Chasseur de rat, métier d'avenir [mini quête]

Les paroles inquiétantes de l'ermite n'avaient pas le don de rassurer Matthew. Même le rat avait peur de cette créature mais quelle était-elle ? Croiser son chemin signifiait la mort et l'ailourophobe se sentait un peu moins aventureux depuis que son costume s'était fait la malle. De toute façon, il n'avait pas envie de mourir et ses parents ne l'auraient certainement pas voulu. Il jeta un coup d'oeil par dessus l'épaule de leur guide, ce plan complexe devrait les mener vers la sortie et il entreprit de suivre le chemin qu'on lui désignait.

Rien, ni personne.. Ils avaient tous disparus ! Cela faisait longtemps qu'ils pataugeait dans ce bourbier infâme sans avoir rencontré âme qui vive et pire encore, certaines traces laissaient à penser que quelque chose avait traîner un corps jusqu'à un autre boyau. L'idée de tomber sur la bête mystère lui donnait déjà des sueurs froides et cette découverte ne faisait qu'accroître l'urgence de partir d'ici. Le danger rôdait tapis dans l'ombre. Finalement, ils abandonnèrent les recherches, c'était une très bonne idée car Matt' n'était pas du tout enclin à rester dans un endroit pareil. Ils auraient dû rester au lieu de se sauver comme des lapins..

Le silence se faisait pesant dans un endroit si lugubre. On avait d'ailleurs l'impression qu'à la moindre parole, une chose allait surprendre le trio tel un diable à ressort, mais passer le temps semblait vital. Matthew ne savait strictement rien de ses coéquipières et il se disait qu'il fallait peut être établir un contact. Il hésita un moment avant de parler avec sa voix redevenue normale.

- Et comment faut-il que je vous appelle toutes les deux ?

Question bateau à vrai dire, mais entre l'arrivée consécutive du chat, de l'ermite et du rat, il ne l'avait pas posé. Une drôle d'apparition allait peut être mettre un terme à son entreprise, un calendrier de l'Avent en quelque sorte qui déversa plusieurs affaires dans les bras de Matthew : de la paperasse, un couvre-chef et une écharpe bleus marine, un thermos, une paire de ciseau et une veilleuse autonome. Il lança un regard perplexe avec ses interlocutrices. Le calendrier passait en coup de vent s'était volatilisé.

- Haloween est drôlement passé vite..

Il ne faisait pas spécialement froid sous la ville, cependant Matthew ne voulait pas s'encombrer les mains et aussi il décida d'enrouler l'écharpe autour de son cou et de mettre le bonnet sur la tête. Il fourra les papiers dans sa poche de pantalon, puis rangea la paire de ciseau à l'effigie du père Noël dans sa trousse de secours quant à la veilleuse, elle brillait dans le noir aussi il décida de la garder à la main. Le thermos contenait du chocolat chaud mais il était préférable de le boire en un meilleur lieu. Conscient qu'il venait de ralentir la marche, il pressa le pas. S'attarder ici pouvait être fatal, il fallait y remédier. Le problème avec ce lieu était que chaque tunnel se ressemblait et les débris se ressemblaient tous. Malgré qu'il n'ait aucune idée d'où se trouvait la sortie, il avait confiance mais peut-être parce qu'il n'avait en réalité pas le choix.

- Pourquoi vous êtes vous aventuré jusqu'ici ? Il y a bien une raison qui vous y a poussé..

Les égouts n'étaient pas vraiment la destination à la mode ces temps-ci, l'ailourophobe après recul, cherchait des explications pour ne pas s'emmêler.

- Jade, et elle c’est Cassie. Toi tu es… ?

Un calendrier coupa toute possibilité de réponse en apparaissant comme par magie pour déverser sur Matthew une flopée d’objets plus ou moins utiles, et plutôt moins que plus. L’adolescente haussa d’abord un sourcil avant d’abandonner. Trop de questions et pas assez de réponses. Pourquoi ça ? Pourquoi lui ? De qui ? Déjà noël ? Il avait raison après tout, Halloween venait juste de se terminer, fait confirmé par un hibou qui déboula du tunnel derrière eux pour leur lâcher des petits porte-clés à l’effigie des costumes qu’ils avaient porté, en lui filant la frousse au passage.

