Il n'y a pas d'âge pour apprendre à recevoir

>> Cabinet de Parkinson

Dakota fixa Zephyr de ses yeux bleus et froid, avant de lâcher faute de mieux un « salut » en retour. Elle n'était pas douée pour les relations sociales, vraiment. Cette fille s'était liguée avec un homme stupide et exécrable et avait ni plus ni moins fuit sa compagnie, et maintenant elle faisait comme si de rien n'était et projetait même de dormir chez elle. On était sensé réagir comment à ça ? Le mieux était encore de ne rien faire, la phobophobe se détourna donc de son interlocutrice pour faire quelques pas dans la rue.

Les autres qui la suivaient continuaient de discuter de Dreamland et de la suite du programme. Ça dérangeait un peu l'adolescente dont la dernière des envies était d'être prise pour une folle par les passants. Néanmoins même si leurs paroles n'étaient pas bienvenues dans le contexte actuel, elles n'en étaient pas moins sensées. L'existence des voyageurs était bien plus vieille que leur expérience personnelle. Il devait y avoir plus d'un moyen de retourner dans le monde des rêves et les trouver sur la toile ne devrait pas s'avérer trop difficile.

C'est la remarque de Yoru et son masque revêtu qui sortirent Dak' de son mutisme. Après avoir détaillé le japonais un moment, les lèvres pincées, elle finit par poser la question qui lui brûlait les lèvres.

- Tu es hypocondriaque et tu mets un masque pour te protéger des microbes mais aller dans des toilettes publiques ne t'a pas posé de problème ?

Un sourcil haussé elle ne quittait pas l'adolescent des yeux. Ça lui paraissait complètement, définitivement, immanquablement illogique. Le risque de ramasser tout un tas de bactéries en touchant une chasse d'eau était plus grand que celui de le faire en respirant l'air ambiant. Et comme on pouvait s'en douter elle ne put s'empêcher de l'exprimer à voix haute, plus pour elle-même que pour Yoru.

- C'est complètement con.

La blondinette secoua la tête de dépit en continuant à marcher jusqu'à rejoindre la devanture d'un grand magasin. Elle pourrait bien dire qu'elle avait voulu faire du shopping mais n'avait rien trouvé à son goût. De toutes façons ils ne lui poseraient pas beaucoup de questions, comme d'habitude. Son chauffeur arriva à peine une minute plus tard à bord d'une limousine noire propre comme un sou neuf. Il descendit de voiture dans son costume impeccable pour leur tenir la portière avec une courbette désuète mais charmante qui ne fit que tirer un nouveau soupir à Dakota.

Elle fit signe à ses « amis » de monter et le moins qu'on puisse dire était que la place ne manquait pas. Ils avaient même droit en prime à un minibar remplit de sodas et jus de fruits ainsi qu'une ribambelle de sandwich dont on avait prit le soin de retirer la croûte. Il n'y avait pas à dire, ses domestiques s'étaient mis en quatre pour l'occasion. L'adolescente adressa un signe de tête à son chauffeur et lui adressa quelques mots avant de monter à son tour, son visage reflétant sa profonde contrariété :

- Tu as été rapide Thomas. Trop rapide. Tu m'avais suivi ?

- Et bien mademoiselle, Madame m'avait dit de garder un œil sur vous depuis que Maggy avait trouvé une lettre... inquiétante... dans votre corbeille à papier. Je suis désolé de ne pas vous en avoir parlé avant.

Dakota devint un peu plus blème qu'à l'accoutumée et ne rajouta rien avant de monter et de claquer la portière derrière elle. Alors ils avaient trouvé la lettre ? Elle les imaginait déjà la juger, elle s'imaginait déjà avoir peur de ce jugement, et la vrai peur ne tarderait pas à apparaître.

Le groupe c'était mit en route et à peine quelques secondes suivant leur départ Yoru retira sa main comme si James avait eu la peste. Vexé, une moue c'était dessiné sur les lèvres de l'adolescent pour finalement devenir un petit sourire d'excuse face aux paroles de l'asiatique. Il espérait que il n'allait pas faire une crise à cause de lui.

- Désolé je savais pas...

Murmura t-il en baissant la tête ayant lâché la main de Sélène par la même occasion. Si ça se trouve elle aussi ça la gênait. Tellement heureux d'avoir des amis James n'avait pas pensé que sa joie pouvait être dérangeante pour les autres. C'est donc en les laissant libre qu'il suivit les voyageurs. ces derniers se mirent à parler de Parkinson et de Dreamland. N'importe qui entendrait leur conversation les regarderaient sous doute bizarrement mais bon vu le monde dans lequel ils vivaient dire qu'il s'agissait d'un forum RPG ou d'un jeu serait facile à mentir. Le groupe passa devant des magasins fortunés et de la bonne nourriture qui rappela à James qu'il avait loupé son quatre heure. Peut être que Dakota leur donnerait à manger ? Cette dernière était en train de s'adresser à Yoru parlant de son masque qu'il avait mit en sortant et rajouta que c'était débile vu que dans les toilettes du cabinet il ne l'avait pas mit. le tact de la blondinette était toujours présent ce qui au moins montrait qu'elle était pas malade.
James tapota affectueusement l'épaule de Yoru du bout de la main et reprit sa route jusqu'à une grande voiture qui arriva. la bouche de l'adolescent s'ouvrit en un grand "o" qui se transforma en "waah" lorsque ce dernier découvrit l'intérieur. Il avait l'impression de faire tâche au milieu de tout ça. C'était donc comme ça que vivait les gens riches ? C'était la grande classe ! Il y avait même à boire et à manger !
ne se préoccupant pas de la conversation entre le chauffeur et Dakota, ça ne le regardait pas bien que ses oreilles écoutait quand même. Elle était donc venu en secret ?

- Dis Dakota...je peux ?

Demanda t-il en montrant du doigt l'un des sandwich qui semblait divin. Si ça se trouve les parents de son amie ne voudrait même pas le laisser rentrer. Comparé aux filles il avait plutôt l'apparence des personnes qui vivaient dans la pauvreté.

James avait fini par lui lâcher la main. Surprise par ce retrait soudain, Selene avait jeté un regard à ses comparses masculins. Voilà que désormais, l’asiatique dont elle n’avait pas retenu le prénom portait un masque de protection. C’était assez singulier comme accoutrement ; il aurait peur à ce point de se faire contaminer ? Ça ne devait pas être facile tous les jours…

Leur hôte, la benjamine de la bande, se permit une remarque quant aux prises dispositions par l’hypocondriaque. Ses piques, bien que réalistes si on les considérait dans l’absolu, étaient certainement très blessantes pour le concerné, et l’adolescente ne pu s’empêcher de ressentir une part de son malaise par compassion. Elle voulut s’approcher de lui pour lui glisser un mot gentil, n’importe quoi de rassurant, mais la limousine de la phobophobe parvenait déjà à hauteur du groupe de voyageurs. Les yeux noisettes de la galloise s’écarquillèrent grand : certes, elle avait compris que la blondinette était riche, mais elle ne s’attendait pas à ce que son chauffeur personnel vienne la trouver en voiture de grand luxe. Ce dernier vint d’ailleurs ouvrir la porte avec une courbette des plus cliché que la rouquine pensait ne jamais voir que dans les films.

- C'est cool, murmura-t-elle.

Elle avait été la dernière à monter, de sorte que lorsque Dakota s’expliqua brièvement avec son chauffeur, elle perçut le blêmissement de la gamine qui se glissa ensuite à ses cotés assez nerveusement. Selene, qui n’osait pas la dévisager, trouva un interêt soudain à ses pieds. La benjamine avait paradoxalement l’air d’être la plus fermée et la plus froide de toute leur caste… comment réagirait-elle à la question d’une inconnue ? La toquée sursauta presque lorsque James demanda s’il pouvait se servir dans les sandwichs mis à leur dispositions. Avec l’approbation de la phobophobe, les voyageurs purent se servir, et Selene tendit timidement une main pour faire de même. La voiture se mit en marche souplement, si vaste et silencieuse que l’adolescente se serait crut partout ailleurs que dans un véhicule en mouvement.

Les rues défilaient à l’extérieur, identiques à ce qu’elles étaient quand la galloise s’était rendue chez Parkinson. Le ciel se gorgeait des couleurs du crépuscule en s’obscurcissant, signe que la nuit approchait à grand pas. Quelque part, elle avait l’impression de ne pas avoir quitté Dreamland, mais simplement d’avoir découvert une autre ville, cruellement semblable à la sienne. Pourtant, Selene avait cette sensation douce de nostalgie que l’on ressent lorsque l’on rentre chez soi après un long voyage. Ces instants où on ressentirait presque de l’excitation à revoir toutes les choses qui, en faisant notre quotidien, passaient totalement inaperçues. Quelques souvenirs de sa chambre envahie par ses amis empaillés oui revint... elle lui manquait.

Selene mordit distraitement dans son sandwich, mais le cœur n’y était pas réellement. Son corps avait faim, alors il accepta la nourriture sans trop faire d’histoire ; mais son attention restait captivée, si ça n’était pas par ses propres soucis, par le malaise que sa voisine laissait légèrement transparaitre. Prenant son courage à deux mains à l’aide d’une grande inspiration, la toquée finit par demander timidement à Dakota :

- Tu… euh… quelque chose ne va pas ? Enfin je veux dire… « autre chose »…

Croiser le regard de la phobophobe fit stresser la galloise, dont les doigts se serrèrent sur son encas qui n’avait pas demandé à être étouffé de la sorte. Elle s’efforça de respirer normalement, en se répétant que la blondinette n’était finalement qu’une adolescente de son âge… il n’y avait pas lieu de se changer en épouvantail pour si peu.

Sa poitrine se leva et se rabaissait presque spasmodiquement alors qu'elle inspirait l'air par petite bouffée dans l'espoir délirant de se calmer. Ses pupilles dilatées par l'obscurité de l'habitacle ne faisait que rendre son apparence plus maladive. Dakota enfonça nerveusement ses ongles dans le cuir de son siège tout en passant en boucle dans son esprit ce qu'elle venait d'apprendre.

