♫ Sous l'océan ♪

Jonh s'était interposé entre le pirate et la paranoïaque dans l'espoir de calmer le jeu mais Sydney demeurait inatteignable ; ses yeux avaient à peine bougé, comme si ces derniers cherchaient à voir leur cible à travers le médiateur improvisé qui leur faisait obstacle.
Pourtant, cette interruption dans la continuité de sa vue permit au pirate de se ressaisir partiellement. Le « bip » tant attendu avait retentit dans le crâne du pirate au moment où Jonh s'était interposé et ce que le pirate décrypta des pensées d'Eve était on ne peut plus clair : sans l'intervention du dépressif, elle se serait jetée sur lui sans savoir qu'il avait toujours un coup d'avance dans ce genre de plan ridicule.

Encore frissonnant sous l'effet de l'adrénaline, il leva lentement les yeux pour croiser le regard du dépressif qui venait en renfort d'Eve, accusant le pirate de tous les maux. C'était si prévisible que le mâle défende sa femelle : un mécanisme que les animaux maîtrisaient déjà depuis l'aube des temps. Pour autant, Sydney ne comptait pas lui pardonner à lui non plus. Après tout, le Casier Judiciaire n'avait pas fait mention de la réponse de ce dernier vis-à-vis des insistances meurtrières d'Eve. Avait-il dit oui ? Très probablement. Il faisait juste bonne figure pour inciter le pirate à baisser sa garde mais ça ne fonctionnerait pas.

Il ne s'assit pas lorsque Jonh le lui ordonna. A la différence des Atlantes, Syd' savait ce qu'était le dépressif... et ce qu'il n'était pas. Et il n'était pas en mesure de lui imposer quoi que ce soit.
Hors de question de s'asseoir docilement alors que la tornade Eve était en furie, visiblement prête et impatiente de décapiter le capitaine parano'.
Cependant qu'elle déversait sa haine envers Sydney par le biais indirect d'un discours adressé à Jonh, la bolchevique crachait également son venin sur son interlocuteur en faisant état d'une sorte de trahison dont Sydney prit bonne note, se décrispant un peu et desserrant l'étreinte de ses poings sur le coupe-papier et le fouet. Leur couple n'était pas aussi solide qu'ils voulaient le faire croire et il ne faudrait pas hésiter à jouer sur cette faiblesse pour garder les choses sous contrôle.

Finalement, Eve prit la clé des champs, certainement suffisamment intelligente pour comprendre qu'elle n'aurait aucune chance contre le pirate. Celui-ci la regarda partir d'un air satisfait sans qu'il fut rassuré pour autant ; elle reviendrait tôt ou tard, il ne fallait pas imaginer qu'elle allait le laisser tranquille mais qu'elle utiliserait plutôt ce temps supplémentaire qu'elle s'accordait pour ourdir un plan contre lui. Il en ferait de même.
Le pouls ahurissant du pirate ne se calmait pas et s'emballa même à nouveau lorsque Jonh le menaça.
Haineux, il se tourna vers le dépressif et lui brandit rageusement son avant bras orné du majeur dressé, orné de ces quelques mots délicatement sélectionnés :
- Va te faire foutre, Zeus !

Le nuage orageux qui planait au-dessus de Jonh semblait plus sombre et menaçant que jamais mais Sydney était encore trop aveuglé par la colère pour que cela le dissuade de conserver son attitude que la paranoïa rendait excécrable.
- Ta foudre ne m'empêchera pas de te buter avant que tu ne me tues. J'ai bien compris que depuis le début vous vouliez m'exclure mais pas de bol pour vous : je suis là jusqu'à ce que l'un ou l'autre camp accepte de me faire remonter à la surface. Si t'en as marre de ma tronche, t'as qu'à chercher un moyen de m'aider, matelot.

En signe de coopération, le corsaire rangea sa dague et son fouet – mais conserva sa couronne de Méduse, bien entendu. C'était une perche qu'il tendait en direction de Jonh ; encore une fois. Une autre proposition de coopération pour le plus grand bien commun où chacun aurait ce qu'il veut pour peu qu'on y mette du sien.
- Je vous sers à rien ? Parfait : aide-moi à partir d'ici au plus vite et je te promets de ne pas chercher à croiser ta route à l'avenir. On a un deal, matelot ? Moi je demande que ça, pas d'entourloupe. Par contre, ajouta-t-il rapidement en levant l'index du conditionnel, je trouve que je t'accorde beaucoup ma confiance mais que tu t'arranges trop souvent pour me le faire regretter. Alors c'est ta dernière chance, Jonh Matrevis : si tu refuses ce marché ou que tu me fais regretter ma proposition sincère et pacifique une fois encore, alors tu auras ta guerre. Et je pense que ça va pas bien se finir pour ton navire et ta petite copine.

La chevelure reptilienne du pirate sembla s'apaiser légèrement, permettant implicitement à Jonh de pénétrer dans le périmètre de sécurité instauré par le corsaire ; ce dernier tendit sa main en direction du dépressif sans décrocher son regard du sien.
Comme la main ne venait pas assez vite à son goût, Sydney matérialisa son Casier Judiciaire dans sa main restée tendue. Il tendit le petit livre à la couverture de cuir et l'ouvrit à la première page : « Liam Baldwin ».
- J'ai rencontré cet homme pendant un job. On avait un troisième collègue pas très coopératif qui nous a trahi une fois. Liam n'a pas apprécié : il l'a tué sans hésiter. C'était pas très cool mais il l'avait bien cherché. Moi, je me trouve sympa de faire autant d'efforts pour vous et d'accepter de me faire marcher sur les pieds.
Il tourna les pages et arriva à celle de Jonh, montrant au concerné le contenu du carnet.
- Pour avoir fait ce que tu as fait, t'es pas non plus quelqu'un de très honnête alors je pense pas que tu puisses me faire la morale.

Le carnet se dématérialisa à nouveau, retournant comme il était apparu dans le plan dimensionnel inconnu auquel il devait appartenir.
- Mais je m'égare... Je réitère ma proposition amicale : une trêve entre toi et moi en échange d'un coup de main. Simple, non ?
Il tendit à nouveau la main que le carnet ayant disparu venait de libérer et haussa un sourcil insistant à l'adresse de Monsieur Météo.
La décision finale appartenait donc à Jonh. Quant à Eve, le pirate se disait qu'il réglerait ça éventuellement en temps voulu mais que son avis sur le marché qu'il s'apprêtait à passer était sans importance et de toute manière rendu caduc par son absence.

Contrairement à ce que l'on pouvait croire, Sydney était d'accord avec sa Némésis sur un point : la diplomatie a ses limites et ils les atteignaient, justement. Dommage de devoir en arriver à un tel ultimatum mais c'était leur faute : c'étaient eux qui avaient rendu la situation si compliquée, pas Sydney. Si tout s'était déroulé selon son plan, ils seraient probablement déjà en lieu sûr, loin d'Atlantis et de cette guerre dans laquelle ils n'avaient rien à voir.
Le paranoïaque ne voyait aucune raison de se mêler à ça et donc aucune raison légitime de rester au fond de l'océan. Aider les autres n'était pas son apanage et si Jonh avait une meilleure proposition à faire, une proposition autre que celles faisant appel au devoir moral de sauver les Atlantes, qu'il propose donc ! L'important était de s'assurer le soutien d'au moins un des deux autres membres du groupe et le meilleur parti était aussi le moins inaccessible.

Tout ne se passait pas comme il l'avait prévu. Juste de pouvoir calmer les deux autres. Mais plus Jonh essayait de faire que leur équipe tienne la route plus cette dernière finissait hors piste. Il essayait de faire abstraction du caractère insupportable de Sydney et de celui qui s'emporte d'Eve. Cependant ses paroles pour calmer le jeu ne firent qu'énerver la brune qui se mit à lui crier dessus. C'était à présent Jonh qui contenait sa colère tant bien que mal. Les poings serrés il écoutait. Oui, il savait que Sydney n'était pas un partenaire des plus fiables mais sa conscience ne l'autorisait pas à le laisser moisir ici. D'autant plus que le laisser seul était aussi risquer que de l'emmener avec eux. Et alors inutile d'exprimer encore une fois ses regrets pour cette histoire de balance de sa part. Eve n'arriverait jamais à comprendre qu'il n'avait pas eu le choix. C'était soit elle soit eux trois, et pas sur que si il avait gardé la trahison d'Eve pour lui, ils seraient encore de ce monde.

- Putain mais essaye de comprendre !

Mais Eve était déjà partie, ce qui finit par mettre en rogne Jonh, allant chercher du nouveau papier à défaut de frapper sur quelqu'un qui se trouvait encore dans cette pièce. Si Sydney n'avait pas eu l'heureuse idée de se servir de son pouvoir sur Eve, ils auraient pu sagement continuer leur plan. Mais non ce débile était vraiment irrécupérable. Raison pour laquelle, il menaça le pirate de ne plus faire ça. Bien qu'il serait impossible pour lui de tuer le voyageur, dans le sens qu'il n'était pas un meurtrier, il était cependant sincère.
La paranoïaque l'envoya se faire foutre avec le beau geste qui allait avec, provocation qui ne faisait qu'alimenter encore plus sa colère. Plus il l'écoutait, plus Jonh avait vraiment l'impression que l'autre ne voulait bien comprendre que ce qu'il désirait. Sa propre traduction.

- Ce que tu n'arrive pas à comprendre, c'est que l'on veut prendre aucun risque pour faire foirer notre plan, et c'est pas contre toi...Putain je sais même pas pourquoi j'essaye encore de t'expliquer !

Sydney avait rangé ses armes. Une façon de dire qu'il était prêt à discuter ? Un acte qui calma un peu le dépressif, croisant les bras pour faire signe qu'il écoutait. Le pirate était prêt à faire un deal, l'aider à sortir d'ici en échange de ne plus le revoir. Il manqua cependant de s'étouffer lorsque il parla de sa "petite copine".

- Ma quoi ? Ok, déjà Sydney soyons clairs si on veut faire un marché : Eve n'est pas ma copine, ce n'est même pas une amie, je ne sais pas où tu es allé chercher ça !

Si lui aussi s'y mettait à imaginer des choses, il était pas sortie de l'auberge.

- Et désolé si j'ai brisé ta confiance plusieurs fois, c'était involontaire...Tout ce que je veux c'est partir d'ici, tout comme toi...Mais sans laisser les Atlantes à leur sort

Sydney avait tendu sa main vers lui mais Jonh n'avait pas vraiment envie de la saisir, pour voir des choses qu'il ne devrait pas. C'était épuisant. Le pirate fit alors apparaître à nouveau son cahier avant de lui tendre. Jonh pu lire "Liam Baldwin" et un sourire discret apparut deux secondes sur les lèvres du dépressif. A croire que quelqu'un l'avait finalement prit comme modèle. Son interlocuteur lui expliqua qu'il avait croisé une fois l'ancien taulard, et que ce dernier n'avait pas hésité à tuer la personne qui l'avait trahie. Ca ressemblait bien à du Liam.
La page suivant concernait directement Jonh. Et ce dernier parcourut les quelques lignes avant de sourire. Ah bah tout ça il l'avait fait avec Liam justement.

