[job] Le mystère du sang

Sylvania était une ville d’un âge passée, terne et miséreuse, caricature onirique tout droit sortie des vieilles histoires vampiriques d’Europe de l’est. On s’y éclairait encore à la bougie, les superstitions étaient à la mode et certains croyaient encore que les bains étaient mauvais pour la santé. Le temps y était presque toujours maussade, le soleil se dissimulant derrière une couche de nuages morne et grise qui ne désépaississait pas. Autour des agrégats de bâtisses pour la plupart assez pauvres, se tassaient des champs très peu variés qui condamnaient les habitants à une nourriture restreinte. Ces derniers étaient de surcroit à moitié inondés par les marais qui ceinturaient Sylvania, sujets à des crues irrémédiables depuis l’Exil.

Une unique route passait par la ville, la traversant de part en part comme une flèche au travers un cœur décoloré, et se poursuivait sur environ 2km au-delà de la dernière rangée de bicoques, taillant une voie désormais quasiment impraticable au travers un terrain marécageux pour se finir devant les douves d’un vieux château qui mêlait époque médiévale et première architecture gothique. Les eaux verdâtres grimpaient jusqu’à pratiquement déborder, charriant diverses algues nauséabondes et abritant peut-être même une ou deux créatures.

Juste avant le panneau d’entrée à Sylvania, un vieux pont enjambant les marais était gardé par un étrange individu au teint cadavérique, enveloppé dans une cape noire qui cachait jusqu’à la couleur de ses chaussures. Il s’était écarté sans un mot à l’approche des trois employés, presque fantomatiques ; seuls ses yeux brun clairs semblaient encore vivant, dévisageant les voyageurs comme s’il pouvait percer jusqu’à leurs âmes.

Alors que Jade, Elie et Ace approchaient du centre ville, plusieurs personnes se pressaient autour d’eux pour les observer, murmurer sur leur passage, leur jeter des regards plein d’espoir. Le maire avait laissé filtrer que deux d’entre eux étaient adeptes de la tour de la paresse, qu’ils avaient survécus au Colisée de Sextus, et plusieurs autres histoires de la sorte, afin que ses concitoyens aient confiances en les mesures prises pour mettre fin à leur pire fléau. L’étonnement pouvait parfois se lire sur les visages : on les attendait grands et forts, parodies de guerriers mythologique, mais ils n’avaient là que deux petites adolescentes et un Ken accompagné d’une boule de feu violette.

Le chef de la municipalité les attendait sur un kiosque juste en face de la mairie, pile au milieu de l’unique route qui fendait ce lieu déprimant. Un peu en hauteur, les bras croisés sur sa bedaine, ses yeux enfoncés dans leurs orbites jaugèrent les employés jusqu’à ce qu’ils s’arrêtent face à son pied d'estale, encerclés par une foule prête à boire littéralement le discours qui allait suivre.

- Bonjour et bienvenue à vous trois. Je suis Valentin Coven, maire de Sylvania. Tout d’abord, je tiens à dire que toute la ville vous remercie d’avoir si promptement répondu à notre annonce. Tous nos espoirs reposent sur vous. Il a été convenu d’être très généreux si jamais vous arrivez à nous aider.

Il marqua une pause, savourant la première impression qu’il avait fait, puis reprit après avoir gratté son front dégarni :

- Ça fait déjà longtemps que ce fléau nous tombe dessus, un vampire qui viendrait du Château Mina et s’attaque à nos concitoyens environ tous les six mois. Il pointait du doigt la noble demeure se détachant à l’horizon gris. Nous avons appris à nous y accoutumer, ça faisait partie des dangers inévitable de Sylvania, mais dernièrement, les dérèglements météorologiques nous ont beaucoup trop malmenés. La population est épuisée, à bout de nerf, et la date d’une attaque approche dangereusement, peut-être même ce soir.

Valentin marqua une pause dramatique, pendant laquelle il s’épongea les joues avec un mouchoir sorti de sa redingote usé qui avait vu des jours meilleurs. Les mauvaises langues diraient qu’il faisait tout ça uniquement pour avoir toutes ses chances aux prochaines élections, qui sait ?!

- Je voudrais épargner à mes concitoyens une nouvelle attaque douloureuse, ou qu’au moins, celle-ci soit la dernière. Chaque fois, ce sont des parents et des amis que nous perdons, et notre situation est suffisamment difficile – voire critique – pour que l’on souffre d’avantage de ces assauts. Par le passé, il y a eu plusieurs tentatives de tuer l’ennemi, mais toutes ont échouée lamentablement. Il était trop fort. Nous avons découvert que l’absinthe l’affaiblissait, mais même comme ça, il n’a jamais succombé à aucune blessure. C’est la raison pour laquelle j’ai voulu faire appelle à une poignée de personnes plus qualifiées que des citoyens ruraux et éreintés.

Il fixa intensément les trois voyageurs, pour bien leur faire comprendre l’importance de la mission qu’on faisait peser sur leurs épaules. Le maire n’avait manifestement pas envie d’essuyer un échec, mais il écarta les bras d’un air accueillant en clamant :

- Vous serez nourris et logés gratuitement pendant toute la durée de votre travail, à l’auberge du corbeau aveugle. Une chambre avec trois lits vous y attend, ainsi que les armes que nous mettons à votre disposition. Ce sont des fabrications uniques, spécialement pour l’occasion, prenez en soin. Pieter va vous guider et si vous avez des questions, référez-vous en à lui.

Valentin tapota l’épaule d’un grand gaillard pâle et maigrichon qui s’était approché à l’échos de son nom. Ce dernier se précipita alors à descendre du kiosque surélevé pour conduire les invités où ils pourraient se reposer du voyage et se sustenter avant de se mettre au boulot.


=== HRP ===

L'arme qui vous ait prêtée est une arbalète en métal léger. Vous avez chacun 5 longues flèches enduites d'absinthe, fais en bonne usage =3

Le voyage avait été long, trop long, tout comme la route boueuse sur laquelle ils avaient dû marcher pendant des heures. Mais si seulement la gadoue qui enduisait ses vêtements comme du chocolat un snikers avait été son seul problème ! Mais non, le pire de tous les fléaux que cette terre maudite portait était définitivement cette boule de feu babillante qui suivait Ace comme son ombre. Le trio avait eu droit à l’exploration de tous les aspects possibles du golf, en particulier celui qui stipulait que malheureusement sans bras rien n’était possible. Au terme du trajet, inutile de dire qu’Elie avait des envies de meurtres.

Alors qu’ils passaient à hauteur d’un homme encapuchonné dont seuls les yeux étaient visibles et que Feufollé répétait une fois de plus combien Tiger Woods le rendait admiratif, la mauvaise jumelle perdit une nouvelle fois patiente. Pour la 38ème fois du voyage exactement.

- Prononce encore une fois, une seule fois le mot « golf » et je t’enfonce un club entier là où le soleil ne brille jamais.

Les murmures de la foule qui s’acculait sur leur passage comme un essaim d’insectes bourdonnant n’était pas pour améliorer son humeur. Seule la perspective du salaire plus qu’alléchant l’empêchait de tourner les talons après leur avoir dit de tous aller se faire foutre chez les grecs, ou tout autre équivalent dreamlandien. 1500 rubz se répétait-elle inlassablement en serrant les poings, 1500 rubz pour le boulot fini et je me tire de ce trou !

Malgré ces pensées qui se voulaient motivantes, la météo exécrable des lieux associée au teint terne des habitants de la bourgade avait de quoi déprimer n’importe qui. Le discours du maire aussi. Alors comme ça ils se faisaient trucider par un suceur de sang tous les 6 mois et avec l’exil la perspective de perdre des gens paraissait d’un coup plus insupportable ? C’était risible, d’ailleurs la mauvaise jumelle dû se mordre la lèvre pour ne pas pouffer. Perdre des gens ok, mais seulement s’il fait beau ? Tu parles d’une philosophie à deux balles…

Elle attrapa l’arbalète qu’on lui confia et la soupesa, l’œil critique. Jamais elle n’avait eu à ce servir de ce genre d’appareil et un peu d’entrainement ne ferait pas de mal avant de se lancer dans la bataille. La psychotique ouvrit la bouche pour demander s’ils avaient un truc qui ressemblait à un stand de tir dans le coin vers la vue des rangées de choux au loin lui rappela qu’elle se trouvait chez les bouseux. Tant pis, elle s’entrainerait directement sur le mur de l’auberge.

- Vous inquiétez pas, c’est comme si c’était déjà fait. Par contre si vous pouviez nous fournir un peu plus de carreaux et de l’absinthe pour enduire les usagers ce serait pas de refus, hein.

Pieter bredouilla en retour quelque chose comme le fait qu’il allait faire de son mieux mais qu’il lui faudrait plusieurs heures avant de les inviter à le suivre jusqu’à l’auberge. Elie lui emboita le pas, profitant du trajet pour recueillir à mi-voix l’opinion de ses compagnons sur leurs employeurs et la situation où ils avaient mis les pieds.

- On se croirait dans un vieux film de vampire en noir et blanc… vous pensez qu’ils ont vraiment de quoi nous payer ? Ils arrivent déjà pas à s’habiller correctement et à entretenir leurs routes…

Son regard se perdit dans la contemplation du paysage lugubre qui n’avait rien à envier à celui de Freedoom. Le château menaçant faisait office de tour de la paresse et les zombies avaient été troqués contre un vampire, tout simplement. N’empêche, cette histoire d’absinthe la laissait franchement perplexe : c’était un vampire intolérant à l’alcool ? Celui qui avait rêvé de ça devait avoir un bon, mais alors un bon grain. Ça sentait le cauchemar de lendemain de cuite.

- Je me demande à quoi ressemble leur vampire allergique à l’absinthe. Une sorte de Dracula peut-être ? N’empêche ça aurait été bien d’avoir quelques informations sur ses capacités avant qu’on nous balance dans le feu de l’action. On sait même pas s’il peut se changer en chauve-souris ou d’autres conneries du genre…

Mais il y avait fort à parier que si ses dons différaient autant des légendes que ses faiblesses ils ne seraient pas au bout de leurs surprises.

Mains dans les poches, Ace avait subi le voyage tant bien que mal. On s’était bien gardé de lui dire qu’il allait tomber dans un endroit dégueulasse comme celui-ci ! Un coin paumé rempli de cul-terreux analphabète et proprement haïssable. Mais bon, le salaire était une clochette dont le tintement irrésistible avait amené le trio à se former pour aider ces bouseux dans le besoin.

Dans le monde réel, le pyromane dépensait en une semaine le PIB annuel du pays, sinon plus à voir l’architecture minable. Mais si seulement il n’y avait que ça de minable…
Assommé par le discours de Feufolé qui n’avait pas cessé une seule seconde durant tout le voyage, le Ken arrivait donc en ville en se montrant bien digne du tatouage qu’arborait sa main gauche. D’ailleurs il la garderait bien à l’ombre dans sa poche. Avec Elie et Mel ça ne le gênait pas ; plus tant que ça, disons. Mais ces gens qu’il ne connaissait pas n’auraient d’entrevue qu’avec son poing droit si le cœur leur en disait. C’était une des rares choses qu’il était prêt à faire gratuitement – s’il s’en sentait le courage.

L’esprit violet quant à lui bougonnait devant la énième remontrance d’Elie. Blâmant le manque de liberté d’expression, légitimant son existence en tant qu’être sensible…
- Et nos oreilles… ‘Sont pas sensibles, p’têt..? A force d’écouter ta merde mes oreilles bourdonnent quand y a du silence maint’nant… Le voyage avait été assez fatiguant comme ça, il ne trouvait même plus la force de dire à son invocation de se taire. C’était vain. Un vrai moulin à parole, un éloquent invétéré avec une réserve argumentative dépassant l’infini.

