♫ Sous l'océan ♪

Eve n'avait pas tort, ils n'avaient pas de proposition de paix à donner à l'ennemi si il acceptait de les rencontrer. Rien qui pourrait convaincre qu'il serait gagnant à laisser les Atlantes en paix. A vrai dire Jonh non plus ne voyait pas ce que les Thalassiens avaient à y gagner, et même de toute façon à faire la guerre à l'autre peuple. Dans l'histoire les Atlantes n'avaient rien demandé à personne. Sans doute serait il d'accord de cohabiter mais l'ennemi serait plus dur en affaire.
C'était tout de même important de savoir si le Dieu adverse en était vraiment un ou si c'était un menteur comme leur trio. Jonh n'avait aucune réponse à apporter aux question d'Eve, c'était vraiment une situation désespéré.

Comme le dépressif s'y était attendu, Eve ne connaissait pas le pouvoir dont Sydney avait parlé. Ce point là était donc réglé. Le pirate partait défaitiste et il fallait peut être se rendre à l'évidence qu'il n'y avait rien à faire pour aider le peuple. En dernier recours il ne restait plus qu'à aller voir les mages, en espérant que leur lumière pourrait les éclairer.

Sydney prit en charge d'aller demander le chemin à la bibliothécaire. Celle-ci n'avait pas l'air de vouloir aider vu la tête qu'elle faisait. Jonh ne voyait pas trop ce que le voyageur trafiquait en sortant quelque chose de son sac, sans doute une arme menaçante. Il réussit tout de même à obtenir son information, indiquant au dépressif et à Eve de le suivre.

- Bien joué

Il ne savait pas ce que Sydney avait fait comme machination, mais il tenait tout de même à soulever son brillant succès. Il était aussi admiratif, en quelque sorte.

Le trio arriva devant un bâtiment, qui de l'extérieur, en imposait grandement. Cela sentait vraiment la sagesse à l'intérieur du bâtiment. Jonh n'était pas certains que les mages soient assez naïfs pour croire qu'il était Zeus. Rien que le jeune homme de tout à l'heure n'avait pas l'air emballer par cette idée.
Sydney lui désigna la galerie de colonne qui leur faisait face, où certains mages profitaient du beau temps. Un sort pour remettre Atlantis sur l'eau. Et bien ça serait un gain de temps si leurs nouveaux amis avaient ça dans leur poche.

- Qui ne tente rien n'a rien, comme on dis

Répondit il avant de se concentrer pour se remettre dans la peau de Zeus et de s'avancer vers un mage plus ou moins âgés. C'était difficile de déterminer son page avec sa barbe et le livre qui lui cachait à moitié le visage.

- Bonjour

Il attendit que son interlocuteur daigne lever les yeux vers lui avant de s'incliner légèrement en guise de salutation et de respect. Il avait décidé que Zeus ne serait pas un Dieu con et arrogant.

- Veuillez m'excusez de vous importuner pendant votre lecture. Mais mes compagnons et moi-même. Il désigna Eve et Sydney. Avons besoin de vos lumières pour nous aider à sauver le peuple Atlante de la menace des Thalassiens. Je sais que Atlantis a sombré dans les eaux, et que le peuple prend cela comme une volonté divine. Malheureusement, contrairement aux Thalassiens, les Atlantes ne peuvent vivre dans l'eau et ne doivent leur salut qu'au dôme protecteur qui entoure la ville. J'ignore pourquoi Atlantis s'est enfoncé dans les eaux, mais il faut rétablir cette erreur qui n'a pas lieu d'être. Cette ville doit regagner la surface, et baigner à nouveau sous le ciel. C'est pour cette raison, que j'implore votre aide

Faire gagner l’un des camps serait plus simple ? Sans doute. Comme pour chaque guerre n’est-ce pas ? C’est tellement plus simple que l’un des parties écrase l’autre plutôt que de chercher un terrain d’entente. Pourtant, sur le long terme, la paix restera plus bénéfique. Eve n’a pas dit qu’elle excluait totalement la nécessité de devoir neutraliser le « dieu » ennemi, elle voulait simplement être certaine d’avoir épuisées les cartouches diplomatiques avant de préparer un affrontement.

