♫ Sous l'océan ♪

Non décidément Jonh n'arrivait pas à comprendre son interlocuteur. Sydney était paranoïaque, qu'il le croit ou non, mais cela ne l'empêchait pas de lui révéler ce qu'il faisait avant d’atterrir ici. Certes c'était nécessaire et il doutait que la politesse avait à voir là dedans mais bon...

- Comme tu es méfiant je ne pensais pas que tu me raconterai tout ça, j'ai été surpris

Expliqua t-il. Bon maintenant qu'un terrain d'entente avait été trouvé. Jonh nota de faire attention à l'utilisation du mot "paranoïaque" qui apparemment était tabou chez Sydney.
Il était à présent temps pour les deux voyageurs de parler avec les généraux pour en savoir plus sur cette guerre sans fin. Lorsque le parano ouvrit les deux portes Jonh entendit l'un des soldats réprimander Sydney. Jonh se retint de dire quelque chose et prit sur lui de ne pas souffler ou faire quelque chose qui pourrait les mettre dans une mauvaise situation. Il n'aimait pas que on l'élève aussi haut, haut tout court en fait, mais Sydney avait bien vu comme cela s'était passé quand Eve avait hurlé la vérité.

Jonh alla s'asseoir en bout de table. Décidément, mais heureusement ils avaient pas laissé Sydney devant la porte.

- Vous pouvez vous asseoir

Déclara t-il et Sydney ne perdit pas plus de temps et commença ses questions. L'un des généraux se leva et se présenta afin de répondre. La guerre était donc, en quelque sorte, pour un territoire. Premier arrivé, premier servi sauf que manifestement les atlantes se plaisaient bien sous l'eau. Les lieux étaient traversé par l'architecture des tritons. Ces mêmes ennemis qui profitait de ces ouvertures.
Jonh croisa le regard de Sydney qui était suffisamment clair pour faire comprendre au dépressif que ce peuple ne lui plaisait pas.

- Merci Demios.

Jonh lui fit signe de se rasseoir et posa ses mains sous son menton pour réfléchir. Il se sentait soudainement bien lourd et les regards braqués sur lui n'aidait en rien.

- Pourquoi n'avez vous pas chercher à boucher les trous ? Où à détruire les bâtiments qui leur permette de monter jusqu'à Atlantis ?

Un autre général se leva, se présentant sous le nom de Dédias avant de répondre.

- Nous n'avons pas de quoi faire exploser mon seigneur et même si nous le faisions les tritons ont des monstres marins...Un de vos confrère serait même de leur côté leur permettant de se mouvoir sur la terre ferme dans des sortes de bulles de savon

- Un confrère ?

- Oui, un Dieu comme vous mon seigneur

Jonh posa ses mains sur la table. Si il y avait un vrai Dieu dans l'histoire ce n'était pas pareil, à moins que cela soit un voyageur comme Sydney et lui qui usurpait l'identité des dieux.

- Sydney, tu en pense quoi ?

Le regard de ses interlocuteurs se posèrent sur le voyageur. Si "Zeus" demandait son avis c'était qu'il devait être de bons conseils. De son côté Jonh continuait de réfléchir. Si c'était un voyageur qui jouait au divinité il fallait le coincer.

Son esprit flirtait encore avec les ténèbres quand le roi prit la parole. La douleur de son corps était telle qu'aucun de ses membres ne lui répondait plus. Pas même sa machoire, restée entrouverte, qui menaçait de laisser couler un filet de bave d'un instant à l'autre. Eve eut simplement le temps d'entendre que sa vie était remise entre les mains de Jonh – récemment promu dieu des dieux – et elle perdit à nouveau connaissance.

Ouvrir les paupières lui demandait un effort intense. Elles étaient lourdes et brûlantes, comme si elle avait de la fièvre. Aucun de ses muscles n'était épargné par la douleur, courbaturés, à croire qu'elle les avait tous en même temps poussés au-delà de leur potentiel. Même son corps dur habitué à souffrir avait du mal à encaisser une electrisation par la foudre. Encore heureux que ça n'avait été qu'un choc indirect par un bref contact avec la chair du kraken. Elle aurait pu mourir. D'ailleurs... pourquoi était-elle en vie ?

Ce constat la poussa à se redresser. Trop vite. Le monde vacilla quelques longs instants pendant lesquels elle resta impuissante, appuyée sur ses coudes. Apparemment, elle se trouvait dans une pièce épurée, dénuée de toute extravagance et abondance "divine". On l'avait simplement installée sur une couche propre, ses effets rangés dans un coin de la pièce, un bol d'eau et une sorte de gant manifestant qu'on avait dû rafraichir son front fiévreux.

Jonh l'aurait-il épargné ? Alors qu'elle l'avait menacé de mort ? Alors qu'elle le savait capable de trahison et coupable d'atrocités ? Pourquoi ? Eve avait conscience d'être une menace pour lui, c'était le but. Mais si elle savait désormais que sa figure de dépressif sans couleur cachait bien son jeu de criminel, elle sentait aussi qu'il n'était pas de ceux qui s'embarassaient de jeux sadique style de la laisser vivre pour qu'elle lui soit redevable, qu'il se serve d'elle et qu'il la tue de ses propres mains ensuite. Il en aurait fini ici et maintenant, non ? Elle ne savait plus.

La russo-américaine enfouit son visage dans ses mains. Chaque mouvement était un supplice et si elle se voyait, elle se découvrait avec un teint maladif. Seuls ses yeux marron étaient toujours aussi dur, derrière un rideau de cheveux noirs complètement désordonnés. Un petit rire mutin résonna, venant de partout et de nulle part à la fois, et deux petits objets tombèrent sur ses genoux. Tout d'abord, un porte-clef de forme phallique qui lui rappelait bien évidemment son dernier costume d'halloween. A coté, c'était un pin's d'une apparence banale avec marqué "you're note dead... yet". L'ironie de la situation lui aurait presque tiré un sourire. Presque. Avec des gestes lents, elle glissa le pin's dans la poche de sa veste, balança le porte-clef dans sa hotte sans se soucier de si elle avait atteint sa cible, et une personne entra.

Ce n'était en fait que la personne qui s'était chargée d'elle, sous les ordres de Jonh. D'ailleurs, l'atlante se fit un plaisir de raconter à Eve la décision clémente du dépressif à son égard, son regard inquiet et la requête à ce qu'elle soit bien traitée.

Ah ouai..., souffla la détenue plus pour elle-même, les yeux perdus dans le vague.

Elle ne savait vraiment par quoi penser. Son allié forcé ne l'aimait pas, c'était un fait. D'un coté il était complice et ami de Liam, il n'avait pas su tenir sa langue avec Blackberry avant de sortir d'Elipse... mais d'autre part, il l'épargnait en ayant l'air "inquiet" à son égard ? Par défaut, Eve choisit de lui laisser un sursit mais de se méfier. Dans son monde, il n'y avait pas vraiment de demi-mesure. On était des amis ou des ennemis, des frères de la justice ou des individus à éliminer. Il y en avait beaucoup de ceux-là. D'ailleurs...

Maintenant qu'elle avait bien repris conscience, son cerveau recommençait à tourner à plein régime. Sydney... si Jonh avait abattu une carte magistrale pour prolonger sa vie, et s'il était désormais sa garantie de regagner la surface sans se faire avaler par le kraken, elle avait une toute autre opinion du paranoïaque. Sans crier gare, la russo-américaine bondit sur ses pieds. Le monde dansa un instant, mais elle s'efforça d'ignorer cette sensation de faiblesse. La guerrière était de retour. Plus déterminée, plus enragée, comme chaque fois qu'elle avait frôlé la mort.

Où se trouvent Jo... Zeus et l'autre ? Demanda-t-elle d'une voix aussi laconique que d'habitude.

Elle se fit indiquer l'endroit où retrouver ses comparses, mit sa hotte sur son dos et remercia l'atlante avant de partir les rejoindre. En fait, dès qu'elle entendit leur éclat de voix, la taularde ralentit la cadence. Pas envie de se manifester tout de suite, et puis son corps ne cessait de lui faire mal. Hors de question de laisser apparaitre la moindre faiblesse, ils n'auraient rien d'elle. Aucun gémissement, aucune grimace, aucune expression. Eve fit alors iruption dans la salle de conseil au moment où les généraux atlantes parlaient de ce "dieu" qui oeuvrait dans le camp des tritons.

Si c'est lui la clef, alors il faut qu'on le neutralise. Excusez-moi, dit-elle en voyant l'air choqué des locaux de voir une mortelle s'introduire de la sorte auprès d'un être divin, me revoici Zeus, elle singea une légère courbette en posant son regard glacé sur Jonh, si j'ai bien compris, les tritons ont aussi un dieu à leur service ? Alors je suppose que si on met ce "dieu" hors d'état de nuire, on pourra régler la situation. Qu'on le capture, qu'on le neutralise, qu'on le renvoit chez lui... qu'importe. Si on bat leur dieu, leur peuple n'osera plus se battre, n'est-ce pas ?

Cette fois, elle posait plutôt la question aux atlantes.

[HRP : Mel, quand tu m’avais dit vouloir proposer un truc, je m’attendais à une vraie idée originale… Là, en fait, ça me donne juste l’impression de m’être fait piquer mon post et ça passe mal. La prochaine fois, je dirai non. #SydRage]

Le dépressif posa la question que Sydney n’avait pas eu le courage de poser. Pas par peur de quoi que ce soit mais par exaspération. C’était à croire que ces atlantes étaient de grands enfants incapables de réfléchir par eux-mêmes. Les informations apportées par le général furent rapidement colorées par celles d’un autre expert martial :
- Oui, sans compter que nous ne pouvons pas condamner toutes les tours thalassiennes : ce serait une erreur tactique. D’une part, nos ennemis pourraient toujours venir depuis la mer qui nous entoure en passant à travers la bulle qui forme la frontière de notre cité, mais d’autre part nous aurions davantage de mal à accéder à leur ville à eux.
De ce fait, nous avons restreint les passages à un petit nombre que nous faisons garder nuit et jour.

Sydney dessinait des ronds sur la table avec son index tout en écoutant le déroulement de la conversation. Dans quelles emmerdes les atlantes allaient-ils le mettre ? Un dieu… Un vrai ou un comme Jonh ? Quand bien même, plus ça allait et plus le paranoïaque se voyait comme pris entre deux feux qui, l’un comme l’autre, attendaient le moindre faux-pas de sa part pour le carboniser. Peut-être même que les atlantes voudraient pousser leur ordalie soupçonneuse au point d’envoyer « le seigneur Zeus et ses deux serviteurs » en première ligne ! Après le Kraken, les Thalassiens. C’était tellement facile et mesquin que le capitaine en aurait vomit si son dieu ne l’avait pas sollicité.

D’un coup, il se redressa, surpris qu’on lui demande enfin son avis. ENFIN on reconnaissait son intelligence et l’avantage considérable que représentait son investissement dans la stratégie à adopter. C’était pas trop tôt, il commençait à s’impatienter.
Trop orgueilleux pour interpréter ça comme une manigance quelconque, il se fit un plaisir de répondre sur un ton autoritaire :
- Il est en effet fort probable qu’il s’agisse d’un dieu, oui. Mais il est également possible qu’il s’agisse d’un imposteur. Il sentit alors les regards lourds d’accusation se poser sur lui, ce qui ne lui plut pas. OUI, comme moi ! Mais moi, je suis accompagné d’un VRAI dieu ! Et j’ai survécu à votre Kraken, moi !
Le corsaire se força pour reprendre un peu de constance avant de poursuivre.
- Qu’il s’agisse d’un dieu ou d’un imposteur, le fait est que la foudre de Zeus est plus puissante que la vague de Poséidon. Une fois leur dieu vaincu, les Thalassiens seront plus disposés à signer l’armistice.

Les généraux semblaient acquiescer en se pliant à la logique inébranlable du capitaine Sydney Miles, ce qui ravit ce dernier au plus haut point. Il n’avait jamais dit qu’il allait mettre son plan à exécution, mais il était tout de même content de voir que son intelligence à lui dépassait encore et toujours celle des autres. Les chefs de guerre de tous rangs commencèrent à émettre des hypothèses sur une lutte divine et des combats acharnés entre les deux peuples pour neutraliser ce ‘peut-être’ dieu tourmenteur.

C’est à ce moment qu’Eve, celle qui avait le moins bien survécu au Kraken, celle donc qui était la moins digne du rang divin qu’on accordait à Jonh et Sydney, celle qui avait fait foirer son plan magistral, fit irruption dans la salle comme un diable sort de sa boîte. Sur un air prétendument réfléchi et tactique, elle se mit à déblatérer son plagiat devant les yeux à la fois médusés et courroucés du forban.
- C’est exactement ce que je viens de dire, Eve. conclua-t-il simplement, ne la quittant pas des yeux une seule seconde.
Combien de temps avait-elle poireauté derrière la porte en les épiant ? Comment osait-elle croire qu’elle pouvait voler la vedette au pirate de cette manière, et surtout : comment osait-elle se prétendre meilleure que lui en stratégie ?!
En fait, il ne s’y connaissait pas plus qu’elle mais ce genre de recul n’avait pas de place dans son esprit malade. Il ne voyait que son intelligence bafouée par une personne lui voulant du mal, tout le reste n’avait plus aucune valeur. Elle cherchait à le rabaisser et il ne devait surtout pas se laisser faire.

