu'elle les pensait sincèrement. Et après toutes les épreuves que l'irlandaise avait traversé on était parfaitement en droit de penser qu'elle en était capable. Le simple fait d'imaginer sa camarade de toujours se lancer dans une croisade contre un gardien et des voyageurs surpuissants lui filait la migraine plus sûrement qu'une dizaine de verres.

Mel' finit par s'adoucir, bien sûr... mais c'était trop tard pour faire disparaître cette impression dérangeante qui avait imprégné le cœur de la bonne jumelle. Pourquoi fallait-il toujours que les gens commettent des crimes atroces en son nom ? Tout ce qu'elle voulait, elle, c'était une vie normale avec une maison, un travail pas trop prise de tête, des enfants  et... oui, pourquoi pas un chien ? Elle ne se trouvait pas extraordinaire et croyait encore moins avoir droit à de tels sacrifices. De la part d'Elie qui n'était autre qu'elle-même c'était une chose, mais de Mel' ? Si seulement cette dernière commençait par profiter un peu de sa propre vie avant de vouloir protéger celle des autres...

- Ça... me va, répondit l'adolescente après une hésitation visible.

Le clin d’œil de la nécrophobe ne lui tira qu'un vague sourire entre deux hoquets de nausée. Il faudrait trouver rapidement des toilettes si elle ne voulait pas gâcher le reste de la journée avec un nouveau parfum, fragrance vomi. Sortir, trouver des chiottes et rendre à Dieu tout ses péchers matinaux semblait un bon plan d'action. Alors que Jade s'apprêtait à le mettre en application, Melena congédia plus ou moins les autres pour la prendre en tête à tête. Cherchant à réprimer ses haut-le-cœur derrière sa main, la psychotique écouta ce qu'on avait de si important à lui dire.

Et cette chose ne réussit qu'à rajouter une migraine à sa nausée.

C'était trop compliqué et trop simple à la fois. Des histoires d'amour tarabiscotées où l'on fait un pas en avant et deux pas en arrière, qu'on affirme pouvoir se séparer sans mal pour ensuite pleurer toutes les larmes de son corps sur un pauvre couvre-lit innocent... Sa petite amie toute neuve avait beau affirmer qu'un retour-arrière était possible, Jay n'y croyait pas le moins du monde. Leur amitié n'en ressortirait pas intacte, alcool ou pas. Quant au fait de s'expliquer, il aurait peut-être fallut qu'elle commence à se comprendre elle-même !

Alors qu'elle ouvrait la bouche pour improviser une réponse avec le sentiment d'être un coureur de formule 1 découvrant qu'on avait saboté ses freins alors qu'il se trouvait lancé à 350 kM/heure, un ultime hoquet lui fit comprendre que la situation lui échappait définitivement. Exit le contrôle de soi ! Fini la domination de ses boyaux ! Jade se pencha en avant pour rendre une bonne pinte de tequila-pastèque mêlée à son remède. Mais au lieu de voir l'horreur accueillie par le sol de terre battue, ce fut une semi-pastèque évidée qui rempli cet office. Le barman qui venait de la lancer d'une main experte fut chaudement félicité par une ola des clients présents sous le regard abasourdi de l'adolescente. A croire que ce genre d’événement était aussi une coutume locale...

Jade s'essuya la bouche en se redressant, pâle comme un linge. C'était bête à dire mais elle se sentait mieux. Pas assez pour ce genre de conversation mais pour être franche, elle ne serait jamais en l'état et Melena méritait qu'on tire les choses au clair pour elle. Si seulement elle avait su quoi lui répondre, tout aurait été plus simple.

- Je ne sais pas. Vraiment, je ne sais pas ce que j'ai voulu dire. Tu sais, chez moi... ce genre de relation c'est un peu tabou. Je crois que mon côté croyant a un peu de mal à admettre de vivre réellement ce genre d'expérience. Enfin, je suis pas très douée pour la psychanalyse.

Glissant ses doigts dans ceux de celle qui avait jusqu'alors représenté un soutien sans faille, Jade inspira profondément. Elle n'avait pas vraiment envie de faire marche arrière. Ni d'avancer. Mais si elle n'essayait pas, elle savait qu'elle risquait de le regretter, et de regretter plus encore les conséquences sur leur relation. Et puis... elle avait envie de rendre quelque chose à l'irlandaise. Bien sûr elle l'avait sauvé plusieurs fois mais elle était consciente de n'avoir jamais ressenti un tel dévouement. C'était comme se sentir éternellement avare et égoïste... c'était son tour de donner un peu.

D'ailleurs, plus elle y pensait plus elle commençait à voir sa mission sous un jour nouveau. Jusqu'alors, elle avait accepté parce qu'elle voulait bien croire qu'elle en était capable -si la chance était de son côté-, parce qu'elle ne savait pas quoi faire d'autre, parce qu'elle était perdue. A présent elle arrivait à discerner une véritable motivation derrière ce qu'elle s'apprêtait à faire. Après tout, Miss Paper avait bien dit que tous les résistants avaient leurs motivations propres, non ? Certains courraient derrière la puissance et la gloire, d'autres après la liberté, d'autres se vouaient à la protection des faibles... et elle dans tout ça ? Si elle le pouvait, Jade comptait bien briser plus que la tour de Techyo. Celle de Freedoom serait la suivante. Et non pas pour libérer ces peuples qu'elle ne connaissait ni d'Eve ni d'Adam mais pour délier les chaînes de Melena. Et si elle s'en sentait capable, celles de tous les autres adeptes victimes de la tyrannie de ces fous surpuissants.

- Je ne compte pas te quitter. Je ne sais pas si on va droit dans le mur, mais je ferai ce que je peux pour que tu sois heureuse, autant que tu l'as fait pour moi. Je te sauverai de tout ça.

Sans chercher à expliquer sa dernière phrase, elle quitta le bar en entraînant sa petite amie derrière elle, mettant le cap vers Ian, Yoake et leur nuage de mauvaise humeur.

Yoake attendait d’avoir plus d’information, avant de tirer la sonnette d’alarme, mais tout ce qu’elle obtient, c’était une menace à peine dévoilée de Melena et un accord de Jade.

La mine sombre, elle pensa à la raison qui l’avait poussé à aider Melena, c’était principalement pour voir ce qui se cachait sous ce masque glacial, et jusqu’à maintenant elle avait eu tout le loisir de voir la véritable Melena, celle qui était combative pour une simple tequila pastèque et l’amoureuse qui riait avec sa douce. La thanatophobe avait un instant revêtu son masque, qui s’adressait à ses ennemies, et c’est justement ça que la Japonaise ne voulais plus voir. Il faudrait peut-être qu’elle en parle à Melena ou à Jade avant qu’il ne soit trop tard.

Melena, finalement, demanda à Ian et elle de sortir, et la jeune femme sut qu’elle n’en saurait pas plus.

Après un sourire qui ressemblait plus à une grimace, elle acquiesça et sortit en compagnie du jeune homme qui gardait pour une fois le silence. Son regard se porta sur la rivière de jus de pastèque qu’elle avait vu quelque instant plus tôt et en voyant la mine joyeuse des concurrents, elle se dit que ce serait l’activité parfaite pour remonter le moral du groupe le sien y compris. Son regard passa sur sa gauche et vit qu’il s’agissait d’une activité par équipe de 4, il fallait ainsi tenir en équilibre sur des grosses pastèques tout en faisant des passes avec une pastèque de taille normale. L’équipe qui gagne et celle qui fait le plus de passe avec au moins deux de ces membres, c’est-à-dire qu’il y avait droit à deux chutes (éliminations) dans chaque équipe. L’occasion peut être de resserrer les liens.

Elle s’apprêtait à donner son avis au jeune homme blond, quand finalement ce dernier se décida à parler. Elle fut surprise de le voir ainsi débiter des paroles plus froides, au lieu du ton joyeux qu’il avait l’habitude de prendre. La Japonaise remarqua qu’il pouvait facilement sortir des paroles blessantes, quand quelque chose ne lui plaisait pas.

- De quoi tu parles ? Ce n’est pas par ce que je me suis expliquée avec toi que je ne veux plus te voir, ni profiter de la foire.

C’était plutôt vrai en fait pour cette fois, elle aurait aimé écouter la liste de questions que Ian avait à lui poser histoire de faire oublier cette sombre histoire de mission.

- Et puis si tu veux mon avis, on est tous plus ou moins taré ici, je ne pense pas que tu sois juste une exception.

Elle essayait de lui remonter le moral sans trop comprendre ce qui lui était arrivé. Elle avait l’impression que malgré l’endroit festif tout le monde avait beaucoup de mal à rester positif. Pourtant, Ian n’était pas du genre à être négatif, direct certes, mais c’était tout. Peut-être qu’il ressentait le tempérament négatif de son entourage. Si c’était ça, la jeune femme y était pour quelque chose…. Elle continua :

- Et Melena et Jade auront tout le temps de profiter de leurs relations après la foire, pas besoin de prendre de l’avance, on peut trouver la prochaine attraction comme on nous l’a demandé non ?

Dit-elle avec un clin d’œil. Elle regarda les deux attractions qui lui plaisaient et indiqua la rivière.

- Tiens, tu veux peut-être faire cette activité ? Ça pourrait être drôle.

Elle tendit du doigt la seconde même si elle doutait qu’elle ne le lui plaise.

- Il y a celle-là aussi, je ne pense pas qu’elle te plaise, mais on pourrait former une équipe tous les quatre.

Ça changerait un peu de la compétition qu’il y avait entre eux et qui pouvait diviser.

Contrairement à ce que pensait Jade, Yoake n’était pas vraiment de mauvaise humeur, même si ce n’était pas non plus l’extase…

Elle se retourna et remarque que Jade traînait Melena vers leur binôme. Elle se mit à sourire et dit :

- Prêtes, pour la prochaine activité ? Je laisse Ian choisir, il est déjà au courant de ce que j’ai envie de faire.

Elle remarqua alors la peau blanche de Jade, ça ne ressemblait en rien à son teint habituel.

- Jade, tu es sûr que ça va aller pour la prochaine activité ? On dirait que la dernière Tequila pastèque était celle de trop, à moins que ce ne soit la mixture.

Melena eut un sursaut quand son amie abandonna brusquement toute retenue pour vomir dans une coque de semi-pastèque évidée habilement lancée par le barman. Disons que quand on essayait d’avoir une discussion à propos de sa vie sentimentale, il y avait meilleur contexte, mais… elle n’avait pas le choix. Pourquoi aimait-elle autant Jade ? Bien sûr, leur complicité développée à Sextus y était pour beaucoup, mais il y avait autre chose. La première fois qu’elles s’étaient « vraiment » rencontrées : après l’épisode de l’Asmodée, quand Jade s’était occupée de l’irlandaise pendant l’une de ses premières terribles crises de nécrophobie. Cette simple attention, la simple gentillesse témoignée à ce moment, elle ne l’oublierait jamais.

Les aveux de la psychotique la ramenèrent dans le présent. Son côté croyant l’empêchait de concevoir leur relation ; bien sûr. Le pire c’était que Melena n’avait même pas envie de se battre, pas envie de se vendre. Pas peur de la brusquer, ou de brûler les liens de leur amitié, elle préférait attendre… peut-être qu’à force d’être ensemble, Jade réaliserait qu’elle pouvait vraiment l’aimer comme une petite amie.

Sans trouver de mots, elle laissa la main de sa complice se glisser dans la sienne. Un léger sourire flottait sur son visage ivoirin. Une expression douce d’une infinie tristesse qui s’estompa d’elle-même. Elle hocha la tête quand Jade affirma qu’elle ne la quitterait pas et fonça légèrement les sourcils après sa dernière phrase. De quoi comptait-elle la sauver ? La britannique songea douloureusement à ses ennuis, dans les deux mondes, à sa raison qui tombait en lambeaux. Tiens d’ailleurs, devait-elle le dire à la psychotique ? Que sa petite amie perdait la tête ?

Melena ne dit rien. La folie n’avait jamais attiré personne. Pas vrai ? Personne… elle s’efforça de sourire en revenant près de Yoake et Ian tout en serrant un peu plus forts les doigts de la bonne jumelle. Le garçon du groupe semblait un peu ronchon, mais la japonaise proposa une autre activité. Effectivement, ils étaient là pour s’amuser ! Ils n’allaient quand même pas laisser cet interlude brumeux leur gâcher la journée. D’ailleurs, la tête de la thanatophobe tournait encore un peu à cause de l’alcool :

- Je ne suis pas certaine qu’une épreuve d’équilibre soit le mieux pour moi, j’ai trop bu, s’excusa-t-elle, mais ne t’en fais pas pour Jade. J’ai toujours mieux tenu l’alcool qu’elle de toute façon.

Elle adressa un regarde complice à son amie. Toutes les deux savaient qu’elle faisait référence à leur beuverie catastrophique au Colisée de Sextus. D’ailleurs à ce souvenir, Melena se dit que les parents de la psychotique auraient toutes les raisons du monde de refuser qu’elle fréquente leur fille s’ils savaient l’influence qu’elle avait sur elle : depuis que la nécrophobe et la bonne jumelle se connaissent, cette dernière s’était soulée deux fois, avait des ennuis jusque cou et se lançait dans une relation lesbienne. L’irlandaise se gratta pensivement le nez, soudainement inquiète de voir le père Martins débarquer de nulle part.

- D’ailleurs, je suppose que notre petit jeu avec les tequilas pastèque est fini ?

Mine de rien, l’après-midi était bien entamée. Il faisait chaud, elle portait toujours ses vêtements à bouts de bras et le rêve d’une douche fraîche s’immisçait petit à petit dans son crâne d’adolescente. Entre la sueur et le jus de pastèque, elle se sentait plutôt poisseuse et ça n’avait rien d’une sensation agréable. Elle se plaignait… et dire que pendant ce temps, non loin de là, Elie et Ace affrontaient à nouveau des épreuves de gardien. Quelque part, Melena se félicitait d’avoir été séparées d’eux avant, parce qu’elle ne troquerait sa place pour rien au monde. Elle songea même mesquinement qu’ils n’avaient que ce qu’ils méritaient, mais elle ne pensait pas vraiment qu’ils puissent mourir. Ou en tout cas… Ace peut-être. Mais à ses yeux, Elie était indestructible.