La russo-américaine avait la sensation que ses compagnons ne comprenaient pas vraiment sa démarche, un peu comme s’ils ne croyaient pas vraiment en leur chance de résoudre ce conflit sans prendre les armes. Elle n’avait pas plus d’indices, certes, mais n’excluait aucune possibilité. Faire Atlantis regagner la surface en était une, mais il y en avait peut-être d’autre.

Quoiqu’il en soit, son pouvoir prit fin au moment où elle passa le seuil de la bibliothèque. Ses pensées claires s’étiolaient, lacérées par les monstres de paranoïa qui revenaient, affamés, assoiffés de sang. Sydney était là, juste devant elle, sans sa couronne de méduse. Elle pourrait lui sauter dessus maintenant qu’il était vulnérable, soulager enfin le monstre qui rugissait dans ses entrailles. Le seul souci c’est qu’elle se souvenait de leur discussion alors que son pouvoir était actif… elle avait suggéré une trêve, il l’avait accepté. Il n’y avait aucune raison qu’elle l’étripe s’il ne faisait pas un autre geste de travers. Quoique…

La détenue allait se perdre dans un tourbillon de délire psychotique quand elle sentit une légère pression sur sa cuisse. Baissant les yeux, elle aperçut un petit garçon, les yeux brillants, qui regardaient les 3 voyageurs avec admiration, mais elle surtout. Peut-être parce que c’était une femme, ou parce qu’elle émanait quelque chose de différent des deux autres, aller savoir. En tout cas, il ne semblait pas vouloir décrocher.

- Bonjour, bredouilla-t-il d’une voix fluette, mon papa il a dit que vous allez nous aider. Est-ce que je peux venir ?

Eve jeta un œil à ses acolytes, s’assurant qu’ils ne sortaient pas de son champ de vision et s’agenouilla à hauteur de son fan. Il ferma les yeux et rentra la tête dans les épaules, comme si cette femme au regard glacé s’apprêtait à le foudroyer, mais elle ne fit que le regarder. Le regarder et se permettre un des rares sourires qui déridait son expression impassible.

- Je ne pense pas que ce soit une bonne idée, répondit-elle.

Il transpirait l’innocence. Une innocence qu’elle n’avait plus depuis longtemps. La russo-américaine se sentait comme un félin penché sur un oisillon : à jamais pas à sa place, à jamais souillée. Sans dire un mot, elle utilisa son fameux pouvoir hérité du village du Père Noël pour faire apparaitre un cadeau. Aucune idée de ce qu’il recelait, mais ça importait peu. Elle tendit au gosse qui la contemplait avec des yeux ronds en expliquant :

- Tiens, un souvenir, ça nous encouragera que tu l’acceptes.

Emu, l’enfant ne savait plus où se mettre. Il ne savait pas que ce n’était qu’une paire de tongs, mais le symbole comptait plus que l’objet. Après avoir marmonné un « merci », il s’éclipsa en courant. Eve accéléra alors le pas pour rattraper ses collègues tandis qu’un vieux compagnon apparut de nulle part :

- Waaaaa ! Ça fait longtemps dis-donc ! A croire que je ne te manque pas du tout.

Robert, sa tirelire-cochon ailée qui voletait à hauteur de son visage.

- Non, rétorqua la paranoïaque.
- Soit pas aussi désagréable alors que je viens de te voir faire un don ! C’est généreux de ta part, qui sait si tu n’avais pas besoin de ce qu’il y avait dans ce paquet.
- J’ai juste offert un cadeau à un gamin, corrigea la russo-américaine, et je m’en remettrai si jamais j’ai besoin de ce pouvoir plus tard.
- Si tu le dis…, commenta Robert avec une moue sceptique, en tout cas, tu gagnes 1 point ! Tu en as 8 désormais. Est-ce que tu as l’intention d’arriver à 10 un jour ou bien… OUAW ! Raté ! ahahah