- Néanmoins, je suis ravi que tu accordes autant de cachet à mon idée, Eve. En effet, mon idée est plutôt bonne et je pense que c’est la stratégie qui sera la plus efficace. En revanche, dans mon idée, c’est notre seigneur Zeus qui va défaire le dieu Thalassien avec notre aide. Toi, par contre, tu dis ça comme si tu pensais y arriver toute seule… Tu n’oserais pas te croire supérieure à Zeus, le dieu des dieux, n’est-ce pas, Eve ?
Pour une fois, se cacher derrière quelqu’un de supérieur à soi avait du bon. Comme à son habitude, Sydney s’était constitué, à l’aide de son discours virulent, un bouclier avec lequel il se défendait tout autant qu’il attaquait. L’image du hérisson dans le miroir de Dakota n’était pas tout à fait exacte : il était également tortue. Un mélange de tortue et de hérisson… un ‘tortusson’. Il était un tortusson stratégique, voilà ce qu’il était !

Demios tenta de briser la glace en remettant le conseil sur la voie d’une discussion plus objective en s’éloignant des tensions internes.
- J’espère que vous avez raison car jusqu’alors, aucune négociation n’a été concluante : les Thalassiens refusent de partir mais ne veulent pas non plus de nous. De notre côté, nous les tolérerions volontiers s’ils ne s’étaient pas mis à nous reprocher le sort de notre cité. Or, nous n’y sommes pour rien : c’est la volonté des dieux que de nous faire vivre sous l’eau et le peuple d’Atlantis est fier de vivre en adéquation avec la volonté divine. Nous ne partirons pas non plus !

Peu importe comment on tournait les choses, il fallait se rendre sur place pour voir de quoi il s'agissait. Dieu ou non, le neutraliser enlèverait une grande épine dans le pied des Atlantes et dans celui des voyageurs. Sydney rejoignait son idée, bien que Jonh n'appréciait pas beaucoup qu'il se cacher derrière ses pouvoirs. Il n'était même pas certains que le dépressif puisse recommencer à viser avec un éclair. C'était peut être juste un coup de bol que sa colère ait touché la tentacule.
L'idée avait l'air de plaire aux généraux et la porte de la salle s'ouvrit alors sur Eve. Jonh était soulagé de voir qu'elle se portait bien, assez du moins pour apporter sa contribution. Même si en effet c'était ce que venait de dire Sydney avec d'autres mots.

Celui ci ne loupa pas l'occasion de signaler que c'était son idée mais le dépressif semblait avoir louper un chapitre lorsque le paranoïaque rajouta que c'était "Zeus" qui allait s'en occuper, avec leur aide mais autant compter sur un chien.

Demios tenta de calmer les choses. Des négociations avaient été faites mais visiblement les Thalassiens étaient têtus, c'étaient eux tout compte fait qui mettait la guerre. Jonh se retint de dire que finir sous l'eau n'était pas vraiment une volonté divine, étant donné que les dieux n'existaient pas mais inutile de revenir sur la croyance de ce peuple. Surtout que Thalassa était là avant Atlantis.

- Si j'ai bien compris, il n'y a que les Thalassiens qui vous reproche d'être sur eux...Vous vous en fichez qu'il y ait une ville en dessous de la vôtre...

Pensa t-il tout haut pour lui même. Cette mission ne lui disait rien qui vaille mais pour sortir d'ici il n'avait pas le choix que de s'y confronter. Ce Dieu/voyageur pourrait même être la clé de sortie.

- Vous pouvez prendre congé je souhaiterai m'entretenir avec mes valeureux sujets afin de réfléchir

Les généraux hochèrent la tête et se levèrent avant de saluer comme il le fallait le faux Zeus. Une fois seul tous les trois, Jonh soupira et se tourna vers Eve.

- Je suis rassuré de voir que tu as bien récupéré, j'espère que tu es opérationnel

Il ne tenait pas à emmener quelqu'un dans cette folie qui était encore blessé.

- Si nous neutralisons ce Dieu ou voyageur, bref peu importe ce que c'est...Il pourrait aussi nous conduire à la surface. Je suis certain que si il est capable de faire des bulles d'eaux pour respirer sur la terre ferme il peut aussi créer l'inverse

HRP :ok bah... désolé, je savais pas que c'était ce que tu comptais dire =/

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Blablabla mon idée, blablabla supérieur à Zeus… Eve regardait Sydney déblatérer d’un air profondément inexpressif. Grand bien lui fasse s’il avait évoqué cette solution auparavant ! Il était hors de question qu’elle entre dans cette querelle de droits d’auteurs, surtout si c’est pour surfer sur le mensonge assimilant Jonh à Zeus. La détenue avait déjà largement gouté à ce qui arrivaient aux hérétiques à Atlantis, elle n’avait pas l’intention de rejouer au même jeu devant les locaux.

Fort heureusement, Demios prit l’initiative de briser la glace en ajoutant un élément supplémentaire. Ainsi, les atlantes n’avaient rien contre vivre au dessus de Thalassa ? Peut-être une ouverture possible pour négocier une paix, une fois leur dieu en déroute. Néanmoins, même si le plan paraissait idéal sur le papier, Eve ne pouvait s’empêcher de ressentir une sorte d’appréhension… les ennemis avaient des monstres marins, et l’être qui les soutenait, soit-il réellement divin ou un simple voyageur, semblait bien plus puissant que leur groupe de trois.

Jonh décida de donner congé aux généraux. Quand ils furent de nouveau seuls entre imposteurs, la russo-américaine fût surprise de voir que le dépressif se tournait vers elle pour lui demander comment elle allait. Décidément, quelle mouche l’avait piqué ? Vivre loin de Liam semblait lui faire un bien fou, ou bien il s’assurait une entente cordiale pour la poignarder dans le dos après. Soit proche de tes amis et encore plus de tes ennemis disait-on… le proverbe ne pouvait pas mieux s’appliquer qu’ici.

- Ça va, répondit-elle simplement.

Qu’importe que ses muscles lui fassent toujours mal. La douleur était une de ses plus fidèles compagnes depuis des années. Elle avait déjà emporté son cœur et sa raison, le reste n’était qu’un tas de chair et d’os. Rien d’insurmontable en somme. Quand leur « leader » suggéra que la divinité averse puisse également créer des bulles d’air sous l’eau, Eve resta pensive.

- Ça se peut, commenta-t-elle lentement, mais admettons que ce soit vrai, est-ce qu’il aurait un lien avec la bulle d’air qui entour Atlantis ? Est-ce qu’il pourrait ne serait-ce qu’influencer leur dôme ? Ça lui donnerait beaucoup de poids qu’il soit capable de noyer toute l’ile, les généraux vous en ont parlé ?

En fait, il y avait un autre souci peut-être plus « direct » que de connaitre l’étendu des pouvoirs de leur ennemi. La russo-américaine pencha la tête de gauche à droite pour étirer son cou qu’elle sentait encore trop tendu. Elle avait bien envie d’une clope mais sentait que répandre ses cendres dans la chambre de conseil des généraux ne serait pas du plus bel effet. Elle se contenta donc de faire se balader ses yeux sur l’architecture ancienne de la pièce avant de dire :

- Si les Thalassiens sont sous-marins, comment on est censés ne serait-ce que les rencontrer ? Je ne suis pas certaines qu’ils connaissent les combinaisons de plongés ici. Kostas part peut-être du principe que « Zeus » n’a pas besoin de savoir respirer sous l’eau mais personnellement, vivre à Atlantis ne m’a pas encore rendue amphibie.

Les locaux devaient forcément avoir quelque chose en réserve non ? Des plantes magiques, des arcanes secrètes, n’importe quoi. Et si ce n’était pas le cas, alors il faudrait amener le « dieu » thalassien à se déplacer jusqu’à la Atlantide lui-même.

Les généraux avaient rapidement obtempéré à la demande de Jonh de se retrouver avec ses « valeureux sujets ». Enfin ‘ses’, c’était vite dit : seul Sydney avait conclu un pacte de non-agression envers le dépressif. Pour la folle dingue, c’était autre chose ! Evidemment, tout ça n’était que de la poudre aux yeux et Sydney savait pertinemment que si le dépressif le pensait vraiment valeureux, il n’aurait pas dit ça. Mais ça, le pirate s’en fichait un peu et préférait regarder sortir les généraux un à un après avoir salué leur idole. La scène manqua de peu de le faire rire mais il se retint ; ce n’était vraiment pas le moment de se mettre tout ce beau monde à dos… pas une seconde fois.

Les considérations d’Eve et Jonh tournaient autour du problème des Atlantes. C’était prévisible : ils ne verraient jamais plus loin que le bout de leur nez. Sydney, en revanche, avait décelé dans les paroles du terroriste quelque chose qui l’intéressait bien plus que de servir une cause dans laquelle il ne se reconnaissait pas. Il avait décelé quelque chose qui lui permettait de balancer l’idée qu’il avait eue plus tôt.
- Eh, les chien-chiens de l’armée sont partis : vous pouvez arrêter votre hypocrisie. Non mais sans rire… Comme si ça vous préoccupait tant que ça. Moi, je vous le dit sans détours, matelots : le capitaine n’en a absolument rien à faire des problèmes de ces poissons panés. Par contre, Zeu-… JONH a eu la même idée que moi, semble-t-il.
Il regarda un instant son homologue masculin et lui offrit un sourire complice.
- La fuite est chez l’ennemi ! Réfléchissez : les Atlantes ne nous autoriseront à partir d’ici qu’une fois le conflit terminé. Par contre, ce sera différent de l’autre côté ! Je vois ça comme ça : on se ramène chez les Thalassiens, on leur dit que les Atlantes nous voient comme des dieux, puis on leur propose de nous aider à remonter à la surface. Tout le monde y gagne ! Nous, on met les voiles et eux, ils ont quartier libre pour attaquer les Atlantes et continuer leur conflit de marins d’eau douce.

Pour le corsaire, tout coulait de source. Son plan était infaillible et c’était ce qu’il y avait de plus sûr. Pourquoi réfléchir à cette guerre civile alors que ça ne les regardait même pas ! Ils n’avaient rien à voir avec tout ça ! Rien à voir !
Tout ce qu’ils allaient gagner, ce serait de devoir faire des efforts monstres, prendre des risques inutiles, se mettre en danger pour des prunes et s’attirer des problèmes en masse. Non, franchement : le calcul était vite fait. C’était d’ailleurs pour ça que Sydney se voyait comme le chef officieux de l’équipe. Zeus pouvait contrôler les masses comme il l’entendrait mais Syd’ serait toujours le cerveau derrière tout ça. D’ailleurs s’il était vu comme un dieu, c’était grâce à lui dans un sens. Cet ingrat ne l’avouerait jamais, cependant…

Quant à savoir comment aller chez les tritons, Sydney ne s’en faisait pas trop. Les Atlantes devaient forcément avoir quelque solution à ce problème, sinon garder des issues Atlantis/Thalassa ouvertes serait juste ridicule et n’aurait aucun sens. Sous-marin, masques de plongée ou algues magiques… Allez savoir ce qu’ils leur donneraient… Même si pour les algues, ce serait franchement se payer leur tête.
Le corsaire espérait juste ne pas avoir à nager. C’était tout ce qu’il demandait et il s’agissait-là de sa seule crainte : devoir évoluer dans un milieu liquide. Pouvoir respirer dans l’eau n’était qu’une face du problème pour lui qui ne savait pas nager en-dehors de la piscine municipale – c’était grâce aux rebords… et parce qu’il avait pied assez loin.

Tout en suivant à moitié la conversation qui se poursuivait – Sydney ayant exposé le plan qu’il allait suivre, connaître l’avis des autres ne l’intéressait pas des masses – le corsaire déballa le contenu de sa hotte sur la grande table ouvragée aux motifs grecques. Il tria ses biens en trois tas : ce dont il comptait se débarrasser, ce qu’il gardait ‘par défaut’ et enfin, les objets qu’il jugeait les plus utiles ou pour lesquels il avait une certaine affection. Le spray anti-moustiques et la dague restaient bien évidemment à sa ceinture mais avec tout ce barda de n’importe quoi, il n’en mènerait pas large au cas où ça se passerait mal. Il mit les objets dont il ne voulait plus dans sa hotte et commença à ranger le reste dans son sac à dos, prenant soin de ranger sur le dessus et dans les poches facilement atteignables les objets utiles.
Il enfila finalement le sac sur son dos et posa la hotte à terre. Il trouverait bien un pigeon à qui revendre ces babioles…

- Bon, je me fiche de votre compassion pour ces pauvres Atlantes ; moi je pense que charité bien ordonnée commence par soi-même. Se raclant la gorge, il s’écarta du centre de la pièce, presque jusqu’à se plaquer contre le mur et récita la formule qu’avait utilisé ce forban de Baldwin lors d’un de leur job :
- Madame Labeau Nefaie, viens nous aider !
Le gros laideron apparut, tout aussi peu pratique et volumineuse que la dernière fois que Syd’ l’avait vue. Assister à ça était toujours assez impressionnant mais le pirate ne se laissa pas démonter. Il espérait juste qu’elle lui sortirait un joujou sympa ou deux de sa hotte.
- Bonjour, madame Nefaie. Alors ? Quels trésors nous proposez-vous ? Y’arrr !

Il avait les yeux brillants d’un enfant mais derrière cette euphorie enfantine se cachait en fait une lueur malsaine prête à faire mal s’il le faudrait et surtout une âme avide de pouvoir. Mais pour devenir puissant, il faut nécessairement commencer par marcher sur les pieds des gens et imposer ses volontés. Il n’y a jamais eu de capitaines sympathiques ni de souverains compatissant. Aucun monarque généreux ni aucun empereur passif et soumis.
Plus il deviendrait puissant et plus il serait libre. Libre de se déplacer à Dreamland sans jamais avoir d’ennuis, comme Melena ; libre de dire « merde » à tout le monde, comme Dakota et surtout : libre de sillonner les mers avec qui il voulait sans que personne n’ait à redire ni ne vienne le troubler.
Et libre de commander une pizza ‘Mozzarizo’ de chez ‘È Bella’ pour 4 à domicile sans qu’on lui rajoute ces peppéroni dégueulasses à faire gerber une mouette de plage, diantre !!