Sydney revint sur le sujet initial et Jonh n'avait de toute façon pas le choix. Une fois Sydney là haut, il se débrouillerait seul ou avec Eve de la suite.

- Ça marche, je t'aiderai à sortir de l'océan

Le voyageur tendit sa main vers celle du pirate lentement, comme si il avait peur de le toucher. Ce qui en soi n'était pas faux, mais il était certains que l'autre se méprendrait à nouveau là dessus. Il lui serra brièvement la main, mais néanmoins assez fortement. Un contact qui suffit au pouvoir de Jonh pour se déclencher. Il essaya de faire abstraction de ce souvenir horrible qui n'était pas le sien mais son nuage qui était passé au gris pluvieux le trahissait.

- Et je connais cette personne que tu as rencontré...Même plutôt bien...On a voyagé ensemble. Le problème Sydney avec ton carnet c'est qu'il te manque le contexte...Cette histoire de bombe c'était avec Liam. Alors oui je ne suis pas un exemple de pureté, j'ai fait des actes répréhensibles et dieu sait que je les regrettes...

Avoua t-il d'une voix tremblante qu'il tentait de maitriser. Il aurait pas dû lui serrer la main. Jonh se racla la gorge.

- Alors, une idée de comment te faire remonter à la surface ? est ce que tu penses que deux heures à nager comme les poissons seraient suffisants ? Si tu crains que la plante soit mortel on peut d'abord la tester sur un cobaye

Eve allait le tuer si elle apprenait qu'il était en train d'aider Sydney à s'échapper. Mais c'était elle qui était partie en claquant la porte et sans doute était elle partie se planquer dans un endroit pour être introuvable.

En réalité, sa clarté d’esprit était un leurre. La haine froide avait laissé place à la paranoïa pure. Prises de tremblements incontrôlables dans la ruelle atlante, Eve tirait sur sa cigarette comme si la nicotine allait lui apporter une réponse. Ou comme si elle pouvait la foudroyer sur place, au choix. C’était un coup monté. Ce type là, qu’ils appelaient le Marchand de sable. Il avait prévu qu’elle serait coincée ici avec le bras droit de Liam et la pire espèce de lâche. Et puis les atlantes… belle histoire hein ?! Les thalassiens, le dieu qui invoque des monstres marins, … en attendant, le seul monstre marin qu’elle avait vu d’un peu trop près, c’était le Kraken. Et qui contrôlait le Kraken ? Kostas.

Merde. Sa clope était finie. Il lui en fallait une autre. La jeune femme l’alluma de ses mains hésitantes, parasitées par la folie. En résumé, elle était prisonnière d’une cité toute entière qui lui cachait quelque chose. D’ailleurs, et si le « conflit » au sein de leur trio n’était pas un scénario improvisé de toute pièce par Jonh et Sydney pour la mettre à part ? Oui c’est ça… ils devaient être tranquilles désormais, fomenter leur petite opération et se tirer sans elle. Putain. Dire qu’elle y avait cru à ces histoires…

Quelle option elle avait désormais ? Remonter à la nage était inenvisageable, retrouver ses comparses non plus, se livrer encore moins. Se réveiller. Quitter cette prison onirique pour rejoindre celle faite de béton et de barreaux. Au moins, il ne lui restait que quelques heures à tirer. Quelques heures avant d’être libre…

Elle éjecta la cendre d’un air absent. Il restait aussi une autre solution. Une annonce quelle avait vu dans un vieux journal il y a de cela assez longtemps. Un type appelé hum… Billy the kid ? Bobby the kid ? Elle ne savait plus trop. En tout cas, c’était quelqu’un qui se ventait d’être capable de tirer n’importe qui de n’importe qu’elle situation. Il était peut-être temps de vérifier que ce n’était pas de la publicité mensongère.

Dans un soupir, elle souffla la fumée de son cancer en tube. Ça la faisait juste chier d’appeler à l’aide comme une jouvencelle en détresse… un filet de raison lui suggéra de faire un effort pour travailler avec Sydney, elle l’étrangla aussi tôt. C’était impossible. Elle le sentait. Il lui nuirait obligatoirement. Il l’avait même déjà fait et il y avait des années qu’elle avait appris à ne pas tendre l’autre joue.

Sans réellement qu’elle ne sache pourquoi, les pensées de la détenue se tournèrent vers Rochel. Lui et sa faiblesse, sa gentillesse démesurée, sa tolérance. Cet homme qui s’était occupée d’elle alors qu’il ne la connaissait pas quand il l’avait découverte rouée de coups ; cet homme qui ne l’avait jamais menacée malgré ses provocations ; cet homme qui l’avait respectée. Bizarre. Eve avait envie de le retrouver, de le revoir. Elle haussa les épaules en se relevant. Ce n’était certainement pas réciproque.

Sa crise paranoïaque semblait se calmait un peu alors qu’elle écrasait son mégot. A défaut de retourner voir ses « alliés », elle pouvait essayer de tirer certaines choses au clair. Qui sait, les atlantes ne savaient pas pourquoi leur île coulait, mais peut-être que quelque chose leur avait échappé. Si la russo-américaine trouvait quoi, peut-être entreverrait-elle l’ombre d’une solution. Si ça ne menait à rien et bien… elle se serait au moins occupé l’esprit. Dans tous les cas, elle se doutait qu’elle recroiserait Jonh et Sydney bien assez tôt.

Quand elle s’aventura hors de sa cachette, ses yeux glacés scrutaient les environs, comme si d’un moment à l’autre, une armée pouvait lui tomber dessus. La vision d’un dépressif ou d’un pirate embusqué l’obsédait jusqu’à inonder ses nerfs optiques. Il fallut qu’elle ferme les paupières, mais ses deux ennemis la poursuivaient dans l’obscurité.

- Merde…, souffla-t-elle.

Bien plus brusquement qu’elle ne l’aurait voulu, elle arrêta une jeune femme qui passait pour lui demander d’une voix mal assurée s’il y avait une bibliothèque quelque part. Si on lui répondit, c’est bien parce qu’il s’agissait d’un disciple de Zeus. Son visage n’inspirait pas la confiance. Torturée par la sensation qu’elle allait se faire poignarder dans le dos d’un moment à l’autre, Eve suivit péniblement les instructions qu’on lui donnait pour enfin pénétrer dans une magnifique bâtisse. Le confinement qu’offraient les rayons était à la fois rassurant et obsédant. Et s’ils étaient déjà là ? Ils pourraient l’encercler si facilement…

- Bon alors…, murmura-t-elle en s’asseyant à une table en portant deux premiers bouquins, l’Histoire d’Atlantis ou le Conflit thalasso-atlante en premier ?

Avant toute lecture néanmoins, une chose s’imposait : un coup d’œil circulaire pour s’assurer que ni Jonh ni Sydney n’était prêt à lui sauter dessus.

Le langage est une chose fascinante : il traduit, il exprime, signifie et fait comprendre de la même manière qu'il trahit, sous-entend, limite et mène à l'interprétation. Ainsi, un « nous » peut avoir plus d'un sens. Et c'était le cas ici quand Jonh parlait de « notre » plan. Ici, « nous », c'était « eux » pour Sydney. Mais pour la bonne cause, magnanime, il accepta de passer outre cet énième affront à son intelligence et à sa personne. Sa main tendue attendait, impassible et immobile, qu'un contact vienne conforter le pirate dans son idée qu'il était encore possible de garder les choses sous contrôle pour peu qu'Eve ne cherche pas à tuer ou dénoncer tout ce qui ne lui plaît pas.

A la remarque offusquée de Jonh sur sa relation avec la paranoïaque, le capitaine hocha la tête avec un sourire à la fois complice et amusé sur le coin des lèvres.
- « Pas ta copine », ok, ok : je pige. On n'en parle plus.
C'était évident qu'il y avait baleine sous gravillon : on ne tient pas la main d'une personne comme ça, sans raison, à moins d'être en maternelle. Là encore, Sydney ferma les yeux. Certes, cela relevait de la sphère privée et il comprenait que Jonh soit mal à l'aise face à ses sous-entendus qui pouvaient être considérés comme une invasion indécente. D'un autre côté, tous ces petits points faibles étaient autant de points sur lesquels Sydney pouvait faire pression et il ne se gênerait pas de l'utiliser s'il se retrouvait dans une occasion où cela lui serait favorable.

A la longue, le regard insistant de Jonh sur la main de Sydney le rendit mal à l'aise à son tour. Ce manque de confiance induit par le comportement visiblement troublé de Jonh réussit à faire baisser les yeux du pirate en direction de son membre. Il avait du sang sur la main ou quoi ? Aurait-il empoigné sa dague du mauvais côté, celui où il n'y avait malheureusement pas de manche ?
Pourtant non, alors le capitaine ne comprit pas. Il mit ça sur le coup de la couronne et des armes qu'il portait et qui devaient, à coup sûr, le rendre assez intimidant.

Enfin, le verdict tomba : Jonh acceptait. Impossible de lui faire abandonner son idée stupide de prêter main forte aux Atlantes mais au moins, les deux voyageurs pouvaient avoir une relative confiance l'un envers l'autre du fait de cette trêve entre eux. Satisfait, Sydney serra la main pourtant fuyante de Jonh et cette sensation d'étreindre un fantôme lui laissa un goût amer. Ok, c'était plus un ultimatum qu'un marché cordial et ça n'était pas joyeux... m'enfin il y avait des limites, quoi ! C'était pas la mort non plus !

Décontenancé de remarquer le changement radical d'humeur, le pirate ne put rien ajouter. Il... Il chialait ou quoi ?!
Syd' aurait voulu lui demander ce qui se passait, si c'était l'émotion ou s'il était passé en mode full-gogole. Pleurer pour si peu... Et dire que ce type était plus jeune que lui de seulement 3 ans..
Ne sachant pas vraiment où se mettre, le corsaire décida de rester planté sur place à écouter son collègue tout en faisant mine de n'avoir rien remarqué. Dans sa tête, en revanche, l'étiquette « maniaco-dépressif » venait délicatement se coller sur le front du dépressif. Pour une fois, Sydney avait vu juste en quelque sorte, même si l'analyse derrière sa conclusion correcte était fausse.