La psychotique se baissa pour ramasser celui qui lui était destiné et le frotta contre ses vêtements pour le nettoyer un peu. C’était mignon mais parfaitement inutile, ce qui ne l’empêcha pas de l’attacher à l’une des fermetures éclair qui parsemaient sa combinaison. Alors qu’elle achevait sa tâche l’ailourophobe lui posa une nouvelle question qui la laissa pensive. Pourquoi être venue à Dreamland ou dans les égouts précisément ?

- Et bien, pour ce qui est de venir dans ce monde je ne saurais pas quoi te dire. J’étais venu ici une première fois suite à une séance d’hypnose, puis deux mois plus tard je me suis fait jeter comme une vieille chaussette et les autre idem. On comprenait pas trop ce qui s’était passé, sauf que tout allait de travers tu vois ? on avait gardé nos pouvoirs même là-bas, elle fit un geste vague pour désigner un lieu lointain, et la nuit suivante lorsque je me suis endormie j’ai atterrit de nouveau à Dreamland. Bizarre non ?

Elle éclata de rire et ajouta en éteignant sa lampe de poche pour économiser les piles maintenant que son compagnon avait déniché par maie de quoi éclairer leur chemin :

- Quant aux égouts… c’est le lieu le plus sûr ici pour nous tu sais ? Là-haut ils nous chassent comme des bêtes dangereuses. A mon premier passage j’ai failli y passer au moins 2 ou 3 fois, alors du coup je voulais sortir… discrètement.

Tout en parlant elle entortillait l’une de ses mèches autour de son index et jetait de temps à autre un regard sur sa boussole et sur sa carte. C’était assez perturbant de penser que ces conduits crasseux et infestés de bêtes dangereuses étaient un lieu « sûr » en comparaison à la surface et pourtant… rien n’était plus vrai. Ici au moins le monstropoulpe ne pouvait pas descendre et les elipsiens craignaient trop un éventuel repaire de voyageurs pour oser pointer le bout de leurs nez par ici.

Ses jambes lui envoyaient depuis un certain temps des signaux de douleur faute d’avoir l’habitude d’une marche si longue, et cette conversation semblait désigner parfaitement le moment de faire une pause. La bonne jumelle se laissa choir sur un tuyau épais qui saillait du mur avant de former un « t » avec ses mains pour signifier à ses deux camarades qu’elle désirait un temps mort.

Se poser faisait vraiment un bien fou ! Elle resta d’ailleurs un moment assise en silence, balançant juste ses jambes pour les soulager un peu, puis lorsque le silence commença à trop l’angoisser elle se décida à le combler.

- Mais comment tu es arrivé ici ? Toi aussi tu suivais une thérapie par l’hypnose ? Enfin… j’dis ça mais il me semble que des gens étaient aussi venu ici à cause d’un coma, de drogues ou d’autres moyens détournés.

Elle sembla réaliser son indiscrétion et rougit aussitôt avant d’agiter ses mains pour bien faire comprendre à Matthew qu’il n’était pas obligé de répondre.

- Euh désolé ! Ça me regarde pas c’est vrai ! Faut dire je suis tellement habituée à ce que les gens disent directement venir de chez le docteur Parkinson et pourquoi ils consultaient… j’ai dû te mettre mal à l’aise excuse-moi ! Ne pense pas non plus que j'ai pu insinuer que tu étais un junkie ou... ou...

Sa voix se perdit dans un murmure inaudible alors qu'elle baissait les yeux vers la pointe de ses bottes, profondément gênée.

il y eût une autre apparition. Un hiboux cette fois-ci. Mais ils se sont tous passé le mot ? La bestiole laissa tomber des portes-clefs pour le moins étranges. Ils ressemblaient aux costumes qui leur avaient été attribué, mais qu'est-ce qu'il fallait en penser ? Matthew avait apprécié être une faucheuse et il considéra l'objet comme un souvenir sympathique qu'il s'empressa de débarrasser de la terre qui le recouvrait, puis il le rangea dans une de ses poches. Jade, car elle s'appelait ainsi apporta de nombreux éclaircissements à toute cette histoire, mais aussi de bien mauvaise nouvelle comme leur persécution par les habitants de cet endroit. Bon au final, c'était une vétérante à son second voyage, il fallait donc l'écouter et en prendre de la graine. Lui qui était paisible et solitaire devait faire face à une espèce de traque, il n'aimait pas beaucoup cela, aussi il fallait se méfier des gens qu'ils rencontreraient.