EDIT Jade : je ferais Labeau avec le MJ après les messages d'Eve et de Jonh.

En effet Jonh n'avait pas pensé aux moyens de se rendre en dessous. Il était pas un dieu, seulement un être humain pourvu de pouvoir, mais hélas aucun ne lui permettait de le faire respirer sous l'eau ainsi que ses compagnons. C'était donc un sujet assez épineux. Le camp adverse conservait donc un certain avantage avec la personne qui leur fournissait des bulles d'eaux.
Sydney pris à son tour la parole, jugeant que tout comme lui, Eve et Jonh n'en avait rien à faire du problème des atlantes. Dans le fond c'était vrai, ils avaient rien à voir dans tout ça mais quand même, le dépressif ne souhaitait pas leur enlever l'espoir. Pour quelqu'un qui n'en avait quasiment plus, c'était quand même beau de pouvoir en donner.
Il haussa un sourcil lorsque le parano déclara avoir eut la même idée que lui. Il ne put que hausser les sourcils encore plus haut au fur et à mesure des propos de son interlocuteur. Ce type était clairement un lâche en plus d'être un parano.

- Il est hors de question que je les trahisse, les Atlantes ont besoin de nous

Mais Sydney semblait en avoir rien à faire de leur avis et était partie dans le rangement de sa hotte. Jonh le fixa un moment d'un regard noir avant de se redresser pour se dégourdir les jambes. Marcher aidait à réfléchir il paraissait. Mais la seule chose à savoir était si les Atlantes avaient de quoi pouvoir respirer sous l'eau pour rencontrer l'ennemi. Sinon il y aurait un gros blocage dès le début.
Pendant que Jonh réfléchissait, Sydney appela Labeau Nefaie, sans doute pour acheter des armes. Un sourire étira les lèvres du dépressif, en pensant que le parano n'aurait jamais le courage d'approcher un ennemi pour lui donner un coup.

- Si tu as besoin de quelque chose profites en, et nous irons ensuite voir si les Atlantes ont ce qu'il faut pour nager

Lança t-il à Eve. Jonh avait déjà ce qu'il fallait grâce à Liam. Ce dernier lui faisait se sentir bien plus en sécurité à côté de ces deux voyageurs imprévisibles. L'une était prête à lui couper la tête et l'autre était loin d'être quelqu'un de fiable. Le premier à se jeter du navire si il approchait de trop près les rochers.

Alors qu’il déballait son plan de traître, Eve détaillait le corsaire comme s’il n’était même plus un être humain. Comment pouvait-on réellement tomber aussi bas ? Profiter aussi pitoyablement d’autrui pour sauver sa pauvre personne, mais ne pas avoir assez de couilles pour l’assumer seul. Ou bien peut-être que le fait que Sydney sous-entendait que Jonh était de son coté cherchait à amener la paranoïaque à croire qu’elle était seule contre deux ? C’était peut-être le cas : que s’étaient dit les deux hommes pendant son inconscience ?

Néanmoins – et ce fût encore une surprise pour la russo-américaine – le dépressif n’était pas de l’avis du déserteur. Les pensées d’Eve à son sujet se tordirent un peu plus, s’effilochant à défaut de trouver une conclusion. Comment pouvait-on être aussi droit et aussi malsain à la fois ? Fréquenter un criminel tout en étant soin même de bonne nature ? Il y avait là quelque chose à creuser. Jonh était un hybride qui défiait sa logique et ça ne lui plaisait pas. A quel moment la poignarderait-il dans le dos ? Car c’était ça… la vraie question.

- Ou bien peut-être que si on se présente au dieu thalassien en déclarant être les héros des atlantes… au mieux il nous échange son aide contre une trahison, au pire il nous tue pour faire un exemple et mettre le coup de grâce psychologique aux atlantes. T’as pensé à ça, petit génie ?

Mais visiblement non. Le pirate était occupé à faire du rangement dans sa hotte, comme si son programme était déjà tout tracé et qu’il se préparait à prendre la route. Dès lors, aux yeux de la détenue, il n’était plus un allié. C’était un obstacle, un parasite, un poids, l’idiot du village, tout mais pas un allié. Et si elle le tuait maintenant ? Pendant qu’il avait le dos tourné sur ses babioles. Jon comprendrait qu’il n’était pas fiable, il baratinerait au roi qu’il n’avait plus envie de son serviteur et basta.

Tuer avant d’être tuée. C’était comme ça qu’elle survivait ; comme ça qu’elle devait lutter pour ne pas être écrasée. Survivre dans une situation aussi délicate avec quelqu’un comme le corsaire : autant se tirer une balle dans le pied. Il n’y avait aucun doute qu’il les trahirait – parce qu’il était comme ça, parce qu’il ne les aimait pas.

Les mains d’Eve étaient saisies de tremblements qui ne seraient calmés qu'en passant ses mains autour du cou du paranoïaque, mais elle du se contenir. Ce dernier venait de se tourner vers eux, non seulement pour réaffirmer qu’il ne comptait pas aider les locaux, mais en plus pour faire appel à un laidron énorme sorti de nulle part.

- J’ai besoin de rien, déclara la russo-américaine qui n’avait surtout pas énormément d’argent.

Tandis que Sydney s'affairait à dévaliser la « bonne fée », Eve tira « Zeus » légèrement à l’écart pour parler hors de portée des oreilles du corsaire. De toute façon, elle s’en fichait qu’il se doute – qu’il sache – qu’ils étaient en train de parler de lui. C’est pas demain la veille qu’elle aurait peur de ce psychotique.

- Écoute, commença-t-elle rapidement, je te dois au moins un merci pour ce que tu as fais. Pas pour avoir tué le kraken, pour m’avoir épargnée. Je ne m’excuserai pas de t’avoir menacé, je ne fais jamais confiance à personne et je continue à croire que vous m’avez trahie à Elipse mais… tu n’étais pas obligé de me sauver, alors merci.

Ses yeux comme son visage étaient toujours un masque illisible. Décolorés, presque sans vie. Seules ses lèvres se pincèrent très légèrement, comme si elles avaient eu du mal à remercier quelqu’un deux fois en moins de quelques secondes. C’était trop, très certainement. La détenue s’assura rapidement que Sydney était encore occupé à ses achats et glissa au dépressif en baissant encore un peu la voix :

- Qu’est-ce que tu comptes faire pour lui ? On ne peut pas le garder avec nous. Tu l’as entendu ? Il va nous trahir à la première occasion, on ne peut pas lui faire confiance.

Elle eut l’impression de lire dans les pensées de Jonh, comme s’il devait se dire à cet instant qu’il avait du mal à croire en la taularde également. Accélérant un peu son débit de parole parce qu’elle savait que le pirate ne serait pas à part éternellement, elle précisa :

- Ce que j’ai fais dans la salle du trône, je l’ai fais parce que je ne supportais pas ce qu’il faisait. C’est viscéral, tu comprends ça ? Voir quelqu’un profiter des autres comme ça, ça me rend folle.

Et « folle » n’était pas un euphémisme.

- Il faut qu’on se débarrasse de lui, elle désigna Sydney du menton, on ne le ramènera jamais à la raison, tu le sais. Même s’il se contente de passer à l’ennemi, comment Kostas prendra le fait qu’un de tes « serviteurs » ne t’obéisse plus ? Si on ne fait rien, il nous fera tuer tous les trois. Il est déjà en train de s’acheter un arsenal, et si tu veux mon avis, je ne pense pas que ce soit pour se protéger des thalassiens.

Non bien sûr. C’était de ses « collègues » qu’il comptait se préserver. Eve le regardait de ses yeux glacés finir ses emplettes. Pourvu que Jonh entende raison. Sinon, elle allait devoir agir seule, encore.

A peine eut-il prononcé la formule magique qu'une silhouette imposante se matérialisa sous les yeux ébahis de Sydney -et d'Eve et Jonh par extension. Mesurant dans les trois mètres, le teint verdâtre et son ventre aussi rebondit que l'énorme sac qu'elle portait sur le dos, le moins qu'on puisse dire était que Labeau était imposante. Sans perdre de temps elle déposa au sol son paquetage et se pencha vers son futur client pour s'adresser à lui avec un étrange accent :

- Que peut bien désirer ce bon monsieur ? Vous m'avez l'air d'être un connaisseur, je suis sure que je dois avoir quelque chose qui vous plaît avec moi... Je viens de me réapprovisionner, je suis sure que vous serez ravi !

Sans perdre de temps elle plongea ses mains énormes dans son sac à dos, puis le buste tout entier à croire qu'il n'avait pas de fond et entreprit de déballer sa marchandise -composée d'une vingtaine d'objets- avec un soin maniaque, sans oublier d'ajouter à chaque objet une étiquette indiquant son prix. Bientôt vinrent les rejoindre des fiches explicatives afin de renseigner son client sur l'utilité des marchandises présentées, après quoi elle se planta sur le côté, ses grosses paluches posées sur ses larges hanches. Il y en avait pour tous les goûts et pour toutes les bourses, amateurs de technologies, de magie ou de bon vieil artisanat tout ce qu'il y avait de plus classique.

- Allez avancez n'ayez pas peur ! Que d'la bonne marchandise, vous n'aurez pas de regret ! Et qui sait, si vous m'en prenez pour un beau prix j'vous ferais peut-être une remise... qu'on dise pas que Labeau Nefaie n'a pas l'esprit commerçant !

Elle agrémenta sa déclaration d'un sourire commercial trop large pour être honnête. Il n'y avait pas à dire : ici ou là-bas, humain ou pas... les vendeurs étaient tous les mêmes.


Liste des objets disposés :
- Sac-à-dos normal
- Lampe de poche
- Potion de soins légers
- Epée longue
- Magnum
- Munitions polyvalentes
- Lance-pierres professionnel
- Projectiles (tout confondus)
- Couronne de méduse
- Fouet d'obéissance
- Poudre de perlimpinpin
- Grand Zat'
- Potion morbide
- Gélule Bonleurre
- Lunettes hypravision
- Masque faune
- Rouge-acide
- Dé du destin
- Sonate de l'éveil
- Pierre nécromancienne

L’instant pendant lequel Labeau nefaie déballa ses objets fut d’une jouissance sans borne. Tel un enfant largué dans un magasin de jouets avec la carte de crédit de ses parents, Sydney attendait avec impatience de voir défiler un objet qui serait susceptible de l’intéresser.
Sans quitter des yeux une seule seconde l’alignement méthodique de la marchande magique, le corsaire prit cependant soin de répondre à ce que son interlocutrice paranoïaque lui avait dit tout à l’heure :

- Pour répondre à ta question mesquine, « petit génie » a pensé à ‘ça’, oui. Et c’est pourquoi je compte bien me préparer. Que vous mouriez, je m’en fiche. Sincèrement. Mais moi, je ne compte pas arrêter mon aventure ici, vous voyez ? Et c’est pas une petite guéguerre entre des fanatiques et des poissons qui entravera le capitaine Sydney.

Se grattant le bouc, il étudiait minutieusement chaque objet, pesant le pour et le contre dans sa tête. Les messes basses des deux malades mentaux l’empêchaient néanmoins de se concentrer convenablement car il savait qu’ils parlaient de lui, fomentant quelque mutinerie en vue de se débarrasser de lui ou de le tuer, tout simplement.
C’était pourquoi le pirate parano’ avait appelé Labeau. Il cherchait des armes ; pour attaquer mais aussi et surtout pour se défendre. Il était hors de question qu’il continue dans un groupe qui n’attendait qu’un seul faux pas pour le poignarder.

Sûr de lui, les yeux sévères, il pointa du doigt les deux objets de son choix à Labeau :
- Je vais vous prendre le fouet, là… et la couronne. Vous aviez parlé d’une remise, c’est exact ? Non parce que des clients comme ça, je suppose que vous n'en voyez pas tous les jours. D'ailleurs je peux vous faire de la pub si vous me faites une remise sympathique.
Le forban ne s’attendait pas à un geste commercial de grande ampleur et entre pirate, on sait bien que tous les moyens sont bons pour profiter d’autrui. Sydney n’aimait pas le sourire carnassier du géant vert mais il n’avait pas vraiment le choix s’il voulait s’armer correctement.
Sur un air résolu, il plongea sa main dans l’une de ses amples poches de pantalon et en sortit une bourse plus grosse que jamais. En tout, ses emplettes lui coûtaient 4200 rubz et il jugeait cela très suffisant pour qu’on lui accorde une remise à la hauteur de sa folie consumériste. Aussi passa-t-il au moins cinq bonnes minutes à marchander cruellement avec Labeau. Le duel des deux requins ne s'arrêta qu'une fois un compromis de 22% accepté des deux bords.

- Mes camarades ne prendront rien, eux. Désolé de vous avoir présenté des clients aussi irrespectueux et impolis. Pas même un bonjour, mais où va le monde, je vous jure…
Croisant le regard d’Eve dans lesquels on devinait un enfer de flammes glacées, Sydney lui rendit le même tout en retirant son bandana, le remplaçant par la petite couronne rose Barbie. Aussitôt, ses cheveux s’élevèrent et se mirent à siffler alors qu’ils grossissaient et se couvraient d’écailles. Bientôt, ce fut un nombre indicible d’yeux défiants qui fixaient la taularde, l’invitant à se ruer sur le pirate si seulement elle l’osait.
Syd’ noua son bandana rouge juste au-dessus du cadeau de Jake et empoigna sa seconde emplette, prêt à en user si nécessaire. Bien sûr, il prit le temps de régler la note et remercia une nouvelle fois Labeau pour son aide.