De toute façon, ça n'était pas important. Ce qui était réellement important, c'était ce que Jonh venait d'apprendre à Sydney sur son propre pouvoir. En effet : les pages du Casier Judiciaire ressemblaient davantage à une énonciation de faits vus à travers le prisme de la neutralité absolue. Aucun jugement, aucun sentiment, seulement les faits sans rien savoir de ce qu'il y a autour.
- 'Manque le contexte, hein ? répéta le paranoïaque pour lui-même. Si c'était vrai, il fallait cependant remarquer que Jonh ne le lui avait pas donné non plus. Il avait juste ajouté une nouvelle donnée en corrélation avec sa propre page. Déçu de l'attitude de Liam, le fait que ce dernier soit impliqué dans ce genre d'histoire ne l'étonnait que peu, à l'inverse. Qu'ils soient deux ou trente-six, il n'en demeurait pas moins que Syd' ne savait toujours pas pourquoi ils avaient fait cet attentat. On a beau signer pour une trêve, la réalité vous rattrape bien vite en vous précisant « on a pas signé pour ouvrir les dossiers confidentiels ». Ok, d'accord. Cool. Sympa. Ok. Bref~

- Deux heures ? C'est-à-dire que euh... Comment formuler ça clairement ? Je pense que la profondeur et la distance ne sont pas vraiment un problème... le temps non plus, en fait. C'est juste que le 'problème' est autre part. Il tourna autour du pot de cette manière pendant au moins une bonne minute avant d'oser croiser le regard visiblement ennuyé du dépressif. Raclant sa gorge à son tour comme si ça allait l'aider, il prit une inspiration profonde et sortit ce qu'il avait à dire sans détour :
- .. …. … ….. ...
Son collègue le regardait à présent avec un air d'incompréhension totale. Avant que ce dernier lui fasse l'affront de répéter plus fort ce qui était sorti à -2 décibels, le corsaire se reprit, vexé :
- Je sais pas nager! Là, voilà, c'est dit !
Bras croisé, il semblait bouder, profondément gêné d'avoir dû révéler son complexe. Mais après tout, si les pirates avaient des bateaux, c'était peut-être justement parce qu'ils n'aimaient pas l'eau tant que ça, sans quoi ils eussent nagé et non navigué !

Il réfléchit quelques instants et fut forcé d'admettre que :
- En fait, je pensais pas que tu serais d'accord alors j'ai pas vraiment réfléchi à la suite du plan. Je pensais juste aller voir les Thalassiens et leur demander mais à part ça... Et c'est pas dit qu'ils m'écoutent. Quelques jurons fusèrent tandis que Sydney se pinçait l'arête du nez. Le regard résolu de son collègue était on ne peut plus explicite : il n'avait vraiment pas l'intention de partir d'ici avant d'avoir sauvé les Atlantes jusqu'au dernier alors lui demander de l'aider à remonter était inconcevable.
- Admettons que je t'aide à faire ton bon samaritain jusqu'à ce qu'on me trouve un moyen – meilleur que celui de nager jusqu'à la surface – de partir d'ici... Et attention, hein : je fais pas ça de gaieté de cœur ! Bref : admettons que je t'aide bla bla bla. Je peux te faire confiance pour ne pas essayer de me tuer et faire en sorte que Miss Folle-dingue ne s'en prenne pas à moi ?

Le boucanier sous-entendait bien évidemment par-là que si trêve il y avait, il attendait de Jonh qu'il sache tenir en laisse sa pit-bull vindicative. S'il était en mesure de le lui promettre, alors Syd' ferait ce qu'il pourrait pour ne pas leur causer de problèmes. Qui sait ? Peut-être même qu'il se risquerait à ôter sa couronne de Méd-.... ouais, non. Ça, non. On est pas chez les Bisounours, ici !
C'était tout sauf un jeu. C'était tout sauf une histoire dont il était le personnage et dont le gentil narrateur faisait son possible pour que rien ne lui arrive : c'était Dreamland et absolument tout pouvait arriver. Comme un Kraken. Alors la couronne, c'était bien plus qu'une option.

- Bon, pour la lettre, j'étais honnête : je suis pas doué pour les discours de ce type alors on va dire que la version d'Eve est ok. En parlant d'elle, matelot, tu as une idée de l'endroit où elle a pu aller?
Il agrémenta sa question d'une série de regards suspicieux dans toutes les directions, des fois que la concernée soit encore là, simplement tapie dans l'ombre et prête à bondir sur sa proie tel un prédateur sans pitié. C'était comme une araignée : le pire, c'est pas quand on la voit... C'est quand on ne la voit plus. Et là, pour le coup, le pirate en venait presque à regretter que cette dernière ne soit pas restée à portée de vue car le stress qu'il avait éliminé en concluant son pacte de non-agression avec Jonh, il le regagnait à présent car il faudrait bien sortir d'ici un jour ; aller confronter les Thalassiens et entamer les négociations. Elle, elle serait présente aussi. Avec quel état d'esprit ? Avec quel plan retors derrière la tête..?

Allez savoir si Sydney le croyait en ce qui concernait Eve, mais le dépressif ne pouvait pas être plus honnête. Il ne portait pas particulièrement la jeune femme dans son coeur, pas non plus qu'il la haïssait. A vrai dire c'était bien un sentiment qu'il avait du mal à émettre à part pour lui même. Enfin, il était tout de même satisfait que le pirate n'insiste pas là dessus. Peut être se servira t-il, en croyant bien faire, de cette petite mise en couple qui n'était pas réelle.

Jonh eut tôt fait de penser à autre chose lorsqu'il serra la main de Sydney, après une grande hésitation. Malheureusement il ne pouvait pas échapper à son pouvoir. Il aurait aussi très bien pu expliquer le problème, mais il était vraiment méfiant envers le pirate qui aurait bien trouvé un moyen de tourner ce don à son avantage. En tout les cas, il ne fit aucun commentaire sur le soudain changement d'humeur de Jonh. En même temps c'était sa maladie à la base d'être bipolaire. Il ne se souvenait pas la dernière fois qu'il avait réussi à sourire.

- Oui le contexte

Répéta t-il. Il n'avait pas envie d'en dire plus et puis ça ne regardait que lui-même et Liam cette histoire de bombe. Un attentat mené par des robots pour pouvoir retrouver leurs ombres en échange. Echapper à la mort, encore une fois. C'était vraiment dommage d'avoir été si près du but. Peut être qu'il pourrait laisser Sydney et Eve ici, s'éclipser tout seul chez les Thalassiens pour régler tenter de régler cette histoire entre les deux peuples. Si ça fonctionnait c'était tant mieux, sinon et bien tant pis, il ne perdrait rien à la fin.
Mais maintenant son idée tombait à l'eau. D'abord parce qu'il trahirait sa promesse d'aider Sydney à remonter et ensuite que sa mort serait sans doute un traumatisme pour les Atlantes. Pour le moment donc, Jonh proposa au pirate de consommer l'herbe pour devenir un poisson. Le paranoïaque lui se mit alors à tenter de lui expliquer quelque chose mais tout ce qu'il en résultat était la mine d'incompréhension du dépressif. Sydney termina par arrêter de tourner autour du pot et balancer qu'il ne savait tout bonnement pas nager. Si cette révélation surpris Jonh quelques secondes, il fut rapidement secondé par un soupir.

- Et tu comptais le dire quand ? Que tu ne l'ai pas dit à Eve, je le comprend car elle aurait pu profiter de ça pour te jeter à l'eau mais à moi tu aurais pu...J'aurais réfléchis en conséquence pour trouver une solution adéquate à ce problème

Mais maintenant c'était trop tard. Jonh n'avait pas finit d'entendre des choses surprenantes de la part de son interlocuteur. Ce dernier n'avait vraisemblablement pas penser qu'il accepterait de l'aider. Même si dans le fond cela ne surprenait pas le dépressif que l'autre homme aille demander asile chez les Thalassiens.

- La preuve que tu me connais mal

Glissa t-il. Dès le début le pirate avait très bien montré qu'il n'avait pas confiance, malgré ses grandes phrases sur le fait que le dépressif la lui avait brisé plusieurs fois. Jonh était loin d'être malhonnête, il ne l'était que lorsqu'il n'avait pas d'autres options. Alors il ne comptait pas abandonner ce peuple qui avait foi en lui, même si ce n'était que parce qu'ils pensaient qu'il était un Dieu venu pour eux. Sydney l'avait compris et proposa de l'aider, en même temps que l'aider lui dans sa quête.

- Oui tu peux me faire confiance, je ne tuerai pas et j'essayerai de retenir Eve de t'étriper

La bougresse pouvait très bien être plus rapide que lui et balancer un poignard. Alors il ne pouvait pas promettre quelque chose qu'il risquait de ne pas pouvoir tenir. Jonh était tout de même soulagé d'avoir à nouveau Sydney de son côté. Bien qu'il soit insupportable, il était certains qu'au fond c'était un type bien.

Maintenant que presque tout était réglé, il manquait encore le cas de Eve dans l'équation, il fallait revenir sur le sujet qui avait été mis de côté: la lettre. Jonh n'avait pas douté que Sydney avait dit la vérité en ce qui concernait la rédaction d'une lettre. Le dépressif prit donc son nouveau papier, la plume et son encre avant de repartir dans sa rédaction en prenant compte les conseils de la voyageuse.

- Elle a dû chercher des indices dans des bouquins, elle parlait de ça tout à l'heure pour nous aider à mieux comprendre les Thalassiens. Il doit y avoir une bibliothèque dans la ville.

Répondit il tout en s'appliquant dans son écrit.


Lu t-il à haute voix une fois sa plume posée.

- Ca ira non ? De toute façon ça sera oui ou non pour une rencontre

Conclue t-il avant de plier la lettre et de se lever.

- Allons chercher Eve

Déclara t-il avant de se diriger vers la sortie, confiant la lettre à Demos au passage pour qu'il l'envoie ainsi que l'endroit où se trouvait la bibliothèque. Il le remercia et le laissa s'occuper de la missive.
Jonh se stoppa net cependant devant les portes qui les séparaient de l’extérieur. Il allait encore subir la foule. Pourquoi n'avait il donc pas le pouvoir de se rendre invisible ? Le dépressif secoua la tête pour reprendre ses esprits et pris une grande inspiration avant de se lancer. Cette fois ci il ne pouvait pas prendre une main pour l'aider à supporter les regards posés sur lui.
Ils étaient toujours là, en masse, cessant leurs activités pour voir ce Dieu qui était venu pour les aider. Si ils savaient qu'en vérité "Zeus" n'était qu'un simple humain qui avait envie de mourir. Droit comme un "i", les poings serrés, Jonh avançait en suivant le chemin que Demos avait indiqué. Ce fut donc un véritable soulagement lorsqu'il arriva enfin devant le magnifique bâtiment. Une fois à l'intérieur, il s'appuya contre le mur pour se détendre. Bien que se soit un mot assez rarement utilisé dans son vocabulaire personnel.

Une fois remis de cette traversée, il ne fut pas compliqué de retrouver Eve, qui n’avait vraiment rien à voir avec le paysage. Rapidement, Jonh s'installa face à elle, posant ou plaquant ses mains sur les siennes pour l'obliger à rester assisse et à l'écouter. Contact qui lui valut une piqure de rappel sur le passé "joyeux" de son interlocutrice, mais ce n'était pas sa préoccupation du moment.

- Bon, il faut qu'on parle. Séparé, on arrivera jamais à mettre un terme au conflit et à retourner là haut...Alors s'il te plaît Eve, oublies tes vengeances, tes rancoeurs et que sais je encore pour qu'on avance. Sydney en fera de même le temps qu'on puisse se séparer...

Déclara t-il à voix basse, teinté non sans une teinte de tristesse qu'il n'arrivait pas à cacher. Bon dieu si au moins il pouvait atténuer ce traumatisme pour que Eve soit moins...colérique une seconde. Comme un voeu exaucé son pouvoir rendit moins grave le souvenir d'Eve qu'il avait vu.
Entre temps la voyageuse s'était à nouveau habillé en tenue blanche. Jonh enleva ses mains, car on ne savait jamais ce que pouvoir pouvait faire.

