Avoir le monde contre soi n'est pas une sinécure

Contrairement à ce qu'il pensait Dakota ne chassa pas Sélène, elle ne la serra pas non plus dans ses bras mais déclara qu'elle était prêt à fournir un effort par rapport à ce qu'elle avait vu dans le miroir. De quoi parlait t-elle...? James n'avait pas souvenir de cette épisode là...Encore un trou de mémoire ou bien n'était il pas avec les filles à ce moment là ? Il leur demanderait après. Sélène décida d'aller se débarbouiller un peu après s'être vu donné deux obligations et il ne restait plus que Dakota, lui et l'inconnu qui ne semblait pas si inconnu pour son amie. Enfin cette dernière ne semblait pas être d'accord que l'homme soit ici, l’accusant d'être quelqu'un de mauvais.

- Euh...C'est qui...?

La blondinette avait remis sur le tapis le miroir à croire que c'était un objet important, une sorte de test qui permettrait de savoir quelque chose.

- C'est quoi ce miroir...?

Entre temps Sélène était revenue de la salle de bain et c'était assise par terre avant de manger la nourriture que le restaurant avait gentiment accepté de mettre dans des boîtes. En voyant cela le ventre de James se mit à gargouiller car il n'avait pas mangé depuis ce matin, mise à part le petit sandwich. Dakota pouvait bien lui expliquer tout en mangeant. L'adolescent prit alors son repas et ses couverts en plastique avant de s'asseoir sur le lit. Il constata alors que il manquait ceux de Dakota. Les avaient elle mangé ?

- Tu as mangé Dak...ota ?

Il avait failli l'appeler par un surnom et s'était ravisé en se disant que ça ne devait pas lui plaire ce genre de chose. En tout les après ce repas il serait temps d'aller se coucher car James se sentait extrêmement fatigué par ce qui venait de se passer et son travail. En plus demain les voyageurs devaient se lever. Cela dit l'adolescent ne savait pas comment ils allaient dormir tous les trois, ou quatre mais ça m'étonnerait, dans cette chambre, avec un seul lit. Ca ne le dérangeait pas mais il se sentait pas de dormir à côté de Sélène, qui sait si pendant son sommeil elle n'aurait pas des envies bizarres à son encontre ?

Ses mots avaient été ceux de trop, et Roy avait fait volteface sans demander son reste. Un sourire mesquin empreint de satisfaction étira les lèvres fines de Dakota pour disparaitre aussitôt alors qu’elle réalisait l’opportunité qu’elle était en train de laisser filer. Ce mec était un phobique n’est-ce pas ? Et en tant que tel, il était tout destiné à subir son pouvoir de copie de pouvoir. On ne savait jamais quel don pouvait vous sauver la mise et il était hors de question de se retrouver lésé à cause d’un acte irréfléchis motivé par sa mauvaise humeur. Son orgueil n’en supporterait pas la honte.

La blondinette sauta sur ses pieds comme si elle avait été montée sur ressors et couru jusqu’à la porte pour rattraper l’aquaphobe. Il avait dit avoir peur de l’eau, mais elle n’avait aucune raison d’en avoir peur sur l’instant pourtant il était primordial d’effectuer la copie maintenant pour pouvoir se débarrasser de l’importun tout en en tirant un bénéfice. Alors qu’elle se heurtait à un mur de logique, forte de constater qu’elle ne pouvait mettre son plan à exécution sans ressentir la bonne angoisse, elle sentit un étrange picotement parcourir ses membres. C’était comme si… comme si… elle avait été mise à jour.

C’était stupide, elle n’aurait pas su dire pourquoi ce terme lui venait à l’esprit mais le temps de se poser la question Roy avait déjà disparu au pied de l’escalier. Un soupir contrarié s’échappa des lèvres de la phobophobe devant ce qu’elle considérait comme un échec alors qu’en réalité un peu d’eau sur son cou y ferait – si elle le désirait – apparaître désormais des branchies.

Lorsqu’elle revint dans la pièce, Selene et James s’étaient déjà mis à manger à même le sol ou sur le lit comme des pouilleux dépourvus de manières. Les questions de son ami lui revenaient à l’esprit avec un temps de retard alors qu’elle les observait en se demandant si elle devait leur signaler qu’il y avait une petite table juste sous la fenêtre, mais préféra garder son venin pour éclairer la lanterne du psychotique.

- « C’était » Roy, un stalker qui se disait aquaphobe mais qui passait son temps à nous pister comme un chasseur. Quant au miroir… je l’ai eu à la mairie, tu te souviens ? Je peux voir la vraie nature des gens au travers, mais ça me rend aveugle. Jules ne te l’a pas dit ? Il était là pourtant lorsque je l’ai utilisé la première fois.

C’était frustrant pour elle de parler de l’ami imaginaire comme s’il existait vraiment mais il y avait eu assez de conflits pour aujourd’hui et elle ne se voyait pas lancer de nouveau un débat sur la réalité de l’existence du chevalier servant de James. Ça n’aurait mené à rien de toute manière, sur le sujet son ami faisait preuve d’une mauvaise foi à peine croyable.

De sa démarche raide, Dak’ tira sa chaise jusque la table sur laquelle elle disposa avec un soin méticuleux ses barquettes restantes. Elle avait offert son entrée à Roy, mais il y avait encore bien trop à manger pour son corps chétif et sa tendance à l’anorexie, si bien qu’elle n’en ouvrit qu’une dans laquelle elle piocha avec précaution. Le simple fait de manger répondait bien assez à la dernière interrogation qu’on lui avait adressé et elle ne rouvrit la bouche pour parler que lorsque le récipient fut intégralement vide. On ne tolérait pas le gâchis chez les Earnshow. Être riches n’excusait en rien le fait d’être outrageusement dépensiers, c’était avec ce genre de raisonnement bancal qu’on finissait sur la paille comme le lui avait doctement signalé son père lors d’une de ses rares présences à la maison.

- Je suis fatiguée, je suppose que c’est notre cas à tous d’ailleurs, et il se fait tard. On devrait se coucher. Sauf que comme vous l’aurez remarqué cette pièce ne comporte qu’un lit et suite aux récentes tensions je conçois mal dormir tous les trois dedans.

Elle marqua une pause durant laquelle elle lissa le tissu de sa jupe, son regard glacé braqué sur ses camarades. Voguant de l’un à l’autre, ses yeux discernaient bien sur les traits de l’un l’appréhension et sur celui de l’autre la honte. Vu l’heure tardive la chance d’avoir une autre chambre de libre était infinitésimale et aucun d’entre eux ne choisirait de payer une chambre pour dormir par terre –pas elle en tout cas- ce qui ne laissait entrevoir qu’une possibilité qui ne l’enchantait guère.

- A la rigueur je pourrais dormir entre vous deux. Je bouge à peine, il paraît que j’ai le sommeil d’un mort. De toute façon nous n’avons pas réellement le choix et je ne coucherais pas dans la baignoire pour arranger les choses. D’ailleurs nous n’avons pas de baignoire, ce qui élimine définitivement cette option.

L'adolescente se faisait tellement petite que se concentrer sur son repas la coupait partiellement du monde qui l'entourait. Elle voyait du coin de l’œil, sans l'enregistrer vraiment, que ses comparses s'étaient eux aussi mis en tête de finir leur diner et profita du silence qui avait enveloppé la chambre pour faire un petit point mental un peu plus calme. Le bon coté de la soirée était que ce qui devait être dit avec été dit, et donc qu'il n'y aurait éventuellement plus de zones d'ombre dérangeantes entre les trois jeunes voyageurs. Néanmoins, cette conclusion s'était trouvée après un véritable chaos qui laisserait sans doute des séquelles pendant un moment. Selene poussa un soupir, son cœur encore douloureux dans sa poitrine fragile.

Bien qu'elle ait fini de manger depuis un moment, elle ne leva ses yeux noisette que lorsque Dakota soulevait le problème de la nuit. Que répondre à ça ? Hormis que même sans ce qui s'était passé, elle aurait trouvé assez gênant de partager le même lit que James. Si la bague la rendait outrageusement décomplexée, elle était en réalité beaucoup trop timide pour dormir aux cotés d'un garçon de son âge qu'elle connaissait à peine, fusse-t-il gay et adorable. Sans un mot, la galloise fixa un instant le bout de ses chaussures, puis se leva doucement en informant d'une petite voix :

- On peut faire ça. Je ne vais pas dormir de suite de toute façon...

Elle jeta ses barquettes vides dans une poubelle et embarqua ses affaires dans sa salle de bain pour s'y enfermer. Un court instant, elle demeura immobile, la pièce ne lui évoquant que de vagues réminiscences trop obscures, puis chassa les démons en secouant la tête. Ses cheveux flamboyant dansèrent avant de retomber sur ses épaules frêles, tremblantes même, sous le poids de tout ce qu'elle sentait l'écraser. Selene inspira profondément avant d'entreprendre de ses brosser les dents, mais elle avait l'impression qu'un étau de plomb lui enserrait la cage thoracique en gênant ses voies respiratoires. Ses yeux délavés par des années de larmes se perdirent tristement dans le néant de son reflet, troublés, incertains.