Le regard de Ian furetait deci-delà, à la recherche de l'ami à poils, du coup il fut surpris d'entendre Yoake parler car il avait déjà oublié ses propos envers elle.
Obnubilé par sa nouvelle passion hypothétique, il lança à brûle pourpoint: tu n'aurais pas vu un chien errant, tout seul, tout triste et qui sert à rien ?
Le jeune homme tenait à ce dernier point. Il était hors de question de posséder un chien de garde qui aboierait comme un hystérique à la tête de chaque passant, encore moins un chien d'attaque qui pourrait blesser Milly !
Non, il voulait un copain, point barre.
Milly...

Ah oui, il avait entendu la belle Japonaise parler. Qu'avait-elle dit ?
Qu'importe, il avait quelque chose d'important à lui communiquer mais d'abord il fallait qu'il s'excuse de lui avoir mal parlé, ce n'était pas sa faute après tout; elle avait juste été là au mauvais moment et avait essuyé sa mauvaise humeur.
j'm'excuse... annonça t-il gauchement en regardant ses chaussures maculées de jus de pastèque.
Ni une ni deux, il se baissa pour cueillir une poignée d'herbe: il n'était pas possible de se promener en ville avec des chaussures maculées, sa mère le lui avait toujours dit !
il regarda la jeune femme et tout en nettoyant le vernis lui annonça: ma mère dit toujours que les gens te jugent à la propreté de tes chaussures.

Il cracha sur une tache récalcitrante et ne se redressa qu'une fois les souliers reluisants.
Le cadeau que Bouddha avait reprit s'avançait vers des jeux dont il n'avait cure; son problème était bien trop grand pour qu'il ait envie de s'amuser pour le moment.
Les chats c'est bien aussi mais c'est pas pareil, je préfèrerais un chien. D'ailleurs Milly sait se transformer en chatte, donc...

Ian était extrêmement perturbé, ce qui n'arrangeait rien à son trouble bien au contraire.
Tout se mélangeait dans sa tête, il était dans l'incapacité totale de fixer son attention sur autre chose que son problème et le chien.
Milly savait comment m'aider sans que je lui demande rien. Même, elle acceptait que je l'embrasse sans mauvaises pensées.
Raconta t-il à Yoake qui ne devait pas comprendre grand chose à ses paroles décousues.
Milly avait su tout de suite comment le cadrer, comment interpeler son attention défaillante, en le houspillant s'il le fallait. Elle savait accepter son affection, décoder ses propos incohérants, oublier ses bêtises rapidement, comme avait su le faire sa mère.
Pour le jeune homme elle était devenue l'irremplaçable amie qui avait deviné son incapacité à se débrouiller seul dans certaines circonstances, son garde-fou.
Mais voilà... conclut-il.

Il regarda rêveusement la rivière de jus de fruit.
Il aurait voulu que la vie soit toujours comme cela: ça coule mais c'est toujours là. Une "never end story".
Seulement voilà... répéta t-il comme à lui-même avant de faire demi-tour.
C'est alors qu'il aperçut au loin Milly et Melena qui arrivait vers eux main dans la main.
pris de panique il fit volte-face. Son visage était tendu et au fond de ses yeux d'aucun aurait pu y lire un appel au secours.
De but en blanc il lança: Milly va partir Yoake; seule.

Quand les deux amies furent à leur niveau, il se détourna légèrement, il avait sa fierté, il ne voulait pas montrer sa peine. De toutes façons Yoake et Melena avaient déjà plus ou moins choisi le jeu.
Entre celle qui annonçait: "Cest Ian qui choisit mais il sait déjà quel jeu je préfère" et la trop belle qui répondait: "je ne suis pas certaine que le jeu d'équilibre soit le mieux pour moi", c'était couru d'avance: il comptait pour du beurre !

Il se tourna vers Milly et lui dit: quand... Il faudra que ça se fasse... Enfin, quand tu devras aller...
Ian n'arrivait pas à sortir ce qu'il avait sur le coeur. L'émotion avait chamboulé ses neuronnes, les mots ne venaient pas.
Il tenta de continuer malgré tout, comptant sur la jeune fille pour deviner une fois de plus ce qu'il voulait dire: ... Si ça t'arrange, je pourrais garder Gaston en attendant, je m'en occuperai bien, tu verras, tu n'auras aucun souci à te faire et puis... Après je te le rendrai...

Le soleil qui l'accueillit lorsqu'elle s'échappa du bar, Melena dans son sillage, força Jade à plisser les yeux. Elle était pale à faire peur mais les apparences étaient trompeuses : elle se sentait bien. L'estomac aussi vide que son sac. Bon, on était encore loin de la forme olympique mais l'effet de la mixture se faisait sentir, signe qu'elle allait pouvoir reprendre sans trop de mal la suite des festivités. Plus facilement que ses comparses féminines en tout cas. Elles avaient le visage rougi par l'alcool et on sentait dans le léger tangage de leur corps que l'équilibre n'était à cet instant plus ce qu'il était.

La remarque de Yoake lui parut presque étrange, dans ce contexte. Elle s'inquiétait de son état sans même se rendre compte que le sien était bien pire. Si elle n'avait pas été si chamboulée par ce qui s'était passé à l'intérieur, Jade en aurait ri. Au lieu de ça elle adressa à l'asiatique un sourire complice avant de lui rétorquer, une main posée avec douceur sur son bras :

- Ne te fais pas de bile, l'horreur qu'on m'a servi a tout remis dans l'ordre. Tu devrais plutôt t'inquiéter pour tes futures défaites...

Un clin d'oeil taquin suivit cette déclaration, juste avant que la voix de Ian la pousse à lever la tête vers lui. A l'air ronchon qu'il affichait précédemment avait succédé une expression troublée, douloureuse même. Le masque de papier s'assombrit, reflétant l'inquiétude de son véritable visage. Qu'est-ce qui se passait ? Elle n'avait pas passé beaucoup de temps en la compagnie de l'hypéractif mais c'était déjà bien assez pour lire en lui comme en un lire ouvert. Il était... comme un enfant. Aussi changeant que la lune, aussi énergique que le soleil et insaisissable que le vent. Aussi agaçant qu'il puisse être parfois ce n'était pas un mauvais bougre, et lorsqu'elle comprit qu'elle était la cause de sa tristesse, l'adolescente sentit comme un poids s'écraser sur sa poitrine.

Elle n'arrêtait pas de dire qu'il fallait s'amuser avant sa mort potentielle, ne la considérant gênante que pour elle. Mais en réalité à combien de personnes ferait-elle de la peine ? Melena, Elie, sa famille... mais aussi tous ces voyageurs avec qui elle s'était liée d'amitié. Et comme d'habitude elle avait été trop stupide pour le concevoir, trop concentrée sur son nombril pour voir que les gens qui l'accompagnaient avaient eux aussi des sentiments.

Si Gaston se blottissait contre ses jambes comme pour signaler que l'excès de testostérone de Ian rendait la proposition irrecevable, de son côté Jade libéra le bras de Yoake pour attraper l'une des mains du blondinet pour la presser dans la sienne. Elle ne savait pas trop quoi lui répondre, elle n'était même pas sûre que son attention excéderait une poignée de secondes mais il lui fallait tout de même trouver les mots. Même s'ils étaient mauvais, un silence n'était pas acceptable dans cette situation.

- Qu'on soit clairs : je ne compte pas me faire tuer. C'est un risque, mais je vais tout faire pour que ça n'arrive pas. Dis-toi... dites-vous que c'est juste mon côté pessimiste ok ? Je ne suis pas suicidaire hein ! J'irais jamais me lancer dans une affaire où j'ai plus de chance de mourir que de vivre. Mais si tu veux tu pourras surveiller Gaston le temps que je revienne, ce qui ne devrait pas prendre plus d'une heure.

Jade n'était pas sure de croire en ses propres paroles, mais après tout Miss Paper ne lui aurait jamais proposé cette mission si elle n'avait pas été apte à réussir. Et puis elle serait sérieusement briefée sur le chemin, non ? Tout allait bien se passer. Hochant la tête comme pour valider cette conclusion, elle relâcha les mains de Ian et Mel' avant de déclarer à cette dernière qu'effectivement, le jeu de la tequila serait fini pour le moment. Ramper par terre en vomissant ses tripes n'était pas le meilleur moyen de passer la journée, il fallait l'avouer.

Maintenant qu'elle était décidée à mettre une croix définitive sur tous les sujets déprimants jusqu'au coucher du soleil, elle jeta un œil aux alentours pour tenter de repérer les attractions qui avaient pu intéresser Yoake. Les deux seules attractions visibles à vue nécessitaient de l'équilibre, et l'un d'eux du travail d'équipe. Peu importe l'angle sous lequel elle regardait les choses, leurs chances de faire un bon score étaient ridiculement petites... mais après tout, qu'est-ce que ça pouvait bien faire ? Ils n'étaient pas là pour remporter une fichue pastèque mais pour s'amuser. Et voir les autres se vautrer dans du jus collant, ça n'avait pas de prix !

- Et vous savez quoi ? Vous êtes des petits joueurs ! Allez ! On fait l'épreuve en équipe ! Pour une fois qu'il n'y a pas de compétition entre nous ça nous détendra, non ? Et vous n'avez pas intérêt à tomber de votre pastèque en moins de 10 secondes, bande de poivrots !

L'hôpital qui se fout de la charité ? Peut-être, mais ça ne l'empêcha pas de rire de bon cœur. Au diable l'avenir sombre et sa potentielle mort prochaine ! Au diable le monde réel où elle n'avait plus sa place ! Au diable même, Elie et Ace avec leurs absurdes histoires d'adeptes ! Jade était bien décidée à ce qu'au moins une fois dans la journée, ils puissent s'amuser tous les quatre. Ensemble.

La jeune femme commençait à s’habituer aux paroles de Ian, il suffisait de tout remettre dans l’ordre et tout s’éclaircissait, il parlait de chien puis d’une certaine Milly qui se transformait en chatte. La Japonaise avait cru comprendre que c’était un second prénom pour Jade. Il se mit aussi à se laver ses chaussures après s’être excusé, mais la Japonaise ne lui en voulait pas, elle s’efforçait de le comprendre et ce qu’elle découvrit, c’était un sentiment puissant pour Jade, comment pouvait-il éprouver un sentiment aussi fort en à peine une journée en compagnie de la psychotique. Même elle n’avait pas de sentiment aussi fort pour Melena. Yoake remarqua aussi qu’il comprenait facilement la nature des gens sur de simple geste qu’on lui avait apporté. Elle, comme pratiquement tout le monde n’était pas capable de pareils sentiments. C’est alors qu’il dit qu’elle allait partir, c’était cette fameuse mission, suffisamment dangereuse pour inquiéter le groupe… Quelle était-elle ? La Japonaise avait dû rater un passage, car elle ne comprenait pas de quoi il s’agissait, aussi ne trouva-t-elle pas les mots pour réconforter Ian. De toute façon Melena et Jade arrivait déjà, quand elle s’inquiéta de l’état dans lequel était la psychotique, Melena dit qu’elle ne tenait pas l’alcool et Jade précisa que la mixture avait fait effet et qu’elle allait parfaitement bien.

- Quitte à choisir, je préfère enchaîner les défaites, qu’avaler ce genre de chose.

Répondit la Japonaise en riant.

Ian, exprimait finalement sa tristesse à sa façon proposant de s’occuper du Dindon nommé Gaston, la Japonaise sentit finalement une boule se former dans sa gorge décidément leurs morals avaient du mal à suivre l’ambiance de la fête.

C’est alors que Jade s’expliqua quelque peu sur ses motivations, elle ne voulait pas mourir et ferais tout pour… Yoake se demanda un moment quel devait être la motivation de la jeune fille pour se lancer dans une mission seule sans ses amies. Elle ne la comprenait pas, et ça lui faisait mal pour Melena que sa meilleure amie s’en aille prochainement. Mais que pouvait-elle faire ? Pour le moment rien… Alors autant faire en sorte que tout le monde profite de cette journée.

Justement, la psychotique choisit la prochaine attraction qui lui convenait parfaitement, jouer en équipe devrait ressouder un peu leurs liens et peut être redonné un peu le moral à la troupe. Aussi répondit-elle à Jade dans un sourire :

- Compte sur moi, ce n’est pas le peu que j’ai bu qui ne me fera pas tenir sur une pastèque.

Il était vrai que si on comptait la Tequila pastèque qu’elle avait bu et celle qu’on avait renversée, elle était bien capable de poursuivre la journée sans marcher de travers. Après il fallait qu’elle fasse preuve d’équilibre et ça, ce n’était pas gagné.

Ils se dirigèrent donc vers l’attraction certains plus motivés que d’autre, Yoake, elle essayait de se rappeler du poids d’une pastèque se demandant si elle n’avait pas visé un peu trop haut, mais il était trop tard pour reculer et puis qu’importe s’il ne tenait que 10 secondes tant qu’ils riaient. Elle fut aussi soulagée de voir que la queue n’était pas importante, son regard se porta alors sur l’activité un compteur en pépin de pastèque indiquait qu’il y avait actuellement 40 passes et que le meilleur score dépassait les 100.

Son regard se posa sur un des joueurs, sûr de lui, il semblait à l’aise sur la pastèque. La Japonaise mémorisa sa posture et dit finalement :

- Regardez ce gars-là, il se débrouille plutôt bien.