Maggy avait trouvé sa lettre, celle qu'elle avait commencé à écrire pour expliquer le suicide qu'elle n'avait jamais osé commettre. Elle en avait parlé à Thomas et à ses parents, il était donc fort probable que toute la maisonnée soit au courant. C'était sûr à 99%, au moins. Tout le monde savait qu'elle avait voulu attenter à ses jours parce que cette fichue bonniche était trop curieuse, et bientôt ils sauraient tous qu'elle était folle à liée et consultait un psychiatre. Ils allaient lui faire une scène, des reproches en pagaille... et devant témoins. Ce serait ça ou le silence glacé destiné à bien vous faire comprendre que votre conduite était inacceptable. Ils la verraient sûrement comme la honte de la famille, ils la renieraient, l'enfermeraient chez les fous pour une « cure » avec l'excuse bidon de vouloir lui rendre service. C'était foutu, tout était foutu...

… et elle avait bien peur d'en avoir peur.

James lui posa une question qu'elle ne comprit même pas, se contentant d'acquiescer d'un geste de la main avant de se désintéresser complètement de ses « invités ». La peur qui montait commençait déjà à lui serrer la gorge d'une main de fer alors que son cœur accélérait son rythme. Ses ongles s'enfoncèrent un peu plus, abimant les sièges et donnant du travail supplémentaire à Thomas pour sa soirée.

*Bien fait pour ce traitre* pensa puérilement Dakota avant de se flageller mentalement pour sa réaction stupide.

Son trouble devenait de plus en plus apparent mais la plupart des voyageurs présents étaient trop occupés à se goinfrer et boire jusqu'à plus soif pour s'en rendre compte. Seule Selene semblait la regarder étrangement, comme si elle avait peur du bout de femme qui lui faisait face. Dakota qui n'était pas en état de faire preuve du moindre tact (dont elle est de toute façon dépourvue) s'apprêtait à aboyer une ou deux paroles désagréables mais la toquée lui coupa l'herbe sous le pied en lui demandant ce qui n'allait pas.

Elle s'inquiétait pour elle ? C'était bien la première fois. Sur le coup de la surprise l'adolescente ne su d'abord pas quoi répondre mais finit par grommeler à contre cœur en détournant les yeux pour ne pas avoir à subir un éventuellement jugement pouvant accentuer sa crise de panique.

- Ils ont trouvé une lettre chez moi, que je ne voulais pas qu'ils trouvent. Enfin si, à la base, mais je ne l'ai jamais fini. Je n'avais pas le courage ça servait plus à rien. J'avais trop peur de mourir, trop peur de vivre aussi.

La phobophobe se pinça l'arrête du nez, l'air profondément contrariée par ces révélations loin d'être volontaires. Elle sentait qu'elle devait le dire à quelqu'un mais la situation était mal choisie. Les gens pour l'écouter aussi. Heureusement seule Selene avait pu comprendre son discours mais pour plus de sécurité Dakota continua un ton en dessous en se massant les tempes :

- Je... je suis juste venue pour une phobie. Mais elle est très envahissante, au point de me faire penser au suicide. Je ne pensais pas qu'ils l'apprendraient, je ne sais pas comment ils vont réagir et ça me rend malade. Je ne peux pas m'empêcher d'imaginer le pire et de le craindre d'avance.

Elle pinça les lèvres jusqu'à les rendre blêmes et murmura pour elle-même :

- C'est tellement stupide... stupide stupide stupide stupide stupide... je ne sais même pas pourquoi je raconte ça d'ailleurs... si stupide !

Dakota détourna les yeux. La rouquine crut qu’elle allait ignorer sa question, ou bien lui rétorquer sèchement de s’occuper de ses affaires, mais contre toute attente, la phobophobe vida son sac en baissant progressivement la voix pour que la toquée reste sa seule interlocutrice. Son angoisse apparente renvoyait à Selene un miroir d’elle-même lorsqu’elle succombait à ses crises de stress. Les aveux que lui fit l’adolescente étaient aussi saisissants qu’inattendus, et la galloise s’en voulut immédiatement de l’avoir prise pour une sans-cœur froide comme la glace. Comment imaginer qu’une fille comme elle, manifestement intelligente, mature, et issu d’un milieu des plus aisés, tenterait d’attenter à sa vie ?

Lorsque Dakota eut terminé de se confier, ses lèvres si pincées qu’elles en étaient devenues blêmes, Selene la regarda un instant, complètement effarée de ne pas savoir quoi faire, puis posa une main hésitante sur celles de son hôte. Elle chercha timidement à plonger ses yeux noisette dans ceux de la blondinette, et fit cette fois l’effort de soutenir ses pupilles troublées, avant de dire tout doucement :

- Ce n’est pas stupide tu sais. Je… je comprends ce que c’est… vraiment je veux dire.

Quelque chose dans la poitrine de la rouquine faisait écho au mal-être de la phobophobe. Elle aussi, avait de nombreuses fois eut envie de se laisser mourir dans son enfance. Un sourire triste étira vaguement ses lèvres rosées, puis elle mit fin à son contact avec Dakota pour ne pas paraître trop envahissante. En remettant une mèche de cheveux derrière ses oreilles, elle poursuivit avec une sorte d’amertume douloureuse :

- Ce n’est pas non plus stupide de te confier à quelqu’un. Tu ne peux pas… toujours tout porter sur tes épaules. Je veux dire… enfin… des fois, ça aide. Ça ne me dérange pas de d’écouter…

En disant cela, Selene cherchait à se souvenir si elle-même, s’était déjà réellement livrer à quelqu’un. Sa tante connaissait son histoire, certaines de ses plus proches amies savaient vaguement que son obsession pour les épouvantails était liée à un drame d’enfance. Mais a-t-elle déjà pris le temps de confier tous ses ressentis, ses craintes, ses regrets et ses remords ?! Personne d’autre que son inséparable non-vivant l’avait entendu, et peut-être que faire un pas de plus vers les êtres humains aurait aidé la jeune fille à se sortir de son monde légèrement déconnecté. Mais pour l’heure, elle pensait à Dakota, et au mal étrange qui émanait de son corps fragile. Pour une fois, elle apparaissait comme ce qu’elle était réellement… une adolescente malade et seule.

- Tu sais, euh… je ne sais pas comment sont tes parents… je comprends que ça te fasse peur mais… peut-être qu’une fois que tu leur auras parlé, et que tu leur auras expliqué... ce sera une peur de moins à ressentir ? Je… je pourrai essayer de t’aider si tu veux…

La toquée se tut. Elle espérait que sa camarade lui dirait quoi faire, parce qu’elle n’avait pas la moindre idée de comment venir au secours d’une phobique qui avait tenté de se suicider, et qui avait désormais peur de se confronter à sa famille. C’était une toute autre chose que de panser les peines de cœurs et autres déboires amoureux et malheureusement, l’expérience de Selene en matière de réconfort se forgeait uniquement sur des sujets semblables. Elle n’allait pas proposer à Dakota de dessiner des épouvantails avec elle… ce serait parfaitement stupide pour le coup.

- Excuse-moi…, finit par souffler la galloise en baissant les yeux.

Myia avait suivit le défilé de patients et entendu sans vraiment écouter les flots de paroles qui s’échappaient des bouches de ces camarades de rêverie. Tous semblaient d’accord sur le fait de ne pas trop se séparer. Les affinités de certains avaient déjà formé plusieurs groupes, et la petite fille s’était trouvée enrôlée dans celui de Dakota, Yoru et Selene. Ce n’est qu’en s’asseyant qu’elle constata les dégâts dus à son réveil : son âge. Son petit corps avait glissé du lit confortable non sans difficulté. Son centre de gravité avait réellement changé. Et s’habituer à cette nouvelle vision du monde réel la déstabilisa, c’était comme venir au monde une seconde fois.
Mais ce n’était pas le pire de ses soucis. Sa tenue lui rappela la réalité qu’elle avait cherché à fuir en entrant à Dreamland. Sa tenue rouge dissimulait avec peine ce qui la vie dans le monde des rêves induisait : ses blessures. Anciennes pour la plupart, rosies par le temps, et d’autres, mieux cachées, qu’elle sentait encore fraiches.
Des larmes vinrent remplir ses yeux, mais ne se résolurent pas à les quitter. Elle finit par lâcher la main moite que Selene avait attrapée pour s’accrocher à un pan du vêtement de Yoru. Non, elle ne rêvait plus, son nouveau monde venait de l’abandonner à nouveau… Ils avaient tous finit par monter dans une limousine appelée par Dakota semblait-il. Myia s’était glissée tout au fond de la voiture, et plaquait déjà ses petites mains contre les vitres du véhicule. Son regard perdu, cherchait dans le vide une quelconque explication à cette situation des plus effrayante, alors qu’elle se remémorait son réveil…

Le rêve de Myia avait tourné autour de petits lutins, de guirlandes lumineuses, de bonhommes de neige et de cadeaux. Alors autant dire que son réveil avait été des plus agréables. Ses membres s’étaient progressivement étendu, tel un chat, et sa gorge avait émit un petit son plus aigu qu’à l’ordinaire. Ses oreilles n’avaient pas encore capté l’origine des sons étranges qui émanaient de l’endroit où elle se trouvait. Et la jeune femme s’était autorisé quelques instants supplémentaires avant d’ouvrir les yeux. Elle avait ensuite roulé sur le côté, en savourant la chaleur ambiante et les parfums de bois et des draps propres. Ses cheveux relevés en une queue-de-cheval avaient roulé sur son visage, et elle avait reconnu le parfum qu’elle avait l’habitude de porter. Qu’est-ce qu’elle n’aurait pas donné pour que ceci ne soit qu’un rêve, encore.
C’était à ce moment là qu’elle avait ouvert les yeux et que son cœur avait fait une envolée. Elle était ré-vei-llée, pour de vrai et chez ce très cher M. Parkinson. Très cher homme qui ne s’était pas éternisé suite à ce réveil massif. Parti comme un voleur, une autre personne l’avait abandonnée. A qui pouvait-elle faire confiance maintenant ? Etre déçu un si grand nombre de fois et elle n’en tirait pas la leçon.

Son visage enfantin quitta temporairement la vitre froide et ses yeux parcoururent la petite assemblée. Dakota ? Une gamine, une vraie, dont elle ne connaissait rien si ce n’est son sale caractère. Au moins, avait-elle la gentillesse (ou la pitié) de les héberger chez elle. Selene ? La jeune fille chercha au plus profond de sa mémoire tous les moments qu’elle avait vécu en sa compagnie. Mais à chaque fois que son esprit en saisissait un, il s’échappait et disparaissait totalement. Ne subsistait que le souvenir de l’avoir rencontrée et d’une amitié naissante entre elles deux. La gamine lâcha un sanglot alors que les souvenirs certes douloureux, mais qu’elle croyait vrais s’évanouissaient dans le néant. Tout, elle oubliait tout. Son regard se posa en désespoir de cause sur Yoru, dont elle se souvenait qu’il lui avait été d’une grande aide. Mais se fut la même chose.