Feufolé eut tout de même la politesse de se taire alors que le maire – enfin ça, c’était le titre auquel ses fringues moins crasseuses que les autres lui permettaient de prétendre – entama son discours. Les sauveurs de tout un village ? Ouais, ça c’était bottant ! Même si leur pâleur n’avait rien à envier à celle des freedoomiens, pas plus que leur aspect abattu, les yeux des villageois brillaient d’espoir alors qu’ils admiraient tour à tour Jade, Elie et Ace. Orgasmique. Pas grand-chose à savoir sur le vampire, c’en était presque frustrant. Rien mis à part qu’il résistait à la plupart des traitements anti-vampires et que l’absinthe était l’un de ses seuls talons d’Achille connu. Youpi…

- Putain on est censé faire quoi avec cinq pauv’ flèches, là… S’fouttent de ma gueule ou quoi..? Hey, j’vais pas l’buter à la p’tite cuillère, non plus !! Être pauvre n’était en rien une excuse : ils étaient soit fainéants soit incapables et quand on est pauvre c’est intolérable. Ace seul pouvait se permettre ce genre d’écart car lui au moins il avait le fric. C’était peut-être pas un mal que le vampire vienne écrémer un peu tout ça, finalement. Moins de cons sur terre.

La mauvaise jumelle soulevait déjà un autre point ô combien plus intéressant. L’argent.
- Z’ont intérêt à avoir de quoi m’payer. Sinan j’retourne brûler leur village en entier. On me paye ou j’me paye moi-même. A eux d’voir. lâcha-t-il d’un ton menaçant en faisant craquer ses doigts.
- Bah, moi ça me rappelle un film qu’était sorti y a pas longtemps, où y avait des vampires et un type qui-ta gueule.

Personne n’avait envie de savoir ce que Feufolé avait vu, entendu ou apprécié, jusqu’à nouvel ordre. Il l’ouvrirait quand il aurait quelque chose d’intéressant à dire. Pour l’instant Ace avait surtout envie de savoir si on allait tenter de les enfler sur le repas et la chambre mis à leur disposition. Si c’était le cas, il se ferait une joie de mettre à exécution le plan « feu de camp ». Ou… « je vous emmerde », il n’était pas encore fixé sur son choix à ce niveau-là.

- Tiens en parlant d’feu, les vampires y sont pas vulnérable au feu ? Des fois ? Si y a qu’ça, j’suis opé. Au pire on l’enduit d’absinthe et après on le brûle. Ouais, et d’ailleurs dans le film le vamp-mais ferme-là !! Ouiii, mais il… Bref… C’est pas grave. Je le dirai après, je sens que tu es énervé. sans dec’…

D’un autre côté ça semblait trop simple… Même un Cro-Magnon débile connait le feu alors il était possible que ces demeurés de villageois avaient déjà essayé cette option sans succès.
Négligemment, Ace entra dans l’auberge sensée les accueillir pour planter son regard sur chaque recoin qui le dégoûtait – c’est-à-dire partout. Là, il grimaça, n’osant rien toucher de peur d’attraper la peste. En fait, le pyromane commençait à comprendre pourquoi un tel nom avait été choisi pour l’établissement… c’était peut-être mieux d’être aveugle dans un sens, car cet endroit était véritablement mort.

- Hey, euh… C’est ici qu’on bouffe ? Y a quoi à s’foutre dans l’bide, ici ? A part du pain et d’la flotte ? demanda-t-il à qui voudrait l’entendre alors qu’il tournait sur lui-même pour observer les poutres apparentes qui faisaient office de plafond, séparant ainsi l’espace pseudo-habitable d’un toit assez haut. Si c’était moisi, ils seraient les premiers touchés, mais ce qu’il y avait de chiant avec le bois mouillé c’était que ça cramait pas.

Le Ken daigna – ou osa – finalement s’asseoir, pianotant sur la table avec ses doigts fins, visiblement impatient qu’on accède à ses désirs. Il était leur futur sauveur, oui ou merde !? On lui avait promis qu’il serait nourri, alors où était la nourriture !? Un hamburger devait être une espèce rare dans le coin mais il en demandait pas tant, bien qu’il eut pu le faire.

Le voyage avait été long et éreintant, si bien qu’en fin de parcours Jade prêtait autant d’attention à Feufolé qu’à un bruit de fond parasite. La seule chose qui occupait son esprit en dehors de la douleur qui irradiait ses pauvres orteils en compote était celle qui tiraillait ses mollet, ses cuisses, ses fesses… la moindre parcelle de son corps en réalité. Le but de leur périple lui était presque complètement sortis de la tête lorsqu’elle se planta devant l’estrade où le maire leur fit un discours mélodramatique qui lui tira un bâillement. La psychotique le dissimula du mieux qu’elle put derrière sa main, le regard blasé.

Tout ce blabla était inutile, elle savait très bien où elle mettait les pieds. Dans la merde comme d’habitude. Sous prétexte de se remplir les poches Elie l’avait entrainé dans de nouvelles emmerdes avec en tant qu’ennemi rien de moins qu’un vampire. Si ça l’amusait de se taper un trip de la veine d’Underworld ce n’était pas le cas de la bonne jumelle qui ne voyait là qu’une occasion de plus de passer l’arme à gauche.

Sa main droite soupesa l’arme qu’on venait de lui fourrer dans les pattes et grimaça. Elle n’aimait pas être armée. Vraiment. Depuis le jour où elle avait tué cet adolescent à Elipse elle ne pouvait se départir de sa certitude d’être un danger sur pattes quand elle se retrouvait armée avec mieux qu’un cure-dent. Et si en effet le nombre ridicule de carreaux mis à leur disposition était préoccupant, c’était surtout le fait de devoir s’en servir qui dérangeait Jay. Quant à savoir si les gens de ce bled avait de quoi la payer c’était bien le dernier de ses soucis.

- Ouais, bah brulez-les et cassez leur la gueule, n’empêche que c’est pas ça qui fera apparaitre de l’argent. Et puis ils sont peut-être pauvres mais ils ont l’air honnêtes et terrifiés… je pense pas qu’ils nous mentent sur la récompense. Après tout ce serait stupide de chercher à berner des gens capables de tuer le monstre qu’ils combattent depuis des lustres non ?

C’était tellement logique que ça se passait de commentaires. Il aurait fallu qu’ils soient une bande d’idiots décérébrés pour vouloir remplacer un ennemi dangereux contre plusieurs pires encore. L’âme en paix sur ces questions pécuniaires elle pénétra dans l’auberge en cogitant à présent sur la suite de la problématique du jour : quel genre de vampire ils avaient en face. Ace et Elie lançaient des propositions en vrac, simples hypothèses qu’ils n’avaient aucun moyen de vérifier. L’adolescente les laissa faire en prenant place à une table qui, bien que poussiéreuse, remplissait son utilité à merveille.

Les coudes calés sur le bois, elle planta sa tête sur ses mains et ferma les yeux pour réfléchir. Tout ce qu’ils savaient pour l’instant c’était que ce monstre était affaibli par l’absinthe, qu’il sortait la nuit et était donc à fortiori sensible à la lumière du jour et que les blessures classiques ne le tuaient pas. Pas même les pieux des grands classiques du cinéma. Il y avait fort à parier que l’ail avait aussi été testé sans succès, tout comme le feu. Jade lâcha un soupir alors que le pyromane et son double posaient enfin leurs fesses après avoir réclamé à manger. Pas une mauvaise idée au passage.

Un homme aussi terne que le lieu finit par leur apporter trois assiettes d’un ragoût non identifié et une chope de ce qui ressemblait à du vin. La portoricaine dû insister pour avoir quelque chose de moins alcoolisé avant de formuler à leur guide la requête qui lui trottait dans la caboche. Leur principal problème était qu’ils étaient dans le flou, il était donc primordial de commencer par se renseigner plus en profondeur. Il était à peine midi, si bien qu’ils n’avaient que l’après-midi pour faire le jour sur les faiblesses du vampire et élaborer un plan d’attaque. Il était plus que temps de passer la seconde et d’arrêter de râler, de se plaindre et de projeter de massacrer les villageois comme le faisaient ses deux compagnons.

- Euh… Pieter c’est ça ? Oui… je me demandais si vous n’aviez pas des archives de vos affrontements. Avant de se lancer je voudrais m’assurer de ce que vous avez déjà tenté, avec ou sans succès. Vous avez ça quelque part ? N’importe quoi, même des légendes griffonnées sur des bouts de papier ?

Le grand gaillard maigrichon la fixa quelques instants en clignant des yeux avant de hocher frénétiquement la tête. Bon, c’était toujours ça de pris. Jade le regarda s’éloigner précipitamment pour s’enquérir des documents attendus en les laissant seuls face à leur piteux repas. L’adolescente plongea sa cuillère dans le ragoût, le renifla avec une certaine méfiance avant d’enfourner sa bouchée. Bizarrement ce n’était pas aussi mauvais qu’on aurait pu le croire. C’était même plutôt bon.

- Vous pouvez y aller, on en mourra pas, annonça-t-elle à ses comparses en accélérant la cadence.

Le feu… oui, possible que ça marche. Ou pas. Mais on ne pouvait pas savoir avant d’essayer non ? Et Elie était prête à tout essayer, tout, jusqu’à ce que ça marche. Elle n’était pas le genre de fille à abandonner et se faisait d’avance un plaisir de passer ses nerfs sur le premier abruti en cape avec longues canines en prime qui se dresserait sur son chemin. D’ailleurs le mec qu’ils avaient croisé en arrivant au village avec une dégaine terriblement louche, son regard scrutateur n’aidant en rien. Maintenant qu’elle y repensait la mauvaise jumelle ne pouvait pas s’empêcher de penser qu’il y avait quelque chose avec ce mec, mais c’était trop tard pour vérifier désormais.

- Tout ce que tu veux, tant que ça le tue. Même si je serais un peu frustrée de pas pouvoir lui mettre mon poing dans les gencives, rétorqua-t-elle en faisant à son tour craquer ses phalanges.

Le groupe pénétra dans l’auberge alors que Jade tentait d’éteindre leur enthousiasme à coup d’arguments, ne recevant en retour que le regard courroucé de son double. Le pire était quelle avait raison. Les habitants du bled avaient forcement de quoi payer ou était des idiots finis, quant à sa demande de renseignement au garçon fadasse qui les guidait El’ s’en voulu de ne pas y avoir pensé avant. Elles n’étaient qu’une seule et même personne, elle aurait DÛ y penser. Sauf qu’elle était trop impulsive, trop rentre dedans, trop irréfléchie pour prendre le temps de se poser et de classer les informations dans ce qui lui servait de cervelle. Et ça la mettait en rogne.

C’est l’air contrarié qu’elle prit place pour manger le ragoût infâme qu’on leur servit dans des assiettes cradingues. Son regard azur scruta avec un mépris et une colère croissante le plat qu’elle avait devant les yeux et alors qu’elle s’apprêtait à rappeler l’aubergiste pour lui mettre la gueule dedans en lui crachant au visage que même des cochons n’en voudraient pas, la bonne jumelle leur assura que c’était mangeable.

- Tu te fiches de moi ? Si on se chope pas une salmonellose ce sera un miracle, rétorqua-t-elle, un sourcil haussé.

L’adolescente enfourna tout de même une cuillérée pour faire preuve de bonne volonté et dû se rendre à l’évidence qu’en effet, c’était pas si mauvais. Le reconnaître lui arrachait la gueule si bien qu’elle préféra ne rien dire jusqu’à avoir fini son assiette qu’elle repoussa ensuite l’air de rien. Jade aurait été trop contente d’avoir raison, elle ne lui ferait pas le plaisir d’alimenter sa certitude d’être toujours dans le vrai, déjà qu’il lui en fallait peu pour ça…

Il avait dû s’écouler 15 minutes depuis le début du repas, laps de temps suffisant pour que Pieter revienne avec quelques documents entre les bras. Cette paperasse n’enchantait pas la mauvaise jumelle mais il fallait avouer que la fine épaisseur du tas ne la décourageait pas. Avec le peu de feuillets à éplucher, ils en auraient pour une heure tout au plus, et encore c’était seulement s’ils prenaient tout leur temps. Elie fit signe de débarrasser les restes de leur repas avant d’arracher les documents des mains de leur guide pour les étaler sur la table.