Une fois la géante disparue – probablement en quête d’un nouveau pigeon à plumer – le pirate s’avança vers ses collègues, un sourire satisfait sur les lèvres.
- Je ne vous le cache pas, je n’hésiterai pas à utiliser ces trucs contre vous si vous tentez quoi que ce soit d’un peu trop foufou à mon goût, matelots. Mais je ne suis pas non plus un monstre : si tout se passe bien, je n’aurai aucune raison de les utiliser.
Sans compter qu’ils avaient d’autres mouettes à fouetter : comment rejoindre la ville sous-marine constituait la première étape du plan de Sydney. La seconde serait contextuelle, allant de l’opération « bye-bye, bonne chance pour votre guerre » dans le meilleur des cas à « mission poissons panés » dans le pire des cas.

Entretenant une distance de sécurité respectable entre lui et ses deux comparses à la loyauté schizophrène, Syd’ se mit à sourire en se rappelant à qui il devait sa richesse éphémère.
- Vous savez, si j’ai pu acheter ces gadgets, c’est en partie grâce à un type que j’ai rencontré lors d’un boulot... Ce type, il m’a fait comprendre mieux que personne que n’importe qui peut être utilisé et qu’il ne fallait pas trop s’encombrer de pitié, surtout quand on se défaussait d’un atout devenu inutile.
Vous auriez intérêt à prendre de la graine d’un homme comme ça *enfin sauf pour le côté nymphomane dangereux*, pensa-t-il. Bref ! Je l’annonce clairement : je vais tout faire pour fuir le fond de ces océans et personne ne m’écartera de ce but. Si vous avez envie de crever en aidant les atlantes, faites-le mais ne comptez pas sur moi pour vous assister. Par contre, comme je l’ai déjà dit : s’il vous venait l’idée de devenir gênants… Il mima un joueur de poker se défaussant d’une carte en la jetant par-dessus son épaule d’un air stoïque.

- Alors. Je vous ai vu parler dans mon dos pendant que je commerçais. L’un de vous deux a-t-il profité de ce temps pour réfléchir à un moyen de rejoindre les thalassiens ? demanda-t-il ironiquement. Cependant, si sa question n’attendait pas vraiment de réponse, le flibustier tenait à faire remarquer que lui ne chercherait pas. Il s’estimait dans son bon droit d’attendre des deux autres des résultats sachant que lui avait fait sa part de travail en se préparant au combat.

Si leur mission pouvait se faire sans déclencher de guerre, il y avait une possibilité pour qu’il veuille bien rester jusqu’à la fin. On ne crache pas sur une récompense, après tout. Paradoxalement, les chances que leur quête se termine sans accroc étaient minimes mais Sydney ne pouvait s’empêcher d’éprouver un intérêt pour l’issue de ce conflit. Etait-ce là une forme de fascination morbide pour la guerre ? A moins qu’il ne s’agisse d’une sorte curiosité scientifique dont l’objet était de savoir si à eux trois, simples voyageurs, ils pouvaient modifier Dreamland à une si grande ampleur… Le pirate parano’ n’en savait rien. C’était un peu la même situation que pendant son job au jardin des Héséprydes où il n’avait eu de cesse, pendant le chemin du retour, de se demander ce qu’il se serait passé s’ils étaient restés jusqu’à la fin de leur séjour sans voler de pommes.

Liam avait peut-être une réponse à ce genre de question mais il y avait peu de chances pour que le corsaire la trouve lui aussi ; encore moins pour que ces deux gogoles qui lui tenaient tête aient côtoyé l’hypersexuel de près ou de loin. Aussi se contenta-t-il de reprendre ses esprits et d’écouter les idioties qu’Eve et Jonh voudraient bien lui sortir.

Loin était l'envie de servir d'exemple en se faisant tuer par le roi ennemi. Eve avait raison, ce n'était pas prudent d'aller voir les bras grands ouverts dans le monde du dessous si on voulait bien les aider à remonter à la surface. Et puis si les Atlantes avaient de quoi pouvoir nager pour aller jusqu'à l'ennemi, pourquoi n'aurait il pas aussi la même chose pour partir ? Il suffirait que "Zeus" décide de prendre congé une fois le problème résolue. Mais bon, si Jonh était le seul à vouloir sauver les atlantes, il n'allait pas aller bien loin. Déjà Sydney n'était pas vraiment un coéquipier fiable, quant à Eve...Il ne savait pas vraiment si il pouvait lui faire confiance.

Le dépressif soupira, laissant le pirate faire ses achats. Eve le prit alors à part pour le remercier de l'avoir épargné. N'avait elle donc pas compris qu'il était loin d'être un criminel ? Toutes ses mauvaises actions avaient été faites car il n'avait pas eu le choix...On avait beau dire " on a toujours le choix" et bah non, pas dans ce monde ci.

- Si je ne t'avais pas épargné je me serai retrouvé tout seul avec le paranoïa, et il m'aurait rendue chèvre

Tentative d'humour à noter. Le sujet devint plus sérieux, celui concernant Sydney. Jonh n'osait pas dire qu'il avait songé à l'abandonner aussi, mais connaissant le côté justicière d'Eve, il s'était dit qu'elle aurait mal réagit. Visiblement il ne la connaissait pas aussi bien qu'il le pensait.

- Je suis d'accord on ne peut pas lui faire confiance...Et crois moi ça me bouffe de devoir mentir sur ce que je suis...C'est hélas notre couverture pour ne pas finir bouffer par un kraken

Il n'avait franchement pas envie de se faire attacher à nouveau à une pierre ou autre torture que pouvait réserver le roi.

- C'est certain que toute façon il ne pense qu'à sa poire et n'hésitera pas à nous laisser tomber en cas de problème...

Poursuivit il à voix basse avant de s'arrêter en voyant Sydney arriver. Ce dernier avait finit ses achats et ne trouva rien d'autre à faire que de les menacer. Jonh haussa un sourcil devant la nouvelle chevelure reptilienne.

- Ça serait un peu con de tuer tes seuls "alliés" ici

Aux yeux des atlantes, le pirate et Eve ne valaient rien, et n'étaient que les sujets de "Zeus". Le paranoïaque continua de parler tout seul, citant un homme qui avait apparemment fortement déteint sur lui. Ça aurait été bien le genre de Liam ce genre de chose. Jonh était bien plus tranquille avec lui, au moins il ne se souciait pas de se faire poignarder dans le dos quand bien même la vision des choses pour l'un et l'autre était différente.
Enfin, Jonh était à présent coincer avec deux voyageurs dont il devait se méfier. Il avait cependant bien plus "peur" du pirate que de la brune, qui était au moins de son côté sur cette aventure. Mais Sydney commençait à les lui briser en les menaçant toutes les 5 minutes.

- Tu devrais le noter pour toi aussi...Si tu deviens gênant, ce n'est pas tes serpents qui t'empêcheront de crever comme la pourriture que tu es. En attendant ferme ta gueule de vipère et allons trouver l'inventeur, l'herboriste ou peu importe, qui nous permettra de sortir de cette bulle

Cracha t-il avant de sortir de la pièce.

L’avoir épargnée pour ne pas se retrouver seul avec Sydney ? La remarque fit intérieurement rire la russo-américaine, comme la pointe d’humour que tenta le dépressif. Ne pouvant pas lire à l’intérieur de la jeune femme, ce dernier se heurta à son expression de marbre mais ne sembla pas se démonter pour autant. Au moins, ils étaient d’accord sur le fait que le pirate n’était pas fiable. A défaut d’avoir pu établir une paix heureuse, une sorte d’entente cordiale venait de se mettre en place à cet instant. Ils avaient une mission commune, un objectif commun et la même épine dans le pied.

Epine qui s’approcha d’ailleurs après avoir pu se fournir en attirail loufoque made in Dreamland. Sous le flot de menace, Eve ne rompit son immobilité de statue que pour lever les yeux au ciel et croiser les bras. Faire le malin après s’être assuré d’être le mieux équiper… comme si tout son barda magique allait faire grossir ce qu’il avait dans le pantalon.

Néanmoins, le paranoïaque venait définitivement d’appuyer là où il ne fallait surtout pas. En avouant ses projets et le fait qu’il envisageait de les tuer, il venait de provoquer l’aversion irréversible de la détenue. La langue caressait nerveusement ses incisives alors qu’elle se contenait, ses yeux débordants d’une folie glaciale qui inondait ses traits ivoirins.

Personne n’est intouchable. Personne n’est invulnérable. Sydney avait bien intérêt à se savoir, parce que le jour où il y aura une faille dans son attirail, même un instant, il risque de regretter ses accès d’arrogance. En attendant… ça lui arrachait les tripes, mais la russo-américaine devait admettre qu’elle avait besoin de Jonh. Mourir dévorée par le kraken pour défendre ses convictions était digne, mais tant qu’il n’exagérait pas… réussir à regagner la surface était encore mieux.

Quand « Zeus » eut quitté la pièce, Eve défia une dernière fois le regard de Sydney avant de sortir à son tour. Son corps lui faisait toujours atrocement mal, courbaturé par la décharge électrique de la foudre, mais sa folie et la détermination galvanisait ses muscles. Comme toujours. A croire que ses fibres se nourrissaient de la souffrance.

- Dis-moi, commença-t-elle une fois à la hauteur du dépressif, de toi à moi, tu sais à quel fréquence tu peux contrôler la foudre ?

Elle jeta un œil en arrière pour s’assurer que Sydney ne préparait rien de louche. Elle se fichait qu’il écoute, celui-ci devait déjà suffisamment sentir qu’il ne faisait pas l’unanimité. Toutefois, surveiller qu’il ne se permette pas de coup pas était la moindre des choses. Après tout, il respirait la traitrise.

- Je suis avec toi sur ce coup, je n’ai pas l’intention de m’en servir contre toi, justifia la taularde, c’est juste… que le « dieu » des thalassiens soit un voyageur, une créature magique ou une vraie divinité, s’il veut la victoire du peuple aquatique, il y a de fortes chances qu’il soit familier à l’eau. Dans ce cas si ta foudre est notre meilleur chance de le neutraliser, je voudrais savoir qu’on de « chances » on aura.

En disant cela, Eve réalisait que tout ne serait peut-être pas si simple. S’ils devaient se trouver immergés au moment de la rencontre, foudroyer leur ennemi risquait de les tuer du même coup. D’ailleurs… pourquoi se préparaient-ils à plonger ? Au final, le comportement de Sydney leur avait fait perdre le fil de cette considération. La paranoïaque s’arrêta donc pour faire face à Jonh. Uniquement lui, puisqu’elle connaissait suffisamment la position du pirate sur la question pour avoir encore ne serait-ce que l’envie de discuter stratégie avec lui :

- En fait, on ne s’est pas fixés encore. Est-ce qu’on demande à rencontrer le dieu des atlantes pour discuter ? Pour le défier tout de suite ? Est-ce qu’on y va en demandant poliment d’entrer par la grande porte ou bien est-ce qu’on y va en espion ? Avant d’aller quémander de l’aide aux atlantes, on devrait peut-être mettre notre plan au point.

Le discours du paranoïaque sur l’entente cordiale et la coopération confiante n’avait de toute évidence pas eu l’effet escompté. Quand Jonh le menaça en retour, Sydney resta assez surpris mais cette surprise laissa rapidement place à un soupir d’exaspération.
De sa main, il pinça l’arrête de son nez tout en fermant les yeux, hochant la tête de gauche à droite. Il ne parvenait pas à comprendre comment on pouvait être aussi stupide. C’était d’une évidence enfantine qu’il s’adressait davantage à Eve qu’à Jonh et que cet avertissement n’avait rien d’une menace.

Reprenant contenance, il laissa ses camarades sortir de la salle du conseil, les bras croisés. Une expression assez sceptique naquit alors sur son visage.
- Beh… Je sais pas ce que j’attendais de la part de handicapés mentaux, de toute façon.
Un haussement d’épaule marqua la césure parfaite entre son désespoir de trouver un jour quelqu’un de sain en ce monde et le retour à une mentalité plus sydéenne et détachée des formalités sociales : à quoi bon tenter de communiquer avec ces babouins décérébrés ? Qu’ils crèvent, ça lui ferait des vacances. « Ses seuls alliés »… Qu’est-ce qu’y faut pas entendre, comme conneries, j’vous jure..

Il sortit à son tour de la salle de conférence et passa pile entre les deux traîtres qui conspuaient une fois de plus de manière très hypocrite et impolie contre sa personne. Ses serpents, répartis de part et d’autre de son crâne, sifflèrent les deux voyageurs, n’appréciant pas la proximité avec ces derniers. D’un signe de main, le corsaire les invita à le suivre.
- Allez, bande de mutins. Vu que vous êtes trop matraqués pour comprendre quand on vous propose un traité de paix, on va faire ça de manière un peu plus violente.

De sa démarche la plus naturelle – naturelle signifiant « pas comme moi ; comme les ‘autres’ » dans son vocabulaire – Sydney rattrapa l’un des généraux et lui fit part du fait que Zeus exige de savoir où il peut trouver quelqu’un pour nous transporter jusqu’au royaume des Thalassiens.
Un bref signe de main indiqua au paranoïaque la direction à suivre à travers l’une des fenêtres du couloir où ils se trouvaient. Sydney colla sa tête à celle-ci et plissa les yeux. Il distingua non loin du palais royal un bâtiment de la garnison. Logique : s’il y avait bien un moyen de survivre sous l’eau, les soldats le connaissaient forcément, à force de batailles en vue de repousser les invasions.