Au contact de la réalité, tout rêve disparait.

Et alors que certains patients se jetaient sur la nourriture attirante proposée dans la voiture, Myia repéra une bouteille au contenu ambré dont le nom ne lui semblait pas inconnu. Son intérêt finit par se rabattre sur un verre qu’elle remplit de cette boisson et qu’elle engloutit d’une traite. Ses yeux ne pouvaient désormais plus retenir ses larmes de tristesse.

Dakota ne semblait pas dans son assiette et James aurai bien voulu l'aider mais il y avait Sélène entre eux deux. Cette dernière s'en occupa d'ailleurs et l'adolescent espérait que la rouquine l'aiderait beaucoup. Il n'entendait pas la conversation des deux adolescentes à côté de lui seul des murmures parvenaient à ses oreilles. Cela devait avoir un rapport avec la lettre que Maggy avait trouvé ? Perdu dans ses pensées interrogatives il sursauta lorsqu'un sanglot se fit entendre dans la voiture. De l'autre côté la petite fille s'était mit à pleurer mais c'est Yoru qu'elle regarda de ses yeux mouillés. Bon l'hypocondriaque saurait la réconforter il semblait gentil. Mais pourquoi tout le monde était il triste ? A part lui, Jules et Zephyr qui se trouvait bien exclu dans les deux duos de consolation. James se sentait bien seul au milieu de tout ce beau monde et l'envie de descendre lui tiraillait l'esprit. Du coup il n'avait plus très faim mais il fallait manger non ? James se saisit d'un sandwich qu'il mangea par petite bouchée. Il ne pouvait pas laisser Dakota, elle avait peut être besoin de lui et puis c'était son ami non ?
Son regard dériva sur l'enfant qui avait fait main basse sur une bouteille qui était pas du soda. James ouvrit la bouche et écrasant les deux corps sur son passage il lui arracha la boisson :

- Faut pas boire ça !

Pas à son âge en tout cas. Elle devait même pas avoir dix ans. Se redressant il garda la bouteille sur ses genoux, se demandant bien comment une petite fille pouvait se retrouver chez Parkinson. Ses parents avait il cru qu'elle avait un problème tout comme sa mère pensait que James avait un soucis ? Les parents des fois ça pouvait être paranoïaque. L'adolescent avait hâte de dire à sa mère que tout allait bien pour lui, qu'elle n'avait eu aucune raison de s'en faire. Elle lui manquait d'ailleurs même si dans l'autre monde il n'avait pas eu le temps de penser à sa mère tellement il avait été occupé cette petite pause dans le monde normal l'avait brutalement ramené à la réalité. James renifla et essuya ses larmes avant de resserrer la bouteille contre lui. Il ne devait pas pleurer.

- Ca va aller James je suis là

La voix de Jules parvint à ses oreilles et il fit un sourire à ce dernier assis à côté de lui. Heureusement que son meilleur ami était présent, à le suivre partout quoiqu'il arrive, qu'est ce qu'il ferait sinon ?

- Je sais Jules...merci

Il se sentait un peu mieux en sachant qu'il était "là".

La remarque de Dakota a propos du comportement de Yoru, fit tiquer ce dernier qui l'a regarda droit dans les yeux. D'un air lasse et méprisant, il répondit:

-Dans ces toilettes publiques comme tu dis, j'me suis rincé le visage parce que j'me sentait pas bien et j'me suis lavé les mains si tu veux tout savoir.. Et puis mêle toi d'ton cul! C'est vrai! Qu'est-ce que t'en a à foutre de c'ke je fais du miens!

Puis il baissa d'un ton et ronchonna comme pour lui même:

-Et j't'emmerde avec tes remarques inutiles.. Tu t'es regardé? Franchement phobophobe, c'est bidon.. tsss..

L'asiatique en avait marre de laisser sa langue dans sa poche, il en avait marre de s'en prendre plein la gueule et sous prétexte de ne pas avoir d'emmerdes, se la fermer alors que d'autres petites insolentes se permettaient de faire des remarques inutiles! Tandis qu'il tentait de contenir sa colère, l'hypocondriaque sentit quelqu'un s'agripper à ses vêtements. Il tourna la tête et vit alors Miya qui n'avait pas l'air très bien:

-Miya ça va pas?

Pour ne pas attirer l'attention des autres, parce que ça ne les regardaient surement pas, il chuchota:

-Tu pleures...? Pourquoi?


Elle n'eut pas le temps de répondre que quelques secondes plus tard, la voiture était déjà avancée. Les invités montèrent à bord. Yoru se plaça à côté de Miya. C'était confortable, riche et presque un tantinet "trop"!

*Tu m'étonnes que cette gamine se comporte comme ça.. Pourri gâtée comme elle est, elle doit se sentir supérieur aux autres.. Et ça à peur d'avoir peur! Ca veut tout dire, elle se croit intouchable.. Mais au fond elle ne connait rien du tout..*

Plongé dans ses noires pensées, Yoru n'avait pas envie d'admirer l'intérieur de la limousine, ni de s'extasier devant la richesse de Dakota comme le faisait si bien James. Le regard dans le vague, il se contenta de regarder l'extérieur, le ciel qui s'assombrissait, le monde encore présent dans les rues, les voitures qui doublaient.. Quelque part, ça l'apaisait..

Lorsque Dakota entra à son tour dans la limousine, l'hypocondriaque remarqua qu'elle était plus blanche qu'a l'accoutumé. Une remarque de son chauffeur avait du la mettre mal à l'aise mais de quoi s'agissait-il? Yoru tendit l'oreille lorsque Selene posa la question à Dak mais elles parlaient tellement bas qu'il n'entendit rien. Et ça l'agaçait plus qu'autre chose. Tu parles d'un groupe, si il fallait se serrer les coudes, c'était maintenant et pour n'importe quoi!! Ils étaient tous dans le même bateau à présent, non?

L'attention se détourna alors vers Miya qui vit, boire un verre d'alcool d'une traite. Il se pencha alors vers elle et lui lança doucement:

-Alors.. Tu veux en parler?

Des yeux étranges se tournèrent vers la gamine qui reposait déjà son premier verre vide sur le plateau devant elle. Yoru en profita pour lui redemander comment elle allait et si elle voulait parler. Que répondre à cette question ? Oui, ça va ? Non, ça ne va pas ? Les deux ? Je ne sais pas comment aller ? A vrai dire tous les sentiments se bousculaient dans son petits corps et si elle n’avait toujours pas récupéré son apparence habituelle c’est qu’il y avait forcément quelque chose qui n’allait pas. Dire que le retour à la réalité avec des dons imaginaires et des amis virtuels n’était pas pour la déranger, aurait été contraire à ce que pensait une bonne partie de la joyeuse assemblée. Et en même temps son esprit était incapable d’expliquer les raisons de son mal être. Fuir et s’éloigner de cet environnement trop familier semblait être la seule bonne chose pour elle à l’heure actuelle. Un dernier coup d’œil par la fenêtre la rassura, elle ne reconnaissait plus le paysage urbain.

Revenons-en à l’ambiance intérieure. La bouteille était là, la seconde d’après elle avait disparu. La gamine en resta abasourdie, tellement la surprise fut grande. Un type qu’elle ne connaissait que de vue s’était jetée sur elle alors qu’elle allait entamer son deuxième verre, renversant au passage le contenu sur son voisin Yoru.. Myia aurait bien ri, dans un autre contexte cependant, tellement la tête de James, au ralenti semblait choquée par le geste de la gamine.


- Mais…m-mais…

Si la surprise avait coupé ses larmes, la frustration suite à la perte de son nouveau centre d’intérêt en fabriqua de nouvelles. Et les sanglots ne restèrent pas non plus coincés dans sa gorge. Son voisin Yoru fut certainement le premier à en pâtir. Oubliée la question trop directe de Yoru, oubliée les tensions provoquées par ce retour à la réalité. La voix aigue de Myia recouvra le léger bruit du moteur de la limousine alors que son visage passait par toutes les couleurs possibles : blanc, rose, rouge, bleu. Ses membres se contractèrent avant qu’elle ne crache à l’adresse de James un ordre auquel personne n’aurait voulu désobéir.


- Rends-moi la bouteille ! Rends, je te dis !!

Le silence qui en suivit ne dura qu’un court instant. Instant pendant lequel la gamine, bras tremblant tendu en direction de son jouet dérobé, fusillait le pauvre jeune homme du regard. A côté, elle fit abstraction de son portrait craché.

La bouteille s’était envolée, et comme précédemment, la seconde suivante elle était de nouveau dans sa petite main. Surprise par sa réussite, sa colère s’évanouit aussi vite qu’elle était montée. On aurait dit un gamin qui n’espérait plus avoir l’objet de ses convoitises, et qui cherchait à faire comprendre sa frustration à ses proches. Pourtant gamine, elle ne l’était plus, libérée de tout sentiment de colère, de tristesse, de peur, Myia était vide. Et s’était vide de tout qu’elle récupéra son corps de jeune femme. Elle leva ses grands yeux clairs vers James, enveloppée dans sa robe rouge et ses cheveux retombés en cascade autour de son visage redevenu pâle. Un petit son s’échappa de ses lèvres entrouvertes.

- Merci

Puis ses yeux se rabattirent sur la bouteille de whisky, dont elle ne comprenait toujours pas la présence dans sa main, et finit par la repousser sur la tablette devant elle. C’était bien la première fois où elle était contente… enfin, soulagée de redevenir ou de devenir adulte. Sa main rattrapa le pan du vêtement de Yoru, qu’elle avait lâché en grimpant dans le véhicule. Oui, il faudrait qu’elle lui parle, mais plus tard.

[hrp: Myia a utilisé Caprice]

Le contact de la main de Selene sur la sienne fit tressaillir Dakota. Son discours réconfortant n'était qu'une suite de banalités mais ça n'en restait pas moins gentil, et ça la phobophobe savait le reconnaître et l'apprécier. Ça ne faisait pas disparaître l'appréhension du retour chez soit mais au moins elle savait qu'elle ne serait pas seule. Il y aurait James, il y aurait Selene et... et les autres. Ceux là commençaient d'ailleurs à lui taper gentiment sur le système. Si Zephyr restait sage comme une image, Myia avait décidé de boire à s'en rendre saoule et criait désormais hystériquement dans l'habitacle qu'on lui rende sa bouteille. Yoru bien que calme ne faisait rien pour stopper le comportement ridicule de son amie, le nourrissant même par son attitude de chien craintif. D'ailleurs quand était-il monté ?

