Les Serveurs de Noël au service de la magie

Accoudé au bar, Sydney écoutait le morceau qu'avait choisi d'interpréter Jake en se laissant imprégner de la musique. Si avec ça il ne gagnait pas le défi de l'autre hurluberlu, alors personne ne le pouvait ! D'ailleurs le mage musicien ne demanda pas son reste puisqu'il fut interrompu par Abel, que Syd ne remarqua qu'à la dernière minute.

Le mage mystérieux qui était intervenu suite à la manifestation houleuse de Jules se leva et en moins de temps qu'il n'en fallait pour dire "ouf", le bar était d'une propreté éclatante, parfaitement ordonné. D'où plusieurs questions : pourquoi faire ça alors que c'était le travail initialement prévu pour le trio de voyageurs, et pourquoi ne l'avoir pas fait plus tôt dans la soirée avant la 'vague' ? La conclusion était simple : on finissait leur boulot. Ou plutôt, on l'abrégeait.

Les soupçons du pirate furent bien vite confirmés lorsque le patron leur tendit à chacun une bourse anormalement remplie. "Premier et dernier jour", ça voulait dire ce que ça voulait dire. Ils étaient virés, et la décision semblait irrévocable ; d'ailleurs Syd n'avait pas vraiment envie de discuter là-dessus, déjà content de s'en sortir indemne.
Il écouta les reproches que le boss leur fit, saisit la bourse qu'on lui tendit et quitta le bar sans rien dire. Mitigé entre frustration et peur, il ne savait pas à quel saint se vouer.

On leur avait jeté un sort, hein ? Mais QUI ? et POURQUOI ? Là encore, ça ne faisait pas l'ombre d'un doute ; tout se tenait et faisait désormais sens. Il faudrait se méfier comme jamais...
Sur la pas de la porte, le corsaire se retourna et vit la neige qui tombait autour d'Alexander, comme si un nuage sombre s'était formé au-dessus de sa tête comme dans les dessins animés. Empruntant le chemin inverse, Sydney vint poser une main amicale sur l'épaule de son ami bien que le geste fut hésitant.

Le silence dura quelques secondes durant lesquelles quelques flocons venaient s'écraser contre le dos de sa main avant que Syd' ne se décide finalement à encourager ses compagnons à s'en aller. Il n'y avait plus rien à faire ici, de toute façon.
Une fois à l'extérieur, le pirate retira son cache-oeil pour l'observer, mélancolique.
- C'est encore plus pervers que je ne l'avais pensé. Il ne s'est pas moqué de nous sur le salaire mais ce job... C'est comme donner une sucette à un enfant pour le simple plaisir de le regarder pleurer en la lui reprenant.
Il serra le cache-oeil dans son poing avant de le fourrer rageusement dans sa poche. Pirates !! Ils m'ont bien eu.

Le point positif, c'était qu'ils avaient à présent assez d'argent pour payer l'hôtel pendant un bon petit laps de temps mais rien n'y faisait : l'idée de se retrouver au chômage quelques heures après avoir trouvé un emploi était éprouvante pour les nerfs.
Il sortit de sa poche la copie de son contrait désormais caduc pour y chercher la moindre faille... Sans succès.
Le patron se réservait le droit d'écourter la durée de la phase d'essai comme il l'entendait et c'est ce qu'il avait fait. Or il n'était nulle-part fait mention d'un cas particulier compensant les malédictions magiques. On était pourtant dans une ville de mages, non ? Les sorts dangereux devaient être l'apanage de la population, alors pourquoi si peu de précautions à cet égard..? Encore une fois, l'administration faisait preuve d'une sempiternelle discrimination envers les plus démunis ! Abject !!

- Bon les enfants, j'en ai ma claque pour aujourd'hui. Je sais pas vous, mais moi je rentre à l'hôtel. lança-t-il à qui voudrait l'entendre avant de se mettre en marche.
Comme par hasard, lorsqu'ils entreraient dans l'auberge, il n'y aurait aucune trace de la vague d'ivrognes qu'ils avaient eu à subir dans la soirée, nooooon, normal !
"Comme par hasard"... Seulement on ne ferait pas gober ça à Sydney Miles. Il avait sa petite idée quant au responsable de cette journée peu concluante et comptait bien mener sa petite investigation.

Dans le doute, Sydney quitta ses pensées paranoïaques pour scruter dans la pénombre un quelconque signe de vie ; peut-être James les avait-il attendus dans un coin et se manifesterait, maintenant que le service était fini ? Non, toujours rien. Et il était hors de question de s'aventurer dans les ruelles de Gloutoniskaïa de nuit ! Ça attendrait demain. Ou plus tard.

Jake s'attendait quand même à des applaudissements, des roses et aussi des autographes! Mais rien de cela ne se passa. Tel un paradoxe, un effet opposé se montrait. Il était donc viré dès le premier jour ... Les amis avaient quand même étés payés, mais la honte que ressentit le thermoréactif fut immense. Non seulement il s'était ridiculisé au piano, pensant que cela allait lui attirer tout le bien du monde, mais il s'était aussi fait ridiculiser par le patron. Et puis c'était pas de leur faute si tous les fous de Gloutoniskaïa s'étaient rassemblés aujourd'hui dans un des nombreux bars de la ville. Les sentiments que Jake et ses amis éprouvaient étaient visiblement semblables, et tous étaient fatigués.

Cependant, il se sentait humilié, et il avait besoin de passer sa rage sur quelque chose. Il prit la bourse qu'Abel lui tendait, se changea en cuir/topless, ramassa ses affaires, ne prit pas la peine de lâcher un merci, et sortit du bar. Personne ne l'attendait, contrairement à ce qu'avaient dit les évènements de la journée, mais il avait l'impression que tout le monde le regardait, tel un monstre. Il prit quand même le temps de compter l'argent qu'il avait reçu, et à sa surprise, il n'y avait pas 201 rubz comme dit, mais 306 rubz. Peut-être que le patron avait craqué sur lui? Qui sait... Mais Jake n'avait pas la tête à ce genre de conneries.

Il s'approcha d'un stand de vêtements qui allait fermer, pour essayer de ne pas être topless tout le temps. Un beau sweat à capuche attira particulièrement son attention, et le satisfit entièrement. Il tendit les 35 rubz au vendeur, et contempla ce beau sweat-shirt blanc, et surtout l'inscription en lettres noire au devant "Sorry girls" et au dos: "I only date Boys". Il le mit rapidement, un sourire aux lèvres, et repartit plus sexy que jamais à l'hôtel, et s'incrusta dans la chambre d'Alexandre et de Sydney.

-James est plus là, et j'ai pas envie de dépenser un fortune, bonne nuit!

Il finit les ferrero cailloux et garda la boite, finit le chocolat plus si chaud que ça, s'installa dans le canapé de la chambre sans savoir si sens amis consentaient ou pas, et tomba dans un sommeil profond.

Alexander s'était endormi sur le lit, sans s'en rendre réellement compte. La fatigue et la dépression l'aidant.
Puis soudainement, il se réveilla... Dans une salle qui lui était inconnu. La chambre de l'hôtel était verte... Et ici, tout était blanc... D'ailleurs, il se sentait à l'étroit.
Et les bips sonores qu'il entendait le stressait. Et puis, il sentait des tubes, ou quelque chose du genre qui l'
emprisonnait. Il regarda autour de lui.

il se trouvait dans une ambulance. Deux ambulanciers l'entourait. Apparemment, ils avaient remarqués qu'il s'était réveillé, puisqu'ils essayaient de lui parler. Tout du moins, il supposait. Il ne comprenait pas trop.
Enfin il commença à comprendre.

- Monsieur, vous allez bien? Quel est votre nom?

Alexander sentait sa bouche pâteuse, mais il répondit lentement. Il écoutait les battements de son cœur. Faible.
Puis il regarda les infirmiers. Ils étaient seuls.

- Que m'est-il arrivé? Pourquoi suis-je ici? D'ailleurs, ou suis-je?

Les infirmiers se regardèrent. Pourtant, sa question n'était pas bien difficile! Il n'aimait guère ce silence évocateur.

- Monsieur... On vous a retrouver dans une maison vide, en sang, étalé sur le sol. C'est la femme de ménage qui vous y a trouvé. On vous a fracassé le crâne, et vous étiez dans le coma.

Dans le coma? Puis il se rappela les circonstances dans lesquels il était revenu à Gloutoniskaïa.... Il se rappelait comment Liam l'avait frappé. Ainsi, cela avait été à ce point-là? C'est cela qui l'avait mené dans le monde? Mais alors... Comment cela se faisait-il que ce soit la femme de ménage qui l'est trouvé?

- Cela fait depuis combien de temps que j'étais dans le coma?

Les ambulanciers se regardèrent à nouveau. Bon sang, qu'allait-il encore lui répondre? Il lui donnèrent le chiffre, et sa mine se décomposa. 8 heures au moins sans aucun secours?!? Et les autres l'avaient abandonnés... Ainsi, il ne pouvait faire confiance à personne?
La douleur revenait au galop, et son crâne était sur le point d'exploser. Il se sentait partir. Il parla aux ambulanciers d'une voix faible, avant de sombrer a nouveau dans le coma.

- Ne dites rien... à Henry....

Lorsqu'il se réveilla, il se retrouva à nouveau dans l'hôtel. Il se leva, et regarda Sydney et Jake. Puis il se remémora ce qu'il s'était passé.
Il était persuadé qu'il n'avait pas rêvé. Et si tout cela était vrai, il lui faudrait changer d'attitude. Et il ne comptait plus accorder sa confiance aussi facilement.
La chouette apporta le journal. Il le prit, et commença à le lire, attendant le réveil de ses compagnons, pour leur expliquer la suite des opérations.
Il espérait juste que son père allait bien....

[HRP : désolé, le pirate n'est pas très causant, ce matin :3]
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La petite troupe était visiblement démoralisée et c'est d'un pas lent que le pirate franchit le seuil de l'auberge. Si au début de la journée ils avaient quitté leur chambre peut-être un peu anxieux mais content d'avoir trouvé un job, ils revenaient avec des têtes de dix pieds de long sous le regard de l'aubergiste qui haussa un sourcil.
D'ailleurs s'ils voulaient rester ici pour la nuit, il faudrait payer et se diviser la somme en deux ou trois nécessitait de tergiverser, attendre que chacun sorte sa bourse, et cætera.

Sydney, qui ne se sentait pas la patience d'attendre, se dirigea vers le propriétaire des lieux pour régler la somme complète ; Jake et Alexander le rembourseraient ou pas, il n'avait pas envie d'y réfléchir non plus. Bien qu'il n'ait pas mangé à midi, le corsaire n'avait pas faim pour autant, la seule satisfaction de quitter cette atmosphère où flottait les relents d'alcools qu'était le bar lui suffisait, à moins que ça ne soit l'empressement de se cacher, de fuir Abel pour ne plus jamais avoir à l'affronter en face. Oui : il avait honte, quelque part.

Il monta les escaliers menant aux chambres en repensant à tout ce qu'il avait fait pendant la journée, esquissant un rictus gêné lorsqu'il se remémorait des actions qu'il n'aurait jamais fait s'il était resté seul. La foule rend les gens stupides et même s'il le savait, Sydney s'était laissé emporter, n'avait su suivre ses propres principes... Déplorable.

Chacun retrouva sa chambre ou du moins c'est ce que pensait Syd' avant d'ouvrir de grands yeux sur Jake entrant, argumentant, mangeant, buvant, se couchant, dormant. 30 secondes à tout casser et il s'était fait une place, comme ça... Incroyable. Intense.
Le paranoïaque haussa les épaules avant de retourner à ses affaires. Assis sur son lit, il jeta sa bourse dans sa hotte. Comment pouvait-on aimer le contact de cet argent à peine mérité ? Mais ça n'était pas son problème, dans le fond... On lui donnait juste l'illusion que si. L'homme est ainsi fait que l'empathie est un poison pour lui. Le patron les renvoie en leur donnant une grosse bourse bien remplie pour passer pour le gentil, et eux les méchants. Ça ne devrait même pas l'étonner et pourtant, Syd' s'était pris à espérer que Dreamland serait différent. Encore une fois il tombait de haut.

Il passa un bon moment perdu dans ses pensées, ne remarquant qu’après une vingtaine de minutes qu’Alex aussi s’étaient endormi. Tant mieux, ça lui était beaucoup plus facile de s’endormir sans craindre quoi que ce soit venant de ses camarades de chambre. Il était maintenant le seul à être encore éveillé mais si la fatigue se faisait sentir dans son corps, son esprit rechignait à laisser Syd s’endormir tranquillement. Il se força pourtant et sombra finalement dans un sommeil profond mais sans rêves.

Lorsqu’il se réveilla, Sydney savait que la journée qu’il allait vivre serait d’une couleur autrement plus fade que lors de ses premiers pas à Dreamland. Maintenant ça se résumait à : un autre jour à Gloutoniskaïa – encore. Le maire prenait vraiment son temps pour les autoriser à partir au point que ça devenait louche. Ça n’était certainement qu’un prétexte pour les maintenir captif ici de toute façon, mais ça plus la désillusion de la veille ; le corsaire croyait de plus en plus au complot organisé.