- Tu as eu le temps de trouver quelque chose dans ces livres ?

Demanda t-il en regardant la couverture de l'un d'eux. "L'histoire d'Atlantis", pas certains que ça soit la même dans leur monde.

Rien. Elle faisait chou blanc. Oui elle apprenait des détails et autres anecdotes historiques sur le passé du conflit, mais rien qui lui donnait l’ombre d’un plan. Épuiser ses yeux sur les petits caractères atlantes lui faisait presque oublier l’ennemi qui pouvait rôder. Et Kostas, était-il vraiment un traître ? Les bouquins affluaient dans son sens, même si elle ne saurait jamais accorder une pleine confiance. En même temps, pourquoi s’obstinait-elle à chercher ? Jonh s’en sortirait à merveille avec son acolyte.

Quand on parle du loup, voilà le dépressif qui débarque brusquement et qui lui plaque les mains sur le bureau en lui disait qu’ils devaient parler. Une ruse ! Il allait la distraire pendant que l’autre lavette de pirate allait l’attaquer dans le dos ? Vu l’ingéniosité de leur plan pour la mettre à l’écart, elle s’attendait presque à mieux. Un coup d’œil rapide en arrière lui appris que Sydney n’était pas encore là. En retard sur le timing. Ne restait qu’à se libérer, parce que ce n’était pas ce gringalet aux yeux larmoyants qui saurait la tenir assise comme une enfant qu’on réprimande.

Toutefois, le mot « vengeance » fut prononcé, déclenchant le pouvoir de la russo-américaine. La paix remplaça la haine, l’apaisement remplaça la tension. Ses vêtements virèrent au blanc, comme chaque fois, et tout lui paraissait soudain plus limpide. Autre chose en elle avait bougé, comme si le poids d’une vieille malle entreposée dans son cœur s’était soudainement fait moins lourd. La glace de ses yeux avait fondu. Eve dévisagea Jonh comme si c’était la première fois qu’elle le voyait et répondit calmement :

- Je suis d’accord que ça ne marchera pas si on ne fait pas l’effort de coopérer, et je veux bien reconnaître que j’ai… disons contribué aux accros dans notre groupe. Mais Sydney n’est pas en reste et ce sera difficile de travailler ensemble si je dois me méfier de lui. Si tu as pu apaiser les choses avec lui, tant mieux, mais je pense qu’il pourrait consentir à un geste symbolique en guise de bonne foi.

La paranoïaque fit mine de réfléchir un instant, même si en fait elle savait très bien ce qu’il conviendrait de faire pour qu’elle arrêter de se défier du pirate. Même si son pouvoir imposait la diplomatie, il n’en était pas moins que ce dernier avait levé les armes contre elle. Il fallait désormais payer le prix pour que la sensation de paix revienne et heureusement que son aura était là pour l’aider à négocier.

- Il retire sa couronne de serpent, lâcha-t-elle en écourtant le suspens, j’ai le sentiment qu’il l’a achetée au moins en partie à notre attention, il nous a menacé avec, moi plusieurs fois. S’il la retire au moins tant qu’on est sur Atlantis, ça suffira comme gage de sa bonne volonté à ce qu’on travaille ensemble. Il ne risque pas d’être attaqué ici, c’est superflu de l’avoir en permanence, justifia-t-elle.

Sa voix restait calme, mais elle s’attendait bien à obtenir gain de cause. La paix n’était pas à sens unique et si Sydney n’était pas prêt à abandonner ses reptiles, il devra trouver un autre moyen que de montrer patte blanche. Un moyen autre que des promesses, car les paroles n’étaient que du vent. Surtout de la part d’une personne versatile. Finalement, Eve s’enfonça contre son dossier, désignant les livres d’un air désabusé.

- Je ne trouve rien non. Mais je reste sur mon idée : on ne peut pas se pointer au rendez-vous sans plan. Il faut qu’on ait quelque chose en béton. En face, ils l’ont leur argument, malheureusement. Nous on a quoi ? Si on veut négocier une paix, il faut qu’on en apporte les termes.

Elle passa une main dans ses cheveux dont le noir ressortait d’autant plus avec ses vêtements blancs. Incroyable comme elle avait l’air normale pendant l’actif de ce pouvoir. Impossible de la voir comme une criminelle violente et impulsive. Pourtant…

- Les livres ne parlent pas, mais il y a peut-être quelqu’un sur cette île qui peut nous aider… les militaires on ne fait appel à eux que pour la guerre, mais alors… je ne sais pas, un prêtre, un oracle, un mage, diplomate, un prisonnier thalassien…

Eve ne savait pas trop ce qu’elle cherchait en réalité. Un moyen d’assurer une prospérité aux deux royaumes ? L’idéal. Un moyen de neutraliser le dieu ennemi en cas de nécessité absolu ? Peut-être. Les deux ? Va savoir… la seule certitude c’est qu’ils n’avaient aucun moyen de pression pour l’instant et que s’il y avait une solution, le roi n’avait pas pu l’appliquer pour une raison X.

Un simple haussement d'épaules fut la seule réponse que Jonh obtint lorsqu'il demanda quand le pirate comptait lui dire pour son problème de natation. Ce n'était pas ses oignons, de toute façon... et puis il était hors de question qu'il révèle quoi que ce soit sur lui quand on savait tout ce que les deux tourtereaux lui avaient caché, eux aussi.

La suite de la discussion se passa mieux que Sydney l'eut cru au premier abord et il était satisfait d'avoir réussi à faire de Jonh un allié, bien que ça ne soit que temporaire.
Une fois la lettre rédigée et après que Sydney eut fait remarquer au dépressif que c'est pas la peine de demander un avis si au final tu t'en fiches, l'idée d'aller retrouver Eve fut adoptée.

A dire vrai, le corsaire avait tout sauf envie de chercher cette folle furieuse et encore moins de la voir rejoindre le groupe à nouveau. Tout ce qu'il souhaitait, c'était savoir où elle était afin de ne pas avoir à rester sur ses gardes constamment. Son camarade ne l'entendait cependant pas de cette oreille, ce qui était plutôt normal vu qu'il était amoureux d'elle... mais plutôt chiant du point de vue du paranoïaque.

- En tout cas j'espère que je peux compter sur toi pour tenir ta promesse. Je te fais confiance alors pas d'entourloupe, cette fois, précisa-t-il alors que Jonh s'apprêtait à entrer dans la bibliothèque. Assez sceptique mais dans l'espoir que cette fois tout se passe bien, le pirate se prenait à vraiment faire confiance au dépressif pour ne pas le trahir à nouveau. Il espérait vraiment que cette discussion pouvait lui permettre de ne pas se retrouver à nouveau seul contre deux, position très défavorable en cas de dispute. Et des disputes, il allait y en avoir à coup sûr, vu la personne qu'ils étaient venus chercher...

Tout d'abord, il resta en dehors de la bibliothèque, préférant rester hors de portée d'Eve au cas où ça tournait mal. Il avait ses armes sur lui, certes, mais on est jamais trop prudent. De temps en temps, il risquait un œil à l'intérieur, s'assurant que les deux voyageurs ne faisaient rien d'imprévu.
Au bout de quelques minutes, pourtant, l'attente était intenable. Il se décida à pénétrer dans le lieu de savoir et se rapprocha de la table de Jonh et Eve qui avait revêtu sa toge pacificatrice. Pouvoir à la con... ça allait encore lui laver le cerveau s'il s'approchait trop.
« Trop », c'était 10 mètres et le paranoïaque ne s'attendait pas à ce que le rayon d'action soit si important. Trop tard pour se soucier de son cerveau : sa façon de pensée était déjà altérée pour toute la durée du pouvoir de la russo-américaine.

Ayant oublié tout ce qui le faisait détester Eve – oui, même l'odeur de cigarette froide – il s'avança et vint s'asseoir à la table des deux amoureux.
- J'ai entendu pour la couronne, matelot. Je sais qu'avec les fringues que tu as actuellement, on est en mode hippie pacifiste alors tu ne me feras pas de mal.
Sur ces mots, le pirate ôta sa couronne. Les serpents retombèrent et se retransformèrent en cheveux normaux puis il noua à nouveau sur sa tête le bandana noir que Jake lui avait offert.
- Je la retire pour le moment mais je la remettrai sous l'eau pour notre rencontre avec les thalassiens. Et je la remettrai avant si tu redeviens agressive une fois que ton pouvoir aura cessé, ça, c'est pas négociable.

A cause de sa promesse, Sydney se sentait forcé d'aider Jonh et Eve à trouver un moyen d'aider les atlantes mais vraiment, il ne trouvait rien. Du moins, rien qui plaise à la fois aux atlantes ET aux thalassiens. Pourquoi ces gens étaient-ils incapables de fusionner leurs deux villes et vivre ensemble, par les sept mers !?
Plus il y réfléchissait et plus le paranoïaque ne voyait qu'un dilemme dont il était impossible de s'extraire : aider les atlantes au détriment des thalassiens ou bien l'inverse...

Se jetant en arrière dans sa chaise, il abandonna l'espoir de trouver une solution qui ne soit pas unilatérale.
- Ça sert à rien, c'est impossible. Les thalassiens tiennent à leur ville et ne veulent pas partir ; les atlantes, eux, sont persuadés que ce sont les dieux qui ont fait couler leur cité. Et quant à la faire remonter, j'ai encore moins d'idées !

Sydney réfléchit alors au pouvoirs qu'ils avaient à leur disposition. Il connaissait les siens et seraient inefficaces pour faire remonter une ville englouties. En revanche, les deux autres... Les titres qui s'étaient affichés sous leurs noms dans le Casier Judiciaire ne pouvait être que leurs pouvoirs. Or Jonh possédait un pouvoir « Monsieur Météo ». Pouvait-il réellement influer sur la météo ? Peut-être pas au point de créer un ressac suffisamment fort pour projeter Atlantis hors de l'eau... Ca devait se limiter à son nuage inutile... ah, et l'éclair anti-kraken, aussi. Utile pour faire du poisson panné.
Eve, de son côté, avait un pouvoir que Syd' n'avait jamais vu à l’œuvre.

- Dis, Eve : ton pouvoir « Wonder Woman », là... Il te permettrait pas d'être assez forte pour foutre Atlantis autre part, des fois?
Il y avait fort à parier que la réponse serait non, auquel cas le pirate penserait très fort sans le dire : « comme par hasard... »
Dreamland avait vraiment le don pour inventer des pouvoirs étranges. Certains étaient très utiles mais d'autres étaient tout bonnement incompréhensibles.
- De mon côté, avec le carnet, je peux avoir des informations sur les voyageurs... Si j'arrivais à faire en sorte que le dieu thalassien le tienne suffisamment longtemps, le Casier Judiciaire créerait une page à son nom. On en saurait déjà un peu plus sur lui, à commencer par l'étendue de son pouvoir. C'est peut-être vache comme méthode mais je vous jure : j'ai jamais rien trouvé d'aussi utile de toute ma vie.