Elle avait été si troublée par la révélation de la lettre qu'elle n'avait ni pu répondre à ses remarques insultantes, ni l'empêcher de grimper dans sa limousine. Le fait est qu'après ce qu'il avait dit il était tout bonnement impensable qu'elle l'emmène jusque chez elle dans un véhicule luxueux. Fallait pas pousser mémé dans les orties. La blondinette s'éclaircit donc la gorge avant de planter son regard glacial dans celui du japonais.

- Tu vois là, je vais l'ouvrir. Et j'me mêle de mon cul parce que c'est ma voiture, et dans ma voiture on reste calme. Si t'es pas content tu marches et tu rentres chez toi. Et toi là... je connais même pas ton nom... tu reposes cette bouteille. La dernière chose dont j'ai envie c'est que mon chauffeur ait à nettoyer tes vomissures sur les sièges. Merci de votre attention.

Elle se tut quelques instants mais son œil continuant de tiquer nerveusement ne faisait que lui montrer qu'elle n'avait pas encore fait tout ce qu'il se devait. Elle reprit alors avec un calme olympien :

- Non en fait tu vas vraiment descendre. Elle appuya sur le bouton de l'interphone servant à s'adresser à son chauffeur, Thomas ? Arrête toi ici, un de mes "amis" voudrait prendre l'air, il viendra à pieds.

Aussitôt dit aussitôt fait, la limousine décéléra pour se garer sur le bas côté. Ils se trouvaient approximativement à l'entrée de la zone huppée à un bon kilomètre et demi de l'endroit où résidait Dakota. Thomas descendit et ouvrit la portière dans une courbette... et attendit. Rien ne bougeant la blondinette fit preuve d'autorité avec un ton sec et cassant qui ne permettait aucun refus :

- T'attends quoi là au juste ? J'ai dit que tu descendais. Si tu le fais pas toi même il faudra qu'on t'aide, mais je suppose que tu as le minimum de jugeote nécessaire pour comprendre que cette option n'est pas préférable.

Hors de question de redémarrer avec cet hurluberlu dans la voiture. Un silence pesant c'était installé mais elle se fichait bien de ce qu'on pouvait penser d'elle. Elle avait raison, point barre. L'hésitation c'était bon pour les autres. Les paroles vulgaires que lui avait tenu le japonais résonnait encore dans sa tête : alors qu'elle n'avait fait que souligner un illogisme qui se révélait stupide, lui n'avait donné que dans les excuses vaseuses, les insultes gratuites. Quelqu'un même pas capable de reconnaître ses tords ne méritait pas la moindre attention.

S'il voulait vraiment venir chez elle il n'aurait plus qu'à courir derrière la voiture, en espérant pour lui qu'il aime le sport. Dak' sortit d'ailleurs une carte de visite de son sac qu'elle lui tendit avec une moue réprobatrice.

- Si tu comptes quand même venir il faudra le faire par tes propres moyens. Ma phobie est peut-être ridicule à tes yeux, mais je ne me laisserais pas insulter de la sorte par un profiteur. Si tu veux à manger et un lit, il faudra profiter de ta marche pour te remettre les idées en place.

[HRP : J'avais bien signalé que le mini bar contenait des jus de fruits et des sodas, cette bouteille d'alcool ne devrait même pas exister.]

Occupée à discuter avec Dakota, Selene avait jusque là ignoré le chahut causé par ses compagnons de route. Néanmoins, quand Myia s’écria brusquement qu’elle voulait qu'on lui rende une bouteille en particulier, la rouquine ne put que tourner la tête. Elle assistait alors au retour de la jeune femme à sa forme adulte, transformation durant laquelle son tempérament paru changer du tout au tout. Subitement calmée, la borderline posa la bouteille d’alcool qu’elle tenait entre ses mains et serra un pan de vêtement du jeune japonais. Ils avaient l’air de se connaitre assez bien.

Entre James et Yoru, Zephyr paraissait étrangement appliquée à ne toucher personne, comme si elle avait peur du contact avec les autres. Tout en cherchant à analysant l’expression de la blonde de ses yeux noisette, Selene se pencha vers elle cette fois. Elle lui aurait également demandé ce qui n’allait pas si Dakota ne s’était pas subitement éclaircit la gorge pour énoncer une diatribe qui n’avait rien d’agréable. La toquée avait sursauté, rentrant légèrement sa tête dans ses épaules pendant l’orage de leur hôte. Elle se tournait lentement vers elle en pensant que la foudre était passée, mais il restait encore à essuyer le grondement du tonnerre. Avec un calme surprenant, la phobophobe ordonna à son ainé de quitter le véhicule.

Après la directive donnée au chauffeur, la limousine s’arrêta sur le bas coté et la portière s’ouvrit. Cette fois, il n’y avait pas lieu de s’extasier intérieurement sur la courbette du domestique ; Selene se sentait mal à l’aise pour le jeune homme, mais elle n’osait pas intervenir. Elle ne connaissait pas assez Dakota pour essayer de la tempérer, et n’avait même pas d’argument convaincant pour défendre le cas de l’hypocondriaque. L’atmosphère s’était soudainement alourdie, angoissant la jeune fille qui craignait d’être à son tour victime de la colère de la blondinette… après tout, elle n’était pas plus son amie que le japonais.

Discrètement, sans lever les yeux vers ses compagnons, la toquée tira son carnet et son crayon de son sac pour tracer en quelques traits les contours de son meilleur ami. Le long bâton central d’abord, puis la tête en sac de toile, puis le grand manteau et la chemise emplie de paille… sans le savoir, Selene utilisait son pouvoir et dispensait ses effets apaisant sur ses deux voisins, à savoir Dakota et James. Elle se sentit elle-même beaucoup mieux de voir le sourire rayonnant de son camarade sinistre et un instant, la dimension réelle s’était totalement effacée pour la laisser seule avec sa représentation. Certes, la thérapie – si on pouvait l’appeler comme ça pour l’instant – de Parkinson n’avait pas encore vraiment commencé à faire effet sur elle… mais elle était tellement bien avec les épouvantails ! En quoi était-ce si dérangeant ? Elle ne tuait personne, ne mordait pas, et ne risquait pas de causer du tord à autrui…

Avec un soupir, l’adolescente peaufinait son dessin. Elle rajoutait des corbeaux qui s’envolaient des bras tendus en croix, un pare-terre d’herbe touffue, un ciel nuageux gorgé de pluie… inconsciemment, elle recréait l’une des dernières visions qu’elle avait de son chez elle. Cette après-midi froide du Pays de Galle qui s’était terminée sur un drame irréversible…
Son esquisse finie, la rouquine réalisa soudain qu’elle avait perdu le fil de son entourage pendant un petit moment et leva enfin les yeux pour se tenir au courant.

Il fallait bien que ça arrive, Dakota s'était permit de faire des remarques à Yoru la première! Elle l'avait critiqué ouvertement, c'était carrément de la méchanceté gratuite! Lui n'avait rien dit de méchant gratuitement pour une fois, il avait fermé sa gueule. Le problème c'est qu'il ne voulait pas se laisser faire, surtout se laisser insulter par une gamine pourri comme Dakota. Elle se fichait de savoir si elle avait blessé ou non l'hypocondriaque et lorsque l'on lui rendait la pareil, elle usait de sa supériorité.

-C'est minable..

Lança l'asiatique lorsque la demoiselle lui ordonna de sortir de la voiture. Si elle croyait qu'il allait lui pardonner ses paroles ou la supplier de rester dans sa limousine pourri, elle pouvait attendre, c'était pas demain la veille! Et puis Yoru n'avait pas besoin d'elle pour trouver un lit et de la nourriture, son chez lui n'avait pas bougé de place et l'asiatique n'avait pas eu le temps d'oublier comment s'y rendre! Lui, aurait voulut rester avec cette troupe pour ne pas être seul pendant ce moment de "flottement" où tout le monde ne savait pas vraiment a quoi s'en tenir par rapport au monde des rêves, a Parkinson, ses pouvoirs... et s'entraider si il y avait besoin mais pas pour lécher les bottes d'une gamine capricieuse!
Énervé, Yoru serra les dents pour contenir sa colère, il lança à Dakota puis à l'assemblée:

-Je suis pas un profiteur, j'en ai rien à foutre de ton lit et de ta bouffe, de ta limousine ou de ta grande maison.. J'peux très bien me débrouiller tout seul! C'est pas une gamine pourri gâtée comme toi qui va m'apprendre à vivre! Jte souhaite vraiment de murir un peu dans ta tête.. Et pour les autres, bonne chance! J'espère vous revoir..

Le pouvoir de Selene ne sembla que fonctionner seulement après la réplique de Yoru. C'est lorsqu'il sortit de l'habitacle du véhicule qu'il parut plus apaisé, il dit alors au chauffeur en lui tapotant l'épaule:

-Merci Thomas, bonne continuation, prenez bien soin de vous!

Sans se retourner l'asiatique quitta la limousine, traversa la rue et se mit à marcher quelques pas.


Yoru s'en est allé et a été le premier à rejoindre Elipse ; ne le cherchez plus à San Francisco

James avait osé piquer la bouteille à Mya et cette dernière ne tarda pas à faire son caprice, hurlant même avant d'ordonner à l'adolescent de la lui rendre en échange d'un remerciement. Celui ci n'avait put qu'obéir bien que au fond il ne voulait pas le lui rendre et fut surprit lorsque l'enfant devint une adulte. James avait déjà vu cela quelque part et s'était senti un peu trahie sur le coup ayant vraiment cru que l'ancienne voyageuse de sa connaissance 'était vraiment une gamine. Mais là l'adolescent ne connaissait pas Mya alors...Juste la surprise se lisait sur son visage. Son regard fixé sur la dame à la robe rouge il sursauta quand Dakota se mit à crier des choses horrible envers Yoru. Il se ratatina sur son siège bien que la blondinette soit encore une enfant elle savait se faire entendre et en ce moment l'adolescent avait envie de disparaitre. James ne voulait pas d'une bagarre entre les deux personnes et être au milieu n'aidait pas du tout. L'adolescent se sentait mal alors que Yoru quittait le véhicule le stress montant en lui laissant place aux traits de Jules.