L’irlandaise fronça les sourcils quand Ian se planta devant Jade pour lui proposer, d’une voix brisée par l’émotion, s’il pourrait garder Gaston pendant sa mission. Que ressentait-il vraiment ? Il semblait tantôt particulièrement tenir à la psychotique et tantôt être complètement ailleurs. Décidément, Melena ne le comprendrait jamais. Par contre, elle réalisait bien comme le nombre de gens dévoués à la bonne jumelle ne cessait de s’accroître. Elie, Ian, elle-même, et des gens qu’elle ne connaissait même pas… dans un sens, la portoricaine était comme ces lumières scintillantes qui attiraient les papillons de nuit. Aucun ne pouvait s’empêcher de voler vers elle, mais combien se brûleraient les ailes ? La nécrophobe, elle, savait ce qu’elle risquait ; mais elle était prête. Prête à sombrer…

Ses pensées s’étiolèrent quand sa petite amie confirma que le jeu de boisson était fini. L’irlandaise feignit une moue boudeuse et quand il fut question d’accepter le jeu d’équilibre, elle leva les bras en signe de reddition. S’ils perdaient tous, ils auraient été prévenus ! En voyant le sourire de Yoake, Melena se sentit instantanément plus légère. Bizarrement, elle se sentait brusquement bien. Après tout, elle aussi avait des amies pas vrai ? La japonaise l’avait suivie depuis Elipse, alors qu’elle ne la connaissait pas, sans jamais lui reprocher son caractère exécrable. L’adolescente ressentit un élan d‘affection pour son aînée, se disant qu’elle n’avait pas été très reconnaissante depuis qu’elles étaient arrivées.

Comme pour se rattraper, elle se plaça plus proche de l’hématophobe dans la queue et s’intéressa peut-être avec trop d’entrain de l’homme qu’elle désignait. La tête lui tourna si fort qu’elle crut qu’elle allait tomber à la renverse. Soûle, Melena éclata de rire après avoir tangué quelques secondes dans une imitation involontaire du Jack Sparrow de Pirate des Caraïbes.

- Je tiendrai pas 5 secondes, vous êtes prévenus…

Une idée réussit à se frayer un chemin dans son encéphale embrumé. Il y avait de cela longtemps, sur le cargo censé l’emmener loin des côtes de Freedoom, elle avait copié la faculté d’un marin à encaisser les fortes quantités d’alcool qu’il avalait régulièrement. Si seulement elle pouvait faire appel à ça maintenant, les trois verres de tequila qu’elle avait pris ne seraient pas plus un problème. Alors, doucement, l’irlandaise eut l’impression de reprendre conscience. Le monde devenait plus net, ses gestes plus précis, les songes plus fluides.

- Aaaaah, s’exclama-t-elle mystérieusement, je savais bien que ça valait le coup de copier les dons de ce poivrot…

En vérité, le contexte avait été bien moins drôle, mais elle s’appliqua à ne pas y penser. Au lieu de ça, elle confia à nouveau ses vêtements secs à un local au bord du bassin avant de grimper sur la pastèque géante qui lui était désignée. Bien entendu, c’était encore plus difficile de tenir debout dessus que ça en avait l’air. La peau verte était glissante, il n’y avait pas beaucoup d’espace changer de posture, et c’était quoi déjà la position que Yoake lui avait conseillé d’imiter ?

Bientôt, les quatre acolytes furent prêts et on confia la pastèque qu’ils allaient devoir se lancer à la nécrophobe qui observa tour à tour Jade, à sa gauche, et Ian, à sa droite. Le fruit n’était pas bien léger. La distance qui la séparait de la bonne jumelle lui paraissait gigantesque ; le garçon du groupe était légèrement plus proche, mais elle doutait quand même de sa capacité à réaliser un lancé précis et facile à rattraper.

- Aucun de vous n’a le pouvoir de rendre la pastèque plus facile à se passer ? murmura-t-elle avec une expression complice.

Bien sûr, ce n’était pas le cas. Ils en étaient donc réduits à devoir gagner à la loyale, ce qui n’était pas gagné. Pour battre les 100 passes, il fallait donc qu’ils réalisent plus de 25 tours complets. 25 fois où le fruit de presque 5kg lui reviendrait, qu’elle devrait le rattraper et le relancer…

- Bon, Ian, t’es prêt ? On y va !

Et c’est parti.

Ian était aux anges !
Milly lui avait tenu la main et lui avait dit qu'elle ne partirait qu'une heure. ce ne serait pas trop long.
Et surtout elle avait accepté qu'il fasse le baby-sitter de Gaston et ça pour un cadeau c'en était un beau !
Du coup il s'élança dans ses bras en criant de joie et en l'embrassant sur la joue: merci Milly, merci ! promis juré, je m'en occuperai bien, tu verras, quand tu reviendras tu seras contente!

Puis elle avait choisi le jeu.
Pour tenir sur la pastèque, il n'aurait pas trop de problème, il avait bon équilibre mais pour ce qui serait d'en attraper une et la lancer à quelqu'un d'autre, là ce serait une autre affaire...
Tout en suivant Melena vers le vestiaire improvisé il sentit que son crâne essayait de lui dire quelque chose; cela lui faisait tout drôle parce que c'était triste, un peu angoissant; il n'avait pas trop l'habitude de s'éterniser sur de telles pensées et puis la jeune fille avait de si belles jambes...
Il se déshabilla en quatrième vitesse, sortit le caleçon de sa poche, chercha l'autre, se rappela qu'il l'avait balancé dans un coin du bar parce qu'il était mouillé, songea qu'il devait encore chercher un chien mais que ce serait peut-être un problème avec Gaston... GASTON Y A L'TELEFON QUI SON MAIS Y A JAMAIS PERSON QUI Y REPOND chanta t-il a tue-tête tout en empilant ses affaires; il était prêt.

Les filles étaient déjà dans la file d'attente, elle n'était pas grande, heureusement.
Noir et blanc peut-être ? ou marron ?
il se plaça à côté de Milly, se baissa vers le dindon pour lui faire des recommandations afin qu'il attende sagement sur la rive pendant qu'ils joueraient et entreprit de monter tant bien que mal sur la pastèque glissante.
Encore tout chancelant il vit que Melena s'apprêtait à lui lancer le fruit. Concentration...Efficacité !
lança t-il en rigolant.
Râté.
La pastèque tomba en faisant un gros plouf suivi d'une gerbe de jus qui l'aspergea. Il dérapa, se retint tant bien que mal en oscillant et tomba à plat ventre sur la pastèque. Ouf, échappé belle ! s'exclama t-il.
Il se pencha pour rattraper la "balle", se redressa, regarda tour à tour les trois filles, à toi Yoake !
oui mais cela faisait loin. Il tenta un lancer mais la pastèque tomba encore, tout à côté de la Japonaise qui fut éclaboussée à son tour.
Rien à faire, il n'était décidément pas doué pour ce jeu. Qu'importe il éclata de rire et entreprit de sauter sur sa pastèque afin de la faire avancer: plus prêt, il pourrait peut-être arriver à quelque chose mais rien ne se passa comme il voulait, la pastèque tangua dangereusement et il se retrouva dans le jus.
Ou plutôt gris ?
Il voulu remonter mais le fruit n'en finissait pas de rouler sur lui-même à chaque tentative.
Il ne se démonta pas pour autant au contraire, il était mort de rire.
Tant bien que mal, il réussit tout de même à se vautrer comme une grenouille sur la peau glissante et décida de rester dans cette position, du moins pour le moment.
C'est alors que la drôle d'impression lui revint. Qu'était-ce ?

Il se remit debout pour au cas où une des filles lui lancerait à nouveau la pastèque et tenta de réfléchir.
Si au moins il avait pensé à prendre sa veste à capuche avant d'arriver à Dreamland, il aurait pu installer Gaston dedans, cela lui aurait éviter de courir derrière lui.
Une nouvelle "balle" lui arriva, il faillit l'attraper cette fois mais au dernier moment elle lui échappa des mains.
Il replongea dans le liquide et c'est là qu'il se souvint.
MILLY ! hurla t-il JE T'ACCOMPAGNERAI !
Il ferait un balluchon avec sa chemise, mettrait Gaston dedans et irait avec son amie dans l'endroit dangereux.
Il la protègerait, il veillerait sur elle aussi, il la suivrait, même si elle le lui défendait; comme ça elle ne mourrait pas !
et d'ailleurs ce serait blanc, gris et noir comme les husky car pour sûr, ces chiens là étaient comme lui !
il remonta sur sa pastèque, lança le fruit à Milly et attendit.

A la sensation des bras de Ian qui se refermaient autour de son corps, Jade eut un léger sursaut qui ne fut pas perceptible tant l'hyperactif la secouait comme un prunier sous le coup de la joie. Ce genre de proximité avec un homme la mettait toujours mal à l'aise mais ce garçon avait l'air tellement innocent qu'on ne pouvait pas le repousser. Qui pourrait être aussi heureux à l'idée de garder un dindon ? Pas quelqu'un de mauvais, c'était sûr.

Ce détail réglé, ils se mirent tous d'accord pour le jeu d'équipe. Melena et Yoake voulaient jouer les dures en ne passant pas par l'étape purge d'estomac -ce qui vu l'état de l'irlandaise allait se finir par un plongeon dans le jus de pastèque. L'air mutin, la psychotique dévisagea un moment les demoiselles comme pour s'assurer de leur choix et fini par agiter les mains en signe de défaite.

- Ok, ok... je suis pourtant sûr que ça aurait pu nous faire gagner quelques passes ! Mais c'est vous qui voyez !

Le petit groupe rejoignit la queue, plutôt courte, et à l'instar de l'asiatique, Jay se mit à observer les participants actuels. Si les autres avaient l'air plus angoissé par le lancer de pastèque que l'équilibre, c'était plutôt l'inverse pour elle. Avec le chamboule-tout elle avait plutôt appréhendé le poids d'une de ces pastèques et le dosage de force nécessaire pour atteindre une cible. Mais cette peau glissante... c'était une autre histoire. C'était toujours dans ce moment là qu'on rêvait d'avoir comme pouvoir de bonnes grosses ventouses des familles sous les pieds.

Tout ce qu'elle pouvait faire pour durer, c'était tenter de répéter les gestes de ceux qui se débrouillaient bien. Suite à l'invitation de Yoake, l'adolescente observa l'homme en question et tentait de reproduire ses mouvements au milieu de la queue. Sur le plancher des vaches ça avait l'air plutôt simple, ne restait plus qu'à voir si cet « entraînement » porterait ses fruits sur un sol glissant...

Avant même de s'en rendre compte, leur tour était déjà arrivé. La bonne jumelle grimpa sur sa pastèque et mit quelques secondes pour arrêter de tanguer, ses pieds dérapant inexorablement sur la fine pellicule sucrée de jus de pastèque. A la question de Melena, Jade répond par la négative par un mouvement de tête désolé. Tout ce qu'elle avait, c'était ses muscles et il faudrait faire avec !

- La couper et en manger une partie ? J'vois pas sinon, vraiment... mais je doute que ce soit accepté par le règlement, répondit-elle avec un sourire complice.

Le jeu pouvait enfin commencer... et ils l'inaugurèrent par un glorieux échec. Ian avait l'air tout sauf doué, ce qui se confirma bientôt lorsqu'après quelques essais ratés il rejoignit lui-même le bassin. Malgré ses efforts pour remonter, le responsable de l'attraction lui fit signe qu'il était éliminé mais l'hyperactif ne sembla lui porter aucune attention, trop préoccupé qu'il était par sa surprenante déclaration. Il... l'accompagnerait ? Mais pourquoi étaient-ils tous si obstinés ? Pourquoi fallait-il toujours que l'amour des gens pour elle les mène à leur perte ?

- Tu es hors jeu coco, maintenant comme plus tard.

Impossible de dire s'il avait compris le message. De toute façon Jade était trop fatiguée pour se répéter encore en fois. Elle qui mourrait d'envie de ne pas affronter ça seule, elle qui devait faire lutter à mort sa raison contre son cœur... ils ne pouvaient pas comprendre tous autant qu'ils étaient que leurs propositions bien intentionnées la mettait au supplice. Perdue un court instant dans ses sombres pensées, son pied droit commença à glisser mais elle rétablit brusquement sa position dans un sursaut. Rester concentrée. Elle aurait tout le loisir de s'inquiéter demain.

Jade attrapa la pastèque qu'on lui lança, accusant le recul dû au poids. Bon... ce n'était pas facile et atteindre le record semblait une utopie mais elle était presque sûre de ne pas se ridiculiser. Tout ce qu'elle avait à faire c'était tenir debout... bon sang, elle faisait ça depuis sa naissance ça ne devait pas être trop dur, non ? Hélas elle n'avait pas passé sa vie sur une peau de pastèque. Après avoir rétabli sa position elle lança le fruit en direction de Yoake qui réussit à l'intercepter. Si Melena avait l'air plus fraîche qu'avant, la bonne jumelle n'était pas dupe. Il y avait peu de chances pour que son pouvoir dure tout le jeu. Et si elle faisait tomber leur « balle » lors de son retour à son état normal, ça ne servirait qu'à refaire tomber leur compteur à zéro. Et avec Ian sur la touche... on ne pouvait plus vraiment compter que sur l'hématophobe et elle-même.

S'éclaircissant la gorge, elle chercha dans les méandres de sa mémoire une chanson connue qui leur permettrait de tenir le rythme. Après quelques instants d'hésitation elle se mit à chantonner la comptine qui lui semblait le mieux convenir, se fichant bien d'être accompagnée ou non par les autres. Les passes s’enchaînaient, au début hésitantes puis de plus en plus assurées. Le compteur ne montait pas vite mais il montait, et c'était l'essentiel. Entre deux passes, Jade jetait régulièrement des coups d'oeil à Melena pour s'informer de l'évolution de son état, et interrompit même sa chanson pour lui lancer avec un sourire en coin :

- Préviens-nous quand tu sens que tu vas perdre face à l'alcool cocotte, hein ? Yoyo et moi, on se chargera du reste !