Sydney ne l'avait pas suivie à l'intérieur, se contentant de lui dire pour la millième fois qu'il lui faisait confiance. Jonh se demandait vraiment si il avait la tête d'un mec qui va retourner sa veste dans les secondes à suivre ? D'accord son casier judiciaire n'était pas vide mais il ne ferait jamais de mal à quelqu'un de sang froid. Le pirate pouvait dormir sur ses deux oreilles en ce qui concernait le dépressif.
Pour Eve c'était une autre paire de manche. Il essayait de se montrer compréhensif mais aussi autoritaire pour qu'elle l'écoute. Il ne savait pas si c'était cette tenue blanche qui rendait la brune aussi docile mais toujours est il qu'elle avait écouté son discours et reconnut même ses erreurs. Jonh soupira de soulagement. Il n'aimait pas la violence, alors il était au moins satisfait si ces deux là arrêtaient de se crêper le chignon.

- Un geste symbolique ?

Jonh réfléchit deux secondes à quel genre de geste elle pouvait faire allusion. Ce n'était certainement pas une embrassade. Évidemment sa couronne de serpent était une véritable arme menaçante que le pirate portait en permanence. Il n'allait pas être facile de le convaincre de l'enlever. Une seconde épine qui venait de se rajouter dans leur pied. D'abord trouver comment aider les Atlantes était difficile, peut être même que de faire tomber les serpents chez Sydney le serait encore plus.
Eve n'avait rien trouvé dans ses deux livres. Jonh commençait vraiment à désespérer cette situation. Il était d’accord sur le fait que les Thalassiens avait leur raison pour dégager les Atlantes, mais eux ne demandait rien à leurs voisins. Les problèmes de voisinage c'était vraiment la galère.

- J'arrive vraiment pas à comprendre le problème de ces deux peuples...

Marmonna t-il. Peut être faudrait il parler à une personne qui était là depuis le début ? Avant que les deux îles ne s'entrechoquent ? Jonh était dans ses réflexions lorsque Sydney daigna enfin de venir les rejoindre. Il parla de hippie pacifiste et comme le dépressif l'était déjà à la base, il ne remarquait sans doute pas les effets. Cela expliquait donc le changement d'attitude d'Eve.
Quand Sydney retira de lui même sa couronne de serpent, Jonh le remercia d'un sourire. Il était évident que c'était une arme à emmener sur le champ de bataille. Mais il préférait quand même que Eve ne redevienne pas agressive envers le pirate.

- Super, maintenant qu'on a un minimum d'entente dans le groupe, il faut que nous réfléchissions comment aider les Atlantes

Et après sortir Sydney mais les deux opérations allaient de pairs. Aucun des trois n'avaient de pouvoirs assez puissants pour dégager l'île ou ne serait ce que de les détacher. Peut être que c'était ça qui dérangeait, d'être l'une sur l'autre ? Atlantis avait sombré avant de se faire embrocher par les Thalassiens.
Sydney demanda alors à Eve si l'un de ses pouvoirs pourrait leur permettre de déplacer leur île. Jonh ne se souvenait pas l'avoir vu exécuter ce pouvoir, peut être même n'était elle pas au courant ? En y pensait le dépressif avait vu lui aussi ses dons sur le carnet. Si "Monsieur Météo", " relativisions" et "drogue émotionnelle"', ce dernier devait être l'apparition de la seringue, lui disait quelque chose. " Prostration" devait donc être celui qui faisait pleurer les autres quand il les touchait.

- Et si c'est pas un voyageur ? Soyons fou, il pourrait vraiment être un dieu. C'est vrai la plupart des personnes qui ont des pouvoirs ici sont en réalité des voyageurs...Quoique je doute que la...femme de la tour de la luxure en soit une...Enfin toujours est il que je ne vois pas comment notre ennemi pourrait en venir à toucher ton carnet...A moins de lui faire croire que c'est dedans que se trouve une proposition de paix ou un argument pour faire arrêter leur stupide guerre...En attendant il doit bien y avoir quelqu'un sur cette île qui a vu de près ce "dieu", et si il a des tentacules en guise de jambes on est dans la merde

Eve regarda Sydney apparaître et se débarrasser de sa couronne de méduse. Bien, au moins il coopérait, ça rendrait les choses un tout petit peu plus facile. Désormais qu’une éclairci semblait poindre à l’horizon, il fallait espérer que les principaux orages au-dessus du ciel de leur trio étaient en train de s’éloigner. La russo-américaine écouta silencieusement ses deux acolytes avant d'intervenir en secouant la tête en signe négatif :

- Savoir s’il s’agit réellement d’un dieu est un problème secondaire je pense. On dit qu’on part pour proposer la paix ? Mais nous n’avons toujours rien à proposer comme alternative, c’est là-dessus qu’il faut bosser.  

Elle faisait régulièrement claquer ses ongles sur le bois de la table, pensive. Les scenarii qui défilaient dans sa tête étaient tous erronés, parce qu’ils manquaient d’indices. Au final, ils en avaient peu.  

- Les Atlantes ont dit qu’ils se refusaient à partir, mais ils n’ont jamais dit qu’ils refuseraient un vivre ensemble… le seul problème c’est que l’un des peuples est sous-marin, l’autre non. Comment faire cohabiter ces deux espèces ?  

En vérité, elle avait l’impression que l’équation n’avait pas de réponse. C’était le même soucis que de chercher à faire vivre dans le même habitat un poisson et un mammifère. La seule solution qui était à leur portée c’était effectivement de neutraliser le « dieu » ennemi pour s’imposer comme vainqueur. Ils mettraient fin à l’ultimatum, mais certainement pas à la guerre. Tant qu’Atlantis sombrera, celle-ci reprendra un jour. Fatalement.

- Et non, je ne peux pas faire remonter l’île, je ne sais même pas à quoi ce « wonder-woman » fait référence, elle était sincère, Quant à utiliser ton pouvoir, c’est vrai que ça pourrait être utile… mais comment le faire sans qu’il ne s’en rende compte ? Si on le dupe ouvertement, on peut dire adieu aux démarches diplomates.

Néanmoins, l’option du carnet de Sydney était à conserver. Avoir une longueur d’avance sur son interlocuteur, c’est bien, surtout dans ce genre de situation. S’ils parvenaient à recueillir des informations sur leur homonyme thalassien, ils pourraient mieux préparer un affrontement si jamais l’avenir s’orientait vers cette unique option. Mais aux yeux d’Eve, ça devait être une alternative, pas un plan principal. Pas seulement à cause de son pouvoir pacifiste, mais aussi parce que ce serait une forme d'injustice. Aucun des deux camps n'était plus responsable que l'autre de la chute d'Atlantis, alors pourquoi condamner les thalassiens ?!

Dans tous les cas, il fallait trancher. La solution ne viendrait pas d’elle-même et elle ne se trouvait visiblement pas dans les vieux bouquins. La taularde passa une main dans ses cheveux noirs, et fit reculer son siège afin de pouvoir se lever. Elle pouvait tout à fait faire fausse route, mais ils n’en auraient jamais le cœur net tant qu’ils n’essayaient pas. Avant de reprendre la parole, elle rassembla dans ses bras les livres qu’elle avait sorti de leur étalage afin de pouvoir les déposer à l’accueil en sortant.

- Bon, on sait qu’il y a des mages dans le coin, on a qu’à essayer de les trouver. S’il existe une solution « magique » pour que les deux peuples cohabitent, on peut supposer qu’ils l’auront. Si ça marche pas, on verra s’il y a un oracle ou au moins un prêtre à Atlantis… ils sont croyants, ça me parait pas illogique.

A l'inverse de ce que pensait Eve, Sydney était persuadé que connaître la nature de leur adversaire était tout sauf secondaire. Face à un voyageur, il suffirait de lui botter les fesses au cas où ça tournerait mal – et il y avait de grandes chances pour que ça tourne mal – mais face à un vrai dieu, comment espérer rivaliser ? Si les dieux de Dreamland ont autant de puissance qu'on leur en prête dans le monde réel, il n'y a aucun espoir de survie à vouloir s'opposer à l'un d'eux.

Dans le meilleur des cas, ils tomberaient sur Aquaman, le super-héros le plus naze de toute l'histoire. Mais concevoir cela demandait un optimisme que Sydney avait jeté à la poubelle il y a bien longtemps. Le pirate avait pourtant l'habitude de préparer des plans pour parvenir à ses fins mais toujours dans un cadre égoïste, un cadre où autrui n'avait pas sa place et ne nécessitait aucune donnée supplémentaire. Il avait donc son plan pour s'enfuir au cas où le dieu adverse se montrait coopératif mais aucune idée pour lui faire accepter la cohabitation avec les atlantes.

- C'est pour ça que c'est chiant d'aider les gens...

Défaitiste dès le départ, Sydney laissa tomber sa tête sur la table, produisant un bruit mat auquel un lecteur répondit un « chhhhhhhhhhhhhut ! » parfaitement méprisable.
Les pouvoirs, les objets... rien de tout cela ne fonctionnerait. La diplomatie, personne n'avait d'idée. Si les dieux existaient vraiment, le corsaire aurait bien été tenté d'en appeler un au secours pour qu'il leur donne ne serait-ce qu'un indice sur la marche à suivre, ou bien même leur dire tout simplement si c'était possible ou non !
Au lieu de ça, sceptique, il laissa échapper un long soupir qui signifiait autant son adhésion à la dernière idée en date de la folle dingue que son pessimisme latent quant à l'aboutissement concret de ce nouveau plan.

- Eh ben matelots... Plus ça va, plus j'ai l'impression qu'on fonce droit dans le mur avec cette histoire de solution diplomatique. A ce prix-là, le plus simple serait de faire gagner l'un des deux camps. Ça ferait des malheureux mais quelle guerre n'en fait pas ? Les perdants iraient s'installer ailleurs et ça serait pour le plus grand bien..

Tout ça avait été dit sans animosité : le pouvoir actif d'Eve empêchait de dire ça en reproche. Cependant, la déclaration était honnête.
- Enfin bon.. allons voir les mages, ça va me rappeler de bons souvenirs de Gloutoniskaïa. Si les Atlantes refusent de faire remonter leur île parce que c'est une décision divine, alors une contre-décision divine devrait pouvoir les remettre sur la voie de la raison sans avoir à faire s'affronter les deux camps.

Il se leva et réajusta son bandana que le choc avec la table avait décalé. Il se dirigea vers la bibliothécaire à l'accueil et lui demanda où trouver les mages atlantes. Celle-ci le regarda d'un œil  interrogateur. Pour quelle raison un acolyte de Zeus pouvait-il avoir besoin des mages atlantes, pauvres mortels ?
Peu tenté par la patience et les longues explications, Sydney sortit de son sac à dos sa boule à neige et l'agita devant le nez de la bonne femme.
- Cette boule à neige est capable de produire une mélodie atroce et horriblement forte qui s'entendra dans toute la bibliothèque. Si vous ne me dites pas où trouver les mages, je l'active et je hurle.
Le capitaine au bandana prit alors une grande inspiration qu'il n'eut pas besoin d'utiliser car déjà on lui indiquait d'un doigt tremblant un bâtiment aux jolies colonnades. Remerciant la bibliothécaire, il fit signe à Eve et Jonh de le suivre.