Un moment arriva où ils devaient faire une pause. Toujours aux aguets, Matt' regarda les alentours craignant le passage de l'horrible monstre dont on lui avait parlé, mais rien et c'était mieux ainsi. En bon élève, il imita Jade et se mit sur le rebord d'un tuyaux assez solide pour le supporter. Il ne put retenir un soupir de soulagement car il n'était pas fait pour les longues marches. C'est dans cet instant de récupération que la jumelle lui demanda la raison de son arrivé dans ce monde. Elle parut gênée de lui demander cela, mais l'ailourophobe n'en n'avait rien à faire de dire qu'il consommait des trucs illicites. Bon certes, ça pouvait faire mauvaise impression genre "t'es un drogué !", mais il ne consommait que rarement des choses comme ça et n'était pas au stade de "je m'en passe plus !". Puis, elle lui avait donné pas mal d'informations donc il se sentait obligé de lui en faire part.

- Je suis venu par ici vraiment par hasard et je ne suis pas aller voir de docteurs. Je me souviens avoir consommé un stupéfiant avant d'atterrir ici, mais ne t'inquiètes pas je ne suis pas un grand amateur de ces trucs là. Enfin là, je l'ai été..

Maintenant qu'il avait parlé, il les sentait moins en confiance. Il haussa les épaules et cala sa tête entre ses deux mains. La dernière fois que son pouvoir s'était activé, il avait placé ses mains exactement de la même manière, mais il ne s'en était pas aperçu. C'est lorsque les poils poussèrent qu'il comprit. Sauf qu'il restait toujours au même point, il ne savait pas à quoi ça pouvait l'avancer d'être poilu des paluches. Peut être pour aller avec sa pilosité mal entretenue, enfin il savait pas trop et se regarda dans une flaque d'eau en orientant sa loupiote. Étrangement, ses pupilles étaient très dilatées, plus que la normale et il ne put s'empêcher de faire le rapprochement avec le regard des félins domestiques. Il lança un regard interloqué à jade, pensant qu'elle pourrait l'éclairer sur l'utilité de son don qui n'avait pas l'air de cadeau pour l'instant.

- Excuse-moi, le calendrier du père Noël et le hibou m'ont fait oublié ce que j'avais à dire.. tu peux m'appeler Matthew ou trouver un diminutif si ça t'inspires.. ça ne me gène pas.

Il jeta un oeil sur la paume de ses mains, dessinant toujours l'empreinte des coussinets qui le faisait grincer des dents. Pourquoi fallait-il que les chats le hantent de cette manière ? On aurait dit une malédiction ! Il plaça son index touffu devant sa bouche en insistant du regard.

- Je voudrais que vous ne révéliez à personne ma phobie au sujet des chats, je n'aimerai pas que cela s'ébruite. Je peux compter sur vous ?

Avait-il raison de leur faire confiance ? Pas sûr, mais en comptant les disparus et les deux filles trop de monde était au courant pour cette absurdité. Il regarda le flux d'un canaux entraîner le carton d'emballage de faux sapin, puis il prit sur lui et se releva. Hésitant, il se rapprocha de la jumelle et lui tendit sa paluche noircie de poils. Le danger ambiant l'avait quelque peu poussé à avoir des contacts avec les autres. Dans son train train quotidien, ses seuls contacts étaient l'achat de fournitures ou les gens qu'il croisait dans la rue. Jamais il ne s'attardait longuement sur les personnes, mais cette aventure l'y avait contraint.

Un… stupéfiant ? Une goutte de sueur froide coula le long de la nuque de Jade mais elle tenta de se reprendre avant que sa poussée d’angoisse n’apparaisse sur ses traits fins. Même si elle associait la drogue aux mecs louches qui trainaient dans son quartier et poussaient les personnes faibles et impressionnables à consommer pour s’en faire des clients réguliers quitte à les menacer un peu, Matthew avait l’air gentil. Peut-être n’était-ce qu’une erreur de parcours, à moins qu’il ne fasse partie du type de personne que ciblaient les dealers ?