L’attention du capitaine au bandana fut détournée par le sifflement énergique des serpents du côté droit de sa tête. Haussant un sourcil interrogateur, il se tourna vers l’origine d’un tel ressentiment de la part de ses reptiles tueurs. Face à lui, un gosse. Dix ans, peut-être douze… Ou moins. Déguisé en Joker, avec le maquillage et les vêtements. L’enfant fixait le pirate avec ses petits yeux de fouine avide et Sydney resta planté là à observer ce personnage singulier qui jurait presque autant que lui-même dans ce décor sous-marin.
Le petit clown psychopathe fut le premier à prendre la parole, demandant d’une manière aussi directe que résolue :
- Vous avez des bonbons ?
Interdit, le flibustier tourna la tête pour s’assurer d’une part que c’était bien à lui qu’on s’adressait, et d’autre part pour enquérir une éventuelle réaction de la part des deux malades qui lui servaient de boucliers humains. La mécanique paranoïaque de Sydney se mit en branle, lui faisant se poser tout un tas de questions quant à l’authenticité de cette demande insolite. Ce n’était pourtant pas déjà Halloween, si ?

En temps normal, il aurait refusé, tout comme il le fait à chaque Halloween du monde réel. D’ailleurs, il n’ouvrait même pas. A personne. Le 31 octobre était une date où Sydney vivait reclus, mangeant lui-même et tout seul les bonbons qu’il s’était acheté la veille, prétextant faussement participer à ce racket à grande échelle.
Mais aujourd’hui, tout était différent car il se trouvait à Dreamland, le pays où justement tout peut être différent. Dans tous les cas et scenarii qu’il entrevoyait via une réflexion rapide, il arriva à la sélection suivante :
Soit il refusait et le gamin, très probablement une ‘chose’ dreamlandienne, lui arracherait les os du bassin par les tympans ou bien devrait affronter la colère d’il ne savait trop qui ou quoi… Soit il acceptait et prenait le risque que l’enfant profite de cette générosité imposée pour en demander davantage. Il y avait aussi l'éventualité qu’en donnant, il s’exposait à ce qu’une bande d’autres gamins lui tombent dessus pour le déposséder de tous ses biens. Les rackets violents commençaient souvent comme ça.

Fixant toujours l’enfant Joker droit dans les yeux, il fouilla dans sa poche et en sortit un chewing-gum à la chlorophylle qu’il tendit au marmot.
- Tiens, sale monstre. Et maintenant file voir les deux grands là-bas : ils ont plus de bonbons que moi. En insistant assez sur ce dernier point, Sydney s’assurait que le gosse ne le prenne pas pour cible dans le cas de l’actualisation des scenarii numéro deux ou trois.

Une fois certain que le moufflet allait effectivement embêter Eve et Jonh, le corsaire se mit en route en direction de la caserne militaire. Qu’on le suive ou non n’était pas important.
- Gardez un œil sur les deux clampins et s’ils s’approchent un peu trop, faites en sorte qu’ils reculent, ordonna-t-il secrètement à ses serpents capillaires.

La patience de Jonh avait des limites et Sydney était le roi pour la franchir. Il le saoulait réellement à se croire le plus fort du monde juste parce que monsieur avait acheté des armes. Il regrettait de l'avoir épargné tiens...mais il s'en serait aussi voulu de l'envoyer à l'abattoir. Il ne l'avait même pas remercier d'ailleurs alors que même Eve l'avait fait.
Jonh avait hâte de foutre la misère à l'autre peuple et de quitter ce pays pour se retrouver loin de ce pirate à deux sous. Même Eve était de bien meilleure compagnie alors que le dépressif ne la portait pas forcément dans son coeur. Celle ci vint d'ailleurs à sa hauteur pour le questionner sur la foudre qu'il avait lancé sur le poulpe.

- C'était un coup de chance, c'est la première fois que j'ai visé quelque chose

Répondit il en haussant les épaules. La plupart du temps quand sa colère faisait des orages l'éclair tombait où il voulait. Cette fois ci cependant Jonh avait souhaité que la foudre touche la tentacule.

- Je crois que avec le temps les pouvoirs augmentent. Au début j'avais juste ce nuage au dessus de la tête et puis petit à petit j'en ai eu d'autres mais pas vraiment utiles contre un Dieu

Il s'imaginait mal aller toucher l'adversaire pour le faire pleurer ou voir ses souvenirs. Il faudrait plutôt qu'il retente sa chance avec la foudre.  

- Je pensai plutôt d'abord tâter le terrain, il faut connaître d'abord le territoire ennemi avant d'attaquer. On ne peut pas se jeter à l'aveuglette

Expliqua t-il. Il n'avait pas vraiment de plan mais se rendre en bas pour attaquer directement n'était pas la meilleure des solutions. Sydney les coupa dans leurs conversations, les invitant à le suivre d'un signe de la main. Jonh n'osait même pas imaginer si c'était lui qui avait été désigné comme Dieu. Sa tête aurait explosé tellement elle serait devenue énorme.
Sydney interpella l'un des chefs pour exiger en son nom, de savoir où il pouvait trouver un moyen de descendre dans les eaux. L'interlocuteur ne se fit pas prier et désigna un bâtiment qui se trouvait en face d'eux.

- Si il veut faire un traité de paix il a qu'à déjà dire à ses serpents d'arrêter de siffler, c'est insupportable

Souffla t-il en chuchotant à Eve. Un personnage singulier fit soudainement son apparition. Badigeonné de maquillage pour Halloween, la représentation du joker fit repenser au dépressif la menace de Liam quand il avait perdue la mémoire. Un sourire effleura ses lèvres tandis que le gamin s'avançait vers eux.

- Un bonbon ou un sort

Au moins cette fois ci Dreamland ne les avaient pas affublés de costumes ridicules. Jonh fouilla dans ses affaires et en sortie son sachet de sucre d'orges avant de le donner à l'enfant avec un sourire.

- Tiens, régale toi

Il indiqua d'un regard à Eve qu'il suivait Sydney vers la caserne la laissant réfléchir à si elle voulait se faire taper ou non. Jonh s'approcha sans doute un peu trop du voyageur car les serpents le menacèrent, l'obligeant à reculer.

- Si je dois te retenir pour te sauver la vie ou t'empêcher de faire une connerie je me fais bouffer quoi...C'est sympa on a pas la même notion de paix toi et moi

Un coup de chance ? Et bien ils avaient intérêt à en avoir encore. Quelque chose lui disait que le pouvoir du dépressif allait très certainement leur être utile de nouveau ; il serait préférable qu’à ce moment, il ne soit pas à coup de jus. Au moins, ils étaient d’accord sur le fait qu’il faudrait évaluer le terrain avant quoique ce soit. Les dires des atlantes étaient bien beaux mais au final, ils ne savaient pas vraiment à qui ils avaient affaire. Qui sait si les voyageurs ne parviendraient pas à faire le « dieu » thalassien entendre raison ?

Toutefois, Eve ressentait comme la nécessité de préparer un plan de repli. Si jamais leur interlocuteur n’était pas honnête ? S’y rendre pourrait être un équivalent à se jeter dans la gueule du loup. Ce serait aussi une trop bonne occasion pour Sydney de retourner sa veste. D’ailleurs, le revoilà pour enfoncer le clou de ses menaces. Parce que bien évidemment, on sait tous qu’établir une relation de confiance à base de promesses de mort et tout en assurant qu’il ne tolérait nul autre pacte que ses propres intérêts était constructif.

Le coin gauche des lèvres de la russo-américaine tiquèrent légèrement quand Jonh se pencha vers elle pour faire un commentaire sur ses serpents. Un jour il ne les aura pas ses bestioles et ce jour là, il encaissera la monnaie. Elle passa une main dans ses cheveux. La sensation d’être dans une situation indécrottable lui donnait l’impression de faire la funambule au dessus d’un gouffre.

Ce fût Melvin qui la tira de ses pensées, sortant de nulle part pour réclamer des bonbons. La détenue le dévisagea un moment pendant que le dépressif consentait à lui donner des sucres d’orge. Il avait une tête de sale gosse, l’expression du sale gosse et le maquillage du sale gosse. Pourtant, elle n’avait aucune bonne raison de l’envoyer paître – et ça ferait sans doute trop plaisir au pirate que ce marmot l’emmerde.

Sans se départir de son expression glacée, Eve descendit sa hotte de ses épaules pour en tirer son sachet de sucres d’orge et les lancer à Melvin. Celui-ci eu un sourire malicieux presque malsain avant de disparaître comme il était apparu. Avec le temps, on s’y habituait en fait ; Dreamland et ses délires…

Elle venait de rejoindre Jonh quand elle reprit la conversation qui avait été interrompue par Sydney :

- N’empêche… on ne devrait pas au moins envoyer un émissaire ou quoique ce soit pour convenir de l’entrevue ? Si on se contente de débarquer dans leur royaume, on pourrait nous prendre pour des intrus et nous tuer avant qu’on ait eu le temps de dire pourquoi on est là.

En fait, elle parlait surtout pour Jonh puisqu’elle refusait tout simplement de compter dans son équation un traître en puissance. Ils étaient 2 sur cette mission.

- Qui sait, on aura peut-être même la possibilité d’inviter ce « dieu » à venir nous rencontrer plutôt que l’inverse.

Dans tous les cas, même s’il s’agissait de savoir comment s’effectuait les communications avec l’ennemi, les soldats devaient être au courant. Inutile de faire bande à part pour l’instant. Elle attrapa le bras du dépressif d’une poigne plus ferme qu'elle ne l'aurait voulu, rendue nerveuse par la folie qui palpitait dans sa poitrine. Discrètement, elle lui murmura :

- Tu devrais songer à reprendre ton rôle. Ça ne te plait pas d’être Zeus, moi non plus. Mais s’il se sert de ton grade pour faire ce qu’il veut, on aura tous des emmerdes.

Des bruits de pas s'intensifièrent dans le dos du corsaire qui pourtant faisait tout pour ne pas se retourner. C'eût été montrer sa faiblesse et prouver que bien qu'il savait où il allait, il n'était lui-même pas certain de ce qu'il faisait. Ils n'avaient pas besoin de savoir ça ; pas eux.
Sydney laissa donc les bruits de pas appelés Jonh le rattraper et vociférer contre ses reptiles capillaires. Sa remarque le fit légèrement sourire ; c'était si niais...
- Parce que tu as vraiment l'intention de me sauver ou de m'empêcher de me tuer ? Il faut croire davantage à ses propres mensonges pour qu'ils aient l'air convainquants, Jonh. Il tourna légèrement son visage en direction du dépressif et écarta les serpents qui obstruaient son regard. Il continua :
- Et puis tu peux balancer des éclairs : t'as pas besoin d'être collé à moi pour faire ça, si ?

Son sourire en coin s'évanouit aussitôt qu'Eve arriva à leur hauteur. Il détourna son regard mais écouta néanmoins ce qu'elle avait à dire, bien que ce fut évident qu'elle s'adressait davantage à Jonh qu'à lui. L'idée n'était pas mauvaise... Elle était même plutôt bonne et ça faisait mal à Sydney d'accorder du crédit aux théories de cette folle furieuse. Pourtant, il préférait encore devoir organiser un plan d'action avec la paranoïaque que mourir. La vie avait plus d'importance que l'orgueil.
Le capitaine au bandana laissa le temps à Eve de fomenter son assassinat avant de se retourner, faisant face aux deux meurtriers en puissance.
- On pourrait pas faire les deux ? Je veux dire : envoyer un hérault annoncer notre présence et proposer à l'"ennemi" de nous rencontrer dans un lieu plus ou moins neutre. Je sais : ça m'arrache la barbe de le dire mais j'aime bien l'idée.
Bien sûr, l'objectif principal du forban demeurait inchangé mais procéder avec prudence correspondait à son mode de pensée.

- Le problème, c'est que si on va pas chez eux, ils ne voudront jamais venir ici. Alors on pourrait les rencontrer dans les eaux entre Atlantis et Thalassa. Ca nous permettrait de nous replier rapidement si jamais ça sent la poudre. Mais il nous faudrait quand même un moyen de respirer sous l'eau, ceci dit.
Son regard croisa les yeux d'Eve qui brûlaient d'une flamme gelée, animée de haine et pourtant impassible.
- Pourquoi tu me regardes comme ça ? Je viens de faire un pas vers la réconciliation, là. Tu vois, je suis pas manichéen : je donne une seconde chance aux gens, moi.

Il reporta alors son attention sur Jonh :
- Alors, t'en penses quoi, Zeus ? Indice : si tu veux "m'empêcher de faire une connerie", c'est le moment de me le dire. Après, ce sera trop tard. A moins bien sûr qu'Eve trouve un moyen de nous attirer des problèmes plus rapidement que prévu comme la dernière fois.
L'avis de Jonh lui importait davantage pour la cohésion du groupe - c'est-à-dire l'assurance qu'on ne le poignarderait pas dans le dos une fois sous l'eau - que pour la marche à suivre étant donné que l'étape numéro un restait la même dans les deux scenarii. Le pirate avait hésité à poser cette question à cause de la suite possible qu'elle engendrait *ne pense pas à cette suite, moussaillon : ils lisent dans tes pensées, ces pirates !* mais il ne pouvait pas mander un hérault ni convenir d'un rendez-vous au nom de Zeus si ce dernier n'était pas d'accord ou pire : s'il refusait d'assister au rendez-vous... Il serait marqué d'infamie, de traitrise, d'ususpateur... La mort seule l'attendrait s'il revenait un jour chez les Atlantes et il n'aurait plus qu'à espérer que les Thalassiens accèdent à sa requête de le renvoyer à la surface.

Sur un air prétendument résolu il attendit, bras croisés, que Jonh veuille bien donner son feu vert. Et s'il ne voulait pas, ils n'avait qu'à proposer quelque chose lui-même, ce marin d'eau douce !

Apparemment Jonh n'était pas assez clair sur le fait qu'il n'était pas du genre à laisser les gens sur le bas côté de la route, ne l'avait il pas prouvé en leur sauvant la vie attaché aux rochers? Mais bon manifestement Sydney avait décidé que Eve et lui étaient les gros méchants de l'histoire. Le dépressif avait fait des mauvaises actions il n'allait pas le nier, mais dans des situations où il n'avait pas vraiment eut le choix...