Il ouvrit les yeux, soupira longuement et se décida à s’habiller. Alexander était déjà debout. Depuis combien de temps !? Qu’est-ce qu’il faisait à ne rien faire, comme ça ? Oh.. encore des questions, toujours plus de questions… Dès le matin, c’est atroce. Soit les nouvelles étaient abominable, soit le manchot n’était pas dans son assiette ce matin, mais ça n’était pas le boulot de Syd’ de lui demander pourquoi. Il laissait le social aux autres ; à Jake, tiens. Si ça l’amusait, lui, eh bien qu’il s’en charge.

D’ailleurs ce dernier dormait encore quoiqu’on puisse penser qu’il soit sur le point de se réveiller. Peu envieux d’entamer une discussion matinale – ce qui est pour Syd, rappelons-le, inconcevablement désagréable – le pirate chercha dans sa hotte quelque chose pour l’occuper ; tiens, le thermos de chocolat ferait l’affaire. Ca ne valait pas un café mais c’était déjà ça.
Une fois sa bouche débarrassée de l’haleine de chacal, cadeau de chaque matin, Sydney se leva et quitta la chambre dans un grognement à mi-voix qui se voulait être un « je vais en bas », tant pis si personne ne l’avait compris, et de toute façon lui, il ne comprenait personne alors comme ça..

Au rez-de-chaussée, peu de monde à part le patron et deux ou trois personnes profitant de leur petit déjeuner. Répandre sa mauvaise humeur n’étant pas la meilleure chose à faire, Sydney alla s’asseoir à la même table où il était allé s’installer la veille. Les habitudes sclérosantes : voilà ce qui rassure. Avoir son petit train-train sans être dérangé par qui que ce soit… Il ne demandait pas grand-chose, que diable ! Alors pourquoi fallait-il qu’à chaque fois on vienne perturber sa quiétude… D’ailleurs qui s’en chargerait aujourd’hui ? Qui serait l’heureux élu..?

Jake se réveilla doucement, encore dans ses pensées, sans rouvrir les yeux ni bouger de son canapé, et ne se souvint même pas que Sydney et Alexander furent dans la chambre. C'est pourquoi il céda à ses réactions habituelles: se gratter la barde de trois jours qu'il avait acquis, se gratter les fesses, faire des bruits bizarres parce qu'il se sentait en confort et surtout, tomber du canapé parce qu'il n'avait pas l'habitude de dormir dans un canapé...

Dès le choc contre le sol, il sortit de sa rêverie momentanée, et se concentra sur la situation présente. Il y avait Sydney qui descendait au rez-de-chaussée et Alexander qui restait sur son lit. Il n'eut pas mal, mais il se demandait pourquoi il avait ce nouveau sweat shirt. Et il se rappela qu'il était arrivé dans un monde étrange et magique: Dreamland. Il se souvenait alors qu'il ne s'était pas lavé depuis deux jours, et se rendit compte qu'il schlinguait totalement, et que c'était un calvaire de sentir ses aisselles. Il fallait économiser pour acheter un déo. Prendre soin de soi c'est capital, mais là c'était de l'abandon total, et Jake était en mode faune sauvage dans la forêt Amazonienne.

-Tu vas m'excuser Alexander, je crois que je vais prendre un douche, je vais finir par tuer quelqu'un avec cette odeur... fit-il en se traînant jusqu'à la douche.

Douche chaude au programme, Jake retira ses vêtements, c'est à dire son mode sweat, son pantalon de cuir et son magnifique caleçon CK qu'il adorait plus que tout. Il tourna le robinet de la douche et laissa couler de l'eau chaude, voire brûlante, comme il aimait bien le faire. Il se mit sous la douche, les vapeurs d'eau commençant déjà à envahir la pièce, et à réchauffer l'atmosphère.

Il se lava soigneusement les cheveux, puis commença à se nettoyer le corps. Pendant qu'il admirait et lavait ses pectoraux et ses abdominaux, il sentit tout d'un coup la rage monter en lui. Mais cette rage qui bouillait fut estompée par la situation intrigante qui suivit: Le cheveux de Jake prirent feu, mais l'eau rentrant en contact avec les flammes fit faire s'éteindre les flammes et faire de la vapeur d'eau en grande quantité. Mais les flammes se rallumaient en la salle de bain fut totalement plongée dans la chaleur et le brouillard. C'est pourquoi Jake ouvrit tout de suite la fenêtre, car la buée, c'était beau, mais ça saoulait!

La douche se conclut donc en état à peu près normal et Jake retrouva une hygiène impeccable comme il aimait bien le faire. Il se rhabilla comme la veille au soir et s'assit sur le canapé, en face d'Alexander, se demandant pourquoi il avait l'air tellement stressé et pensif. La réaction qui allait suivre pourrait être agressive, mais il fallait se préparer à tout pour subsister dans ce monde cruel.

Tu voulais me parler beau gosse? fit-il, dans l'espoir de retrouver son assurance (peu) légendaire, et de paraître plus viril.

Il espérait ainsi détendre le climat, mais c'était un peu à double tranchant. Si cela passait il avait fait un epic win, mais si cela ne passait pas du tout, ce serait pire qu'un epic fail ... De toute manière, ne rien dire aurait été pire. Néanmoins, une belle journée pleine de soleil s'annonçait au vue de la beauté de la vision qu'on pouvait avoir en regardant pas la fenêtre. Cela réconforta Jake, et surtout lui mit la pêche pour faire cette journée, et peut-être trouver un autre boulot...

Alexander regarda les autres se lever. Si ce paranoïaque de Sydney ne lui avait adressé aucune parole, descendant prendre son petit déjeuner comme un simple automate, Jake lui racontait encore une fois des choses étranges... D'ailleurs, il venait de se rendre compte: que foutait-il dans leur chambre? Si cela se trouve, c'était lui la taupe du Marchand de machintruc. De toute façon, il en avait plus rien à carré.

Alexander eut cependant un peu de loisir à réfléchir. Il allait partir, ça oui. Faire un tour dans la ville, puis après, il allait peut-être partir ailleurs. Le plus loin possible. Il allait se frayer un chemin seul à travers ce monde, et trouver un moyen de revenir chez lui. Mais avant, il allait retrouver Liam Baldwin, et tout ceux qui l'avait abandonné. Il allait leur apprendre ce qu'il en coutait de le laisser comme ça.

Oh non, il n'allait plus jamais se laisser marcher sur les pieds. Il allait leur montrer qu'il avait une poigne... De glace. Il frissonna à cette pensée. Oui, il allait montrer que il n'était pas si inutile que cela. Qu'il était dangereux.

Jake revint, et lui tint des propos plus tendancieux que jamais. Si Alex pouvait avoir un doute avant, maintenant, il n'en avait plus aucun.

- Je ne t'ai jamais demandé. Je ne te demanderais jamais. Et je ne sais même pas pourquoi je vous fais confiance. Vous allez faire comme tout les autres.

Sur ces mots, il descendit, rejoignant Sydney. Il le laissa tranquille un moment. Puis, il se lança.

- Je vais vous abandonner ici. J'ai eu ma réponse, cette nuit. Et je ne vous aiderais pas en restant avec vous. De plus, je n'ai guère envie de faire confiance aux gens, maintenant que je sais.

Il attendit un instant, que Sydney comprenne chaque mots, chaque syllabes. Le matin devait être difficile.
Il se dit cependant qu'après tout ce qui s'était passé entre eux, il pouvait peut-être faire un geste.


- Si je retrouve Dakota avant vous, je la préviendrais. Je compte faire un tour dans la ville avant de partir. Et puis, j'irais peut-être la chercher. Elle sait peut-être quelque chose sur ... les gens que je cherche maintenant.

Il remonta, pour préparer ses affaires. Partir, mais pour aller ou? Il ne connaissait guère l'endroit. Puis il se rappela ses précédents achats. Il avait une carte. Il n'aurait qu'à s'en servir. Et puis, il pourrait se renseigner à Gloutoniskaïa, aussi. On l'aiderait volontiers. Puis il se rappela la glacière. Il se demandait si dans l'hôtel, il n'y avait pas une salle réfrigérante. Mais il allait lui falloir des pains de glaces, avant tout.
Il descendit avec tout son attirail. Il était prêt à partir.

L’heureux élu, ce fut Alexander qui vint aborder le pirate peu de temps après que ce dernier se soit installé à table. Avant l’arrivée du manchot, Sydney avait fait son habituel checking matinal de ce qui pouvait logiquement arriver dans la journée, des choses à faire, etc. Mais il y avait une chose qu’il n’avait pas imaginé – ou du moins plus imaginé – depuis quelques temps, et cette chose était l’objet de la brève tirade dont le frigophobe lui fit part, après un silence gêné.

Il comptait vraiment les ‘abandonner’, là, comme ça !? Il était sérieux ? Sa réponse… Quelle réponse ? La suite fut encore moins compréhensible que le reste mais le peu de mots qui étaient sortis de la bouche d’Alexander restèrent gravés dans l’esprit du corsaire qui fixait le vide, yeux écarquillés. Pour lui, le manchot venait de lui avouer qu’il était l’espion qu’il avait longtemps été aux yeux de Sydney, et ça ne faisait pas du bien. Oh non !

Tout prenait sens, désormais. Alexander qui les avait pisté jusqu’à la bibliothèque, déclenché l’attaque des scorpions, qui avait guidé le petit groupe à travers la ville selon un trajet précis en se faisant passer pour une personne de confiance ; Alexander qui leur imposait un travail pour empêcher Jake et Syd’ de penser ou de tenter quoi que ce soit pour retrouver Selene et Dakota.. James n’aurait pas été viré su Abel n’avait pas été dans le coup lui non plus. Et cette foule, ce soir-là, ça ne pouvait pas être une coïncidence. Ils avaient été mandés jusqu’au bar pour empêcher les voyageurs de retrouver leur ami schizophrène. James était probablement mort, tué par les sbires d’Alexander…
Et son absence pendant sa pause, si longue ! Ca ne révélait que trop ses véritables intentions ; ce soir-là il avait été finir le travail, se débarrasser du corps de James…

Il avait tout fait pour gagner la confiance du groupe et malgré sa méfiance, Sydney s’était laissé piéger, embobiner, empoisonner… Alex avait réussi à passer, à percer la défense, la carapace du pirate et ça le laissait sans voix. Et le manchot lui annonçait à présent qu’il allait partir, surement contacté par le Marchand de Sable durant la nuit. Alex allait partir, et alors Jake et lui seraient en grand danger ! Il… Il ne pouvait pas laisser faire ça…

Avant de repartir, le frigophobe acheva le pirate en lui annonçant implicitement son prochain objectif : trouver les filles… Et les tuer elles aussi… Pire, il allait sans doute les torturer, vu qu’il avait besoin d’informations. Qui cherchait-il, à présent ? Qu’allait-il faire, pourquoi !?

Sans mot dire, Syd’ observa Alexander remonter à l’étage, surement pour récupérer ses affaires avant de partir. Un frisson parcourut le dos du pirate alors qu’il se rendait compte que Jake était encore là-haut, tout seul. Il ne pouvait pas grand-chose pour lui à part… Oui. La dague !
Sautant sur ses pieds, le corsaire courut à travers l’auberge, tremblant, les yeux fous, la main serrée sur son coupe-papier magique.

C’était la peur qui le poussait à agir. Pas seulement parce que Jake risquait la mort, mais aussi parce que si le frigophobe parvenait à s’enfuir, alors Sydney écoperait du même sort. Il craignait que le manchot dispose d’armes ou de pouvoirs offensifs qu’il leur aurait cachés, mais il n’y avait plus le choix.
Devant la porte de la chambre, il empoigna l’objet coupant et le brandit tout en ouvrant la porte avec fracas. Le coupe-papier rayonna d’une lumière blanche qui allongea la lame jusqu’à en faire une épée dont la présence rassura le corsaire. Il avait vu à l’œuvre cet objet : sous sa forme d’épée, elle lui permettait de devenir un maître de l’escrime, suffisamment pour clouer le manchot au sol si l’envie de l’attaquer lui prenait.

- Eh, matelot ! Plus un geste ou je t’empale. J’aime pas trop les mutineries et encore moins le matin. Il fixa Alexander avec un œil noir de colère avant de passer à Jake auquel il fit signe de s’écarter. Puis, revenant au frigophobe, il ajouta :
- Depuis le début je savais que tu nous cachais quelque chose de louche… Alors tu vas tout nous expliquer. Maintenant. Je sais pas comment tu as fait pour m’embobiner comme ça ; je sais pas pourquoi tu as fait ça mais une chose est sûre : je te laisserai pas nous faire de mal ! Jamais !

Pour se rendre plus impressionnant et aussi pour faire comprendre à tout le monde qu’il ne se laisserait pas marcher dessus, Sydney fit quelques moulinets d’une grâce mortelle avec son arme magique. Il avait été trop niais, trop naïf. Faire confiance à Alexander avait été une des pires erreurs qu’on l’avait convaincu de faire et maintenant, ils en payaient tous le prix. La prochaine fois, peut-être qu’on écouterait le pirate, hein !?

Du bout de la lame, Sydney désigna le lit d’Alexander pour que ce dernier aille s’y asseoir. Il le regardait de haut, la colère ayant presque pris le pas sur la peur. Qu’est-ce qui le retenait de le décapiter, à présent ? Après tout il était dangereux ! C’était peut-être le fait de l’avoir vu pleurer l’avant-veille ? Ou bien ces moments qu’ils avaient partagés ? Mais tout cela était fini, pire même : tout cela était factice. Inventé de toute pièce, joué avec maestria par ce traitre pour les amadouer avec la pitié.