Ensuite, elle défit ses bandages et se déshabilla. Ses écorchures se résorbaient naturellement, il n'y avait rien de plus à demander. Elle préféra laver ses sous-vêtements de Noël avant d'entrer dans la douche, frottant avec une énergie désespérée, comme si tous ses soucis allaient disparaître sous l'action de l'eau et du savon. La rouquine estima avoir terminé lorsque les muscles de ses bras fatigués réclamèrent l'armistice ; elle étendit alors ses dessous au même endroit que ceux de la veille - à défaut de pouvoir les dissimuler quelque part où James ne risquait pas de les voir - et entra dans la douche pour se délecter d'une eau brulante. Elle avait l'impression de fondre, comme si son corps était fait de pleurs glacés, d'une substance qui menaçait d'exploser au moindre geste trop brusque. Son poignet blême tendu devant elle, ses pulsions suicidaires refirent surface comme un tsunami : et pourquoi elle ne le faisait pas ?! Rien ne l'en empêchait, elle ne manquerait à personne et sera même plutôt une libération.

Dans ses songes brumeux, l'image de son ami qui lui disait que ce n'était pas ce qu'elle voulait se redessina, assez nette pour chasser les envies de mort. Que voulait-elle alors ? Était-il seulement possible de retrouver une vie normale désormais ?! Selene admirait Dakota, parce que celle-ci était assez forte pour survivre à se genre d'épreuves interminable. Mais en ce qui la concernait, elle voulait juste rentrer chez elle et tout oublier. Oublier Parkinson, le Slavedog Millionnaire, Liam, Jonh, Asmodée, même James, tout rayer et revenir à sa vie d'adolescente de 15 ans. Elle n'était pas malade, elle n'avait pas besoin de psychiatre.

Du bout d'un doigt fin, la galloise dessina sur la porte humide de la cabine de douche le visage d'un épouvantail, dont les traits s'animaient dans son encéphale traumatisé. Elle lui sourit, un peu ailleurs, et termina de se laver pour sortir s'emmitoufler dans une grande serviette afin de se sécher. Sans réellement savoir pourquoi, elle avait envie de pleurer encore, mais garda ses larmes bien cachée dans ses yeux noisette. Une fois rhabillée, ses pansements refaits et ses cheveux correctement peignés, Selene consentit à sortir de la salle de bain où la vapeur dégagée par l'eau chaude avait déposé une couche de buée sur le miroir.

Sans un bruit, elle posa soigneusement sa hotte dans un coin où elle ne gênerait pas, puis vint timidement se glisser sous la couette, se tenant le plus au bord possible, comme si cela allait aider à agrandir la distance qui la séparait de ses comparses. Elle voulut leur souhaiter bonne nuit, mais sa gorge se noua soudainement, barrant la route aux mots. Poussant un petit soupir, elle ferma alors les paupières, priant pour s'endormir rapidement. Peut-être la nuit, même dénuée de rêves, lui apportera-t-elle des réponses quelconques.

James ne ferait pas connaissance avec l'autre garçon car ce dernier était sortie sans demander son reste. Peut être le trio lui avait il fait peur avec toutes leurs histoires ? Dakota était partie à sa suite sois pour le retenir ou lui dire sa façon de penser, la deuxième hypothèse étant sans doute la plus probable. L'adolescent en attendant avait donc opté de manger en attendant et prit place sur le lit avec son repas. Il aurai pu aussi se mettre à la table mais il n'en avait pas envie. Son amie revint de sa petite escapade et lui expliqua qui était cet homme. Finalement il n'avait pas envie de faire connaissance avec lui si c'était ce genre de personne. C'était terrifiant. Peut être même était ce un employé du marchand de Sable !
Bref Dakota répondit à sa deuxième question sur le miroir. Il se souvenait de son retour à la mairie avec Sydney et qui c'était passé quelque chose mais le reste restait noir. Jules ne lui avait rien dit là dessus non plus. Son meilleur ami était vraiment bizarre ces derniers temps il apparaissait et disparaissait à son gré sans même lui adresser la parole.

- Non il m'a rien dit du tout...je me souviens même pas de ce que j'ai fait quand je suis revenue avec Sydney

Est ce qu'il était en train de perdre la mémoire ? Un effet secondaire de ses pouvoirs peut être ? Tout comme le miroir qui rendait aveugle l'utilisateur apparemment. James continua de manger, triturant plus qu'autre chose sa nourriture, plongé dans ses pensées n'écoutant pas vraiment Dakota qui s'était remise à parler. Il finit quand même par revenir sur Terre lorsque son amie parla de dormir dans une baignoire. Ah oui c'est vrai il n'y avait qu'un seul lit.

- Je ne vois pas pourquoi tu dormirai dans la baignoire si il y en avait une alors que c'est moi qui suis venue squatter...je ferai un effort pour pas penser que je suis dans le même lit que Sélène et ça ira

Rien que de penser au lit la fatigue le prenait et James alla jeter ses barquettes une fois le contenu fini puis alla se coucher sur un bord du lit essayant de prendre le moins de place possible.

- Bonne nuit Dakota

Sélène étant partie se réfugier dans la salle de bain il ne pouvait pas lui souhaiter. l'adolescent ferma les yeux et en quelques secondes il dormait déjà comme une souche.

Son regard ne quittait pas la porte qui venait de se refermer sur la silhouette filiforme de la rouquine. Elle était d’accord, ne voulait pas dormir et –soupir- monopolisait encore une fois la salle de bain. Si elle n’était réellement pas fatiguée, la moindre des choses aurait été de laisser la pièce aux gens sales ET fatigués pour qu’ils puissent se débarbouiller avant de s’abandonner dans les bras de Morphée. Il fallait croire que Selene était soit dépourvue de logique, soit ce fichait bien de ce genre de considérations. Pour l’heure Dakota n’avait ni l’envie, ni la force de lui faire la morale. Se coucher puante et couverte d’une fine pellicule de sueur la répugnait, mais il était hors de question de risquer d’avoir peur d’avoir peur de ne pas être en forme au travail le lendemain parce qu’elle avait veillé trop tard pour avoir sa douche.

Alors que James prenait place au bord du lit, Dak’ sortit enfin de son immobilité et jeta ses barquettes vides à la poubelle. Elle grommela un « bonne nuit » en réponse à celui qu’on lui avait adressé et se mit à réfléchir à la manière dont elle pourrait dormir. Rester en sous-vêtements ne lui avait pas posé de problèmes alors qu’elle ne partageait son lit qu’avec une adolescente, mais avec un adolescent en prime ? Hors de question. Aucun pyjama à proprement parlé ne se cachait dans les recoins de sa hotte et elle n’avait aucun endroit pour se changer maintenant que la toquée s’était octroyée la salle de bain. Pour les joies de la collocation on pouvait repasser…

La seule possibilité acceptable qui se présentait à elle était de se débarrasser de ses rangers et de se glisser toute habillée dans le lit, flottant dans ses relents de transpiration. Au centre parfait du lit – à croire qu’elle avait mesuré les distances à l’aide d’un mètre ruban – la phobophobe se promit d’avoir une discussion avec Selene au matin sur l’usage de la salle de bain… et un peu de raisonnement logique aussi. Il était hors de question qu’elle subisse ça chaque jour qu’elle passerait en sa compagnie. Si la rouquine voulait s’isoler, elle n’aurait qu’à aller dans le couloir.

Le silence dans lequel était plongée la chambre n’était troublé que par le tic-tac d’une horloge accrochée au mur et par la respiration lente de James. Dakota cherchait le sommeil les yeux clos mais il la fuyait encore et toujours, comme chaque soir depuis des années si bien que malgré la fatigue qui lestait ses membres de plomb, elle était encore éveillée lorsque Selene se glissa dans les draps.

Quitte à être encore réveillée, autant se débarbouiller. Elle quitta donc le lit prestement et chassa les remords qui l’assaillirent soudain à l’idée de laisser son meilleur ami dans un lit en compagnie d’une fille qui avait été à deux doigts de le violer. Il dormait et ne le saurait probablement jamais, mais n’était-ce pas bafouer sa confiance ? elle n’était pas très au fait des règles de l’amitié et préféra donc chasser ces pensées pour se glisser dans la salle de bain où elle se débarrassa de ses vêtements pour se glisser sous le jet brûlant de la douche.

Sous son crâne les réflexions déferlaient en torrent, sur leur passé, leur avenir et ce qui leur restait de présent. Ils avaient un but mais étaient prisonniers de cette ville parce que le maire les avait assignés à résidence alors qu’à vrai dire… ils n’avaient pas de chez eux ici. Travailler à l’animalerie n’était qu’un pis-aller, ils remplissaient leurs bourses mais stagnaient sur place, désœuvrés. L’adolescente ne payait pas Torres pour jouer les touristes ou apprendre les joies du métier de caissière, elle le faisait pour retrouver son ombre, et son état normal dans le monde réel.

Impossible de dire le temps qu’elle passa dans la douche à réfléchir à toute allure assise à même le sol, les rouages de son cerveau s’emballant. La seule chose de sûre est qu’à un moment son esprit décrocha et que lorsqu’elle ouvrit les yeux, c’était le matin. Toujours nue sous le jet d’eau, elle regarda la petite horloge murale qui indiquait 6h et un rire étrange s’échappa de ses lèvres.

- Avec ou sans baignoire, j’ai fini par dormir dans la salle de bain.

Elle se mit debout dans un concert de craquement d’os, ferma le robinet et s’enroula dans la première serviette venue. Sa peau était fripée comme celle d’une grand-mère pour avoir trop macéré dans l’eau ce qui lui donnait une allure plus que comique vu son jeune âge mais ses comparses dormant encore ne pouvaient profiter du spectacle.