Le bâtiment des mages n'avait pas grand-chose à voir avec l'école de magie de la ville de la gourmandise et dégageait davantage une aura séculaire dans laquelle se mêlait savoir et respect. Bien sûr, cela pouvait n'être dû qu'à l'architecture gréco-romaine des lieux mais ça restait tout de même impressionnant.
Se tournant vers le dépressif, Syd' lui désigna le péristyle dans lequel plusieurs mages discutaient ou bien lisaient tranquillement, profitant de la fraîcheur marine de l'extérieur pour se ressourcer.
- S'ils ont un sort pour remettre la ville à flot, alors ça sera la dernière fois que tu auras à jouer Zeus. Même pas besoin d'aller voir l'autre taré. T'en dis quoi, moussaillon ? Tu vas aller leur parler ?

A vrai-dire, il n'y avait pas plus de garantie de réussite que pour les autres plans qu'ils avaient eu jusqu'à présent mais grâce au moment de lucidité que permettait l'aura pacificatrice de la russo-américaine, le pirate avait retrouvé ses idéaux premiers : fuir le conflit et rester prudent. Autant dire que ça lui permettrait d'une part de se tirer vite fait d'ici et de respecter en plus les termes du contrat qu'il avait passé avec Jonh.

Eve n'avait pas tort, ils n'avaient pas de proposition de paix à donner à l'ennemi si il acceptait de les rencontrer. Rien qui pourrait convaincre qu'il serait gagnant à laisser les Atlantes en paix. A vrai dire Jonh non plus ne voyait pas ce que les Thalassiens avaient à y gagner, et même de toute façon à faire la guerre à l'autre peuple. Dans l'histoire les Atlantes n'avaient rien demandé à personne. Sans doute serait il d'accord de cohabiter mais l'ennemi serait plus dur en affaire.
C'était tout de même important de savoir si le Dieu adverse en était vraiment un ou si c'était un menteur comme leur trio. Jonh n'avait aucune réponse à apporter aux question d'Eve, c'était vraiment une situation désespéré.

Comme le dépressif s'y était attendu, Eve ne connaissait pas le pouvoir dont Sydney avait parlé. Ce point là était donc réglé. Le pirate partait défaitiste et il fallait peut être se rendre à l'évidence qu'il n'y avait rien à faire pour aider le peuple. En dernier recours il ne restait plus qu'à aller voir les mages, en espérant que leur lumière pourrait les éclairer.

Sydney prit en charge d'aller demander le chemin à la bibliothécaire. Celle-ci n'avait pas l'air de vouloir aider vu la tête qu'elle faisait. Jonh ne voyait pas trop ce que le voyageur trafiquait en sortant quelque chose de son sac, sans doute une arme menaçante. Il réussit tout de même à obtenir son information, indiquant au dépressif et à Eve de le suivre.

- Bien joué

Il ne savait pas ce que Sydney avait fait comme machination, mais il tenait tout de même à soulever son brillant succès. Il était aussi admiratif, en quelque sorte.

Le trio arriva devant un bâtiment, qui de l'extérieur, en imposait grandement. Cela sentait vraiment la sagesse à l'intérieur du bâtiment. Jonh n'était pas certains que les mages soient assez naïfs pour croire qu'il était Zeus. Rien que le jeune homme de tout à l'heure n'avait pas l'air emballer par cette idée.
Sydney lui désigna la galerie de colonne qui leur faisait face, où certains mages profitaient du beau temps. Un sort pour remettre Atlantis sur l'eau. Et bien ça serait un gain de temps si leurs nouveaux amis avaient ça dans leur poche.

- Qui ne tente rien n'a rien, comme on dis

Répondit il avant de se concentrer pour se remettre dans la peau de Zeus et de s'avancer vers un mage plus ou moins âgés. C'était difficile de déterminer son page avec sa barbe et le livre qui lui cachait à moitié le visage.

- Bonjour

Il attendit que son interlocuteur daigne lever les yeux vers lui avant de s'incliner légèrement en guise de salutation et de respect. Il avait décidé que Zeus ne serait pas un Dieu con et arrogant.

- Veuillez m'excusez de vous importuner pendant votre lecture. Mais mes compagnons et moi-même. Il désigna Eve et Sydney. Avons besoin de vos lumières pour nous aider à sauver le peuple Atlante de la menace des Thalassiens. Je sais que Atlantis a sombré dans les eaux, et que le peuple prend cela comme une volonté divine. Malheureusement, contrairement aux Thalassiens, les Atlantes ne peuvent vivre dans l'eau et ne doivent leur salut qu'au dôme protecteur qui entoure la ville. J'ignore pourquoi Atlantis s'est enfoncé dans les eaux, mais il faut rétablir cette erreur qui n'a pas lieu d'être. Cette ville doit regagner la surface, et baigner à nouveau sous le ciel. C'est pour cette raison, que j'implore votre aide

Faire gagner l’un des camps serait plus simple ? Sans doute. Comme pour chaque guerre n’est-ce pas ? C’est tellement plus simple que l’un des parties écrase l’autre plutôt que de chercher un terrain d’entente. Pourtant, sur le long terme, la paix restera plus bénéfique. Eve n’a pas dit qu’elle excluait totalement la nécessité de devoir neutraliser le « dieu » ennemi, elle voulait simplement être certaine d’avoir épuisées les cartouches diplomatiques avant de préparer un affrontement.

La russo-américaine avait la sensation que ses compagnons ne comprenaient pas vraiment sa démarche, un peu comme s’ils ne croyaient pas vraiment en leur chance de résoudre ce conflit sans prendre les armes. Elle n’avait pas plus d’indices, certes, mais n’excluait aucune possibilité. Faire Atlantis regagner la surface en était une, mais il y en avait peut-être d’autre.

Quoiqu’il en soit, son pouvoir prit fin au moment où elle passa le seuil de la bibliothèque. Ses pensées claires s’étiolaient, lacérées par les monstres de paranoïa qui revenaient, affamés, assoiffés de sang. Sydney était là, juste devant elle, sans sa couronne de méduse. Elle pourrait lui sauter dessus maintenant qu’il était vulnérable, soulager enfin le monstre qui rugissait dans ses entrailles. Le seul souci c’est qu’elle se souvenait de leur discussion alors que son pouvoir était actif… elle avait suggéré une trêve, il l’avait accepté. Il n’y avait aucune raison qu’elle l’étripe s’il ne faisait pas un autre geste de travers. Quoique…

La détenue allait se perdre dans un tourbillon de délire psychotique quand elle sentit une légère pression sur sa cuisse. Baissant les yeux, elle aperçut un petit garçon, les yeux brillants, qui regardaient les 3 voyageurs avec admiration, mais elle surtout. Peut-être parce que c’était une femme, ou parce qu’elle émanait quelque chose de différent des deux autres, aller savoir. En tout cas, il ne semblait pas vouloir décrocher.

- Bonjour, bredouilla-t-il d’une voix fluette, mon papa il a dit que vous allez nous aider. Est-ce que je peux venir ?

Eve jeta un œil à ses acolytes, s’assurant qu’ils ne sortaient pas de son champ de vision et s’agenouilla à hauteur de son fan. Il ferma les yeux et rentra la tête dans les épaules, comme si cette femme au regard glacé s’apprêtait à le foudroyer, mais elle ne fit que le regarder. Le regarder et se permettre un des rares sourires qui déridait son expression impassible.

- Je ne pense pas que ce soit une bonne idée, répondit-elle.

Il transpirait l’innocence. Une innocence qu’elle n’avait plus depuis longtemps. La russo-américaine se sentait comme un félin penché sur un oisillon : à jamais pas à sa place, à jamais souillée. Sans dire un mot, elle utilisa son fameux pouvoir hérité du village du Père Noël pour faire apparaitre un cadeau. Aucune idée de ce qu’il recelait, mais ça importait peu. Elle tendit au gosse qui la contemplait avec des yeux ronds en expliquant :

- Tiens, un souvenir, ça nous encouragera que tu l’acceptes.

Emu, l’enfant ne savait plus où se mettre. Il ne savait pas que ce n’était qu’une paire de tongs, mais le symbole comptait plus que l’objet. Après avoir marmonné un « merci », il s’éclipsa en courant. Eve accéléra alors le pas pour rattraper ses collègues tandis qu’un vieux compagnon apparut de nulle part :

- Waaaaa ! Ça fait longtemps dis-donc ! A croire que je ne te manque pas du tout.

Robert, sa tirelire-cochon ailée qui voletait à hauteur de son visage.

- Non, rétorqua la paranoïaque.
- Soit pas aussi désagréable alors que je viens de te voir faire un don ! C’est généreux de ta part, qui sait si tu n’avais pas besoin de ce qu’il y avait dans ce paquet.
- J’ai juste offert un cadeau à un gamin, corrigea la russo-américaine, et je m’en remettrai si jamais j’ai besoin de ce pouvoir plus tard.
- Si tu le dis…, commenta Robert avec une moue sceptique, en tout cas, tu gagnes 1 point ! Tu en as 8 désormais. Est-ce que tu as l’intention d’arriver à 10 un jour ou bien… OUAW ! Raté ! ahahah

Bien entendu, il avait esquivé la torgnole d’Eve et s’était éclipsé juste après. De leur coté, Jonh et Sydney avaient déjà accosté un groupe de mages qui profitaient de l’air marin en bouquinant. Elle arriva à leur hauteur juste pour entendre le discours de « Zeus ». Si ça n’avait pas été si peu discret, Eve se serait permis un facepalm bien sonore. Il « implorait » leur aide ? Est-ce qu’il y avait quelque chose que le dépressif n’avait pas compris dans leur posture délicate ? Les atlantes les avaient appelé eux, imposteurs, au secours. Inverser les rôles était impossible ; ce n’était pas ce que projetait la russo-américaine en tout cas. Et en plus il avait dit « ignorer » pourquoi l’ile avait sombré alors que les locaux étaient persuadés qu’il s’agissait d’une décision divine. S’efforçant de ne rien paraître, aussi illisible qu’à l’ordinaire, la taularde tenta de rattraper les choses :

- Ce que… Zeus essaye de vous dire, c’est que nous cherchons à mettre fin à ce conflit de la façon la plus pacifiste possible. On se demandait s’il y avait des pistes non exploitées qui iraient dans ce sens. Des pistes pour permettre une cohabitation avec les thalassiens par exemple, ou des solutions auxquelles vos croyances vous interdisaient de recourir jusqu’à aujourd’hui.