Bien entendu, il avait esquivé la torgnole d’Eve et s’était éclipsé juste après. De leur coté, Jonh et Sydney avaient déjà accosté un groupe de mages qui profitaient de l’air marin en bouquinant. Elle arriva à leur hauteur juste pour entendre le discours de « Zeus ». Si ça n’avait pas été si peu discret, Eve se serait permis un facepalm bien sonore. Il « implorait » leur aide ? Est-ce qu’il y avait quelque chose que le dépressif n’avait pas compris dans leur posture délicate ? Les atlantes les avaient appelé eux, imposteurs, au secours. Inverser les rôles était impossible ; ce n’était pas ce que projetait la russo-américaine en tout cas. Et en plus il avait dit « ignorer » pourquoi l’ile avait sombré alors que les locaux étaient persuadés qu’il s’agissait d’une décision divine. S’efforçant de ne rien paraître, aussi illisible qu’à l’ordinaire, la taularde tenta de rattraper les choses :

- Ce que… Zeus essaye de vous dire, c’est que nous cherchons à mettre fin à ce conflit de la façon la plus pacifiste possible. On se demandait s’il y avait des pistes non exploitées qui iraient dans ce sens. Des pistes pour permettre une cohabitation avec les thalassiens par exemple, ou des solutions auxquelles vos croyances vous interdisaient de recourir jusqu’à aujourd’hui.

Le membre 'Eve M. Todrovitch' a effectué l'action suivante : Lancer de dés

'Joyeux noël' :

Rapidement après la prise de parole du pirate, l'effet pacificateur du pouvoir d'Eve perdit en intensité jusqu'à ne plus contraindre du tout l'esprit du paranoïaque. Les choses dites, les choses faites durant ce court laps de temps pendant lequel on l'avait aliéné rejaillissaient dans la tête de Sydney après avoir été englouties dans les délires de complot et d'agression. Il revoyait tout ça sous un nouveau jour qui ne lui plaisait pas. Cette vipère l'avait abruti pour le forcer à retirer sa couronne. Elle aussi venait d'utiliser son pouvoir « en bâtard » pour reprendre les termes du maniaco-dépressif mais à elle, on ne lui disait rien, bien évidemment. Une preuve supplémentaire du favoritisme partial et arbitraire dont il faisait les frais. C'était vraiment le prendre pour un con et ça ne serait pas oublié.

Mais il se souvint aussi du marché qu'il avait passé avec Jonh. Ça, ils en avaient convenu en toute lucidité et aussi parano' soit Syd', il s'interdisait de rompre une promesse qu'il avait faite avec honnêteté. Code d'honneur pirate : une vraie promesse, ça se brise pas !
Il n'avait cependant pas l'intention d'oublier non plus le fait qu'Eve reste en retrait pour utiliser un autre de ses pouvoirs sous prétexte de parler à un gamin. QUI aimait parler aux morveux, franchement ? Surtout pas une femme comme elle. Alors c'était quoi : « détecteur d'injustice », « wonder woman » ou « absolution » ? A moins qu'il ne s'agisse d'un tout nouveau pouvoir, ce qui n'était jamais une bonne nouvelle en soi pour Sydney qui interprétait l'apparition de pouvoirs comme des symptômes supplémentaires témoignant d'une évolution négative de la maladie. Plus de pouvoirs égal encore plus gogole qu'avant... sauf lui qui, étrangement, pour une raison inconnue, n'était pas soumis à cette règle, disposant de pouvoirs sans souffrir de quoi que ce soit.

Qu'elle aille au diable avec ses fourbes manipulations : le corsaire faisait confiance à Jonh pour qu'il honore sa promesse en le protégeant de toute attaque éventuelle émanant d'Eve. D'ailleurs, même sans couronne de Méduse, les pouvoirs dont disposait le capitaine au bandana étaient amplement suffisant pour déceler la moindre intention néfaste à son encontre et s'en protéger en une fraction de seconde. Aussi ne fit-il pas trop attention à ce que leur collègue féminine tramait dans son coin, préférant se focaliser sur la prestation de Jonh en tant que Zeus.