En attendant le réveil des troupes elle nettoya ses vêtements, se revêtit de sa robe sextusienne et s’assit sur le rabat des toilettes faute de pouvoir réquisitionner la chaise de la pièce voisine de peur d’avoir peur de réveiller James ou Selene. Elle passa les heures qui suivirent à réfléchir à un moyen de fausser compagnie à un mage surpuissant à la tête d’une mégalopole et le moins qu’on puisse dire était que c’était loin d’être évident…

Un peu avant 7h, Selene émergea lentement de son antre sans rêve, presque qu’aussi épuisée qu’avant d’avoir fermé les yeux. Malgré les rideaux, la lueur des premières heures du jour se glissait dans de petites interstices pour dissiper les ténèbres de la chambre silencieuse. L’adolescente n’entendait qu’une seule respiration régulière dans son dos, mais elle n’était pas assez réveillée pour s’en rendre compte. C’était de ces journées où on avait l’impression que notre nuit de sommeil avait profité à quelqu’un d’autre : elle avait mal au crâne, mal dans ses muscles et la nausée avec ça. Ses yeux ternes clignèrent plusieurs avec une extrême lenteur tandis qu’elle s’accordait une dizaine de minutes en état de léthargie, puis elle consentit à se mettre sur pieds.

Assise sur le bord du lit, les mains agrippées au matelas, son menton resta un moment collé à sa poitrine, comme si une enclume lui lestait le cerveau tout en lui écrasant les neurones. Les évènements de la veille revinrent trop vite, gorgé d’amertume, comme si ce silence qui régnait ne faisait que cacher une bombe qui menaçait d’exploser d’un instant à l’autre. Pourtant, ne voyait-elle pas le verre à moitié vide ? Elle avait un travail et un endroit où dormir, ce n’était pas donné à tout le monde, même à Dreamland. D’ailleurs, où étaient les autres ? S’en tiraient-ils aussi bien ? Ils ne manquaient pas particulièrement à la rouquine qui ne les connaissait pas assez, mais leur présence serait peut-être la bienvenue pour empêcher leur trio dissonant de se côtoyer H24.

Ne sentant pas la présence, bien que frêle, de Dakota qui aurait dut enfoncer le lit juste au milieu, Selene se força à tourner la tête et découvrit que sa comparse était absente. Seule la silhouette du psychotique occupait encore les draps et inutile de dire que le malaise suscité par cette intimité à deux fit bondir la toquée sur ses pieds. Tout était encore trop frais et même sans cela… c’était comme avoir partagé le lit d’un garçon de son âge, c’était assez gênant.

Ses articulations craquèrent alors qu’elle s’étirait et un long bâillement irrépressible menaça de lui décrocher la mâchoire. La phobophobe sortit alors de la salle de bain, les traits témoignant que comme d’habitude, elle ne devait pas avoir dormi beaucoup. Mal à l’aise, la galloise lui adressa un léger signe de la main qui se mua en glissade dans sa tignasse rousse tout en murmurant un « bonjour » à peine audible. Le fait que le rendez-vous à la boutique les empêchent de prendre tout leur temps était une bonne chose : l’adolescente ne voyait vraiment pas quoi dire à la blondinette et préféra s’éclipser à son tour pour vider sa vessie, se rafraichir l’haleine et se peigner un minimum. Elle en profita également pour récupérer ses sous-vêtements de Noël, sec, et revenir dans la chambre pour les ranger dans sa hotte.

Malgré ses légères nausées, sa boite de Ferrero cailloux lui faisait de l’œil. Selene ne put s’empêcher d’en prendre un et c’est la bouche pleine d’un délicieux chocolat qu’elle fit volte face vers un James qui émergeait à son tour. Les sucreries devaient certainement avoir réellement un pouvoir machine, parce que celle qu’elle avalait la réconfortait suffisamment pour pouvoir supporter le regard du psychotique et lui dire avec un sourire timide :

- Bonjour James.

N’y tenant malgré tout pas plus de quelques secondes, ses yeux noisette se détournèrent, plongés un instant dans le vague d’un mur, puis elle s’affaira à ouvrir les rideaux pour laisser pleinement entrer la lumière du jour. Ses paupières se plissèrent brièvement, les dernières couleurs évanescentes de l’aurore se jetaient sur sa peau pâle, et elle se mit la main devant la bouche pour masquer un autre bâillement.

Désœuvrée, la galloise s’assit finalement sur une chaise après avoir pioché dans un autre chocolat, et attendit les yeux rivés sur ses ongles rongés. Il suffisait de voir la mine fatiguée de la benjamine pour savoir que ça n’avait pas été sa meilleure nuit et même sans cela, les mots « tu as bien dormi ? » refuseraient très certainement de passer l’enclos de ses lèvres. Elle était tout simplement prête à les suivre sur leur lieu de travail, trop peu en condition pour s’extérioriser excessivement.

Tellement il avait été fatigué par sa journée James s'était endormie en cinq secondes comme un gros bébé. Ce fut comme d'habitude un sommeil sans rêve et il ignorait l'heure qu'il était quand l'adolescent émergea. James s'étira dans le lit oubliant complètement où il se trouvait et qu'il aurai pu frapper les filles mais de toute façon elles étaient déjà réveillé. James se mit en position assise et répondit d'une voix encore endormie :

- B'jour...

La situation commença enfin à revenir dans sa tête, ce qui signifiait qu'il allait aller devoir travailler. Rien qu'à cette idée l'adolescent avait la flemme de se lever mais bon il allait pas laisser tomber ses amies qui l'avait gentiment accueillies. James finit par se mettre debout et fouilla dans sa hotte à le recherche de vêtements, de manger ou en fait il était encore dans le coletar. Ce n'est qu'au bout de cinq minutes qu'il se demanda ce qu'il faisait et prit les vêtements reçus par le calendrier avant d'aller dans la salle de bain pour se réveiller par une bonne petite douche. L'adolescent posa ses vêtements propres et se déshabilla avant de filer sous le jet d'eau froide. Enfin, il opta plutôt pour le tiède. Une fois cela le savonnage et le rinçage fait James s'essuya et enfila les vêtements dont un super sous vêtement Noël en total contraste avec ce qui suivit. Le voyageur s'être vêtu du costume de soirée qui était couleur chocolat.

- Bon bah ça ira...!

Il aurait aussi bien besoin d'un coup de peigne et de se brosser les dents mais il n'avait pas ça sous la main. Ca serait beaucoup plus pratique si il allait se couper les cheveux. Il irait ce soir si il aurait le courage, et acheter un peigne, du dentifrice et une brosse à dent. James lava ses vêtements sales et les étendit dans un coin de la salle de bain avant de revenir dans la chambre. Il était presque 9h d'après sa montre Lucky Luke. Il avait le temps de grignoter quelque chose. Mais bien sur...

- Simooone t'es oùù ?

James chercha sa poule dans la pièce qui avait toujours aussi peur de Sélène et finit par la trouver caché derrière la table de nuit. L'adolescent la prit dans ses bras et chopa les oeufs qu'elle avait pondue. Gardant un périmètre de sécurité il retourna dans la salle de bain rincer le petit déjeuner avant de revenir. Il y avait pile poil 3 oeufs.

- Vous en voulez ?

Sa peau s’était lissée au fil des minutes, lui permettant de recouvrer son aspect juvénile que son expression froide mettait si souvent à mal. Toujours nue, perdue dans ses réflexions, Dakota finit par s’ébranler pour se rendre présentable, à commencer par dénicher des sous-vêtements. Ceux qu’elle avait lavé la veille avaient séché, la gamine les troqua donc efficacement contre ceux de noël aux dessins ridicules qui subirent bientôt un châtiment bien mérité à l’aide d’eau et de savon. Les travaux domestiques n’étaient pas son fort, mais ça aidait grandement à organiser ses pensées.

Le maire tout d’abord. Impossible de lui fausser compagnie, mais ce n’était pas pour autant qu’attendre passivement était la seule option qui se présentait à eux. La disparition de leurs ombres était préoccupante, hors de question de laisser ça en suspend sous prétexte qu’un vieux barbu en robe avait décrété qu’ils ne pouvaient pas quitter la cité. Elle le harcèlerait, elle le suivrait, elle ne le lâcherait pas d’une semelle et ce jusqu’à ce qu’il leur rende leur liberté de mouvement. La phobophobe n’était peut-être qu’une frêle gamine de 13 ans, mais elle avait la ténacité d’une tique. Elle s’accrocherait jusqu’à avoir ce qu’elle voulait, l’échec n’était même pas envisageable.

Une fois sa lessive terminée, elle enfila sa longue robe sextusienne et sortit de la salle de bain juste à temps pour croiser Selene qui avait visiblement pris un abonnement pour cette partie de la chambrée, à croire qu’elle souffrait d’un T.O.C. de propreté en plus de l’autre. Un bonjour sec en écho à celui timide qu’elle avait reçu, puis la surdouée s’échina à ranger sa hotte avec un soin méthodique jusqu’à ce que la rouquine reparaisse et que James émerge –enfin- du sommeil.

Maintenant qu’ils étaient tous debout, l’atmosphère pesante était perceptible. Les relents nauséabonds de la honte et du ressentiment flottaient dans l’air vicié de la chambre et même si personne ne semblait vouloir en parler, Dakota ressentit le besoin de fondre vers la fenêtre pour l’ouvrir en grand. Une profonde inspiration, puis une seconde… elle réagit à peine lorsque James leur proposa des œufs.

- Euh…pourquoi pas, mais comment comptes-tu les cuire ?