Yoyo ? C'était venu tout seul. Il n'y avait plus qu'à espérer que la jeune femme ne s'en formaliserait pas. Jade se remit alors à chanter, plus fort, comme pour compenser la fatigue et la douleur qui commençaient à envahir les muscles de ses bras.

Yoake sentait que Jade et Melena étaient intéressées elles aussi par la posture du mec. Ça aurait presque était comique de voir trois jeunes filles le fixer en plein effort, mais bon, il fallait passer à la concentration maintenant, et la Japonaise n’avait pas envie d’aller à l’eau avant d’avoir fait une bonne cinquantaine de passe avec le reste de son équipe. Ian les rejoint et c’était déjà leurs tours, l’équipe précédente n’avait pas réussi à battre le record des 100 passes, mais ils s’étaient plutôt bien débrouillés. Le jeune homme qu’elles avaient fixé leur fit même un clin d’œil, mais Yoake préféra se concentrer sur ce qui l’attendait.

Elle grimpa à son tour sur la pastèque et chercha son équilibre essayant d’imiter la position, tout en essayant de suivre les mouvements hasardeux de la pastèque. C’est alors que Melena demandait un moyen de faciliter la tâche pour passer la pastèque, évidemment personne n’avait de solution Jade proposait de la manger, mais un coup d’œil sur l’arbitre lui permit de voir que ce n’était pas permis.

- Il va falloir compter uniquement sur nos mains, nos jambes et… Euh en fait ça pèse combien une pastèque ?

Demanda la jeune femme en jetant un coup d’œil sur ses pieds qui dérapaient. Et Melena lança le compteur en envoyant la pastèque sur Ian, malheureusement il ne put la rattraper et le compteur resta désespérément à zéro. Le jeune homme envoya alors la pastèque dans sa direction, mais une fois de plus la pastèque tomba directement dans le jus de pastèque éclaboussant la pastèque de la jeune femme ça n’avait pas l’air si simple que ça en fait. Yoake se baissa comme elle pouvait sur la surface glissante pour ramasser sa pastèque avant de la renvoyer à son tour. Il fallait à présent retrouver son équilibre et sa position de « wineuse » faire corps avec la pastèque et les jambes légèrement fléchi afin de stabiliser la pastèque, les bras éloigné du corps pour garder l’équilibre et se préparer à récupérer la past… À ce moment-là Ian tomba dans le jus faisant quelque vague dans la piscine. La japonaise eue, un moment, l’impression de se retrouver en pleine mer sur une plaque de glace minuscule, on lui envoya la pastèque à ce moment-là et elle eut tout juste le temps de retrouver son équilibre avant de la récupérer, elle se tourna alors vers la thanatophobe et lui envoya une nouvelle fois la pastèque tandis qu’un sourire se dessina sur ses lèvres, c’était exactement l’ambiance qu’elle voulait : des rires, et des ton joyeux, ils atteindront bientôt les 100 comme ça. C’est alors qu’un nouveau plouf se fit entendre Ian venait tomber une nouvelle fois de sa pastèque, mais la Nipponne se dit que de toute façon, il était déjà éliminé. Elle l’entendit dire qu’il accompagnera Jade, mais Yoake ne préférait pas y penser, pas maintenant, c’était leur plus long cycle de passes, il fallait tenir à présent.
Justement, Jade semblait tenir bon malgré un dérapage dangereux. Elle envoya alors la passe à Melena et remarqua que cette dernière allait mystérieusement bien, ça a dû se passer dans la file d’attente qu’est-ce qu’elle avait dit déjà? Qu’elle avait bien fait de copier le pouvoir de ce poivrot ? C’était surement ça combien de temps durait ce pouvoir ? Impossible de le savoir la comptine de Jade la sortit de ses pensées juste au bon moment, elle réceptionna la balle et la renvoya automatiquement à Jade sur le rythme de la chanson. L’effort commençait à se faire sentir, ses muscles se tétanisaient et elle avait l’impression de perdre l’équilibre à chaque réception. Mais elle ne voulait pas lâcher, elle entonna la comptine avec Jade laissant parler chaque note en elle… La douleur de l’effort semblait s’estomper, la psychotique avait raison, il n’y avait pas meilleur idée que de chanter pour oublier la douleur. Elle continua de chanter pendant que Jade demanda à Melena de les prévenir quand l’effet de l’alcool referait surface. Ce n’était pas une mauvaise idée en fait la pastèque était suffisamment lourde à présent pour ne pas avoir à tout recommencer.
C’est alors que le surnom de Yoyo résonna dans ses oreilles, à la base, elle n’aimait pas vraiment ce surnom, mais elle savait que son prénom sortait de l’ordinaire, ses parents voulaient un prénom japonais pour leurs enfants, sa tante lui avait dit que c’était un hommage à leurs pays d’origine. Plus tard dans les meilleures années de sa vie ce surnom était devenu une identité, une marque d’affection… Ça faisait si longtemps qu’elle ne l’avait pas entendu.

Elle remarqua la pastèque au dernier moment et leva les bras pour la saisir, elle sentit son pied glisser, mais choisit de garder la pastèque collée contre elle. Elle rétablit l’équilibre comme elle pouvait et se retrouva à califourchon sur sa pastèque. Sans qu’elle s’en rende compte une unique larme coula le long de son visage, mais la joie qu’elle ressentait à cet instant n’avait pas de limite, elle leva ses yeux sombres vers la psychotique, puis vers Ian et la thanatophobe et dit :

- Yoyo… Hein ! ...

Un sourire se dessina sur son visage et elle dit :

- J’accepterais ce surnom que quand on dépassera le record de 100 passes.

Ce n’était qu’une motivation de plus pour ces amies non ? Elle se releva doucement, remerciant les organisateurs de ne pas avoir imposé une limite de temps. Elle ressentait à nouveau la douleur dans tout son corps, mais qu’importe, elle se reposerait plus tard.

Elle envoya la pastèque à Melena et se remit à chanter.

C’était un échec. Ian était un échec. Admettons-le, l’irlandaise n’avait pas suivit grand-chose aux règles et l’espace d’un instant, fut persuadée qu’à cause de la maladresse de son acolyte, ils allaient tous être éliminés avant d’avoir réalisé ne serait-ce qu’un tour de passes. Fort heureusement, si on pouvait dire, l’hyperactif fut le seul à être privé de jeu et les filles continuèrent entre elles.

Ce n’était pas facile, la peau de pastèque glissait, le fruit qu’elles se lançaient était lourd et, pour couronner le tout, Melena ne s’était finalement pas montrée aussi assidue que ses deux amies pour copier « la » position. Désormais, quand elle essayait de bouger afin d'imiter Yoake, l’impression que son îlot de fortune allait se renverser lui coupait tout envie de faire un geste. Elle poursuivit alors dans une incertitude perpétuelle, remercia l’adresse de ses deux alliées qui ne lui faisaient pas de passes empoisonnées. Peu à peu, la nécrophobe se laissa prendre à la comptine de la bonne jumelle, la murmurant en échos du bout des lèvres, admirant leur trio avec une allégresse silencieuse.

Jade, Yoake, toutes les deux, elles comptaient. Melena ne se souvenait pas avoir jamais apprécié des gens de cette façon avant Dreamland ; comme si… ses aventures ne l’avaient pas rendue insensible mais au contraire, elles avaient accentué ses contrastes. Ses démons étaient plus mauvais encore, mais ses bons sentiments devenaient plus intenses. Deux amies, ça faisait une personne de plus à protéger, mais Dieu sait ce qu’elle ferait pour y parvenir. D’ailleurs il n’y avait pas que Dieu… la japonaise aussi, connaissait les aspects plus sombres de sa personnalité.

- T’en fais pas pour moi ! rétorqua l’irlandaise à sa petite amie, tu vas devoir encore attendre avant que je te laisse en tête-à-tête avec « Yoyo ».

Elle lui fit un de ces sourires trop rares, solaires, qui illuminait complètement ses traits trop pâles et ses yeux assombris par l’horreur. C’était une petite pique, autant pour faire un clin d’œil à leur supposée condition de couple qu’au fait qu’elle sentait désormais que leur trio n’était plus un patchwork. En tout cas, plus pour longtemps. Elle le sentait : elles pourraient être un de ces groupes de copines inséparables qui se font les ongles ensembles, se soutiennent en cas de coup dur et sont demoiselles d’honneur des mariages des autres. Une image hollywoodienne en somme. Voilà ce que devenaient ses rêves, des fantasmes tirés de films…

- Wooow…

La japonaise venait de promettre accepter son surnom si elles dépassaient les 100 passes et l’irlandaise elle sentait que les effets de l’alcool étaient retour. Tout était plus incertain, la stabilité de sa pastèque, les distances, sa prise sur le fruit. Le soleil était plus aveuglant, les encouragements de la foule plus assourdissants. Avec un petit rire imbibée, Melena déclara :

- Aller, je me retire, vous n’avez plus que 27 passes à faire !

En effet, quand elle lança la pastèque à sa meilleure amie, leur compteur affichait 77. Fort heureusement, la thanatophobe réussit son coup et se laissa tomber dans le jus, finalement bien contente de retrouver un peu de fraîcheur. Sa peau ivoirine avait souffert de sa longue exposition au soleil, immobile sous le cagnard. Pas de doute, elle regretterait bientôt de ne pas avoir de crème protectrice.

Après quelques brasses, Melena s’extirpa du bassin, ruisselante de jus, et rejoignit Ian qui attendait – bon gré,mal gré – sur le côté. Elle s’occupa un instant d’essorer tant bien que mal sa chevelure corbeaux. A en croire les exclamations de la foule, Yoake et Jade s’approchaient du score à battre. L’irlandaise jeta alors un regard en coin à l’hyperactif. Ses yeux couleur orage le passèrent au crible, sans pitié. Il n’avait pas l’air très intelligent, ni très fort, ni très puissant. Pourquoi voulait-il accompagner la bonne jumelle ?

Elle s’approcha de lui alors que le compteur des filles passait la barre des 90 et croisa les bras. Son attention portée sur le jeu, la nécrophobe prit la parole avec un détachement presque impersonnel. Au finalement, elle ne connaissait pas beaucoup Ian, et rien de ce que lui avait dit sa meilleure amie ne lui avait donné envie de faire en sorte que ça change.

- C’est une fille super ? Jade. Ou… Milly, comme tu l’appelles.

Elle marqua une pause. C’était étrange d’appeler celle qu’elle aimait par un autre prénom que le sien mais en même temps, ça lui donnait une agréable sensation de supériorité. Jamais la bonne jumelle ne lui avait dissimulé son identité, alors que les sentiments de l’hyperactif étaient nés sur un mensonge. Ça veut bien dire qu’en fin de compte, il ne représentait pas beaucoup… pas vrai ?!

- Tu sais…, reprit Melena avec un arrière-timbre qui donnerait l’impression qu’elle parlait à un enfant, sa protection, c’est plutôt mon truc à la base. Enfin… on a vécu plein de choses toutes les deux, on se surveillait mutuellement, tu vois ?

Au final, elle ne savait pas vraiment où elle voulait en venir. Ce n’était pas vraiment pour être méchante, mais simplement pour être sincère et réaliste. Jamais Ian ne constituerait une protection rassurante. Il serait même plus en danger que la personne qu’il essaierait d’aider.

- Ce que je veux dire c’est… ce qu’elle doit faire, c’est quelque chose de très dangereux, et tu ne pourrais pas l’aider. Moi non plus il parait. Mais si quelqu’un doit aller sauver ses miches si ça dégénère, ce sera moi.

Ses yeux pâles croisèrent ceux de Ian avant de se perdre dans le néant. Dans un murmure à peine audible, elle ajouta : « C’est tout ce que j’ai maintenant…. ».

Ian avait du mal avec les règles de jeux non par esprit rebelle ou insoumis mais simplement parce qu'il fallait une forme d'attention qui lui faisait défaut; aussi n'avait-il pas compris qu'il était éliminé.
Une fois de plus ce fut Milly qui prit la peine de l'en informer.
Goguenard, il sortit de l'eau en faisant le pitre masquant ainsi le fait que comme tout le monde, il n'aimait pas être pris pour un nul.
Cela lui fit un pincement au coeur d'apercevoir le regard apparemment teinté de mépris de Melena.

Il regagna la berge, s'assit dans l'herbe et prit Gaston sur ses genoux afin de le couvrir de caresses et de bisous.
Sa tristesse ne fut que passagère car Milly entonna une comptine qu'il reprit joyeusement tout en faisant tressauter le dindon.
Le pauvre volatile impuissant lui envoya un regard mi-éteint, mi-blasé caractéristique de ceux qui pensent: « quand il aura fini ses conneries, il préviendra... ».

Yoake aussi s'était mise à chanter et il fut tout heureux à l'idée que les filles devaient ressentir les mêmes sensations de joie et de plénitude que lui dans ces moments là.
Il pensa qu'elles devraient chanter plus souvent, cela changerait leur état d'esprit trop sombre à son goût.
Du coup, il brailla encore plus fort faisant sauter d'autant le dindon qui marqua son mécontentement en lui piquant la main de son bec.

C'est à ce moment que la trop belle sortit de l'eau.
Son regard en coin, scrutateur ne lui échappa pas et devina ce qu'elle devait penser comme tout le monde. Enfin, comme tous les gens médiocres qui prennent pour des certitudes ce que pouvaient offrir des apparences aléatoires; il ne s'en formalisa pas, il avait l'habitude. La journée était trop belle pour se mettre en colère pour si peu, c'était la fête, les filles étaient à deux doigts de battre le record et elle s'amusaient bien, c'était le plus important.
Quand elle s'approcha de lui, un sourire moqueur se dessina sur ses lèvres mais il fut surpris par ses propos.
Si Milly était une fille super ? Où voulait-elle en venir ?
Il ne daigna pas répondre à cette question qui sentait la savonnette à plein nez. A la place il lui lança:
Tu as déjà terminé ton autopsie ? Tu es rapide; quand tu seras grande tu pourras être médecin légiste !