- Laisse tomber

Ca ne servait à rien de discuter avec un type pareil. Même les discussions avec Liam était plus ouvertes. Heureusement Eve vint le délivrer de ce grand moment de solitude. Les deux voyageurs proposaient d'envoyer quelqu'un pour signaler leur présence ou bien convenir d'un rendez vous avec le dieu ennemi. Jonh n'était pas certains que cela soit une bonne idée...Si c'était réellement une divinité qui se trouvait là bas, elle devait connaître le vrai Zeus, et pas sur qu'il ait juste un éclair dans sa toge.
Eve le prit à part quelques secondes pour lui faire penser à reprendre le rôle que le roi lui avait donné. Jonh hocha la tête.

- De toute façon si on peut arranger cette affaire sans faire couler de sang, autant prendre le risque de rencontrer leur dieu mais au cas où il faudrait un plan B. On sait jamais il pourrait nous tendre un piège.

Répondit il. Et puis comme disait Sydney il restait le problème de la respiration sous l'eau. Si les Atlantes avaient bien un outil pour cela il fallait espérer que ce n'était pas temporaire. L'idée de mourir noyer n'était vraiment pas très réjouissante, encore moins si il emmenait deux personnes avec lui rejoindre les légumes.

- Allons voir qui est assez courageux pour aller voir l'ennemi

Déclara t-il avant de continuer son chemin. Ils atteignirent enfin les grandes portes du palais que les soldats s'empressèrent d'ouvrir pour les laisser passer. A peine Jonh avait il commencé à descendre les marches que les habitants s'étaient agglutinés comme si il était une célébrité. Le dépressif souffla et tâcha de garder la tête et le dos droit. Il avait une forte envie de s'enfuir à toutes jambes avec tout ses regards braqués sur lui et regrettait de ne pas s'être laissé faire dévorer par le kraken. En même temps il suffirait de faire demi-tour et de tout avouer au roi mais il ne pouvait pas mettre Eve et Sydney dans l'histoire. Il était donc bien coincé à devoir jouer un rôle qui lui donnait la nausée.
Il devait penser à autre chose et discrètement serra la main de la brune dans la sienne, un souvenir flou venant occuper son esprit. Jonh serra la mâchoire. Il "voyait" une femme et une petite fille, ressentant toute la tristesse du moment.

[hj :J'ai fait une accélaration jusqu'à la sortie parce que sinon dans un an on sera toujours pas sortie du palais]

Sydney brassait décidément beaucoup de vent. Cette conclusion éclata dans l’esprit de la taularde comme une vérité presque salvatrice. Oh il n’en restait pas moins dangereux, ni moins fiable ; mais son jeu puérile qui se résumait à « c’est pas moi le méchant, c’est toi-han » était parfaitement ridicule. Qu’il parle donc, qu’il se méfie d’elle, elle n’en avait cure. Depuis qu’elle savait ce qu’elle était et pour quoi elle se battait, les médisances du pirate glissaient sur sa cuirasse sans y laisser une égratignure.

Quant à choisir un endroit neutre entre Thalassa et Atlantis… la russo-américaine y avait pensé, mais qu’est-ce qu’un endroit neutre dans leur cas ? L’un des peuples respirait sous l’eau, l’autre avait besoin d’air. Quelque soit l’endroit choisi, il serait aquatique OU aérien, mais difficilement les deux à la fois. Du coup, l’un des partis aura forcément l’avantage en cas d’embuscade.

Silencieuse et pensive, Eve avait suivi Jonh jusqu’à sortir du palais. Là, les habitants de la ville sous-marine s’agglutinèrent pour célébrer leur « dieu ». Proches sans oser le toucher, un halo indistinct de supplications, remerciements et louanges enveloppait désormais les voyageurs qui tentaient tant bien que mal de se frayer un chemin jusqu’à la caserne.

La jeune femme regardait dans le vide, subissant l’insoutenable popularité dont elle était indirectement – et injustement – l’objet. Encore une fois, elle mourrait d’envie de hurler ce qu’elle n’était pas, mais le souvenir de Jonh qui l’épargnait maintenait closes ses lèvres blanches. D’ailleurs elle sentit la main de son cadet qui étreignait discrètement la sienne. Un geste trop doux auquel elle ne s’attendait pas. En vérité, elle n’y était plus habituée, depuis qu’elle était enfant.

Cette sensation lui était si étrangère qu’elle devint gênante, comme si le contact avec la peau du dépressif grignotait la sienne. Peut-être un peu trop brusquement, Eve libéra sa main mais tourna ses yeux glacés vers Jonh. Il avait la mâchoire serrée et l’air triste, comme si…  

- Rassure-moi, balança-t-elle  juste assez fort pour que seul le concerné l’entende par-dessous le bruissement de la foule qui ne dégrossissait pas, tu ne fais pas cette tronche parce que tu ressens quelque chose pour moi ?!

Le manque cruel de couleur dans sa voix montrait le peu d’intérêt qu’elle porterait à une réponse positive. Et si elle ne l’était pas et bien… tant mieux, mais il allait devoir apprendre que se tenir la main et autres niaiseries pour se rassurer, ça n’était absolument pas son truc.

Les citoyens durent s’écarter quand le trio approcha enfin du bâtiment de la garnison qui leur avait été indiqué plus tôt. Les hommes qui gardaient l’entrée de la bâtisse se raidirent, droit comme des « i » lorsqu’ils s’aperçurent de la présence de Zeus en personne.

- Bonjour, commença Eve, nous… Zeus souhaiterait savoir, poursuivit-elle avec un imperceptible levé d’yeux au ciel, si vous êtes équipés en moyens pour respirer sous l’eau ? Il aurait également besoin d’un émissaire, qui pourrait porter un message aux thalassiens de notre part.

C’était absolument insupportable et ridicule ce manège. D’ailleurs elle voyait déjà Sydney « tu vois blabla toi aussi tu joues au jeu du dieu blabla »… et il n’aurait pas tord. La différence c’est qu’elle se faisait violence pour Jonh, elle lui était redevable. Elle n’y recherchait pas un profit  égoïste.

Les gardes de faction devant la garnison haussèrent un sourcil suite aux questions d'Eve. Un moyen de respirer sous l'eau ? Mais Zeus était un Dieu, il était au-dessus de ce genre de détail. D'ailleurs les Dieux respiraient-ils ? Trop de questions sans réponses pour ces pauvres soldats. L'un deux se porta donc volontaire pour amener leurs glorieux invités auprès de personnes plus compétentes.

Le trio fut escorté jusqu'à une vaste pièce au centre de laquelle trônait une large table circulaire de marbre poli. Une maquette au réalisme impressionnant en occupait la majeure partie. On pouvait y voir la cité entière d'Atlantis ainsi qu'une partie de Thalassa... ce que les atlantes avaient visité jusque là, il y avait fort à parier. Des figurines à l'effigie de soldats étaient disposées aux points théoriquement stratégiques mais les voyageurs n'eurent pas le loisir de les admirer. Dès qu'ils pénétrèrent dans la pièce, l'homme seul qui s'y trouvait leva les yeux vers eux, l'air légèrement surpris, avant de les inviter à prendre place sur un kliné pour Jonh  et sur des chaises pour les autres.

C'était un militaire gradé, bien que jeune... 25 ans tout au plus. Sous son casque doré, son visage était couvert d'une barbe de 3 jours et des cernes profondes s'étiraient sous ses yeux. Ses réflexions concernant les actions à mener pour mener leur camp à la victoire avaient dû le priver de sommeil plus qu'il n'aurait fallu. Pourtant lorsqu'il prit la parole après les explications du soldat qui avait escorté la troupe, ce fut d'une voix parfaitement alerte.

- Messeigneurs, je me présente : Iason. J'espère que la vétusté des lieux ne vous causera aucun désagrément, même si j'ai conscience que votre visite n'en soit pas une de courtoisie.

Il agrémenta son discours d'une révérence emprunte de respect avant de reprendre, soucieux :

- Si ce hoplite dit vrai, vous souhaitez que nous vous fournissions un moyen de respirer sous l'eau et... un émissaire. Je présume donc que vous comptez tenter de trouver un accord avec les thalassiens. Mais soyons clairs... et loin de moi l'intention de vous manquer de respect, mais il est hors de question pour nous de quitter Atlantis. Quoi qu'ils vous demandent à ce propos, gardez cela à l'esprit, je vous prie.

Malgré les formules de politesse le léger sourire qui flottait sur ses lèvres laissaient à penser qu'il était loin de croire en leur divinité. Mais il croyait à la surprise et à l'apport d'idées neuves. Si ces usurpateurs pouvaient leur faire gagner la guerre et bien... qu'ils se fassent appeler Dieux s'ils le voulaient. L'important était de retrouver enfin la paix.

- Pour respirer sous l'eau nous disposons de deux moyens, tous deux temporaires. Nos herboristes peuvent vous concocter un mélange qui vous fera pousser des branchies et palmera vos mains pour deux heures environ. Ce n'est pas l'option la plus appréciable pour tenir des armes mais elle apporte une grande mobilité. C'est ce que nous privilégions pour les pourparlers et... nos éclaireurs. Nos mages peuvent aussi entourer vos têtes d'une bulle d'air. L'autonomie n'est que d'une heure mais il reste possible de parler et de se battre... admettez qu'en temps de guerre ça reste l'idéal. Il agrémenta sa remarqua d'un rire bref, mais passablement épuisé. Je vous laisse le choix de la méthode, quant à l'émissaire je préfère que nous utilisions un poisson-voyageur.

Iason se dirigea vers un coffre dont il tira papier, plume et encre avant de les apporter à ses hotes.

- Je vous laisse rédiger votre missive. Lorsque ce sera fait, Demos l'enverra pour vous. Il ajouta devant les regards interrogateurs : C'est le nom du soldat qui vous a escorté. Maintenant si vous voulez bien m'excuser...

Après un dernier salut, il s’éclipsa en laissant le trio en compagnie du garde. Il avait plus que besoin d'une bonne nuit de sommeil pour avoir les idées claires. Les choses risquaient de bientôt bouger et il lui fallait être prêt, peu importe ce qui se tramait à l'horizon.

Jonh avait finalement décidé de prendre à cœur son rôle illégitime et passa devant le paranoïaque pour ouvrir la marche à travers la foule admirative. Sydney esquissait un léger sourire en le suivant docilement car il savait qu'il n'en était rien : Jonh détestait jouer à Zeus mais y était forcé, et en ce simple fait résidait la clé du contrôle que le pirate pouvait établir sur le dépressif. Tant qu'il continuerait à jouer sur cette corde, le véritable chef du groupe ce serait lui. Pas Jonh, surtout pas Eve ; lui et seulement lui. Les choses n'en seraient que meilleures car si on n'est jamais mieux servi que par soi-même, disposer d'un ou deux boucliers était quand même plus sûr de temps à autres.

Constater que la folle dangereuse jouait elle aussi le jeu ne le ravissait que plus, bien qu'il tentât de garder la tête froide : une certaine constance était de mise quand on escortait un Dieu en mission diplomatique.
En revanche, voir Eve et Jonh main dans la main sur le trajet l'empêchait de profiter pleinement de sa joie malsaine. Depuis quand étaient-ils si proches, ces deux-là ? Rien ne pouvait ressortir de bien de cette union, pour Sydney du moins : plus ils étaient proches et plus ils s'éloigneraient du corsaire, que ce soit pour faire bande à part ou pire... Bien évidemment, pour Syd', cela n'était qu'une conséquence de la « solitude du chef » : en tant que cerveau de l'opération, il ne pouvait pas se placer au même niveau que ses pions mais ça n'aurait pas dû se passer comme ça. Il les imaginait déjà tenir main dans la main le poignard qu'ils lui enfonceraient dans le dos en s'échangeant des regards amoureux. Quelle merveilleuse façon de sceller des fiançailles...

Dès les premiers mots du militaire, Sydney laissa échapper un rire discret et sans sourire. Quel petit génie, ce type ! En à peine dix secondes il était parvenu aux conclusions très justes que les locaux de l'armée et les autochtones les peuplant n'avaient pas plus d'intérêt pour le pirate qu'une lentille égarée dans une boîte de petit salé.
Pourtant, l'air amusé de ce jeune gradé dérangeait le corsaire plus que de raison. A quoi pouvait-il penser ? Il avait découvert l'arnaque ? Il comptait probablement les flouser à son tour car on voyait du défi dans son regard. C'était ça : aveuglé par la haine qui suivit la découverte de l'usurpation de ce gauche de faux-Zeus et sa guenon hurleuse, il avait décidé de se venger en utilisant les mêmes armes. Mensonge contre mensonge.

- Je vais prendre la ciguë. Enfin l' « herbe ! Je vais prendre l'herbe.
ne rougissant même pas de son lapsus – qui ne faisait que mettre à jour la vérité, d'ailleurs – le corsaire avait choisi en un instant. Il préférait largement mourir par des voies naturelles dont il connaissait à peu près le fonctionnement plutôt que de la main d'un mage usant de sortilèges métaphysiques. Et puis quand bien même on leur laissait vraiment le choix honnête, il n'y avait pas à réfléchir très longtemps car les deux tourtereaux ahuris lui avaient bien fait comprendre son rôle dans le groupe. D'ailleurs, il ne se priva pas de le faire remarquer en justifiant son choix :

- C'est simple : si on prend l'herbe... « théoriquement », insista-t-il en mimant les guillemets d'un air méprisant, on ne peut pas utiliser d'armes mais on peut respirer sous l'eau et nager à la manière des Thalassiens. Le sortilège, lui, s'il ne nous grille pas les neurones ou ne nous envoie pas nous faire écorcher vifs dans un des cercles de l'enfer, nous permet d'utiliser des armes, de respirer et de parler.
Il prit une courte pause pendant laquelle il pointa sa chevelure reptilienne sifflante et agitée avant de reprendre :
- Moi, j'ai ça. Et puis vu que c'est Zeus le chef et que vous avez manifestement décidé que je devais fermer ma gueule, je vais exaucer votre souhait. En plus, les Thalassiens seront amadoués si on se pointe en faisant honneur à leur... race... en ayant les mêmes caractéristiques qu'eux.