La réponse à sa question ne l’intéressait pas vraiment, mais elle l’avait posé quand même. Parce qu’il le fallait, parce qu’elle refusait de travailler une journée entière avec des gens qui couvaient en eux de la haine, du dégoût et des potentielles idées de vengeance. Pardonner ? Mais voyons, vous êtes bien naïfs… Personne ne pardonnait jamais autrement qu’en surface. Le fait est qu’on ne pouvait pas oublier le passé même enfoui sous des mètres cube de béton et malgré cet obstacle il finissait toujours par ressurgir au premier séisme venu. Perfide, fourbe et terriblement patient.

Elle comptait bien jouer le jeu de l’entente, pour ces fichues pilules mais aussi parce qu’elle n’aimait pas passer pour une menteuse. Si elle avait affirmé passer l’éponge la moindre des choses était de jouer le jeu, même si c’était très loin de la réalité. L’envie de pouvoir copier le pouvoir de Selene était dévorante, mais depuis l’appui de la fenêtre, dos tourné aux deux autres, elle n’arrivait pas à reproduire ses sensations de la veille malgré sa concentration. Peut-être que son pouvoir ne marchait que sur les phobiques ?

- Quelle plaie, grommela-t-elle, inaudible.

Si seulement elle avait pu accomplir ce simple geste, elle aurait pu faire voler ce groupe bancal en éclat et s’enfuir avec James, direction le bureau de ce cher Ernest MacArthur. Les dieux de Dreamland étaient décidément bien cruels.

La blondinette finit par faire volte-face pour lancer un rapide coup d’œil à la pendule qui indiquait 9h10. Plus que 50 minutes avant l’ouverture de l’animalerie et un estomac encore vide. Après réflexion ce n’était pas si dérangeant que ça, toutes ces histoires à la Dallas avaient de quoi couper l’appétit. L’œuf de James serait bien suffisant à condition qu’il mette la main sur une poêle.

HRP : Dak' tu as fait un bond de 2h dans le temps T-T . Selene s'est réveillée à 7h, et même en comptant que lenteur et fatigue étaient de mise... ils n'ont pas passé 2h depuis lol. Mais bon, j'ai bricolé un peu pour rattraper =3
Pis c'est un détail \o/

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Visiblement, aucun de ses comparses n’avait spécialement envie de faire un grand pas pour la réconciliation, et ça se comprenait. Selene elle-même se sentait lasse, épuisée, désillusionnée par cette relation bancale qui, bien que reposant désormais sur les carcasses de bonnes résolutions, ne lui laissait plus présager grand-chose de bonne augure. De ses yeux noisette ternis par une vie de malheurs, elle observa James qui récupéra les œufs de sa poule pour aller – Ô sacrilège – les rincer à l’eau du robinet. L’adolescente n’avait pas la prétention d’être une spécialiste des animaux de basse-cour, notamment dreamlandiens, mais il lui semblait avoir déjà entendu dans le monde réel certaines petites choses à leur sujet.

Quand le psychotique lui en proposa, elle fit non de la tête, entrainant ses mèches rousses dans un ballet désordonné. D’un doigt pâle, elle désigna sa boite de Ferrero cailloux et sa tête rentra timidement dans ses épaules tandis qu’elle répondait :

- Merci, c’est gentil… mais j’ai déjà un peu mangé, ça ira.

C’était la vérité. Son estomac était encore noué et si le plaisir du chocolat avait sans mal passé les barrages du malaise qui la rongeait, tout autre met aurait certainement plus de mal. Après une œillade à la surdouée qui avait ouvert la fenêtre, la galloise inspira pour se donner du courage, son sourire amical grignoté par les dents aiguisées de la culpabilité :

- Tu sais… je crois que normalement, il faut éviter de rincer les œufs à l’eau… la coquille est poreuse, alors tu fais rentrer toutes les saletés à l’intérieur.

Elle soutint quelques difficiles secondes le regard de son comparse, puis détourna ses prunelles noisette. Il ferait ce qu’il voulait de son conseil de toute façon, elle n’avait pas la force de faire passer ses arguments avec force, tout juste celle d’encaisser une infirmation trop sèche. Poussant un soupir triste, elle tira de sa hotte son carnet à dessin et son crayon afin de noircir une page de ses amis empaillés. Ça passerait le temps, et ça dissiperait légèrement la bulle de mal-être qui gonflait dans ses entrailles.

D’ailleurs, quand elle n’était pas pressée par une nécessité pathologie, ou perturbée par une tornade de sentiments, ses représentations n’étaient pas si moches que cela. Ça ne lui vaudrait pas d’être admise aux Beaux-arts bien sûr, ni en école d’arts appliqués, mais on reconnaissait sans mal la foule d’être squelettiques et sinistres qui, pour elle, étaient autant de phares dans les ténèbres qui l’habitaient. Quand enfin Selene leva les yeux de sa page – une fois qu’il n’y avait plus de place pour continuer en réalité – le temps avait filé à une vitesse folle dans un silence quasi-perpétuel, et l’heure du travail sonnerait dans cinquante minutes.

- Il… il ne serait pas temps d’y aller ? demanda-t-elle timidement, on avait mis environ trois quart d’heure pour faire la route hier je crois…

Au fond, elle avait si peu envie d’aller à l’animalerie qu’elle accueillerait presque volontiers un élan d’absentéisme. Seule sa conscience professionnelle l’empêchait de fausser compagnie sans prévenir à un homme qui avait eu la gentillesse de l’embaucher alors qu’elle n’avait absolument aucune expérience dans le domaine. Sans compter que se consacrer entièrement aux bestioles diverses et variées lui permettraient peut-être d’oublier ses soucis, au moins le temps d’une journée. Le soir venu, elle avisera, si jamais l’ambiance se détériore plus encore.

Avec les gestes mécaniques d’une personne qui n’est toujours pas complètement réveillée, la rouquine trouva ses rangers et les enfila avant de prendre sa hotte sur son dos. Elle était prête. A travers la fenêtre ouverte, elle voyait que la journée qui s’annonçait était comme les précédentes : radieuse et ensoleillée, à croire que les météorologistes de Gloutoniskaïa jouaient de leurs sortilèges pour que le mauvais temps ne soit chez eux qu’un mythe.

Ses épouvantails avaient eu le mérite d’alléger l’étau qui lui broyait l’estomac jusque là et tétanisait les muscles de son visage. Selene put donc accorder un bref sourire tristement amical à James lorsque leurs yeux se croisèrent, puis elle prit en première la direction de la porte, sans trop savoir si les autres suivraient son exemple.

Tout fier d’avoir trouvé des œufs et par conséquent un minimum de petit déjeuner James avait oublié qu’il n’y avait rien pour les faire cuire ici. Le Père Noël ne leur avait pas offert de poêle malheureusement. Du coup la joie de l’adolescent retomba et la remarque de Sélène ne fit encore plus qu’assombrir sa bonne humeur. Comment il aurait pu savoir une telle chose ? Il avait jamais travaillé dans une ferme ou lu un livre de cuisine.

- Ah…

Etait ce vraiment grave ? Après tout avec une cuisson la saleté mourait et les microbes avec ! Enfin de toute manière il n’y avait pas d’ustensiles de cuisine.

- Il faudrait que j’achète une poêle alors…

C'était les œufs de sa poule alors c’était normal que cela soit lui qui achète de quoi les faires cuir.

- Je vais voir si j’en trouve une

En espérant que cette fois ci il ne se perde pas. Tenant sa poule contre lui James sortie de la chambre et descendit pour sortir de l’hôtel. Les rues grouillaient déjà de monde et le soleil lumineux éclairait la ville. De quoi mettre de bonne humeur dès de lé début de la journée pour les travailleurs. L’adolescent d’ailleurs n’avait pas très envie de retourner à l’animalerie, surtout depuis ce qui s’était passé avec Sélène, la proximité avec cette dernière était assez difficile à supporter. Il avait peur qu’elle recommence à se transformer et que à nouveau sa mauvaise personnalité n’abuse de lui. Même au naturel elle l’avait sans doute désirer vue que cette bague permettait de se lâcher…
L’adolescent secoua la tête pour sortir ses mauvaises pensées de sa tête et chercha un vendeur d’ustensile de cuisine même si il y avait de forte chance que la magie se charge de le faire. Si Jake aurait été là il aurait fait cuire les œufs avec son pouvoir de feu…D’ailleurs est ce que tout allait bien pour les garçons ? James avait dû être viré pour avoir disparu d’un coup et ses compagnons ne devaient plus avoir envie de le voir en le prenant pour un lâcheur. C’était pas sa faute pourtant si Jules l’avait embarqué contre son insu !

James passait devant les étalages tout en réfléchissant mais ne faisait pas vraiment attention aux étalages si bien que à un moment il se demandait où il était arrivé. Heureusement l’adolescent en retournant sur ses pas eut des impressions de déjà vue et finit par retrouver l’hôtel. Il remonta dans leur chambre retrouvant les filles qui n’avait pas bougé contrairement à l’heure.

- J’ai pas trouvé…

Dit-il d’une voix basse. Quelques minutes plus tard Sélène lança qu’il était peut être temps d’y aller. C’est donc avec une grande motivation que James alla prendre sa hôte après avoir mit Simone dedans. Le trio se mit donc en route vers l’animalerie. Sur le chemin quelque chose revint en mémoire dans la tête de l’adolescent qui s’exclama.

