Vous nous avez manqué... ou pas ?

>> En provenance du quartier de l’animalerie (Gloutoniskaia)

Le désintérêt monumental avec lequel son meilleur ami accueillait la nouvelle de la disparition de Selene laissait la phobophobe assez surprise. On avait beau savoir ce qui s’était passé la veille au soir, ils s’étaient tous fait la promesse de continuer ensemble malgré tout et d’essayer de pardonner. James était d’habitude le premier à tendre l’autre joue et là… il régissait à peine. Pire encore : comme ne plus voir la rouquine était un soulagement. Au lieu de s’inquiéter de la santé de son ancienne camarade la seule chose qui lui venait à l’esprit était de donner un prénom à la chouette que Dak’ venait d’acheter.

- Un nom ?

La gamine fixa la chouette qui s’éloignait dans le ciel d’un bleu éclatant. Pourquoi en avait-elle besoin ? Après tout elle avait bien vécu sans nom jusqu’alors, elle n’allait pas lui faire un procès pour avoir fait perdurer cette habitude. Mais James semblait y tenir, alors si ça pouvait lui faire plaisir…

- Ce sera Chouette. Chouette la chouette. Voilà.

Une bonne chose de faite. Les solutions les plus simples étaient toujours les meilleurs, c’est ainsi qu’elle aurait tout autant appelé un chien Chien, un chat Chat, etc. Son ami pu ainsi finir son repas en pas alors que la blondinette jeunait comme à l’accoutumée, et ce jusqu’au retour de la nouvellement nommée Chouette. Elle était porteuse d’une réponse enthousiaste dont la présentation fit néanmoins tiquer l’œil droit de l’adolescente.

Comment pouvait-on être adulte et aussi immature ? Les « décorations » dont Jake avait agrémenté sa réponse restaient encore sur l’estomac de Dakota même après qu’elle eut rangé le papier dans sa hotte. Cet homme était son parfait contraire et par conséquent elle faisait un rejet physique et psychologique de sa personne, de quoi lui faire regretter d’avoir envoyé sa lettre. Mais James avait l’air si heureux de les retrouver qu’elle ne se sentait pas de le dissuader d’y aller ou de lui mentir. De toute façon il venait de lire toutes les modalités du rendez-vous par-dessus son épaule. Impossible de faire demi-tour maintenant, hélas.

- Oui, je suppose, répondit-elle sans enthousiasme.

Laisser Selene disparue dans la nature n’était pas non plus pour lui plaire mais elle avait un traceur sur elle et avec un peu de chance ils pourraient toujours lui mettre la main dessus plus tard. Après tout elle ne pouvait pas quitter la ville, elle et ses pilules miracles que Dakota convoitait tant.

Il fallut 15 bonnes minutes pour que le duo rejoigne le lieu de rendez-vous, Chouette perchée sur l’épaule de la surdouée. Devant eux la mairie se dressait, réplique miniature de la tour de la gourmandise avec à ses pieds une immense fontaine à l’effigie d’une amazone montée sur un centaure. Le tout bien que grandiose était d’un goût douteux que Dakota avait grand mal à apprécier en tant qu’amatrice d’art. On avait beau le voir une fois, deux ou même dix c’était toujours aussi délirant, et son esprit cartésien avait bien du mal à accepter une telle chose. C’est ainsi tout naturelle qu’elle s’assit sur le rebord de la fontaine de manière à lui tourner le dos et ainsi s’épargner sa vision malsaine.

De cet endroit elle avait une vue parfaite sur les environs malgré les serpents qui ondulaient autour de sa tête, et ceux-ci se dressèrent en sifflant lorsque les silhouettes de Jake et de Sydney se dessinèrent à la périphérie de la place. Le premier trainait le second derrière lui contre son gré ce qui n’avait rien d’étonnant quand on avait côtoyé le pirate ne serait-ce que cinq minutes. Plus méfiant de lui ça n’existait pas, il y avait donc de fortes chances pour qu’il ait cru à un guet-apens, ce que Dakota ne pouvait lui reprocher. Elle aurait pensé la même chose si les rôles avaient été inversés.

- James… ils sont là, annonça-t-elle en les pointant du doigt.

Pas la moindre trace d’Alexander comme l’avait sous-entendu la missive mais ce n’était pas pour déplaire à Dakota. Moins elle avait de personnes à gérer mieux elle le vivait. Devoir palier à la bêtise d’une personne était déjà difficile alors pour deux, trois, quatre ? Non, elle était humaine et connaissait ses limites à commencer celles de sa patience…

>> En provenance du quartier du bar (Gloutoniskaia)

La vue de ses compagnons mit Jake dans  un état ... assez émotionnellement fort? ou plutôt un état absolument Fa-bu-leux! bref il était content de retrouver ses amis! Il ne put s'empêcher de leur faire  un gros câlin à tous les deux. James et Dakota étaient enfin de retour! Avec la chouette! Quoi de mieux? Ah Selene? En parlant de disparition.. bref c'était pour plus tard.

-Woah ça fait du bien de vous retrouver vous deux! Vous m'avez manqués! Enfin vous nous avez manqués! On a franchement côtoyé la théorie du complot et de l'assassinat, et en parlant de complot, Alexander a malencontreusement disparu, mais bon. On va dire que nous avons eu un petit accrochage à l'auberge, révélant qu'il était  un peu dans  un complot visant  à nous détruire. En gros voilà.

Les évènements étaient racontés, et les retrouvailles étaient entamées. Cela faisait du bien de retrouver ses compagnons de route du premier jour, ceux qui l'avaient "coaché" sur ce monde. C'était cool, et Jake pensait vraiment que ce groupe ne devait plus se séparer, mais  bon, ne parlons pas de séparation, parce que quand  on parle trop du loup il finit par s'approcher. Tiens, c'est vrai Selene...

-Selene n'est pas avec vous?

Comme par hasard, son regard croisa le regard de James quand  il posa cette question. Ses yeux étaient tellement troublants! Cependant, redevenir  un marshmallow c'était un peu con, et se ridiculiser, on en avait l'opportunité pendant la journée, donc c'est pas le moment. Il n'en restait pas  moins que James était magnifique ce jour-là.

-Tiens, James, si t'avais vu la tête qu'avait fait le gérant du bar quand t'es sorti. C'était mythique! Par contre  il nous as virés le soir, parce que cette journée c'était la folie .. enfin je crois qu'on a un peu forcé la chose hum... en tout cas nous on a étés payés. Et vous, vous avez trouvé un boulot?

Trouver  un boulot ici n'était pas trop difficile, donc la réponse était sans doute oui, mais quel job? En tout cas ils semblaient  aussi épuisés que Jake et Sydney, c'est à dire pas trop, mais un peu. Et puis il fallait aller manger. Le soleil était rayonnant et l'estomac de Jake signifia qu'il fallait trouver de quoi manger.

-Oops. C'est que j'ai faim...

Mais le mal de ventre que Jake commençait à avoir n'était sûrement pas dû qu'à une faim abominable. Il sentait  une boule se former dans sa gorge et dans son estomac. Il y avait quelque chose qui le stressait. Mais quoi? Jake sût rapidement la réponse. La Mairie lui inspirait une certaine répulsion et un trac pas possible. Pourquoi avait-il voulu se rendre  à côté de ce lieu à il avait débarqué d'une autre dimension. Il ne voulait pas retourner dans ce bureau, de peur de sortir de ce monde fabuleux. Il ne fallait pas retourner dans la vraie vie, On était bien ici.

[HRP : bon alors le truc, c’est que je peux pas poster autant que je veux, mais apparemment vous trainez Syd’ quand même ; là où ça m’arrange pas c’est que j’aurais pas du tout réagi aussi docilement que ça, normalement. Oui, ok, les absents ont toujours tort. Donc je post pour isoler un peu le pirate le temps que mes partiels prennent fin.]

________________________________________________________

Sans vraiment s’en rendre compte, Sydney avait décidé contre son gré de finir sa nuit : quelques minutes lui suffirent pour que le sommeil l’emporte dans une sieste matinale… C’est ça, quand on dort trop et qu’on se fait courser par des fous furieux ! Monde de cinglés !
Le pirate ne se réveilla qu’une fois Jake rentré d’il ne savait même pas où. Et c’était là le problème. Le capitaine n’aimait pas les fourberies et moments d’éclipses aléatoires. D’ailleurs ça n’avait pas besoin d’être aléatoire pour qu’il n’aime pas ça, mais comment dire… Ça rajoutait un côté agaçant en plus.

Il n’écouta que d’une oreille discrète son ami en ne lui répondant que par un grognement plus ou moins mal aimable. Ce jeune naïf espérait encore retrouver les filles et James..? Eh ben… Tant que ça lui permettait de bien dormir… Souvent, sous le choc, les gens nient ce genre d’événements traumatisants. C’était légitime, mais assez immature. Ce n’est pas parce qu’on décide de voir tout le monde en gentil qu’on ne se fera pas étriper !

En parlant de menace, en voilà une de type aérienne qui débarquait prestement dans leur chambre sans qu’on l’y eut invité, évidemment. La troisième guerre mondiale avait commencé !! La tête dans le brouillard, le paranoïaque ne comprit pas vraiment ce que voulait lui dire Jake, visiblement plus soucieux de sa lecture que de la clarté de son argumentation.
Lorsque l’information pénétra enfin son cerveau ratatiné par cette deuxième mini-nuitée, le pirate tenta d’empêcher Jake de faire la plus grosse connerie qu’il pouvait faire dans l’instant présent… Mais trop tard : le pigeon – oui, bon.. Un gros pigeon, mais ça reste quand même un bombardier vivant – repartait déjà, la missive à la patte. *Damned !*

Frustré de son impuissance, le corsaire serra les poings et s’efforça de se changer les idées, voire même de se réveiller tout simplement. Son compagnon avait répondu de manière totalement impulsive, irréfléchie ou tout ce qu’on voudra de négatif. Le point positif à ce maudit enthousiasme ? Aucun ! Strictement aucun. Revoir les filles ? Ça restait du conditionnel, et ça ne semblait pas très cohérent. Non, il y avait forcément autre chose ; un piège… Quelque part.

Sydney récupéra donc ses affaires en maugréant, emboîtant le pas au gogo dancer, trainant des pieds pendant tout le trajet. Ils arrivèrent enfin au lieu de rendez-vous où le capitaine au bandana eut tôt fait de repérer un banc pour s’y installer en prenant soin d’exprimer son mécontentement ainsi que son appréhension. Par réflexe, il serrait son coupe-papier dans sa main, prêt à dégainer s’il le faudrait.

Comme pour le faire mentir, rien n’arriva à part Dakota et James SANS Selene. Eh bien il avait eu raison sur un point : il y avait eu au moins un mort. A moins qu’ils aient affaire à d’odieux imposteurs, tout simplement. D’ailleurs c’était d’autant plus cohérent que le rassemblement Dakota/James ne l’était pas DU TOUT !
Mais Syd’ en avait marre. Pourquoi se fatiguer pour des gens qui de toute façon ne changeront pas..? Il avait cru voir une étincelle d’instinct de survie chez ce Jake Anderson, mais peut-être s’était-il trompé, après tout. D’avantage soucieux de sa propre survie que celle d’un suicidaire – ce qui est parfaitement logique –, le pirate parano’ approcha furtivement le groupe pour glisser à l’oreille du kamikaze en herbe :

- Je vais là où personne ne peut aller pour moi, matelot. Reste sur tes gardes !
Et sur ces mots, il s’éclipsa en direction de la maire. A l’intérieur du bâtiment, il n’eut aucun mal à trouver les toilettes dans lesquelles il comptait bien s’enfermer ; ce sanctuaire dans lequel les imposteurs n’iraient pas le chercher, et se contenteraient donc de kidnapper Jake. C’était ce qu’il y avait de mieux à faire, de toute façon. S’ils se faisaient capturer et/ou tuer tous les deux, ça ne servirait à rien. Et par pure bonté de cœur, Sydney se proposait d’être le survivant. Non, vraiment, ne le remerciez pas.

________________________________________________________

[Syd’ restera là le temps que je puisse à nouveau poster ; allez où vous voulez mais ne le faites pas interagir svp.]

Pas que le sort de Sélène n'importait pas pour James mais si elle était partie c'était qu'il devait y avoir une raison. Et puis de toute façon ils la retrouveraient tôt ou tard étant donné que aucun des voyageurs n'avaient le droit de sortir de cette ville. Pour le moment l'attente de la réponse de l'un des garçons était prioritaire autant que celle de donner un nom à la chouette. C'était une étape importante pour un animal quand même...Certes il fallait s'attendre à ce que Dakota fasse dans l'original et sur le coup James eut un petit rire. Bizarrement ça ne l'étonnait pas plus que ça.