C’était révoltant, dégueulasse, immoral ! La main du corsaire se resserait sur son arme à mesure que l’envie lui prenait de la planter dans le corps de cet infâme espion.
Le plaidoyer ne lui plaisait pas. Il entendait tout sauf ce qu’il voulait. Un tissu de mensonges, un ramassis d’ânerie. La seule vérité absolue qu’il attendait de la part d’Alexander était cette phrase : « je suis un espion, un traitre. ». Or cette phrase ne venait pas et ça l’énervait de plus en plus.

D’une voix anormalement froide, Sydney parla lentement en prenant bien soin de faire comprendre son message au sbire du dieu de Dreamland :
- Je ne te laisserai jamais partir, est-ce que c’est clair ? C’est toi ou moi et le choix est vite fait. Je te laisse une chance… Une dernière chance d’avouer. Sinon je plante et je te laisse te noyer dans ton sang !

Bref, on était dans une ville magnifique avec des choses magiques, des gens sympas (sauf au bar bien sûr ...), il faisait bon, voire assez chaud mais c'était convenable. La journée d'hier avait été bien satisfaisante, même si fatigante, le matin était magnifique et la douche avait rendu Jake bien heureux. En tout cas tout était PARFAIT pour commencer une journée totalement NORMALE avec pleins de magie amusante et une perspective d'un nouveau job. Enfin rien, mais RIEN ne pouvait annoncer ce qui allait se passer devant les yeux ébahis du pauvre exhibitionniste... on va dire du pauvre Thermoréactif.

Première partie: Alexander était d'humeur massacrante et était totalement méprisant... Cela heurtait Jake qui ne s'attendait pas a une telle réaction. Franchement c'était bâtard, mais ça passait encore, enfin pas de quoi trop halluciner. En plus Jake n'avait pas été méchant! C'était totalement injuste et fourbe, et il avait espéré mieux de la part de l'homme-glaçon.

Et ce dernier descendit directement les escaliers sans même attendre la réaction de Jake, ni même prendre le temps de voir le sourire du beau mec en cuir se décomposer totalement en une expression fermée. Même son regard plein d'émotion avait perdu toute joie.

Enfin, c'était chiant, mais l'homme des températures n'était pas encore triste, mais il était touché, et Dieu sait qu'il était susceptible à mort. Bref, ça commençait mal. Par contre il fallait ne pas s'abandonner dans ses réflexions sinon ça allait mal tourner, c'est pourquoi Jake se mit à ranger sa hotte qui était assez remplie d'ailleurs. Un fois que la hotte était finie d'être rangée, et le paquet de fererro cailloux vide jeté à la poubelle, Jake voulut mettre ses écouteurs pour se noyer avec de la bonne humeur dans la musique, mais la suite des évènements ne lui permit pas de faire cela.

Deuxième partie: Alexander était à présent remonté dans la chambre, rien de trop inquiétant en soi, à part que Jake ne tolèrerait pas qu'on l'insulte encore une fois! Mais ce qui se passa ensuite fut assez surprenant, mais surtout assez effrayant.

Il se savait pas se qui avait pu se passer entre Sydney et Alexander, mais apparemment ce n'était pas très amical. En effet, le pirate avait surgit dans la chambre en un éclair, brandissant un coupe papier qui se transforma en une épée! Jake demeurait ébahi. Ce n'est que quand son ami le pirate se mit à parler que Jake comprit. Alexander était vraiment un envoyé du Marchand de Sable, et ça craignait.

Tel un faucon fonçant vers sa proie, sauf que là c'était un ami, heureusement ... Jake se rangea derrière Sydney et se mit sur ses appuis au cas-où. En même temps il fallait bien faire quelque chose, vu que le pirate savait apparemment très bien manier l'arme. Même si il y allait un peu fort avec les paroles, il fallait bien avoir un moyen de pression, et puis on sait jamais, peut-être qu'Alexander n'était qu'une machine venue d'une cité robotique, ou un sort venu les attirer dans un piège infâme!

En tout cas ils étaient dans une situation dangereuse, et on allait bien voir ce qui allait se passer, mais quelque chose embêtait Jake, et c'était troublant... Si le sang coulait vraiment, allaient-ils devenir des criminels? Si c'était un artifice, allait-on les guillotiner, les emprisonner ou les torturer? Qu'est-ce qu'il adviendrait dans ce monde si quelque chose de tragique se passait? Et dans un cas échéant, si Alexander était réellement un voyageur et que toutes les choses se simplifiaient, le calme allait-il retomber? parce que c'était bien parti pour la dispute, voir le tabassage avec un lien rompu à vie. Et qui sait les conséquences que cela pourrait engendrer?

-Merci de me protéger, souffla-t-il à l'oreille de Sydney.

Alexander ne fut que peu surpris par la réaction de Sydney. Ce type était déjà malade de base, alors...
Mais l'arme qu'il sortit le surprit. Ainsi, il était dangereux.... Très bien, peut-être était-ce Liam qui l'avait envoyé pour " finir le boulot" .... Et il était tombé par hasard sur lui. La malchance....

Mais apparemment, c'était surtout car il s'inquiétait encore trop... Il flippait d'une " mutinerie"... Il jouait définitivement trop au pirate lorsqu'il était petit! Il faudrait qu'il arrête, un jour. Puis il réalisa qu'il n'était sans doute pas en position de réfléchir à ce genre de choses.

Ce qui était étonnant, c'est qu'il avait l'air doué en escrime... Avait-il eu des cours? Avait-il vraiment été un pirate, par le passé? Ceci expliquerait cela. Mais ... Il était vraiment peu plausible que ce soit un ancien pirate. A moins qu'il n'es point appris certaines choses sur cette univers étrange. Déjà, il s'était aperçu, lors de leur retour dans le monde réel, que le temps était passé moins vite qu'il ne le semblait. Alors...

Il prit place sur le lit, suite à la demande du pirate. Qu'allait-il faire? Tout lui avouer? Tenter de se débattre?
Jake apparut à ce moment, et soutint plus ou moins Sydney. Il ne comprenait rien... Il avait raison depuis le départ, il n'aurait jamais du leur faire confiance. Quoi qu'il dise, si pour eux cela risquait de changer quelque chose, pour lui, cela ne changerait rien: ils n'étaient que des moins que rien, qui ne méritait aucunement sa confiance.

La colère aidant, la gr^le tombait dru autour de lui. Ses camarades souffraient peut-être.... Et c'était tant mieux. Il fit apparaître sa main de glace. Et il commença à parler, doucement, en usant de gestuelle. Il leur expliqua tout: sa première arrivée à Dreamland, ses mésaventures Gloutoniskaïa, l'apparition de Melena, ce qui était arrivé, Techyo, et le passage chez les scientifiques, son retour parmi le monde réel et son retour à Gloutoniskaïa, puis son deuxième retour chez lui...... Et les circonstances de son retour expliqué. Il termina sur ces mots.

- Voilà, j'ai tout raconter. Pour ce qui est de cette main de glace, elle ne sert que de " prothèses", il n'était donc que peu important que je vous en parle. Elle ne dure pas longtemps. Et maintenant, je peux partir? Vous avez juste confirmé mon nouvel état de pensée... Je ne dois faire confiance à personne, dans ce monde. Vous ne méritez rien de plus que votre situation. Je vous remercie quand même pour avoir daigné me laisser la parole....

Il attendit, voir ce qui allait se passer. Il ne pouvait de toute manière pas partir....

Lentement, l’épée du pirate pointait vers le sol ; il baissait sa garde à mesure que le frigophobe continuait son récit. A chaque phrase, Sydney tentait de comprendre, d’assimiler… De se poser les questions, savoir pourquoi… Mais on ne lui en laissait pas le temps. Les informations se faisaient de plus en plus nombreuses dans un flot continu à tel point que se demander si telle ou telle chose était vraie, si elle n’était pas proférée dans le seul but de les attendrir ou les déstabiliser prenait trop de temps. Alors au final, le corsaire finit noyé, balloté par l’histoire, se laissant porter d’aventure en mésaventure…

Comment un seul homme pouvait supporter tout ça..? Tout ce qu’il venait d’entendre… Est-ce que c’était seulement vrai ? Dans le monde réel, le corsaire n’aurait eu aucun doute. Mais à Dreamland, tout ça était à priori possible mais le simple fait qu’Alexander se justifie sur son retour à la réalité de cette nuit était presque suffisant pour que Sydney passe l’éponge sur tout. C’était poignant, c’était légitime et ce type était peut-être bien différent de ce qu’avait pu imaginer le paranoïaque…

Seulement l’empressement à partir sonnait faux, dans tout ça. Ce besoin de s’éclipser rappelait immédiatement toute méfiance à l’encontre d’Alexander ; la conclusion était vraiment mal choisie. Trop rapide, trop tôt. Beaucoup trop tôt pour être sincère ou empreint de sincérité dans sa finalité. Même si quelques zones d’ombres avaient été dissipées grâce à lui, le frigophobe oubliait que dans l’esprit de Sydney, la paranoïa ne pouvait pas s’endormir aussi facilement… Après tout, s’il avait été un agent du Marchand de Sable, il aurait logiquement et sciemment caché tous les détails de ses missions secrètes !

Il était lavé des soupçons de cette nuit, peut-être aussi de ceux des jours d’avant, mais le futur restait trop incertain, trop flou. Et dans son souci du risque zéro, le corsaire paranoïaque ne pouvait pas se permettre de le laisser partir sans savoir exactement où il comptait aller.
Il voulait se réveiller ? Alors pourquoi se séparer puisque Sydney aussi ne souhaitait que ça !?
Or la séparation fut forcée, annonçant l’avortement des adieux poignants. Derrière ses paroles sensées de ne faire confiance à personne, Alex avait dissimulé une ultime insulte. Une insulte à l’orgueil de chacun ; un pied de nez à leur souffrances auxquelles il ne pouvait rien comprendre. Sydney aussi avait eu des problèmes familiaux, et même si personne n’en saurait rien pour l’heure, il eut tout de même du mal à avaler la pilule.

Sydney s’efforçait de garder un minimum de calme en ne haussant pas le ton. Il ne savait même pas s’il en aurait le courage. Il tremblait. De frustration, mais aussi de colère , paradoxalement atténuée par la l’empathie qu’il éprouvait à présent pour le frigophobe suite à son histoire.
- Quoi !? On mérite notre… situation ? On mérite ce qu’on vit, ce qu’on a vécu !? Tu-…
… Tu as raison sur un point : je ne te connaissais pas… Et tu ne me connais pas non plus. Tu ne sais rien de ce que j’endure, rien du tout ! Tu veux t’enfuir ? Rejoindre ton père ou qui que ce soit ? Eh bien vas-y. Moi aussi je veux partir de ce monde, mais là tu viens de confirmer ce que je pensais depuis le début : je ne veux pas faire ce voyage avec toi. Ramasse tes affaires et pars ! Adieu.

Sur ces mots, sur cet au-revoir qui avait miraculeusement passé la gorge nouée du pirate, ce dernier tourna les talons et quitta prestement la chambre, le poing serré sur son épée.
En descendant les escaliers, il rangea son arme qui retrouva alors sa forme originelle. Pas la peine d’alerter tout le monde en exhibant une arme magique à tout-va.
Se pouvait-il qu’il éprouve la même sensation que lorsqu’on perd un ami..? Etait-ce seulement possible ? Non, ça devait être autre chose. Un excès d’empathie ; cette chose-là vous saute à la gorge, un vrai danger.

Encore sous le coup de ce brutal point final à leur trio, le corsaire marcha un instant dans la rue pour aller s’asseoir sur un banc derrière l’auberge. Alexander ne passerait pas par-là, et quand bien même il le ferait, ce dernier n’aurait droit qu’à ce qu’il mérite : un regard plein de mépris et de méfiance. Syd’ ne le connaissait plus, ne voulait plus le connaitre. Sydney Miles n’avait jamais croisé la route d’Alexander Blizzhead. Jamais.
- Vas-y, abandonne-nous. Tu es bien comme les autres ; tu ne vaux pas mieux, Alexander. rumina-t-il en serrant les poings.

Posant ses bras sur ses genoux, le pirate resta là à regarder le sol sans réelle conviction, sans réelle envie de bouger. Que faire, à présent ? Comment prendre la relève de ce traitre qui jusque-là avait su prendre l’initiative et guider le groupe ? Boh, il y aurait bien une solution en temps voulu. Et puis il n’était pas seul, il y avait Jake, aussi.

Mais Syd pouvait-il réellement faire confiance à l’homme torche ? Sous l’effet du feu il était violent et sous l’effet du froid il rappelait trop Alexander. Assez de trahison comme ça, le pirate savait qu’il n’aurait pas la force d’endurer ça éternellement… Les seules personnes avec qui il avait réussi à nouer des liens ou bien disparaissaient ou bien le trahissaient… Ça n’était pas engageant. Ni rassurant… Et pourtant il n’avait personne d’autre, ici.

Eh bien décidément, la situation était quelque peu ... étrange, ce n'était même plus une sorte de scène tragique, mais plutôt une scène comique, car Sydney menaçait Alexander, pendant que celui-ci faisait une sorte de conférence sur lui-même avec une main de glace pour faire des gestes, comme si Jake et Sydney avaient respectivement 3 et 4 ans ... Youpi nous sommes dans le monde des bisounours! YAY! Ou pas ... Franchement, Jake ne avait l'impression qu'on le prenait pour un con. Et en plus de ça venait s'ajouter la grêle qui tombait dru ... Franchement, niveau frigo, Alexander faisait mieux de Jake, mais c'était franchement saoulant! Quoi de plus sympathique que de se retrouver aspergés de flocons et de grêle!