La psychotique dû plisser les yeux pour déchiffrer la page qui se tenait devant elle, noircie d’une écriture fine et penchée agrémentée de fioritures. C’était à peine lisible et elle les maudissait intérieurement de ne pas connaître l’usage de l’informatique et plus précisément du traitement de texte. Ou non en fait, elle les maudissait même extérieurement.

- Putain mais même mon médecin écrit mieux que ça… ils pouvaient pas se dénicher un pc ou, je sais pas moi, une machine à écrire ? Même pas foutus d’avoir des archives claires, déjà qu’il n’y en a pas des masses ! Bande de blaireaux…

Tout en ronchonnant contre tout et rien, elle se força à poursuivre sa lecture non sans froisser régulièrement les feuillets qu’elle tenait entre les mains sous l’effet de l’agacement. La lecture était une activité bien trop passive pour lui plaire, qu’on lui mette des bâtons dans les roues avec une écriture illisible rendait l’activité littéralement insupportable. De quoi faire croitre un peu plus son quota de mauvaise humeur déjà conséquent.

- Blablabla… mouais, apparemment ils l’ont déjà empalé sans succès, brûlé sans succès, est-ce qu’ils ont déjà fait un truc avec succès ces cons ? A chaque fois qu’ils font un truc le vampire se fait la malle. Ils n’ont même pas réussi à le retenir assez longtemps pour réussir à lui couper la tête.

Un rire méprisant s’échappa de ses lèvres alors qu’elle secouait la tête pour manifester son dépit.

- Est-ce qu’ils savent seulement lacer leurs chaussures ? Non mais sans déconner, un village entier contre un monstre et ils n’arrivent même pas à l’immobiliser plus de 3 secondes. C’est juste ridicule ! Heureusement que la honte ne tue pas sinon ils seraient tous cannés depuis un bail.

Il fallait reconnaitre que Jade avait au moins ça de bien qu’elle savait motiver, elle aussi. Elle avait raison : ils n’avaient pas de raison de ne pas payer. Mais pourtant, combien de fois on avait tenté de lui faire le coup en lui demandant à lui et ses potes 3 grammes en argumentant que ‘ouiiii, j’ai pas l’argent là, mais booooon, je te paye, c’est sûr ! Sisi t’inquiète, bien, t’as vu !’…
Bref, de quoi rester sceptique ou au minimum conserver un soupçon gênant. Les entourloupes naissent de la connaissance des règles ; et débusquer les entourloupes nécessitait de s’être penché sur elles aussi, et ainsi de suite. Mais ces débiles congénitaux ne s’étaient pas montrés aptes à dépasser la seconde étape, à moins que comme l’avançait la bonne jumelle, ils soient encore plus abrutis que ça et ne se soient arrêtés qu’à la première : suivre les lois. Victimes en puissance.

Le serveur leur apporta enfin leur pitance, ou plutôt osa leur proposer… ‘ça’. C’était tout bonnement ignoble en apparence, à la limite de l’intenable. Une chose était claire : le pyromane ne gouterait pas ça en premier et si ça avait le malheur d’être réellement aussi dégueulasse que ça en avait l’air, ça allait chier. Holocauste dreamlandien.
- Héhé ! Bon appétit quand même !

Le vin en tout cas était vraiment du jus de raisin pourri, mais pas dans le bon sens. Le Ken grimaça en avalant la gorgée avant de balancer le gobelet à travers l’auberge, rageusement. Ces clowns ne savaient que se rouler dans la boue et picoler à longueur de journée, mais en plus ils faisaient des trucs dégueu’. Ces types ne méritaient pas de vivre… La richesse, soit on l’a soit on l’a pas mais dans le second cas, ‘faut la mériter. Et c’était pas avec ces méthodes-là que leur village paumé allait s’en sortir, quand bien même ils seraient débarrassés du vampire d’ici quelques jours tout au plus.

D’après Jade la bouillie rebutante n’était pas mauvaise, mais le pyromane restait de l’avis de la mauvaise jumelle. Ils ne savaient même pas ce que c’était, ni avec quoi c’était fait. Pourquoi ? Deux raisons possibles ; soit ils ne mangeraient pas s’ils le savaient, ou bien ça devait avoir été comestible à un stade de cuisson bien antérieur à celui auquel le plat était actuellement.

Néanmoins, pour faire bonne figure – autant que faire se peut – et prétexter qu’il avait goûté si jamais on lui reprochait de refuser d’avaler une bouchée de plus, le Ken prit une bouchée de ce… cet… ce… Bref. Il ‘en’ mangea. Mâchant d’abord avec précaution, rictus de dégoût aux lèvres, il se décrispa en s’apercevant qu’effectivement, ça se bouffait. Et puis maintenant qu’il avait commencé, il ne tenait plus tant que ça à savoir ce qu’il mangeait.

Enfin ces petits trucs qui flottaient, là… Il les triait quand même. A défaut de savourer son repas qui même s’il était plutôt bon ne cassait pas une patte à un canard, Ace savourait ce qui était peut-être un de leurs derniers moments de détente avant de commencer leur boulot ; ne serait-ce que la partie investigations qui avait été annoncée par la requête de Jade. D’un autre côté, lire ça le faisait outrageusement chier, aussi ne le cacha-t-il pas et soupira profondément en voyant la pile de papiers qu’on déposait devant lui. Il n’y en avait pas beaucoup, donc ils avaient rien foutu, ces bons à rien. Remarque s’il y en avait eu d’avantage, ça aurait été dix fois plus chiant à lire et pour le même résultat puisque le vampire n’était pas clamsé. Mais il était temps d’arrêter de justifier sa mauvaise foi et de se retrousser les manches.

- Ben putain, s‘sont pas foulés, en tout cas. Eh, comment on peut écrire aussi merdiqu’ment.. ? Bien évidemment, cette pique n’attendait pas de réponse, c’était gratuit, c’était le forfait qui comprenait la formule Elie+Ace. Mais au moins ils avaient eu l’intelligence de marquer ce qu’ils avaient essayé, ça éviterait au trio de devoir marcher sur les pas de ces incapables pour arriver aux mêmes conclusions.

- Pff.. encore un boulot d’merde… Y a rien, ici, en plus. Boh, ‘doit bien y avoir un domaine dans lequel ils sont compétents, non ? Ah ouais, y a un truc qu’y font avec succès : m’emmerder. Ça, j’crois qu’y commencent à bien assimiler l’principe. D’ailleurs ça fait chier, z’ont déjà essayé l’feu… Ouais, mais si ça le fait souffrir, c’est déjà pas mal, regarde : il a réussi à s’enfuir mais après ça veut pas dire qu’il a apprécié le coup, quand même. J’aimerais bien savoir, moi, si il brille comme le gay dans ce film, là.. Celui qui étincelle quand il se met torse-nu. C’était ringard. Attends… On a vu ça, nous !? Ouais, à la télé, enfin toi tu t’étais endormi avant que ça commence et tu t’es réveillé quand c’était fini… t’as pas loupé grand-chose.

- ... T'as d'aut' références à la con, comme ça ? Ben c'est ce que j'essaye de vous dire depuis tout à l'heure : y a Van Helsing ! Dans le film, le pire ennemi des vampires c'est les loups-garous ! A bon entendeur... Ah ouais, m'en souv'nais plus, d'ce film... Pas con.

Entre deux bouchées de cette bouillie d’apparence infâme, Jade se plongeait dans la lecture des feuillets jaunis que Pieter leur avait apportés. Pendant qu’Ace et Elie râlaient pour dix, la bonne jumelle se contentait quant à elle de lire en silence pour ne rater aucune information capitale. Si on pouvait résumer les faits importants sur lesquels elle avait posé les yeux il y avait le fait que le vampire soit très vieux, donc passablement expérimenté ce qui n’était pas à leur avantage. Il pouvait ressentir la douleur mais la quasi-totalité des moyens « classiques » étaient inopérants sur lui, était carrément cheaté au niveau des caractéristiques physiques mais surtout… surtout… même le tuer n’était pas suffisant vu que ce con ressuscitait.

Les sourcils froncés, Jade laissa tomber sa cuillère dans son assiette l’air visiblement contrariée, constellant la feuille qu’elle lisait d’une myriade de petites gouttes grasses ce qu’elle regretta aussitôt. Tout en essuyant le document avec une serviette en papier, elle grommela entre ses dents :

- Comment tuer un truc qui ne peut pas mourir ? J’veux dire que… même si on arrive à faire autant qu’à leur dernière attaque ce ne serait même pas suffisant alors quoi ? Faut le dépecer ? Le brûler jusqu’à ce qu’il ne reste plus de lui que des cendres ? Et s’il avait un pouvoir comme celui de Melena, celui d’avoir l’air mort, il pourrait nous duper comme il les a dupé eux…

L’adolescente se prit la tête dans ses mains et poussa un profond soupir. Qu’est-ce qui la retenait de faire demi-tour déjà ? Elle ne le savait même pas. Connaissant son double celle-ci allait probablement proposer de s’y rendre la journée pour avoir plus de marge de manœuvre avant l’attaque du soir parce que « la meilleure défense c’est l’attaque » ou une autre connerie du jour. Sauf que la meilleure défense quand tout était perdu d’avance c’était de prendre le premier train et de filer sans demander son reste, mais formuler cette éventualité serait pisser contre le vent.

Et bingo ! La proposition suicidaire tomba de la bouche de sa copie conforme dans la minute qui suivi. Étant donné qu’il leur restait 2 heures avant d’avoir leurs carreaux supplémentaires, il ne lui restait que deux heures à vivre. Ô rage, ô désespoir.

Un grommèlement inintelligible s’échappa de ses lèvres alors qu’elle se mettait debout pour faire les cents pas dans la pièce découpée en tranches nettes par des raies de lumière où flottaient par millions des particules de poussières en suspension. Lorsqu’elle s’approcha d’une des fenêtres crasseuses, la psychotique marqua une pause et mit ses mains en visière au-dessus de ses yeux. De l’endroit où elle se trouvait on pouvait voir le fameux « château de Mina » dont le pont levis était relevé, coupant tout passage. Rien que d’imaginer les bestioles nageant dans les douves boueuses elle se sentait secouée de frissons. Seuls les oiseaux pouvaient espérer passer de l’autre côté. Peut-être l’avait-elle pensé un peu trop fort d’ailleurs car dans son dos le visage de son double se fendit d’un sourire même si elle ne pipa mot.

Après un long moment d’observation elle quitta la fenêtre pour se tourner vers ses deux comparses, ou trois si on comptait Feufolé qui déversait sur eux un babil inintéressant au possible pour ne pas bouleverser ses habitudes. Les références cinématographiques devaient l’inspirer, mais Jade n’était pas sûr qu’on puisse se fier à la fiction pour mener cette offensive. Ok, peut-être que les loups-garous étaient le point faible de l’ennemi, ou peut-être pas. Et s’il avait existé un film où l’on pouvait tuer un vampire avec un chou-fleur ils y auraient aussi apporté du crédit ?

- Bon ok, on va là-bas dès qu’on est mieux armés… et ensuite ? C’est quoi votre plan hein ? Déjà comment on rentre dans le château si on ne peut pas traverser les douves ? Et même si on arrivait à rentrer : on fait quoi si le vampire nous tombe dessus sans prévenir ? Quels sont nos moyens offensifs et défensifs concrets ? elle avait particulièrement appuyé sur le dernier mot tout en posant ses mains sur ses hanches, Je sais que vous êtes motivés mais je veux pas mourir, alors vous avez intérêt à être très convaincants si vous tenez à me faire entrer là-dedans.

Bon, elle ne risquait pas grand-chose à vrai dire grâce à son pouvoir de lâcheté abusive mais c’était le genre de chose qui lui sortait littéralement de la tête dans les moments critiques et puis… on n’était jamais à l’abri d’une panne non ? Être trop confiant c’était être inconscient, point barre.