- D'accord...!

En même elle faisait ce qu'elle voulait, c'était sa chouette à elle. Et quelque part ça lui allait bien comme nom. Cette dernière finit par revenir avec un message à la patte que les deux amis lurent. Pas besoin de deviner que la lettre "tait de Jake vu les petits dessins. C'était pas Sydney et encore moins Alex qui allait faire ça. D'ailleurs apparemment ce dernier ne faisait plus partie du trio. Bref, il n'y avait plus qu'une chose à faire : aller à la mairie. James proposa donc d'y aller et Dakota lui répondit avec un enthousiasme des plus entrainants. Elle semblait ravie de revoir les deux hommes. Ils se mirent donc en route et arrivèrent à nouveau devant le grand édifice de la tour de la Gourmandise qui ne donnait pas vraiment faim mais coupait plutôt l'appétit. L'adolescent prit place à côté de la blondinette en attendant les autres.

Alors que James se faisait bercer par le bruit de l'eau de la fontaine Dakota le réveilla en l'avertissant que les garçons étaient là. Comme prévu Alexander manquait à l'appel. L'adolescent sourit à Jake et fut gêné lorsque ce dernier lui fit un câlin. Il leur parla ensuite de leur mésaventure, d'un complot et de la disparition d'Alex qui était apparemment mêlé à ce complot. James ne pensait pas qe c'était le cas étant donné que c'était un voyageur.

- Pourquoi tu dis qu'il faisait partie d'un complot...?

Et puis évidemment l'absence de Sélène fut remarqué. Alors que James allait répondre Sydney les laissa après avoir soufflé quelque chose à Jake. Il allait encore s'isoler sur un banc ? Le pirate était toujours aussi solitaire. Bref, James n'avait pas envie de reparler du mauvaise épisode concernant la rouquine.

- On a eu un petit soucis et elle est partie de son côté

Voilà c'était assez clair. Son interlocuteur revint sur le départ de James qui ne se souvenait pas avoir fait quoique se soit de spécial. Et les garçons s'étaient fait virés pour une raison bizarre.

- J'ai fait quoi...? A la base je voulais juste sortir prendre l'air et quand j'ai ouvert les yeux je me trouvais sur un banc avec mes affaires...J'étais perdue du coup et j'ai marché, marché et marché avant de tomber par hasard sur Dakota et Sélène qui travaillaient dans une animalerie...Le patron a eu d'ailleurs la gentillesse de m'embaucher...Tu n'as pas mangé ? Dakota elle m'a offert un super repas fait maison que je viens de finir c'était délicieux ! Ah mais toi non plus tu n'a pas mangé !

Finit-il en se tournant vers Dakota. Quel égoïste il aurait pu lui proposer un bout de son repas même si c'était un cadeau d'anniversaire.

Dakota se raidit aussitôt sous l’effet du câlin de Jake qui n’avait pas perdu de son exubérance pendant leur période de séparation. S’il avait l’air heureux de les retrouver elle ne partageait pas sa joie, et encore moins quand elle rimait avec des effusions affectives disproportionnées comme celle dont elle venait d’être l’objet. Même ses parents ne la prenaient pas dans leurs bras… alors lui ? C’était du grand délire ! Les lèvres pincées la surdouée se contenta de reculer en l’écoutant non sans frotter frénétiquement ses bras comme si le contact avec le jeune homme risquait de lui transmettre une quelconque pestilence.

L’histoire du complot dont ferait partie Alexander était juste du grand délire. Elle connaissait le bonhomme et ce n’était pas du tout son style, aussi se contenta-t-elle d’un reniflement méprisant comme unique remarque. La suite du discours n’était qu’une succession de sujets divers sans aucuns liens entre eux, Jake sautant du coq à l’âne sans aucune transition. Dak’ se retrouva bientôt à se pincer l’arête du nez, les yeux clos.

**Ça y est, je sens la migraine qui débarque…**

Heureusement Sydney semblait avoir pressentis la détresse à laquelle la phobophobe était en proie et s’éclipsa après avoir glissé quelques mots à l’oreille du thermoréactif. Elle le suivit des yeux alors qu’il s’enfuyait vers la mairie pour… quoi ? Parler au maire en seul à seul ? Se cacher ? On pouvait presque être sûrs à 100% que la seconde option était la bonne. Le pauvre devait manquer de banc libre.

Pendant ce temps la discussion avait fini par aborder le sujet de son « cadeau d’anniversaire » ce qui la mettait une nouvelle fois en mauvaise posture. Elle aurait l’air bien stupide si jamais un garçon lui demandait de cuisiner maintenant ! Sa seule expérience culinaire se résumait à éplucher des patates dans les cuisines du Slavedog milionnaire et on ne pouvait pas dire que ça constituait de bonnes bases. Dakota agita la main pour temporiser dans l’espoir que cela suffise.

- Non mais c’est bon, ne t’inquiètes pas. Je n’avais pas faim. Je ne mange pas beaucoup.

La faute aux peurs qui lui tordaient les entrailles en quasi-permanence, à commencer par celle que le maire ne les laisse pas quitter la ville. Ernest Mc Arthur avait un air jovial, mais il n’en restait pas moins le dirigeant de l’une des villes les plus prospères de tout Dreamland et où la magie régnait en maitre. Seule une main de fer dans un gant de velours était capable d’une telle prouesse.

- Bref. C’est très sympathique tous ces résumés sur nos folles aventures, ironisa-t-elle, mais il serait temps de revenir aux choses importantes. Selene et Alexander par exemple.

Elle tira de son sac son porte-monnaie traceur et jeta un œil au plan où le point de James clignotait à ses côtés alors que celui de la rouquine était en mouvement à 2 Km de là. Impossible de savoir ce qu’elle faisait mais la savoir toujours proche était un soulagement concernant ses projets d’avenir. Dakota referma son radar magique d’un geste sec avant de le ranger en sécurité dans sa poche.

- Pour Selene c’est bon, elle n’est pas loin et j’ai le moyen de la retrouver en temps voulu. Si elle veut faire sa crise d’adolescence je préfère laisser couler, on en a déjà assez soupé hier soir la concernant. Par contre pour ce qui est d’Alex… c’est quoi ce délire de complot ?

Elle jaugea Jake d’un air critique. L’idée provenait surement du pirate, ce n’était pas ce naïf qui allait pouvoir pondre des idioties pareilles, pour le peu qu’elle savait de lui. Le fait est que le frigophobe n’avait rien d’un grand méchant loup et elle était bien placée pour le savoir. Soit il essayait de se faire respecter par quelques démonstrations de force ratées mais ce n’était pas un mauvais bougre.

- Je le connais et ce que tu dis est tout bonnement ridicule. Je crois que tu as un peu trop fréquenté Sydney ces derniers jours mon pauvre.

La surdouée leva les yeux au ciel et secoua la tête de dépit, ses serpents sifflant en direction du thermoréactif comme pour le huer, ce à quoi Chouette répondit par un claquement de bec agressif. Il n’y avait pas à dire mais plus ça allait plus Dakota ressemblait à un refuge pour animaux, elle qui pourtant ne les aimait pas. C’était sale, bruyant, collant… mais Dreamland était le genre de monde qui vous poussait souvent à aller contre votre nature, hélas.

Ahhh les retrouvailles, quoi de mieux, quoi de plus émotionnel! Eh bah pas dans ce cas-ci. Les retrouvailles étaient tellement mornes qu'on aurait envie de se flinguer en temps normal. En temps normal ouais, de un y'avais pas de beau gun à disposition, de deux bah on va quand même pas se flinguer pour ça, et de trois, bah Jake, c'est Jake. Il pourrait chanter "So happy together" même s'il était tout seul... Les réactions étaient un peu inverses à ce que pouvait penser Jake au début. Mais ils étaient tous des tarés après tout!

Dakota était comme toute rabougrie par le câlin rempli d'affection que jake lui donnait, et James semblait ébranlé par ce contact... Et pour Sydney, bah ce dernier avait mal réagi comme il l'avait prédit, et était aller se cacher. Bof c'était son ami Sydney, gentil et encombrant, protecteur mais parano, tout le monde avait se défauts (haha ça rime..). Il pouvait enfin relâcher son aura paranoïaque, et devenir un peu plus sain.

James lui racontait à présent ses aventures qui étaient assez brèves, et sa dernière remarque lui fit penser qu'il était déjà assez tard... Il fallait manger à présent disait son estomac en gargouillant.

-Nop on a pas mangé, on n'a qu'à aller à un restaurant sympa, j'en ai aperçu un pas loin de la place. En tout cas je vais y aller...

De plus, Dakota ne faisait que confirmer à moitié la pensée de Jake. Il fallait lui prouver qu'il pensait lui aussi qu'Alexander était innocent.. Bof, dire la vérité c'est pas si dur que ça... Même si elle était un peu désolante, à vrai dire...

-Maintenant que Sydney est allé se cacher quelque part où personne ne pourra jamais le retrouver à moins qu'il nous signale la présence, je peux parler sans crainte de le décevoir...

Ouais le décevoir c'était ça. Il avait réussi à gagner sa confiance, et vu les émotions un peu troubles qu'ils avaient eues, en parlant de la crise de paranoïa bien sûr, il fallait garder cette confiance, même si le refuge du paranoïaque voulait sûrement dire qu'il fallait encore s'y reprendre.

-On a bossé normalement au bar, et puis le matin après nous êtres fait virés mais payés, et bah il y a eu une petite... pas si petite que ça, mais il y a eu une altercation entre Alexander et Sydney. Crise de paranoïa du pirate qui a sorti son coupe-papier. Après on s'est retrouvé dans un café pour prendre notre petit-déjeuner tous les deux, et on a vu de nos yeux Alex' se faire aspirer par un vortex créé par un mage maladroit. Sydney a fait une crise assez épouvantable et criant et courant pour s'enfuir je-ne-sais-où et je l'ai réconforté. J'ai un peu adopté son idéologie, et j'essaye de tout faire pour qu'on s'entende bien, j'aimerai pas qu'on en revienne à l'étape où je lui ai foutu un gros pin dans la gueule... je l'aime bien... comme vous d'ailleurs!

C'était un discours long comme Jake aimait bien les faire, et cela répondait à toutes les questions qu'ils pouvaient se poser. Et s'ils en avaient plus, il répondrait bien sûr. Quand à lui, des questions, il en avait plein la tête mais il n'allait en poser qu'une.

-J'ai quand même l'impression qu'il s'est passé quelque chose avec Selene vu vos têtes.. J'ai l'impression que c'est assez grave, je me trompe? Enfin si vous avez pas envie d'en parler c'est pas grave...

Le ventre de Jake couinait de plus en plus, indiquant un besoin important et imminent de BOUUUUUFFFFFFEEEEEEE, ça faisait depuis longtemps qu'il n'avait pas mangé, et même avec un petit dej' copieux, il avait encore faim!

-Je crève trop la dalle, je vais aller à ce restau là-bas, fit-il en pointant son doigt vers une pizzeria italienne en face de la fontaine où ils se trouvaient.

Il se dirigea vers ce bâtiment assez grand et relativement plein de monde. Il s'assit à une table pour quatre, comme si trois places ne suffisaient pas. Manger! C'était le cri ardent que poussait maintenant le ventre de la torche vivante.

Spoiler:

Comme c’était étrange…Toutes ces sensations qui s’entremêlaient, dans lesquelles Castiel semblait se perdre, s’étouffer. Il avait tantôt froid, tantôt chaud, il était ballotté dans un courant spectrale qui le menait vers une destination inconnue. C’était comme s’il était aussi faible qu’un nouveau né, ne pouvant effectuer le moindre mouvement, se contentant de voguer silencieusement, guidé par ce flux chimérique. Pour la première fois de toute son existence, ce sommeil paisible mais néanmoins forcé, ne fut pas secoué par l’une de ces crises de lycanthropie. Son esprit ce limitait aux questions les plus basiques, aux émotions les plus primitives. Le jeune homme se sentait si faible, il sentait son corps si lourd, comme une masse encombrante, trop difficile à déplacée. Il ne luttait pas contre ce courant, non pas par manque de force, car il ne cherchait même pas à ce débattre, mais par manque totale de conscience et de volonté.

Après quelques instants, ou peut-être des heures, Castiel sentit de nouveau le sang affluer dans ses veines. Ses muscles endoloris reprenaient leur contrôle et il pu bientôt bouger le bout de ses doigts. Sous ceux-ci, le jeune homme devinait un toucher rugueux et humide, mais ne parvenait pas encore à savoir de quoi il s’agissait. Il avait un de ces mal de crâne ! Impossible d’ouvrir les paupières.