-Bon, ok peut-être que ton histoire est vraie, à la limite je m'en fous du moment que tu me fais pas chier, mais juste un truc: essaye de limiter la glace, hein, ça passe une ou deux fois, mais là ça fait trop. En tout cas essaye d'en faire tomber moins à l'avenir, et puis genre pas discret c'est au top. Je sais moi aussi je fais très discret, mais quand même.. la main de glace quoi .. qui se promène avec un main de glace ici? ...

Tout d'un coup Jake se sentit ridicule, un peu parce qu'ils étaient dans une ville magique et que tout le monde était aussi bizarre qu'eux...

-Ouais bon juste si on est pas dans une ville aussi folle et cool que celle-là ...

Il y avait tout de même un truc qui clochait. Pourquoi vouloir tant revenir dans le vrai monde? Ce monde était certes irréel, amis il était GÉNIAL. Jake ne voyait pas le point négatif à être ici! Certes nos proches pouvaient nous manquer, mais on faisait ce qu'on voulait ici, et c'était un peu comme un renouveau, un changement radical. On pouvait tout recommencer depuis zéro, peu importe ce qu'on avait fait avant, et surtout on a des super pouvoirs! C'est tout simplement génial! D'ailleurs Jake savait qu'il avait un pouvoir, qu'il baptisait maintenant euh ... Pouvoir 1! Original ... Bref, Alexander avait visiblement deux pouvoirs, la main de glace et les giboulées .. et Sydney, aucune idée!

Mais c'était bizarre la différence du nombre de pouvoir ... Peut-être on découvrait ses pouvoirs au fur et à mesure qu'on était à Dreamland, comme si on s'imprégnait de ce monde ... Et qui sait Alexander et Sydney n'avaient peut-être pas montré tous leurs potentiel, et si ça ce trouve Jake aussi avait un potentiel inestimé. D'ailleurs il semblait que la situation suivante était bien la déclaration d'un autre pouvoir.

Au fur et à mesure que la colère d'Alexander disparaissait, un boule de braise commençait à se former dans la paume de la main droite de Jake, sous ses yeux ébahis. Il ressentait la chaleur émaner de cette boule, sans pour autant avoir aucune douleur du brûlure. Était-ce un nouveau pouvoir? La thèse de Jake se confirmait-elle? En tout cas c'était cool. C'était comme si la colère d'Alexander était drainée par cette boule de braises chaudes.

La seule chose qu'il pouvait faire avec la boule du nouveau pouvoir qu'il appelait désormais "pouvoir 2" était de s'en servir pour faire un feu de camps, ou bien brûler quelque chose, mais ça ne servait pas à grand chose, c'est pourquoi il décida de la balancer par la fenêtre en visant la fontaine d'eau qui se dressait dehors. C'est alors que, au refroidissement des braises par l'eau, l'énergie concentrée dans cette boule semblait se rediriger indubitablement vers Alexander. Étrange, se dit Jake.

-Bon, je suis content de voir que j'ai un nouveau pouvoir, donc je te laisse tranquille pour le moment. Fais ce que tu veux à condition de ne pas nous gêner si tu ne nous aime pas, mais dans le cas contraire, va falloir faire des excuses. Bref, à plus, si tant est qu'on puisse se revoir un jour...

Sur ces mots, Jake descendit les escaliers à la suite de Sydney, et le rejoignit sur le banc où il était assis. Il semblait encore nerveux. Le tout était d'essayer de ne pas faire de gaffe pour ne pas se retrouver embroché comme un vulgaire saucisse pour le barbecue.

-C'était assez agité en haut je dois dire... Bref j'ai découvert un autre pouvoir en plus de celui de me transformer en torche humaine. Apparemment la colère d'Alexander a fait se former dans ma main une boule de braises, c'est assez cool je dois dire. Je me demande ce que ça peut faire avec d'autres émotions ... Bref... Tu veux qu'on aille prendre un petit déjeuner?

Puis Jake se souvint qu'il n'avait payé à personne la chambre.. Il demanda à Sydney si c'était lui qui s'en était chargé et combien il devait lui rembourser si c'était le cas.

Alexander allait désormais passer dans la catégorie "à oublier" de ses amis Dreamlandiens, à moins qu'il n'y ait un indubitable changement et qu'il vienne les rejoindre en les suppliant de les réaccepter, mais ce serait tout de même trop louche pour l'accepter. Quoi qu'il en soit, la matinée était déjà forte en émotions alors comment allait être la journée?

Il y avait aussi un autre point qu'il fallait souligner, un point assez positif d'ailleurs. Jake s'était rendu compte que sa montre thermomètre ne lui manquait pas, et qu'il avait fini de psychoter sur la température ambiante, même s'il se méfiait du temps qui était pervers. Bref, adieu les thermomètres! Ou pas ...

Quelqu’un approchait. Ça n’était pas vraiment le meilleur moment choisi pour discuter, à fortiori s’il s’agissait d’Alexander. Or il s’avéra que ça n’était que Jake qui l’avait probablement suivi après qu’il se soit éclipsé. Sa bouffée de colère avait eu sur le pirate un effet aveuglant, comme si rien n’existait autour de lui alors qu’il avait son épée en main, comme si le temps passait à la fois rapidement et lentement. Pourtant, tout le revenait à présent, en détails plus clairs. Le thermostat ambulant s’était rangé du côté du corsaire sans hésitation, et encore une fois, il semblait décidé à rester avec lui. C’était assez dérangeant mais à la fois rassurant de voir qu’il n’était pas seul.

Pourtant Sydney ne pouvait pas passer de la rage au rire en un claquement de doigts. Il lui faudrait un certain temps pour se calmer entièrement, et si ses soupçons quant aux réelles intentions de Jake étaient occultés en cette heure, ils ne tarderaient pas à refaire surface au moindre faux pas de la part de ce dernier.

De toute évidence, le gogo-dancer ne comprenait pas du tout la gravité de la situation ou même les enjeux que pouvait entrainer la fuite d’Alexander… Et ça, c’était le premier faux-pas. Le capitaine parano’ arborait sa plus belle poker face, se torturant intérieurement pour ne pas étrangler Jake sur le coup. Soupirant profondément, il écoutait le babil de son compagnon de voyage alors qu’on lui expliquait les modalités d’un pouvoir dont il ne comprenait rien et ne voulait aucune démonstration.

Quelle pouvait être l’utilité de… De quoi, déjà ? Des boules de braise ? A part jouer au pyromane en herbe, ça n’avançait à rien mais Syd’ n’étant pas porté sur les pouvoirs utiles à un groupe de plus de un membre, il ne dit rien ; mais n’en pensait pas moins… Se redressant à moitié, il regarda Jake avec neutralité avant de regarder en direction de l’auberge. Alexander en colère ? Ça n’était même pas justifiable. Incompréhensible qu’un traitre enrage de quitter le groupe qu’il s’apprête à trahir. Illogique au possible.
- Content pour toi, gamin. Qu’il passe par toutes les émotions qui lui plairont, moi ça ne me fait ni chaud ni froid. A bon entendeur.

Il se leva complètement pour s’étirer, bailler et presser ses doigts sur ses sourcils. Il ne savait pas pourquoi, mais ça l’aidait à déstresser. Se frotter les sourcils : un petit rituel qui avait creusé son trou dans le quotidien de Sydney. C’était cependant un des signes qui trahissaient chez lui une certaine anxiété. Il avait le droit, non ? Oui, il avait le droit. Ça c’était justifié. Personne n’avait le droit de se moquer ! Il avait fait le bon choix, personne ne pourrait lui en tenir rigueur. Personne.

- Pas contre un petit déjeuner. Et oui, j’ai payé pour nous trois hier. répondit-il vaguement avant de se mettre en marche. Quitte à aller déjeuner, il refusait de retourner dans l’auberge pour le moment. Si ça ne plaisait pas à Jake, qu’il aille déjeuner seul ! Au moins ça éviterait au pirate de devoir discuter en déjeunant. Être seuls contre tous n’empêcherait pas Sydney Miles de rester comme il était.

Il se dirigea donc dans la direction opposée de l’hôtel, cherchant à tout hasard un café où il ne risquait pas de se faire égorger en entrant. Avec un peu de chances ils croiseraient peut-être les filles – ou James s’il était encore vivant.
Pourtant, plus il s’éloignait de l’auberge, plus Sydney avait la désagréable impression d’oublier quelque-chose… SA HOTTE ! Mais le traitre était déjà sur place ; s’il avait l’intention de lui dérober ses affaires, c’était déjà chose faite et puis après tout, le paranoïaque ne tenait pas tant que ça à ces babioles : elles lui étaient aussi inutiles qu’elles le seraient au frigophobe ; aucune raison de s’en faire pour ça. Même si après mûre réflexion, la hotte de Jake courait le même risque mais *ça c’est son problème.*

De temps en temps, Syd’ se retournait afin de s’informer de ce qui se tramait dans son dos. Dans un premier temps, il vérifiait que Jake le suivait ; dans un second temps, il vérifiait qu’Alex ne les suive PAS. Quoique… Si ce dernier voulait effectivement les retrouver, il y parviendrait sans aucun doute… Or çà, il s’agirait donc d’un test de volonté. Jake et Syd’ étaient-ils des cibles prioritaires ou bien de simples pions malgré eux ? Le pirate appréhendait la réponse quelle qu’elle soit… L’un comme l’autre, ces choix ne lui plaisaient pas et il avait la constante sensation qu’ « on » se jouait de lui, qu’il se dirigeait droit dans la gueule du loup.

Se sentant de plus en plus souvent mal à l’aise à l’idée d’être suivi, le paranoïaque désigna finalement à son compère le café le plus proche qui par chance ne semblait pas encore bondé de monde. Il choisit une table à l’intérieur, dans un coin, calant sa chaise dans l’angle du mur avant de s’asseoir. Son œil tiquait, par moment ; un café n’était peut-être pas la meilleure option pour ses nerfs. Il attendit que Jake prenne place à table et se pencha vers lui pour lui chuchoter quelque chose :
- Si tu vois quelqu’un de louche – y compris Alexander –, fais comme si tu n’avais rien vu. On nous suit, j’en suis presque sûr…

Comme par hasard à cet instant précis, un serveur fit son apparition à leur côté. Retournant s’asseoir tout en jetant un regard noir à ce dernier, il laissa Jake prendre sa commande avant de passer la sienne. Un café et un croissant.
Diantre, on avait dit pas de café !! … Tant pis.
Le jeune serveur resta planté devant le pirate sans que ce dernier sache vraiment pourquoi – bien qu’il en ait une petite idée… Espion !!!
- S’il vous plaît.. ? ajouta-t-il simplement en haussant un sourcil. Le jeune homme tourna les talons pour aller préparer la commande. Deux oreilles indiscrètes de moins.

Il faisait assez bon dehors. Ni trop froid. Ni trop chaud. Calme. Jake pourrait rester ici toute la journée, assis sur un banc, mais ses besoins naturels criaient trop fort. Il n'avait pas mangé la veille au soir, et il crevait la dalle. Ce qui était cool tout de même, c'est qu'il était en présence de Sydney. Jake savait qu'il ne tirerait sûrement rien de lui en tant qu'affection amoureuse, mais dès qu'il prononçât le mot "gamin", Sydney s'imposait comme un sorte de grand frère, même si celui-ci ne voudrait jamais dire ça comme ça.

Cela faisait plaisir de savoir que quelqu'un pensait quand même à lui, et de se savoir aussi bien épaulé. Un grand frère qui puisse vous protéger, c'est une conception que Jake s'était mise dans la tête depuis un bon bout de temps, pour essayer de combler le manque d'affection qu'il avait toujours supporté sur ses épaules pourtant bien solides à première vue. L'assurance permanente qu'affichait le thermoréactif était surtout due au fait qu'il avait peur de perdre pied, et il était obligé d'afficher une apparence certaine de leader, même s'il était loin de l'être.

Jake restait un être assez émotif et sensible, qui avait un cœur fragile, mais il n'avait jamais vraiment envie de pleurer et de déprimer publiquement, ça foutait le moral à zéro. D'où son crédo de toujours positiver! Mais on était toujours sur un banc, et penser à ça, c'était con!

Bref, Sydney avait un côté attachant et sympa, car il avait payé pour les trois, et c'était trop bien, enfin c'était ce que Jake voyait, parce que la réalité était sûrement très différente. Le moussaillon du cuir donna 15 rubz à Sydney, en donnant pour juste motif qu'ils ne croiseraient sûrement plus le pingouin et qu'on devait bien être équitable.

-Et aussi on va pas être comme certaines femme "non je veux payer! non c'est moi bla bla bla et des couinements. Bref, je te suis.

Sur ces paroles, les deux compagnons ne retournèrent pas encore à leur chambre d’hôtel ramasser leurs affaires, d'une parce qu'ils avait la dalle, et aussi parce qu'Alexander pouvait toujours y être. Ils se dirigèrent donc vers un café ordinaire qui était assez joli, mais surtout banal. Tout de même l'atmosphère était calme vu l'heure affichée sur la montre du serveur qui s'approchait: 9H15.

Ce café venait à peine d'ouvrir vu la tête que ce jeune monsieur tirait, mais en même temps Jake comprenait sa souffrance ... Gloutoniskaïa était une ville de fous donc c'était pas tous les jours fastoche, c'est pourquoi notre favori Leatherman décida d'être gentil avec le serveur qui était assez mignon après tout.