- L’auberge elle était pas loin de la rue du Clown ! On est allé là bas parce que un mage devin à di que vous étiez dans cette rue…On a d’ailleurs croisé un type étrange là bas…Je dis ça parce que bah j’aimerai bien savoir si les garçons vont bien ou pas…

Ne pas rincer les œufs à l’eau… oui, soit. Mais si l’on ne devait pas les faire tremper, comment Selene se faisait-elle des œufs dur ou à la coque ? Un sourcil haussé Dakota détaillait la rouquine avec un intérêt limité qui fut bien vite balayé par la même remarque que celle que se fit intérieurement son meilleur ami concernant la cuisson. Malgré tout persistait désormais dans un coin de sa caboche l’éternelle voix pernicieuse qui lui soufflait qu’elle pourrait malgré tout avoir peur d’avoir peur de tomber malade après avoir mangé l’un des « cadeaux » de Simone… pourquoi cette fille ne savait pas fermer sa grande bouche ? Dak’ soupira de dépit en regardant le psychotique sortir à la recherche d’une poêle.

Une fois la porte refermée, le silence s’était installé dans la chambre. Profond, dérangeant. Il aurait peut-être fallut engager la conversation pour alléger cette ambiance pesante plus que malsaine mais elle n’en avait aucune envie. Au lieu de desserrer les lèvres elle préféra se coiffer de sa couronne de Méduse puis d’enfiler ses lunévolutives. Entourée de serpents menaçants et ses yeux froids masqués par ses verres fumés elle se rendait ainsi inaccessible à toute tentative de sociabilisation. Il était trop tôt pour faire des efforts en ce sens.

Au bout de longues minutes qui lui semblèrent des heures, James reparu sans poêle comme on aurait pu s’en douter. Tant pis, la surdouée n’avait même pas vraiment faim après tout. Elle haussa les épaules pour signifier que c’était sans importance après quoi la toquée lança le signal du départ. Ô rage, ô désespoir… encore une longue journée d’ennui et de programme télé débiles ponctués d’interventions de clients égocentrico-narcissiques et insupportables au possible. Rien de tel pour bien commencer la journée, mieux qu’un bon bol d’ovomaltine !

- Oui… on risque d’être en retard si on ne se dépêche pas.

Le petit groupe quitta l’auberge sans mot dire. Si le temps était au beau fixe il était à l’exacte opposée de leurs relations mais le naturel de James vint temporairement éclipser ce fait. La rue du Clown ? Un mage devin ? Un type étrange et… les garçons ? Une moue dubitative déforma les lèvres fines de la surdouée qui tentait de ne pas voir l’inquiétude qui perçait dans la voix de son ami. Soit, il voulait les retrouver mais ce n’était vraiment, vraiment pas de moment. Ils étaient liés à leur patron par un contrat magique et ils avaient promis de venir travailler aujourd’hui. Impossible de se défiler mais à la fin de la journée qui sait ? Peut-être pourraient-ils entamer des recherches même si…

… et bien à vrai dire elle n’était pas sûre de vouloir les retrouver. Avoir des alliés était une bonne chose mais ce n’était pas une raison de prendre les premiers venus. Sincèrement, ils parlaient là d’un pirate paranoïaque faisant une fixette sur les bancs publics, d’un homme qui tombait du ciel à moitié nu et d’Alexander. Alexander ! Non pas qu’elle ait de réelles relations conflictuelles avec lui mais le côtoyer le temps d’un job avait suffi à lui faire comprendre qu’ils étaient globalement incompatibles faute à leurs égos respectifs.

- Je sais James, mais nous sommes sous contrat, répondit-elle simplement, On verra ça plus tard d’ailleurs j’ai une idée en tête qui pourrait faciliter les recherches.

Le pire était que ce n’était même pas un mensonge. Elle avait eu le temps d’y réfléchir pendant son insomnie, et même si ce n’était peut-être pas parfait elle commençait à connaitre Dreamland. Ce monde où on envoyait le courrier par e-mail, par lettre, par hologramme mais aussi par des moyens aussi farfelus que les hiboux postaux. Ne suffisait-il pas de leur donner un destinataire pour qu’ils le trouvent d’eux-mêmes ? Ils n’avaient donc qu’à en acheter un, adresser un courrier à n’importe lequel des trois autres avec un point de rendez-vous et s’y rendre. Simple comme bonjour malgré l’impact pécuniaire non négligeable.

Leurs pas avaient fini par les mener devant l’animalerie dans laquelle Dakota pénétra pour filer droit jusqu’aux vestiaires pour enfiler short et t-shirt à l’effigie de la mascotte de l’animalerie, avant de se poster derrière la caisse. Le défilé des horreurs pouvait désormais commencer…

Sa main droit glissa jusqu’à la télécommande pour allumer la télé, dévoilant le visage bouffi d’un présentateur de téléachat. La gamine le fixa d’un œil morne alors qu’il vantait ce qui ressemblait à un bâton à bulles qui servait, à l’en croire, à se protéger des attaques. Mouais, pourquoi pas même si niveau crédibilité on pouvait repasser.

- T’façon ils vendent que de la camelote dans ce genre d’émission, soupira-t-elle, sceptique.

Ca lui était revenu comme un flash et James avait fait part de sa découverte aux filles. Si il était inquiet pour les garçons cela ne semblait pas être le cas pour Dakota. En même temps l'adolescente ne semblait pas se soucier de beaucoup de monde à part pour le voyageur. Elle avait cherché à le consoler et l'avait vengé de son agression. James n'avait rien dit à propos d'y aller maintenant, il était au courant que hier soir le trio avait renouvelé le contrat. Enfin, Sélène avait prit seule la décision de dire " oui" parce que honnêtement il s'en serait bien passé. Ce métier n'était pas fait pour lui, c'était trop ennuyant et pour un timide comme lui parler aux clients n'était pas choses aisées. Mais si Dakota avait une idée pour les recherches alors il n'avait plus qu'à attendre que le travail soit terminé.

- D'accord...

Répondit il simplement tandis que leurs pas les avaient menés jusqu’à l'animalerie. Tout comme ses collègues James fila se changer ayant reçu ses vêtements à l'effigie de la boutique. Comme hier il laissa Simone dans la salle de repos dans la hotte en espérant que Sélène n'aille pas y faire un tour. Il ignorait pourquoi sa poule se mettait dans tout ses états en la présence de la voyageuse. Les mystères des animaux. Bref. L'adolescent retourna dans le magasin et pour l'instant il n'y avait personne alors autant aller tenir compagnie à Dakota. Cette dernière avait allumé la télé sur une émission de vente. Lui aussi était sceptique quant au pouvoir du bâton. Ca aurait été plus intéressant si il vendait des ustensiles de cuisine.

- Tu crois qu'on devra rester encore longtemps dans cette ville ?

Demanda t-il soudainement. Pas que ça le dérangeait de rester dans cette ville où personne ne voulait leur couper la tête, hormis le Marchand de Sable mais lui il pouvait sans doute se trouver partout. Non en fait sa véritable question c'était plutôt quand est ce qu'il rentrerait à la maison parce que sa mère lui manquait. Mais tant que leur ombre n'aurait pas retrouvé leur place il serait contraint de rester dans ce monde.

L’œil morne, James et Dakota faisaient un beau duo devant la télévision, prêts à être lobotomisés par le flot d’images continu que vomissait le petit écran. Au bâton à bulle avait succédé des bonbons censés faire pousser les cheveux mais la surdouée n’eut pas le temps de se pencher sur la fortune que se feraient les inventeurs de ce produit s’ils avaient réussi à le vendre dans le monde réel étant donné le marché prometteur des hommes complexés à calvitie précoce. Comme prit d’une idée soudaine, son meilleur ami avait balancé une question à laquelle – une fois n’est pas coutume – elle n’avait pas la réponse.

Leur situation dépendait du bon vouloir du maire de la ville. Si ça lui chantait il pourrait leur interdire de quitter la ville pour toujours même si la gamine était bien décidée à contourner l’interdiction si cette situation immobiliste perdurait trop longtemps. Sa première réaction fut donc de pincer les lèvres en haussant les épaules après quoi elle se décida enfin à desserrer les mâchoires.

- Je ne sais pas. Je n’espère pas en tout cas. Sans le feu vert de McArthur on n’ira nulle part, si ça se trouve il nous a même ensorcelés pour qu’on ne puisse pas dépasser les limites de la ville.

Il en aurait été parfaitement capable, ce bureaucrate fourbe aux allures engageante. C’était le propre de tous les politiciens que de vous faire miroiter des choses avant de vous laisser le bec dans l’eau. Mais le psychotique n’avait pas l’air convaincu, à croire qu’elle avait mal compris la question. Que voulait-il savoir alors ?

- Rester à Dreamland tu veux dire ? tenta-t-elle peu convaincue.

Le tintement d’une clochette interrompit la discussion pour annoncer l’arrivée d’un client matinal. C’était un homme un peu rustre, un coq sous le bras qui avait l’air plus que remonté. A peine rentré dans la boutique il attrapa le volatil par le cou et le secoua comme un hochet en répandant des plumes à la ronde. Le bouseux s’égosillait à propos de son coq qui n’aurait pas été assez fertile à son goût, de publicité mensongère ainsi qu’une belle collection de jurons. Un travail pour James de toute évidence.