*Où suis-je ? *

Castiel n’avait même pas un repère auditif, car il était plongé dans le silence le plus total. Enfin non, au loin l’on pouvait entendre une sorte de bourdonnement sourd et étouffé, comme le bruit d’une ville. Oui, il se souvenait de cela, il n’avait pas oublié. Alors il avait enfin réussit à retrouver sa liberté ? Pourtant, ce bitume froid sous sa joue, cela voulait dire qu’il était étendu par terre.
Soudain, ses souvenirs lui revinrent en mémoire. Il se rappela de la lumière aveuglante des phares d’une voiture et le klaxon qui lui avait déchiré les tympans. Tout était clair désormais, il s’était fait renverser alors qu’il était en pleine partie de chasse. Oui c’était ça !

*Mais oui ! J’étais sur une piste ! Comment ai-je pu l’oublier alors que je meurs autant de faim ?*

Ouvrant les yeux brutalement comme un mort qui s’éveille, Castiel entreprit de se relever. L’exercice ne fut pas des plus simple, son corps était tout crispé, comme s’il avait dormi depuis des jours. Mais ça n’avait pas affecté son appétit, loin de là, il était affamé et son estomac manifestait bruyamment son mécontentement.

-Je ne me sens vraiment pas dans mon assiette aujourd’hui… j’aurais bien besoin d’un petit encas… Annonça t’il d’un ton ironique et affichant un large sourire carnassier en prononçant ce dernier mot.

Quel petit chaperon rouge pourrait-il bien croquer ? Ça, il était impatient de le découvrir. Comme c’était amusant de ne pas avoir de menu prévu, Castiel adorait les surprises, encore plus lorsqu’il s’agissait de son futur repas.

Le grand méchant loup commença sa traque, il ne savait pas où aller, mais c’était ça le plaisir de la chasse, errer et chercher avec patience et envie sa proie. Il salivait rien que de penser à ce qu’il allait se mettre sous la dent, une jeune femme au teint frémissant, un nouveau-né plein de vie ou un homme mur à souhait ? Hum… c’était tellement excitant de ne pas savoir !
Sa longue marche à travers les ruelles, mena le jeune homme vers une rue plus agitée. Là il n’avait que l’embarras du choix ! Quelle merveilleuse ville, c’était comme si on lâchait un loup dans l’enclos d’un berger. Toutes ces brebis innocentes et ignorantes de ce qui se tapissait dans l’ombre. Mais ce n’était pas le moment de faire n’importe quoi voyons ! Castiel n’avait pas du tout envie de retourner de suite à la case hôpital ! Il devait se montrer patient et furtif, aussi discret qu’un félin.

Retenant ses pulsions animales donc, il observa un long et insoutenable moment toutes ces victimes qui grouillaient devant lui. Il en avait repéré une, à l’écart de toutes les autres, c’était une jeune femme, bingo son met préféré ! Elle sortait les poubelles à l’arrière d’un restaurant, quelle chance, sa chance que dis-je ! Laissant à présent toute conscience de côté, Castiel s’approcha de son futur repas d’un pas inquiétant et rapide, pareil à celui d’un fou furieux. La femme poussa un hurlement strident tel qu’un mort se serait retourné dans sa tombe ! Cela réveilla davantage la bestialité et la faim du jeune homme, mais alors qu’il n’était plus qu’à quelques mètres de pouvoir goûter à la chair tendre de cette brebis, un violent mal de crâne vint le frapper de plein fouet. Se tenant la tête dans les mains, il s’étala au sol, le visage déformé par une vilaine grimace qui témoignait de sa douleur. Un dernier cri, mêlé à celui de la jeune femme apeurée et Castiel sentit de nouveau son corps devenir affreusement lourd.

*Mais c’est pas vrai ! J’ai faim !!*

Rageant d’avoir encore était interrompu alors qu’il allait faire si bonne chaire, Castiel sentit monter en lui une vague de colère, mais celle-ci ne pu se matérialiser, car de nouveau, il était emporté par un courant étrange, l’englobant dans les ténèbres.

*Décidemment, c’est pas ma journée…*

Cette dernière pensée s’étouffa de même que sa conscience, le jeune homme retrouvant l’état dans lequel il était avant son réveil. Le Destin avait décidé de se jouer de lui, pourquoi lui retiré un si beau festin juste sous le nez ! Il enrageait rien que d’y penser. Comme s’était frustrant ! Mais que dis-je, insupportable ! De plus, son estomac était par conséquent toujours aussi vide !

Ça y est, il sentait la salive affluer dans sa bouche. Il reprenait à nouveau ses esprits. Mais cette fois, les sons qui l’entouraient étaient différents. Il n’y avait plus ce bourdonnement de ville, non, c’était…différent. Cette fois, Castiel n’arrivait pas à mettre un mot dessus. Il entendait parfois des sortes de clapotements sur des dalles de pavés. Mais ce qui éveilla véritablement ses sens, ce fut une voix, celle d’une jeune femme apparemment. Bientôt, un homme lui répondit.

Encore quelque peu sonné, Castiel ne comprenait qu’un mot sur deux de leur conversation. Oh et puis mince, tout ce qui lui importait pour le moment était de se remplir le ventre. Oui, les grognements mécontents de son estomac commençaient sérieusement à lui taper sur le système. Comme un animal dont la conduite est dictée par son unique instinct de survit, le jeune homme se leva titubant sur ses deux jambes. Il entreprit de se diriger vers ces voix, il n’avait plus du tout envie de chasser, tout ce qu’il voulait à présent c’était manger.

Le lycanthrope analysa tout d’abord la situation. Hum… il y avait quelques jeunes gens regroupés autour d’une bien étrange fontaine. Mais quelle fontaine devrais-je dire ! Les yeux de Castiel se mirent à briller d’admiration devant une chose aussi fantastique, et c’est sans compter sur l’édifice qui se dressait derrière elle, tout bonnement splendide ! On aurait dit un lieu tout droit sorti d’un conte de fée, quoi de mieux pour notre cher loup. Ce bâtiment ressemblait fort à la maison de la sorcière d’Hansel et Gretel et le jeune homme ne pu s’en montrer qu’admiratif. Mais une fois cette joie passée, il se rappela de son objectif premier : manger !
Secouant la tête pour chasser ces futiles distractions, il réfléchit à une feinte à adopter. La victime qui serait la plus facile à dévorer serait sans doute le garçon. La jeune femme avait des serpents qui lui couvraient la tête et une chouette qui lui servait de compagnie, non elle n’avait pas l’air fameuse. Bon, adjugé vendu, le garçon ferait l’affaire. Oui mais voila, Castiel n’était pas trop en état de courir et il préférait que son repas se fasse vite. S’il s’approchait comme un fou furieux en grognant et bavant partout, nul doute que les proies s’enfuient à toutes jambes, non décidemment ce n’était pas la bonne méthode à adopter.

Il ne fallut pas longtemps au jeune homme pour élaborer une stratégie. Pour dévorer le petit chaperon rouge, le loup ne s’était-il pas déguiser en mère-grand ? Il lui suffirait donc de jouer la comédie afin d’approcher ces jeunes gens, une fois cela fait, il n’aurait qu’à retirer son masque pour festoyer. Hum cela ne lui paraissait pas trop mal.
Il opta pour le rôle du malheureux perdu et affamé.

S’approchant donc la tête baissée et la voix larmoyante, Castiel se mit à implorer en direction du garçon, tendant une main tremblante et se cachant le visage de l’autre.

-Excusez-moi…où sommes-nous ? Je crois m’être perdu et ces hommes doivent être à ma recherche, je vous en prie aidez-moi…

Aaah quel jeu d’acteur. Un jeune homme effrayé et égaré. Enfin tout n’était pas faux, en parlant de ces hommes qui le poursuivaient par exemple. Castiel ne s’était pas rendu compte qu’il avait changé de monde, alors pour lui, les hommes de la clinique devaient encore le chercher. Tout ce qu’il espérait à présent c’est que ce petit manège fonctionne, car son apparence était pour le moins…étrange. Un jeune homme vêtu de blanc, enfin de vêtements d’hôpital, qui avait une si longue chevelure rousse ce n’était pas commun. Comment allaient réagir ces jeunes proies ?

James était donc le seul à avoir mangé ? Ce n'était très cool et il n'était pas d'accord sur le fait que Dakota ne mangeait pas. Même si elle n'avait pas vraiment faim c'était important de se nourrir surtout à cet page là. C'était sa maman qui lui avait dit. Enfin pour l'instant la priorité était de savoir ce qu'il c'était passé avec Alexander dans l'autre groupe. Au fur et à mesure de l'explication donné par Jake les yeux de James s'agrandissait et le truc du vortex ne fit que le laisser perplexe.

- Bah donc...Alex a rien fait...C'est la paranoïa de Sydney qui a tout inventé...

Il était totalement rassuré du coup. Pas qu'il avait cru une seule seconde que Alex ai pu faire partie d'un complot. C'était un voyageur comme eux coincé dans cette ville et cette apparition du vortex était encore une fois dû à l'erreur d'un mage. Lui aussi avait subie ça et avait atterrie dans des égouts avec des montres bizarres dedans. Le mystère était donc résolu et d'après Dakota Sélène n'était pas loin même si l'adolescent ne voyait pas comment elle savait en fixant un porte monnaie...mais soit ça devait être une sorte d'objet magique.
Jake n'y tenant plus avait cédé à sa faim, en même temps vu le bruit de son estomac et le trio se dirigeait donc vers un restaurant alors qu'un type étrange, non parce que il était vraiment étrange...s'était approché d'eux et tendit une main tremblante vers James tout en demandant de l'aide. Heureusement que Sydney n'était pas là sinon il aurait pété une durite. L'adolescent était peut être naïf mais une personne qui se promenait avec un pyjama d’hôpital...Soit c'était un fou échappé d'un asile de cette ville soit un voyageur qui avait un sérieux problème. James ne savait pas quelle attitude adopté parce que en même temps ça ne se faisait pas d'ignorer les gens et étant lui même prit comme un fou par ses camarades de classe il pouvait être compréhensif un peu. Sauf que James sa santé allait très bien malgré que sa mère avait tenu à ce que son fils aille voir le Docteur Parkinson...Alors peut être que cet inconnu suspect avait été emmené de force et s'était enfui, par conséquent les poursuivants seraient les médecins...! Bon...choisissons la carte du neutre.

- Vous êtes à Gloutoniskaïa...qui est ce qui vous poursuit ?

Spoiler:

Outre le fait de se promettre de chronométrer Jake pendant son prochain monologue afin d’étudier son fantastique talent d’apnée, Dakota ne pouvait qu’être atterrée par les conclusions qu’elle tirait de ce discours à rallonge. Soupirs, yeux au ciel, masque de dépit et de mépris mêlés… tous ces signes ne montraient que trop son opinion de la lâcheté sociale du thermoréactif. Si James se contentait de pointer du doigt la paranoïa de Sydney, la surdouée ne voyait que la basse servilité de Mr borderline. Annihiler ses opinions personnelles pour se faire des « amis », idéologie sympathique.

- Tu es fascinant tu sais ? demanda-t-elle en arborant l’expression d’un scientifique devant un rat de laboratoire.

Mais il ne le savait pas et ne le saurait jamais car déjà il s’approchait d’un restaurant pour se remplir la panse. N’ayant d’autre choix que de le suivre, son meilleur ami et elle lui emboitèrent le pas pour s’installer à leur tour. L’odeur de pizza qui lui emplissait les narines lui retournait l’estomac tant il était noué par ces retrouvailles peu désirées. Manger ? Jamais de la vie. Même de la salade aurait eu du mal à passer.

Mais malgré les regrets et les inquiétudes de la blondinette elle devait bien reconnaitre une chose : tout allait bien pour l’instant. Il faisait beau, personne ne voulait leur mort, ni leur cul, ni leur âme. La vue était plutôt jolie si tant est qu’on y trouve un quelconque intérêt et la perspective d’obtenir du maire un laisser-passer offrait même un rayon de soleil dans leurs vies troublées. Sauf que toutes les bonnes choses avaient une fin et que la leur apparu sous les traits d’un rouquin à l’air louche.