Il pointa alors Jonh du doigt comme un enfant désignerait les rôles d'un jeu dans une cour de récréation.
- Toi, tu feras le diplomate : tu te charges du bla-bla, tu racontes ce que tu veux et on est tous heureux parce que le monde est joli et rempli de bisounours. La guerre n'existe plus, vive Zeus.
Détournant son attention sur Eve sans pour autant quitter son attitude neutre et méprisante, il lâcha avec simplicité : toi, ben tu prends la plante aussi. Ça t'évitera de nous créer d'autres problèmes. Et puis t'as pas voulu être une déesse alors c'est réglé, non?

Évidemment et comme d'habitude : son plan était parfait mais il était convaincu que Jonh et Eve trouveraient quelque chose à redire. Dans tous les cas, ils ne pourraient pas le forcer à se faire ensorceler et c'était tant mieux car le capitaine parano' gardait en tête son plan de base qui consistait à rejoindre l'ennemi si ce dernier avait les moyens de le faire remonter à la surface SANS devoir au préalable prendre place dans un conflit pour lequel il n'avait aucune considération.
En revanche, il espérait tout de même qu'on l'écouterait, d'une part parce que son plan était le meilleur qu'on puisse trouver, et d'autre part parce qu'il comptait bien utiliser l'un de ses deux collègues comme cobaye pour ingérer la plante. En cas d'empoisonnement, il lui suffirait de se rabattre sur la bulle ou, si c'était encore une fois un piège, de s'enfuir. Il trouverait bien un endroit où se cacher ; un moyen de passer dans l'autre camp : cette ville était un vrai gruyère..

La missive, maintenant. C'était bien beau de tirer des plans sur la comète mais il fallait encore se décider quoi envoyer à l'ennemi pour qu'il daigne s'approcher sans tenter un abordage ou une mutinerie. Oui, sauf que Syd' n'avait jamais été entraîné à ce genre de lettres... CV, lettres de motiv'... ok. Mais missives diplomatiques... Nom d'une barque, il avait la tronche d'un de ces pourris de politiciens ? Ce genre de boulot de faux-culs devait convenir parfaitement au matelot Jonh, aussi l'invita-t-il à prendre la plume d'un geste de main cordial et hypocrite.
- Après toi, l'ami ! Je suis pas doué pour ces choses-là alors tu t'en tireras mieux que moi. Enfin « vous », si vous voulez travailler en duo, agrémenta-t-il d'un clin d’œil complice en direction d'Eve. Le but de la manœuvre n'était pas la provocation en soi mais bien de leur faire comprendre qu'il n'était pas idiot et qu'il avait remarqué qu'il y avait baleine sous gravillon. Et si on lui demandait, il n'aurait qu'à sortir une de ces phrases joker suintant de banalité et dégoulinant de vérité vague comme : « l'amour est aveugle », « le cœur a ses raisons que la raison ignore » ou encore « qui se ressemble s'assemble ».

La suite des événements était parfaitement imprédictible, un vrai coup de poker. Le corsaire se sentait pourtant l'âme d'un joueur et était prêt à engager sa mise. Il avait tout pensé alors ça ne pouvait pas mal se passer pour lui.
Le seul obstacle qui le contrariait, il espérait que l'herbe l'aiderait à le surmonter...

On prend la main de quelqu'un et directement cette personne pense qu'on a des sentiments pour elle. Jonh ne put s'empêcher de lever les yeux au ciel, alors que la main d'Eve s'était vivement retiré de la sienne. Qu'elle ait pas l'habitude de ce genre de contact ça se comprenait, vu son caractère, mais elle pourrait être plus sympa.

- Absolument pas

Rétorqua t-il. Il aimait déjà un psychopathe il avait pas besoin en plus d'en aimer une autre. Eve en était une aussi, d'une certaine façon. Une psychopathe de la justice. Jonh préférait tout de même la rassurer sur la nature de leur relation, qui était juste professionnelle.

Le trio arriva enfin au bâtiment de la garnison et Eve s'occupa de demander ce qu'ils étaient venu chercher. Enfin ce que Zeus voulait. Il n'arriverait jamais à s'y faire que les deux autres voyageurs parlent en son nom. On les mena jusqu'à une grande pièce qui devait être là où ça parlait stratégie. Il y avait un jeune soldat qui sembla surpris de les voir. Leur guide lui expliqua la raison de leurs présences.
Le dénommé Iason leur fit donc part des deux possibilités qui s'offraient pour pouvoir respirer sous l'eau. L'un comme l'autre avait des avantages et des inconvénients. Si Sydney décida tout de suite de prendre l'herbe, non sans encore une fois faire jouer sa paranoïa, Jonh ne savait pas vraiment sur quel choix se porter. Cependant le voyageur était loin de savoir se battre. Il était plus pacifique qu'autre chose. A vrai dire il n'écoutait même plus Sydney qui avait encore recommencé son cinéma à vouloir tout maitriser, regardant le papier comme si la lettre allait s'écrire toute seule. Mon dieu il était pas politicien, juste un simple comptable, qui n'avait pas mit les pieds à son travail depuis longtemps.
Il était cependant sans doute le seul ici à avoir un minimum de tact.

- De toute façon on a besoin le plus de temps possible alors tout le monde prend l'herbe

Répliqua t-il. Il ne savait même pas se servir d'une épée alors autant gagner du temps que de le perdre dans quelque chose d'inutile.
Sydney le désigna, comme le dépressif l'avait pensé, pour rédiger la missive. Il ne chercha même pas à comprendre ce clin d'oeil qu'il lança à Eve et s'empara de la plume et de l'encre. A qui l'adresser ? Au peuple ? Au roi ? Au "dieu" ? Jonh ferma les yeux, se pinçant l'arrête du nez pour réfléchir.


Jonh regarda ce qu'il avait écrit, pas certains du tout de ce qu'il avait pondu. Trois avis valaient mieux qu'un.

- Qu'est ce que vous en pensez ?

Demanda t-il en tendant la feuille à Eve et à Sydney.

Les gardes de faction haussèrent un sourcil. Quoi, ils avaient besoin qu’elle leur fasse un dessin ?! Ou bien ils se demandaient simplement pourquoi diantre un dieu avait-il besoin de respirer, mais qu’importe. On finit par les conduire dans une vaste salle où trônait un plan de la cité et de certaines parties de sa Némésis aquatique. Le réalisme de la maquette captiva la détenue jusqu’à ce que le militaire gradé qui s’y trouvait les invite à s’assoir.

Un séduisant jeune homme au casque doré qui semblait bien plus éclairé et alerte qu’on ne pourrait le croire. Eve ne pouvait se détacher de son regard, comme s’il était en train de déchiffrer leur imposture en temps réel. Était-ce possible ?  Après tout, les histoires de divinité, c’était bon pour les rois et les croyants. Un soldat expérimenté ne devait voir en leur trio mal assorti que 3 êtres humains faibles et non armés.

Quoiqu’il en soit, il leur proposa deux solutions différentes comportant chacune ses avantages et ses inconvénients. Aux yeux de la paranoïaque, la plante était stratégiquement plus efficace. D’abord parce qu’ils ne devraient s’aventurer en région sous-marine que si leur demande de pourparler à été acceptée. Dans ce cas, ils devraient s’y présenter de la façon la plus pacifique qui soit. Et quand bien même ce serait un piège, ils auraient sans doute plus besoin de se replier que de se battre.

La jeune femme salua Iason de la tête lorsqu’il les abandonna. Elle voulut ouvrir la bouche pour entamer la discussion au sujet des méthodes proposées, mais voilà que Sydney s’épanchait déjà dans son rôle insupportable. Pourquoi ne lui collait-elle pas son poing dans la figure déjà ? Ah oui, les serpents, les serpents, … elle croisa les bras en attendant qu’il finisse, l’observant de ses yeux de glace, mais ne put résister à l’envie de se lever avant la fin. Elle faisait les cent pas, étirant lentement ses épaules courbaturées, ruminant la rage qui enflammait sa peau. Quant à la remarque sur le fait qu’ils travaillaient en duo, il valait mieux qu’elle lui passe complètement au dessus de la tête.

Le temps que Jonh fasse une première tentative sur la lettre, la russo-américaine se pencha sur la maquette d’Atlantis, cherchant à y apercevoir… quelque chose. Un indice. Une solution. En réalité, leur plan n’était qu’à courte portée. Les atlantes ne voulaient pas partir, les thalassiens non plus. Pourtant, la fatalité était écrasante – sans jeu de mot. L’une des cités s’affaissait sur l’autre. Qu’avaient-ils à proposer comme alternative ? Se pointer au rendez-vous – si tant est qu’ils l’obtiennent – avec rien, c’était ridicule.  

- Hum… ton message peut être perçu comme trop agressif, tu ne crois pas ? commenta Eve en émergeant de ses pensées pour relire Jonh, si les thalassiens se braquent, on s’est fatigués pour rien. Pourquoi pas quelque chose comme « Le peuple Atlante a fait appel à moi pour remédier à un conflit qui ruine leur cité, et la votre. Je souhaiterais pouvoir m’entretenir avec votre dieu, qui a posé un ultimatum au peuple Atlante, pour essayer de discuter avec lui d’un accord pacifique. Je souhaite que ce conflit soit réglé sans la moindre effusion de sang. » Dans ce ton là...

La taularde haussa les épaules. En soit ça pouvait paraître trop solennel, libre à leur représentant de nuancer les propos, mais ouvrir le dialogue de la sorte lui paraissait plus approprié.

- Faut qu’on ait l’air de vouloir convenir d’une paix, pas de chercher à l’imposer, commenta-t-elle laconiquement, et d’ailleurs, je ne crois pas qu’on puisse tous prendre la plante. Quelqu’un devra bien parler une fois sur place. Je crois que c’est ce qu’il a essayé de proposer dans tout son charabia, expliqua-t-elle en désignant Sydney de la main comme s’il s’agissait de l’idiot du village, mais si ça t’embête, je peux prendre le risque de la bulle, moi.

Eve ne savait pas réellement ce qu’elle vaudrait en ambassadrice. En vérité, elle aurait très certainement besoin de son pouvoir qui la transformait en Miss prix Nobel de la paix, mais elle n’avait aucune idée de comment ça fonctionnait. Enfin, elle avait l’impression que ça se déclenchait au mot « vengeance », mais... ?

- Aussi, si jamais leur « dieu » accepte de nous rencontrer… il faut qu’on étudie avant des solutions. Je ne sais pas, on aura peut-être des idées dans leur carte, leurs livres d’histoire, dans les sortilèges de leurs mages, qui sait ?! Mais si on se rend au pourparler sans avoir rien à proposer comme alternatives, ce sera inutile… on aura aucun argument à opposer à quelqu’un qui a déjà les siens : les atlantes partent ou ils meurent.

Eve et Jonh avaient ignoré le pirate, ne l'avaient même pas écouté ; ils l'avaient censuré. C'était réellement frustrant mais normal dans un sens : le jeune couple ne pouvait agir autrement qu'en mettant le capitaine de côté, quand bien même son plan était absolument parfait et plein de raison.
Ainsi, Sydney se retint de leur coller une gifle à tous les deux, se contentant de croiser les bras dans un geste rageur. Les sifflements de ses serpents s'accordèrent pour ne produire qu'un long « ssss », tous crocs dehors, en direction des insolents qui osaient bafouer leur maître dans son intelligence stratégique.

Son sourire hypocrite avait laissé place à de l'incompréhension absolue lorsque Jonh finit par imposer un avis en totale contradiction avec ce que Syd' avait dit, en contradiction avec le bon sens, donc. Prendre la plante tous les trois ?!
Médusé, le paranoïaque écrasa sa main contre son visage en agrémentant le geste d'une série de « non » de la tête, comme s'il eut voulu se cacher de la plus grosse honte de sa vie.
En soupirant, il se leva et fit quelques pas pour se mettre à l'écart du groupe.

- Monde de merde, lâcha-t-il à demi-ton. Qu'on l'ait entendu ou non lui importait peu voire pas du tout. Il avait juste besoin de laisser sortir le dégoût qui s'était accumulé en lui. Les deux imbéciles discutaient paperasse tandis que le corsaire s'éloignait de plus en plus, feignant de ne pas avoir de destination précise. Lentement mais sûrement, il se rapprochait de son but.
Il lui semblait qu'Eve était bien plus secrétaire dans l'âme que Jonh car sa version semblait moins hargneuse, de ce qu'il en avait entendu.

Quand cette dernière fit mention de ce que Syd' avait dit un peu plus tôt – mais que Jonh n'avait même pas pris la peine d'écouter – il se retourna et fit un geste consterné du genre « ben oui : je vous l'avais dit ! ».
Heureusement, il n'avait plus à écouter leurs inepties car il était finalement arrivé à portée du coffre d'où Iason avait tiré le nécessaire épistolaire. Ouvrant la boîte massive sans gêne aucune, il en sortit lui aussi plume, encre et papier qu'il posa sur le coffre une fois refermé. Là, il se mit à écrire une lettre. SA lettre. Son contenu resterait secret pour les autres ; ils n'en sauraient rien.
D'ailleurs, il était même probable qu'il n'ait même pas à s'en servir mais il préférait parer à toute éventualité car s'il prenait l'herbe, il ne pourrait plus parler et quitte à faire passer un message, autant être sûr qu'on puisse le transmettre en premier lieu.