- Y'a de l'ambiance chez vous dis donc ! Oh un sandwich au fromage !

Jules se sentait bien dû au pouvoir de Sélène et s'empara du dit case croûte avant de le manger rapidement sans se soucier du regard des autres qui n'avait pas encore prit connaissance du pouvoir de James. Le pire ça devait être pour le chauffeur qui ne devait pas être habitué à voir ce genre de chose. Le brun espérait que chez Dakota il y avait des mets plus consistants et il lui faudrait un bon bain chaud aussi. A quoi pouvait bien ressembler les parents de la petite ? Aussi coincé qu'elle ? ne se souciant même pas du départ de l'asiatique qu'il ne connaissait même pas de toute manière et puis il avait blessé James en lui renvoyant sa main.

- Y ressemblent à quoi tes parents la phobo ?

Le visage inexpressif Dakota écouta les inepties que Yoru débitaient comme adieux se voulant grandioses mais ne réussissant qu'à la rendre pitoyable. Il lui souhaitait de mûrir ? Qu'il commence par suivre son propre conseil. Ça ne pourrait que lui être bénéfique après tout, surtout quand on voyait ses réactions d'adolescent prépubère. Elle lui fit un signe de la main pour lui dire « bon vent » juste avant que Thomas ne referme la portière et reprenne le volant. Et un nuisible de moins.

L'atmosphère s'était alourdie d'un coup et plus personne ne semblait oser parler. De peur de se faire mettre dehors aussi peut-être ? C'était idiot, Dakota n'était pas contre le dialogue et l'asiatique n'avait connu ce sort qu'à cause de son impolitesse et de son manque de respect défiant toute concurrence. On ne rigolait pas avec le savoir vivre.

Alors que James s'enfonçait dans son siège comme pour y disparaître, laissant place à Jules, Selene s'était mit en tête de gribouiller des épouvantails sur un bout de papier. La blondinette observa son manège du coin de l'oeil, d'abord intriguée puis franchement intéressée. Ce n'était pas du grand art loin de là mais plus le dessin avançait plus elle se sentait calme. Sa colère et sa peur s'envolaient avec une facilité déconcertante sans qu'elle n'ait rien à faire, mais son côté calculateur, lui, s'enclencha. C'était un autre de ses pouvoirs ? Elle pouvait calmer les gens ? Voilà un don qui pourrait se rendre utile contre la phobie paralysante dont souffrait Dakota. Il serait bon de garder cette fille à ses côtés... le temps qu'il faudrait.

Une question qui lui était adressée la détourna de ses pensées intéressées. Jules avait fait une fois de plus preuve d'un manque de tact flagrant et s'il n'avait pas partagé son corps avec James il aurait peut-être rejoint Yoru dans sa marche nocturne. La phobo ? C'était quoi ce patronyme ridicule ?

- Très cher ami imaginaire, ils sont comme tout le monde ou presque : deux bras, deux jambes et une tête, rétorqua-t-elle sèchement.

Comment étaient-ils hein ? Elle ne s'était jamais vraiment posé la question. Ils étaient ce qu'ils étaient voilà tout. Stricts, polis, absents. Intelligents, doués en affaire, distants. Pour avoir plus côtoyé sa nourrice que ses géniteurs le moins qu'on puisse dire était qu'elle était loin d'être proche d'eux et encore plus loin de pouvoir les décrire. Elle aurait pu dresser leur portrait physique sans aucune difficulté pourtant, mais quant à la psyché...

Ses yeux bleus perdus dans le vide, Dakota jouait avec une de ses mèches colorées. Mais plus elle réfléchissait moins une réponse correct ne venait, elle finit donc par rabaisser ses yeux sur Jules pour répondre enfin avec beaucoup moins d'ironie que la première fois :

- Je ne sais pas trop. Je suppose qu'ils n'ont jamais prit leur rôle de parents très à cœur, mais ça n'a pas d'importance. Je n'ai besoin de personne.

Sur cette conclusion elle s'empara d'un sandwich pour le manger du bout des dents, avec lenteur et distinction comme on le lui avait appris. En mettre à côté et s'empiffrer c'était bon pour les autres. Ou pour les repas à temps limité comme chez Bergerac bien sûr.

La blondinette jeta un coup d'œil à travers la vitre tintée alors qu'elle finissait son encas. Ils étaient presque arrivés. Cette constatation lui tira un soupir mais elle restait désespérément calme. Le pouvoir de Selene devait encore agir visiblement. La limousine se mit à ralentir pour pénétrer dans le garage qui abritait une vingtaine de véhicules divers et variés dont le seul point commun devait être leur prix exorbitant. Elle était enfin rentrée à la maison.

- Home sweet home... souffla-t-elle avec amertume.

La voiture venait de repartir. Comme d’habitude, l’adolescente ne s’était pas rendu compte de l’effet de son pouvoir, pas plus qu’elle ne perçut l’intérêt que lui portait son hôte. Gardant son carnet et son crayon à portée de main, au cas où, Selene reprit son sandwich jusque là posé en équilibre sur l’un de ses genoux. Elle remarqua les quelques miettes qui s’y étaient déposées mais n’osa pas les épousseter, de peur de se faire réprimander par Dakota. Elle se contenta donc de les ignorer en portant lentement son encas entamé à ses lèvres.

La question de Jules fit sursauter la toquée, et le fait de le voir encore plus : elle n’avait pas vu que James avait échangé de place avec son double. En fait, n’étant au courant ni de la maladie, ni des pouvoirs du jeune garçon, s’ils n’étaient pas confinés dans une voiture en mouvement, elle aurait pu penser qu’il avait été remplacé par quelqu’un qu’elle ne connaissait pas. Presque par réflexe, la galloise se pencha pour voir si le psychotique n’était pas caché quelque part, mais non. Les vêtements que portait Jules en étaient une preuve : ils étaient deux pour le même corps.

La réponse sèche de Dakota coupa court à toute interrogation. Selene termina donc son sandwich en silence et s’empara discrètement d’une canette de soda. Après un retour de Dreamland, même la boisson la moins nutritive paraissait être un délice au-delà de toute comparaison. Qu’avait-elle bu d’ailleurs là-bas ? Pas grand-chose dans ses souvenirs… l’eau fade du Slavedog Millionnaire, puis rien jusqu’à ce que sa soif soit relativement étanchée par des fruits juteux. A force d’y repenser, l’adolescente se demandait pourquoi elle s’était déjà embarquée pour y retourner… ce n’est pas comme si elle y avait connu le bonheur absolu.

Toutefois, la phobophobe poursuivit son discours relatif à ses parents, captant l’attention de la toquée. Cette dernière ne pouvait s’empêcher de se demander si elle, ses parents avaient eu leur rôle à cœur. Elle avait oublié quand exactement, son père s’était mis à les battre elle, et sa mère qui ne devint progressivement que l’ombre d’un fantôme sans couleur. Cette époque noire avait l’air si lointaine… comme si sa vie avait été coupée en deux juste après la mort de ses géniteurs. Selene ne voulait pas croire que sa famille ne subsistait dans son esprit qu’à la façon d’un gouffre de souffrance et de malaise. Pourtant… les brefs rires qu’ils avaient eu l’occasion de partager se fondaient dans sa mémoire, impossible à discerner du reste et immanquablement accompagnés d’une scène à effacer.

La limousine s’arrêta après être entrée dans un grand parking où s’étalaient des voitures plus chères les unes que les autres. La rouquine secoua la tête pour chasser ses pensées sombres, essuya discrètement une larme qui menaçait de lui couler au coin de l’œil et mis enfin un pied dehors. Elle ne savait pas trop si elle devait ranger son carnet – alors qu’elle aurait préféré le garder en main – ni s’il fallait qu’elle marche d’une façon particulière, qu’elle fasse la courbette devant les parents, qu’elle utilise des mots compliqués, qu’elle étale sa maigre culture, qu’elle…
La toquée soupira. Le flot de questions futiles qui l’assaillait devenait grotesque. C’était la première fois qu’elle se retrouvait dans un endroit pareil, et il fallait avouer que ce qui était intimidant n’était pas seulement de se sentir écrasée par le poids de la fortune qui s’affichait à outrance, mais de sentir comme il s’agissait d’un monde qu’elle ne connaissait qu’au travers de vagues clichés très peu flatteurs.

Jamais Selene ne s’était sentie aussi petite. Suivant Dakota de très près, elle se pencha finalement sur elle pour lui demander timidement à l’oreille :

- Est-ce qu’on doit… euh… faire quelque chose de particulier ?

Un sourire se dessina sur les lèvres de Jules à la réponse de Dakota. Qu'est ce qu'elle était comique cette petite ! Finalement après quelques secondes elle repartit sur une vraie réponse montrant ainsi sa solitude et le fait qu'elle n'avait besoin de personne. Jules arqua un sourcil mais ne dit rien sur sa pensée actuelle. La phobophobe n'était qu'une enfant et qu'elle le veuille ou non, elle avait besoin de ses parents même si ces derniers ne remplissaient pas leur rôle. La voiture finit par arriver devant une grande maison où elle pénétra dans un garage rempli de véhicule qui paraissait aussi luxueuse. Une manière pour la famille de montrer sa richesse ? cela donnait envie de vomir à l'ami imaginaire, comme l'avait surnommé Dakota.
Le plus intéressant était quand même la demeure qui faisait au moins quatre fois l'appartement où habitait James avec sa mère. De quoi un peu faire rêver. Le seul point d'avance sur Dakota était que entre l'adolescent et Mme Brooks il y avait de l'amour contrairement à la famille Earnshow.

- Wah la baraque putain !

Dit-il en suivant les autres derrières. Pas besoin de préciser que Jules en plus de n'avoir aucun tact n'était pas très poli. Peut être ferait il un effort une fois en face des propriétaires de cette maison mais pour l'instant ils n'étaient pas présent. A moins que James refasse son apparition d'ici là ce qui sauverait sans doute la suite qui s'annoncerait désastreuse si Jules ne décidait pas d'y mettre du sien.

- Hé faut faire des révérences et tout chez vous ? Et faudrait pas que la pleureuse se transfome en gamine aussi ça le ferait pas

Il se tourna vers cette dernière et rajouta :

- Ca t'arrive quand ce genre de truc ?