Il s’avançait vers eux d’une démarche chancelante, vêtu seulement d’une tenue d’hôpital maculée de tâches. A croire qu’il avait tenté de nettoyer le bitume avec. Et si c’était déjà peu engageant, ça le fut d’autant plus lorsqu’il ouvrit la bouche. Les yeux de Dakota s’étrécissaient au fil de son discours. Il ne savait pas où il était ? Il était poursuivi par… elle suivit des yeux le doigt tremblant qui pointait… une femme et son enfant jouant devant la fontaine. Oh. Terrifiant en effet.

La phobophobe levait déjà la main pour sommer l’inconnu de déguerpir, quitte à le motiver avec une morsure de serpent aux fesses mais James enfilait déjà la double casquette de bon samaritain et de guide touristique. Dakota poussa un profond soupir. Pourquoi fallait-il que son seul ami soit aussi gentil ? **Parce que c’est le seul qui a la gentillesse de te supporter** rétorqua la petite voix mesquine de sa conscience. Elle soupira de nouveau.

- Rien, rien ne le poursuit ! Ce n’est pas un poussin ou un chat à recueillir James, juste… un mec louche.

Elle se tourna vers Castiel et ajouta à son intention avec tout le sérieux du monde :

- Vous êtes conscient que vous êtes louche, n’est-ce pas ?

Comment avait-il pu croire ne serait-ce qu’une seule seconde qu’ils allaient croire à ses fadaises ? Bon ok, James y avait cru et Jake y croirait aussi sûrement, mais elle non ! Est-ce qu’elle avait une tête de pigeon franchement ? Elle était Dakota Earnshow, pas une vulgaire péquenaude à 70 de QI. Et son masque inexpressif associé à ses bras croisés ne le montraient que trop.

- Vous venez vers nous dans… c’est une tenue d’hôpital ça, hum ? Et vous croyez qu’on va vous accueillir à bras ouverts ? Vous protéger ? Nous ne sommes ni assistants sociaux, ni gardes du corps. Je ne sais pas qui vous êtes ni ce que vous nous voulez mais ce que je sais c’est que ça pue l’histoire de voyageur à plein nez.

Qui d’autre qu’eux et de rares amnésiques pouvaient ne pas savoir où ils se trouvaient ? Et la tenue étrange du bonhomme ne pouvait que pointer du doigt un éventuel problème mental, à moins qu’il ne fasse partie des rares comateux ce qui expliquerait aussi ses goûts vestimentaires douteux. Dans tous les cas il rentrait dans la catégorie des fous potentiels – au même titre qu’eux, soit – et donc dans celle des personnes dangereuses. Dakota avait bien peur d’en avoir peur.

L’angoisse était montée d’un cran à cette suite de déductions logiques si bien que le cœur apathique de la gamine commençait à s’emballer. Ce n’était pas le moment de perdre les pédales bon sang !

- Écoutez, vous avez dix secondes pour nous dire qui vous êtes et les dernières choses dont vous vous souvenez avant votre arrivée ici. Si vous ne le faites pas je ferais en sorte de vous faire passer l’envie de jouer de sales tours. Dix… neuf…

Jake se sentait perdu. Il ne faisait rien de ce qu'il fallait, il ne se comportait pas comme il devrait. Il ne savait pas quoi dire ni que faire. Il ne se sentait pas encore à sa place dans ce groupe d'amis, finalement. La seule chose qui aurait pu le réconforter un instant aurait été une parole amicale d'un de ses nouveaux amis autour de la table avec une bonne pizza. Mais il n'y avait personne pour le dire.

Dakota était très mature pour son âge et ne semblait pas vraiment encline à profuser de l'amour à volonté. En plus, vu la lettre qu'il avait envoyé à cette dernière et le câlin qu'il lui avait donné, elle était sûrement remontée contre lui.

Sydney s'était caché pour ne pas subir ce monde cruel. Peut-être faire de même serait judicieux. Ou pas... En plus Jake sentait bien qu'il avait fait une autre gaffe avec lui, et c'était tellement épuisant de se dire que tout le mal qu'on s'était donné pour conserver une amitié était pour rien. Et aussi, le pirate n'était pas trop dans les effusions amicales, pour l'instant du moins.

Selene était absente, dommage, mais elle n'aurait elle non plus pas pu lui remonter le moral, timidité oblige. De plus il s'était un peu... beaucoup moqué d'elle sur sa transformation partielle en épouvantail.

Alexander n'était plus d'ici à présent, sauf si c'était un show télévisé qu'on rediffusait, et dans ce cas, on devait bien se piaffer devant Jake et ses idioties, et le prince des glaces était aussi distant.

Et puis il y avait James, le seul qui puisse vraiment le réconforter... Le problème étant que ce prince charmant était relativement timide, et il semblait presque s'évanouir à chaque fois que Jake le regardait ou lui adressait la parole. Encore pire lorsqu'il l'avait étreint à la fontaine.

L'arrivée de Jake à Dreamland était fabuleuse, mais aussi fabuleusement désastreuse. Il avait fait absolument tout de travers du début jusqu'à maintenant. C'était un véritable fiasco. Que pouvait-il arriver de pire? Un individu étrange en chemise d'hôpital qui se dirigeait vers eux peut-être? C'est fou, en voilà un qui veut de l'aide... Heureusement que ce fut Dakota qui répondit car Jake n'avait pas le moral.

Il voulait que ça se passe et manger sa pizza tout seul. Il croisa ses bras sur la table et y logea sa tête tout en regardant ce qui allait se passer. C'était décidément pas une bonne journée pour être Jake Anderson...

Parfait, le gosse avait mordu à l’hameçon. Pour le moment, le plan diabolique du loup affamé suivait son cours et si une petite miniature de sa personne aurait pu se matérialiser sur son épaule, elle serait sûrement en train de ricaner à en perdre la raison. Mais plutôt que de relâcher son naturel animal sur le champ, Castiel se contint encore ne voulant vraiment pas manquer cette proie cette fois-ci. Oui, il était bien tombé très bien même, ce garçon avait non seulement l’air naïf et gentil mais délicieux de surcroit. Une victime idéale en somme.

Mais la ligne droite de ce plan avait était déviée par son amie, la blondinette aux cheveux de serpents. Quelle peste, pensa le lycanthrope, elle venait de perturber sa représentation d’acteur si parfaite jusqu’à lors. Lui un mec louche ? Mais bien sûr que non ! Il voulait simplement passer à table et se remplir le ventre voyons. Pourquoi se contenter d’un steak alors que l’on avait ces brebis si appétissante et encore frémissante de vie devant les papilles ? Ils avaient donc tous perdu le goût de la bonne chaire ?! Comme c’était triste…

Ah la la la la, cette femme avait vraiment un cœur de pierre, comment ne pas faiblir devant un jeune homme égaré et terrifié ? M’enfin, les femmes ne sont-elles pas sensibles et douces. Décidément elle allait totalement déjouer ses plans. Hum en plus elle en avait dans le crâne, et ce tempérament de feu, elle devait aussi être délicieuse à dévorer. Oh oui sûrement. De plus elle avait employé un bien étrange mot : Voyageur. Castiel n’avait pas la moindre idée de ce qu’il signifiait dans sa phrase, mais ce n’était pas le plus important pour le moment ! Son estomac commençait vraiment à le rappeler à l’ordre.

Oh mais voila qu’elle lui demandait de dévoiler son identité. Non vraiment, le jeune homme supportait mal qu’on lui donne des ordres, mais en plus là, elle réclamait son nom. Mais au fait, pourquoi perdrait-il son temps à discuter avec de la nourriture ? Un bon casse-croute est un casse-croute avalé non ? Bon il pourrait tout de même lui faire cette faveur, après tout il avait décidé de goûter au gamin en premier, il pouvait bien se présenter à la jeune fille, de préférence avant qu’il ait la bouche pleine. En plus cette-dernière semblait très capricieuse et peu commode. Si Castiel répondait à sa question peut-être le laisserait-elle manger en paix.

Se redressant légèrement, le jeune homme laissa échapper un ricanement macabre. Alors qu’un rictus inquiétant se dessina sur ses lèvres, il se présenta de façon théâtrale :

-Mon nom est Castiel et je crois bien que je me suis fait écraser, oui ça doit être ça ! Mais on ne vend pas la peau du loup avant de l’avoir tué ! Dit-il d’une voix mielleuse, puis perdant toute folie dans la voix, il attrapa le poignet du garçon, je meurs de faim ! Vous permettez ?!

Il était sérieux, très sérieux, si personne ne bougeait il allait mordre à pleine dent dans le bras du gamin. Fou ? Oui il l’était, il y avait deux autres personnes à cette table et qui plus est, un des deux était un homme, mais celui-ci avait l’air perdu dans ses pensées. De toute façon, Castiel avait trop faim et sa mâchoire se dirigeait déjà en direction de cette chaire tendre qu’il retenait de sa main, le décompte de la blonde résonnant en arrière plan.

Spoiler:

James ne comprenait pas pourquoi Dakota lui parlait de chat et de poussin. Il avait jamais eu l'idée d'adopter l'inconnu ! Il avait simplement posé une question comme tout homme normal ferait...sauf que la blondinette semblait avoir compris que James comptait accueillir ce type bizarre à bras ouvert. Comme d'habitude Dakota faisait preuve d'un calme exemplaire et d'une antipathie que seule elle savait montrer. Jake ne disait rien du tout et mangeait sa pizza avant de mettre sa tête dans ses coudes comme si il en avait assez. C'est vrai qu'il aurait pu être plus accueillaient tout à l'heure mais voilà...James était un grand timide envers les garçons qui lui plaisaient. Et le voyageur l'avait peut être mal pris...Enfin bref revenons à l'inconnu qui si ça se trouve cet individu était gentil comme tout...Enfin c'est ce que pensa James avant que le rouquin ne se mette à rire bizarrement et à se présenter bizarrement. Déjà dire de façon naturel qu'on venait de se faire écraser c'était méga étrange...Surtout qu'il s'était trompé dans la citation...C'était un ours et non un loup dans la phrase...Ce personnage étrange avait saisi le poignet de James qui écarquilla les yeux sous le "j'ai faim" du type bizarre. L'alarme danger s'alluma dans son cerveau alors que l'adolescent changeait d'apparence pour laisser place à Jules. Pas question de laisser ce cannibale essayer de bouffer son créateur.

- Non mais t'a rêvé là !!

Jules/James tira sur son poignet et de son autre main donne un coup de poing dans la face du sauvage. Il avait craqué son slip celui là ! Si il croyait que James allait se faire dévorer sans que quelqu'un ne bouge un cil il se mettait le doigt dans l’œil ce Castiel. Si ça ne tenait qu'à lui il tuerait ce cannibale mais ça faisait pas bonne image après et il avait pas envie de créer encore des problèmes. Jules/James s'essuya le poignet sur son pantalon tout en reculant de quelque pas pour éloigner James du danger tout en menaçant Castiel.

- Si tu t'approches je te démontes !

Alors que Jake s’engonçait dans une attitude de bouderie puérile, le nouveau venu se décidait enfin à montrer son vrai visage. Le moins qu’on puisse dire était que le spectacle n’était pas joli-joli. Sourire de cannibale découvrant des dents par trop aiguisées, intonation de dément et théâtralisation à l’extrême, voilà le triste portrait que Castiel peignait de lui-même à travers ses maigres présentations.

Il était manifestement dérangé et affirmait avoir été écrasé ce qui confirmait à la fois la théorie de la folie et celle du coma. D’une pierre deux coups mais pas de quoi se réjouir, hélas. Alors que Dakota avait effectué un pas en retrait afin d’imposer une distance de sécurité elle ne vit que trop tard que la proie du loup n’était pas sa petite personne mais son meilleur ami.

- JA… commença-t-elle avant de se calmer soudain devant la tournure que prenaient les évènements, Jules. Tu tombes à pic.

Si le rouquin ne s’étonnait pas de la voir, Méduse miniature, il ne serait sans doute pas surpris de voir James changer de visage. Ou si ? Ou peut-être ? Avec les fous on ne savait jamais vraiment sur quel pied danser. Mais ce n’était pas une raison pour se montrer indulgent et encore moins baisser sa garde. Un coup de poing ne serait jamais suffisant pour refréner des instincts cannibales.

La tête légèrement penchée sur le côté, la blondinette fixa un moment la silhouette filiforme du pseudo-lycan’ alors qu’elle jugeait du meilleur plan à adopter. Ses angoisses envahissantes lui hurlaient d’annihiler la menace de peur d’avoir peur de finir dans la gueule du loup, d’autres leur rétorquaient que ce ne serait que le meilleur moyen d’avoir peur d’avoir peur de se faire arrêter pour meurtre… Elle finit par couper la poire en deux.