Une fois son acte dissimulateur effectué, il plia soigneusement la missive et la rangea dans sa poche. Un bref coup d’œil en arrière lui permit de s'assurer que les deux autres n'avaient très probablement rien vu.
Un sourire pernicieux aux lèvres, il revint à proximité du duo qui parlait bouquin. Le capitaine leva les yeux en direction du mur rempli de livres qui leur faisait face et fit mine d'aller récolter quelques ouvrages. En vérité, la plupart ne traitait absolument pas du sujet voulu mais Sydney n'en avait cure : ce n'était pas cela qu'il recherchait.
Soigneusement, il empila une petite dizaine de livres en un tas compact et en lança un à Jonh, un autre à Eve.
- Tenez, commencez par ceux-là leur dit-il en lâchant le reste de la pile sur la table avec fracas avant d'en prendre un au hasard et de feuilleter à travers la table des matières.

Peu importe ce que Jonh pouvait lire, ce qui l'intéressait présentement, c'était Eve. Elle avait rattrapé le livre par réflexe et, perplexe, avait tenté de lire la couverture de cuir du petit manuel dont le titre devait avoir capté son attention car elle l'ouvrit. Qu'elle soit tombée sur la première page « Liam Baldwin » ou la dernière « Jonh Matrevis » n'était qu'un détail sans importance car déjà, le pirate avait commencé le compte à rebours. Une fois arrivé à zéro, il claqua des doigts et le petit carnet « Casier Judiciaire » se volatilisa pour réapparaître dans les mains du corsaire qui laissa s'échapper un petit rire moqueur.
- Haha ! C'est toujours aussi facile. Bon ! Voyons voir ça : Eve, Eve, Eve... Où es-tu..? Ah : voilà.
Sans scrupule, il jeta par-dessus l'épaule l'autre livre dont il n'avait plus aucune utilité. Le manuel de positions militaires vint s'écraser sur le sol dans un bruit mat cependant que Sydney lisait déjà la page consacrée à sa collègue :



B. A pardonné à Jonh.
B. A proposé son aide aux Atlantes.
B. A remercié Jonh de lui avoir sauvé la vie.
B. A donné un bonbon a Melvin.
B. A aidé Jonh a écrire une missive diplomatique.


Ce qui frappait à première vue, c'était le caractère d'Eve qui transcendait ses propres actions : tout ou rien... noir ou blanc. Elle était capable du meilleur comme du pire. Et le pire, parlons-en ! Menace, menace, danger de mort, mensonge – bien qu'ils furent tous dans le même bateau sur ce point-là – et...
La dernière mauvaise action fit tiquer l’œil de Sydney dont le visage blêmit perceptiblement. Il leva lentement les yeux vers ses compagnons, les passant en revue l'un l'autre par-dessus son carnet que ses mains tremblantes n'auraient pu ni abaisser, ni lâcher. Il fixa ses yeux sur l'alignement relationnel d'Eve : « ennemie ». C'était la première fois qu'il lisait ces lettres dans son livre et s'il ne s'en étonnait pas vraiment, faire face à la réalité objective faisait toujours un choc : il avait une ennemie mortelle à quelques mètres seulement de lui.

Il la regarda d'un œil vide et lut à haute voix la dernière ligne de la page « Eve » :
- « A insisté auprès de Jonh pour assassiner Sydney »... Il ne la quittait pas des yeux ; ses serpents non plus. Tous braqués dans la même direction, alertes et prêts à bondir sur leur proie, ils semblaient dire de manière univoque : « si tu approches, nous te tuerons ».
Le pirate repris d'une voix encore plus lente et grave :
- Si c'est vraiment toi ou moi, alors je m'assurerai que ce soit moi qui survive.

Sur ces mots, il ferma violemment le Casier Judiciaire dont le bruit sourd résonna dans la pièce vide avant que ce dernier ne se dématérialise. D'une main, Sydney empoigna sa dague ; de l'autre : le fouet. Il s'assura d'adopter une posture qui ne laissait aucune place à l'équivoque : il n'avait aucune intention d'attaquer... mais s'il devait se défendre, il le ferait sans hésiter. Son regard toujours vide paraissait fou. A vrai-dire, c'était vrai : Sydney Miles venait de mourir un petit peu, de perdre pied totalement avec la réalité. C'était comme s'il flottait dans un vide insidieux et se laissait porter, submerger par les vagues de sa folie dangereuse. La raison ne répondait déjà plus, seules les émotions guidaient ses gestes ; ses sens décuplés par la sensation de danger lui donnaient une sorte de sixième sens, comme s'il avait tout d'un coup été capable de voir à 360° : il était en-dehors de lui-même et présent à la fois. Incapable de dire un seul mot supplémentaire, incapable de bouger, il resta là à fixer la paranoïaque comme si le moindre mouvement de sa part signifiait un danger mortel imminent.

Quand Jonh avait pensé qu'il était pas doué pour rédiger des lettres, il avait eu raison. Pour lui son texte n'avait rien d'agressif mais si Eve avait dit le contraire, en sachant que niveau agressivité c'était une experte, alors il fallait le remanier. Le voyageur comprenait où elle voulait en venir et hocha la tête.

- Je crois que je vois ce que tu veux dire

Son ordre de tous prendre la plante était plutôt venue du fait qu'il en avait assez des monologues de Sydney qui ne pensait qu'à sa poire. Toutes les actions menés par le pirate seraient pour sa propre survie, il ne fallait pas l'oublier. Cet homme serait même capable de les trahir si il fallait pour sauver sa peau, passer dans les rangs des Thalassiens aussi. Jonh secoua la tête, il n'était pas question que Eve ou lui prenne des risques à sa place.

- Ma décision était ridicule, je prendrai le risque de la bulle et en cas de soucis vous pourrez vous enfuir

Enfin il espérait pas non plus crever au fond de l'eau, quoique au moins il aurait plus besoin de mentir vu qu'il serait mort. Finalement qu'il arrive à convaincre les Thalassiens ou non, les deux résultats lui plaisait.
Eve proposa de se documenter sur les Thalassiens. C'était une bonne idée mais en même temps il suffisait de demander aux soldats qui les avaient déjà vu de près. Sydney leur balança soudainement des livres, sans doute les avaient ils écoutés en silence. Jonh regarda le titre du bouquin et fronça les sourcils.

- Euh Sydney c'est un peu hors sujet...

Commenta t-il avant de lever son regard au même moment où le pirate claquait des doigts et qu'un carnet se téléportait dans sa main. Jonh haussa un sourcil avant de regarder Eve. Il avait peur de comprendre ce que contenait ce bouquin, et aussi de la réaction de sa camarade en apprenant qu'elle s'était fait royalement avoir.
Sydney lu une phrase à voix haute, qui était tout à fait vrai...Mais en même temps QUI ne voudrait pas faire taire le paranoïaque ? En tout les cas cette nouvelle avait un effet négatif sur le pirate qui menaça Eve avant de sortir sa dague et son fouet. Si il n'était pas en position d'attaque il était clairement sur la défensive.
Jonh passa une main dans ses cheveux avant de se mettre entre les deux autres.

- Personne ne tuera personne ! On est tous les trois dans la merde, qui ne plaît à aucun de nous alors putain faites un effort pour arrêter de vous entretuer ! JE n'oblige ni l'un ni l'autre à venir avec moi si l'ennemi veut bien un rendez vous ! Je peux très bien dire au roi que je vous ai ordonné de rester ici au cas où ! Alors Sydney arrête de penser que l'on va te tuer dans la seconde ! Tout le monde à des envies de meurtres mais ce ne sont que des envies, jamais des passages à l'acte ! Alors maintenant tu t’assoies pour que l'on puisse finir cette putain de lettre

Jonh se dirigea ensuite vers le coffre que Iason avait ouvert avant d'en extirper une nouvelle feuille. Il se tourna à nouveau vers le pirate.

- Et la prochaine fois que tu utilise l'un de tes pouvoirs sur nous en bâtard je te foudroie, est ce que c'est clair ?

Il était clairement pas content, et si son ton ne suffisait pas pour le faire comprendre, le nuage noir au dessus de sa tête était très clair.

Eve avait haussé les épaules, mais ses yeux sans reflets étaient restés fixés sur Jonh quand il avait affirmé prendre le risque de la bulle. Lui ? Prendre un risque pour elle ? Était-ce un nouveau stratagème pour la poignarder dans le dos ? Elle ne savait plus trop. Il avait été capable du meilleur comme du pire à son égard mais dans son encéphale de paranoïaque, les murmures vicieux parlaient à haute voix. Et s’il prévoyait un grand coup ? S’il cherchait à l’amadouer pour l’immoler quand elle baisserait sa garde ? Laisser au dépressif la responsabilité de la bulle, c’était comme lui faire aveuglément confiance. Lui seul aurait la parole, lui seul pourra plaider la cause d’Atlantis, ou bien se joindre aux thalassiens aux cotés de l’autre traître de pirate.

D’ailleurs, le voilà qui faisait de nouveau parler de lui à grand renfort de livres épais et poussiéreux. Quoique. Le premier qu’avait attrapé la russo-américaine n’était pas si gros, ni si vieux. La bête dans ses entrailles frémit, comme si elle guettait un danger, mais ses mains ne l’écoutèrent pas. Elle se saisit du cassier judiciaire et l’ouvrit. Ses yeux étaient arrivés sur la page de « Liam Balwin ». A cet instant, la vision se brouilla, remplacée par une nappe rouge sang, faite de haine et de folie.

Dire qu’elle avait eu… disons l’esquisse de l’ombre d’un espoir que Sydney y mette enfin du sien pour participer à leur mission, mais non. Il avait ouvertement abattu la carte de la trahison et avec Eve, ce chemin était irréversible. Le rouquin avait beau se mettre en position défensive armé de tout son attirail neuf, elle lui faisait fasse, immobile. On pourrait presque voir la fureur noire glisser sur sa peau, la démence glacée faire frémir ses lèvres. Son cerveau s’était comme éteint, ne laissant en marche qu’une seule fonction : celle qui était capable d’estimer qu’il avait beau être armé, elle avait largement le temps de l’atteindre et de lui éclater la gueule à coup de poing. Oh oui ses serpents la mordrait, oh oui il la planterait ; mais ça ne sera qu’une victoire de courte durée : jusqu’à ce qu’elle lui ouvre le crâne à main nues.

La jeune femme allait s’élancer quand Jonh s’interposa, comme une interférence dans son monde qui s’effritait à vue d’œil.

- Pousse… toi…, réussit-elle à articuler, mais le dépressif l’ignora.

Le voilà qui faisait l’ambassadeur. Putain mais il ne comprenait rien à rien ! Ce type était mauvais jusqu’à bout de ses bouclettes de pirate en toc. C’était un lâche doublé d’un traître. Pas de parole, pas de foi, rien. Il ne méritait ni compassion, ni soutien, ni chance. Il aurait du être exécuté dès l’instant où Kostas l’avait demandé, maintenant, il était sûrement trop tard. Zeus ne pouvait certainement pas revenir sur sa parole, au risque de passer à nouveau pour un usurpateur.

Il fallut à la détenue toute la force de sa volonté pour retrouver une brèche vers la raison, favorisée par Jonh qui parlait de sa lettre. Ses mains tremblaient encore, son corps était encore pris dans la glace de la folie, mais elle parvint à articuler alors que le nuage noir au dessus de la tête divine grondait :

- Il ne vient pas avec nous.  

Elle risquait à son tour la colère du dépressif ? Qu’importe. Ses yeux marron dont l’impassibilité était brisée par la démence s’étaient tournés vers lui. Fous.

- T’es aveugle ou quoi ?! Tu te rends pas compte que c’est un putain de malade mental sans scrupule ? Tu viens d’en avoir une preuve, merde, qu’est-ce qu’il te faut de plus ?! Qu’il nous égorge pendant la nuit ? Il ne joue que pour lui, c’est signé, je refuse de l’emmener en mission avec nous, il fera tout foirer. J’irai seule s’il faut, mais je refuse de risquer ma vie parce que ce con est venu.

Ça y est, elle retrouvait sa capacité à bouger, mais elle avait envie de se jeter sur Sydney chaque fois que son regard croisait sa silhouette.

- La diplomatie a ses limites Jonh. Tu devrais le savoir. Tu sais… un peu comme quand tu m’as balancé au passeur pour qu’ils me passent à tabac à 10 contre 1.  

D’un coup, elle se dirigea vers la porte, sa chevelure noire battant son pas rapide. Il s’attendait à quoi Zeus ? Qu’ils se serrent la patte en s’excusant ? Qu’ils se jurent allégeance le temps d’une mission ? Non. Elle avait déjà fait équipe avec des ordures finies du type Liam ou George. Ça mettait ses nerfs à rude épreuve, mais ça avait pu se faire. Là, c’était tout bonnement impossible qu’elle daigne ne serait-ce que partager un thé avec Sydney.

- Je me casse d’ici. Je me casse parce que si je reste une seconde de plus dans cette pièce, ce seront pas ses serpents et sa dague qui m’empêcheront d’étaler sa cervelle sur les beaux livres atlantes.

La russo-américaine passa la porte sous les yeux du garde et disparut dans le couloir. Elle ignorait les regards, comme les voix qui s’élevaient sur son passage. Enfermée dans un cocon de haine assourdissante, elle s’était enfoncée au hasard dans l’effervescence de la ville atlante jusqu’à être plus perdue que jamais.

Putain. Pourquoi elle n’avait pas pu atterrir n’importe où ailleurs que sur une ile immergée. Eve eut l’impression de reprendre conscience quand elle se vit assise à même le sol dans une ruelle locale, dos à un mur, une clope allumée entre les doigts. Au moins, ni Jonh ni Sydney ne la retrouverait facilement ici.