-Bonjour! Je pourrais avoir un chocolat viennois, deux croissants et un jus d'orange s'il vous plait? Merci!

Le serveur se dirigea alors vers le comptoir pour préparer le décile du matin. Le chocolat viennois, c'est une des boissons les plus appréciées de Jake. Ça détend! C'est cool et c'est trop bon! Et puis les croissants ça fout la pêche et le jus d'orange ça donne des VITAMIIIIINES pour al journée, le pep's quoi! Bref le petit déj' c'est trop bien!

-Je sais pas toi mais j'adore les petits déjeuners! Se préparer pour la journée comme ça quelle bénédiction! Bref, il a intérêt à se speeder parce que j'ai pas attendre pour avoir mon petit déjeuner...

Meow, la matinée et le soleil qui commençait à s'élever dans le ciel donnait l'envie de ronronner à Jake ...

Rien n'y faisait, le café avait beau être un endroit charmant, les désagréables sensations qui collaient à la peau de Syd' l'empêchaient d'apprécier cette sortie improvisée. D'ailleurs à peu près tout ce qui tenait de l'improvisation comportait cette insupportable part de dangereux ; il y a toujours une part d'imprévu mais l'instinct de survie voulait qu'on essayât de le diminuer avant de courir au suicide.

Bref, Jake ne semblait pas s'en faire trop pour l'instant. Qui devait prendre exemple sur l'autre..? Hm non, la question ne se posait pas. Alors que le thermoréactif commandait un petit déjeuner deux fois plus gros que celui du pirate, Syd' tâtonnait la bourse que Jake lui avait donné quelques temps plus tôt. D'abord sceptique, il n'avait pas osé refuser cet argent, de peur de vexer son compagnon. Les quinze rubz promis étaient effectivement là, et ils lui avaient été donnés sans remords, comme si l'argent n'avait jamais été un sujet à polémique.

Cette naïveté touchante le perdrait, à coup sûr : il y avait trop de gens mal-intentionnés qui n'hésiteraient pas à abuser de sa générosité. On imaginait déjà les scenarii pervers du style "tu es ruiné ? Mais pourtant tu m'as donné toi même ton argent ! Ne viens pas te plaindre !"... oh oui, l'humain était assez machiavélique pour fomenter un tel plan...
Abandonnant là ses pensées néfastes, il transvasa les quinze rubz dans sa bourse principale en esquissant une moue toujours aussi peu convaincue.

La commande mit un certain temps à arriver, et le jeune Jake s'impatienta dès la première seconde, ce qui annonçait une discussion inévitable. Après un roulement d'yeux, le corsaire antipathique répondit simplement, d'un ton sec :
- Moi pas. J'ai horreur de ça. Et de se renfrogner d'avantage, faisant ainsi passer le message implicite selon lequel il ne souhaitait pas étendre d'avantage la discussion.

Comment pouvait-on aimer le déjeuner... Comment pouvait-on aimer le matin ? Se lever pour devoir affronter une énième fois ce monde abject, découvrir qu'en une nuit l'homme n'a toujours pas changé, que tout s'effondre et que le seul plaisir que prend autrui est de vous baver sur la tronche. Pour couronner le tout ? Même le monde des rêves était ignoble. Le petit déjeuner n'était qu'un rituel obligatoire. Une façon de se renforcer avant la lutte. Comme si dans une course tous les concurrents étaient dopés : vous êtes bien obligé de l'être aussi si vous ne voulez pas être piétiné. Mais n'ayant l'habitude ni de sortir, ni de manger le matin, l'appétit n'était pas au rendez-vous chez le paranoïaque qui regarda son café avec un certain dégoût lorsque celui-ci arriva.

Pas de lait... Les salauds. Ces pirates étaient encore plus pingre que Rackham le Rouge. Il fallait préciser qu'on voulait du lait, maintenant !? Ils se payaient sa tête, c'était obligé... Fort heureusement, le serveur n'avait pas omis le morceau de sucre que Sydney s'empressa de déballer pour le tremper du bout des doigts, comme toujours.
Le croissant lui-même avait un goût douteux à tel point qu’on pouvait se demander si-… Trop tard. Si cette pâtisserie devait être empoisonnée, la bouchée qu’avait prise Sydney sans même réfléchir le condamnait d’ores et déjà. D’un autre côté il y avait peu de chances… Hein..?

- Bon, au choix : on cherche Selene et Dakota – si elles ont pas déjà passé l’arme à gauche – ou bien on s’échoue quelque part en ville. ‘Comme tu veux, moussaillon...
Ça n’était pas vraiment que le pirate se fiche de l’emploi du temps final de la journée, sinon qu’il n’avait strictement aucune idée de ce qu’il voulait faire. Flâner en ville ou faire les magasins équivalait à du suicide assisté et du pigeonnage puissance dix ; tandis que retourner à l’hôtel pour n’en plus bouger était impossible tant que le frigophobe s’y trouvait… Sydney savait qu’il serait parfaitement incapable de tenir tête une seconde fois à Alexander après l’avoir menacé avec son épée comme il l’avait fait.

Il souhaitait surtout éviter cet inéluctable conversation sur ‘comment je suis/tu es arrivé ici’ ou l’éternel besoin de connaitre le passé d’untel. Si la démarche du pirate était légitime – on ne peut pas faire confiance à quelqu’un dont on ne connait pas l’origine –, venant des autres ça n’était que de la curiosité mal placée dans la plupart des cas. Non, il n’était pas sociable et il en était fier. Refuser un monde qui veut votre peau est encore la façon la moins hypocrite de dire « je tiens à ma peau ».

Cependant, en lui demandant ça, Sydney laissait à Jake l’opportunité de le conduire dans n’importe quel piège ; ça serait une manière de savoir s’il pouvait lui faire confiance. Le groupe s’était désormais réduit à un duo, cela ne rendait la tâche de garder un œil sur son compagnon que plus aisée. Il leva les yeux vers le thermoréactif en soupirant longuement. Comment lui faire comprendre que ce monde n’était pas différent de l’autre ; que ça n’était pas l’idéal auquel il pensait… Il voyait ça comme un rêve utopique mais ça serait hélas pour Syd’ un devoir de le désillusionner.

Il fallait bien être aveugle pour ne pas avoir déjà vu que Sydney était de mauvaise humeur le matin, même si il semblait se contrôler. C'était si loin de la joie que Jake pouvait dégager, mais pour une fois, l'environnement était tranquille, les oiseaux chantaient et il commençait à faire chaud. Pas trop chaud non plus, heureusement, sinon c'était reparti pour redevenir une torche humaine... Bref Gloutoniskaïa était vraiment une ville agréable, et cela ne surprendrait pas Jake qu'elle ne l'était pas autrefois. D'ailleurs en parlant de conflits, le Maire de cette ville avait dit à l'ancienne bande qu'il allait les rappeler, et alors le groupe se reformerait... ou pas.

C'était au moment de son arrivée brutale dans ce monde, qui lui avait laissé deux petits hématomes qu'il pouvait encore sentir dans son dos à côté de sa tâche de naissance... Il ne pouvait maintenant la masquer qu'avec son sweat-shirt. Au pire il dirait aux autres que c'était une cicatrice qu'il récolté dans un accident à son orphelinat, ça ferait plus héroïque. Brrr... Rien que le fait de repenser à cette prison infâme lui donnait des frissons dans le dos.

Heureusement le serveur arriva avec la commande délicieuse que Jake avait demandé. Les croissants étaient encore chauds, le jus d'orange sans pulpe comme il l'adorait, et le chocolat liégeois sentait si bon! Il entama son premier croissant en le trempant dans le chocolat et savoura le délice matinal qui s'offrait à lui. Que du bonheur! C'était tellement mieux que le café! Beurk! Comment pouvait-on s'adonner à une telle abominabilité! Mais c'était leur choix, de sombrer dans les méandres de la caféine. Ça puait!

Il avait fini son premier croissant lorsque son compagnon de route le questionnait sur ce qu'ils allaient faire plus tard, en proposant d'aller rejoindre les filles. Le groupe s'était d'ailleurs fait élaguer comme pas possible. on était passé de 6 à 4, puis à 3 et finalement ils n'étaient plus que deux. Était-ce la finale de "vous aller tous crever!", cela restait à voir.

-Dans un premier temps on peut aller les chercher, on essaie de se fixer un point de repère, genre la mairie. Ensuite on fait les rues principales, et si on ne les trouve pas c'est vraiment qu'on est pas doués. Et puis au pire, si le maire nous rappelle, on va forcément devoir se réunir, donc au pire faut pas trop s'inquiéter. Enfin c'est mon point de vue.

Prendre le bon côté des choses c'était pas toujours évident, mais là c'était plus que nécessaire si on voulait bien se motiver et surtout réussir à retrouver leurs compagnons de route. Et puis y'avait James ... Que faire de lui? Comment Jake allait-il réagir quand ces deux jeunes allaient se recroiser? Que des questions qui menaient au tourment. Mais la gentille Selene et la rebelle Dakota étaient très attachantes avec leurs personnalités différentes. Ils formaient une belle troupe joyeuse à eux 4. James et Jake, ça restait trouble, et Alexander n'en parlons pas.

L'espoir fait vivre comme on dit si bien... Et en ce qui concernait Jake, l'espoir résidait dans le deuxième croissant qu'il commença a manger.

L’inquiétude se lisait dans les yeux de Jake malgré le fait qu’il faisait bonne figure. Derrière ses airs de garçon jovial, le thermoréactif s’en faisait pour les filles et sans doute aussi pour James. Le pirate n’eut pas le cœur de lui annoncer que ce dernier était mort, à l’heure qu’il est… Ça lui fendrait le cœur ; tout le monde ne peut pas être prêt à affronter l’horreur de ce monde à cet âge-là. Hm d’ailleurs quel âge avait-il, déjà..? Bref, aucune importance.

Concrètement, le plan du gogo dancer n’était pas si mauvais que ça. Non, il était même assez bon. A un détail près : la mairie, ça n’était pas la porte à côté… Et puis la première fois, ils s’en étaient tirés en restant discrets, se faufilant entre les ruelles, alors il ne fallait rien changer pour éviter de se faire prendre cette fois-ci. Ils n’étaient pas sûrs que cette méthode soit réellement bonne ou efficace, mais au moins grâce à elle le petit groupe ne s’était pas fait piéger ; donc elle n’était pas mauvaise : c’était suffisant pour continuer à l’appliquer.

- Trop risqué. résuma simplement le corsaire. Passer par les boulevards ? Et pourquoi pas se trimbaler tout nu en criant « je suis un terroriste », carrément, hm ? demanda-t-il à Jake en haussant un sourcil à la limite du dédaigneux. Non, il fallait espérer que les filles aient eu la présence d’esprit de trouver une rue tranquille où se cacher ; déambuler dans les rues de Gloutoniskaïa était le meilleur moyen de se faire voler, tuer, ou voler ET tuer. Voire pire.

Plus il y réfléchissait, et plus l’envie et la motivation de Syd’ de chercher des traces de Selene et Dakota s’amenuisaient. Et comme l’avait si bien précisé son compagnon : ils se retrouveraient forcément chez le maire. Alors pourquoi s’en faire, au final ?
Pourtant, abandonner les recherches signifiait que Sydney avait posé la question sans réfléchir et ça le blessait dans son orgueil. Tant pis, il valait mieux se résigner plutôt que de persévérer dans un choix qu’on sait mauvais.

- J’avais oublié le rendez-vous avec le maire… Tu as raison, c’est plus prudent d’attendre le rappel. C’est bien, moussaillon, tu commences à réfléchir prudemment ! Bien sûr, Jake n’avait jamais dit directement d’attendre le rendez-vous, mais rien de tel qu’un peu de manipulation. Prêtez des propos louables à vos interlocuteurs et ceux-ci les adopteront immédiatement… Dans la plupart des cas. Il était temps de voir si ce jeunot était facilement manipulable ; ces petits ‘tests’ amusaient beaucoup le capitaine au bandana.

Tel Spiderman, son sens de super-paranoïaque titilla Sydney qui plaqua rapidement ses mains sur la table pour se pencher vers la fenêtre. Il venait de surprendre un individu suspect qui s’enfuit aussitôt en courant. Un joggeur ? Ben voyons ! Un type pressé ? Qu’est-ce qui nécessitait qu’on se mette à courir aussi soudainement après s’être arrêté ?
Aucune solution possible : ils avaient été espionnés ! D’un point de vue extérieur, on dira volontiers qu’un individu déguisé en pirate a fait peur à un badaud, ou bien que l’homme, après avoir consulté sa montre s’était soudain mis à trottiner… Mais Syd’, lui, était convaincu, persuadé qu’il était victime d’un énième complot.

- T’as fini ? ‘Faut partir. Maintena- NON ! Bouge pas ! Ils attendent que ça.
Merde… lâcha-t-il finalement en se laissant retomber contre le dossier de sa chaise. Dans la panique, le pirate avait failli oublier les règles de sûreté. Il se mettait alors à la place de l’espion : celui-ci, se sachant découvert, allait surement rencontrer son informateur, pensant que Jake et Syd auraient quittés le bar. Rester sur place était donc la meilleure chose à faire pour l’instant à part si l’espion savait que le corsaire allait penser comme ça, auquel cas il fallait fuir. Mais si l’homme était si intelligent que ça, alors il faudrait rester pour contrer son contre-contre… Et si c’était un idiot, alors il suffisait de rester ici pour contrer ses plans.
Pas facile, la vie.