Il se mit à fouiller dans l'herbe à la recherche de quelque chose.
Je sais qu'elle s'appelle Jade mais dans la jungle même Jake l'appelait Milly.
J'ai cru comprendre qu'il était dangereux de prononcer son vrai nom partout alors pour ne pas faire d'impaire je l'appelle comme cela tout le temps. Et puis Jade, je trouve ça moche... Holly shit ! Trouvé !
S'exclama t-il.
Du coup, il laissa l'adolescente déblatérer tout ce qu'elle avait à dire avec son ton de bonne maman qui parle à son petit enfant sur le chemin de l'école maternelle et tout en extirpant le suc un peu visqueux d'une feuille épaisse, il se retint d'éclater de rire, cela aurait été incorrect et vexant, la trop belle avait l'air si sérieux !

Quand elle eut terminé, leurs regard se croisèrent.
Ian en profita pour se lever et se mettre à genoux derrière la jeune fille.
Tu as un coup de soleil sur l'épaule et l'omoplate l'informa t-il.
Avec ça tu ne sentiras plus rien, pas même une cloque !
Il entreprit de masser très doucement la partie brûlée avec le gel d'aloès en disant: tu devrais te mettre plus souvent au soleil, ta peau est d'une blancheur cadavérique et puis tes glandes sécrèteraient la mélanine inexistante chez toi, ce qui te donnerai un caractère plus agréable et plus joyeux, c'est prouvé !

Quand il en eut fini avec les rougeurs, il décida de lui masser les épaules et la nuque.
Cette fille avait les muscles tellement tendus et noueux qu'il se demanda comment elle pouvait vivre comme cela.
Après un temps, il sentit sous ses doigts que les nerfs de Melena étaient décontractés, souples et au repos. Il fit de même le long de la colonne vertébrale et dans le dos, véritable sac de noeuds !
Il continua: j'entends que tu es jalouse, prétentieuse et égoïste avec Milly.
Il constata un sursaut et supputa une amorce de mouvement comme si elle voulait se retourner vers lui.
D'un geste doux mais autoritaire il lui fit comprendre qu'elle devait rester immobile et même légèrement penchée; il ne pouvait pas s'arrêter là, cela aurait été un acte de non assistance à personne en danger, raide de stress aussi longtemps contenus comme elle était !
Tout en massant et triturant il ajouta en accélérant le débit de parole à peu près à même vitesse que son cerveau:
Jalouse parce que si Milly avait accepté tu aurais pris cela pour de la concurrence directe, n'est-ce pas ? Même disons le carrément: ça t'aurais fait chier qu'un nul comme moi, sans pouvoir puisse pour elle quelque chose que tu n'aurais peut-être pas su offrir.
Prétentieuse parce qu'en cas de danger, tu te crois la seule à pouvoir voler à son secours.
Egoïste parce que dans ton délire de possessivité il ne t'a même pas effleuré l'esprit qu'elle pouvait avoir besoin de moi ou de Yoake. Non, c'est toi toute seule comme une grande, hein ? Tout ça parce que tu as plein de pouvoirs ultra-dangereux, ultra-méchants et tout le toutim !
Moi j'ai pas de pouvoir, je ne suis qu'un pauvre gogol mais à Milly je lui ai construit un lit quand elle s'est plaint de la fatigue, je lui ai cueilli des fruits afin qu'elle mange, je lui ai trouvé une source d'eau pure même si elle n'a pas voulu s'y désaltérer. C'est simple, c'est efficace et j'en fait pas tout un cas personnel.

Avec ses doigts, il s'acharnait sur un point précis. La tension était telle à cet endroit qu'il n'avait pas d'autre choix: elle allait avoir mal quand cela se décoincerait mais il le fit.
S'en suivit ensuite une série de passes douces. 9A y est, il sentait qu'enfin l'adolescente toute entière se décontractait, respirait enfin amplement.
Son corps était mou comme abandonné, surtout il était bien. Plus aucune douleur même infime ne persistait; il avait fini.

Il se leva et se planta devant Melena. Son sourire mi-moqueur, mi-candide ne l'avait pas quitté.
Et puis arrête tes scènes de pathos, ça ne prend pas avec moi. « C'est tout ce que j'ai maintenant » ça veut dire quoi ? Tu as encore de la morve plein le nez et tu causes comme une petite vieille radoteuse ? Tu as tout l'avenir devant toi ! Après, c'est sûr, tout dépend de ce que tu en feras !
Bon j'en peux plus. J'ai fait un effort terrible pour toi, il faut que je bouge maintenant.
De toutes façons, si Milly décide de partir par la voie des airs comme elle l'a fait pour aller réparer son masque, personne ne pourra la suivre, c'est sûr...

Il partit à fond de train faire le tour du village. Il avait trop parlé, s'était trop concentré, il lui fallait de l'air.
Quand il revint, les deux filles sortaient de l'eau en rigolant.

Spoiler:

Jusqu’à lors, l’irlandaise n’avait connu du comportement de Ian que les échos rapportés par Jade. Après sa tirade, elle fut directement confrontée à son manque d’attention. Il lui parlait d’autopsie (?) et de ses coups de soleil, alors qu’elle abordait un sujet parfaitement sérieux. Elle regarda d’un œil non convaincu le suc qu’il avait extrait d’une mystérieuse feuille, doutant sérieusement qu’elle puisse apaiser ses brûlures. On était à Dreamland, en admettant que cette plante soit ce qu’elle était censée être, on ne pouvait pas savoir si ici, ça ne provoquerait pas une réaction urticaire particulièrement désagréable.

- Ne me touche pas avec ça ! S’exclama Melena.

L’hyperactif n’écoutait rien. Son corps tout entier se tendit, crispée par ce contact qu’elle refusait, mais Ian prit cela pour une raison supplémentaire de la masser. S’il n’y avait pas eu autant de gens joyeux autour d’eux et leurs amies occupées à battre le record de passes, l’irlandaise aurait volontiers repoussé violemment le jeune homme. Est-ce qu’elle l’avait autorisé à balader ses mains sur elle ? Il ne semblait pas comprendre qu’elle n’était pas n’importe qui ; qu’elle n’était pas ce qu’elle semblait être. Pensa-t-elle à le tuer ? Non, elle n’en était pas à cette extrémité ; mais elle songea fortement à utiliser ses pouvoirs de faucheuse pour le renvoyer dans le monde réel.

Contrainte de subir les massages de Ian, la nécrophobe renonça à émettre une résistance, mais sa mauvaise humeur ne désenflait pas pour autant. D’ailleurs, le monologue de l’hyperactif n’arrangea en rien ses émotions, au contraire. Il lui faisait penser à Zephyr et sa leçon de morale qui avait conduit à la scission de leur précédent quatuor. Qu’est-ce que ce mongol aux cheveux décolorés pouvait bien savoir du monde des rêves, hein ?! Et depuis quand se permettait-il de la juger alors qu’il ne la connaissait pas ? Jalouse ? Prétentieuse ? Egoïste ? Une telle bêtise retournait son estomac déjà malmené par la tequila.

C’était bien heureux que l’adolescente ne puisse pas en placer une, et qu’elle soit prisonnière d’un massage, sans quoi elle aurait laissé exploser sa rage à la figure de l’homme-enfant. Melena avait bien compris, sans qu’elle n’ait besoin de le dire, que Jade s’en prendrait à une tour. Autrement dit, elle allait se frotter à des entités surpuissantes, qui n’avaient absolument rien à voir avec les dangers de la jungle ou des épreuves de lancer de pastèque. Il n’y avait rien de prétentieux dans son intention de venger la bonne jumelle si elle ne s’en sortait pas, parce qu’elle savait affronter des entités plus fortes qu’elle, mais elle savait aussi que l’expansion de ses pouvoirs et son expérience l’aideraient à triompher. Il n’y avait non plus rien d’égoïste à supposer que la seule qui puisse secourir Jade en cas de pépin soit elle, parce que si elle se retrouvait bloquée en pleine mission, qu’est-ce qu’allait faire Ian ? Lui tresser un lit ? Ça lui serait utile oui. Pour transporter son CADAVRE ! Ce n’était pas de la jalousie, c’était de la logique.

Si seulement ça s’était arrêté là. Si seulement. L’irlandaise se sentait, malgré tout, détendue. Elle était prête à passer sur son discours stupide, même sur la douleur qu’il avait provoqué en décoinçant un point dans son dos. Mais ce qu’il avait dit en se plaçant devant elle avec son sourire mi-moqueur/mi-enfantin lui avait donné envie de lui crever les yeux. Pour de vrai. « Tout l’avenir devant elle » ? C’était ses mots. Avait-il simplement la moindre idée de ce qu’elle avait traversé ? Devinait-il que sa vie était foutue, dans les deux mondes ? Non. Rien de tout ça. Il n’était qu’un simplet qui prononçait des phrases de simplet.

Ian lui avait coupé le souffle. Sa bouche s’ouvrit, se ferma, s’ouvrit à nouveau, mais pas un son ne sortit. Il s‘était déjà éclipsé quand elle retrouva ses moyens, tremblantes d’une rage blanche. Rien ne l’amusait désormais. Ni les passes qui s’enchaînaient, ni la foule qui applaudissait, ni les fêtards déguisés en pastèque qui déambulaient en bandes depuis quelques minutes. Si Jade n’avait pas été là, Melena se serait lancé à la poursuite de l’hyperactif pour lui faire ravaler ses paroles. Il ne comprenait pas. Zephyr ne comprenait pas. Personne ne comprenait au final. Sans Jade, elle ne serait plus rien. Jade…

Les filles avaient fini. L’irlandaise s’approcha d’elles et se força à sourire. Les paroles de Ian ne s’effaçaient pas de son esprit, elles tournaient comme une mauvaise incantation. Heureusement, même avec un visage qui n’était pas le sien, l’expression ravie de sa meilleure amie suffisait à chasser les nuages. Au moins un peu, suffisamment pour ravaler sa colère irrationnelle. Au final, elle s’était retendue aussi vite que le massage l’avait apaisée. Heureusement que l’alcool agissait encore, sans quoi sa voix aurait eu l’air surfaite lorsqu’elle tendit la main à Yoake – la plus proche du bord – en disant :

- Bravo, je n’en attendais pas moins de vous après que je vous ai montré l’exemple !

Une passe, puis une autre, puis une autre... à vrai dire Jade commençaient à ne plus sentir ses bras. C'était comme si, pour nier la douleur, son cerveau avait décidé de couper contact avec son système nerveux. Ce n'était pas l'adolescente qui allait s'en plaindre ! D'ailleurs si seulement sa gorge avait suivi l'exemple, elle n'aurait pas eu la gorge aussi douloureuse à force de chanter. Mais cette douleur... c'était de la bonne douleur. Le genre de choses qui vous rappelait que vous étiez en vie. Comme le sourire de Yoake lorsqu'elle lança son défi, le plongeon de bonne perdante de Melena ou les encouragement de Ian. C'était tellement évident mais elle ne semblait le remarquer que maintenant : peu importe l'endroit où elle allait, c'étaient les gens qui voyageaient à ses côtés qui importaient. Il suffisait d'une étincelle pour que l'alchimie se fasse, lui ouvrant grand une porte vers le bonheur. Dans ces conditions, peu importait ce qui l'attendait dans le futur. Elle n'était plus seule.

Son courage, sa force, sa hargne, son désir de protection... tout s'envolait de nouveau pour disparaître dans le néant. Son sourire quant à lui demeura, comme un phare dans la tempête. Même si elle n'était qu'incomplète à nouveau, la bonne jumelle comptait bien profiter de ces liens qui commençaient à naître au sein de ce groupe. Les passes s’enchaînaient entre Yoake et elle, parfois maladroites mais généralement de plus en plus assurées. Jade se sentait comme un automate bien huilé, totalement dévoué à sa tâche, la répétant inlassablement. Si faire les passes à deux augmentaient sa charge de travail, ça le simplifiait de manière choquante. Tout ce qu'elle avait à faire c'était lancer face à elle et réceptionner. Un jeu d'enfant, non ? Pas besoin de se tourner, ce qui diminuait la perte d'équilibre. Si elle l'avait su avant, elle aurait suggéré l'idée plus tôt ! Marquant une pause dans sa chanson, la psychotique interpella l'hématophobe, lui adressant un clin d’œil complice :

- Plus que 10... j'espère que tu apprécies ton nouveau surnom, parce que tu risques de le porter trèèèèèès longtemps !

L'adolescente réceptionna la pastèque en tirant la langue. Elle avait beau fanfaronner, c'était loin d'être gagné d'avance. Même si elle ne réalisait plus la douleur qui nouait ses muscles, ses jambes commençaient à vouloir se dérober sous elle. Qu'elle le veuille ou non, elle fatiguait. Bientôt son attention se retrouva entièrement focalisée sur le compteur où le nombre d'échange croissait à la vitesse d'un escargot paraplégique. Etaient-elles si lentes ? Ou alors le temps s'étirait-il simplement de manière sadique ? Il en aurait été bien capable, tiens. Tout était vivant à Dreamland, alors pourquoi pas le temps ? Jay aurait mis sa main à couper que quelque part dans ce monde se trouvait l'un de ces dieux païens, une grosse montre à gousset à la main. Elle le voyait avec une clarté sans pareille garder l'index sur les aiguilles pour ralentir le cours du temps, secoué d'un gloussement vicieux. Et bien qu'il rit ! Elle était plus têtue que lui !

Dans son dos, le manège de Ian et Melena lui échappa complètement. Et quand bien même elle l'aurait remarqué, la bonne jumelle était si persuadée que leur bande était destinée à un avenir radieux qu'elle ne s'en serait pas inquiétée. Son monde se résumait à trois choses : Yoake, la pastèque et le compteur. 98... 99...100. Jade était tellement choquée d'en avoir été capable qu'elle manqua de peu de faire tomber la pastèque sur ses orteils. Elle rétablit son équilibre tant bien que mal, raffermit sa prise sur le fruit et éclata de rire avant de tirer la langue à l'asiatique.