Son enthousiasme fana dès le moment où le concerné ouvrit la bouche. Il grimaçait. « Bonjour » ? Quoi, c'est tout ?! C'était plat, timide et ça manquait cruellement de superbe... Vraiment, le corsaire commençait à avoir un mauvais pressentiment sur tout ça mais il tenta de faire bonne figure car les mages le regardaient lui aussi. Paraître confiant et maintenir un semblant de position de supériorité face à eux était pri-mor-dial !

Hélas, plus ça allait et plus le sourire hypocrite de Sydney mourrait assassiné par le discours terne et soumis du dépressif, terminant en poker face. De ses dents serrées il lançait des appel à Jonh à l'aide de divers raclements de gorges l'invitant à se reprendre.
La boule de stress lui envahissait le ventre et l'empêchait presque de respirer alors qu'il faisait déjà son maximum pour ne pas flancher ni craquer. L'idée de faire à nouveau face au Kraken... ou pire s'imposait dans son esprit sans que rien d'éventuellement positif ne parvienne à la chasser.

- Bon dieu, Zeus, qu'est-ce que tu fous ?!  s'exclamait-il à mi-voix tout en serrant les dents, de sorte que sa remarque soit inaudible pour les mages. S'imposer, manipuler, mettre en confiance... il n'y avait rien de tout ça dans le discours ou même l'attitude de Jonh. Il était censé incarner une divinité mais donnait à voir le spectacle d'un adolescent à la timidité extrême. Il fallait se mettre en position de force au lieu de quoi ce con se soumettait dans une position d'infériorité absolument contradictoire avec l'image qu'on attendait de lui !
Un briefing... Il aurait dû briefer cet idiot avant de le laisser les mettre dans les problèmes jusqu'au cou. Il n'aurait pas dû lui faire confiance, ni à lui, ni à personne.

Ironiquement, la dernière lueur d'espoir pour Sydney se trouva être celle qui avait failli causer sa mort, tentant ici de renforcer le mensonge qu'elle voulait auparavant révéler. Bien que la rigueur soit contestable, le pirate n'allait pas en faire une polémique, loin de là. Distant, il croisait les doigts pour que cette intervention redresse le couac de leur aîné.

- Put-.......
Portant son poing à la bouche pour le mordre avec force, Sydney parvint à étouffer le reste du juron avant qu'il ne se remarque. La douleur lui apportait la lucidité dont il avait besoin dans ce genre de cas. Eve venait de rendre les choses encore pire en ne redressant pas l'erreur de Jonh mais au contraire : elle s'enfonçait dedans en questionnant de façon innocente et ignorante, deux qualités qu'ils n'étaient pas censés avoir alors que la croyance Atlante attribuait sans ambiguïté l'immersion de l'île à la volonté divine. Il aurait fallu jouer là-dessus, pas le remettre en question...

- Oh c'est pas vrai, mais qu'est-ce qu'ils viennent de faire...
Désemparé, le corsaire se laissa submerger par un pic d'angoisse. Il ne voulait pas mourir ! Surtout pas à cause de ces deux inconscients. C'était dommage mais il avait beau réfléchir, le boucanier ne voyait aucun moyen de rectifier le tir, non plus d'une erreur mais de deux. Minoritaire, encore une fois, il n'aurait jamais la force argumentative de remettre en confiance les mages qui les dévisageaient.

- *On a déjà perdu leur confiance une fois. Je suis sûr que Demios aussi a des doutes... Il ne doit pas être le seul et les autres seront très probablement moins coulants que lui*, résumait-il dans sa tête. Le bilan n'était pas joli-joli... *C'est pas possible, c'est juste... on va crever !*
Sydney reculait à pas très lents sans même s'en rendre compte, s'éloignant de la scène qui selon lui ne pouvait que sceller leur destinée d'une manière macabre.
La parole qu'il avait donnée à Jonh le plongeait dans les remords et la culpabilité à l'idée de l'abandonner à son sort mais... il l'avait mérité, aussi... Pourquoi fallait-il qu'il soit comme ça, qu'il agisse de cette manière ?!