Le petit coup de frayeur de Syd’ avait jeté un froid sur les tables voisines et tant pis si Jake en ressortait troublé : ça lui apprendrait qu’il faut toujours être sur ses gardes !
- Bon. Changement de programme annonça le parano’ en se pinçant l’arête du nez. On va rester là à déjeuner – tranquillement – et on se trouvera quelque-chose à faire.

Il se frotta le bouc tout en réfléchissant, buvant une gorgée de café de temps en temps.
- Il faudra que je retourne à l’auberge pour prendre quelques affaires, si on veut aller quelque part. Par-là, le pirate pensait à son spray anti-moustiques et à ses cachets intrigants. Avec le premier, il pourrait facilement brûler les yeux de ses agresseurs et s’il s’agissait effectivement de drogue, il pouvait utiliser les cachets pour faire parler un informateur quelconque. C’était fourbe, malsain et tout ce qu’on voudra, mais quand on tient à la vie on fait le maximum. Le tout était de garder son sang froid et ne pas se perdre dans des hallucinations stupides.

En y réfléchissant bien, le pirate qui était en face de lui était franchement intelligent. De plus sa paranoïa, même si elle fut étrange, et souvent s'exprimait par des réactions physiques violentes, servait pas mal. On ne pensait pas toujours à tous les risques qu'une action pouvait entrainer, et le paranoïaque avait cette capacité fascinante de pouvoir toujours deviner les plus gros problèmes qu'on pouvait rencontrer. Et en ce moment, il avait bien raison d'exagérer ses propos, parce qu'avec la transformation de Selene, ils avaient bien été remarqués. De plus on avait déjà eu le temps d'examiner tous leurs mouvement lorsqu'ils étaient encore en train de travailler au bar.

Décidément la popularité pouvait devenir très dangereuse ces temps-ci. On en devient une proie trop facile à abattre et à manipuler. Heureusement il n'était pas seul, et son compagnon l'aiderait pour sûr. Un seul hic: les disparitions s'enchaînaient à vitesse V, et les deux camarades devaient rester vigilants pour ne pas qu'ils se retrouvent seuls.

-C'est gentil de me remercier pour quelque chose que je n'ai pas explicitement dit... néanmoins tu as raison, il vaut mieux attendre. On n'est jamais assez prudent, alors réfléchissons bien avant de faire quoi que ce soit.

Ceci dit, il ne fallait pas bien réfléchir, mais TRÈS BIEN réfléchir, parce que la rue pouvait être truffée d'espions en tout genre. Comme celui que remarquèrent Jake et Sydney en même temps. Ce dernier paniqua puis, après avoir récupéré son calme, retrouva des propos censés. Il avait visiblement vu que paniquer alors que la situation n'était pas encore mortelle ne servait à rien.

-T'as raison, s'agiter et faire comme si le monde allait s'effondrer sous nos pieds n'est pas la meilleure solution. Je propose que je finisse mon croissant, et on va chercher nos affaires, puis on va voir si on a des offres d'emploi intéressantes. Enfin par intéressantes, je veux dire qui peuvent permettre de glaner des infos discrètement. T'en penses quoi?

Sur ces paroles, Jake finit de manger son croissant qui était visiblement délicieux, et regarda les gens qui le regardaient d'un œil noir, ce qui eu la réaction escomptées de les faire se concentrer sur leurs assiettes. Le chocolat viennois fut fini, et le jus d'orange vidé d'un trait. Cela faisait un grand bien décidément! Il mit sa capuche sur sa tête, sentait que les fluctuations de température n'allaient pas arriver, et se laissa un peu tomber dans sa chaise pour se sentir plus confortable.

-On demandera à l'aubergiste si Alexander est sorti ou pas de l'auberge avant de monter dans la chambre, ça sera plus prudent, et au pire on lui demande de l'expulser ... enfin on verra.

Bref, Jake avait bien envie que ces situations de stress se terminent, même si ce n'était pas affreux à supporter...

Pour ce qui était du test que le pirate avait fait endurer à Jake, c’était raté. Ou plutôt réussi : le thermoréactif, bien qu’il ait accepté l’idée, avait néanmoins décelé la tentative de manipulation. En même temps elle était bataude, il faudrait jouer plus fin la prochaine fois.

Chercher un nouvel emploi était sans doute ce qu’il y avait de mieux à faire en attendant le rassemblement, mais l’amertume que ressentait encore le pirate après leur précédente expérience lui faisait appréhender toute nouvelle tentative. Pourtant, ça n’était pas le premier emploi qu’il perdait… C’était plus que ça : il avait perdu le seul job dans lequel il s’était senti à l’aise. Mais partir pessimiste n’arrangerait rien, avec un peu de chance il trouverait un autre boulot similaire et ça n’était qu’en essayant que-… En essayant… Vous savez le nombre de gens qui sont morts stupidement après avoir « essayé » quelque action irréfléchie ? Non ? C’est pas plus mal.

- J’en sais rien, on peut toujours regarder… Mais tu connais le proverbe : chat échaudé craint l’eau froide ! Qu’est-ce qui nous dit qu’on sera pas virés encore une fois ? Ou… regardant furtivement de chaque côté, le corsaire baissa le ton tout en se penchant vers Jake : ou victimes d’un autre ‘manque de pot’ ajouta-t-il en mimant les guillemets avec ses doigts.

C’était un risque qu’il ne fallait pas omettre. Le duo ne pouvait pas se permettre de tomber une nouvelle fois dans la gueule du loup au risque de se voir séparés ou pire : assassinés !
Il fallait pourtant reconnaitre que cette capacité qu’avait Jake de toujours aller de l’avant redonnait de la motivation. Que ça soit consciemment ou pas, le jeune homme avait un charisme certain.

Mais ça n’allait pas ! Pas du tout ! Depuis quelques temps, Sydney avait l’impression de s’endormir ; ses soupçons se faisaient de moins en moins fréquents et il cogitait moins… Résultat ? Il en payait le prix avec Alexander. Le parano’ sur jura de se ressaisir et décidément, mieux valait être seul que mal accompagné. En parlant du loup, le gogo dancer remit le sujet sur le tapis, lui aussi ; comme s’il avait été piocher directement dans les pensées du capitaine au bandana. *Il est télépathe ou quoi..?*

- Non, on peut pas le virer, quand même. Question de principe. Il partira quand il partira ; si on s’en mêle il va croire qu’il a de l’importance et qu’est-ce qu’il va faire, ensuite ? demanda-t-il à son apprenti parano’ en lui lançant un regard interrogateur. Eh bien il va continuer à nous chercher des noises ! C’est comme un gosse : il voit qu’il t’embête ? Il continue ! Par contre, arrête de le regarder et il se lasse.
Simple comme bonjour.

Le corsaire fit semblant de réfléchir pendant un instant avant de reprendre : cale-toi dans le crâne que c’est un espion, donc aller reprendre nos affaires sous son nez, ça ne lui donnera que d’avantage d’infos. Et ça c’est pas bon. Pas bon du tout.

Alors qu’il jouait avec sa cuillère à café, Sydney se persuadait qu’il pouvait parler de ça librement à Jake. Ce jeune était comme James, dans le fond : pas vraiment méchant. Pouvait-il passer outre le coup de poing que ce dernier lui avait collé dans la figure pour repartir sur des bases saines ? C’était possible… Mais c’est comme un petit caillou dans la chaussure : ça gêne effroyablement pour peu qu’on se rappelle qu’on ne l’a pas enlevé. Si seulement il avait de quoi s’assurer que son compagnon méritait sa deuxième chance…

Sydney commençait à perdre espoir de trouver un jour réponse à cette question, et pourtant, au même moment un petit carnet à la couverture de cuir apparut devant lui, sur la table. Comme si un autre pouvoir venait de se manifester ou qu’un autre événement bizarre se déclenchait. Cette manie qu’avaient les objets d’apparaitre sans qu’on le leur demande explicitement devenait agaçante. Pour la énième fois : *sortez de ma tête !!*

Le pirate récupéra le petit livre, l’observant sous tous les angles avant de l’ouvrir. Vierge… Et aucun stylo. Comme par hasard…
- Ok, et… J’en fais quoi, de ça..? demanda-t-il à voix haute. Négligemment, il posa le petit objet sur le coin de la table, lui cherchant encore une utilité.
- Bon dieu, tout ce que je demande c’est un monde normal… Et regarde où ça nous mène : toi tu crées des boules de braise et moi je fais apparaitre des carnets ! Des carnets !! Pour sûr, on va aller loin avec ça. Je peux toujours essayer d’assommer un type en lui balançant à la figure mais j’ai de gros doutes.

Sydney se révélait être un atout irremplaçable, un ami sympathique et un compagnon de route prévoyant. Il n'était pas très méchant au fond, du moment qu'on arrivait à instaurer un certain contact et qu'on n'arrivait pas devant lui en le surprenant ou bien en pointant vers lui un objet contondant. En dehors de ses crises virulentes que Jake avait connu une fois, ça allait.

Néanmoins, lors de cette crise particulièrement forte en émotions, Jake l'avait frappé sous l'emprise de son tempérament ardent. Cela ne facilitait pas les choses. En même temps il s'était bien vengé avec son spray de malade. Heureusement les restes de douleurs avaient disparus pendant la nuit. Il fallait penser à s'excuser encore une fois. Mais s'était-il déjà excusé auparavant? Jake n'en avait pas trop le souvenir...

Tiens, "chat échaudé craint l'eau froide" ... Proverbe inconnu du thermoréactif, mais pas de problème pour en comprendre le sens. Il avait raison, il ne fallait pas trop se précipiter. C'est comme brûler les étapes dans un couple, ça foire. Pourquoi penser à un couple? Tiens... pourquoi? Néanmoins ce qu'éprouvait Jake envers Sydney était différent de ce qu'il avait éprouvé pour d'autres garçons, dont James.

C'était un mélange de respect et d'admiration que Jake pouvait ressentir lorsqu'il avait ce personnage énigmatique et penseur devant lui. Il y avait un certain soulagement, une certaine quiétude lorsqu'on était avec lui, l'impression d'être protégé... Même si la situation pouvait tourner au scénario de films d'actions en tous genres, d'ailleurs c'est cool l'action! Ça rajoute du piment au choses .. kof kof ...

-J'espère qu'on aura jamais plus affaire à ce "manque de pot" qu'on a eu ... à croire que tout le monde s'est ligué contre nous pour nous forcer à démissionner. Heureusement qu'Abel nous a virés. Je pense que c'était en quelque sorte un acte de compassion. Rester là-bas aurait révélé du suicide pur... Quel job de merde franchement.

Il fallait choisir un job plus sur, où tous les petits gens du peuples, donc les tarés, n'allaient pas essayer de vous tuer à longueur de journée...

Alexander un gosse? Ouais, en y réfléchissant c'est vrai qu'il n'était pas si mature que ça, enfin tout le monde se comporterait comme ça dans de telles conditions si le mental cède place aux impulsions. Aussi imprévisible qu'un gosse en effet, et peut-être aussi curieux. Les propos de son camarade étaient en accord avec les soupçons de Jake. Un espion... fort probable, on se sait pas tout ce qui peut se tramer dans la tête de quelqu'un, et même si on pouvait lire dans les pensées, ce serait terriblement dur de chercher une information précise.

-Ah au fait, je voulais encore? je sais plus... Bref je voulais m'excuser pour le coup de poing que je t'ai donné. J'étais à cran et en plus, comme tu as pu le constater, j'ai parfois des écarts... Je me suis assez emporté. Enfin si jamais tu vois que je passe au "feu" ou à la "glace", je ne serais plus vraiment moi ... enfin si, mais c'est pas ce que je préfères le plus chez moi. Je suis fait comme ça j'y peut rien. Et si tu voulais savoir je vais mieux depuis le coup du spray, je t'en veux pas, c'est de ma faute. En tout cas c'est une bonne arme je dois dire! C'est efficace!

C'est à peu près à ce moment-là qu'un mystérieux carnet avec une superbe couverture de cuir fit son apparition sur la table. Sydney le manipula avec précaution, sans effet.

-Tiens, étrange, peut-être qu'il réagira à mon contact?

Il prit le carnet dans ses mains, l'ouvrit soigneusement, tourna les pages, retourna le carnet, rien ne se passa.

-Pff ça sert à rien!

La remarque de Sydney fit rire Jake, et quand ce dernier reposa le carnet sur la table, ouvert à la première page, il commença à se remplir d'informations sur quelqu'un. Quand Jake réalisa que c'étaient des renseignements sur lui il n'en crut pas ses yeux. Il regarda Sydney dans les yeux et lui dit:

-Je sens qu'on vient de te découvrir un nouveau pouvoir, et je pense qu'essayer d'assommer quelqu'un avec ça serait un gâchis d'un tel potentiel! Cache le bien et ne te le fais surtout pas dérober! Il m'a l'air très précieux.

Si son élève commençait à se servir de sa tête, il restait des choses pour lesquelles il ne comprenait décidément rien. Le soi-disant ‘geste de bonté’ d’Abel par exemple. Mais comment pouvait-on être crédule au point de penser qu’il avait viré le trio par… compassion !?
Non, il était derrière tout ça, lui aussi ! Il était allié à une mage technicienne de surface et videuse alors pourquoi pas aussi à un expert en malédiction ? Le boss avait donné l’ordre de les maudire pour quelque obscure raison et non, désolé, mais ça ça ne fait pas de lui une ‘bonne personne’.