L’adolescente jeta un regard discret au jeune homme qui continuait à parler comme si de rien n’était. Il n’avait pas l’air d’un mauvais bougre en effet il était même plutôt attachant. Bien plus agréable que la plupart des idiots qu’elle avait rencontré ici en tout cas. De Yoru à Georges en passant par Liam, la plupart des voyageurs qui avaient croisé sa route étaient loin d’être agréables et en tenaient une bonne couche. L’ailourophobe lui réserverait peut-être le même genre de mauvaise suprise mais elle voulait croire à une personne qui, pour une fois, serait « normale » ou plaisante tout du moins. Comme Maxim.

Le visage de Jay prit une teinte cramoisie lorsqu’elle se remémora l’un de ses premiers compagnons de route avec qui elle avait longtemps erré dans ces tunnels putrides. Qu’était-il devenu ? Elle soupira en réajustant sa position sur le tuyau rouillé pour mieux faire face à Matthew qui en arrivait à lui proposer de lui donner un surnom et chose plus surprenante de lui demander de garder secrète sa phobie.

Les mains du jeune homme étaient à nouveau couvertes de fourrure et ses yeux dilatés comme jamais, et sans savoir pourquoi le cœur de la bonne jumelle bondit dans sa poitrine alors que son subconscient lui envoyait le message « trop mignon ! ». Elle resta bouche bée quelques instants avant de bredouiller :

- B… bien sûr ! Pourquoi j’irais le… le raconter à quelqu’un hein ?

Ses yeux se détournèrent à nouveau alors qu’elle joignait les mains pour laisser libre cours à sa pulsion de se les triturer pour évacuer le trop plein d’émotions. Elle sentait qu’il fallait qu’elle lui fasse plaisir, pas seulement la bonne conscience de ne pas jouer les commères non, plutôt comme le besoin impérieux de la fermer sur le sujet.

- Motus et bouche cousue, finit-elle par souffler avec le geste d’une fermeture éclair scellant ses lèvres.

Elle cligna ensuite une fois des yeux, puis deux… et glissa sa main dans la paluche couverte de poils de son nouveau compagnon. Ils se serrèrent brièvement la main mais Jade aurait voulu prolonger ce contact, parce qu’elle avait besoin de tendresse, de soutien et de quelqu’un sur qui compter mais… non, c’était trop tôt. La psychotique récupéra ses doigts et adressa à Matt’ un sourire qui se voulait engageant avant de se laisser glisser de son perchoir. La pause avait assez durée, surtout avec cette chose dangereuse qui trainait peut-être dans les parages.

Une ou deux tapes sur ses fesses pour débarrasser le tissu qui les couvrait de la poussière de rouille qui s’y était déposée et elle invita les deux autres à la suivre. Le chemin était maintenant éclairé par la luciole du mâle de la troupe, celle-ci dispensant une lueur verdâtre inquiétante dans un tel environnement. Jade fit un effort désespérer pour oublier les films d’horreur divers et variés qu’elle avait vu et qui pouvaient alimenter sa peur déjà disproportionnée et plongea son nez dans sa carte.

- Je crois qu’il nous reste environ 4 heures de marche… vous vous sentez de les faire d’une traite ? J’aime pas trop l’idée de m’arrêter avec des machins qui rôdent et la dernière fois que j’ai dormi dans les égouts on avait été réveillé par des chiens que les elipsiens avaient balancé là pour nous. J’ai connu réveil plus agréable.

Jade lança un regard équivoque à Cassie et Matthew avant de glisser la carte dans sa sacoche et de se mettre en route. Elle lâcha au bout de quelques pas par-dessus son épaule :

- Au fait… ça te va si je t’appelle Matt’ ?

Jade avait promis de garder son secret dérangeant, bon après peut être sur le coup de la torture, elle le balancerait mais Matthew ne préférait pas que cela arrive. Personne ne devait connaître son problème, dont il avait honte c'était une question de survie et aussi une question de paraître tout à fait normal. Le fait d'entendre "Mais il est fou !" lorsqu'il faisait des bonds hallucinants à cause d'un matou lui faisait terriblement mal. Les moqueries des gamins étaient toutes aussi douloureuses.