Regardant brièvement en arrière, il s'assura que la sortie ne leur avait pas été coupée : elle ne l'était pas. La tentation de s'envoler se faisait plus forte que jamais, à tel point que la cage d'eau dans laquelle il était enfermé lui semblait n'être plus qu'une fine pellicule qui le séparait de la liberté et les possibilités de s'y noyer semblaient bien moins effrayantes que celles de périr sous la lame d'un Atlante.

- Oh merde !
Après quelques nouveaux pas en arrière, Sydney abandonna toute idée de s'éclipser discrètement, se retourna et pris ses jambes à son cou, s'enfuyant comme un dément dans les rues d'Atlantis. Il courut aussi vite qu'il le pouvait, laissant son cerveau et l'adrénaline censurer les cris de douleur de son corps. Son sprint lui sembla durer une éternité mais la même sensation s'était emparée de lui lors de la prise de parole de Jonh : le temps depuis cet instant semblait s'être considérablement ralenti, allongé, presque... arrêté.

Il courait sans penser, il courait avec une peur si intense qu'il s'en serait presque pissé dessus, voyant à chaque porte, à chaque fenêtre, à chaque coin de rue un ennemi prêt à lui mettre le grapin dessus. Il courait pour se sauver, pour s'échapper... mais pour aller où..?
Trop tard, plus le temps de réfléchir à ça. Hurlant comme un demeuré, Sydney accéléra davantage encore. Il ne pensait même pas ça possible... Il accéléra, pris appui et s'élança à travers la bulle, terminant sa chute dans l'océan englobant la cité.

La soudaine sensation de silence oppressant et de gravité altérée lui donnait l'impression d'avoir déjà changé de monde...
Pourtant, la désillusion survint lorsqu'il essaya de nager. Il n'avait aucune idée de la manière de faire, s'épuisant en de vains mouvements qui ne le faisaient bouger que de quelques centimètres tandis que le poids de son équipement le traînait irrémédiablement vers le fond. A bout de force, il dut cesser tout mouvement... ses muscles endoloris ne répondaient plus et, à court de souffle, il but la tasse.
Il sombrait vers les abysses, sur le point de perdre connaissance. Au moins, on ne l'aurait pas vivant... et puis c'était une fin classique pour un pirate raté... Il ferma les yeux une ultime fois, acceptant sa mort avec une étrange sérénité... il se sentit partir.
Lorsqu'il rouvrit les yeux, cependant, il n'était ni au Paradis, ni en Enfer... Il venait tout simplement de se réveiller dans le monde réel, loin de Dreamland.

[HRP : la suite des aventures du capitaine, direction San Francisco.]

Les mages qui profitaient de l'air marin se levèrent précipitamment à l'arrivée du trio, laissant même involontairement chuter au sol quelques uns des épais grimoires qu'ils avaient en main. Instinctivement, le plus vieux se cacha derrière son livre, comme pour se protéger d'une éventuelle colère divine. Bien sûr ils étaient heureux, comblés même, que les Dieux eux-mêmes viennent leur prêter main forte dans la guerre qui faisait rage depuis plus d'un siècle. Ils se sentaient honorés, gratifiés...

… mais ils étaient aussi inquiets, curieux et suspicieux.

Zeus et ses sujets passaient leur temps à se balader en ville, à visiter des lieux, poser des questions. Trop de questions. Un dieu n'était-il pas censé tout savoir ? Le souverain des dieux semblait timide, craintif et tout sauf sûr de lui. Des rumeurs circulaient quant à une théorique imposture, rumeurs qui n'avaient fait que grossir, s'amplifier, gagner de l'ampleur jusqu'à n'être plus qu'une bulle à deux doigts d'exploser. Et lorsque Jonh prit la parole pour s'excuser... elle vola en éclats.

« Veuillez m'excuser », depuis quand un dieu s'abaissait à ça ? « De vous importuner », en quoi l'opinion de mortels pouvait-elle compter ? « Besoin de vos lumières », « j'ignore », où était donc le savoir infini, propriété des dieux ? « J'implore votre aide »... là c'était juste trop.