La gamine s’approcha de Castiel encore déstabilisé par le coup de l’ami imaginaire et le toisa de son regard de glace. Autour de son visage enfantin les serpents se mouvaient de plus en plus rapidement, se rétractant, s’allongeant, leurs crochets suintant d’un poison mortel.

- Fatale erreur d’appréciation, annonça-t-elle comme une sentence de mort.

Aussitôt l’un des reptiles se lança en avant pour mordre le rouquin qui esquiva… juste à temps pour se faire mordre par l’un des autres congénères à écailles qui avaient élu domicile sur la tête de Dakota. Une seule blessure ne serait pas mortelle mais déjà le venin s’instillait dans le corps du « chasseur », nécrosant les chairs autour des deux points de pénétration. La douleur devait être poignante mais elle ne se portait pas volontaire pour essayer, les études comparatives attendraient.

- Je ne sais pas où tu te crois, ni ce que tu crois être mais sache une chose : on ne sera JAMAIS dans ton assiette. Retente ça et je te tue. C’est une promesse, pas une menace en l’air.

A son doigt la bague d’une unseelie pulsait comme pour réclamer d’être utilisée mais la phobophobe tenait bon. Elle avait déjà assez à faire avec ses intestins noués par la peur pour s’encombrer d’une crise incontrôlée de méchanceté gratuite. Elle avait déjà assez vu la nuit dernière où cela pouvait mener, Selene s’était fait un plaisir de leur faire une petite démonstration.

D’ailleurs en parlant de démonstration, la leur avait attiré l’attention des badauds qui ne les quittaient plus du regard désormais. Leurs murmures curieux et inquiets lui provenaient portés par la brise chaude qui soufflait sur la place. Trainer là serait une mauvaise idée, les autorités ne tarderaient pas à rappliquer pour s’informer de leurs histoires. Qu’ils soient voyageurs ou Gloutoniskaïens ne changeraient rien au fait qu’ils perturbaient l’ordre public.

- On ferait mieux d’aller voir le maire… et d’emmener ce « truc », proclama-t-elle en désignant Castiel, Je préfère l’avoir devant les yeux, il serait capable de nous suivre pour recommencer. Et je n’ai aucune envie d’avoir peur d’en avoir peur. J’ai bien assez de sujets à angoisse comme ça.

Cet individu loufoque ne pourrait probablement jamais l’atteindre à travers sa forêt reptilienne mais le doute existait toujours et tant qu’une chance infinitésimale de passer l’arme à gauche existerait elle privilégierait la prudence. C’était ainsi qu’on restait vivant, à Dreamland.

Manger la délicieuse pizza qui était devant lui était la seule préoccupation qu'il avait... C'était triste, mais c'était un état d'esprit dans lequel Jake pouvait se plonger quand son moral approchait de zéro. Pas besoin que la température baisse pour la déprime. Il avait fini la dernière part de sa pizza et paya ce qu'il devait au serveur. Pendant ce temps, y'avait deux-trois trucs qui se passaient.

L'inconnu voulait agresser James. D'un seul coup, en même temps que James devenait Jules, comme l'appelait Dakota, et en même temps que cette dernière réagissait, Jake se leva et se plaça aux côtés de ses amis en tenant de sa main droite à poing serré le tournevis qu'il avait dans sa poche arrière droite de son pantalon. Ces évènements avaient sorti Jake de sa torpeur et de sa déprime accidentelle. Il allait pouvoir enfin faire quelque chose, et peut-être se prouver à lui-même et au reste du groupe qu'il n'était pas un gros boulet de 100kilos...

Dakota avait là une arme magnifique, belle, gracieuse et surtout mortelle que ces serpents dans ses cheveux. Elle n'avait pas hésité, comme Jules, à attaquer l'adversaire. Heureusement pas mortellement, qui sait quels ennuis ils auraient récoltés. La proposition de Dakota concernant le maire était assez bonne dans le fond, mais ce dernier allait être encore plus choqué que la fois où Jake avait débarqué dans son bureau en renversant une tonne de papiers administratifs.

-Je suis sûr qu'il appréciera cette visite... fit Jake sur un ton neutre, mais pesé.

Le maire de Gloutoniskaïa était un homme brave dans le fond, affronter tous le jours des gens aussi bizarre et dangereux qu'eux, c'était bien, voire même un exploit, qui y survivrait toute sa vie? Bref, ces évènements avaient réussi à redonner un peu de pêche au jeune et musclé Jake. Pourtant, il fallait encore faire ses preuves, car il sentait bien qu'il n'était pas encore totalement accepté dans cette troupe. Peut-être un jour gagnerait-il leur confiance? En tout cas, ils avaient sûrement plus confiance en Jake qu'en ce Castiel. Même si on pouvait saluer ce dernier pour sa belle couleur de cheveux... hum... Il avait tout de même voulu croquer James ... La suite était à débattre.

Il attendrait le temps qu’il faudrait, mais personne ne forcerait le pirate à sortir de ses toilettes une fois qu’il y serait enfermé. C’est donc d’un pas décidé que Syd’ franchit la porte des WC de la mairie, tel un conquistador posant le pied sur un nouveau monde qu’il baptiserait Sydneyland. D’ailleurs la première ville devrait avoir un nom espagnol ou portugais… Pourquoi pas Porto Sydnéo ?

Le corsaire esquissa un air méprisant lorsque l’idiotie de son imagination le frappa. Très bien, soit… Il devait être légitime que son cerveau parte dans de tels délires ; ça devait être dû au traumatisme de la course-poursuite.
Sydney poussa donc la porte de Porte Sydnéo pour-… Pour y découvrir un agent d’entretien moustachu en train de récurer le trône…

- Ben quoi.. ? demanda le technicien de surface que le regard hébété du paranoïaque commençait à déranger.
Sans rien répondre, le capitaine au bandana resta quelques secondes à observer le brave homme avec des yeux de poisson mort avant de repousser la porte et de quitter les toilettes ; Porto Sydnéo était déjà habité par des autochtones.

D’ailleurs c’était assez énervant, quelque part, de remarquer que ces lieux étaient toujours colonisés quand on en avait vraiment besoin. C’est à croire que les gens prennent un malin plaisir à frustrer leurs pairs lorsque ceux-ci ont leurs besoins à faire. Et puis récurer les toilettes… Pourquoi précisément maintenant ? De toute façon elles seraient à nouveau sales d’ici la fin de la journée, avec tous ces irrespectueux dégueulasses qui laissent en signature une petite goutte jaune sur la lunette pour que vous pensiez à eux. Vraiment, l’intimité, c’est plus c’que c’était !

C’est donc doublement énervé que Sydney ressortit du bâtiment. L’idée de rejoindre ses ‘amis’ en leur annonçant « hey, finalement je reviens » le blessait déjà dans son orgueil ; il resterait à l’écart. Oh non, je vous vois venir ; eh bien non : pas de banc ! C’est cette image que vous vous faites de Sydney Miles ? Sympa, vraiment !
Dehors, rien ne semblait avoir bougé – à part le groupe de voyageur, évidemment… Se rendre difficile à retrouver devait les avoir amusé, sans doute. Mais ça, c’était pas le pire, oh non. Ces marins d’eau douce avaient eu le culot d’inviter un copain à table. Ça n’aurait pas dérangé Syd’, si seulement on l’avait prévenu, qu’il connaissait ce ‘copain’, qu’il avait été de meilleure humeur… et bien d’autres choses. Or donc, là, ça l’embêtait. Non : ça l’énervait. Pourquoi ? C’était simple, et il comptait bien en faire part à ses ‘amis’.

Il s’apprêtait à rejoindre le joyeux quatuor, mais un détail l’arrêta en plein chemin. Le nouveau, ce type bizarre, là… Il… Oh mon dieu ! Il venait d’essayer de bouffer James !!
Par chance, Jules – à supposer que ce fut lui, en vue de la réaction – et Dakota semblaient maîtriser la situation. Sydney jubilait intérieurement : pendant son absence, le groupe avait été traqué par des ennemis, précisément comme l’avait pressenti le pirate ! Mieux encore : ces irresponsables payaient le prix de leur naïveté alors que lui s’en tirait à merveille. C’était un beau jour pour ces jeunes : un peu de réalité dans les dents devrait les forger et leur faire comprendre que mourir stupidement n’était pas une optique d’avenir agréable.

Assuré, le sourire aux lèvres, ce filou de corsaire arriva au niveau du groupe et, faisant mine de contempler la scène, plaça ses mains sur ses hanches avant de lancer un rire moqueur.
- Ah, bien ! Je vois que vous perdez pas de temps à me remplacer, hein ? Un pirate pour un cannibale, c’est original. Que ça vous serve de leçon : ne croyez rien de ce qu’on vous dit, ne faites confiance à personne.
Il se retourna et chassa les observateurs curieux comme on chasserait une mouche agaçante, on s’était déjà suffisamment fait remarquer pour la journée.

De retour auprès de ses moussaillons, Sydney désigna la mairie d’un signe de tête :
- Bon, et si on profitait de cette réunion touchante pour aller toucher un mot à ce bon maire, justement ? Je commence à en avoir ma claque de cette ville de dingues et de vos enfantillages. On dirait que vous le faites exprès.
Sans attendre de réponse – qui de toute façon ne saurait être que désagréable –, Syd’ leur tourna le dos et fit quelques pas pour s’éloigner de ces ‘amis’ encombrants, affichant la posture de celui qui attend sans pour autant écouter. Il y était peut-être allé un peu fort, mais c’était légitime. Il fallait apparemment que quelqu’un joue le rôle du papa pour cette bande de gamins ; il s’y collerait, même si ça ne l’enchantait pas.

Pour l’heure, la troupe avait déjà subi trop de modifications… c’était à croire que la stabilité n’existait pas, et ça dérangeait profondément Syd’. Arrivée de Jake, arrivée d’Alex, séparation, assassinat d’Alex, retrouvailles, et maintenant quoi ! Un cannibale ? Pourvu, ô mon dieu, pourvu qu’ils ne se mettent pas en tête de le garder trop longtemps…

Castiel imaginait déjà le goût fondant et chaud de la chair de ce gamin, ce goût merveilleux qu’il avait découvert des années avant cela. Oh oui, rien que dit penser, ses papilles se mettaient à frémir d’envie. Il en était tout émoustillé, et l’idée de se remplir le ventre et d’apaiser les grognements intempestifs de son estomac le comblait encore plus. Mais alors que ses dents s’apprêtaient à se plonger dans ce met fabuleux, le garçon sembla changer d’apparence et un violent coup de poing s’abattit sur la joue du jeune cannibale. Ne s’attendant vraiment pas à une telle résistance, Castiel ne vit pas le coup venir et il fut projeté sur le sol en grognant faiblement. Ce coup avait été un véritable électrochoc, se répercutant dans tout son corps. Pendant une fraction de seconde c’est comme s’il avait été sonné, et le temps que ses idées ne se remettent en place dans sa tête, le garçon avait reculé loin de sa mâchoire.

Il entendit la menace du gamin, mais ne la prit pas vraiment au sérieux. Tout ce qu’il voulait pour le moment était manger. Comme quoi, ses pensées pouvaient être très restreintes parfois. Oooh mais pourquoi ne se laissait-il pas dévorer tranquillement hein ? Au moins rien qu’un petit bout, il pourrait en garder pour plus tard. D’habitude, Castiel aimait bien que ses proies lui opposent un peu de résistance, mais là il en avait assez de jouer et voulait seulement passer à table. Mais une nouvelle fois c’est le Destin qui se jouait de lui ! Décidément, il ne pourrait donc jamais manger en paix.

*Si je rencontre cette saleté de Destin en personne je le dépecerai comme un agneau !*

Lorsque Castiel ouvrit les yeux, les idées bien en place cette fois, il voulut employer la manière forte et se jeter sur son déjeuner, mais c’était sans compter sur cette malchance qui le poursuivait et il eut juste le temps d’entendre les sifflements aigus des serpents de la blondinette. Il n’aimait vraiment pas ces petites bêtes, c’est froid, ça siffle, ça se glisse partout et ça pique ! D’ailleurs, le jeune homme esquiva l’une de leur attaque avant de recevoir une autre qu’il ne pu éviter cette fois-ci. C’était comme se voir offrir un baiser brûlant, non pas de passion non non, mais de douleur. Immédiatement, son bras droit avec lequel il avait tenté de parait l’assaut, se mit à s’embraser douloureusement. Si le loup avait pu s’arracher le bras il l’aurait fait, c’était insupportable !