Y’avait pas à dire : c’était chiant. Échouer était déjà lamentable mais le coucher sur papier pour que les autres puisse profiter de vos pitoyables aventures c’était toucher le fond et continuer de creuser. Elie réprima un bâillement alors que Jade se levait pour dire que c’était perdu d’avance pendant que Feu’ se lançait dans un monologue accès une fois n’est pas coutume sur autre chose que le golf. Rien que pour l’effort fourni elle y prêta une oreille distraite, et réussit même à en sourire. Etre l’incarnation de la Némésis de leur ennemi était à la fois flatteur et annonciateur de victoire non ? Bon, fallait pas mettre la charrue avant les bœufs mais c’était quand même foutrement encourageant !

- Je suis le pire ennemi de tous les cons qui croisent ma route Feu’, les vampires feront pas exception à la règle. D’ailleurs j’ai même pas envie d’attendre la nuit. Allons le tirer de son cercueil pendant sa sieste, ça lui fera les pieds. Et puis porter le premier coup nous donnera forcément l’avantage !

Le grommellement de Jay ne fit qu’élargir son sourire. Si son double désapprouvait c’était qu’elle s’approchait de la solution. Ce n’était pas avec les méthodes couardes de sa copie conforme qu’ils règleraient ce problème. Sa décision prise elle envoya donc valser négligemment la feuille qu’elle avait en main pour finir son « repas ». Alors qu’elle engouffrait ce qu’il restait de plat de résistance une pensée qui n’était pas sienne lui traversa l’esprit. Un piaf hein ? Ça tombait bien que l’une d’entre eux puisse se faire pousser des ailes… Un sourire malicieux, un peu fourbe aussi, éclaira son visage mais elle préféra garder ça pour elle, au moins pour l’instant. En sachant le rôle qu’elle jouerait sous peu Jade risquerait de vouloir prendre la poudre d’escampette.

Son assiette vide la psychotique n’eut plus qu’à examiner son arbalète pour passer le temps, la pointa tour à tour sur Feufolé, le lustre rouillé et l’aubergiste qui n’en menait pas large. S’entrainer un peu au tir au préalable ne serait pas une mauvaise idée tiens ! Ce moment aurait presque pu devenir agréable si la bonne jumelle ne l’avait pas interrompu avant qu’elle ne mette son idée en application avec un numéro dramatique au possible largement badigeonné de défaitisme. Ne lui manquait plus qu’une banderole « on va tous mourir ! » pour compléter ce tableau déjà chargé.

Elie s’affala sur le dossier de sa chaise pour mieux regarder celle qui lui faisait face. Elle voulait un listing c’est ça ? Et pourquoi devraient-ils se fatiguer à la convaincre d’ailleurs ? Ils ne seraient pas payer à se cacher sous une table en attendant que ça se passe. Mais bon, s’il n’y avait que ça pour lui faire plaisir !

- On a 15 flèches enduites d’absinthe en tout et probablement le double au moment du départ. On a de l’absinthe tout court pour enduire ce qu’on veut y compris le vampire avant d’y mettre le feu. On a mes pouvoirs offensifs, ceux d’Ace ainsi que des défensifs à toi qui t’assureront la survie Jay. Je te rappelle que tu peux devenir in-con-sis-tante. A moins qu’il ne puisse rejoindre le plan astral tu risques que dalle.

C’était presque honteux de la voir s’inquiéter de s’en sortir saine et sauve alors qu’elle était concrètement la seule à être assurée de revenir de cette mission sur ses deux jambes. Seule la certitude que son double ne pouvait pas lutter contre l’instinct de son être incomplet l’empêcha de le lui signaler plus ouvertement.

- T’inquiètes pas pour les douves, j’ai déjà ma petite idée de comment faire descendre le pont-levis. Et si jamais Draculito nous tombe dessus… merde quoi ? Feu’ montera la garde. Il fait pas que parler de golf tu sais ? Ouais, je sais c’est pas très crédible et pourtant…

Et voilà ! Une pique et ça repart ! Vexer la boule de feu ambulante était bien le dernier de ses soucis, et au moins ça avait le mérite de l’avoir mise de bonne humeur. Que personne n’en soit revenu ne voulait pas dire qu’ils allaient échouer, jusque que les autres étaient des loseurs. Ils ne pouvaient pas mourir, sa fierté ne le lui permettrait pas.

Ne resta plus qu’à haranguer l’aubergiste pour lui réclamer une cible qu’il apporta bien volontiers de peur de voir son lieu de travail réduit à l’état de passoire. La mauvaise jumelle aurait préféré s’entrainer sur des choses vivantes et en mouvement histoire de se mettre dans le bain mais il fallait avouer qu’elle visait peut-être un peu haut. Brûler les étapes n’était pas la meilleure manière de s’en sortir, du moins à en croire les préceptes populaires.

Pour une fois que Feufolé et Ace s'entendaient bien et pouvaient discuter sans s'insulter ou autres, il fallait que ça soit sur un sujet d'une inutilité flagrante... A l'évocation du loup-garou, le pyromane avait inévitablement pensé à Elie, cette dernière profitant d'ailleurs de cette perche pour proposer d'aller déloger le Dracula dreamlandien dès maintenant.

De jour, c'était plutôt une bonne idée en soi, mais si tôt... Ace grimaça à l'idée de devoir partir à la chasse quelques minutes seulement après être arrivé à destination, mais le plus tôt serait le mieux. Le désir de procrastination fut donc rapidement remplacé par la certitude engageante qu'une attaque éclair surprendrait le vampire : la victoire était presque assurée... 'presque'. Les interrogations de la bonne jumelle taraudaient le jeune homme : comment tuer ce vieux chnoque alors que rien ni personne n'avait réussi jusqu'à présent ? En tout cas ce détail ne semblait pas entamer l'enthousiasme du petit esprit violet.

- Ouais ! bonne idée, allons-y maintenant ! En plus je me suis toujours demandé comment c'était à l'intérieur d'un château. C'est beau ? C'est grand ? Hm.. Oui, c'est forcément grand.. Mais c'est pas un super investissement si on dort pratiquement toute la journée... moi à sa place, j'en profiterais un maximum pour faire ben.. Je sais pas, un peu de tout ! comme du golf, par exemple.

Mais il est peut-être pas seul, j'y pense. Dans les films, les vampires ont toujours des majordomes bossus, des gardes fantômes ou d'autres vampires avec eux. Et je vous le dit tout de suite : j'ai pas envie de croiser ses copains. D'ailleurs on devra les tuer, eux aussi ? ou on doit tuer que- euh.. Il s'appelle comment, déjà ? bref, appelons-le Vlad. tous les vampires s'appellent Vlad

Pendant que Feufolé déballait un flot ininterrompu de paroles, Jade et Elie fignolaient les détails dans leur coin. Le pyromane ne savait pas s'il devait écouter Feu' ou se concentrer sur la tactique que développaient les jumelles sans l'expliquer pour autant.
Il saisit pourtant une opportunité pour s'incruster dans la discussion, laissant l'esprit violet à son monologue :
- T'en fais pas, au pire les conneries d'Feu' l'achèveront... Perso j'le vois pas monter la garde : y nous f'ra r'pérer encore plus vite à causer pour mille. Le reproche s'accompagna d'un regard sceptique en direction du feu-follet qui ne semblait même pas avoir entendu.

- T'façon on verra ça au moment voulu, on a rien à perdre. Tu veux qu'on fasse quoi d'autre, z'ont pas d'arme potable dans c'patelin d'merde ! J'parie qu'on trouvera plus facilement d'quoi l'blesser sur place.
le Ken partait en effet d'un constat simple : si ces bouseux d'employeurs ne pouvaient leur fournir que des arbalètes et de l'absinthe, on ne pouvait pas espérer trouver grand-chose d'autre dans le village. Plus ils réfléchissaient et plus le groupe perdait du temps au lieu d'attaquer, et la nuit tomberait avant d'avoir pu se décider sur le 'comment'. Parfois, foncer tête baissée était encore la meilleure chose à faire, non ? C'est tellement stupide que l'ennemi n'arrive pas à vous calculer. Impec' !

En parlant d'arme, l'idée de tester ces machins à deux francs était plutôt bonne. Inconscient jusqu'au bout, Ace n'attendit même pas que le serveur dépose la cible pour tirer. Par chance le carreau alla se planter dans le ballot de paille, le traversant presque, et non dans l'employé de l'auberge...
Néanmoins la tête que tira ce dernier avant de s'enfuir fit beaucoup rire le Ken qui le visa avec son arme durant sa course. La chasse au pigeons deviendra un jour un sport reconnu. C'est certain !

Pour recharger l'arbalète, c'était plus facile à dire qu'à faire : bander la corde s'avérait être une tâche assez ardue. Même si la puissance de ces bidules semblait sympathique à souhait, ce petit détail rendait le rechargement lent... trop lent. Il fallait espérer que le trio n'ait pas à s'en servir dans la précipitation à moins d'avoir un petit laps de temps devant eux entre chaque tir...

- Hahaha ouais !! Excellent, nan ? Ça claque, n'empêche commenta le pyromane alors que son deuxième carreau se fichait dans le mille.
- T'as ça dans le sang ! Mais 'reste à voir si ça sera aussi facile avec des cibles éloignées et surtout : mouvantes ! Tu les sens comment, les futurs ratés ?
- Rabat joie... T'vas voir quand j'lui aurai carré une flèche-un carreau. Hein ? On dit un carreau, pas une flèche. Oais, s'tu veux. Ca r'viendra au même quand il en aura un casé entre les deux yeux, ce con !

En se repassant la discussion dans sa tête, Ace se demandait à quoi pouvait bien penser Elie lorsqu'elle parlait de 'petite idée' pour entrer dans le château. Il y avait fort à parier qu'elle ne dirait rien avant d'y être, mais cela intriguait tout de même assez le pyromane pour qu'il tente d'en savoir plus au moyen d'une petite idiotie innocente.
- Et alors, pour rentrer, tu comptes trouver une catapulte ? demanda-t-il sur un ton amusé

Les arguments d’Elie n’avaient rien de transcendant ni de convaincant si bien que Jade les accueillit avec un air blasé. Son visage blême restait caché derrière son masque de réticence et la seule chose qui l’empêchait de prendre ses clics et ses clacs avant de se tirer d’ici était l’affirmation de son double sur le fait qu’étant inconsistante elle ne risquait rien. Ouais, en théorie. La bonne jumelle croisa les bras en faisant la moue alors que la voix fluette de la paranoïa lui soufflait que le problème de la théorie c’était qu’elle différait parfois de la pratique, mais elle se retint de l’exprimer haut et fort. Ça n’aurait servi à rien d’autre qu’à la faire rabrouer par sa copie conforme.

Mais si son silence était tout d’abord volontaire il fut ensuite forcé quand la remarque pleine d’insinuations d’El’ lui coupa le souffle. Ça sentait mauvais. Très mauvais. Trop mauvais. Une petite idée pour baisser le pont levis ? Qu’elle la fixe avec autant d’insistance de pouvait que lui mettre la puce à l’oreille mais elle n’arrivait pas à comprendre quelle idée tordue avait pu germer dans la tête de son double. Elle voulait lui faire traverser les douves à la nage en temps qu’être immatériel ?!

Les histoires concernant Feu’ lui passaient au-dessus de la tête tant elle était estomaquée. Ace et Elie pouvaient bien rire et s’entrainer à l’arbalète, le fait est qu’on allait probablement lui demander l’impossible sous peu de la manière la plus fourbe possible : en la mettant au pied du mur. Sauf que le principe de l’impossible, c’est qu’il est impossible ! IMPOSSIBLE ! Rebondissant sur la dernière bêtise du pyromane elle rétorqua avec un stress palpable :

- Non, pas une catapulte, elle va juste me prendre le chou pour que je fasse un truc suicidaire. Je le vois dans ses yeux de f… de fouine ? Sauf qu’elles avaient les mêmes, Jade se reprit donc tant bien que mal, Dans ses yeux quoi !