Peu à peu, le mage baissa le livre qui obscurcissait sa vue pour découvrir un Jonh penaud qui tentait de se tenir droit malgré sa nature qui essayait de se rappeler à lui en lui courbant l'échine. A ses côtés, Sydney paraissait à deux doigts de la crise d'apoplexie, tentant de faire comprendre qu'il faisait fausse route mais ne réussissant qu'à titiller le doute et la stupéfaction chez leurs auditeurs. Et Eve ? Eve ne fit que renfoncer un peu plus le clou. Elle voulait des renseignements ? Des pistes ? Des solutions ? Mais n'étaient-ils pas censés les connaître déjà ? Ils étaient des dieux, non ?

Non.

L'air gênés, ils bafouillèrent une réponse confuse et invitèrent Jonh et Eve a s'installer alors que Sydney prenait la poudre d'escampette. Si ce n'est leur stress évident -qui pouvait être assimilé à celui de rencontrer un dieu- rien ne laissait paraître de leurs intentions. On versa du vin, on apporta des fruits, on abreuva les voyageurs de théories folles jusqu'à ce que le petit Achille eut accompli sa mission.

Cette mission, glissée à demi mot dans le creux de son oreille alors que les voyageurs prenaient place dans des klinés, était d'aller prévenir les gardes de la ville, les prêtres et même le roi. Leur dire que les dieux n'étaient que des imposteurs qui s'étaient moqués des atlantes non pas une mais deux fois, avec une impudence sans limite. Ils avaient foulé au pied la fierté de ce fier peuple, s'étaient gargarisés avec leur hospitalité avant de la leur cracher au visage. Des hérétiques hypocrites, menteurs et profiteurs qui avaient osé se faire passer pour des dieux. Et ce crime ne pouvait pas rester impuni.

Bientôt les substances narcotiques inodores présentes dans la nourriture et la boisson remplirent leur office, plongeant les deux voyageurs dans un sommeil sans rêve...

A leur réveil, le monde entier leur semblait flou. Bouche pâteuse, mal de crâne, esprit embrumé... mais ce n'était pas suffisant pour ne pas se rendre compte qu'ils étaient suspendus par les mains à un cadre de bois construit à la va-vite sur une estrade de fortune. La corde leur sciait les poignets, mais c'était bien peu de chose face à la haine qui émanait de la foule qui leur faisait face. Des milliers de visages, d'yeux qui les fixaient brûlant de colère. Eve verrait peut-être même, qui sait, l'enfant jeter aux ordures la paire de tong avec une rage mal contenue. Des murmures s'élevaient de toutes parts, oppressants, comme une vague menaçant de les submerger jusqu'à les engloutir. Mais malgré leur ampleur ils cessèrent tous dès que le roi Kostas prit la parole.

- Atlantes, vous avez été trahis. Moi, votre souverain, ai été trahis. Mais pire que tout... les dieux eux-mêmes ont été trahis par ces individus à la foi et à la morale perverties. Et devons-nous laisser ça impuni ?

La foule répondit par un « non » unanime, presque rugi.

- Qu'il en soit ainsi. Au nom du peuple atlante mais surtout de Zeus, le dieu des dieux, nous punirons les impudents pour ce sacrilège !

Une clameur gonfla les rangs alors que le souverain levait les bras vers le dôme aquatique et que deux hommes grimpait sur l'estrade, une fine et longue baguette de bois souple en main. Les coups se mirent ensuite à pleuvoir, lents et cuisants. Bientôt la douleur devint insoutenable alors que la chair cédait, libérant un flot de sang. Encore et encore, les bras s'abaissaient pour se relever et s'abaisser une fois encore... jusqu'à ce que la chair de leur dos ne soit plus qu'une charpie. Ils ne s'arrêtèrent que lorsque les voyageurs perdirent connaissance.

A leur second réveil, ils se trouvaient chacun à même le sol dans ce qui semblait être une cellule. Pas de fenêtre, juste 4 murs de pierres grises et une porte close. Pas de lit, pas de repas.

La seule chose qui leur était offerte, c'était l'attente d'une mort prochaine.