Autant savoir quand est ce que ce pouvoir se déclenchait. Quand elle était redevenu adulte c'était suite au fait James lui avait rendu sa bouteille pour un caprice effectué par la gamine. Un soulagement ? Une émotion vive ? Allez savoir. Lui, il apparaissait quand son créateur était stressé, Dakota c'était quand elle appelait l'autre dans un miroir. Quant à Sélène...Son pouvoir aussi semblait apparaitre lors d'un sentiment. Imaginer la tête des parents de la blondinette en voyant la rouquine se transformer e épouvantail le fit doucement ricaner.

Zephyr était montée dans la limousine, non sans prendre la précaution de se serrer dans un coin. Le choc du réveil à San Francisco était encore trop récent pour qu’elle souhaite se souvenir de fragments de vie qui ne lui appartenait pas.

Les autres voyageurs la suivirent et tous furent assis dans l’habitacle, à l’exception de Dakota qui arriva quelques minutes plus tard, blanche comme un linge. Zephyr aurait bien participée à la conversation avec Selene mais la brochette de voyageurs l’empêchait d’y accéder. Elle attendit donc sagement et en profita pour observer l’assemblée. Elle en connaissait quelques-uns mais cela ne l’empêchait pas d’être mal à l’aise pour Dak’ qui avait été (il faut l’admettre) d’une grande amabilité en leur permettant de loger chez elle.
Dakota permis l’accès à la nourriture. Les voyageurs se servirent, mais la traumatisée n’en fit rien. Certes, elle avait faim, mais en effectuant un mouvement elle craignait de toucher quelqu’un. Ce qu’elle ne souhaitait faire sous aucun prétexte. Son pouvoir permettait certes de s’approprier un souvenir, mais la mémoire faisait partie de l’intimité de chacun. Et Zephyr était plus que réticente quant à son utilisation. Un cri l’extirpa de sa rêverie. La petite fille qui se trouvait près de l’hypocondriaque hurlait à la mort afin qu’on lui rende la bouteille d’alcool qu’on lui avait arrachée. C’est alors qu’elle devint adulte. La jeune fille ne fut qu’à peine surprise, il faut dire qu’à Dreamland, ces phénomènes étaient quasi-habituels. Cette pensée la fit de nouveau réfléchir.

*Selene a raison. Il y a bien un autre moyen de parvenir à Dreamland, mais la question est de savoir lequel.*

Tout à coup, Dakota se mit à se disputer avec Yoru. La phobophobe ordonnant à l’hypocondriaque de quitter la voiture et en vitesse. Ce dernier s’exécuta et la voiture reprit la route dans un silence pesant, brisé par Jules. Le jeune homme s’intéressait aux parents de Dakota qui selon elle, n’en assumaient pas les responsabilités. Cela expliquait la maturité évidente de la jeune fille. Instinctivement, Zephyr porta la main sur le bas de son dos où une boursouflure indiquait l’endroit de sa cicatrice. Son père non plus n’avait pas assumé… La traumatisée eût un frisson d’effroi.

C’est alors que la limousine s’engouffra dans un garage immense, débordant de voitures de Luxe. Zephyr n’avait jamais connue ça et se sentait terriblement gênée. Comme quelqu’un qui ne serait pas à sa place. Il faut dire que le milieu dans lequel elle avait vécue était plutôt pauvre…

La remarque de Jules lui parut très intéressante. Il était effectivement préférable que personne n’use de son pouvoir dans la maison, mais pour cela, encore fallait-il en connaître la nature et le déclencheur… C’est pour cela que Zephyr tendit l’oreille, à l’affût d’informations quant aux erreurs à ne pas commettre. Elle estimait en avoir déjà assez fait à Dreamland.

La question murmurée par Selene provoqua chez Dakota un haussement de sourcil assez clair pour ne pas avoir à être traduit en mots. Pourquoi devraient-ils faire quelque chose d'extraordinaire ? Sans parler des propositions de révérences de Jules qui firent grimacer l'adolescente. Ne l'avaient-ils pas bien regardé ? Avec son look plus que douteux il était évident que ses parents ne lui imposaient ni conduite ni choix de vie, la seule chose qui s'imposait était une politesse élémentaire valable chez n'importe quel hôte peu importe sa classe sociale. Bonjour, merci, au revoir. Rien de plus. Elle haussa les épaules avant de lâcher à contrecœur :

- Soyez polis, c'est tout.

Le problème soulevé par l'ami imaginaire concernant leurs pouvoirs était bien plus préoccupant que leur conduite d'ailleurs. Si Myia changeait de forme ou James d'identité, sans parler d'une éventuelle transformation de Selene en épouvantail... si seulement ils avaient eu des dons moins voyants ! Elle n'avait pas à s'inquiéter pour ce qui la concernait, mais elle n'en était pas moins responsable de ses invités et expliquer leurs bizarreries à ses parents était le dernier de ses désirs. Le tout restait d'atteindre sa chambre sans qu'aucun n'incident n'ait lieu, ce qui restait du domaine du possible. Ils avaient même approximativement 91% de chances pour que tout se passe bien.

La gamine fit signe à ses « amis » de la suivre alors qu'une gouvernante se saisissait de leur manteau pour aller les ranger. Dakota lui laissa sans un mot veste et sac avant d'ouvrir la voie à travers une multitude de couloirs. La maison était grande, très grande, et respirait richesse et sobriété avec sa décoration post-moderne tout en noir, blanc et espaces vitré. C'était parfaitement impersonnel et tout sauf accueillant malgré une esthétique certaine. L'œuvre d'un décorateur qu'on avait payé une fortune à vrai dire.

Les pas de la blondinette finirent par la mener devant une énième porte qu'elle ouvrit avant d'inviter les autres à en passer le pas. La pièce dans laquelle ils pénétrèrent était une chambre aussi vide d'empreinte personnelle que le reste de la maison, et maintenu dans un état de propreté et de rangement digne d'un vrai maniaque. Un lit à baldaquin tendu de soie noire trônait au milieu de la pièce sur un épais tapis blanc. Les tapisseries immaculées tranchaient avec le parquet d'ébène et le mobilier fait du même matériel. Une armoire, un bureau, une bibliothèque croulant sous les livres occupait le côté droit de la pièce alors qu'un canapé d'angle en cuir et un échiquier sur pied encadré de deux chaises se chargeaient de l'autre. On se serait cru dans un magazine de décoration, mais Dak' n'y prêta aucune attention, se contentant d'un regard vers sa corbeille à papier vide.

Elle n'en entendrait pas parler avant quelques heures, mais ça ne saurait tarder. Mais sa mère aurait au moins la décence de ne pas l'interroger sur sa lettre devant des invités, après tout on lavait son linge sale en famille.

- Vous pouvez vous asseoir, vous paierez pas plus cher, lâcha-t-elle en se permettant un rarissime trait d'humour.

Dakota se dirigea tout en parlant vers son bureau et alluma son ordinateur puis ouvrit une page de navigateur internet. Une recherche rapide l'informa qu'aucune information concernant Dreamland n'avait filtré pour l'instant mais ce n'était qu'une question de jours. Et si on remontait jusqu'à eux avant qu'ils n'aient réglé le cas gênant de leurs pouvoirs ils passeraient probablement le reste de leur vie dans un laboratoire, ce qui était tout bonnement inacceptable.

Elle pivota sur sa chaise de bureau pour faire face à ces invités et les détailla sans gêne aucune. Impossible de dire s'ils l'avaient suivi car son discours les avait fait réagir ou juste parce qu'ils n'osaient pas rentrer chez eux dans cet état. Et il était plus que temps de clarifier les choses à ce sujet.

- Bon. J'aimerais savoir qui d'entre vous veux réellement y retourner, que ce soit pour se débarrasser de ses pouvoirs ou pour finir sa thérapie. Il faut qu'on sache sur qui on peut réellement compter. Répondez la vérité, je ne vous mettrais pas dehors si vous souhaitez ne jamais remettre les pieds à Dreamland. Ce serait une décision parfaitement compréhensible.

Les remarques à haute voix de Jules firent presque regretter à l’adolescente d’avoir posé une question. Elle lui paraissait soudainement stupide et non avenue, et redoutait qu’après réévaluation de ses « amis », Dakota ne la classe parmi les idiotes qui ne servaient pas à grand-chose. Selene resta donc muette en recevant la réponse de la phobophobe et la suivit dans un silence total. Légèrement gênée de cette attention, elle confia à la gouvernante son manteau et son sac mais insista pour garder avec elle son carnet et son crayon.

Le problème que soulevait le psychotique imaginaire était important certes. La toquée avait cru comprendre qu’elle se transformait en épouvantail dès lors qu’elle était en proie à une crise de stress trop importante. Pour l’instant, il y avait peu de chance qu’elle se retrouve acculée à sa métamorphose, à moins que les parents Earnshow ne possèdent un trio de dobermans qui lui sauteraient dessus en aboyant.

Au départ, la rouquine essayait de comparer la taille de la maison de leur hôte avec celle de sa tante mais bien vite, elle perdit le fil des proportions et retint simplement qu’elle était immense. Elle se sentait si insignifiante devant ce grandiose épuré qu’elle avait l’impression que les couloirs s’allongeaient et les murs s’agrandissaient autour d’elle. Malgré l’allure de Dakota qui ne laissait pas supposer une gosse de riche gâtée à outrance, Selene ne pouvait s’empêcher de visualiser ses parents comme le couple de noble des clichés : grands, effilés, élégants, une expression hautaine imprimé au naturel sur leur visage, comme une marque de fabrique. Elle craignait d’ailleurs de les croiser au détour d’un des couloirs interminables, mais leur petit groupe parvint à la chambre de la phobophobe sans les rencontrer.

En comparaison à la sienne, surchargée de représentations d’épouvantails en tout genre, la chambre de Dakota était vide et froide. On aurait dit l’une de ses pièces des magasins de décorations où on a à la fois une envie irrépressible de s’assoir, mais en même temps, on sait qu’un vendeur veille pour nous empêcher de prendre nos aises. Le noir solennel qui régnait était presque dérangeant ; il fallut que la blondinette invite ses convives à s’installer pour que la toquée choisisse de se poser le plus légèrement possible sur le bord du lit à baldaquin. Elle observa alors sans mot dire le manège de Dakota. L’ambiance avait quelque chose de lourd, sans le bruit répétitif des touches du clavier, on se serait presque crut dans une chambre anéchoïque.