- C'est officiel... Yoyo !

Son sourire s'agrandit d'un cran et l'échange reprit bientôt. Hélas, le record maintenant dépassé, son corps semblait rendre les armes. La douleur revenait par vagues, accompagnée d'une vilaine crampe à la cuisse. Jade tentait de la masser quand elle en avait le temps, mais avant même de le réaliser c'était déjà son tour de réceptionner. La pastèque fonçait vers elle, elle tendit les mains en avant et...

… son pied glissa.

Les yeux écarquillés de surprise, la psychotique bascula en arrière, l'énorme fruit serré contre son ventre. Elle ne comprit ce qui était en train de se passer que lorsque son dos entra en contact avec le jus de pastèque, lui laissant juste assez de temps pour fermer la bouche et ne pas boire la tasse. Lorsqu'elle émergea, elle fut accueillie par une salve d'applaudissements qui lui donna l'impression d'avoir les oreilles qui crépitaient. Elles avaient établi un nouveau record, hein ? Ne lui restait plus qu'à ne pas tout gâcher en se noyant dans la piscine.

Tant bien que mal, Jade rejoignit la berge et se hissa avec difficulté avant de se laisser tomber sur le dos. Épuisée, elle était épuisée. Complètement, définitivement, incomparablement, radicalement épuisée. Jamais elle n'avait aussi bien compris le sens de ce mot. Elle avait l'impression de pouvoir passer un an allongée ainsi avant d'avoir la volonté de se remettre sur pieds. Pourtant, les yeux rivés vers le ciel, elle rassembla le peu de forces qu'il lui restait pour brandir son bras, pouce levé.

- On l'a fait les amis! Elle marqua une pause et ajouta, l'air de rien : Bon... qui me porte maintenant, hum ?

Yoake sentait ses muscles la supplier d’arrêter cette ritournelle stupide, que son corps ne supporterais pas l’effort, mais qu'importe, elle n'avait pas envie de s’arrêter maintenant 30 passes de plus et ils prenaient la tête du classement.
Melena avait beau dire, Yoake voyait que ça allait de moins en moins. Et heureusement peux après avoir dit qu'elle ne voulait pas laisser ses deux amies toute les deux elle choisit de se retirer. Sage décision mais il ne restait à présent que Jade et elle : Il ne pouvait plus y avoir d'élimination.
La japonaise lui renvoya la pastèque, toujours en chantant, croisant le regard de la psychotique : Cette dernière avait du trouver sa motivation car jusque là, elle n'avait rien lâchée, et effectivement elle stoppa la chanson pour rappeler la promesse de la japonaise. C'était donc ça sa motivation ? Celà la faisait rire : Faire cette activité de dingue pendant 100 passes juste pour pouvoir l’appeler Yoyo ? Bonne idée…

- J'y compte bien… on ne va pas s’arrêter à 10 passes du records

Elle relança alors la pastèque et ajouta.

- ça serait décevant.

La ritournelle avait continué dans sa tête, c'était comme si son cerveau la tournait en boucle sans trouver le bouton stop aussi reprit elle la chanson en accords.

98… plus que trois et peut être plus

99… plus que deux pour battre ce reccord

100… plus que une pour dépasser le record.

C'est alors que Jade indiqua que sont surnom était officiel, bonne nouvelle pensa-t-elle, Yoyo reprenait du service si on pouvait le dire. Elle renvoya la pastèque et dit en riant

- j'aurais su, j'aurais placé la barre plus haute, tu en pense quoi de 150 ?

C'est alors qu'en relançant la pastèque, la japonaise remarqua le pied de la psychotique qui glissait elle eu juste le temps de dire :

- Bon ok mission impossible, tu as gagnés

Peut être que Yoake espérait t'elle encore que Jade se redresse mais ce ne fut pas le cas elle tomba à la renverse le ballon pastèque contre son corps. Quand la petite amie de Melena refit surface tout le monde se mit à applaudir le quatro, la japonaise appréciait cette ambiance qu'elle n'avait encore jamais connu, finalement il y avait du bon dans ce genre d'activité. Elle pensa soudain, que cette fois Jade n'avait pas échappé à la baignade dans le jus de pastèque. Elle se moqua alors gentillement :

- Alors elle est … oups

Yoake ne termina pas sa phrase, son pied dérapa, le manque de vigilance sûrement, elle tomba à son tour dans le jus et se rendit finalement compte que ses jambes était tétanisé par l'effort qu'elle avait fournit. Elle nagea à l'aide de ses jambes et saisit la main qu'on lui tendait. Son regard croisa alors celui de l'irlandaise et la japonaise en ressentit un certain malaise. Elle n'avait bien sur pas suivit l'altercation en Ian et Melena, et bien sur trop prise par le jeu n'avait pas pensé un instant que ce qu'avait dit Ian, avait développé un tel sentiment chez la thanatophobe. Elle se concentra alors pour remonter sa carcasse fatiguée sur le bord et tomba à côté de Jade, laissant ses muscles se décontracter. Les fourmis qu'elle ressentait dans tout son corps lui fit rapidement oublier ses interrogations et l'euphorie de leurs victoire la laissa dans un sentiment de zénitude. Jade devait être dans le même état d'après ce qu'elle disait. Elle demanda alors qui pouvait la porter.
La japonaise se mit à sourire et répondit :

- Je ne sais même pas si je vais pouvoir me lever, demande à Melena…

Elle leva alors ses yeux vers le ciel et remarqua finalement que Ian n'était pas là. Où avait-il bien pu partir encore… Il ne tenait pas en place celui là.
Elle remarqua alors qu'ils attendaient tous que les trois filles veuillent bien quitter le bord du bassin pour laisser la place à leurs challenger. Yoake se leva avec douceur et réussit par miracle à se mettre debout, elle remit son sac à dos tant bien que mal sur ses épaules et quitta la scène en s'aidant d'une barrière.
Elle s’arrêta finalement et remit son chapeau sur la tête bien qu'il soit trop tard : sa peau avait déjà pris pas mal de couleurs. La gorge sèche, elle ouvrit son sac et sortit le purificateur d'eau qu'elle avait déjà remplie lors de leurs voyage en dirigeable. Elle bû une bonne gorgée et se tourna après un temps vers ses deux amies :

- Quelqu'un veux de l'eau ?

Après tout si le mode d'emploi était correct le jus de pastèque leurs fournirais autant d'eau que nécessaire alors autant en profiter. Sans ventre gargouilla tout d'un coup, lui rappelant qu'elle n'avait rien mangé de solide depuis la veille. Elle demanda alors :

- Je ne sais pas pour vous mais se battre pour des pastèques ça donne faim...pas vous ?

Elle fit alors une petite mou et ajouta :

-j'éspère qu'ils on juste quelque chose de plus consistant à manger que ce fruit.

Bon sang cette activité avait été une très bonne idée : envolé les soucis, Yoake était plus ouverte à la discussion à présent. Elle commençait même à penser que cette fête devrait s’annualiser ou peut-être même devenir éternelle.

Balls from Hell ! de l'aloès tout de même !!! elle ne connaît pas l'aloès ??? ma parole cette fille est conne comme un sac à marteaux !

Ian n'avait pas plus tôt disparu au détour du chemin qu'il laissa éclater sa rage.
Il n'était pas seulement parti à fond train pour une histoire de fourmis dans les jambes mais également parce qu'il avait entendu la petite phrase de Melena: «ne me touche pas...» et senti son désaccord quant au massage forcé.
Naturellement il ne se sentait pas en tort puisqu'il avait voulu rendre service...

Fuck that shit ! Jamais vu ça moi une gonzesse qui n'aime les massages, elle doit avoir un sacré grain dans sa jolie tête cette nana !

Tandis qu'il courait comme un dératé sans regarder devant lui, il tomba nez à nez sur le ènième stand à bijoux de la foire qu'il faillit renverser en freinant brutalement, soulevant derrière lui un nuage de poussière.
Exit Melena, exit aussi le chien Husky gris et blanc, il avait repéré ce qu'il fallait à Milly. Avec cela, c'était certain, elle serait protégée des malheurs et de la mort, il allait faire la manche pour l'acheter!
Il plongea les mains dans ses poches à le recherche d'un quelconque récipient ou d'un chapeau claque qu'il n'avait pas quand il sentit quelque chose de doux sous ses doigts.
Il ressortit l'objet et découvrit un cache-oreilles en fourrure.

Cool beans, je vais pouvoir troquer !

Il les présenta sous le nez de la vendeuse qui lui laissa entendre que ce n'était pas assez intéressant.
Il mit à nouveau la main à la poche décidé à ajouter le caleçon à fleurs s'il le fallait quand ses doigts frôlèrent....

MIND BLOWING !!!!

Il se recula quelque peu et entreprit de compter son trésor.

100 RUBZ ?!!!! Hurla t-il à qui voulait l'entendre.
La vendeuse n'était pas sourde. Le visage fendu d'un large sourire, elle faisait tinter à son encontre bracelets, colliers, montres Suisses made-in-Taiwan-dreamlandien, ceintures en or aux carats introuvables et autres pierres précieuses en plastiques.

Je veux ça dans un paquet cadeau s'il te plait !
Dit-il en montrant de l'index une paire de petites boucles d'oreilles en forme de trèfle à quatre feuilles rouge agrémentés d'une minuscule pastèque verte en pendentif.
L'ensemble était joli et fin, «comme Milly», pensa t-il, fou de joie à l'idée de contempler le plaisir de la jeune fille recevant le présent.
Il déboursa les 8 rubz, rempocha son attirail et repartit au galop.

Il n'avait pas fait trois pas qu'il aperçut au loin l'unique endroit plat du coin ressemblant à un aéroport.


I'm free like a river
Flowing freely through infinity
I'm free to be sure of what
I'm and who I need not to be

chanta t-il, imitant Stevie Wonder.
Il était libre!
il allait partir vers d'autres horizons à la découverte de potes voyageurs plus funs que Melena et Yoake les deux coincées !
Il alpagua le premier venu qui se trouva être un homme entre deux âges afin d'obtenir plus de renseignements:

Oui, c'est l'aéroport. Répondit le quidam mais il n'y a pas beaucoup de trafic !
Pour aujourd'hui il n'y a qu'un dirigeable qui repartira tout à l'heure en direction d'Ellipse et c'est 100 rubz l'allée.

Ian remercia et s'en alla.

100 rubz la balade en ballon !!! ça fait cher la baudruche quand-même, tant pis...
Dit-il, au pas de course.
Economiser aurait dû être le mot à s'afficher d'office dans son esprit.
A la place il échafauda une hypothèse qui le mit dans une joie telle qu'il accéléra l'allure:
il avait compris !
Dreamland n'avait plus de secret pour lui !
Dreamland était un paradis de la multiplication des rubz !
Quand on n'avait pas un sou en poche, le pays des rêves se chargeait d'en déposer et quand on avait tout dépensé, il multipliait la somme qu'il laissait gracieusement à la délicate attention du possesseur !
Ainsi donc, il avait reçu 20 rubz et quand ses poches furent vides, il en reçut 100.
L'opération était élémentaire: vingt multiplié par cinq égal cent, fastoche ! DONC, cent multiplié par cinq...
Quand il aurait dépensé ses 100 rubz, il en recevrait 500 !!!
bientôt il serait riche comme Rockefeller, il avait hâte de se débarrasser de ses 92 rubz restant !

Fort de cette conclusion mathématique irréfutable, il arriva à proximité des filles.
Milly était allongée par terre et Yoake semblait joyeuse pour une fois.
Quand il arriva à hauteur de Melena, il la regarda d'un air narquois et lui chanta « don't worry, be happy » de Mc Ferrin avec un large sourire avant de faire un coucou à la Japonaise qui ne l'avait pas vu.

Pour une fois, il attendit que tout le monde ait parlé et ait fait ce qu'il avait à faire avant de s'approcher de Milly: l'instant était solennel.
Arrivé face à elle, il lui tendit le petit paquet enrubanné et lui dit gauchement:

c'est pour toi... C'est pour te porter bonheur là où tu iras, comme ça il ne t'arrivera rien ! Et puis... Cela te fera peut-être penser à moi de temps en temps ?

Réfrénant son impatience en dansotant d'un pied sur l'autre, il attendit presque sagement que son amie découvre le bijou.

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HRP: je sais qu'à Dreamland la langue est unique. Ian use malgré tout de grossièretés Anglaises ou Américaines, juste histoire d'appuyer davantage sur le côté fleuri, exotique, typique, lourd, loufoque, etc... de cette manière de parler... On peut prendre cela comme un point d'orgue très « pompier » de son langage musical ! C'est accepté ?

Après avoir aidé Yoake à remonter sur la berge, Melena regarda ses deux amies faire les loques avec un sourire. Poissées par le jus de pastèque, elles avaient déjà mieux présenté, mais elles rayonnaient comme des gagnantes. Quand la bonne jumelle demanda qui allait la porter, si la japonaise l’orienta vers sa petite amie, cette dernière acquiesça avec ironie :

- Ah bah oui, j’ai même mieux si tu veux, je peux te transporter dans mon coffre.

Mauvais blague. L’irlandaise était trop consciente des conséquences d’un séjour dans sa fameuse boîte à marionnette. Elle espérait ne jamais avoir à y mettre personne a nouveau, et encore moins Jade. Toutefois, elle lui tendit la main pour l’aider à retrouver l’équilibre sur ses jambes flageolantes, s’efforçant d’ignorer Ian qui la regardait d‘un air simplet en chantant un air de hippie.

- Moi je veux bien, répondit Melena en prenant le purificateur d’eau de Yoake, plus pour dissimuler son mécontentement que par réelle soif.