Le membre 'Eve M. Todrovitch' a effectué l'action suivante : Lancer de dés

'Joyeux noël' :

Rapidement après la prise de parole du pirate, l'effet pacificateur du pouvoir d'Eve perdit en intensité jusqu'à ne plus contraindre du tout l'esprit du paranoïaque. Les choses dites, les choses faites durant ce court laps de temps pendant lequel on l'avait aliéné rejaillissaient dans la tête de Sydney après avoir été englouties dans les délires de complot et d'agression. Il revoyait tout ça sous un nouveau jour qui ne lui plaisait pas. Cette vipère l'avait abruti pour le forcer à retirer sa couronne. Elle aussi venait d'utiliser son pouvoir « en bâtard » pour reprendre les termes du maniaco-dépressif mais à elle, on ne lui disait rien, bien évidemment. Une preuve supplémentaire du favoritisme partial et arbitraire dont il faisait les frais. C'était vraiment le prendre pour un con et ça ne serait pas oublié.

Mais il se souvint aussi du marché qu'il avait passé avec Jonh. Ça, ils en avaient convenu en toute lucidité et aussi parano' soit Syd', il s'interdisait de rompre une promesse qu'il avait faite avec honnêteté. Code d'honneur pirate : une vraie promesse, ça se brise pas !
Il n'avait cependant pas l'intention d'oublier non plus le fait qu'Eve reste en retrait pour utiliser un autre de ses pouvoirs sous prétexte de parler à un gamin. QUI aimait parler aux morveux, franchement ? Surtout pas une femme comme elle. Alors c'était quoi : « détecteur d'injustice », « wonder woman » ou « absolution » ? A moins qu'il ne s'agisse d'un tout nouveau pouvoir, ce qui n'était jamais une bonne nouvelle en soi pour Sydney qui interprétait l'apparition de pouvoirs comme des symptômes supplémentaires témoignant d'une évolution négative de la maladie. Plus de pouvoirs égal encore plus gogole qu'avant... sauf lui qui, étrangement, pour une raison inconnue, n'était pas soumis à cette règle, disposant de pouvoirs sans souffrir de quoi que ce soit.

Qu'elle aille au diable avec ses fourbes manipulations : le corsaire faisait confiance à Jonh pour qu'il honore sa promesse en le protégeant de toute attaque éventuelle émanant d'Eve. D'ailleurs, même sans couronne de Méduse, les pouvoirs dont disposait le capitaine au bandana étaient amplement suffisant pour déceler la moindre intention néfaste à son encontre et s'en protéger en une fraction de seconde. Aussi ne fit-il pas trop attention à ce que leur collègue féminine tramait dans son coin, préférant se focaliser sur la prestation de Jonh en tant que Zeus.

Son enthousiasme fana dès le moment où le concerné ouvrit la bouche. Il grimaçait. « Bonjour » ? Quoi, c'est tout ?! C'était plat, timide et ça manquait cruellement de superbe... Vraiment, le corsaire commençait à avoir un mauvais pressentiment sur tout ça mais il tenta de faire bonne figure car les mages le regardaient lui aussi. Paraître confiant et maintenir un semblant de position de supériorité face à eux était pri-mor-dial !

Hélas, plus ça allait et plus le sourire hypocrite de Sydney mourrait assassiné par le discours terne et soumis du dépressif, terminant en poker face. De ses dents serrées il lançait des appel à Jonh à l'aide de divers raclements de gorges l'invitant à se reprendre.
La boule de stress lui envahissait le ventre et l'empêchait presque de respirer alors qu'il faisait déjà son maximum pour ne pas flancher ni craquer. L'idée de faire à nouveau face au Kraken... ou pire s'imposait dans son esprit sans que rien d'éventuellement positif ne parvienne à la chasser.

- Bon dieu, Zeus, qu'est-ce que tu fous ?!  s'exclamait-il à mi-voix tout en serrant les dents, de sorte que sa remarque soit inaudible pour les mages. S'imposer, manipuler, mettre en confiance... il n'y avait rien de tout ça dans le discours ou même l'attitude de Jonh. Il était censé incarner une divinité mais donnait à voir le spectacle d'un adolescent à la timidité extrême. Il fallait se mettre en position de force au lieu de quoi ce con se soumettait dans une position d'infériorité absolument contradictoire avec l'image qu'on attendait de lui !
Un briefing... Il aurait dû briefer cet idiot avant de le laisser les mettre dans les problèmes jusqu'au cou. Il n'aurait pas dû lui faire confiance, ni à lui, ni à personne.

Ironiquement, la dernière lueur d'espoir pour Sydney se trouva être celle qui avait failli causer sa mort, tentant ici de renforcer le mensonge qu'elle voulait auparavant révéler. Bien que la rigueur soit contestable, le pirate n'allait pas en faire une polémique, loin de là. Distant, il croisait les doigts pour que cette intervention redresse le couac de leur aîné.

- Put-.......
Portant son poing à la bouche pour le mordre avec force, Sydney parvint à étouffer le reste du juron avant qu'il ne se remarque. La douleur lui apportait la lucidité dont il avait besoin dans ce genre de cas. Eve venait de rendre les choses encore pire en ne redressant pas l'erreur de Jonh mais au contraire : elle s'enfonçait dedans en questionnant de façon innocente et ignorante, deux qualités qu'ils n'étaient pas censés avoir alors que la croyance Atlante attribuait sans ambiguïté l'immersion de l'île à la volonté divine. Il aurait fallu jouer là-dessus, pas le remettre en question...

- Oh c'est pas vrai, mais qu'est-ce qu'ils viennent de faire...
Désemparé, le corsaire se laissa submerger par un pic d'angoisse. Il ne voulait pas mourir ! Surtout pas à cause de ces deux inconscients. C'était dommage mais il avait beau réfléchir, le boucanier ne voyait aucun moyen de rectifier le tir, non plus d'une erreur mais de deux. Minoritaire, encore une fois, il n'aurait jamais la force argumentative de remettre en confiance les mages qui les dévisageaient.

- *On a déjà perdu leur confiance une fois. Je suis sûr que Demios aussi a des doutes... Il ne doit pas être le seul et les autres seront très probablement moins coulants que lui*, résumait-il dans sa tête. Le bilan n'était pas joli-joli... *C'est pas possible, c'est juste... on va crever !*
Sydney reculait à pas très lents sans même s'en rendre compte, s'éloignant de la scène qui selon lui ne pouvait que sceller leur destinée d'une manière macabre.
La parole qu'il avait donnée à Jonh le plongeait dans les remords et la culpabilité à l'idée de l'abandonner à son sort mais... il l'avait mérité, aussi... Pourquoi fallait-il qu'il soit comme ça, qu'il agisse de cette manière ?!

Regardant brièvement en arrière, il s'assura que la sortie ne leur avait pas été coupée : elle ne l'était pas. La tentation de s'envoler se faisait plus forte que jamais, à tel point que la cage d'eau dans laquelle il était enfermé lui semblait n'être plus qu'une fine pellicule qui le séparait de la liberté et les possibilités de s'y noyer semblaient bien moins effrayantes que celles de périr sous la lame d'un Atlante.

- Oh merde !
Après quelques nouveaux pas en arrière, Sydney abandonna toute idée de s'éclipser discrètement, se retourna et pris ses jambes à son cou, s'enfuyant comme un dément dans les rues d'Atlantis. Il courut aussi vite qu'il le pouvait, laissant son cerveau et l'adrénaline censurer les cris de douleur de son corps. Son sprint lui sembla durer une éternité mais la même sensation s'était emparée de lui lors de la prise de parole de Jonh : le temps depuis cet instant semblait s'être considérablement ralenti, allongé, presque... arrêté.

Il courait sans penser, il courait avec une peur si intense qu'il s'en serait presque pissé dessus, voyant à chaque porte, à chaque fenêtre, à chaque coin de rue un ennemi prêt à lui mettre le grapin dessus. Il courait pour se sauver, pour s'échapper... mais pour aller où..?
Trop tard, plus le temps de réfléchir à ça. Hurlant comme un demeuré, Sydney accéléra davantage encore. Il ne pensait même pas ça possible... Il accéléra, pris appui et s'élança à travers la bulle, terminant sa chute dans l'océan englobant la cité.

La soudaine sensation de silence oppressant et de gravité altérée lui donnait l'impression d'avoir déjà changé de monde...
Pourtant, la désillusion survint lorsqu'il essaya de nager. Il n'avait aucune idée de la manière de faire, s'épuisant en de vains mouvements qui ne le faisaient bouger que de quelques centimètres tandis que le poids de son équipement le traînait irrémédiablement vers le fond. A bout de force, il dut cesser tout mouvement... ses muscles endoloris ne répondaient plus et, à court de souffle, il but la tasse.
Il sombrait vers les abysses, sur le point de perdre connaissance. Au moins, on ne l'aurait pas vivant... et puis c'était une fin classique pour un pirate raté... Il ferma les yeux une ultime fois, acceptant sa mort avec une étrange sérénité... il se sentit partir.
Lorsqu'il rouvrit les yeux, cependant, il n'était ni au Paradis, ni en Enfer... Il venait tout simplement de se réveiller dans le monde réel, loin de Dreamland.

[HRP : la suite des aventures du capitaine, direction San Francisco.]

Les mages qui profitaient de l'air marin se levèrent précipitamment à l'arrivée du trio, laissant même involontairement chuter au sol quelques uns des épais grimoires qu'ils avaient en main. Instinctivement, le plus vieux se cacha derrière son livre, comme pour se protéger d'une éventuelle colère divine. Bien sûr ils étaient heureux, comblés même, que les Dieux eux-mêmes viennent leur prêter main forte dans la guerre qui faisait rage depuis plus d'un siècle. Ils se sentaient honorés, gratifiés...

… mais ils étaient aussi inquiets, curieux et suspicieux.

Zeus et ses sujets passaient leur temps à se balader en ville, à visiter des lieux, poser des questions. Trop de questions. Un dieu n'était-il pas censé tout savoir ? Le souverain des dieux semblait timide, craintif et tout sauf sûr de lui. Des rumeurs circulaient quant à une théorique imposture, rumeurs qui n'avaient fait que grossir, s'amplifier, gagner de l'ampleur jusqu'à n'être plus qu'une bulle à deux doigts d'exploser. Et lorsque Jonh prit la parole pour s'excuser... elle vola en éclats.

« Veuillez m'excuser », depuis quand un dieu s'abaissait à ça ? « De vous importuner », en quoi l'opinion de mortels pouvait-elle compter ? « Besoin de vos lumières », « j'ignore », où était donc le savoir infini, propriété des dieux ? « J'implore votre aide »... là c'était juste trop.

Peu à peu, le mage baissa le livre qui obscurcissait sa vue pour découvrir un Jonh penaud qui tentait de se tenir droit malgré sa nature qui essayait de se rappeler à lui en lui courbant l'échine. A ses côtés, Sydney paraissait à deux doigts de la crise d'apoplexie, tentant de faire comprendre qu'il faisait fausse route mais ne réussissant qu'à titiller le doute et la stupéfaction chez leurs auditeurs. Et Eve ? Eve ne fit que renfoncer un peu plus le clou. Elle voulait des renseignements ? Des pistes ? Des solutions ? Mais n'étaient-ils pas censés les connaître déjà ? Ils étaient des dieux, non ?

Non.

L'air gênés, ils bafouillèrent une réponse confuse et invitèrent Jonh et Eve a s'installer alors que Sydney prenait la poudre d'escampette. Si ce n'est leur stress évident -qui pouvait être assimilé à celui de rencontrer un dieu- rien ne laissait paraître de leurs intentions. On versa du vin, on apporta des fruits, on abreuva les voyageurs de théories folles jusqu'à ce que le petit Achille eut accompli sa mission.