[HRP : Comme vous pouvez le comprendre mes petits gars... vous êtes dans la merde (et pas la M.E.R.D.E. attention !). Jonh et Eve ont un message chacun pour se tirer de là. Une fois ce tour de post passé, s'il en reste encore un sur place il sera sommairement exécuté. A bon entendeur...]

Il n'avait jamais été bon dans la manipulation ou même pour paraître plus fort. Il n'avait pas le caractère d'un Dieu, encore moins de celui de Zeus. Pourtant c'était Jonh qui avait été désigné comme tel, parce qu'il avait eu l'abrutie idée de lancer un éclair sur le kraken plutôt que de se laisser mourir gentiment. Seulement il y avait eu aussi Sydney et Eve dans l'équation.
Le dépressif avait tout de même tenté son coup, pas confiant pour un sous dans ses compétences. L'aide que Eve tentait de lui apporter n'avait fait que lui faire perdre le peu de contenance qu'il avait. Il n'avait jamais eu la foi en quoique se soit, et plus vraiment en la vie depuis quelques années. Le doute était resté même lorsque les mages répondirent à leurs questions et même lorsqu'ils furent invités à se restaurer. L'envie de dormir qui l'avait piqué ne lui avait pas non plus enlevé ses incertitudes.

Tout cela fut confirmé lorsque Jonh s'était réveillé en ayant l'impression de sortir d'une grosse soirée. Ils avaient été tous les deux attachés, aucune trace de Sydney. Soit ce pirate avait fui soit il était déjà passé de l'autre côté. Il avait espéré que ce soit la première option. Le peuple avait été réunis devant eux, et encore une fois ils avaient été jugés pour usurpation d'identités. En même temps le roi avait refusé de l'écouter après le Kraken. La vérité était que dès leur arrivé ils n'auraient pas dû se prendre pour des dieux. C'était à présent trop tard. Le goût de l'échec, celui de n'avoir pas pu aider le peuple Atlante malgré leur façon de faire était douloureuse. Mais cette douleur fut balayer très vite par les coups qu'il reçut. Ca faisait mal, c'était cuisant, bien plus que la fois où il s'était fait chargé par un sanglier. Jonh n'arrivait à penser qu'à une seule chose : qu'on le tue pour finir cette grosse marade. A son grand regret il n'avait fait que s'évanouir.

Le réveil fut difficile, un train lui était passé dessus. Jonh avait mal partout, surtout dans le dos. Sa tête était aussi douloureuse et resta un moment sur le sol froid. Il n'était même pas mort. Pas encore. Aucun moyen de s'en sortir, la téléportation ou une bombe ne faisait pas partie de son arsenal. Il avait juste le puzzle d'âme, seul souvenir qu'il avait de Liam. Ce dernier serait ravie d'être enfin débarrassé d'un tel fardeau, et cette fois ce n'était pas le dépressif qui avait essayé de se tuer.

A l'aide du peu de force qu'il lui restait, Jonh se traina jusqu'au mur, avant de s'asseoir en s'appuyant dessus. La sensation de froid sur ses blessures était loin d'être agréable mais il s'en fichait. Il allait bientôt mourir. Enfin. Son destin était finalement scellé sans qu'il ait rien demandé. Un sourire étira son visage blessé, sale et fatigué. C'était bientôt la fin, et il ne ressentait aucune tristesse, il était simplement heureux. Il le sera encore plus le moment venu. La délivrance d'une vie désastreuse. Un rire s'échappa de ses lèvres, secouant son corps meurtri avant de tousser. Alors qu'il fermait les yeux pour se calmer, dans le monde réel, son voisin de lit venait de lui donner involontairement un coup. Aussi lorsque Jonh ré-ouvrit les yeux, ce ne fut plus le décor des quatre murs gris et froid qu'il retrouva.

[HJ :Les désastreuses aventures du dépressif à suivre prochainement dans le douloureux monde réel]

Eve comprit que c’était la fin au moment où Sydney déguerpit en courant. Jonh s’était trompé. Elle n’avait pas su redresser la situation. Le rat avait quitté le navire. Comme quoi, on était jamais mieux servi que par soi-même, et encore moins par l’imposture. Son avis sur le pirate absent s’ancrait dans le marbre, indélébile désormais. Mieux valait qu’ils ne se rencontrent pas à nouveau, car il y avait autant de chance qu’elle lui fasse confiance qu’au porc qui avait tué sa mère.