Après trois gorgées qui n’apaisèrent pas sa contrariété, elle récupéra ses affaires, les tenant presque à bout de bras pour ne pas tâcher sa chemise blanche, et revint vers ses comparses. Il faisait chaud, elle se sentait carbonisée et, à l’instar de son aînée, elle avait un peu faim. Ses yeux gris perdus dans le vague, la nécrophobe hocha la tête à la proposition de se remplir la panse mais proposa :

- Vous ne voulez pas déjà qu’on se trouve un hôtel ? Je suppose qu’on va passer la nuit ici, alors autant se poser avant que tout soit complet. Ça doit attirer du monde la fête. Et puis je prendrais bien une douche, avoua-t-elle.

Au fond, elle ne avait pas pourquoi, mais elle était fatiguée de ces activités. Ou bien Ian l’avait dégoûtée. Dans tous les cas, elle avait envie de se poser, plus de s’éreinter pour la gloire de la pastèque. L’euphorie s’en était allée du moins pour l’instant. A croire qu’elle avait été tellement formatée à l’action que la détente lui apparaissait mortellement ennuyeuse. Pourtant elle avait tout ce dont elle pouvait rêver ici…non ?

Elle frissonna. Encore cette sensation bizarre, celle des mains de l’hyperactif qui s’obstinent à se balader sur elle sans aucune permission. Ça ne lui avait pas plu du tout. Vraiment pas. En passant sa main dans ses cheveux, elle réalisa qu’ils étaient coagulés par le sucre en mèches grossières et semi-rigides, asséchées par le soleil. Pour sûr, une douche avant de manger, ça paraissait inévitable.

Avec l’air d’un enfant qui ne sait pas comment s’y prendre, Ian s‘était approché de Jade pour lui offrir un petit paquet. Melena ouvrit la bouche, la referma, l’ouvrit encore, et se détourna. Quelque chose l’énervait, vraiment, mais elle ne savait pas quoi. Ou plutôt si. C’était cette sensation affreusement ordinaire, quand on fréquente quelqu’un qu’on n’aime pas, et qu’alors chacun de ses gestes semblent insupportables. Laissant sa meilleure amie et le seul mâle du groupe à leur messe basse, l’irlandaise prit un peu d’avance en compagnie de l’hématophobe. Bizarrement, c’était le genre de situation où elle avait plutôt envie de parler à Yoake.

- Il me soule ce mec, marmonna-t-elle à son aînée en s’assurant être à l’abri des oreilles concernées, je veux bien que je suis pas facile à vivre, mais il est quand même vraiment chiant… il m’a forcé à accepter un massage ! Et il m’a tartiné avec un truc trouvé par terre alors qu’à Dreamland, même une pâquerette ça peut être vénéneux… si je fais une allergie j’le tue.

L’adolescente ruminait plus pour elle-même, son visage ivoirin renfrogné comme celui d’un enfant. Pourtant, quand son regard d’orage croisa les orbes sombres de la japonaise, elle se calma presque instantanément. Aucune vraie raison, si ce n’est qu’elle réalisait qu’elle adorait ce visage désormais et que, au fond, elle devait ressentir un désarroi plus profond que le sien. Un léger sourire s’étira sur les lèvres fines de Melena qui demanda avec douceur :

- Comment… comment tu te sens là ? Je veux dire… il y a deux jours tu débarques un peu brusquement ici et là… les choses se sont calmées, mais tu n’es pas chez toi. Et tu as tenu ta promesse envers moi, donc tu es libre. Donc… ça va ? Tu sais ce que tu vas faire ensuite ?

Elle détourna les yeux. Une boule venait de se former dans sa gorge. En fait, elle n’oserait jamais l’avouer directement, mais elle avait envie que Yoake reste. Avoir Jade c’était primordial, c’était magnifique. Mais elle n’oubliait pas ni la patience, ni le soutien, ni le geste sacrifice de la japonaise à la sortie de Quiet hill. Elle ne l’avait pas lâchée, même en entrevoyant sa folie, même quand elle s’était emportée contre Zephyr et Alicia. A ses yeux, c’était une amie. Mais qui voudrait rester avec elle ? Certainement pas une fille qui avait encore toute sa tête.

Allongée sur le sol, Jade se sentait bien. Si elle avait pu elle aurait passé tout le reste de l'après-midi ici, à observer le ciel, hélas les responsables de l'attraction en avait décidé autrement. Show must go on ! Si elles n'étaient plus capables de continuer il fallait laisser la place à des concurrents plus valides ! L'adolescente saisit donc sans rechigner la main que lui tendait Melena et se remit debout tant bien que mal debout, ses jambes tentant de se dérober sous elle. A la proposition de se faire transporter en coffre à cadavre, elle leva les yeux au ciel avec un sourire en coin comme unique réponse. Un « non merci » plus qu'explicite, à dire vrai. Et puis... malgré sa tentative d'humour, elle voyait bien que son amie ne goûtait qu'à moitié sa propre blague.

S'ensuivit l'invitation de Yoake à boire un peu d'eau, ce que la psychotique s'empressa d'accepter avec un grand sourire. Il faisait si chaud qu'elle se déshydratait à une vitesse folle par tous les pores de sa peau. Le seul point positif était que ça permettait de diluer un peu le jus de pastèque qui rendait sa peau poisseuse et collante. Jay but donc une longue gorgée avant de gratifier l'asiatique de remerciements sincères.

Pour la suite du programme, les filles avaient l'air décidé à se remplir la panse avec quelque chose de consistant. Loin d'elle l'envie de casser l'ambiance mais se payer un repas bien lourd était loin, très loin de ses préoccupations actuelles. A dire vrai, elle aurait même préféré manger quelque chose de léger. Les journées caniculaires avaient le don de lui couper l'appétit et quand elle se penchait sur ce que désirait son corps, tout ce qu'il lui répondait était « boire ». Même si elle n'aimait pas particulièrement la pastèque, ce fruit aurait fait un met de choix pour le repas qui s'annonçait.

- Plus consistant ? Euh... ça passera jamais, pour moi. Un truc plus léger par contre, je dis pas non. Quant à l'hôtel... je ne sais même pas si je dors là à vrai dire. Tout dépendra d'Elie et... et bien... j'ai pas trop de nouvelles depuis quelques heures. Je verrais plus tard, quitte à dormir à la belle étoile si les gens du coin ont vraiment sous-estimé l'afflux de touristes!

L'idée de la douche la tentait bien, par contre. Mais pas le temps de s'étendre sur le sujet. Ian venait de se planter devant elle, adorablement gêné pour lui offrir un paquet, probablement une babiole locale de peu de valeur mais qui arracha à Jade un sourire rayonnant. C'était... c'était juste touchant. Cet homme, ce n'était pas quelqu'un avec qui elle aurait pu vivre une histoire d'amour, ni même en faire son confident. Par contre, il était comme un enfant qu'on pouvait prendre sous son aile, qu'on pouvait cajoler, distraire, câliner. Ça paraissait absurde quand on se disait qu'il s'agissait d'un grand dadais, plus vieux qu'elle de surcroît mais... comment critiquer les autres quand on souffrait soi-même d'un trouble psychologique grave ?

Avec douceur, elle lui ôta le paquet des mains et entreprit le le déballer. Lorsque l'adolescente découvrit les pendants rouge et vert, kitch à souhait, son sourire s'élargit d'un cran. Lui porter chance ? Il y avait peu de chance, mais ça pouvait représenter bien plus. C'était un souvenir de cette journée mémorable et la preuve que quelque part à Dreamland, des gens tenaient à elle et lui souhaitaient un avenir radieux. Jade ne put quitter son cadeau des yeux pendant un long moment, cherchant les mots pour exprimer sa gratitude. Faute d'y arriver, elle serra Ian dans ses bras, la boite serrée dans sa main droite.

- Je les adore... tu es vraiment un amour.

Se levant sur la pointe des pieds, elle déposa un chaste baiser sur le front de l’hyperactif et entreprit d'enfiler ses nouvelles boucles d'oreille. Elle venait d'achever cette tâche lorsqu'elle se rendit compte que Melena et Yoake s'éloignaient déjà sans eux. Piquée au vif dans son amour propre de se voir si vite oubliée, elle mit quelques secondes à remarquer l'air renfrogné de sa petite amie. Quoi ? Elle était jalouse ? Mais c'était ridicule ! Elle lui avait pourtant expliqué en long en large et en travers ce qu'il en était, non ?

Qu'elle boude donc ! Quand elle réaliserait son erreur, elle reviendrait les trouver. La psychotique était de trop bonne humeur pour s'aigrir avec des querelles de groupe. C'était pourtant si simple de faire des efforts pour tous s'entendre ! Mais il fallait croire que les gens appréciaient trop le conflit pour accepter cet état de fait...

Alors que le duo disparaissait dans la foule, Jade remarqua un stand plutôt vide à cette heure. Il s'agissait à en croire la pancarte criarde d'un concours de mangeurs de pastèque. Le but ? S'empiffrer dans un temps limité par une énorme horloge couleurs locales. Parfait ! Attrapant la main de Ian, elle désigna de l'autre l'endroit qu'elle venait de repérer. Elle qui rêvait de quelque chose d'hydratant et de léger, c'était pile ce qu'il fallait. Mais pas question de se faire péter le bide... manger à l’œil suffirait !

- Ça te dit d'essayer ça ? Ça peut être drôle, et ça nous fera un repas économique ! Repensant aux filles, elle ajouta : T'inquiètes pas pour les filles, on les retrouvera plus tard. D'ailleurs... c'est moi ou Melena te fait la gueule ? Il s'est passé quelque chose entre vous?

Yoake fit tourner son purificateur encore bien contente d’avoir pratiquement de l’eau pure à volonté et attendit la réponse de ses amis : un hôtel ? Pourquoi pas, après tout, il fallait bien penser à cette nuit et personnellement, la japonaise n’avait aucune envie de s’endormir dans la jungle surement à cause de clichés tenaces comme quoi la jungle était remplie de bêtes dangereuses et de plantes toxiques, et c’était sans compter sur les insectes.

Jade, elle, annonça qu’elle préférerait attendre avant de réserver une chambre tout dépendait d’Elie… Yoake n’avait encore jamais entendu parler de la fameuse « Elie » mais préféra pour le moment ne pas poser plus de questions, elle le saurait bien un jour ou l’autre. Yoake nota qu’elle préférerait manger quelque chose de plus léger. Ian lui trépignait comme s’il attendait qu’elles terminent de parler, mais Yoake préféra trancher :

- Ok attendons un peu pour l’hôtel mais Melena à raison une douche ne nous ferait pas de mal si on n’a pas envie d’avoir une seconde peau en pastèque 100% pur jus.

La japonaise ne savait pas si tout le monde l’avait entendu, car Ian se dirigea solennellement vers Jade pour lui offrir un cadeau. En regardant les boucles d’oreille que Jade tenait, Yoake ne savait pas vraiment quoi penser. Il a finalement réussi à offrir un bijou à une femme, combien lui restait-il dans sa bourse à présent ? Il avait surement utilisé les 20rubz qui lui était tombé dans sa poche… Enfin ce n’était plus son problème et Jade était apparemment moins regardante qu’elle là-dessus.

Son regard passa alors sur Melena et il était inutile de savoir ce qu’elle pensait, tout se lisait sur son visage. Le regard de glace de la thanatophobe passe alors sur elle et la japonaise décida de la suivre laissant Ian conter fleurette, se demandant un moment si elle avait accepté ses avances serait-il comme ça avec Jade ? Surement Ian ne tenait pas en place ça se voyait, à peine s’ennuyait-il qu’il passait à autre chose… Sa maladie y était pour quelque chose certes, mais de le voir passer d’une personne à une autre comme ça, s’en était pratiquement choquant.

Melena choisit ce moment-là pour se plaindre et un mince sourire se dessina sur la japonaise, Ian avait de la chance d’être encore en vie après ce qu’il avait fait…Mais pour combien de temps encore… Yoake choisit alors de tenter de calmer le jeu :

- Ne t’inquiète pas, il tente la même chose avec toutes les filles… et comme te l’a dit Jade, elle n’est pas très réceptive à ses charmes

Elle fit un clin d’œil et remarqua finalement que son amie s’était calmée, cette dernière se lança alors dans une tirade un peu maladroite sur le parcours de la japonaise. Yoake sourit doucement elle en avait compris l’essentiel.

- Tu veux savoir ce que je pense de tout ça non ?

Elle jeta un coup d’œil autour d’elle comme si elle voulait conserver l’instant présent en elle.

- En fait, j’ai passé une super journée ici, je n’avais pas connu ça depuis mes 17 ans. Je vivais complétement en autarcie dans le monde réelle et le seul endroit où je commence à m’amuser, c’est Dreamland, alias le pays des rêves…, pour tout te dire ça me fait un peu peur de savoir que tout ce qui me rend heureuse pour le moment… Je ne l’aurais peut-être plus une fois rentré dans le monde réel.

Elle tourna alors son regard sombre vers la thanatophobe la question sur l’avenir la troublait quelque peu oui elle était libre, mais que voulait-elle faire ici : si elle avait le choix, elle ne quitterait pas Melena, après tout, elle appréciait beaucoup la thanatophobe malgré la partie sombre qu’il y avait en elle. Et peut-être serait-elle partie de son côté si elle était persuadée que Melena ne souffre plus… Hélas, elle savait bien que tout pouvait encore arriver et encore plus si Jade partait en mission suicidaire. Elle remarqua alors que son amie semblait mal à l’aise, tout comme l’était la japonaise en fait. Tout au fond d’elle, elle ne voulait pas laisser tomber son amie.