Tenter de raisonner Jake là-dessus s’avérait vain, aussi le pirate se contenta-t-il de rouler les yeux en soupirant. Qu’il s’illusionne si ça lui plait ; il comprendra un jour ou l’autre que les gens ne rient que rarement avec vous, sinon de vous.
Immanquablement, la conversation dériva sur la partie que voulait justement éviter Sydney : celle des ‘tu te souviens de..’. Bien sûr qu’il se souvenait du coup que lui avait porté la torche humaine ; de sa contre-attaque au spray anti-moustique et tout ça. Mais quel était le rapport avec la conversation initiale ?

En lui indiquant une cible ennemie, Jake essayait dans un autre temps de se laver de tout soupçon, comme si un lien logique entre les deux pouvait être établi. Sauf que comme tout mensonge, la machine s’embrayait pour peu qu’on mette le doigt sur une incohérence. On n’exprime pas le désir de se faire pardonner, de s’attirer les bonnes grâces de quelqu’un quand on a la conscience tranquille ; et de plus, c’était presque trop facile de mettre ça sur le dos de sa maladie.

Mais s’il voulait jouer le jeu, c’était son problème après tout. Le corsaire acquiesça en fermant les yeux, acceptant les excuses de son compagnon louche et tout ce qu’il pouvait y avoir derrière – même s’il gardait tout ça dans un coin de sa tête, évidemment. On verrait alors jusqu’à quel point l’homme chocolat pouvait tenir un mensonge.

Toute une flopée de théories plus absurdes que les autres naissaient dans la tête du paranoïaque alors qu’il observait son suspect numéro 1 manipuler le petit carnet. Ce dernier ne semblait pas savoir plus que lui à quoi l’objet pouvait bien servir – à part ‘rien – ; il le reposa donc devant lui, ouvert à la première page. Le pirate allait fermer le carnet quand sur la page vierge apparurent trois lignes, comme si une plume invisible venait y inscrire… des informations sur Jake ??

- Qu’est-ce que c’est que ça..!? lâcha le parano’ en plissant les yeux. Attrapant le petit journal pour le tirer vers lui, Sydney fut attiré par la dernière ligne de la page sur laquelle figurait trois lettres d’une ambiguïté sans précédent : « Ami ».
Jake Anderson, 21 ans – ah, Il était plus vieux que lui ? Bon… soit. Mais ça n’était pas aussi intriguant que le jugement qu’émettait ce bibelot magique. Le carnet ne fonctionnait pas bien, ou alors si mais ça voulait dire que toutes les théories du paranoïaque s’effondraient… Tout ce qu’il avait déduit était faux ?? Non, ce n’était pas possible… Il devait y avoir du vrai là-dedans, au moins un peu ! Et puis ça n’était… qu’un livre : comment est-ce que ‘ça’ pouvait dire si deux être conscients étaient amis ? En tout cas ça ne disait pas à quel point ils étaient amis. Quand bien même ils l’étaient à 75%, cela laissait un bon 25% de doute permis et là, c’était déjà plus correct.

Le thermoréactif semblait partir du même constat que le capitaine au bandana : c’était un nouveau pouvoir. Mais la façon dont il en parlait était étrange… Comme si c’était d’une importance capitale que Sydney garde cet objet et croie à la lettre ce qui y était inscrit. Une personne qui n’a pas de mauvaises intentions n’a pas besoin de prouver son innocence, n’est-ce pas ? Ça devait faire partie du 25%, ça.

- Bien vu, l’ « ami », commença le soupçonneux en chef tout en levant les yeux de son carnet pour fixer Jake. Je sais pas si je peux m’y fier à 100% mais bon… On va partir du principe que jouer carte sur table c’est déjà bien sympa de ta part. Mais dis-moi : qu’as-tu fait de spécial pour que la page se remplisse ? T’as pensé un truc en particulier ? Ce n’est pas que je doute de toi, l’ « ami »… Mais j’ai envie de savoir comment fonctionne mon pouvoir, rien de plus.

En effet, si le carnet ne notait que ce qu’on voulait y voir inscrit alors ce pouvoir était d’une inutilité flagrante. Et il ne suffirait que d’un effort de volonté pour que Syd’ arrive à changer cette inscription ‘ami’ en ‘ennemi’ ou quelque chose du genre.
Pour prouver qu’il appartenait bien à Sydney, le carnet se dématérialisa alors que ce dernier cherchait un endroit où le ranger. Alors… ça marchait à la volonté ? Ça apparaissait et disparaissait sur commande ? Ce détail-là était plutôt pratique si on voulait cacher des informations confidentielles ou simplement éviter qu’elles ne tombent entre de mauvaises mains.
Mais avait qu’il ne le fasse disparaitre, le corsaire avait eu le temps de lire sur la page de garde le titre présumé de l’ouvrage : ‘Casier Judiciaire’. Il fallait donc supposer qu’au fur et à mesure, des informations supplémentaires viendraient s’ajouter au carnet.

En conclusion ? Eh bien il était temps de commencer une belle collection ! Le pirate était presque tenté de revenir à l’hôtel pour tester son nouveau pouvoir sur le frigophobe.
… ‘Presque’… En fait non.
Dans l’absolu, il aurait aimé rester ici mais il y avait ce type, à l’autre bout de la salle… Un homme assez louche qui les observait depuis un petit moment déjà. Cela rendait le pirate mal à l’aise au point de vouloir se rendre invisible, se téléporter loin, très loin. A défaut de disposer de tels pouvoirs, il avait encore ses jambes.
- Ça te dis qu’on lève l’ancre, moussaillon ? proposa-t-il en s’étirant, prêt à partir dès que jake donnerait son aval.

Alexander réfléchissait à la scène. Beaucoup de mots. Beaucoup trop. Il s'était peut-être emporté envers ses compagnons de fortune. Mais s'il avait eu envie de rester, il serait rester pour James, à la rigueur, et pour Dakota, qui elle aurait fait sa gamine capricieuse.

Cependant, il n'aurait vraiment pas dû se comporter comme il l'avait fait. Il avait rejeté d'un bloc la faute sur ses éventuels amis, alors qu'en vérité, il n'y était pas vraiment pour grand chose dans tout ce qui lui arrivais. C'est vrai que Sydney l'avait menacé d'un couteau. Mais il n'aurait pas dû réagir avec colère. Il n'aurait pas dû...

Il secoua la tête. Il ne servait à rien de se tordre de douleur sur le passé. S'il restait sur cet état d'esprit, alors il méritait ce qui lui arrivait. Il devait se faire à ses nouvelles résolutions. Se battre pour lui, et seulement pour lui. Trouver Liam, et comprendre, voir se venger de lui... Il veillerai à réfléchir à ce sujet-là. Retrouver Myia était aussi important, mais le plus important, c'était de revenir chez lui, dans son monde. Sauver son père de la mort, l'aider à affronter les épreuves. Il avait été égoïste, tout ce temps, se lamentant de son mal. Aujourd'hui, il devait affronter tout cela.

Il prit ses affaires, et descendit les marches. Les deux compères étaient partis vers d'autres cieux.... Il ne voulait rien regretter... Mais il voulait au moins s'excuser, partir en bon terme. Ou tout du moins, en terme neutre. Il partit donc vers les lieux les plus "intéressant" pour Sydney et les plus proches de leur lieu de sommeil.

Il ne prit guère de temps à les repérer. Ils allaient partir, sans même lui dire un au revoir? Il l'avait mérité, certes... Mais il les avait aidé! Ils se comportaient comme des imbéciles.... Il n'allait cependant pas leur dire cela. Il devait partir en terme neutre, pas déclencher une nouvelle mutinerie. Ce serait idiot de sa part, et cela voudrait dire qu'il s'abaisserait à leurs niveaux.

Il s'approcha d'eux, ses affaires avec lui, commençant doucement la discussion.

- Excusez moi pour..

Mais s'ils étaient maudits depuis le départ, il faut croire qu'Alexander avait encore moins de chance qu'eux. En effet, un sorcier chauve à la barbe grise, accompagné d'un espèce de cochon avec une vingtaine de pattes  avait choisi ce moment-là pour lancer un sort pour impressionner la galerie. Mais il avait fallu que ce soit un des pires sorcier de Gloutoniskaïa, et qu'il se trompe avec un sort de téléportation vers un endroit inconnu d'Alexander : Castlecrow. Et Bien sûr, Alexander marcha droit dans la faille qui s'ouvrit, se rendant compte trop tard de son erreur.

Il se tourna vers Sydney et Jake, l'air embêté.

- Veuillez m'excusez pour votre ami, je ne sais guère ou je l'ai envoyé!

Il se grattait la barbe. Autre fait étonnant: la faille ne se ferma pas directement, et un homme approchant la trentaine en sortit. Il faisait plutôt peur, et il possédait un fusil à la main, ressemblant à ses winchester. Le vieil homme en fut que plus surpris. L'inconnu se mit à parler.

- Encore! Bon, le vieux, il est ou ce Nercanomicon?!? Ils sont où ces monstres?


Mais Alexander ne put assister à cette scène étrange qui lui aurait donné un air de déjà vu...


Il fut téléporté vers son destin...

Balancer les responsabilités sur quelqu'un d'autre c'était facile ... Mais c'était surtout assez révélateur d'un remords sans précédent. En rejetant la faute du coup de poing sur une de ses autres facettes c'était facile, parce qu'on peut toujours dire qu'on ne se souvient de rien ... Pourtant c'était assez mal de faire ça, de mentir. Jake avait conscience de ses actes pendant ses crises thermiques, mais était guidé par une certaine ardeur ou bien un certain refroidissement. Ça devait pas être trop agréable pour Sydney, et d'ailleurs ça ne l'était pas du tout pour Jake lui-même...

Cela dit, être avec Sydney demandait pas mal d'efforts, qui risquaient de grandir d'ailleurs, et cela avait un point positif: si Jake arrivait à "satisfaire" les "exigences" de son ami, cela montrerait qu'il avait enfin pu se faire correctement des amis. Enfin le contexte les forçait un peu à ce qu'ils créent des relations plutôt amicales. Ils sont tous les deux voyageurs, ils on tout les deux l'interdiction de sortir de la ville, ils ont tout les deux des pouvoirs, et ils avaient vécu un petit bout d'aventure ensemble.

Cela devait être à peu près commun à tous les voyageurs qui se promenaient dans Dreamland, car Jake pensait qu'il n'y avait surement pas que 6 voyageurs dans la région, et que, comme tout prétendu "groupe" il y avait forcément une organisation de voyageurs. C'était comme à toutes les époques, dans les romans ou dans la réalité, les minorités finissaient par créer une alliance, et cette alliance qui pourrait regrouper des voyageurs étaient sûrement en train d'agir quelque part.

Si c'était le cas, il y avait deux options. Soit ils la cherchaient, soit elle les cherchait déjà. Et ensuite encore deux options. Trouver ou pas trouver. Mais si ils entraient dans quoi que ce soit, il y avait forcément une hiérarchie, autant conserver sa liberté pour le moment. Bref, Jake se rendit compte qu'il s'abandonnait trop dans ses pensées et qu'il partait dans son propre délire, même si ce délire était assez fondé.

Le nouveau pouvoir indiquait donc Jake était ami avec le capitaine au bandana... Ce n'était pas faux selon lui, car ils s'entendaient plutôt bien! Et il avait bien 21 ans. D'ailleurs Jake n'avait aucune idée de l'âge de son ami, mais bon, les questions se poseront plus tard.

Sydney se demandait lui aussi comment cela ce faisait que ces informations soient apparues comme par magie. Enfin oui il avait raison, plutôt comment ce "pouvoir" s'était déclenché.

-Je l'ai juste pris dans mes mains, peut-être que les personnes qui le touchent font faire apparaître une page contenant ces deux informations. Après je pense qu'il n'y a pas de page sur toi, vu que c'est toi qui possède ce pouvoir, et donc savoir si t'es ami avec toi-même c'est un peu bizarre.

Et comme pour confirmer sa théorie, Sydney pouvait faire apparaître et disparaître ce carnet à volonté, ce qui posait un atout pour le garder en sécurité. Jake était un peu jaloux de ce pouvoir, mais bon, on est tous différent... et qui sait? Peut-être que Jake aurait un pouvoir encore mieux! Cela restait à voir.

-Ouaip va falloir qu'on s'en aille.

Les deux amis n'eurent pas le temps de se lever qu'Alexander le traître était déjà à leur table, et commençait des excuses qu'il n'arriva pas à terminer, vu qu'il fut aspiré par une faille...

-Game Over. Try again... Eh bien on a de la chance je présume, on va pouvoir aller récupérer nos affaires. Enfin je pense qu'il faut aussi vite filer d'ici si on veut pas que ce mage nous fasse aller je-ne-sais-où... C'est quand même bien étrange toute cette situation. Il arrive et pof il disparaît. Va falloir exploiter la théorie du complot je pense.

Jake demanda l'addition au serveur, et paya son petit déjeuner avec son ticket repas.