La surdouée pivota enfin vers ses invités pour leur demander s’ils étaient réellement motivée à la suivre. Selene baissa les yeux lorsque le regard de la blondinette se posa sur elle ; elle aurait aimé ne pas avoir à répondre immédiatement à cette question. Certes, elle voulait y retourner, car elle n’avait pas l’intention de passer sa vie entière à se transformer en épouvantail… mais peut-être aurait-elle souhaité profiter encore un peu du monde réel ? Un coup d’œil à ses camarades la rassura légèrement : elle préférait largement cette troupe que celle à laquelle elle avait été mêlée la première fois.

La rouquine adressa un sourire pâle à Zephyr qui croisa son regard, puis prit la parole tout en ouvrant son carnet pour y griffonner machinalement un épouvantail :

- J’ai vraiment l’intention d’y retourner…

Elle faillit ajouter « je veux juste ne pas croiser Liam et John », mais jugea préférable de ne pas faire mention de ces deux hommes si elle voulait garder secret ce qu’elle avait enduré chez Asmodée. A cette pensée, ses mains tracèrent frénétiquement son esquisse et les cibles de son pouvoir furent cette fois Zephyr et Myia.

- Tu peux compter sur moi, conclut-elle timidement.

Dès que la dispute entre Yoru et Dakota s’engagea, la jeune femme s’enfonça au fond de son fauteuil, pinça ses lèvres et détourna ses yeux de la scène. Après tout, ce qu’elle ne voyait pas, n’existait pas. En revanche, elle ne put rien faire contre le haussement de ton. Tant pis, Yoru venait de descendre et le calme était revenu dans la voiture.
Myia sortit rapidement un bout de papier de son sac rouge vif et fut rassurée de voir qu’elle pourrait toujours contacter son ami au cas où. Au vue de ce qu’il s’était passé, la jeune femme préférait rester calme et silencieuse, du moins le temps qu’une autre lubie ne lui traverse l’esprit. L’ambiance pesante s’était dissipée alors que la voiture s’engageait dans une immense propriété. Alors qu’ils descendaient tous du véhicule, Jules s’adressa à la jeune femme. Il avait visiblement une plus grande bouche que son double, et son franc parler ne fut pas pour déplaire à Myia.

- J’sais pas…

Myia aurait très certainement préféré changer de sujet. Elle était certes incapable de mettre le mot « caprice » sur ce qu’elle avait fait quelques minutes plus tôt, mais elle avait très bien ressenti cette frustration lorsque James lui avait ôté son jouet. La première fois que son nouveau pouvoir s’était manifesté, c’était dans le Colisée à Dreamland. Ce malaise, c’était le même qu’elle ressentait en prenant une apparence juvénile. La sensation d’apaisement après avoir obtenu l’objet de sa convoitise l’avait empêché de faire comme à son habitude : se blesser. Finalement, elle ne pouvait en vouloir à ce lâche de Docteur Parkinson.

- En tout cas, quand je suis calme, je suis comme… ça.

Myia se montra du doigt, comme s’il ne s’agissait pas de sa véritable apparence. Puis elle repensa ce qu’il lui était arrivé encore une fois à Dreamland, avant qu’ils ne soient vendus au Colisée.


- Ah ! Et une fois je me suis transformée en ado !

Hm, à voir la tête de l’assemblée, cet aveu soudain n’était pas pour les rassurer. Légèrement vexée, la jeune femme pinça de nouveau les lèvres et suivit Dakota qui leur fit signe de la suivre. A chaque porte qu’elle franchissait, Myia retenait sa respiration, comme si elle risquait de les trahir à chaque instant. C’est donc épuisée qu’elle arriva dans la chambre de leur hôte et qu’elle répondit à l’invitation de Dakota en se laissant tomber dans le canapé en cuir. Cette maison, en dehors de sa froideur apparente était au moins confortable. La tentative d’humour de la gamine jurait avec sa personnalité, en revanche la question qu’elle leur posa était pour plaire à la jeune femme. Son cœur ne fit qu’un tour lorsqu’on lui offrait une échappatoire à San Francisco, le vrai San Francisco. Alors que l’enthousiasme montait en elle et qu’elle commençait à s’agiter sur le fauteuil en cuir, tout disparu d’un coup, comme vidée de tout sentiment. Alors qu’elle s’affalait de nouveau dans le canapé, son regard se posa sur la timide Selene et sur Zephyr, tout aussi calme qu’elle.

- Merci Selene. Avec toi à côté, je ne vous dérangerai pas !

La jeune rouquine répondit positivement à la question de Dakota. Myia l’avait déjà presque oubliée ! Elle dut lutter contre ce calme imposé pour joindre la geste à la parole, elle leva haut la main en l’agitant rapidement :

- Moi aussi !

Polis ? Bon ca serait faisable un minimum, il connaissait les bases de la vie en société. Jules nota ce petit conseil de tenu avant de s'intéresser de plus près aux pouvoir de ses camarades qui pourrait être gênant, allez savoir qui entre Sélène et Mya. celle ci indiqua que lorsque qu'elle était calme elle était adulte, ce qui devait être son âge normal. Bon...ça faisait pas avancer beaucoup la chose m'enfin...Miss robe rouge rajouta qu'elle s'était aussi transformé en ado. Génial...à quand en vieille ? A moins que ça peur soit celle de se retrouver avec des rides...C'était débile comme phobie mais bon Jules ne pipa mot sur sa façon de penser et se contenta de suivre leur jeune hôte dans la maison. Heureusement ce ne fut qu'une fois avoir donné son manteau à la domestique que James retrouva son apparence d'adolescent pure et innocent.Sinon bonjour la tête qu'aurait fait la dame.
Le groupe marchait des les couloirs et James n'aurait su dire combien de mètre carré elle faisait tellement il avait l'impression que la bâtisse s'étendait à l'infini. Comme le sac à main de Mary Popins qui sortit tout objet de toutes tailles. Néanmoins l'adolescent ne se sentait pas mal à l'aise devant tant de richesse, c'est sur ça changeait de son appartement mais la demeure ne reflétait pas son amie Dakota. Les voyageurs arrièrent dans une chambre qui était totalement sobre, sans aucune décoration personnelle ni poussière. Ça devait être triste de dormir là dedans sans aucun regard autour de soi. La blondinette les invita à s'asseoir sur son lit ce que ses invités firent sans s'étaler non plus sur le matelas. Dans un complet silence, seul le bruit du clavier mettait de l'ambiance, le groupe attendait que Dakota finisse de faire quelque chose sur son ordinateur. Cette dernière se tourna ensuite vers eux pour leur demander si ils voulaient vraiment retourner à Dreamland. A cette question Sélène répondu positif tout en dessinant des bonhomme sur son cahier suivit de près par Mya. Ces deux filles semblaient être amies d'ailleurs. Et lui qu'allait t-il faire ? Au moins dans l'autre monde il avait des amis alors qu'ici...C'était sur que les autres allaient l'oublier, après tout pourquoi resterait ils avec lui ?

- Je viens aussi !

Un coup d'œil à la porte où Jules était prostré lui fit rajouter avec un sourire :

- Avec Jules bien sur

De toute façon comment James pourrait il affronter les méchants sans son meilleur ami qui l'avait sauvé plusieurs fois avec son pouvoir et consoler par sa présence ? Mais il maquait un élément dans le calcul...Ils voulaient aller à Dreamland mais il restait la question de comment s'y rendre.

- Mais euh...quelqu'un a une idée de comment y aller ? Parce que le docteur s'est fait la malle et à mon avis c'est peine perdue de le chercher...Vous connaissez un autre moyen les filles ?

Apparemment, Zephyr n'en serait pas plus quand au pouvoir de Myia, si ce n'est que le risque de se faire repérer était grand. Très grand. D'autant plus que Selene pouvait se transformer à tout moment en épouvantail ou James en Jules (et vice versa). D'ailleurs le jeune homme venait de reprendre son apparence normale.

La petite troupe suivit Dakota a travers le dédale de couloirs et de portes qui constituaient l'impressionnante bâtisse de la famille Earnshow. La phobophobe guida ses invités vers une chambre toute aussi épurée que le reste de la maison. Zephyr ne s'assit pas malgré l'invitation de son hôte, préférant rester debout pour éviter tout contact avec ses compagnons de route.

Après avoir pianoté sur son clavier, Dakota posa une question surprenante. Bien sûr qu'elle désirait y retourner. Certes elle avait terriblement peur de retourner là-bas, mais... Etait-ce possible de vivre ainsi ? Dans la peur constante de toucher quelqu'un afin de ne pas revivre l'élément le plus traumatisant de sa vie ?
Helas, elle n'avait pas le choix. Un regard adressé a Selene et Myia conforta Zephyr dans sa décision.

- J'en suis, déclara la jeune fille alors qu'une vague d'apaisement l'envahissait.

James formula enfin la question que tout le monde se posait.

- Pour ma part, je n'en ai aucune idée. La seule indication que nous avons réside dans le fait que nous avons tous subis une hypnose pour intégrer Dreamland. Malheureusement, mes connaissances sur le sujet sont plutôt vagues... Quelqu'un connait-il suffisamment cette pratique pour nous en parler ?

Zephyr se tourna vers Dakota.


- Sinon il reste toujours ton ordinateur pour s'informer, dit-elle avant de s'asseoir auprès de Myia sur le canapé.

Ils s'étaient éparpillés de manière aléatoire dans la chambre, comme s'ils refusaient tout contact. On se demandait vraiment pourquoi ils l'avaient tous suivis ici, troupe hétéroclite qui se connaissait à peine, si peu qu'ils ne savaient probablement même pas s'ils s'appréciaient ou non. Les doigts graciles de la gamine pianotait sur l'accoudoir de son fauteuil de bureau alors qu'ils annonçaient tour à tour une réponse unanime : qu'elle pouvait compter sur eux. Ils n'avaient pas tous l'air convaincus mais affirmer leur choix à voix haute était une manière de souder cette bande de bras cassés qu'ils formaient.

En ce qui la concernait Dakota ne savait pas si elle pouvait réellement leur faire confiance et doutait fortement qu'ils puissent lui être d'une aide quelconque une fois de retour à Dreamland mais ne pas être seule était la condition sine qua non pour que tout se passe bien. Le nombre ferait leur force, peu importe si les membres composants le groupe n'étaient que des insectes. On savait bien quelles merveilles étaient les fourmilières...

- Bon, au moins on est fixé. On va pouvoir se mettre au boulot.