- Je, … Je t’en demande peut être beaucoup vu que tu as retrouvé ta meilleure amie enfin… Petite amie, mais… Est-ce que je peux continuer ma route avec toi ? Et Jade aussi bien sur

Elle rougit légèrement en disant cela, elle en demandait surement trop, mais elle ne se voyait pas du tout continuer seule. Elle détourna finalement son visage attendant la réponse de son amie qui tardait à venir, les secondes passaient et la jeune femme se surprenait à les compter dans sa tête quand elle trouva enfin ce qu’elles cherchaient :

- Regarde il y a des douches là-bas, on va enfin sentir autre chose que de la pastèque. Enfin, il faut juste espérer qu’elles soient propres quand tu vois la file d’attente…

Ian stressait à mort, ce qui était rarissime mais là...
Milly avait pris délicatement le petit cadeau dans ses mains les yeux plein d'étoiles.
Oui, d'accord mais si ce qu'il y avait dedans ne lui plaisait pas ?
En fait il aurait aimé offrir un truc de luxe à son amie mais ici il n'y avait rien de ressemblant; les gens devaient être assez pauvres dans ce patelin.
Preuve en était de Felizita qui louchait sur des robes à 50 rubz alors que sa mère se payait des soutifs à 70 dollars !

Se dandinant d'un pied sur l'autre en fredonnant tout bas un air joyeux histoire d'évacuer la boule d'angoisse, il épiait la réaction de l'adolescente et fut au comble de la joie quand il vit qu'elle s'extasiait carrément sur les boucles d'oreilles; elle l'avait même embrassé en l'appelant « un amour », ça c'était fort !
C'était d'autant plus extraordinaire qu'il ne sentait pas d'amour entre eux.
Milly était très jolie, ce n'était pas le problème mais il n'était décidément pas amoureux, cela allait bien au-delà; il n'imaginait même pas sortir avec elle, cela aurait tout gâché. Quoi ? Il ne savait pas mais cela aurait gâché quand-même !

Après avoir accroché les boucles à ses oreilles, Ian aurait aimé avoir le loisir de contempler la jeune fille ainsi parée mais il remarqua qu'elle regardait au loin avec des yeux momentanément assombris.
Il suivit son regard et ce qu'il vit lui fit mal à son coeur.
Melena s'éloignait fière comme Artaban  et Cléopâtre réunis sans même un regard pour sa belle fiancée suivie par son valet de pied dénommé Yoake qui le dévisageait comme s'il draguait Milly de manière cochonne !
Si elle savait... Mais elle ne saurait rien car il n'y avait rien à faire ni à dire aux gens à l'esprit tordu; ça c'est son père qui le lui avait appris quand il était gamin et qu'il rentrait de l'école en pleurs parce que des plus grands s'étaient moqués de son handicap.

Pour le coup il se dit que c'était foutu pour Milly, elle allait l'éjecter lui et son cadeau pour rejoindre les deux intelligentes le laissant torcher les fesses de Gaston et encore...

Et ben même pas !
A la place elle lui proposa un plan bien plus malin: manger à l'oeil !
Ian n'était pas à côté de ses sous, loin de là mais il n'aimait pas dépenser n'importe comment non plus: pourquoi payer quelque chose qu'on pouvait avoir gratos ?
Et là ils étaient sur la même longueur d'onde. Il en fut tellement heureux qu'il éclata de rire, prit l'adolescente par l'épaule et s'exclama:

bonne idée, allons casser une graine à l'oeil !

Voilà, il avait trouvé pourquoi il ne pouvait pas être amoureux ni sortir avec Milly; c'était simplement parce qu'elle était mieux qu'une fille: c'était un pote !
Fier de cette découverte, il s'attabla devant les morceaux de pastèques, en attrapa un à pleine main et jouant le jeu pour faire diversion, croqua dedans à grand renfort de bruitages buccaux caractéristiques de ceux qui se goinfrent, tout en lançant des oeillades complices à l'adolescente.
Quand la panse fut pleine, il imita celui qui déclare forfait, la mine faussement dépitée à l'idée d'avoir perdu.
A leurs côtés, ceux qui jouaient pour de vrai prirent un air goguenard face à des candidats d'aussi petites natures; qu'importe, le repas était fait et bien fait !
Il attrapa le dindon sous son bras, quitta le stand et quand Milly fut à nouveau à côté de lui, il répondit à sa question:

Melena me fait la gueule parce que j'ai mis de l'aloès sur son coup de soleil et que je lui ai fait un massage parce qu'elle avait tous les muscles et les nerfs coincés. Et puis je lui ai dit qu'elle était égoïste et jalouse.
Je ne la comprends pas moi cette fille; elle est trop mortellement compliquée... Quand tu seras partie avec Elie, l'ambiance ne va pas être fun, j'ai l'impression qu'il faudra que je dégage vite fait !

Il eut un temps d'hésitation et ajouta: tu ne pourrais vraiment pas m'emmener là où tu vas ?

Il attendit la réponse avant de reprendre: tout à l'heure tu auras peut-être envie d'aller faire l'amour avec ta fiancée. Moi j'irai au bal, j'ai vu qu'ils en préparaient un; j'y danserait jusqu'à la fin ! Après j'irai dormir dans une grange, la paille est douce ici et puis... je me vois mal partager la chambre d'hôtel avec Yoake, il suffirait que je la regarde pour qu'elle hurle au viol !!!
Là-dessus il éclata d'un rire sonore; cela lui paraissait tellement absurde.
Dans sa phrase, il avait sous-entendu que Milly pouvait l'accompagner pour danser et dormir mais n'osa pas le formuler de vive voix, il verrait bien fonction sa réponse.
A la place il lui lança:
prête pour une douche à l'oeil aussi ? L'eau est froide et la file d'attente est longue mais le petit cabanon là-bas m'a tout l'air d'en être !

Yoake réinterpréta sa question et l’irlandaise haussa les épaules en signe d’acquiescement. Du coin de l’œil, elle vit que Jade ne la suivait pas mais restait en compagnie de Ian. Visiblement, elle n’avait pas compris qu’ils étaient censés les suivre et ce simple fait la contrariait tellement que Melena se refusa à faire demi-tour. Elle écoutait plutôt la japonaise, ressentant comme un étrange écho dans sa poitrine fragile. Mine de rien, elles se ressemblaient. Deux filles malheureuses qui se révélaient dans le monde des rêves ; deux personnes qui avaient autant peur du réveil que de la possibilité de rester endormies. Quand l’hématophobe évoqua le fait que Jade était maintenant sa « petite »-amie, l’irlandaise se sentit traversée d’une étrange fébrilité. Sans prêter grande attention à la file d’attente menant aux douches, elle confia timidement :

- Je ne sais même pas si elle veut vraiment être ma petite amie au final… je crois qu’elle a peur de mourir seule si elle rate sa mission.

Dans un geste d’une infinie tristesse, Melena haussa encore les épaules. Résignée ; par dévouement ou abnégation, qu’importe. En fait, elle se sentait bête. Son humeur envers la bonne jumelle n’avait pas lieu d’être. Elle voulait pouvoir revenir en arrière et ne pas avoir parler à l’attardé blondinet qui l’avait mise en boule. Voilà pourquoi elle détestait les gens, de façon générale. Les relations sociales étaient bien trop irritantes, trop fatigantes. Raccrochant un sourire à son visage d’ivoire, l’adolescente se tourna vers Yoake pour lui affirmer :

- Mais c’est évident qu’on peut continuer ensemble ! Et puis tu sais, reprit-elle après une seconde de pause, on aura qu’à s’arranger pour se revoir dans le monde réel.  

Promesse en l’air. A San Francisco, elle était une fugitive. Impossible de mettre un pied dans un lieu public sans que les autorités ne lui tombent dessus et cette fois, ses pouvoirs ne la sauveraient pas. Elle n’en avait plus. Tout cela, c’était trop dur à avouer, alors elle détourna les yeux, étudiant la queue qui menait aux douches. 2 rubz le jet glacé, on avait vu mieux comme deal !  Pourtant, elle avait vraiment envie d’un rinçage intégral… c’était drôle, cette sensation que l’eau pouvait tout effacer. Emporter les péchés mêlés à la crasse, balayer les souffrances et les ressentiments, nettoyer le sang et la mort qui lui collaient à la peau. Ravalant ces songes déprimant, Melena se décida à engager la conversation avec légèreté : c’était le mieux qu’elle puisse faire en cet instant, notamment pour faire passer le temps.

- Alors, si tu veux rester avec moi, commença-t-elle imitant un ton professionnel faussement ampoulé, il faut que tu saches que j’ai un caractère de merde. Je suis égoïste, lunatique, et… bon aller colérique. Aussi je n’aime presque personne, je pense que ça se voit au nombre d’amis qui m’entourent, et je suis passablement en train de devenir vraiment cinglée.  

Son regard d’orage dévia pendant quelques secondes. Ce dernier fait était d’une réalité dont elle ne devrait pas rire, mais qu’avait-elle d’autre ? Elle était condamnée, elle se savait ; mais elle pouvait encore embrasser autant de lumière qu’elle le pouvait avant la chute finale dans les ténèbres. Retrouvant une voix et une expression naturelle, elle ajoura à son discours :

- Par contre, je suis capable d’affronter tout et n’importe quoi pour les gens qui comptent.  

Et ça, le nombre de cadavres dans son sillage pouvaient en témoigner. Sans un mot de plus, elle offrit sa tête au soleil qui brûlait haut dans le ciel bleu. Quels étaient ses plans à elle ? Retrouver Jade était un objectif révolu, et maintenant ? La suivre ? Et après ? Jamais elle n’avait été désœuvrée depuis son arrivée à Dreamland et elle s’imaginait mal s’installer quelque part pour mener une vie tranquille.      

- Bon, en tout cas après la douche, on essaye de retrouver Jade et Ian. Ça aurait été plus simple si j’avais mon Iwok mais bon… il est resté avec mes affaires dans la consigne.[/color]

En suivant son amie, Yoake constata que sa relation avec Jade ne tenait qu'à un fil. Melena ne semblait pas savoir à quoi s'en tenir avec sa petite ou meilleure amie mais de là à dire qu'elle avait peur de mourir seule… Ce n'était pas le coup qu'on faisait à sa petite amie et encore moins à sa meilleure amie.

- Je ne l'ai pas côtoyé beaucoup, mais je ne pense pas que ton résonnement soit le bon, même si j'espère qu'elle répondra à tes sentiments rapidement. En tout cas, c'est idiot ce résonnement de ne pas être seule au moment de mourir et je trouve sa contradictoire.

Une mèche séchée par le jus de pastèque tomba devant ses yeux et la japonaise s'empressa de la replacer dans sa tresse.

- Sa réponse ne change rien, tu seras affecté de la même façon si elle meurt…Quelque chose me dit que tu ne la laisseras pas si elle te rejette.

Elle avait dit ce qu'elle pensait de ce genre de chose, mais la japonaise n'avait pas pensé un seul moment à sa propre mort, elle ne voulait pas y penser d'ailleurs après tout ça n'arrivera pas avant plusieurs dizaines d'années… Et ce n'était pas Dreamland qui allait changer sa façon de penser.
C'est alors que Melena chassa ses sombres pensées en disant qu’elles pouvaient rester ensemble, et peut être même se retrouver à San Francisco.
Un sourire se dessina sur le visage de la japonaise elle ne pouvait pas rêver mieux :

-Vraiment ? Ça serait super de se revoir dans le monde réel.

La jeune femme avait peur de son retour, peur de perdre la Yoake qui avait 17ans, mais aussi peur d'être resté la même, peur qu'il soit trop tard pour réussir son rêve… Tellement d'inquiétudes liées à son retour. Melena pourrait l'aider, elle était forte, contrairement à elle que la moindre menace faisait plier. De plus la thanatophobe aurait surement besoin d'elle.
Et puis il fallait déjà trouver la solution pour rentrer avant d'y rêver.

- De même, voyager avec toi et Jade à Dreamland, ça serait beaucoup moins morne, et je ne parle pas des dangers hein ?

Fit-elle en prenant le ton de la plaisanterie.

Melena répondit alors qu'il faudra supporter son caractère, mais la Japonaise ne chercha pas à la contredire là-dessus. Elle connaissait les défauts de la thanatophobe, et savait que la plupart venait de toute la souffrance qu'on lui avait infligée. Elle attendit donc patiemment qu'elle termine de se décrire telle qu'elle se voyait.

- Presque cinglé ? Ça va alors on peut encore faire quelque chose.

Répondit alors la japonaise dans un sourire.

- Bon à mon tour alors

Son regard sombre se perda dans le vide un instant, elle voulait être honnête avec Melena, lui rendre la pareille.

- Déterminée, presque bornée parfois voir même impulsive. Faible, je pense que ça ferait longtemps que je serais morte, si je n'avais pas un pareil instinct de survie. Ce n'ai pas réellement une phobie comme toi Melena, mais j'ai peur de mourir

Elle leva finalement ses yeux sombres comme si elle espérait voir une quelconque réaction sur le visage de son amie.

- On va former une équipe de choc non ? Surtout que je ne compte pas te laisser broyer du noir à présent.

Fie la japonaise en riant
Elle se trouva finalement au guichet et paya ses 2 rubz quand Melena parla de retrouver Jade et Ian après cette douche, Yoake ne la contredit pas, bien au contraire, ça ne servait à rien d'entretenir ce genre de petite querelle.
Elle leva les yeux et prit l’entrée des femmes sur la gauche et remarqua un écriteau qui annonçait que l’eau était froide. Elles allaient devoir faire attention à l’hydrocution, avec la chaleur qu’il faisait dehors. Elle ouvrit son sac et sortit alors sa trousse de toilette :

- On a au moins du shampoing, et du gel douche, il faut bien ça pour s'en sortir avec toute cette pastèque.

C'est alors qu'elle le remarqua, il n'y avait pas de cabine, les douches étaient publique et plusieurs femmes, déjà, en profitait en riant. La japonaise elle ne riait pas, aucun moyen de laisser exprimer son état compulsif dans ces conditions et ce n'était pourtant pas l'envie qui manquait, arriverait-elle à se contrôler… Mais c'était bien trop tard, laissant ses affaires à l'écart, elle avança avec des gestes mécaniques vers le coin le plus sombre.