La morsure lui arracha d’ailleurs un hurlement de douleur, comme un râle qui était sorti du plus profond de ses entrailles. C’était vraiment pas sa journée ! D’abord il se faisait écraser, deux de ses casse-croûte lui avaient échappé et maintenant il se faisait piquer par un serpent !
Castiel tenait fermement son bras là où il avait été mordu, se coupant presque la circulation du sang. Ah cette vipère, il lui aurait bien montré les crocs, lui faisant goûter sa propre morsure, mais bien qu’il sentait la colère l’envahir et le sang battre furieusement dans ses veines, il avait du mal à réagir.

-Sale peste ! Si t’avais pas une tignasse aussi agressive je t’aurais déjà avalé ! Grogna-t-il en lançant un regard des plus noir à la mini Médusa.

Comment ça l’emmener voir le maire ? Hors de question ! Plus jamais, plus jamais il ne serait enfermé comme un animal de zoo. Lui qui avait attendu si longtemps pour retrouver cette liberté, et tous les efforts fournis pour en arriver là, c’était hors de question et il comptait bien le faire savoir.
En plus, il avait toujours faim !

Spoiler:

C'était beau quand même de voir tant de protection. Enfin l'autre obsédé avec son tournevis il s'en serait bien passé. C'était sur qu'il aurait pensé à avoir une récompense en or pour un geste héroïque. Quitte à choisir en cas d'absence Jules aurait voté pour Dakota. Au moins avec elle c'était sur qu'il n'y aurait pas d'idée mal venue et surtout elle était sympathique pour une fille. Et puis en voyant que James s'était transformé elle avait compris que l'adolescent était en sécurité. C'est à ce moment là que le pirate couard revint de sa planque et se permit de leur faire la morale.

- Mais ta gueule toi...!

Si il aurait volontiers remplacé Sydney par quelqu'un de plus courageux mais pas non plus un cannibale qui boufferait James. Il y avait quand même des limites dans une sélection. Même il aurait gardé que Dakota. Cette dernière venait de tranquilliser le cannibale avec ses serpents. Voilà une bonne chose de faites.
Enfin bon, il valait mieux ne pas rester plus longtemps ici des curieux étaient trop présents pour leur image. Le paranoïaque en profita pour jouer au chef et s'éloigner encore une fois. Comment James pouvait apprécier ce type franchement ? Jules avait qu'une envie c'était de lui en mettre une bien bonne pour le calmer avec ses grands airs.

- Bon allons voir le maire alors, je vous laisse vous charger du cannibale j'ai pas envie de me faire bouffer et si c'est comme les fauves il abandonnera pas avant d'avoir réaliser son but

Jules jeta un regard mauvais à Castiel et fit de même à Sydney lorsqu'il passa à côté de ce dernier pour se diriger vers la mairie. Une fois à l'intérieur il ne restait plus qu'à trouver le bureau du maire sauf que dans son souvenir cet endroit était un vrai labyrinthe. Jules interpella un type qui travaillait ici pour lui demander à parler au maire en rajoutant que c'était urgent. Et aussi parce que ça faisait chier d'être coincé dans cette ville mais ça il le garda pour lui ça n'aurait pas fait bon effet. Le nouveau guide leur demanda d'attendre et fila sans doute pour voir si son patron voulait bien les recevoir.

Une tempête s’était déchaînée sur Castiel et pourtant ça ne semblait pas calmer ses ardeurs, encore moins celles de son estomac dont le gargouillis sonore parvenait jusqu’aux oreilles de Dakota. Ça allait rapidement lui taper sur le système ça… Ni une ni deux, elle tira son vieil œuf de pâques de sa hotte à l’aide d’un de ses serpents qui alla directement le fourrer dans la bouche du cannibale comme en réponse à la dernière remarque de Jules. Il dépassait à moitié en lui donnant l’air ridicule mais au moins comme ça il ne mordrait plus personne. Pour le moment.

- Mange ça et tais-toi donc.

Ses menaces lui passaient au-dessus de la tête. Elle avait assez de cartes en main pour déterminer leurs puissances respectives et pour l’heure à moins d’une attaque surprise le rouquin ne représentait presque aucune menace mis à part pour ses oreilles et sa patience limitée. D’ailleurs en parlant de ça le pirate enfin de retour commençait à attaquer sa réserve restreinte. Et que vous me remplacez, et qu’on devrait aller voir le maire –ce qu’elle avait déjà proposé-, et qu’il en avait marre de cette ville, d’eux, du monde entier.

Une question s’imprimait donc dans l’esprit de Dakota en lettres de feu : alors pourquoi t’es revenu Mr Jamais-content ?

Le pirate aurait mieux fait de rester dans sa cachette s’ils l’importunaient autant. Elle au moins ne leur disait pas qu’elle ne les aimait pas, exception faite de James. Quand on a besoin de quelqu’un on la ferme, point barre. Le pirate avait presque le double de son âge mais manquait terriblement de présence d’esprit, de logique et, chose rare, manquait encore plus de talent social que la surdouée elle-même. Jules avait trop bien résumé sa pensée pour qu’elle l’exprime à son tour mais son regard glacé en disait long. Si le rat voulait fuir le bateau ce n’était pas elle qui lui courrait derrière.

La mini-Méduse emboita le pas à Jules et Sydney, pénétrant dans la mairie après qu’un employé soit allé s’enquérir de la disponibilité du maire. On les fit attendre dans un petit salon, Ernest Mac Arthur étant « en réunion ». Soit, c’était un homme très occupé mais Dak’ ne pouvait s’empêcher de penser qu’il les faisait attendre sciemment. Peut-être même qu’il les observait au moyen d’un quelconque artefact magique. L’angoisse née de cette hypothèse se fraya doucement un chemin dans son cœur de glace et aussitôt la blondinette se mit à pianoter nerveusement sur son genou, son regard de rapace scrutant la pièce à la recherche d’objets louches.

Cette lampe par exemple, les lumières qui y clignotaient faisaient par trop penser à la DEL d’une caméra de surveillance. Et les yeux des portraits ne suivaient-ils pas leurs mouvements ? Son regard finit par tomber sur le paranoïaque et elle les ferma derechef. Elle inspira. Elle expira. Elle inspira encore… calmée, ou presque. Hors de question de se laisser contaminer par la folie de ce grand dadais, elle avait assez à faire avec la sienne. Le maire était en réunion voilà tout, c’était parfaitement crédible.

Et puis il y avait d’autres problèmes plus urgents. Comme cet individu dérangé qu’elle avait dû trainer là en le ligotant à l’aide de sa chevelure à écailles. Pour l’heure il la fusillait du regard en tentant d’avaler ou de cracher le chocolat qu’on lui avait fait ingurgiter de force. L’un ou l’autre peu importait tant qu’il ne cherchait à mordre personne.

- C’est bien de vouloir quitter cette ville, commença-t-elle pour briser le silence avant de pencher la tête l’air pensif, Mais que comptez-vous faire ensuite ?

Ses yeux azurs passèrent de Jules à Jake, de Sydney à Castiel avant de revenir sur la nature morte qui lui faisait face.

- J’ai perdu mon ombre et je compte bien retourner la chercher où qu’elle soit, mais vous ? Jules… James et toi venez avec moi je suppose, mais les autres ? Vous avez des projets d’avenir ?

Vu les tronches qu’ils tiraient la réponse était probablement « non ». Il était impossible qu’il en soit autrement. Ils ne connaissaient pas Dreamland, ses us et coutumes, ses légendes et ses secrets. Elle ne voulait pas de bagages encombrants mais au fond d’elle demeuraient quelques scrupules à les lâcher seuls dans le grand monde. Ça aurait été équivalent à envoyer un enfant dans la fosse aux lions.

- Je sais qu’on ne s’entend pas forcément très bien mais je vous invite toujours à vous joindre à nous par sécurité.

La gamine leva un regard blasé vers le lycanthrope en solde.

- Sauf toi bien sûr. D’ailleurs si tu pouvais t’étouffer avec mon œuf ça rendrait un grand service à l’humanité.

Jake se rendit bien compte que ce qu'il faisait était ridicule, et retrouva sa morosité de dedans la pizzeria. Il ne fut que trop peu surpris par la réapparition de Sydney, et par la direction souhaitée par les membres du groupe. Jules était rude, et était totalement différent de James. Comment ces deux êtres pouvaient-ils cohabiter? Ce n'était même pas pensable pour Jake. Ce dernier était comme vidé de toute énergie. Il suivit comme un benêt les autres dans la mairie, endroit dont il se souvenait vaguement.

Tout était un peu old fashion, et cela changeait. Revenir à une ancienne époque ou à un certain style d'endroit renforçait un certain sentiment de mal être chez le Thermoréactif. Tout semblait indiquer ici un certain style de vie assez confortable et plaisant. Le maire était en réunion et ils devaient donc attendre pour aller le consulter. C'est à ce moment que Dakota prit la parole. Il attendit qu'elle eut finit ses quatre répliques pour répondre à ses interrogations.

-J'aimerai bien t'aider à enquêter sur ton ombre qui a disparu, mais j'ai vraiment aucune idée de ce que je pourrai faire après. C'est comme à notre année de High School, on a un choix monstrueux, et on est perdu. Je me sens perdu ouais. J'ai l'impression que tout ce que j'ai pu faire jusqu'ici est vain. J'essaye de m'intégrer à ce groupe, mais j'ai l'impression d'avoir fait un gros fail.

Ces paroles furent dites dans un calme absolu, tout le monde l'écoutait, et tout monde voyait qu'il était sur le bord des larmes. Ses yeux allaient sûrement s'emplir de larmes, mais il ne voulait pas craquer comme quelqu'un qui un gros boulet, même s'il en était déjà un.

-Ouais j'aimerai bien rester avec vous, mais ne suis-je pas un gros boulet? Vous allez me traîner partout, et je vais vous faire ralentir dans votre quête. Autant que je parte maintenant et que je vous laisse. Je vous aime assez pour vous retirer ce fardeau.

Pourquoi n'arrivait-il jamais à faire ce qui était bien pour les autres et pour lui? Pourquoi n'arrivait-il pas à se socialiser? Pourquoi? Il était hanté par ces questions et ne savait que faire. Il resta cependant dans la salle d'attente, car il n'avait pas l'énergie suffisante et le moral pour sortir d'ici. Il se recroquevilla en position foetale sur un canapé, et perdit son regard à travers une fenêtre. Le soleil brillait, mais son regard était embrumé. Il ne voyait plus que des choses qui devinrent troubles, et ses joues commencèrent à accueillir des larmes.

Il avait envie de rester avec ses amis, il n'avait pas envie de partir, amis il savait que c'était la meilleure chose à faire. Il se sentait mal dans sa peau. Il voulait vraiment se sentir pour une fois accepté, et arrêter de se morfondre. Il sentait bien qu'on ne l'aimait pas trop, mais ces sentiments c'étaient pas réciproques. Lui il les aimait beaucoup, et ils les avaient accueillis dans ce monde. Il ne voulait pas partir sans eux, mais c'était la seule chose qu'il restait à faire.

Bien sûr qu’il s’était attendu à ce qu’on lui réponde de manière haineuse. Quoi d’autre ? Ce « ta gueule » de James… Ou Jules – peu importe – avait au moins le mérite de clarifier les choses en exprimant tout haut ce que tous pensaient très certainement. Il avait du culot, ce gosse, de l’envoyer bouler comme ça. Qui s’était évanoui dans la nature sans donner signe de vie ? Et puis s’il était si malin, qu’il trouve autre chose à faire, lui !

En tout cas, c’était sûr à présent que Double J. ne portait pas le pirate dans son cœur. Dommage qu’il n’ait pas compris que les gens intelligents utilisaient l’hypocrisie pour dire – ou plutôt ne pas dire – ce genre de choses. Enfin.. Concrètement, ça n’était pas le problème de Syd’. Au contraire, cela ne le confortait que plus l’image qu’il avait de la petite troupe.

Résumer la situation fut tentant, mais risquait fortement de le déprimer ; aussi Sydney n’en fit rien et se contenta de regarder passer Jules sans faire part de la moindre émotion. Un adolescent, un petit con, c’était tout ce que le schizophrène était en revêtant cette personnalité. Mais un schizo’ pouvait être dangereux, et celui-là l’était quand même un peu. Feindre la mort avait eu pour effet chez Syd’ de lui faire baisser sa garde, ne considérant plus la menace Jules comme une actualité. Ce que les gens étaient énervants, eux et leur imprévisibilité…

Enfin ! Il y avait au moins un sujet sur lequel le corsaire s’accordait avec l’hyperviolent : il ne toucherait pas ce cinglé de cannibale non plus. En croisant les bras, il exprimait son refus de participer à cet enlèvement. Si Dakota voulait être poursuivie pour kidnapping, lui n’aurait rien à se reprocher. A part peut-être la complicité..? Saletés de lois.