Quand on parle du loup… On en voit la queue. Alors que les pensées de Sydney allaient vers le frigophobe resté dans la chambre d’hôtel, ce dernier pointa le bout de son nez dans le bar et d’un pas rapide, il avança vers le duo attablé. Les yeux déjà écarquillés du pirate le furent d’avantage lorsqu’Alexander entama une phrase… d’excuses ? oui, c’était bien ça, mais.. La suite…

La suite fut amputée par un mage un peu déglingué ou tout simplement mortellement incompétent : leur ancien ami et camarade venait de marcher dans un piège infâme, une sorte de trou vers une destination inconnue. En moins d’une seconde, Alex avait déjà disparu. Mains plaquées sur la table, tête en arrière, yeux rivés sur le trou béant, Sydney était incapable de réagir ou même hurler, non : rien.

Il leva lentement les yeux vers le vieil homme qui balbutia des excuses à peine pensées. Il ne semblait pas éprouver beaucoup de remords, visiblement. « Je ne sais guère où je l’ai envoyé »… Ça veut dire quoi, ça !? C’est de la merde !! PIRATE !!! Il venait peut-être de tuer Alexander et ce vieillard sénile restait planté là à les regarder avec des yeux de poisson mort !??
En parlant d’yeux, le corsaire crut bien que les siens allaient couler de leurs orbites alors qu’une autre personne sortait du portail magique. Un homme étrangement étrange, bien détraqué aussi en apparence et surtout dangereusement armé !

Incapable de bouger, la seule pensée – à peu près compréhensible – qui occupait pourtant l’esprit de Sydney était la fuite. Fuir ce monde de fou, loin, loin ! Très loin ! Et puis c’est quoi, un Nercanomicon !? D’où venait cet homme ? Etait-ce également la destination du frigophobe ? Pourquoi avait-il fallu que le mage ouvre ce portail ici, dans ces circonstances-là, et pourquoi ne pas réparer sa faute ? Pourquoi, pourquoi, pourquoi à beaucoup trop de choses ; le capitaine sentait son cerveau bouillir sous son bandana.

Son œil tiqua rapidement à plusieurs reprises alors qu’il essayait de faire le vide dans sa caboche pour réorganiser ce flux épouvantable d’informations, cet indicible bordel événementiel. Pourtant les conditions ne s’y prêtaient pas : le monde continuait de tourner beaucoup trop vite pour lui. Il avait besoin de calme mais entre le vieillard et le fou furieux qui se regardaient, Jake qui faisait comme si de rien n’était et le serveur qui le regardait avec insistance, le capitaine ne savait vraiment plus quoi faire. Il aurait fallu ne plus être pendant deux ou trois secondes pour gérer ça sans devenir fou.

Les paroles de son ami ne filtraient même pas mais il réussit à figer son esprit sur un groupe de mot : « théorie du complot ». Une goutte de sueur vint lui chatouiller la nuque alors qu’il reprenait toutes les pièces du puzzle avec lequel il s’étouffait comme un autiste en les reconsidérant comme ce qu’elles étaient : des cachets de cyanure. Avec un joli ruban de magie, c’était par-fait !

Ses yeux convulsés passèrent d’une personne à l’autre, balayant le café de droite à gauche alors que son visage se déformait sous de nombreux tics… La barrière de sa santé mentale venait d’être percé ; littéralement éventrée.
Le pauvre matelot balloté par le vent ne réussit à faire sortir de ses lèvres qu’un début de cri étouffé et mal à l’aise. Réalisant que crier ne signifiait pas qu’il bougeait, il répéta ce dernier en prenant une grande inspiration, plus fort et plus long , puis une troisième fois à tue-tête avant de sortir du café en hurlant comme un dément, sprintant dans la rue avec la tête entre les mains.

C’était une vraie tempête qui faisait rage dans son crâne qui menaçait d’imploser d’une moment à l’autre. Il avait l’impression d’entendre ce BIIP à chaque coin de rue, devant chacun de ces badauds qui le regardaient de travers en s’écartant de sa course folle.
Un aperçu ? Okay. La version clarifiée et ordonnée donnait quelque-chose du genre : *espiontraitrepardonfoumagieaurevoircingléfusilconspiration* … A quelques détails près. Il arrêta de courir au bout d’un certain temps, mais il lui fallut deux autres secondes pour comprendre qu’il hurlait encore. Il cessa son brouhaha et tourna rapidement sur lui-même, complètement paniqué. Il s’était perdu, ne sachant plus dans quelle direction précise était le café dans lequel il ne retournerait jamais, de toute façon.

Les jambes tremblantes, il n’eut d’autre choix que de se laisser tomber le long d’un mur sous les regards étonnés de dizaines de passants qui n’osaient pas lui venir en aide. Il resta là, prostré, espérant que la seule personne qui ne lui voulait pas de mal vienne l’aider. Au moins il avait le recul qu’il voulait, à présent. Les pensées s’articulèrent de façon plus nette dans sa tête : Alexander était venu s’excuser pour d’obscures raisons et avait été absorbé par un portail magique. Un espion qui voulait le punir d’avoir trahi le Marchand de Sable ? Et puis ce vieux fou, et puis ce deuxième type bizarre avec son fusil… Le serveur… Le type louche… Et Jake, dans tout ça ? Avait-il réussi à s’enfuir, lui aussi ?

L’articulation cohérente de ses idées était un vrai calvaire et il trouvait des centaines de scenarii possibles dans lesquels il testait toutes les possibilités, calculait les probabilités, essayait de comprendre les coups d’avance que chaque cerveau présent dans ce café avait eu sur le sien… Autant vous dire que poser tout ça sur papier serait proprement impossible, ou bien extrêmement long. Et cela se résultait par une loque humaine allongée en position fœtale contre le mur d’une maison gloutoniskaïenne, incapable de faire quoi que ce soit d’autre que trembler comme une feuille, agitée de spasmes en tout genre.

Dans le café, l’homme louche qui avait observé Sydney depuis un certain temps déjà se leva, remit sa capuche sur sa tête et sortit calmement sans prêter attention aux énergumènes présents pour prendre la direction dans laquelle le paranoïaque s’était enfui.

(HRP : désolé Jake, mais c’était trop pour Syd, le faire agir autrement aurait été contre nature, pour lui :3

Jake, qui pensait que l'étrange situation qui était devenue comme habituelle n'allait pas trop déranger le brave capitaine au bandana, fut surpris par sa réaction. Peut-être était-ce dû à l'accumulation des évènements, une saturation simple, mais brutale. Comme un miroir qui se brisait en mille morceaux, Sydney se décomposa sur place, dévoilant une détresse imminente. Il sprinta sa sortie du café en un cri d'affolement.

Sans réfléchir, Jake se lança à la poursuite de son camarade, essayant désespérément de ne pas le perdre de vue. Son seul ami était en proie à une détresse si immense que cela brisait le cœur de Jake. Il avait beau avoir une protection interne qui évitait de révéler son autre personnalité, elle finirait toujours par se briser.

Jake ne voulait pas que Sydney soie seul, et lorsqu'il avait vu son ami se briser devant lui, il savait que cette face sensible qu'il voulait absolument cacher allait se révéler. La tristesse qui emplit le runner au pantalon de cuir était grande. Il ne fallait pas que ces évènements se rapportent à son enfance, où personne ne l'avait consolé. Jamais consolé, en manque constant d'affection. Il se devait de secourir son ami, parce qu'il comptait plus que tout, c'était la dernière chose à laquelle il pouvait encore se raccrocher, son dernier espoir d'ami.

Il perdit Sydney de vue. NON! BORDEL! Sydney! cria-t-il à plein poumons, presque en se cassant la voix, et commençant à déverser un flot de larmes immense. Il faillit se laisser emporter par son chagrin, mais quelque chose de nouveau en lui l'en empêcha. Une vraie amitié s'était créée, et il ne fallait pas la laisser tomber! Il demanda au passant si ils avaient vu un homme avec un bandana quelque part, mais personne ne voulut lui répondre. Il cria partout le nom de son ami en courant et en le cherchant. Comme pour exprimer sa détresse il se mit à pleuvoir, alors que le soleil brillait encore.

Enfin, il le trouva. Le soleil éclairait glorieusement la scène pendant que la pluie retransmettait les émotions de Jake.

-T'es là. Je t'ai cherché partout! Tu m'as fait peur tu sais... fit-il, et, ne pouvant s'en empêcher, il encadra son ami de ses bras pour le réconforter, et aussi sentir que ce n'était pas une hallucination. Oui, il était bien, là, et son corps était regorgeant de vie.

-Je suis là, ne t'en fais pas. Les types curieux sont partis, ils ne me suivent pas. Mais me fais plus ce que tu viens de faire, je sais pas ce que je ferais si j'arrivais à te perdre à travers la foule. Il faut qu'on reste forts ensemble, il faut pas les laisser nous séparer. dit-il en se détachant de lui, lui tenant toujours les mains et en le regardant dans ses yeux tout en versant une dernière larme.

Des bruits venaient de partout autour de lui, le désignant comme sujet de raillerie, comme monstre, peut-être ? Chacune de ces personnes qui le regardaient avec dédain n'étaient que d'avantage de souffrance pour le pirate qui se recroquevilla d'avantage. L'espace d'un instant, il avait même cru entendre son nom. L'aurait-on appelé..? Un de ces mages aurait-il reconnu le voyageur qu'il était et le pointait désormais du doigt ? Rien n'était sûr dans ce monde... Même les endroits les plus calmes comportaient des zones d'ombre où le danger proliférait comme un échantillon viral.

Avait-il raison de croire que le monde entier lui en voulait et le persécutait ? Ou bien n'était-ce que le hasard qui s'acharnait pile au moment où Sydney Miles passait... Au mauvais endroit, au mauvais moment ? Non, c'était trop. Toute sa vie il aurait été victime de cette malchance - non pas qu'il nie l'existence de cette dernière, mais ça ne pouvait pas être la seule cause.
- Pourquoi moi..? sortit instinctivement de la bouche du pirate, presque comme une réponse à cette voix qui l'avait appelé un peu plus tôt.

Quelques minutes passèrent sans que le corsaire trouve la force de se lever. Puis, comme en réponse à son désir de voir un visage familier, celui de Jake se dessina devant ses yeux. Le thermoréactif l'avait retrouvé et le serrait à présent dans ses bras comme s'ils venaient de se retrouver après des années d'errance. Mais cela n'effleura même pas l'esprit du pirate qui se contenta de subir. Un câlin, c'était bien la dernière chose susceptible de lui faire du mal, à présent. Quoique... Avec un poignard c'était une autre affaire, mais mince ! Pour une fois, le parano' se décida à faire confiance à son ami.

Le flot de parole qui suivit fut peu compréhensible par le capitaine au bandana dont la tête tournait un peu. Trop d'émotions, surement. Trop d'agitation. Il se contenta de répéter les mots clés qui lui parvenaient, sans pour autant faire preuve de conviction.
- Forts... ensembles... ouais.

Puis, comme une prise de conscience éclair ; comme si son esprit embrumé venait de lui renvoyer correctement toutes les données, le corsaire se redressa et regarda un instant le thermoréactif. Ses yeux rougis par les larmes trahissaient les émotions qui avaient pu s'emparer du jeune homme.

- Oui, tu as raison... Il faut qu'on reste ensemble, mais là... Là c'était plus possible, je pouvais pas rester. 'Fallait que je parte.
Sans apporter d'avantage de précision ni même justifier sa fuite en solo - ce qu'il estimait ne pas avoir à faire - Syd' se força à se lever pour qu'on puisse tirer un trait sur cette mésaventure. Il rougit un peu en croisant le regard de certains passants, se sentant presque honteux d'un comportement jugé trop excessif. Mais la peur avait bien été présente et il en tremblait encore un peu, persuadé d'avoir réchappé à un sort affreux dans tous les sens du terme.

- Bon... Tu... On peut retourner à l'auberge, maintenant, je pense... proposa-t-il avant de se racler la gorge. Il était un peu gêné. D'avoir autant inquiété Jake mais aussi d'avoir autant de mal à le remercier. Ça viendrait plus tard, probablement.
Pour l'instant, les pensées du paranoïaque étaient encore éparpillées, allant du Marchand de Sable aux filles en passant par le café et Alexander. Que signifiaient ces excuses ? Étaient-elles sincères ? Il ne saurait probablement jamais.

Sans attendre de réelle réponse de la part de son compagnon, Syd' se mit en route pour l'auberge. Il voulait reposer ses jambes qui lui semblaient soudain peser une tonne chacune, s'asseoir un peu pour calmer cette brûlure glacée qu'il avait dans le ventre ; faire redescendre le stress. Pourvu qu'ils quittent rapidement cette ville maudite, ou les incantations magiques causeraient la perte du pirate.

Même s'il avait pris soin d'emprunter un chemin différent pour ne pas repasser devant le café de tous les dangers, Sydney avait la désagréable impression d'être suivi, et ça n'était pas seulement à cause de ce qu'il avait donné à voir en spectacle. Il se retourna l'espace d'une seconde pour s'assurer de l'exactitude de ce sentiment et en effet : l'homme encapuchonné les suivait. Il avait dû partir en même temps que Jake ou peu après, mais sa simple présence ne rassurait pas.
D'ailleurs ce mystérieux personnage semblait plutôt les chercher, mais aussitôt que Sydney eut montré son visage, l'homme lui fit signe et commença à avancer à grandes foulées vers le pirate. Sans hésiter une seconde de plus, le paranoïaque se remit à courir en lançant simplement à Jake un cours ! vite ! dont il n'était même pas sûr que son compagnon l'ait entendu.

Il fallait se hâter de rejoindre l'hôtel et s'enfermer dans la chambre pour ne plus jamais en sortir. Simple et efficace.