Blackwood City, pour le meilleur et pour le pire.

Effectivement, Eve n’était sans doute pas tombée si loin de la vérité, et si Charlie n’était pas sur d’être éveillé pendant qu’il courait, la taularde aurait parié qu’il l’était parfaitement jusqu’à un moment crucial. A la question concernant Bolbec néanmoins, elle avait failli bloquer le sujet en disant que ce qu’ils avaient à y faire ne regardait pas encore le jeune voyageur, mais Georges s’était immédiatement montré plus bavard. Ses yeux glacés se tournèrent vers le cinquantenaire, impassibles, mais pourtant clairement loin de lui donner une bénédiction. C’était à se demander comment il avait pu survivre si longtemps en terre hostile, jusqu’à même – parait-il – devenir l’un des plus grands pirates de Dreamland, tout en étant aussi peu prudent.

- Ouai, c’est ça…, grinça la russo-américaine entre ses dents.

Son regard se planta dans l’horizon, son expression si fermée qu’il était évident qu’elle n’avait plus envie de prendre part à une autre conversation. De toute façon, le hameau de pouilleux où ils étaient censés trouver leur adolescent voleur d’or était en vue, et les méninges de la taularde étaient déjà en train de chercher comment le repérer au plus vite. Comme l’avait fait remarquer les Leprechauns, sa richesse soudaine ne devait pas passer inaperçu, mais où est-ce qu’elle serait le plus visible ? Peut-être devrait-elle faire un tour dans ce qui serait l’équivalent du lycée pour commencer ? Ou bien visiter des lieux où il aurait été susceptible d’être vu avec un peu plus de pièces d’or que d’habitude ?    

Une fois devant la pancarte indiquant « Bienvenus à Bolbec », Eve écrasa son mégot son sous talon et se tourna vers ses comparses masculins en rejetant sa chevelure sombre dans son dos. Elle croisa les bras armée de son inaltérable air inexpressif et déclara soudain :

- Bon, c’est parti. Je suggère qu’on commence par fouiller du coté de son école… il doit pas avoir plusieurs établissements dans un village pareil.

Bolbec n’avait pas l’air spécialement sous-développé, mais partout où la jeune femme tournait le regard, les bâtiments étaient au moins de moitié couverts de lousse et de lichens. A Blackwood city, les maisons étaient dans des arbres et ici, elles avaient l’air d’être les arbres. Après avoir passé six ans dans une cage de métal et de béton, la russo-américaine se sentait étrangement mal adaptée à ce genre d’environnement. Il y avait autant de monde dans les rues qu’il pouvait y en avoir dans ce genre de hameau en plein milieu de journée – c’est-à-dire, de toute façon pas énormément – et visiblement, la mode des transports semblait principalement être le vélo.    

- Si seulement leur or pouvait faire un arc-en-ciel, comme dans ces putains de contes pour enfants, grommela la taularde en espérant sincèrement que personne ne l’ait entendu.

Bien qu’étant à Dreamland depuis quatre jours, elle était encore loin de s’être faite au caractère fondamentalement irrationnelle de certaines choses et ne pouvait donc décemment admettre être en train de souhaiter de voir un arc-en-ciel directement la mener à un chaudron plein d’or. C’était déjà assez gratiné comme ça de bosser pour des Leprechauns. Heureusement qu’aucune des codétenues de son pénitencier n’était au courant de ce qu’elle faisait en dormant, sans quoi sa réputation serait démolie à jamais, et ça la ferait chier, même si elle n’était – dans le monde réel – qu’à quelques heures de sa sortie.

En se remettant en marche, pensant machinalement à trouver l’hôtel de ville, pour demander des renseignements sur l’endroit où se trouverait le « lycée », une autre idée germa derrière ses pupilles froides. Sans s’arrêter, la taularde se rapprocha de ses collègues pour être certains qu’eux seuls l’entendent, et pas un passant aux oreilles qui trainaient.

- Et si on lui tendait un piège ? Par exemple… faire une fausse propagande pour un « je-ne-sais-quoi » qui pourrait faire envie à n’importe quel ado, mais à un prix qui serait accessible que par notre voleur. Suffirait de rabattre pas loin de là où il va en cours, et on verra bien s’il finit par mordre à l’hameçon. Reste à trouver ce « je-ne-sais-quoi »…

La jeune femme tourna son regard vers ses comparses masculins, espérant bien ne pas être la seule à réfléchir. Elle s’attarda notamment sur Charlie : ok, il était nouveau, c’était l’occasion rêver de s’acheter une chance de se faire accepter à ses cotés. Qu’il prouve donc qu’il avait autre chose sur lui que son joli minois bien toiletté.

- Au pire, j’ai de l’exta, lâcha Eve en se souvenant de son dernier cadeau de Noël dont elle ne se servirait jamais, j’en ai connu assez dans ma vie pour pouvoir jouer la dealeuse, mais on a aucun moyen de savoir si ça marchera avec notre ado…



(HRP : je pense que ce serait mieux maintenant que le prochain poste dans un nouveau topic consacré à Bolbec )

[HRP : Ok, c'est fait ! Direction >>>>> Bolbec, ou les crampons de la justice.]