En parlant de lois, ils arrivaient au siège de la corruption ; au labyrinthe administratif… A la mairie, en d’autres termes. La ‘salle d’attente’ dans laquelle on les séquestra le temps que le maire daigne leur accorder un peu de son précieux temps de glandage mettait mal à l’aise le pirate. Pire que chez le médecin. D’ailleurs vu ce que c’était, on en avait pour son argent, niveau charlatanisme ! Encore heureux que les visites chez le maire n’étaient pas facturées.

C’est finalement Dakota qui brisa le silence avec une question pleine de sous-entendus et de mépris. Eh bien allons-y, qu’elle les traite d’indécis, tant qu’elle y était ! C’était vraiment bas de faire ça.
- Et où tu veux qu’on aille, tous seuls, mademoiselle géniale..? Tu crois sérieusement que ça m’amuse de gambader dans ce monde de malades ?

Le capitaine au bandana sentait qu’il se laissait emporter. La miss de 13 ans avait ce don d’énerver quiconque était ciblé par ses propos, mais Sydney ne devait pas se laisser embarquer. Il devait savoir mettre un frein dès qu’il sentait son stock de sang-froid se vider. De toute façon s’énerver n’apporterait aucun crédit à ses arguments et elle n’attendait que ça pour le rabaisser. On connait la chanson : « mais regarde dans quel état tu te mets pour si peu, mon grand ! Ça va pas bien, t’as un souci ! »
- Je reste avec vous par défaut : hors de question de voyager seul. Et pour ce qui est de partir, c’est très simple : tu as vu ton ombre dans le coin ? Vu que tu ne l’as toujours pas récupérée, je suppose que ça ne sert à rien de fouiller d’avantage la ville : elle n’y est pas. Si tu es si pressée, tu devrais être d’accord avec moi au lieu d’essayer de me ridiculiser h24 !

Ce qu’il y avait à dire étant dit, Sydney n’avait plus envie de débattre plus longtemps. L’utilité de partir ? Elle était évidente. Mais si ces jeunes s’obstinaient à ne pas voir, ils ne voudraient pas entendre non plus : la discussion était vaine. En avait-il déjà été autrement, de toute façon ? Les mots blessent. Tous. Sans exception. Leur simple articulation est l’un des pires fléaux que l’homme ait connu. Si la race humaine avait été capable de télépathie à la place, il n’y aurait aucun problème.

D’ailleurs en parlant de vanité, Jake commençait à geindre et c’était assez agaçant. Ces jérémiades furent accueillies par un soupir las de la part du pirate qui daigna malgré tout tendre l’oreille.
Pourquoi tant de gravité là-dedans..? Il ne pouvait pas le dire normalement ? C’était tout à fait normal qu’il ne veuille pas se retrouver tout seul : l’homme a un instinct grégaire atroce. Sauf que… Sauf que la suite partait dans le grand n’importe quoi. Se contenant avec difficulté devant tant d’insouciance, d’absence d’esprit critique, de naïveté, etc., Sydney se pinça l’arête du nez avec dépit.

- Non, moussaillon. Tu vas nulle part ; tu restes avec nous. Je veux pas retrouver ton cadavre à deux mètres des portes de la ville. Désolé pour ceux qui ont un train à prendre, mais on va devoir vous ralentir encore un peu : c’est plus sûr de rester groupés. Ce que Sydney se gardait bien de dire, c’était que Jake était également l’une sinon LA personne avec laquelle il était le plus en confiance. Sans ce dernier, il ne restait que James qui n’était là qu’une fois sur deux : trop risqué étant donné qu’il haïssait à moitié le pirate.

Grand Dieu, avec des amis comme ça, pas besoin d’ennemis ! Et pourtant c’était avec eux qu’il avait le plus de chances de trouver un moyen de sortir de cette cage onirique qu’était Dreamland…
Avec le temps il apprendrait à s’armer face à ce monde et c’était triste à dire, mais il n’y avait qu’en voyageant que cela devenait possible. D’où l’utilité première de rencontrer – encore – ce maire de pacotille. D’autres questions ?

Il ne pouvait vraiment pas supporter cette impertinente gamine. Tout d’abord elle le piquait avec l’un de ses serpents et ensuite elle l’étouffait avec un œuf, sorti d’on ne sait où et dont Castiel doutait de la fraîcheur ! Et dire que grouillaient autour de lui des dizaines de chairs bouillantes et pleines de vie. S’il n’était pas tordu de douleur, tous ses muscles endoloris par le venin qui s’était écoulé dans son corps, il lui aurait arraché la trachée sur le champ ! Non mais quelle sale gamine, il lui ferait payer ce sale coup !

En tout cas ce venin était bien plus douloureux et assommant que les piqures et les cachetons de l’hôpital. Son bras lui paraissait peser une tonne, comme s’il était rempli de plomb à présent. Et cette douleur qui se diffusait depuis les deux petites marques laissées sur sa peau, le cannibale s’en serait tapé la tête contre un mur s’il avait pu bouger. Il sentait une chaleur étouffante l’envahir, mais celle-ci était différente de celle de ses crises de lycanthropie, elle n’était ni douce ni enivrante, juste étouffante et insupportable. De plus, l’œuf dont l’extrémité logé dans sa bouche commençait à fondre en un goût sucré qui à cet instant lui paraissait écœurant, entravait sa respiration et cette-dernière se faisait donc plus saccadée qu’à l’accoutumé.

Ses ex-proies se dirigèrent vers un bâtiment que Castiel avait remarqué dès son arrivé ici. La maison de la sorcière ! Mais, celle dans Ansel et Gretel vous vous souvenez ? Le jeune homme pensait réellement entrer dans cette maison de pain d’épice et de sucre. Mais le moins que l’on puisse dire c’est qu’il fut vraiment déçut des locos. L’intérieur était loin de ce qu’il avait imaginé. Vieillot, morne et cette moquette qui sentait bon la poussière, quel plaisir. Car étalé sur le sol, Castiel était aux premières loges pour constater ce merveilleux revêtement. La blondinette l’avait traîné là, l’ayant ligoté comme un filet mignon. Quelle ironie du sort pour un loup.

Le jeune homme n’avait pas trop le choix. Tous ses moindres mouvements lui étaient douloureux et ce bâillon de chocolat commençait vraiment à l’étouffer. Sans parler de l’envie de déjeuner qui lui chatouillait l’estomac. Quelle chance, dans cette pièce il n’avait que l’embarras du choix : Le capitaine crochet, le Loir, la vilaine reine de cœur et ce type à l’air paumé que le cannibale ne pouvait pas surnommer pour le moment. Et pourtant, prisonnier de ces liens d’écailles il ne pouvait rien faire. Cette situation le rendait complètement dingue, oui oui plus que d’habitude.
Castiel les observait tous, les détaillant des ses pupilles bleutées. Ils affichaient tous un comportement différent. La reine était stressée, agitée de tics nerveux qui n’en finissaient plus, le Loir, dans sa mauvaise phase, ne laissait transparaître que de l’énervement et de la colère, le mec paumé jouait à présent au dépressif et le Capitaine crochet semblait lui aussi nerveux. Le loup n’avait pas tout suivis et se demandait ce qu’ils attendaient tous, assis dans cette pièce à ne rien faire.

Alors qu’il sentait de l’impatience s’éveiller en lui, la responsable de sa douleur poignante se mit à le fixer en lui lançant des éclairs. Cette-dernière brisa le silence par une question dont le cannibale aurait bien rit s’il n’avait pas cet œuf dans la bouche. Ce qu’ils comptaient faire ? Personnellement, il se remplirait la panse dès qu’il serait en état de tenir debout !
Et voila qu’elle nous jouait Peter Pan maintenant. Il s’en suivit les longues jérémiades du dépressif puis Castiel réussit enfin à casser ce bâillon infâme qui l’empêcher de respirer correctement. Le moins que l’on puisse dire c’est qu’il ne payait pas de mine, un file de bave s’étant formé à la commissure de ses lèvres.

*Voila ce que j’en fais de votre moquette poussiéreuse ! Ca c’est sur c’est pas la maison de la sorcière !*

Et voilà que le capitaine crochet se mettait lui aussi à partager ses émotions. En fait c'était plutôt amusant, il se prenait le bec avec la Reine de coeur et Castiel laissa échapper un ricanement entre ses dents serrées. Les choses promettaient de prendre une tournure amusante oui ! La blondinette risquait de ne pas trop apprécier.

Lorsque Dakota avait foutu un œuf dans la bouche de Castiel Jules s’était retenu de lui lancer un bien joué. Il ne fallait pas non plus exagérer en lançant des fleurs à cette adolescente qui se croyait déjà supérieure aux autres. Bon en même temps vu comment ils étaient entouré il n’y avait pas de mal à être meilleur…Bref l’équipe de bras cassé était donc à l’intérieur de la mairie en train d’attendre joyeusement que Mister mayor daigne finir sa réunion. Dakota le stressait en stressant et la présence du cannibale par terre n’arrangeait pas les choses. Tout pourrait bien se passer dans cette attente si seulement il y aurait eu genre un magazine à lire.
La blondinette préféra casser le silence en demandant ce que les voyageurs comptaient faire. Retrouver son ombre oui c’était déjà super et tant qu’à faire laisser les trois hurluberlus derrière ça aurait été bien aussi. Mais Dakota semblait vouloir qu’ils restent ensembles. Flûte ! Et quand Jake se mit à se plaindre sur lui-même l’envie de l’étrangler s’insinua dans Jules.
Mais heureusement James reprit son droit et retrouva son apparence normale. L’air perdu qu’il arbora alors montra combien il n’était pas au courant de ce déplacement. Lui il pensa que Jules avait recommencer à le téléporter à son insu encore une fois. Du coup il avait rien suivi de la conversation. Enfin grâce à Sydney il pu quand même comprendre un peu qu’ils parlaient d’où aller ensuite et cela semblait amuser Castiel. Jake semblait vouloir partir pour une raison qu’il ignorait. Peut être parce qu’il était maltraité par les autres ?

- Mais oui on reste tous ensemble ! Plus on est de fous plus on rie ! Enfin même si c’est pas marrant ce qui nous arrive…

Tiens d’ailleurs Sydney était revenu de sa petite escapade ! Lui aussi il était content de le revoir. Enfin pour l’instant c’était Jake qui semblait déprimé et quand James déprimait bah on lui faisait un câlin. Soit c’était Jules soit c’était sa mère. Et apparemment il était le seul dans cette pièce à avoir cette capacité. Même si ça le gênait beaucoup de faire ça il ne pouvait pas laisser un ami dans cet état. Alors prenant son courage à deux mains l’adolescent se leva et alla serrer Jake dans ses bras où ses joues prirent une jolie couleur tomate.

- Pas question d’en laisser un derrière…Enfin à la limite Castiel on peut le laisser ici…

Si elle avait eu une preuve de l’existence de Dieu Dakota lui aurait demandé des comptes. Pourquoi lui imposait-il pareilles épreuves ? Des jérémiades de Jake au discours parano-agressif de Sydney en passant par le mutisme amusé de Castiel, aucune des réponses n’était convenable. Pire que ça : elles étaient horripilantes à l’excès. Avec un reniflement de mépris elle laisse à son meilleur ami la tâche de calmer l’hypersensibilité de l’exhibitionniste du groupe pendant qu’elle s’occupait du pirate.

Son regard glacé le détailla un instant sans chercher à masquer son ennui profond doublé de dédain. Il n’avait rien compris ou il le faisait exprès de toute évidence. Elle n’avait jamais dit ne pas vouloir quitter la ville, bien au contraire, et pourtant il avait organisé toute son argumentation acerbe autour de leur soi-disant réticence à mettre les voiles. Et pourquoi affirmait-il que leur duo les ralentirait ? C’était stupide, en termes de vitesse de marche c’était elle qui risquait d’être à la traine avec ses petites jambes de gamine en pleine croissance.

- Soit tu n’écoutes rien, soit tu es stupide. Choisis l’option que tu préfères. Ta paranoïa me fatigue et je n’ai aucune envie de répondre aux aberrations que tu formules en flot continu.

Au moins c’était dit. De toute manière ça ne servait à rien de discuter avec un paranoïaque, les arguments sensés ne les atteignaient jamais, trop occupé à nourrir leurs théories bancales de complot mondial. Il pouvait bien croire ce qu’il voulait ça lui faisait une belle jambe, tant qu’il ne se révèlerait d’aucune utilité du moins. La jeune Earnshow ne fournissait des efforts que quand le jeu en valait la chandelle.