Le repos de Dak’ fut lui aussi troublé lorsqu’elle comprit que monsieur était accompagné de madame qui avait l’air bien décidée à commander de quoi nourrir un régiment de poule pendant 1 an. Pire que ça, elle voulait marchander. L’adolescente eut un mal fou à se retenir de lui demander si elle se croyait sur un marché, et qu’ici les prix étaient fixes. Du silence à peine troublé par le babil de la télévision, la boutique était passé à la véritable tempête auditive. De quoi filer une bonne migraine à la phobophobe qui regrettait déjà amèrement d’avoir renouvelé son contrat.

- Je voudrais 50 sacs de graines de 15 kg, 10 sacs de compléments alimentaires bien sûr… vous avez encore du poulidor ? J’ai cru comprendre que ça améliorait le goût des bestiaux, et si je peux me faire un peu de marge ça ne peut être que profitable non ? Mais bon, vous comprenez, l’amélioration de la qualité à un coût et je ne peux pas me permettre de faire flamber le prix des poules alors si vous pouviez…

**Non je ne peux pas. Hors de question. Hors de question sale truie profiteuse et stupide.**

- Euh… ça ne sera pas possible je le crains…

- Mais c’est une honte ! Alors que nous sommes de si bons clients ! Vous pouvez bien nous faire un geste commercial non ? C’est une grosse commande après tout, à croire que vous souhaitez nous envoyer chez la concurrence…

** Et bien vas-y. Cours, nage, vole… rampe. Pff.**

- Je n’ai pas les responsabilités nécessaires à cette prise de décision madame mais je peux essayer de contacter mon supérieur pour voir ça avec lui ?

Nouveaux piaillements, cette femme était pire que ça basse-cour. A croire que l’un déteignait sur l’autre. La proposition ne semblait pas plaire à la femme qui craignait probablement un refus définitif de la part de Vendredi, ou du moins un prix bien moins intéressant que celui espéré. Elle devait croire qu’à force d’asticoter la mioche blafarde devant elle, elle obtiendrait gain de cause. C’était à en vomir.

Ensorcelés ? Non le maire n'aurait quand même pas oser les bloquer à tous jamais dans cette ville ? Si jamais c'était vraiment le cas James ne saurait pas quoi faire et aurait le cafard. L'idée de rester cloitrer dans cette ville ne lui plairait pas du tout bien qu'elle soit extraordinaire et sans doute pleine de surprise. Mais voilà savoir qu'on était pris au piège ne rendait pas la vision d'un lieu de la même façon. Les paroles de Dakota du coup l'inquiétait grandement et c'est avec ce sentiment perceptible qu'il demanda :

- Tu crois...?

Enfin ce qui serait vraiment triste c'est de ne pas pouvoir quitter ce monde tout court. La première fois ils s'était fait tous chassés de Dreamland comme des ma propres et peut être que revenir n'était pas une bonne idée. Dakota semblait avoir compris le sous entendu de sa question. James ne voulait pas qu'elle pense qu'il voulait la laisser tomber, ça c'était hors de question ! Il avait trouvé quelqu'un, une amie très chère qui ne se moquait pas de lui et ne le fuyait pas. L'adolescent serait d'ailleurs très heureux de la présenter à sa mère histoire de la rassurer car la pauvre se sentait mal que son fils n'ai pas d'amis autre que Jules. Lui, ça ne l'avait pas dérangé plus que ça mais en voyant comment James appréciait Dakota il se demandait si il aurait pu passer à côté d'une telle amitié en restant 24h sur 24 avec son meilleur ami. le voyageur allait lui répondre mais les deux furent interrompues par le tintement de la clochette qui annonçait des clients. Et pas n'importes lesquels. Un homme à l'air pas aimable arriva avec un coq sous le bras accompagné de sa femme. Autant dire que James n'avait pas du tout envie de répondre à la demande du mec qui agita le pauvre animal sous ses yeux. Si déjà il le traitait plus gentiment...Cela faisait mal au coeur à James de voir cette maltraitance.

- Pourriez vous arrêter de l'agiter vous mettez des plumes partout...!

Ils s'étaient éloignés un peu pour que Dakota puisse s’occuper de la cliente même si elle aussi ne semblait pas servir avec joie. Heureusement le type à la demande de James avait arrêté de brutaliser le coq.

- Je vais voir ce que je peux faire ! En attendant vous pouvez regardez la nourriture car ça joue pas mal là dessus !

Il avait vu une émission sur la natalité très tard le soir. Peut être que avec les poules ça marchait pareil. Bref James descendit en bas pour aller des informations sur les coqs. Et puis c'était pas sa faute à l'animal si il arrivait pas à faire des poussins !

Quelques minutes plus tard le voyageur retourna dans la boutique où l'attendait impatiemment son gentil client. Le but c'était de ne pas avoir peur pour ne pas se faire marcher dessus.

- C'est bien ce que je pensais...la nourriture joue un rôle mais il y aussi le nombre de coqs et la température ! Combien vous avez de coqs ?

- Une dizaine pourquoi ? Qu'est ce que ça change ? Ce coq est inutile si il ne fait pas de viande !

De viande ?? Ce couple les mangeaient ?? Tout d'un coup James ne se sentait plus très bien.

Ca y était. La migraine pointait le bout de nez, marteau piqueur en main avec la ferme intention de vriller le cerveau de la pauvre Dakota de milliers de pointes de douleur. Elle restait pourtant impassible, adressant même de temps à autre à la harpie de cliente qui lui faisait face un sourire de la pure veine commerciale. Les « non » se répercutaient à l’infini sur les murs de l’animalerie, échos des refus de la surdouée de céder à la pression. Ce n’était pas demain la veille que l’on ferait céder une Earnshow.

Les réserves de patience de Dak’ fondaient comme neige au soleil au point de menacer de faire disparaitre sa diplomatie dans la foulée. Son ton se faisait d’ailleurs plus sec alors qu’elle croisait les mains sur le comptoir et plantait son regard glacé dans celui de la femme.

- Écoutez madame, ce n’est pas que je ne veux pas, c’est que je ne PEUX pas. Nous ne pouvons pas vous vendre à perte vous en êtes consciente ? Le mieux que je puisse faire est une ristourne de 5% sur le prix et pas un rubz de plus. Si vous persistez à demander de baisser les prix je ne pourrais que vous rediriger vers mon supérieur. Maintenant si vous le permettez je vous laisse y réfléchir pendant que je m’occupe des autres clients.

La queue s’était allongée derrière la mégère et ce jusqu’à la porte d’entrée. Ils piaffaient tous sur place tels des chevaux impatients tout en dardant l’importune de regards furieux. La phobophobe s’en occupa du mieux qu’elle put, les expédiant si vite que les tintements répétitifs de son tiroir-caisse lui donnait l’impression de perdurer même après s’être tus. Il fallut au moins 15 bonnes minutes pour que la boutique retrouve son calme, temps que la cliente difficile avait mis à profit pour réfléchir. La mine de la grosse dondon était déconfite, à croire qu’elle s’était enfin faite à l’idée que sa fortune faite sur le dos des autres ne serait pas pour demain.

C’est avec une satisfaction certaine que Dakota encaissa la somme faramineuse presque arrachée de la main de l’éleveuse et que ses serpents accueillir ce fait avec un concert de sifflements. La cliente alla alors retrouver son mari pendant que Dakota bourrait la caisse avec ses coudes tant les gemmes débordaient. Arrivait maintenant le moment combien désagréable de la livraison, les cargaisons de nourriture pour volaille ne se téléportant pas encore… ou si justement ? A peine cette idée lui eut-elle traversé l’esprit qu’une rune se mit à briller sur le sol à sa droite, des inscriptions lumineuses annonçant « livraison rapide par téléportation magique ». La blondinette se mit donc en tête d’entasser les sacs de graines jusqu’à en faire une montagne et s’effondrer sur son siège luisante de transpiration.

- Je vais mourir, encore une autre comme ça et je vais passer l’arme à gauche, maugréa-t-elle en lançant à la silhouette de la cliente un regard noir.

Celle-ci voyant la livraison prête à être expédiée s’avança avec l’air suffisant pour déclamer la destination après quoi le tout se volatilisa dans un scintillement éblouissant. La main en visière Dak’ plissa les yeux jusqu’à ce que la pièce ait retrouvé un éclairage décent, après quoi elle accompagna la harpie jusqu’à la porte après que James en ait enfin fini avec son cher et tendre. Si au moment de les voir passer la porte les mots « à bientôt ! » franchissaient ses lèvres fines, c’était « à jamais » qui résonnaient dans l’enceinte de son crâne comme une prière silencieuse.

La gamine se sentait vidée, un peu désœuvrée aussi. Perchée de nouveau sur son siège elle tenta de se changer les idées en s’intéressant plus ou moins à un programme animalier local qui tergiversait sur les potentiels dangers écologiques du vazar des marais. Du point de vue de la surdouée il y avait tout de même bien plus nocif qu’une bande de lézards albinos mangeurs de mana. Soit l’environnement dépérissait lorsqu’ils se développaient trop, mais les mages n’étaient pas en reste non plus à ce niveau et pourtant personne ne les poursuivait avec des fourches pour qu’ils rendent des comptes à Dame Nature. Dans un monde comme dans l’autre les humains demeuraient égoïstes et obtus.