Bras croisés et air boudeur elle tourna le dos au couple pour se lancer dans l’observation de son arbalète artisanale. Elle ne tirerait probablement pas avec quand ils en auraient besoin ou par un hasard fortuit mais ça ne couterait rien de s’entrainer. Et puis ça lui donnerait l’occasion d’imaginer la tête de ses compagnons sur les cibles de paille et d’évacuer ainsi la tension qui la gagnait peu à peu et manquerait de la faire exploser sous peu si elle ne faisait rien.

Placer le carreau, tendre le bras, viser tant bien que mal… et manquer de tuer un chat. Le matou détala dans un feulement offusqué puis disparu par une lucarne alors que Jay, une main plaquée sur la bouche, commençait à se dire qu’une arme n’avait rien à faire entre ses mains.

- Nan mais vous savez quoi ? Je vais vous laisser cette partie, les armes et moi ça fait… commença-t-elle avant d’être interrompu par une remarque acerbe de son double.

Ouais, bah peut-être qu’elle avait besoin de moyens de défense mais ça ne changeait rien au fait qu’avec ce truc dans les mains elle ne représentait qu’une menace supplémentaire ! Grommelant dans son coin elle s’entraina néanmoins tant bien que mal même si ça consistait plus à transformer les murs en passoire qu’à toucher le centre de la cible. Bof, au pire ça servirait d’arme dissuasive.

Les parois de bois de la grande salle furent bientôt aussi grêlées que le visage d’un adolescent acnéique. Et la cible ? La bonne jumelle l’avait touché deux fois à tout casser dont une par pure chance – le chat effrayé l’ayant fait sursauter par un retour en force, toutes griffes dehors pour une furieuse attaque contre ses mollets sans défense. Elle poussa un soupir et finir par abandonner, préférant aller voir l’aubergiste pour lui soutirer deux ou trois objets utiles. Entre autres des allumettes soufrées, une corde solide, quelques bouteilles de tord-boyaux local qui même s’il n’était pas de l’absinthe serait tout à fait utile en cocktail molotov. Le feu ne tuait peut-être pas le vampire mais il le faisait souffrir et quoi de tel qu’un rideau de feu pour couvrir une fuite ? Ce n’était pas le Ken qui dirait le contraire en tout cas.

L’adolescente passa le temps qu’il restait avant leur départ à confectionner des armes artisanales tout en jetant un coup d’œil au duo d’arbalétriers de temps à autres. Ils se débrouillaient plutôt bien mais ils restaient des débutants. Hélas.

*Pfff… on va se foutre dans les emmerdes jusqu’au cou. Comme d’habitude.*

L’enthousiasme d’Elie manquait dangereusement de retomber comme un soufflé. Entre Ace qui annonçait de but en blanc que Feufollé refuserait probablement de coopérer –et que même s’il acceptait il serait aussi discret qu’un éléphant dans un magasin de porcelaine- et Jade qui s’offusquait par avance, légitimement ou non, de son rôle potentiellement important dans l’opération infiltration. Heureusement aux grands maux les grands remèdes, celui-ci se présentant sous la forme d’une arbalète. Rien de tel que de tirer dans des trucs pour se détendre les nerfs.

La mauvaise jumelle observa le Ken pendant qu’il tirait, hocha la tête pensive puis s’y mit à son tour après un haussement d’épaules. Ce n’était pas plus dur que de tirer au pistolet à bien y regarder et elle n’eut pas trop de mal à viser le centre à l’instar du pyromane. Alors qu’elle orientait son carreau vers un chat effrayé par Jade pour s’entrainer sur des cibles mouvantes la question d’Ace interrompit son geste – pour le plus grand bonheur du matou. Elie ignora royalement les ronchonnements de son double et répondit non sans sourire en coin :

- Une catapulte ? Naaan… disons que j’ai deux solutions, elle désigna Jade du pouce, Une qui lui plaira pas, et une qui vous plaira pas. Du coup je préfère garder ça pour moi et aviser sur place, ça entretiendra mon côté femme mystérieuse.

Forcément il fallut que Jay face étalage de sa désapprobation en tirant à l’arbalète avec un manque de talent presque surnaturel qu’Elie mit mentalement sur sa répugnance à manier les armes. La bonne jumelle ne s’était jamais vraiment remise de la mort de cet adolescent à Elipse et ce ne serait probablement jamais le cas. Mais si El’ voulait bien concevoir que sa moitié ne serait jamais une tireuse d’élite il était hors de question qu’elle pénètre dans le château sans arme. Ce qu’elle ne manqua pas de lui faire remarquer.

- Mon poing dans ta gueule ça ne fera qu’un si tu déposes cette arbalète.

Et hop, emballé c’est pesé. La motivation n’y était pas, mais elle avait au moins réussi à pousser sa copie conforme à s’entrainer ce qui était une vraie victoire en soi même si ça les poussait Ace et elle à esquiver les carreaux perdus qui venaient s’enfoncer dans les murs à quelques centimètres de leurs têtes. Ça en devenait presque un entrainement en conditions réelles ! Elle se pencha juste à temps pour ne pas se faire transpercer le crâne et lâcha un rire frais. Y’avait pas à dire, taquiner la bonne jumelle la mettait de bonne humeur.

La portoricaine se glissa vers Ace alors que Jade délaissait l’entrainement pour embrasser une carrière de terroriste. Il avait l’air plutôt content de lui comme à l’accoutumée et affichait son air de jeune con suffisant. Elle le jaugea l’air amusé tout en récupérant ses carreaux fichés dans la cible puis lui souffla hors de portée des oreilles indiscrètes de Jade :

- Pour ta question de tout à l’heure, en fait au début je comptais sauter dans les douves directement. Avec tout ce qui barbote dedans ça me mettrait en danger et déclencherait l’apparition des ailes de Jay pour qu’on puisse rejoindre l’autre côté. Ensuite y’aurait plus eu qu’à abaisser le pont levis tu vois ? Sauf qu’elle va pas aimer l’idée je le sens, alors j’me suis dit que je pourrais tout simplement utiliser mon porte clef lycan’ pour sauter par-dessus les douves. Au pire si je bondis pas assez loin, bah on en revient au plan A.

L’adolescente scruta le visage qui lui faisait face en quête de réaction puis se détourna pour rejoindre la limite qu’elle s’était donnée pour l’entrainement au tir. Qu’elle se mette en danger sciemment risquait de ne plaire à personne mais s’ils avaient de meilleures idées elle était preneuse. Le problème c’est qu’ils n’avaient pas vraiment d’autres solutions sous le coude.

- Tu m’en empêcheras pas le moment venu hum ? J’ai besoin qu’un de vous deux au moins ait confiance en moi sur ce coup-là.

Ce n’était peut-être pas très fair play que de sortir ce genre de phrase pour mettre la pression mais la dernière chose qu’elle voulait était de voir ses deux collègues faire front pour l’empêcher de réaliser leur boulot. On ne vivait d’amour et d’eau fraiche que dans les bouquins à l’eau de rose et elle ne comptait pas se laisser mourir de faim pour éviter une mort violente. Après tout quitte à mourir, autant mourir vite, elle aurait moins le temps de le sentir passer.

L’idée de la catapulte n’était peut-être pas si stupide, tout compte fait. Enfin.. Il faudrait réfléchir à l’atterrissage, mais bon.. de toute façon, tant que ça n’était pas Ace qui était catapulté…
En tout cas sa petite question eut le mérite de faire dire à chacun ce qu’il avait sur la conscience : Jade imaginait déjà un scénario suicidaire ; elle n’avait peut-être pas tort… Le pyromane ne put se retenir de pouffer lorsque la bonne jumelle manqua de s’insulter elle-même sous l’emportement. Ce qui s’annonçait ne lui plaisait pas, visiblement. C’était assez comique.

Le pressentiment de Jade se vit confirmé par Elie, mais cette optique d’un plan qui ne plairait ni à Jade ni à Ace laissait ce dernier sceptique. Comment ça ? Qu’est-ce qu’elle voulait dire..? Le côté femme mystérieuse, c’était sympa, mais ça ne ravivait que d’avantage l’intérêt que portait le pyromane au dit plan.

- Héhéhé ! Dans le premier plan Elie catapulte Jade, et dans le second, elle vous catapulte tous les deux s’esclaffa Feufolé. Visiblement, cela ne fit rire que lui. Même Ace ne prit même pas la peine de rire de ce qui était à la base sa propre blague.
Le Ken y mit tout de même un peu de bonne volonté, aidé par le tir magistrale de la bonne jumelle. On voyait bien qu’elle n’aimait pas se servir de ce genre de trucs, mais il fallait bien admettre que la gueule du chat était tout simplement hilarante ! La sale bête avait tendu la patte pour griffer le carreau fiché dans le mur avant de détaler. Logiquement, un vampire était plus gros qu’un chat ; Jade s’en tirerait très bien !

Malgré les protestations de la bonne jumelle, Elie refusait qu’elle lâche son arme. C’est vrai, à trois ils avaient d’avantage de chances de toucher leur homme, on ne pouvait pas se passer d’un tireur.
- Je me serais bien proposé pour tirer à sa place, mais vu que j’ai pas de bras… Quand Ace se décidera à m’offrir un club de golf, peut-être que je serais plus enclin à vous aider.
- T’as pas d’bras et c’est comme ça ! Que j’t’offre un club ou nan ça changera que dalle.

Plus ça allait, et plus Jade visait mal. C’était vraiment amusant et ça avait un bon côté : si le vampire saurait prédire la trajectoire des carreaux tirés par un Guillaume Tell, il serait pris au dépourvu devant tant d’incompétence qui se transformait en imprévisibilité mortelle. D’ailleurs ça n’était pas passé soin, cette fois-ci. Elie eut un superbe réflexe qui lui sauva sans doute la vie. En chœur, Ace et Feu’ s’écrièrent « SCOOOOOORE !! » comme s’ils assistaient au match d’un sport quelconque. Ne manquait que le gant de supporter que le pyromane tira de sa hotte et enfila sur sa main droite, pouffant comme un crétin.

Alors que Jade s’entrainait, Ace vit qu’Elie s’était approchée. Elle profita de la concentration de la bonne jumelle pour souffler son plan au pyromane. Inutile de dire que le sourire de ce dernier disparut rapidement…

- ‘ttends.. T’es sérieuse, là ?
- Et il se passe quoi si elle se fait vraiment chopper par un crocodile ou un truc comme ça ? J’suis sûr qu’il y a des crocodiles. Les douves, c’est comme nos égouts, sauf que non, mais en tout cas y’a des tonnes de trucs, là-dedans. Je suis sûr que le plan A marchera !

L’enthousiasme de Feufolé ne rassura pas du tout le pyromane qui imaginait déjà le pire. Il fallait que le plan B réussisse coûte que coûte, sinon il allait se chier dessus, maintenant, grâce à l’imagination débordante de son invocation.
L’en empêcher ? Non seulement il ne voyait pas comment, mais en plus il savait pertinemment que quand Elie avait une idée derrière la tête, on ne l’en ‘empêchait’ pas si facilement ; voire pas du tout. Si elle comptait le faire, elle devait s’être préparée au pire, elle aussi. Restait à espérer que tout se passerait bien en cas d’attaque de monstre du Loch Ness…

Il fit non de la tête. Il ne ferait rien pour l’en empêcher. Fais gaffe, quand même, dit-il simplement. Inutile d’en dire plus, et puis les séances ‘romance dans un marais’, c’était pas top, quand même. ‘Faudrait bien rentrer dans ce château à deux balles, et à défaut d’avoir un meilleur plan, le moins qu’il puisse faire était de ne pas encombrer Elie avec des pensées parasitantes.

Revenant à son arbalète, le Ken arma son dernier carreau et tira. Peut-être à cause des soucis que Feu’ venait d’ancrer dans son esprit, toujours est-il qu’il faillit manquer la cible. Il s’en faisait pour rien ; elle saurait se démerder. Mais quelque part, il aurait préf-« ne pose pas une question dont tu ne veux pas entendre la réponse » a dit un grand sage.
- Qui ça..?
- K, dans Men in Black.