D’ailleurs en parlant de ça le sujet « Castiel » revenait sur le tapis alors que la blondinette commençait à lui entrevoir une utilité relative. Il était totalement dérangé, ne pensait qu’à manger mais justement n’était-ce pas cela que l’on pouvait exploiter ? Il se fichait probablement de ce qu’il déchirait avec ses canines tant qu’il s’agissait de chair humaine, par conséquent il y avait peut-être moyen de s’arranger pour transformer la menace en soutien. Un mince sourire qui n’avait rien de rassurant étira les lèvres de Dakota qui se leva avec lenteur avant de sortir de la pièce en trainant le loup derrière elle à l’aide de ses serpents.

- Je reviens, lança-t-elle simplement par-dessus son épaule sans un regard pour ses compagnons.

Une fois sortie de la salle d’attente elle parcouru vingtaine de mètres dans le large couloir sur lequel elle donnait. Une fois sure que personne ne l’avait suivi ou ne tentait d’écouter leur conversation elle s’adossa au mur lambrissé et redressa le jeune homme en rétractant ses serpents de manière à ce que leurs visages soient à la même hauteur. Par mesure de prudence elle respecta tout de même une distance de 40 cm entre eux, on ne pouvait pas lutter contre sa nature.

- Écoute… Castiel c’est ça ? J’ai une proposition pour toi. Tu n’as pas envie de rester éternellement ligoté, pas plus que je n’ai envie de te trainer derrière moi comme un boulet. Je pourrais demander au maire de m’occuper de ton cas mais j’ai d’autres projets pour toi.

Bien, mal… ce n’était que des notions vides de sens pour Dakota. On faisait ce qu’on devait faire voilà tout, peu importe qu’il faille en parallèle sauver des vies ou en briser d’autres tant qu’on y trouvait son intérêt personnel. Le cannibalisme du rouquin ne lui plaisait pas, c’était une arme à double tranchant mais ça ne changeait rien au fait que ça faisait de lui une arme de dissuasion. Et on n’était jamais assez armés à Dreamland.

- Je te propose un marché. Je te libère, je fais en sorte que tu puisses « manger » sans te faire lyncher ou arrêter et en contrepartie tu nous serviras de garde du corps. A attaquer des gens dans les rues tu seras mort dans la journée, dans quelques jours tout au plus si tu fais preuve d’un minimum de prudence. J’ai les moyens de sécuriser ton régime alimentaire si tant est que tu acceptes de faire ce que je te dis, d’attaquer ceux que je demande mais surtout de ne pas toucher à mes compagnons.

Elle n’avait pas prononcé le mot « ami » et c’était volontaire. Seul James répondait à ce qualificatif.

- Accepte ou refuse, mais sache que si tu acceptes et que tu trahis je ferais en sorte que ta mort soit lente et douloureuse, un rictus mauvais passa comme une ombre sur son visage opalin, Et le mal qui se diffuse dans ton bras te convaincra sûrement de ma franchise sur le sujet.

Spoiler:

Jake se sentait quelque peu perdu dans ses pensées. Ce personnage d'ordinaire timide avait laissé cette timidité de côté pendant quelques jours, mais elle reprenait le dessus et l'enfermement progressif dans ses pensées était déjà bien avancé. C'était un peu une spirale infernale dont on ne pouvait pas vraiment se sortir. Si on déprimait, on s'enfermait, et si on s'enfermait on déprimait encore plus, et ainsi de suite jusqu'à la découverte d'une idée revigorante ou jusqu'au suicide pur et simple. Mais Jake tendait plutôt vers la stagnation éternelle et aux pleurs. Heureusement Sydney essayait de le revigorer à sa manière, et cela marchait un peu, et Jake perdit au moins 10 stades de dépression sur 30... Mais ce fut James qui libéra véritablement Jake.

Son esprit un peu enfantin était agréable, et rien que son visage en face de lui était sympathique. Il aimait ce regard certain, et rit à l'évocation de Castiel et de son sort. Il vit aussi ses joues s'empourprer lorsqu'il lui fit une accolade. C'était si bon d'être dans les bras de quelqu'un qu'on aimait bien de nouveau. Ce câlin réconforta Jake, et ce dernier s'essuya les joues pour enlever les traces des larmes. Il prit un sourire un peu gêné d'avoir pleuré, et rendit le câlin à James. Il avait envie que ce moment dure pour toujours.

-Ouais on peut bien laisser Castiel derrière. Désolé, j'ai du avoir l'air con quand j'ai fait cette crise horrible. J'ai l'impression d'être un gros gamin... Merci James...

Il prononça ces paroles tout doucement, si bien que personne d'autre que son ami ne pouvait entendre ses paroles. Cela lui faisait du bien d'avoir quelqu'un qui vous réconfortait. D'ailleurs, James lui avait aussi permis d'avoir moins mal aux yeux en l'amenant à une fontaine après l'assaut mutuel entre Sydney et Jake. Il se rendit compte que finalement, James était attachant, et qu'il l'aimait bien. C'était sûrement un ami qu'il allait garder longtemps, enfin il l'espérait.

Au même moment, Dakota entraînait Castiel dans un autre pièce... Pourquoi, on le saurait sûrement bientôt, mais Dakota ne reviendrait pas blessée, elle était puissante! Enfin il espérait que Castiel ne le fut pas plus, sinon c'était fichu pour passer un meilleure journée. En tout cas Jake savait que son amie aux serpents savait bien ce qu'elle faisait, avec sa légendaire attitude hyper mature et provocante. Elle était un bon chef d'équipe en gros, et elle savait mener sa troupe à la baguette.

Jake espérait qu'il n'y aurait pas trop de conflits avec Sydney aussi, parce que ça pouvait tourner très très rapidement au désastre! Et ça i l'avait déjà bien expérimenté avec le spray et la lame magique! Il était dangereux si on n'était pas ami avec lui. Heureusement pour lui, il avait instauré une bonne relation de confiance avec lui depuis le jour d'avant. L'Océan redevenait calme. Peut-être était-ce le calme avant la tempête, ou était-ce juste un mirage qu'on voyait depuis leur navire? Cela restait à déterminer.

Il était évident que Sydney avait trouvé une corde sensible, un sujet que tout le monde ne semblait pas apprécier. La preuve était la réaction de chacun : c’était tellement évident qu’ils cachaient des choses… Si évident !
Le seul à qui on ne demandait rien – et qui n’avait surement rien à dire, de toute façon – était ce dénommé Castiel… Jouissant de son point de vue extérieur à l’affaire, il se gaussait tout seul. Étonnamment, juste après que Syd’ eut parlé. Il se moquait de lui, mais pourquoi ? Qu’avait dit le pirate de si stupide au point de déclencher l’hilarité ? Si le cannibale pouvait s’estimer heureux de sa position d’intouchable temporaire, il devrait s’expliquer un jour ou l’autre !

Profitant de l’occasion pour l’enfoncer d’avantage, Dakota lança une énième pique en direction du corsaire.
- Ma para-… Ah ben voilà, on y est ! Quel argument décoiffant, waouh ! J’en reviens pas. Au lieu de m’insulter, tu devrais d’abord te demander qui est le parano’, ici !
Mais bon, je suppose qu’à 12 ans on ne sait rien de tout ça. Si ça te plait de penser que je suis un barjo comme vous tous, eh bien vas-y. Ça me passe bien au-dessus.

Cet éternelle insulte, le leitmotiv de sa vie… A croire que tout le monde se passait le mot plus ou moins inconsciemment pour l’influencer, lui faire croire qu’il était réellement fou ou une autre idiotie du genre.. Non, il savait des choses ; il connaissait des vérités dérangeantes, voilà l’explication. Alors ces idiots bornés tentaient vainement de le discréditer, c’était aussi simple que ça. Tous les grands hommes ont un jour vécu cette expérience. *Je suis sain d’esprit, moi ! Et ce n’est pas une fillette comme toi qui réussira à me faire croire le contraire. Moutonise ta petite troupe si ça t’amuse, mais moi tu ne m’auras pas, et c’est ça qui te dérange, tu le sais aussi bien que moi.*

Quand bien même il savait cette accusation calomnieuse, le capitaine au bandana ne pouvait s’empêcher de se sentir mal. Il regarda ses compagnons les uns après les autres… Et il sut qu’il avait déjà perdu le combat. Ces regards furtifs qu’on lui lançait, ces mensonges qu’ils pensaient si haut que lui-même les entendait… Dakota avait réussi son coup : elle venait de le faire passer pour un paranoïaque auprès de tout le monde ! La frustration et la colère montèrent en flèche mais Syd’ fit tout ce qui était en son pouvoir pour se contrôler. Un seul saut d’humeur, un seul faux pas et c’était la validation automatique de la thèse de cette fillette sans cœur.

Pourtant il devait trouver un moyen de démentir, de discréditer cet odieux mensonge ! Sur ce coup-là il était seul, comme toujours. Même Jake avait de quoi douter de lui, de toute façon.
*Je sais bien, ce que vous pensez, tous : je suis vaincu et Dakota est couronnée chef de groupe, hein ? Vous verrez. Vous verrez, un jour, à quel point vous avez tort. Vous ne pourrez pas dire qu’on ne vous a pas prévenu.*

Le visage fermé, bras croisé, Sydney fit mine de ne pas se préoccuper de l’absence de la phobophobe. Il avait une furieuse envie de la suivre pour savoir ce qu’elle manigançait avec leur ami mangeur de chair… mais elle était surement trop rusée pour aller dans un endroit d’où elle pouvait être espionnée. Rien qu’à voir le long couloir qui donnait sur la salle d’attente, il aurait fallu être invisible pour ne pas se faire repérer.

Mais quelque part, ça n’était pas si mal… Elle l’avait pourri ? A son tour de la pourrir. Et puis il lèverait le voile sur ces sombres secrets, il s’en faisait la promesse.
- Elle va aux toilettes ? C’est assez étrange, vous ne trouvez pas ? Moi quand je veux un peu d’intimité, je n’emporte personne. Il marqua une pause pendant laquelle il fit mine d’écouter, des fois que la fillette soit revenue sur ses pas. Rien ; il continua :
- James, Jake… Je sais que vous n’êtes pas stupides, alors na la laissez pas vous embobiner : elle sait que je sais qu’elle mijote quelque chose. Je vous parie tout ce que vous voulez que si vous sortez, vous la trouverez en train de comploter avec notre ami Castiel.
Alors évidemment, elle me traite de parano’, comme ça mes arguments ne valent plus rien… logique. Méfiez-vous de ceux que vous croyez connaitre, c’est tout.

Il était plutôt fier de son coup : ça ne faisait peut-être pas totalement le poids face à l’accusation de Dak, mais au moins il avait très certainement semé le doute. C’était Dakota, la suspecte, pas lui ! Alors il ferait son possible pour qu’il l’entraine avec lui si jamais il devait déchoir.
Pas besoin d’avoir du poids pour répandre des couleuvres ; ça serait un duel entre elle et lui.

Dans le bureau, on entendait du bruit. La « réunion » ne tarderait pas à prendre fin, ce qui signifiait que le maire les recevrait dans peu de temps – à moins qu’il ne décide de les ignorer purement et simplement. Non, c’était trop franc, trop direct. Si telles étaient ses intentions, ce dernier ne pouvait pas se permettre ce genre de comportement. Mais son apparente sagesse et ses sourires mielleux ne tromperaient pas le corsaire, jamais.

- C’est drôle, la première fois qu’on est entré ici, tu nous es tombé dessus, Jake. Ça te fait quoi, de penser à ce petit ‘retour aux sources’ ? Beaucoup d’eau a coulé sous les ponts, depuis. J’espère que vous pourrez écouter avec une oreille un peu plus critique, cette fois-ci. *En espérant qu’un autre voyageur ne se matérialise pas à nouveau en plein milieu de la conversation…* Mais ça, ce n’était pas la préoccupation première du paranoïaque. Il attendait de pied ferme le retour de la blondinette, pour voir l’effet de sa petite intervention. Ca serait encore mieux si elle revenait avec Castiel libéré. Les soupçons s’enracineraient alors profondément dans les esprits de ses deux compagnons, exactement comme le pirate l’avait prévu.

En parlant des deux zigotos, Syd’ commençait à se poser des questions. Soit ils s’étaient liés d’amitié – et quelle amitié ! – très vite, soit il y avait baleine sous gravillon… C’était assez déstabilisant, en somme, mais ça pouvait jouer en sa faveur. Seul le futur dira s’il avait eu raison ou non.