Comment se sortir de cette merde ? Non parce que, que cet individu mange du poulet c'était vraiment scandaleux ! Mais en tant qu'employé son boulot c'était de répondre aux besoins des clients. James n'avait pas d'autres choix que de prendre sur lui. Ce soir il prierait pour les pauvres coqs et poules que ces ogres feraient rôtir. L'adolescent reprit un peu de couleur et sans un mot fila dans les rayons sous le regard impatient de l'homme. Il revint avec des sachets et lui expliqua à quoi elles servaient et l'utilisation dont son client devait en faire pour améliorer la performance de ses animaux. Alors qu'il expliquait sa femme arriva l'air pas contente de s'être faite battre par une gamine. James était très fière de Dakota qui ne se laissait pas marcher sur le pied mais aussi de l'avoir pour ami. A son grand soulagement le couple ne fit pas de remarques sur les propositions de James quand bien même ils paraissaient dubitatif. Mais ils n'étaient pas professionnels et les paroles de l'adolescent dites avec assurance avait su les convaincre.

Le voyageur lança donc un aurevoir enjoué se retrouvant à nouveau seul avec Dakota, Sélène depuis la petite guerre restait terré dans son coin. Cette situation ne rendait pas que la rouquine mal à l'aise mais aussi James. Ce dernier leva un regard sur la télé qui diffusait un reportage très intéressant qui fut interrompue à nouveau par la cloche du magasin. Un individu venait de rentrer avec un petit carton et s'avança vers les deux voyageurs.

- C'est vous James Brooks ?

Le dénommé opina de la tête se demandant bien ce qu'on lui voulait. L'homme les laissa ayant réussi sa mission et l'adolescent après quelques secondes d'hésitation, parce que ça pouvait très bien être une bombe, ouvrit le paquet. Un mot était posé dessus et James le lut rapidement.

- " Cher James Brooks, pour votre anniversaire je vous offre ce pinceau de l'incroyable qui vous permettra de dessiner ce que vous voudrez dans la mesure de vos talents artistiques (un chat, une voiture, un muffin carnivore, un dragon, Elvis Presley )qui se matérialisera et disparaitra au bout d'un certain temps. Attention cependant il n'est utilisable qu'une seule fois à moins de disposer d'un rechargeur adéquat, alors sachez en faire bon usage" Oh c'est gentil ça !

C'est vrai il avait complètement zappé que c'était son anniversaire avec tous ces évènements. La question c'était comment ce monde était au courant de sa date de naissance ? Bah c'était pas vraiment important. L'adolescent sortie le pinceau de son emballage. C'était vraiment dommage de ne pouvoir s'en servir qu'une seule fois.

La main devant la bouche Dakota baillait ostensiblement les yeux rivés sur le petit écran alors qu’un livreur entrait dans la boutique pour délivrer à James un colis. Se désintéressant temporairement de l’émission animalière, la surdouée se tourna vers son ami pour l’observer pendant qu’il déchirait le papier kraft, ouvrait le carton et lisait le petit mot glissé à l’intérieur juste à côté d’un pinceau qui se révéla être magique. Au mot « anniversaire » son œil tiqua une fois puis deux. C’était vrai ? Si c’était le cas devait-elle offrir quelque chose pour l’occasion ? Elle n’avait jamais été très douée pour ce genre de chose et à vrai dire il y avait toujours un larbin pour faire les boutiques et choisir à sa place. Quelle plaie…

Vite quelque chose, n’importe quoi. L’adolescente chercha fébrilement autour d’elle mais son regard ne s’arrêtait que sur des laisses et des balles en caoutchouc, des sacs de croquettes et des médicaments pour animaux, rien qu’on ne puisse offrir à un humain ni qui lui appartienne. A force de chercher en vain elle finit par activer son pouvoir offert par le père noël et matérialisa entre ses mains un paquet aux couleurs vives entouré d’un nœud rouge et soyeux. La phobophobe le soupesa un moment, hésita puis le tendit à son camarade.

- Tiens. Joyeux anniversaire.

C’était potentiellement le cadeau le plus nulle du monde et la peur d’en avoir peur commençait à l’étreindre douloureusement, elle se détourna donc pour fixer de nouveau le poste de télévision avec un intérêt intense mais fictif. Le tintement de la clochette de l’entrée qui retentit alors lui sauva la mise en lui donnant un but réel. Ce but ? Satisfaire cette petite vieille qui traversait la pièce d’un pas tranquille. Plutôt maigrichonne elle flottait dans sa robe à fleurs, un chapeau vissé sur le crâne. L’octogénaire s’appuyait sur une canne chromée de la main droite alors qu’était calé sous son bras gauche un petit chien vêtu d’un veston vert et de petits chaussons assortis à la robe de sa maitresse.

Le regard glacé de Dakota suivit la trajectoire de la grand-mère jusqu’à ce qu’elle se plante devant James pour lui offrir un sourire édenté. Sa voix chevrotante ne tarda pas à résonner dans la pièce alors qu’elle laissait sa canne en appui contre le comptoir pour brandir sous le nez du psychotique un papier de garantie froissé et parsemé de tâches de café.

- Bonjour jeunes gens ! Je ne voudrais pas vous importuner mais j’ai un problème avec la niche que vous m’avez vendu vous voyez ? Je suis sous garantie pourtant, je ne comprends pas ce qui se passe, je n’ai jamais eu à me plaindre de vos produits jusqu’alors et pourtant les dieux savent combien je dépense ici, n’est-ce pas mon Kiki ? elle déposa un baiser sonore sur le sommet du crâne de son chien et enchaina, Ça fait à peine deux semaines et déjà la peinture s’écaille, les joins se décollent… pourtant il était marqué qu’elle résistait aux intempéries grâce à une protection magique ! De mon temps on vous aurait fait un procès pour publicité mensongère mais je suis parfaitement encline à la faire remplacer par un produit correct, d’ailleurs ma fille dit toujours…

Et là la gamine déconnecta. Ne restait que vaguement la question « est-ce qu’elle s’arrête pour respirer parfois ? » qui lui trottait dans un coin de la tête alors que son regard dérivait vers un garçon souhaitant régler l’achat d’une laisse. Alors qu’elle servait les clients le babil de la vieille l’endormait comme une berceuse, bruit de fond parasite qui vous paralysait le cerveau à force d’ennui. Heureusement c’était James qui s’occupait d’elle. Enfin… au début.

- Mademoiselle ? Mademoiselle ?

Dakota cligna des yeux et grimaça devant le visage ridé posté à seulement 30 centimètres du sien.

- Euh… vous désirez ? hasarda-t-elle à contrecœur.

- Mon Kiki n’a plus de jouet, il les a tous réduit en miettes vous comprenez ? Un vrai hercule malgré sa petite taille ahah ! Le problème c’est qu’il n’a plus rien pour jouer maintenant, le pauvre petit… or on sait tous que les chiens ont besoin de jouer pour être heureux. Vous voyez j’ai eu un chien avant lui, il s’appelait Pippin et il adorait les promenades en forêt, on pouvait jouer à la balle pendant des heures et…

** Viens en au fait, viens en au fait !**

- … sans ça le pauvre déprimait ! Les jours de pluie étaient un vrai calvaire, le pauvre s’en rendait malade… alors j’avais acheté quelques jouets comme cette petite girafe qui fait pouic et…

Malgré son air impassible et vaguement intéressé Dakota n’en menait pas large. Malgré tout ce que les gens pouvaient dire ils se trompaient tous : l’enfer sur terre c’était forcément ça.

Le membre 'Dakota Earnshow' a effectué l'action suivante : Lancer de dés

'Super joyeux noël' :

James était quand même ravie d'avoir eu un cadeau. On était toujours heureux d'en recevoir même sans raison. Alors que l'adolescent regardait sous toutes ses coutures le pinceau Dakota lui tendit un quelque chose d'emballé soigneusement. Il fut étonné tout d'abord parce que de un elle était au courant ( ducon tu viens de le dire --") et de deux ça ne devait pas être dans ses habitudes d'offrir un présent. Mais bon cela mit quand même un baume au coeur à James qui lui fit un grand sourire trop mignon digne d'un gamin de cinq ans.

- Han merci !

Il prit soigneusement le cadeau et le posa sur le bureau avant de l'ouvrir. Il défit le nœud et le papier cadeau sans le déchirer. Un repas ! C'est donc pour cela que Dakota n'avait pas dormi elle lui avait cuisiné un déjeuner. En plus ça avait l'air délicieux !

- Merci beaucoup Dak !

Pour la remercier il fit un gros bisou sur la joue juste avant que les portes de la boutique ne s'ouvrent pour laisser entrée une vieille dame avec son chien habillé comme un homme. Il trouvait ça vraiment horrible d'habiller les animaux, c'était méchant pour ses pauvres bêtes. D'après ce que James avait retenu des propos de la nouvelle cliente, parce que elle avait quand même un long débit, le panier qu'elle avait acheté était déjà en mauvaise état.

- Je vais regarder ça

Glissa t-il entre deux phrases de la personne âgée et prit la garantie avant de filer dans le rayon des niches. Logiquement soit on la remboursait ou soit on lui en offrait un autre. James opta pour la deuxième option, ca devait être une erreur de fabrication si la panier s'était aussi rapidement écaillé si en plus il avait une protection magique. Le voyageur prit le même produit et revint à la caisse où la cliente était toujours en train de parler au grand désespoir de Dakota apparemment.

- Et voilà votre panier ! Si jamais ça recommence on en parlera aux créateurs et on vous remboursera !

La vieille le remercia mais ça ne s'arrêta pas là car elle continua encore de parler de sa vie. James jeta un oeil à la pendule et se rendit compte qu'ils étaient déjà à la moitié de la journée. Voilà pourquoi il avait faim...et en plus un bon repas l'attendait soigneusement préparé par Dakota.