Le pyromane lâcha un profond soupir puis croisa le regard de Feu’… avant de partir dans un fou rire, rapidement suivi par la boule de feu. C’était débile… tellement débile que ça le faisait rire, lui faisant oublier tous ses soucis. Finalement, peut-être que ce job ne serait pas si merdique que ça. Après tout, il était bien entouré.

Telle la Mc Gyver de Dreamland jade se trouva bientôt équipée de tout un tas d’armes artisanales qui n’avaient pas grand-chose à envier à l’association chewing-gum + bout de ficelle. Elle ne savait pas si l’absinthe brûlait bien, pas plus qu’elle ne connaissait sa propension à toucher sa cible surtout en cas d’urgence. D’ailleurs elle n’avait même pas de quoi les allumer. Une chance d’y avoir pensé avant de se retrouver devant leur ennemi aux dents longues…

Pendant que les deux autres continuaient leurs messes basses en jouant aux tireurs d’élite de l’ancien temps, la bonne jumelle se glissa derrière le bar pour emprunter la porte qui menait aux cuisines. Dans la pièce des odeurs agréables flottaient encore, car les plats locaux sentaient bon à défaut d’être alléchants. On avait ouvert la fenêtre pour évacuer les vapeurs brûlantes qui s’étaient accumulées au plafond et une douce brise y entrait, faisant voler dans son dos la chevelure brune de l’adolescente. L’ambiance y était calme, et agréable, rien à voir avec le climat qu’entretenaient les deux zigotos dans la pièce adjacente. Dans un coin de la pièce le cuisinier s’affairait à récurer une marmite et ne semblait pas avoir remarqué son arrivée.

Après s’en être approchée Jade attendit sagement qu’il se retourne mais faute de réactivité elle finit par s’éclaircir bruyamment la gorge. L’homme rougeaud sursauta la main sur le cœur avant de braquer un regard stupéfait sur la jeune fille qui lui faisait face. Celle-ci regrettait déjà son acte et se demandait si le pauvre homme n’était pas cardiaque. Ce serait un comble de faire mourir de peur l’un de ceux qu’elle était censée sauver.

- Euh… vous désirez ? finit par articuler le cuisinier, le front barré d’un pli soucieux.

- Des allumettes, elle tendit le cocktail qu’elle avait gardé à la main, Pour les allumer. J’avais complètement oublié que je n’avais rien pour ça. Vous en avez, non ?

L’homme ne comprenait visiblement pas où elle voulait en venir –ici on buvait l’alcool, on ne s’amusait pas à l’enflammer- mais il opina du chef et alla chercher ce que leur mercenaire demandait. Pendant qu’il fouillait dans les placards Jay se perdit dans la contemplation du château sordide qui émergeait de l’océan végétal qui entourait la ville. Même en plein jour le brouillard l’enveloppait de ses volutes, doigts cadavériques refermés autour de sa proie. Elle frissonna.

C’est la main refermée sur sa croix qu’elle accueillit les allumettes, non sans offrir un sourire à l’aubergiste qui avait cédé à son caprice. Lorsqu’elle retourna dans la salle Ace était pris d’un fou rire irrépressible qu’elle ne s’expliquait pas et qu’elle ne préféra pas expliquer. Tendue comme la corde d’un arc elle aurait sûrement mal pris le fait qu’on se moque de leur situation. Risquer de mourir n’était pas drôle. Pas drôle du tout même, et elle ne put s’empêcher de penser que Melena l’aurait approuvé sur ce point.

Dans un silence presque religieux elle ignora donc ses camarades pour ranger soigneusement cocktail molotov, arbalète et carreaux. La psychotique avait presque terminé lorsque Pieter pénétra dans l’auberge les bras chargés de 15 carreaux supplémentaires. Ce n’était pas grand-chose mais c’était mieux que rien, aussi le remercia-t-elle chaudement tout en priant pour qu’on ne lui demande pas de les utiliser. Si elle avait donné son flingue à Maxim il y avait de ça deux mois, ce n’était pas pour rien. Les armes et elles faisaient définitivement deux.

- Bon… je suppose que c’est le moment de partir ?

Bien qu’elle annonce le signal du départ, ses yeux suppliaient qu’on la détrompe. Et personne ne le fit bien sûr. A peine dix minutes plus tard ils dépassaient les limites du village et s’enfonçaient dans les marais. Les moustiques y pullulaient au point que Jade perde le compte de ceux qu’elle avait tué d’une claque sèche contre la peau de ses bras ou de son cou qui commençaient sérieusement à la démanger.

- Je tuerais pour de la citronnelle, soupira-t-elle alors qu’ils s’engageaient un peu plus profondément dans ces bois marécageux dont les cimes épaisses des arbres masquaient le soleil.

Pas d’enthousiasme débordant au rendez-vous mais elle s’y était attendue. Après tout quand on proposait un plan qui mettait sa vie en jeu les proches clamaient rarement « génial ! Ça promet d’être fendard ! ». Au moins Ace avait l’air résigné à la laisser réaliser son caprice et c’était tout aussi bien. Il avait bien raison de penser qu’Elie n’était pas du genre à reculer juste parce que les autres étaient déterminés à mettre leur véto. Néanmoins le manque d’entrain ambiant l’avait fait se rembrunir heureusement on pouvait toujours compter sur Feufolé qui causa le fou rire du pyromane puis de celui de la mauvaise jumelle. Ces conneries étaient communicatives, et il fallait avoir que la blague était plutôt drôle –une fois n’est pas coutume.

Une fois calmée l’entrainement reprit, entre volées de carreaux et séances de récupération. Elie ne s’interrompit que lorsque Pieter pointa son nez avec les armes supplémentaires qu’elle avait commandé. Ce n’était que 15 projectiles supplémentaires mais il fallait espérer qu’ils suffiraient. Non. Ils suffiraient forcément. Elle ne comptait pas crever aussi facilement.

La psychotique laissa son double se charger des remerciements pendant qu’elle rangea ses affaires avant qu’on ne donne le top départ. Jay aurait voulu qu’on la contredise mais Elie n’en fit rien, se contentant de la dépasser pour prendre la tête du groupe. Il ne fallut pas longtemps pour quitter bouseux land et rejoindre le fabuleux pays des moustiques. Si sa copie conforme aurait tué pour de la citronnelle, elle de son côté l’aurait fait pour un lance-flammes. Ces arbres, ces bestioles, ce terrain boueux… tout cramer pour faire place nette aurait été un vrai plaisir et ce n’était pas le Ken qui la contredirait sur ce point. En bonne ville de la ville ces conneries « naturelles » lui usaient les nerfs aussi sûrement qu’un morceau de scie musicale.

Son chemin était tracé à coup de pieds rageurs dans la végétation alors que ces mains écrasaient des moustiques à coup de claques. Râler ? Oui bien sûr qu’elle le faisait, promettant les pires sévices aux plantes et aux bestioles locales y compris des sombres projets mettant à profit un local sombre, un godemichet métallique et un chalumeau. Un peu de scotch aussi, par respect du voisinage.

- Oh putain les suceurs de sang locaux commencent sérieusement à me péter les burnes, grommela-t-elle entre ses dents pour la centième fois au moins, Qu’on trouve le plus gros et qu’on se tire d’ici avant que je pète définitivement un câble !

Aussitôt dit, aussitôt fait ! La cime des arbres qui s’éclaircissait progressivement laissa entrevoir la silhouette lugubre du château sortit tout droit d’un vieux film en noir et blanc. La pierre grise rongée par l’humidité, les immenses tourelles, les corbeaux tournant autour de son sommet comme les charognards qu’ils étaient… tout y était. Ce ne fut que plus frappant quand le pied de la demeure fut visible avec son option douve+pont-levis, le summum du kitch dans ce domaine.

Elie s’immobilisa à quelques mètres des eaux troubles, se déboitant le cou pour examiner le château dans toute sa hauteur. Il lui semblait parfois voir des ombres se mouvoir derrière les fenêtres mais ce pouvait aussi bien être le fait des nuages parcourant le ciel que de son imagination exaltée par le contexte. Devant elle les douves s’étendaient sur une quinzaine de mètres de large, le pont levis replié semblant les narguer de loin. Si ce genre de détail pouvait stopper les habitants du coin ce n’était pas son cas et ce putain de panneau de bois ne se moquerait pas d’elle plus longtemps, même métaphoriquement !

La mauvaise recula jusqu’à avoir un élan convenable et tira le porte-clé lycan de sa poche sous le regard terrifié de Jay qui commençait à comprendre ce qui trottait dans la tête de son double. En moins de temps qu’il n’en faut pour le dire elle se retrouva grimée en loup-garou, le visage couvert de poils et les mains affublées de longues griffes. Ne pas réfléchir, courir, sauter… et ne pas les écouter crier.

- C’est parti ! beugla-t-elle en s’élançant au-dessus de l’étendue d’eau verdâtre sous laquelle des formes semblaient se mouvoir.

Sa trajectoire en cloche était monstrueuse, boostée par son agilité augmentée mais même malgré ça il lui semblait redescendre trop vite. Elle risquait de louper son coup de deux… non… d’un mètre à tout casser. Dans un ahanement elle se projeta en avant et ses griffes ripèrent contre le bois en y laissant de profondes marques de griffures. « Raté » aurait pensé Jade avant de tomber à l’eau mais El’ n’était pas du genre à abandonner. Si sa main droite avait échoué la gauche réussi in extremis à la sauver du plongeon en eaux troubles. Suspendue par le bras à une dizaine de centimètres de la surface la mauvaise jumelle dû lever les pieds à une vitesse folle pour qu’ils ne soit pas happés par une chose non identifiée s’autorisant une visite éclair à l’air libre.

- Wouhou ! C’était juste ! s’esclaffa-t-elle les genoux repliés sous elle avant d’adresser un pouce levé à ses camarades plus qu’inquiets qui poireautaient sur la berge, Je débloque cette merde et je reviens !

Ne restait plus qu’à entreprendre l’escalade du pont redressé, se servant de ses griffes comme de piolets d’alpinistes sur mur de glace. En moins d’une minute elle avait ainsi rejoins la hauteur de la corde retenant le tout, pris appui sur des pierres en saillie et entreprit de couper la corde avec ses ongles customisés à la mode loup-garou. Elie ne mit pas longtemps à accomplir ce travail et bientôt le pont-levis chuta dans un grincement en ouvrant une voie royale à Ace et Jade.

- Vous voyez ? Je gère !

Son double pouvait la fusiller du regard autant qu’elle voulait, aux dernières nouvelles l’autocongratulation n’avait jamais tué personne.

Tout le monde boucla ses affaires avec la bonne intention de latter le cul de ce vampire à 2 dollars 25 le plus tôt possible. D’un côté, Jade était stressée comme pas permis tandis qu’Ace et Feufolé étaient encore frivoles en raison de leur dernière blague… y’avait de tout.
De toute façon, aucune raison de s’inquiéter pour le moment : le vampire ne sortirait pas de jour. Le seul obstacle qui empêchait Ace d’envisager la mission avec une sérénité parfaite était le plan douteux d’Elie. Il n’y avait peut-être pas d’autre alternative –ou du moins il n’en voyait pas pour l’instant – mais même si Elie était habituée à ce genre de cascades, le risque zéro n’existait pas.

Le pyromane n’avait pas compris la question de Jade comme une réelle question, y voyant plutôt un appel au départ auquel il répondit sans rien dire. Il n’était pas plus motivé que ça à travailler, mais qui sait, ça pourrait être marrant de chasser le vampire.
Bien entendu, il déchanta lorsqu’il comprit qu’il n’y avait pas d’autre moyen pour arriver au château que de traverser la jungle marécageuse qui leur faisait face. Déjà la jungle c’était la mort, mais el plus les marécages.. là ça lui pétait vraiment les burnes. Seul Feufolé sembla s’amuser pendant cette épreuve : pas de jambes, pas de consistance… il flottait à la même hauteur, à travers tout obstacle se dressant devant lui sans y prêter la moindre attention. Pire que tout, l’animal s’était remis à vanter les mérites du golf, ce « sport si extraordinaire ».