Cette mission, glissée à demi mot dans le creux de son oreille alors que les voyageurs prenaient place dans des klinés, était d'aller prévenir les gardes de la ville, les prêtres et même le roi. Leur dire que les dieux n'étaient que des imposteurs qui s'étaient moqués des atlantes non pas une mais deux fois, avec une impudence sans limite. Ils avaient foulé au pied la fierté de ce fier peuple, s'étaient gargarisés avec leur hospitalité avant de la leur cracher au visage. Des hérétiques hypocrites, menteurs et profiteurs qui avaient osé se faire passer pour des dieux. Et ce crime ne pouvait pas rester impuni.

Bientôt les substances narcotiques inodores présentes dans la nourriture et la boisson remplirent leur office, plongeant les deux voyageurs dans un sommeil sans rêve...

A leur réveil, le monde entier leur semblait flou. Bouche pâteuse, mal de crâne, esprit embrumé... mais ce n'était pas suffisant pour ne pas se rendre compte qu'ils étaient suspendus par les mains à un cadre de bois construit à la va-vite sur une estrade de fortune. La corde leur sciait les poignets, mais c'était bien peu de chose face à la haine qui émanait de la foule qui leur faisait face. Des milliers de visages, d'yeux qui les fixaient brûlant de colère. Eve verrait peut-être même, qui sait, l'enfant jeter aux ordures la paire de tong avec une rage mal contenue. Des murmures s'élevaient de toutes parts, oppressants, comme une vague menaçant de les submerger jusqu'à les engloutir. Mais malgré leur ampleur ils cessèrent tous dès que le roi Kostas prit la parole.

- Atlantes, vous avez été trahis. Moi, votre souverain, ai été trahis. Mais pire que tout... les dieux eux-mêmes ont été trahis par ces individus à la foi et à la morale perverties. Et devons-nous laisser ça impuni ?

La foule répondit par un « non » unanime, presque rugi.

- Qu'il en soit ainsi. Au nom du peuple atlante mais surtout de Zeus, le dieu des dieux, nous punirons les impudents pour ce sacrilège !

Une clameur gonfla les rangs alors que le souverain levait les bras vers le dôme aquatique et que deux hommes grimpait sur l'estrade, une fine et longue baguette de bois souple en main. Les coups se mirent ensuite à pleuvoir, lents et cuisants. Bientôt la douleur devint insoutenable alors que la chair cédait, libérant un flot de sang. Encore et encore, les bras s'abaissaient pour se relever et s'abaisser une fois encore... jusqu'à ce que la chair de leur dos ne soit plus qu'une charpie. Ils ne s'arrêtèrent que lorsque les voyageurs perdirent connaissance.

A leur second réveil, ils se trouvaient chacun à même le sol dans ce qui semblait être une cellule. Pas de fenêtre, juste 4 murs de pierres grises et une porte close. Pas de lit, pas de repas.

La seule chose qui leur était offerte, c'était l'attente d'une mort prochaine.

[HRP : Comme vous pouvez le comprendre mes petits gars... vous êtes dans la merde (et pas la M.E.R.D.E. attention !). Jonh et Eve ont un message chacun pour se tirer de là. Une fois ce tour de post passé, s'il en reste encore un sur place il sera sommairement exécuté. A bon entendeur...]

Il n'avait jamais été bon dans la manipulation ou même pour paraître plus fort. Il n'avait pas le caractère d'un Dieu, encore moins de celui de Zeus. Pourtant c'était Jonh qui avait été désigné comme tel, parce qu'il avait eu l'abrutie idée de lancer un éclair sur le kraken plutôt que de se laisser mourir gentiment. Seulement il y avait eu aussi Sydney et Eve dans l'équation.
Le dépressif avait tout de même tenté son coup, pas confiant pour un sous dans ses compétences. L'aide que Eve tentait de lui apporter n'avait fait que lui faire perdre le peu de contenance qu'il avait. Il n'avait jamais eu la foi en quoique se soit, et plus vraiment en la vie depuis quelques années. Le doute était resté même lorsque les mages répondirent à leurs questions et même lorsqu'ils furent invités à se restaurer. L'envie de dormir qui l'avait piqué ne lui avait pas non plus enlevé ses incertitudes.

Tout cela fut confirmé lorsque Jonh s'était réveillé en ayant l'impression de sortir d'une grosse soirée. Ils avaient été tous les deux attachés, aucune trace de Sydney. Soit ce pirate avait fui soit il était déjà passé de l'autre côté. Il avait espéré que ce soit la première option. Le peuple avait été réunis devant eux, et encore une fois ils avaient été jugés pour usurpation d'identités. En même temps le roi avait refusé de l'écouter après le Kraken. La vérité était que dès leur arrivé ils n'auraient pas dû se prendre pour des dieux. C'était à présent trop tard. Le goût de l'échec, celui de n'avoir pas pu aider le peuple Atlante malgré leur façon de faire était douloureuse. Mais cette douleur fut balayer très vite par les coups qu'il reçut. Ca faisait mal, c'était cuisant, bien plus que la fois où il s'était fait chargé par un sanglier. Jonh n'arrivait à penser qu'à une seule chose : qu'on le tue pour finir cette grosse marade. A son grand regret il n'avait fait que s'évanouir.

Le réveil fut difficile, un train lui était passé dessus. Jonh avait mal partout, surtout dans le dos. Sa tête était aussi douloureuse et resta un moment sur le sol froid. Il n'était même pas mort. Pas encore. Aucun moyen de s'en sortir, la téléportation ou une bombe ne faisait pas partie de son arsenal. Il avait juste le puzzle d'âme, seul souvenir qu'il avait de Liam. Ce dernier serait ravie d'être enfin débarrassé d'un tel fardeau, et cette fois ce n'était pas le dépressif qui avait essayé de se tuer.

A l'aide du peu de force qu'il lui restait, Jonh se traina jusqu'au mur, avant de s'asseoir en s'appuyant dessus. La sensation de froid sur ses blessures était loin d'être agréable mais il s'en fichait. Il allait bientôt mourir. Enfin. Son destin était finalement scellé sans qu'il ait rien demandé. Un sourire étira son visage blessé, sale et fatigué. C'était bientôt la fin, et il ne ressentait aucune tristesse, il était simplement heureux. Il le sera encore plus le moment venu. La délivrance d'une vie désastreuse. Un rire s'échappa de ses lèvres, secouant son corps meurtri avant de tousser. Alors qu'il fermait les yeux pour se calmer, dans le monde réel, son voisin de lit venait de lui donner involontairement un coup. Aussi lorsque Jonh ré-ouvrit les yeux, ce ne fut plus le décor des quatre murs gris et froid qu'il retrouva.

[HJ :Les désastreuses aventures du dépressif à suivre prochainement dans le douloureux monde réel]

Eve comprit que c’était la fin au moment où Sydney déguerpit en courant. Jonh s’était trompé. Elle n’avait pas su redresser la situation. Le rat avait quitté le navire. Comme quoi, on était jamais mieux servi que par soi-même, et encore moins par l’imposture. Son avis sur le pirate absent s’ancrait dans le marbre, indélébile désormais. Mieux valait qu’ils ne se rencontrent pas à nouveau, car il y avait autant de chance qu’elle lui fasse confiance qu’au porc qui avait tué sa mère.

Toute la colère froide de la russo-américaine était étrangement contenue. Comme si elle était dans un état second, que la collision de ses émotions détruisait ses fonctions mentales et étouffait sa démence. Elle n’était pas dupe des bredouilleries et théories fumeuses que les mages déblatéraient mais écoutait avec un calme impassible. Alors qu’elle n’avait alors jamais rien touché, elle s’offrit un fruit – un seul – sans se douter que le danger viendrait de là. Non elle pensait voir venir l’armée, entendre les vociférations de Kostas et tendre les poignets pour se faire arrêter.

Car là était sa récompense pour avoir cherché la paix, pas vrai ? Sa récompense pour avoir tenté l’honnêteté ? L’incompréhension noyait encore tout son encéphale lorsqu’elle se sentit faiblir et perdre connaissance. Pourquoi ? La foi aveuglait les atlantes au point de refuser l’aide d’hommes qui les auraient aidés ? Eve n’avait jamais demandé à être une déesse. Pas une fois et au moins, elle ne s’éteindrait pas en ayant bafoué ses principes.

Quand elle rouvrait ses yeux, l’impression d’avoir la tête dans un étau, suspendue par les poignets, ses réflexions eurent du mal à repartir. Mais elle se souvint... La haine qu’elle recevait des habitants locaux ne faisait rien d’autre que nourrir sa propre colère. L’injustice. Encore. On aurait beau lui justifier avec tous les beaux discours du monde, jamais il ne lui serait acceptable qu’il aurait fallut s’enfoncer dans le mensonge pour survivre. Et avait elle jamais profité de leurs biens ? Elle n’avait rien touché, justement par respect de ce qu’elle n’était pas. Voilà ce qu’elle avait en retour : la vindicte populaire, la démonstration de force la plus puéril qui soit, alors que dès le départ, un brin de ravalement d’orgueil aurait suffit à clarifier la situation.  Finalement, monde réel ou Dreamland, les gens étaient tous les mêmes.

Vint le premier coup. Son corps se tendit, sa peau frémit, la douleur l’irradia en une fraction de seconde, mais ses lèvres restèrent fermées. La folie devenait une carapace alors que le sentiment d’iniquité gonflait jusqu’à l’étouffer. Puisque ça leur était si rentable, qu’ils se débrouillent seuls dans leur guerre. Qu’ils finissent tous noyés par l’adversaire thalassien. A la veille de sa chute, peut-être Kostas se souviendra qu’il avait les clefs en main et qu’il avait refusé de s’en servir.

Puis les coups de cravaches se succédèrent. Secs. Violents. Impitoyables. Sa peau se fendait, s’écorchait, son sang coulait, mais ça n’arrêtait pas. La douleur devenait comme omniprésente dans la moindre parcelle de son corps, ses cris étaient de plus en plus mal contenue, puis ce fût le noir. Total.

Eve ne sut pas si son réveil avait rappelé la douleur ou l’inverse. En tout cas quand elle reprit connaissance dans une cellule, elle était en feu. Même bouger un orteil déclenchait un déchirement insoutenable. La russo-américaine resta alors allongée à même le sol, le temps que ses idées se remettent en place. La bête était silencieuse, blessée. Sa tête vide bourdonnait.

Au moins, elle n’était pas morte. Comme la dernière immortelle d’une lignée maudite : le père succombait, la mère succombait, mais la fille survivait à l’enfer. Car elle ne se laissera pas achever. Le souvenir de la résistance revint, comme le dernier appel dans un aéroport. Embarquement qu’elle aurait du prendre il y a longtemps déjà. Alors sans y penser plus, la paranoïaque accomplit les gestes douloureux qui lui permirent d’actionner sa bague et la musique de Luigi l’enveloppa, signe qu’on la rappelait au QG.


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