- On aurait avec joie continué de discuter avec vous madame mais c'est l'heure de fermer maintenant désolé

Il la raccompagna gentiment à la sortie en lui souhaitant une excellente journée. Ah enfin du silence...James se tourna ensuite vers son amie et lui demanda avec un sourire :

- On va manger ? J'ai hâte de goûter à ta cuisine !

Pendant que James allait chercher la niche le calvaire de Dakota se prolongeait. Après mille tours et détours la vieille avait fini par cracher ce qu’elle voulait, c’est-à-dire une tonne de jouets outrageusement chers pour satisfaire son Kiki adoré. Bien sûr elle mit une éternité à les choisir sans se priver de commenter à tout va, anecdotes personnelles en prime. Une veine palpitait à présent sur le front de l’adolescente qui peinait à ne pas lui dire de la fermer.

- Bon, vous avez trouvé tout ce que vous voulez ? soupira la phobophobe à deux doigts de craquer.

- Oh-oh, à vrai dire non ! Je vois que vous n’avez pas beaucoup de vêtements pour animaux malgré le choix annoncé alors je me demandais s’il était possible d’en commander ? Mon pauvre petit à les pattes fragiles et si je le laisse marcher sans chaussons sur ses petites patounes il souffre le martyr ! Un jour il s’était même coincé un caillou entre deux coussinets… vous imaginez si la blessure s’était infectée ?! Le vétérinaire a dit qu’il n’avait rien et que je n’aurais même pas dû aller le voir mais vous les connaissez : tous des charlatans. Tout comme les médecins d’ailleurs, ma cousine Irma était allé en consulter un pour sa jambe et…

- Oui ! Oui vous pouvez en commander ! craqua-t-elle en fourrant un bon de commande entre les mains de sa cliente, Remplissez ça et revenez me voir après vous voulez bien ?

La grand-mère hésita un instant puis obtempéra. Elle ne revint que cinq minutes plus tard pour déverser de nouveau sur la pauvre Dakota un flot de paroles insipides et inintéressantes. Les mains de la caissière se mirent à trembler alors qu’elle cherchait une échappatoire à cette torture psychologique et… James arriva comme un cadeau du ciel pour faire ce qu’elle n’aurait jamais osé de peur d’avoir peur de se faire engueuler par le boss. En moins de temps qu’il n’en fallait pour le dire la vioc’ était à la porte et la jauge de reconnaissance de Dak’ envers son meilleur ami était montée d’un cran.

Elle souffla un merci débordant de soulagement, un léger sourire en coin flottant sur ses lèvres. Celui-ci disparu néanmoins très vite lorsqu’elle comprit que le psychotique était persuadé qu’elle avait cuisiné elle-même le repas offert par pur hasard. Était-ce correct de mentir ? Il avait pourtant l’air tellement heureux de croire en ce mensonge qu’elle craignait d’avoir peur de le décevoir si elle brisait cette illusion en mille morceaux. Faute de pouvoir choisir elle décida de ne rien dire sur le sujet. C’était probablement plus sûr.

- Si tu veux… tant qu’on ne remet pas les pieds ici après ça. Mais j’ai un truc à acheter avant, par rapport aux garçons tu te souviens ? Je t’avais dit avoir une idée.

Sans attendre la réponse elle traversa la boutique pour aller trouver Vendredi présentement occupé à fermer le magasin pour le déjeuner. Après l’avoir fixé d’un air intrigué il lui demanda ce qu’elle voulait ce à quoi elle répondu aussitôt : un hibou. Ou une chouette. N’importe quel emplumé porteur de messages ferait l’affaire à vrai dire, tant que son prix ne se révélait pas exorbitant.

Non sans lui faire remarquer que le magasin était théoriquement fermé pour tout le monde le patron la guida jusqu’à une multitude de cage remplies d’oiseaux de nuit en lui demandant de fait son choix. Le regard glacé de Dakota glissa sur les plumes tantôt brunes, tantôt blanche, s’arrêtant avec insistance sur les prix marqués soigneusement sur les étiquettes puis… elle la vit.

- Je veux celle-là, annonça-t-elle soudain en pointant une chouette harfang du doigt, Elle a un bon regard.

Spoiler:

Tout était question de point de vue bien sûr. Mais regard assassin ou non la chouette fut achetée avec les 10% de réduction employé. Dakota déboursa non sans grimacer les 450 rubz restant, empocha son salaire d'une demi journée s'élevant à 100 rubz et quitta définitivement la boutique avec l’oiseau perché sur l’épaule qui avait l’air bien déterminé à empaler son corps avec ses serres. Vendredi lui avait dit qu’elle était capable de se nourrir toute seule en chassant ce qui lui épargnait l’achat de nourriture et rien que pour ça elle acceptait de souffrir un peu. Et puis la douleur vous rappelait que vous étiez vivants.

Une fois dehors elle se posa sur un banc à côté de James qui entamait son repas, emprunta un bout de papier et un stylo à un passant avant d’envoyer sa nouvelle acquisition et sa missive à la recherche de Sydney et de Jake. Dans un style très Dakotien, la lettre annonçait :

Sydney, Jake,
Je vous écris pour vous dire que nous allons bien Selene et moi si tant est que cela vous intéresse. James s’est perdu et nous a trouvé par hasard hier donc ne vous préoccupez pas non plus de sa santé. Si vous souhaitez toujours faire route avec nous renvoyez-moi une réponse par hibou avec le lieu et l’heure du rendez-vous.
Cordialement, Dakota.

Elle hocha la tête satisfaite puis, comme si elle sortait d'un rêve elle sembla réaliser quelque chose. Un coup d'oeil à droite, un autre à gauche... il n'y avait plus aucun doute.

- Je crois que Selene a disparu, constata-t-elle sans se départir de son masque d'insensibilité.

Après une dizaine de minutes la chouette harfang revenait déjà, fendant l'air en direction du duo. Elle se posa sur le banc que sa propriétaire n'avait pas quitté malgré la disparition de Selene. Ils savaient à raison que cette ville était trop immense pour retrouver quelqu'un, d'autant plus si cette personne ne souhaitait pas être retrouvée comme cela semblait être le cas pour la rouquine.

Le fier volatil fusilla sa propriétaire du regard en lui tendant la patte mais attendit malgré tout sagement qu'elle détache le message qui y était accroché. D'une écriture assez désordonnée une réponse brève était rédigée au dos de la missive que la phobophobe avait envoyé.

Chère Dakota,
Je suis si heureux que vous soyez encore en vie! On a eu très peur pour vous. Bon on se rejoint dès que possible à la fontaine de place de la Maire, il y a pas mal de choses à dire. J'y serais avec Sydney, et je te dirais pourquoi je ne mentionne pas Alex' dans cette lettre. Bon beh à tout de suite les gens! <3
Jake Anderson

L’œil de la gamine tiqua légèrement aux fioritures dont la lettre débordait (petites fleurs, cœurs, notes de musique) mais se passa de commentaires. Il n'était plus temps ni de manger, ni de discuter. Un rendez-vous les attendait incessamment sous peu.

Apparemment c'était leur dernier jour ici. Ça faisait quand même mauvais sur la conscience de quitter comme un emploi au milieu de la journée mais c'est vrai que ce n'était pas vraiment des plus passionnants. Dakota lui lança qu'elle avait un truc à acheté en rapport avec les trois autres garçons cachés quelque part dans la ville. C'est vrai elle lui avait dit plus tôt avoir une idée pour se regrouper. L'adolescent lui répondit qu'il l'attendait dehors et alla récupérer ses affaires ainsi que Simone. Son patron lui paya les 100 Rubz pour son travail puis James  sortie pour aller s'asseoir sur un banc non de la boutique.
Le repas faite par son amie sur ses genoux James attendit patiemment que cette dernière le rejoigne. Elle finit par arriver mais pas toute seule. En effet une chouette était posé sur son épaule. James étant l'ami des animaux des étoiles étincelèrent dans ses yeux.

- Elle est trop mignonne !

L'oiseau avait certes un regard perturbant mais aussi quelque chose intriguant qui la rendait attachante. Tout comme ce que faisait Dakota. Tout en mangeant son repas James essayait de lire ce que la blondinette écrivait sur le papier. Est ce que son idée était de correspondre avec l'autre groupe ? C'était tout à fait possible que comme dans Harry Potter la chouette se débrouille toute seule. Une fois le message rédigé l'animal s'envola dans le ciel. Il n'y avait donc plus qu'à attendre. Dakota constata alors que Selene avait disparue...C'est vrai en plus que la rousse n'avait pas donné signe de vie.

- Bah...tant pis...Comment tu l'a appeler ta chouette ?

Demanda t-il entre deux bouchés. Bah oui c'était quand même primordial de donner un nom à son compagnon ! Si jamais il y avait besoin de l'appeler. Et si jamais Dakota n'avait pas d'idée James serait heureux de l'aider, il avait pleins de noms en tête. Neige, Plume, Archimède, Edwige...

Quelques minutes plus tard la chouette revint avec une réponse qu'elle tendit à sa maitresse. Celle ci récupéra le papier et le déplia. James lut avec ce qui était écrit. Il était content de voir que tout allait bien pour eux mais le passager sur Alexander l'inquiéta un peu. Qu'est ce qui s'était passé ? Ils s'étaient embrouillés ?

- Bon bah on va à la fontaine ?

James vida rapidement son repas dans sa bouche et rangea la bouteille d'eau dans sa hotte avant de se lever.

>> En direction de la place de la mairie (Gloutoniskaia)