La crise de nerfs n’était pas loin, entre Feu’, les moustiques encore plus voraces que le vampire lui-même et la boue qui avait définitivement salopé les chaussures du Ken. En habituel mauvaise-humeuromètre, Elie annonçait que le groupe avait passé le cap du tolérable. Par chance, le château n’était plus très loin et ils pourraient enfin commencer leur job à proprement parler.
- Putain c’pas trop tôt ! On est obligé d’rentrer ? Raser c’tas d’cailloux aurait été largement moins casse-couilles. Personne a un buldozer ou deux, dans sa poche ?
- Moi j’ai pas de poches ! ♪

La bâtisse était vraiment impressionnante. Pendant un instant, le pyromane s’imagina posséder une telle propriété – dans un endroit un peu plus vivable, quand même…
Y avait pas à dire, les vampires avaient vraiment bon goût et même si le château avait souffert du temps par endroits, il demeurait imprenable pour des dreamlandiens lambdas.
Combien y avait-il de mètres entre l’endroit où ils étaient et le haut de la muraille ? Est-ce qu’Elie y arriverait ? Se lancer dans des calculs mathématiques ne réjouissait pas vraiment le pyromane et d’ailleurs, il était un peu tard pour dissuader sa belle de sauter. Il la regarda faire en croisant les doigts ; malgré l’appréhension, il ne laissa filtrer aucune émotion : ce n’était pas le moment de déconcentrer/décourager qui que ce soit.

Il manqua de peu la crise cardiaque alors qu’une bestiole immense jaillissait des eaux pour tenter de bouffer sa petite amie. Si ce connard avait réussi, le pyromane se serait chargé de le lui faire payer en lui démolissant le crâne !
Au lieu de ça, il préféra afficher un sourire alors que la mauvaise jumelle en forme lupine fanfaronnait au-dessus de l’eau. Ce sourire sonnait terriblement faux.
- Ouais ! C’est pas passé loin. Je vous l’avais bien dit qu’il y avait des crocodiles ; y en a toujours ! Est-ce que.. est-ce que c’est possible, un crocodile vampire ? Et les vampires, c’est des chauve-souris garou, donc ? Je pensais pas rencontrer un tel bestiaire dans un coin aussi paumé !

Le vacarme que fit le pont-levis en s’abaissant mit fin aux inepties de Feufolé pour le plus grand plaisir d’Ace. Enfin ils allaient pouvoir progresser, enfin ils allaient avoir un peu d’action au lieu de potasser des heures durant la liste des échecs de tous les péquenauds du coin.
- Ouais, tu « gères »… L’crocodile aussi, il a failli gérer… ‘Fin j’dis ça, j’dis rien..
Bien joué, en tout cas, ajouta-t-il en conclusion. Pourquoi d’aussi grandes murailles pour ce château ? Certainement parce que le vampire n’était pas très entouré ni très redoutable, en fin de compte. On pouvait donc espérer que le plus dur soit passé.

Une fois le pont-levis passé, une cour imposante les accueillit. Au milieu, un grand arbre mort les séparait de la porte d’entrée qui en plus d’être haute de 3m semblait bien solide. Autour d’eux, rien de notable sinon que les dalles du sol étaient aussi grises, ternes et démoralisantes que les murs de la bâtisse. En levant la tête, on avait un bon aperçu de la tour principale dont les fenêtres presque opaques donnaient un ton mystérieux et inhospitalier.
- Quelqu’un a d’jà joué à Castlevania, ici ? Ça m’rappelle trop l’moment où l’mec il arrive devant le château de Dracula
- Ah oui ! Même qu’après il se fait attaquer par les zombies, nan ?
- … Ouais, ça aussi…

Le pyromane regarda sceptiquement la porte d’entrée. Pourvu qu’elle ne soit pas fermée, sinon ils allaient en chier pour l’ouvrir, celle-là.
Il se tourna vers les filles armé de son sourire en coin et demanda en un haussement de sourcil :
- Bon, on est go ?

Dans un premier temps Jade se dit qu’elle devait rêver. Dans un second temps elle admit que le terme « cauchemarder » collait bien plus à la situation. Voir Elie se transformer en loup-garou de pacotille avant de s’élancer au-dessus des douves était plus que son cœur fragile n’en pouvait supporter. Elle allait tomber, se noyer ou pire… être dévorer par l’un des monstres dont les ombres se mouvaient sous la surface des eaux troubles. Jamais elle n’atteindrait l’autre rive et tout ce qui resterait d’elle serait un cadavre déchiqueté, voire pas de cadavre du tout si les habitants des douves se révélaient particulièrement voraces.

A peine son double avait-il commencé à courir que son corps se couvrit de sueur froide, saisi de tremblements irrépressibles. Elle devait faire quelque chose pour l’arrêter, c’était du suicide, c’était… déjà trop tard. Les yeux horrifiés de Jade suivirent la courbe de son double s’achevant de justesse sur le bois du pont-levis, s’écarquillant un peu plus lorsqu’un crocodile manqua de peu d’amputer la mauvaise jumelle de ses deux jambes.

- Ô mon dieu ô mon dieu ô mon dieu… geignit la psychotique, une main sur le cœur, pendant que sa copie conforme se lançait dans l’escalade du pont.

Dans un sens El’ avait eu raison de ne pas la tenir au courant. Il aurait été hors de question qu’elle laisse faire une chose pareille ! Feufolé et Ace pouvaient prendre ça à la légère s’ils le voulaient mais ce n’était pas son cas, oh ça non ! D’ailleurs à peine eut-elle traversé le pont une fois abaissé pour rejoindre le reste du groupe déjà posté devant une porte massive qu’elle assena à son double une gifle magistrale. Alors que celui-ci lui jetait un œil morne en se frottant la joue, la langue de la bonne jumelle se délia avec des accents d’hystérie.

- Non ! Non tu ne gères pas ! C’était totalement MALADE ! Qu’est-ce qu’on aurait fait si tu avais raté ?! Qu’est-ce que je serais devenue sans toi ?? On n’est qu’une je te rappelle, et je ne veux pas que tu meures !

Sous le coup de sa respiration sifflante sa poitrine se soulevait et s’abaissait spasmodiquement, contre coup de la peur qu’elle n’avait pas encore eu le temps d’assimiler. Ce n’était pas parce que parfois les choses finissaient bien qu’on pouvait se permettre de prendre de tels risques. Heureusement Elie sentit qu’il ne servait à rien de débattre et s’abstint donc de répondre quoi que ce soit. C’était encore le mieux qu’il y avait à faire. Jade pu ainsi prendre quelques minutes pour se calmer avant d’en revenir à leur problème actuel : entrer dans le château.

Une peur faisait place à une autre et la bonne jumelle était loin de partager l’enthousiasme d’Ace. « Non, on est pas go » menaçait de surgir de sa gorge serrée par l’angoisse mais à vrai dire ils n’avaient pas vraiment le choix. Elle hocha donc la tête d’un air tout sauf convaincue.

- Mouais… je suppose…

Sa main se resserra par réflexe sur l’arbalète dont elle ne se servirait probablement jamais alors que la grande porte s’ouvrait sur un hall gigantesque, glauque et poussiéreux. Le sol dallé de noir et de blanc qui rappelait à s’y méprendre un échiquier géant se poursuivait sur une 20ène de mètres jusqu’au pied d’un gigantesque escalier menant à un balcon intérieur faisant tout le tour du premier étage. Les sculptures et peintures gothiques pullulaient ici, signe que le propriétaire était autant amateur d’art que de mauvais goût –d’un point de vue strictement Jadien. Les yeux des portraits donnaient l’impression de vous suivre à la lueur des candélabres, ce qui couplé à l’écho de leurs pas sur le dallage instaurait une atmosphère pesante.

Quant à savoir où aller… les portes étaient légion, au premier niveau de la salle comme au second. On pouvait supposer que le vampire croupissait dans les sous-sols mais à vrai dire la bonne jumelle n’avait aucune envie d’aller se perdre dans des catacombes ou autres bizarreries qu’ils pourraient trouver en s’engouffrant dans les entrailles de cette demeure. Pourquoi les vampires ne vivaient donc jamais dans un bungalow aux Caraïbes ?

- Et là on est censés faire quoi ? Choisir au hasard ? Hors de question de se séparer pour couvrir plus de terrain, je vous préviens tout de suite !

Sa voix aussi portait bien plus haut qu’elle ne l’aurait voulu, amplifiée par l’espace immense où le groupe se trouvait. L’adolescente se mordit la lèvre et rentra sa tête dans ses épaules comme si cela avait pu atténuer le bruit, bien sûr sans résultat. Et comme si ça ne suffisait pas le regard qu’Elie lui jetait n’avait vraiment rien de rassurant…

La gifle de Jade ne fut pas une surprise, pas plus que le sourire encore légèrement angoissé d’Axe. Après ce genre d’actions d’éclat il fallait s’attendre à des conséquences plus ou moins lourdes peu importe le résultat, et pour l’heure la frousse qu’elle leur avait filé méritait bien ce genre de réaction. Elle se contenta donc d’une œillade blasée à son double et d’un sourire qui se voulait rassurant pour son petit ami avant de s’engager dans la cour intérieur. Elle était aussi glauque que le reste, à commencer par l’arbre mort dont les irrégularités du tronc semblaient former un visage grimaçant.

La mauvaise jumelle secoua la tête négativement à la question du pyromane. Non, elle n’avait pas essayé ce jeu-là, mais ils vivaient déjà tellement d’horreur ici qu’elle avait probablement déjà rempli à vie sa jauge d’atrocités. Et puis elle préférait ne pas arriver en terrain dangereux avec des idées aussi légères : il fallait bien garder à l’esprit que leur vie – ou du moins leurs âmes – étaient en jeu sur ce coup. Le genre de choses avec lesquelles il valait mieux éviter de rigoler, sauf quand les circonstances l’imposaient.

- Nope, jamais. Mais ça m’empêchera pas de refaire le portrait de Draculito quand on l’aura trouvé, tu peux me croire !

Le craquement de ses phalanges alors qu’ils passaient le seuil de l’imposante demeure fut une illustration bien assez explicite pour avoir à s’étendre en détail sur le sort de leur cible. L’intérieur était à la fois glauque et grandiose. Tout en marbre, bougies, vitraux et escaliers grinçants. Plutôt kitch si vous voulez son avis.

Alors que les pas du trio résonnaient bien plus qu’il ne l’aurait fallu sur le dallage la voix de son double, la sienne en plus geignarde, s’éleva dans l’air chargé de poussière. Le trémolo lui fit lever les yeux au ciel alors qu’au contraire le fond du discours lui tira un sourire en coin qui ne présageait rien de bon. Elle avait déjà sa petite idée de la manière d’explorer le bâtiment, manière qui ne plairait pas le moins du monde à Jade. D’un geste lent elle enserra l’épaule de sa copie conforme avec un air de connivence pour lui glisser fourbement, audible de tous :

- C’est simple tu sais, il suffit de te rendre inconsistante et de faire un petit tour rapide dans les environs. Tu risques rien, tu t’encombres pas des détails comme les murs ou les portes… c’est tout bénef’ pour toi non ?

Non visiblement, vu la tête qu’elle tirait. Mais il allait falloir qu’elle fasse avec, on n’était pas en colonie de vacances.

- Écoute je sais que ça te file la frousse mais on n’a pas le choix, va falloir mettre un peu du tien ! Il est temps de te faire pousser des couilles. Et si tu sais pas le faire seule je peux t’y aider…

Tout au long de son discours Elie avait attiré la bonne jumelle près de l’une des portes qui parsemaient le mur de gauche et maintenant qu’elle se trouvait à proximité, en ouvrit une en grand pour y pousser sa victime. Ne restait plus dès lors qu’à la bloquer avec le premier instrument venu – un porte-manteau de mauvais goût. Un couinement mi-offusqué mi-horrifié s’ensuivit, bien vite talonné par des insultes et des menaces qu’on aurait dit arraché à la pince chauffée à blanc. El’ accueillit ces désagréments sonores avec un ricanement moqueur avant d’hausser les épaules devant les expressions de Feufolé et de son cher et tendre.