Toute la colère froide de la russo-américaine était étrangement contenue. Comme si elle était dans un état second, que la collision de ses émotions détruisait ses fonctions mentales et étouffait sa démence. Elle n’était pas dupe des bredouilleries et théories fumeuses que les mages déblatéraient mais écoutait avec un calme impassible. Alors qu’elle n’avait alors jamais rien touché, elle s’offrit un fruit – un seul – sans se douter que le danger viendrait de là. Non elle pensait voir venir l’armée, entendre les vociférations de Kostas et tendre les poignets pour se faire arrêter.

Car là était sa récompense pour avoir cherché la paix, pas vrai ? Sa récompense pour avoir tenté l’honnêteté ? L’incompréhension noyait encore tout son encéphale lorsqu’elle se sentit faiblir et perdre connaissance. Pourquoi ? La foi aveuglait les atlantes au point de refuser l’aide d’hommes qui les auraient aidés ? Eve n’avait jamais demandé à être une déesse. Pas une fois et au moins, elle ne s’éteindrait pas en ayant bafoué ses principes.

Quand elle rouvrait ses yeux, l’impression d’avoir la tête dans un étau, suspendue par les poignets, ses réflexions eurent du mal à repartir. Mais elle se souvint... La haine qu’elle recevait des habitants locaux ne faisait rien d’autre que nourrir sa propre colère. L’injustice. Encore. On aurait beau lui justifier avec tous les beaux discours du monde, jamais il ne lui serait acceptable qu’il aurait fallut s’enfoncer dans le mensonge pour survivre. Et avait elle jamais profité de leurs biens ? Elle n’avait rien touché, justement par respect de ce qu’elle n’était pas. Voilà ce qu’elle avait en retour : la vindicte populaire, la démonstration de force la plus puéril qui soit, alors que dès le départ, un brin de ravalement d’orgueil aurait suffit à clarifier la situation.  Finalement, monde réel ou Dreamland, les gens étaient tous les mêmes.

Vint le premier coup. Son corps se tendit, sa peau frémit, la douleur l’irradia en une fraction de seconde, mais ses lèvres restèrent fermées. La folie devenait une carapace alors que le sentiment d’iniquité gonflait jusqu’à l’étouffer. Puisque ça leur était si rentable, qu’ils se débrouillent seuls dans leur guerre. Qu’ils finissent tous noyés par l’adversaire thalassien. A la veille de sa chute, peut-être Kostas se souviendra qu’il avait les clefs en main et qu’il avait refusé de s’en servir.

Puis les coups de cravaches se succédèrent. Secs. Violents. Impitoyables. Sa peau se fendait, s’écorchait, son sang coulait, mais ça n’arrêtait pas. La douleur devenait comme omniprésente dans la moindre parcelle de son corps, ses cris étaient de plus en plus mal contenue, puis ce fût le noir. Total.

Eve ne sut pas si son réveil avait rappelé la douleur ou l’inverse. En tout cas quand elle reprit connaissance dans une cellule, elle était en feu. Même bouger un orteil déclenchait un déchirement insoutenable. La russo-américaine resta alors allongée à même le sol, le temps que ses idées se remettent en place. La bête était silencieuse, blessée. Sa tête vide bourdonnait.

Au moins, elle n’était pas morte. Comme la dernière immortelle d’une lignée maudite : le père succombait, la mère succombait, mais la fille survivait à l’enfer. Car elle ne se laissera pas achever. Le souvenir de la résistance revint, comme le dernier appel dans un aéroport. Embarquement qu’elle aurait du prendre il y a longtemps déjà. Alors sans y penser plus, la paranoïaque accomplit les gestes douloureux qui lui permirent d’actionner sa bague et la musique de Luigi l’enveloppa, signe qu’on la rappelait au QG.


Directon >> QG de la résistance