Parce qu'il risquait d'y en avoir un paquet. Comme l'avait souligné si bien James et Zephyr, ils n'avaient aucune idée de comment faire pour retourner dans le monde des rêves. La méthode de Parkinson n'était pas une hypnose ordinaire, ils ne pouvaient donc pas se rendre chez le premier maniaque du pendule venu en espérant que cela résoudrait leur problème. L'ordinateur était en effet leur point de départ, Dak' étant incapable de courir les rues avec sa phobie qui lui coupait toute envie de sortir de son cocon sécurisé.

- Je crois aussi qu'internet nous livrera la solution. Nous ne sommes pas les premiers voyageurs ni les derniers. Il doit y avoir des témoignages sur la toile, le tout étant de les trouver. On se relaiera sur l'ordinateur jusqu'à ce qu'on trouve des informations tangibles, ce qui prendra peut-être des jours. Mais mieux vaut ça que de se jeter dans les bras du premier charlatan venu.

Et dieu seul savait combien ils étaient nombreux à San Francisco. La blondinette avait dû en croiser une bonne centaine alors qu'elle cherchait à guérir de sa phobie, et ils en trouveraient tout autant pour leur nouveau problème. Les doigts de l'adolescente courraient de nouveau sur le clavier avec une dextérité que l'on acquiert que par un entrainement long et intensif. Les onglets de moteurs de recherche se multipliaient, étirant des listes de résultats qu'ils mettraient des heures à consulter en détail. Elle avait dû taper à peu près n'importe quoi approchant leur cas, de « voyage à Dreamland » à « nouvelle méthode d'hypnose » en passant par « dimension parallèle », « voyage astral » et même toute la ribambelle des noms de villes et de personnes qu'elle avait pu croiser à Dreamland.

Ce fut d'ailleurs ce dernier type de recherche qui lui apporta ses premiers résultats alors que les autres s'occupaient comme ils pouvaient sans que Dajota ne s'en soucie le moins du monde. Georges Mikles le capitaine du Slavedog Millionnaire apparaissait dans un article récent. Il était présenté comme un miraculé s'étant réveillé d'un coma de 10 ans. Un coma ? C'était inexploitable mais ça restait intéressant...

- Je viens de trouver le capitaine... il a une allure bien moins entretenue dans le monde réel.

Sur la page qu'elle regardait on pouvait voir le corps rachitique et croulant sous les appareils médicaux de celui qui les avait vendu comme esclaves à Sextus. Elle tapota l'écran pour attirer l'attention des autres et ajouta :

- Il est allé à Dreamland par le biais d'un coma. Même si l'on ne peut pas s'en servir on sait désormais qu'il existe d'autres moyens. Il suffit de les trouver.

La première à suivre le mouvement de Selene fut Myia. D’ailleurs, avant de répondre, elle se pencha pour la remercier en lui faisant comprendre qu’elle se sentait bien à coté d’elle. Ne sachant pas comment prendre cet aveu, la rouquine rougit et cessa de dessiner. James, qui était de retour, et Zephyr proclamèrent également qu’ils étaient partant avant de soulever une nouvelle fois le problème épineux du « comment se rendre à Dreamland ». Cette fois, ce fut Dakota qui formula la réponse que la toquée avait déjà énoncé plus tôt. Certes, il devait exister une grande diversité de moyens de se rendre à Dreamland mais maintenant qu’ils étaient tous réunis dans une chambre face à un ordinateur, l’adolescente avait l’impression qu’ils cherchaient une aiguille dans une meule de foin.

Finalement, la phobophobe se replongea sur internet, pianotant avec dextérité sur le clavier dont les sonorités communes semblaient aussi esthétiques que la maison elle-même. Incapable de rester en place sans rien dire ni rien faire, Selene se leva pour se pencher par-dessus l’épaule de leur hôte, sa tignasse rousse cascadant de ses épaules. Ses yeux noisette lisaient aussi vite qu’elle pouvait les pages que cette dernière parcourait rapidement en créant une infinité d’onglets qu’il allait falloir éplucher plus tard. A un moment, elle crut voir quelque chose d’intéressant, mais d’autres liens livraient déjà leur contenu, masquant les informations qui avaient sauté aux yeux de la galloise.

Lorsque l’article traitant de Georges Mikles apparut, il fallut que Dakota le cite comme étant « le capitaine » pour qu’elle se souvienne de l’endroit où elle l’avait vu. Le Slavedog Millionnaire bien sûr… c’était vrai qu’ils avaient songé que leur esclavagiste pouvait être un voyageur, mais n’avaient finalement jamais eu l’occasion de le confirmé. Cependant, alors qu’elle restait figée devant son apparence déplorable, l’information qui frappa le plus la rouquine n’était pas qu’il s’était rendu à Dreamland via un coma, mais qu’à en croire la date de l’article, il s’était certainement réveillé en même temps qu’eux-mêmes.

- Il a reprit conscience aujourd'hui... le jour où on s’est tous réveillé chez Parkison. Je sais bien qu’on se disait déjà que quelque chose d’étrange s’était produit mais… « tous » les voyageurs auraient touchés en même temps ? Si c’est vraiment le cas, ce qui s’est passé là-bas doit vraiment être quelque chose de grande ampleur…

Selene se mordit la lèvre. Elle se rendit elle-même compte que ce qu’elle racontait n’était pas vraiment rassurant, et elle essayant d’exploiter d’autres facettes de sa théorie, histoire de la rendre profitable :

- Ceci dit… si vraiment tous les voyageurs ont reprit conscience en même temps… partout… alors eux-aussi se rendront compte qu’ils ont gardé leurs pouvoirs et y’a de fortes chances que certains se fassent arrêter ou racontent leur expérience sur internet… d’ici demain matin… peut-être même une heure ou deux, on aura peut-être beaucoup plus d’informations fraîches sur le sujet.

Le coma et l’hypnose avaient une chose en commun : plonger l’individu dans une phase d’inconscience assez particulière. C’était certainement pendant le passage à cet état qu’une brèche s’ouvrait et que leur esprit – ou leur âme, qu’importe la vision – s’égarait de l’autre coté, au pays des rêves. Il existerait alors toute sorte de moyen de se rendre à Dreamland, peut-être même en s’allongeant simplement pour dormir. La vraie question n’était alors pas « comment » s’y rendre, mais « comment être certaine que la manière que nous emploieront nous permettra de franchir le cap voulu ? ».

- Tu peux revenir sur cet onglet là.

Selene pointa du doigt la petite-entête qui marquait la page où elle pensait avoir repérer quelque chose. Il s’agissait simplement de la liste de liens du moteur de recherche concernant les « nouvelles méthodes d’hypnose ». L’un d’eux s’intitulait Méthode en vogue : l’hypnose Parkinson et le petit résumé qui l’accompagnait parlait d’une certaine psychiatre Thores qui aurait récemment ouvert un cabinet à San Francisco, se réclamant de l’enseignement particulier de son ainé.

Finalement, la petite assemblée semblait unanimement d’accord sur le fait de retourner à Dreamland. Au moins, la jeune femme ne serait pas seule, et personne n’avait prit la peine de la mettre à la porte alors qu’elle risquait de trahir leur situation à n’importe quel moment. Elle avait quelques bribes de souvenirs concernant son amitié avec Selene. Mais alors qu’elle essayait de mettre des mots sur les différentes scènes qui traversaient son esprit, les images fuyaient, encore. La jeune femme posa une main sur son front, déjà fatiguée de son retour dans le monde réel. La vraie vie était si ennuyeuse…
Zephyr choisit ce moment pour s’asseoir à ses côtés. Elle esquissa un léger sourire dans sa direction, puis reposa son regard sur l’acharnée de l’ordinateur. Pauvre clavier !
En moins de quelques minutes l’adolescente trouve néanmoins une information intéressante. Le capitaine du Slavedog Millionnaire, leur grand ami, s’était réveillé d’un long coma. Quel bonheur, des tyrans revenaient à la vie ! La jeune femme enroula ses bras autour de ses jambes. Son expérience marine lui avait laissé un goût salé dans la bouche, et elle grogna dans son coin.

- Et ben on n’est pas rendus, si tous les comateux reviennent à la vie…

La râleuse resta dans son coin alors que les images sur l’écran d’ordinateur semblaient attirer l’attention de tout le monde. Oui, Myia boudait, et c’était plus par conscience de sa propre inutilité dans les recherches, mais aussi parce qu’elle n’avait en aucune manière l’envie de conduire les recherches. Elle écoutait donc d’une oreille discrète les bribes d’informations lâchées de temps à autre par les plus jeunes du groupe. Après avoir posé la tête sur ses genoux repliés, elle s’adressa à Zephyr.

- Ca doit être troop tranquille en ce moment là-bas. J’espère que tous ne décideront pas de faire comme nous en y retournant.

La jeune femme marqua une pause.

- Hééé ! Et Yoru ?! Et les autres ? Ils ont peut-être déjà trouvé un moyen !

Aussitôt dit, aussitôt fait, Myia se redressa d’un coup, filant au passage un coup de coude à Zephyr. Elle s’en excusa tout en posant rapidement sa main sur son épaule, puis elle la récupéra pour fouiller dans son sac. Elle ne remarqua pas vraiment la changement d'expression de sa voisine. Non sans peine, et après quelques grognements, elle empoigna enfin ce qu’elle cherchait : son téléphone, rouge bien évidemment. Après l’avoir brandi comme s’il s’agissait d’une victoire, elle pianota agilement dessus tout en composant le numéro que Yoru lui avait donné. Son sourire victorieux se changea bien vite en une moue déçue : après quelques sonneries, sa messagerie s’activa : « Je ne suis pas là pour le moment… ». Alors qu’elle s’apprêtait à raconter les maigres trouvailles qu’ils avaient fait, elle se ravisa et rangea son mobile. Quelques secondes après, elle enfouit sa tête entre ses genoux et se remit à bouder.

- Pff ! S’il est parti, il aurait au moins pu nous dire s’il avait opté pour le coma. Ou mieux, prendre des médicaments pour dormir… Ou encore s’il avait trouvé un autre type qui s’enfuirait à la première difficulté. J’ai envie de dormir… mais je veux pouvoir contrôler mes rêves… Ce monde est fatigant…

Le charabia qu’elle déballait n’avait aucun sens mais il eut le mérite de la calmer. Comme un enfant qui s’était trop défoulée, elle posa sa tête sur le rebord du canapé et s’endormit.