- Faites pas gaffe elle s’en remettra… et puis elle risque vraiment rien. Mais si vous voulez jouer les nounous pour pleurnicharde on peut la faire rentrer hein.

Maintenant que leur espionne involontaire était partie en mission ils pouvaient commencer à explorer les environs de leur côté. Mais par où commencer ? Si Jade se chargeait du bas, il leur faudrait s’occuper du haut même si… non mais franchement, vous avez déjà vu un vampire posséder une crypte à l’étage pour profiter du beau soleil matinal ? C’était ridicule. Mais… on était à Dreamland après tout, qui pouvait savoir s’il n’était pas fan des spice girls et buvait du lait de chèvre après tout. Niveau illogisme elle avait vu bien pire depuis son arrivée.

L’adolescente s’engagea donc dans les escaliers menant au balcon intérieur dans l’espoir d’y trouver de quoi étrenner sa nouvelle arbalète. Les murs et les chats allaient bien cinq minutes mais ça commençait à la démanger de passer aux choses sérieuses.

Le pyromane n’osa pas trop s’interposer lorsqu’Elie vint parler tactique à sa jumelle à peine le trio fut-il à l’intérieur. En effet, il éprouvait encore une certaine gêne ; celle de l’enfant qui voit son ami se faire houspiller par ses parents en étant lui-même complice de la bêtise : on n’essaye pas de la ramener, dans ce genre de cas. Mais merde, Jade n’était pas sa mère – d’ailleurs, cette dernière ne l’avait jamais engueulé de sa vie – alors pourquoi ça le faisait autant chier de voir les deux filles se crêper le chignon pour des conneries ? Parce qu’il était amoureux ? Peuh, excuse de merde.

D’un autre côté, le choix lui importait peu : qu’on rende Jade inconsistante ou qu’on choisisse au hasard, c’était kif-kif niveau efficacité. Il attendit le verdict en prenant la pose ; une main sur la hanche et l’arbalète sur l’épaule, les yeux passant de Jade à Elie ; de Elie à Jade. Finalement, la mauvaise jumelle réussit à mettre son plan à exécution en enfermant la bonne jumelle dans la pièce la plus proche et en barricadant l’entrée. Un sourire cruel vint assombrir le visage d’Ace alors que les cris de Jade résonnaient dans le château, brisant son silence de mort. Filer la frousse aux chochottes était vraiment un truc marrant dont il ne se lasserait jamais, qu’il soit simple spectateur ou organisateur de ce spectacle immoral.
- Y a quand même eu plus diplomate, comme répartition…
- On s’en branle, ça lui f’ra les pieds. Tu veux p’têt la rejoindre ?
- Tu te débarrasseras pas de moi comme ça, mon grand ! Je suis avec toi, j’y reste.
Ace ne répondit que par une grimace que Feufolé pouvait bien interpréter comme il l’entendait. Quant à la proposition d’Elie, il n’y opposa qu’un ricanement mesquin bien représentatif de son point de vue sur la situation. Le groupe était partagé ainsi et c’était très bien comme ça, on n’allait pas passer 3 ans à discuter, non plus. Il se remit donc en marche à la recherche de l’escalier le plus proche afin de fouiller les étages.

Le vampire pouvait techniquement être n’importe où : dans une crypte froide et humide, là où allait sans doute Jade ; tout en haut d’une tour délabrée et poussiéreuse, Dracula repose toujours tout en haut de son château dans Castlevania ; il pouvait tout aussi bien ne pas être là du tout, auquel cas ça le ferait bien chier d’avoir bousillé une journée pour que dalle.
Le premier étage de la demeure n’avait rien à envier au rez-de-chaussée, pour le côté glauque. La seule différence résidaient dans le meublier agencé d’une manière légèrement différente et des quelques armures médiévales décorant les couloirs.
- Quel cliché de merde…
Même le sol dallé mettait dans l’ambiance en se voyant recouvert en partie d’un long tapis rouge aux enluminures dorées qui – bien qu’il devait avoir de la gueule de son temps – affichait une couleur terne à cause de la poussière. Ce témoin des temps passés avait quand même la décence d’amortir les pas des deux voyageurs à mesure qu’ils avançaient. Malheureusement, force est de remarquer qu’ils étaient de retour à la case départ : aucune piste ; l’on pouvait parfaitement imaginer la scène des deux jumelles transposée ici-même. A la question « se séparer ou chercher au pif ? », le pyromane choisit la seconde option voyant que la première ne l’avait pas aidé d’un clou jusque-là.

Il s’arrêta et pesta un instant avant de se retourner vers son esprit de feu.
- Ça t’dirait de passer à travers c’putain de mur ? On continue dans cette direction et au bout du couloir, tu me dis si t’as trouvé un truc d’intéressant. Ok ? Il jeta un œil derrière lui pour s’assurer que sa moitié était toujours là et continua sur sa lancée une fois chose faite.
Le long couloir donnait sur une double porte en bois massif orné de diverses figures ésotériques en bas-relief qui intrigua le Ken au plus haut point. Il aurait bien aimé avoir la même pour sa piaule… Il passerait commande à un ébéniste si jamais il en trouvait un, de retour dans le monde réel.

Arrivés au pied de l’imposante porte ouvragée, Ace attendit quelques secondes que Feufolé refasse son apparition. Comme il fallait s’en douter : Rien à signaler, patron !.
Lassé de si peu d’action, le pyromane releva ses manches et poussa la porte de toutes ses forces. Il fut quelques peu surpris de remarquer que malgré tous ses efforts, cette dernière était à peine entrebâillée bien que l’espace fut suffisant pour se glisser dans la pièce voisine ; il se permit donc d’ouvrir la marche.
De l’autre côté, une pièce immense donnait sur un escalier tout aussi grandiose en marbre blanc qui donnait sûrement vers les étages supérieurs. Le plafond ouvragé était à plus de cinq mètres de hauteur et étonnamment bien entretenu au vu de l’âge du manoir en général. Cependant à mesure qu’Ace avançait, une impression de mal être venait lui presser la poitrine jusqu’à avoir l’impression d’étouffer alors qu’il était sur le point de poser le pied sur la première marche. Il recula de quelques pas.

- Ça va pas ? T’es fatigué ? J’aurais bien proposé de te porter mais je peux pas. L’esprit regarda un instant le visage du pyromane devenu blême alors que ce dernier fixait le haut des escaliers. Ace..? Le pyromane détourna son regard.
- Ça va. Je… J’croyais avoir vu.. bah, on s’en branle. Elie, t’en dis quoi ? On continue ou tu veux tester une d’ces couloirs sur les côtés ? Perso… J’le sens moyen, là-haut. J’sais pas c’qu’y a, mais c’est pas soft.

Depuis son lourd cercueil de pierre, la conscience du vampire avait frémi au moment même où les trois voyageurs étaient entrés dans son hall. Oh bien sûr il dormait toujours, il ne pouvait que difficilement se passer de son repos diurne, mais il était à un stade où il pouvait être physiquement endormi et mentalement éveillé, si l’on pouvait dire. Un entre deux mystique et indescriptible. Cela faisait longtemps que personne n’avait osé tenter de s’introduire chez lui et encore plus longtemps que personne n’y était parvenu. Il avait hâte de faire « connaissance » avec ses visiteurs du jour.

Sans rencontrer aucune résistance, ni éveiller le moindre soupçon, l’hôte de maison pu lire les esprits de Jade, Elie et Ace sans bouger de son sommeil. Il ne fallut que quelques minutes pour qu’il connaisse jusqu’au plus profond de leur secret, qu’il décrypte leurs pouvoirs, qu’il apprenne pourquoi ils étaient ici. Le tuer hein ? Il flairait d’ici l’odeur de l’absinthe et le loup garou caché à l’intérieur de la mauvaise jumelle, mais même ainsi… ils ne faisaient pas le poids.  

Il allait leur dire bienvenu. Le vampire n’eut qu’à le souhaiter pour que son aura déborde de son cercueil de pierre, inonde les murs sombres et humides, grimpe les escaliers sénestrogyres et passe à travers un mur pivotant qui ne s’activait que lorsque la lumière du crépuscule tapait sur le miroir y étant accroché. Bientôt, les trois voyageurs ressentiraient la présence de ce démon, elle oppresserait leur poitrine.  


Dans la pièce qu’Ace avait découvert, le ton avait changé. Les peintures ne représentaient plus des personnages lugubres et clichés, mais dépeignaient des scènes que l’on définirait, sans trop savoir pourquoi, comme divines. On trouverait des représentations graphiques de l’arbre des sephiroth et d’autres références kabbalistes du monde réel. De part et d’autre de l’escalier sur lequel le pyromane hésitait à monter, des tableaux représentaient un jardin magnifique, ensoleillé, baigné d’une lueur irréelle. Un arbre se tenait toujours au centre, grandiose, des pommes rouges disséminées dans son feuillage.

A l’étage, une antichambre éclairée par la lumière terne du jour. Ici on y voyait représentés un homme et une femme nus, dans le même jardin. Ils étaient tous les deux d’une beauté inhumaine et portaient des ailes d’ange. Il y avait 3 portes et si l’on en franchissait une, on tombait dans des appartements très féminins, décorés avec un goût délicat. Le mobilier était pourtant couvert de poussière, rien ne semblait avoir bougé depuis des siècles voire plus. Plusieurs tableaux représentaient une jeune femme à la beauté diaphane, trop parfaite pour être humaine mais trop attirante pour être biblique. On la retrouvait entourée de plusieurs personnes et sur l’une d’elle, un homme se tenait en retrait. Un type un peu effacé mais dont le regard brun clair était étonnement transperçant.

Hormis cette section, le reste du château était assez fidèle au cliché du vampire qui vivait dans un lieu médiéval. Des pièces au goût parfois douteux, de l’art effrayant, et du mobilier très peu utilisé. Là où trônait un vieux piano, on devinait le propriétaire des lieux qui jouait un air lugubre à ses heures perdues ; là où une grande ouverture donnait sur l’horizon, on l’imaginait humer l’air avant de s’envoler ; là où un somptueux lit à baldaquin semblait rayonner d’une aura érotico-morbide, on le visualisait s’adonner à toute sorte de plaisir coupable avec de jeunes victimes. Seules choses qui sortaient de l’ordinaire : on ne trouverait pas un mais sept cercueils en acajou un peu partout dans le château, apparemment faciles à ouvrir et… trois d’entre eux semblent déjà vides.  

Si on s’aventurait dans les sous-sols, on découvrirait des pièces plus lugubres les unes que les autres. De vieux cachots où pourrissaient des squelettes ayant tous en commun d’avoir un pieu planté entre les côtes, une salle de torture avec des traces de sang séché, des oubliettes où croupissaient des restes d’humains désassemblés, et toute sorte de joyeusetés de ce genre. La seule pièce différente était un endroit vide, plongé dans le noir à l’exception d’un trait de lumière rampant sur le sol après avoir traversé une meurtrière. Un miroir étroit dormait paisiblement sur un mur, sans qu’on sache vraiment qui pouvait bien venir ici pour se regarder.

= = = = =

HRP : vous vous en doutez, ce serait trop beau que les cercueils en bois cachent votre cher ami. Par contre, ils dissimulent un moyen de défense des intrus diurnes : des espèces de morts-vivants qui tiennent plus de cadavres réanimés par sorcellerie qu’à de vrais vampires. Ils sont nus, exsangues, ne parlent pas et n’existent que pour tuer les intrus. Ils sont environ 5 fois plus rapides et plus fort qu’un humain adulte et sont très difficiles à tuer. Ceux qui ne sont pas encore sortis de leur « lit » le feront très bientôt… faites attention à vous !