Pour l'instant l'ailourophobe se sentait reposé parce que son secret paraissait être entre de bonnes mains. Peu après s'être serrer la main avec elle, il leur fallait continuer le chemin vers la sortie. Ce lieu pouvait à tout moment devenir un endroit mortel et même la jumelle le disait. Les habitants d'au dessus n'aimaient décidément pas les voyageurs à tel point de lâcher une meute de chiens sur eux. Matthew ne voulait pas servir de gibier aux toutous, se serait ridicule déjà qu'il ne pouvait pas blairer les chats, quel calvaire ! On aurait dit que tout se liguait contre lui, mais il n'était pas le seul. Tous ces gens à problèmes mentaux étaient traqués et exécutés, sans doute parce que la population de ce monde ne voulait pas être envahie et peut être que de vrais détraqués avaient provoqués leur colère, mais comment en être sûr ? Le meilleur moyen d'éviter le conflit était de partir d'ici et trouver asile ailleurs. Faire trempette dans les égouts n'avait pas arrangé l'ailourophobe qui se sentait pour le coup très sale, histoire de ne pas faire tâche une fois qu'ils seraient sortis, il faudrait qu'il se lave et qu'il trouve des affaires propres à se mettre. Peut être manger aussi, ça ne ferait de mal à personne après tous ces efforts. Tandis qu'il éclairait la route, la meneuse du petit groupe s'adressa à lui pour répondre à sa bricole de tout à l'heure.

- Comme tu veux, je ne t'y obliges pas.

On l'avait appelé par ce diminutif autrefois, c'était étrange de constater qu'il revenait à la charge. Mais bon, ça lui donnait un peu plus de considérations pour lui-même, lui qui en avait pratiquement jamais depuis la mort accidentelle de ses parents. Le sourire qui commençait à se dessiner sur son visage s'estompa presque aussitôt lorsque sa main faillit lâcher la veilleuse. Le vide créé par la rétractation de ses poils avait modifier la prise qu'il avait sur l'objet. Il s'excusa pour la frayeur qu'il avait déclenchée, c'était mal venu dans cet endroit. Gêné, il passa une main dans ses cheveux comme pour conjurer le maléfice et continua son chemin avec Jade et Cassie. La petite procession n'avait pas rencontré d'ennuis majeurs depuis l'épisode du rat et ce n'était pas le moment de les chercher.

La route très longue et dangereuse usait les nerfs de Matt', peu habitué à être en danger et il savait qu'il n'avait pas l'ombre d'une chance de s'en sortir vivant si jamais une créature embusquée lui sautait dessus. L'air pur et pas vaseux commençait à lui manquer aussi.

Il n’était vraiment pas bavard et le silence pesait sur les nerfs fragiles de la portoricaine. Cassie s’était aussi murée dans le mutisme tant et si bien que Jade ne pouvait s’empêcher de se demander si la rencontre avec le rat géant l’avait traumatisé. Un ou deux tapotements amicaux de l’épaule n’eurent aucun autre effet que de la décourager à fournir plus d’efforts. Il y avait des moments où les gens avaient besoin de calme et de solitude pour se remettre et elle pouvait comprendre ça mieux que n’importe qui. N’était-ce pas elle qui, un mois et demi plus tôt, s’était droguée régulièrement avec les pilules calmantes du capitaine pour ne pas sombrer dans la dépression ? Ça aurait été un comble de refuser aux autres ce qu’elle savait être un besoin vital.

La marche silencieuse dura pendant des heures. Plus longtemps qu’elle n’aurait dû à cause d’un ou deux problèmes d’orientation mais il fallait dire que la bonne jumelle n’avait pas souvent eut l’occasion de se repérer à l’aide d’une carte et encore moins dans des boyaux crasseux avec comme seuls points de repère quelques plaques rouillées ici et là et une boussole bon marché.

Au bout d’un temps interminable il lui sembla percevoir au bout du tunnel une odeur qui se mêlait à celle écœurante des égouts. Une odeur fraiche, pure, une odeur de liberté. Ses narines palpitèrent un instant comme des ailes de papillon avant qu’elle ne se décide à presser le pas quitte à trébucher une fois puis deux. La troisième ne se solda pas en plat dans la fange grâce à Matthew à qui elle s’agrippa in extremis tout en s’excusant abondamment, le visage cramoisi.

Puis ce fut le bout du chemin…

- Ah merde, y’a une grille qui bloque l’accès…

Devant eux se dressait une ouverture parfaitement ronde et fermée par un panneau formé de barreaux épais. Le liquide putride dans lequel ils pataugeaient s’écoulait à l’extérieur entre les tiges de métal mais aucun des membres du trio n’était assez fin pour suivre le même exemple. Jade attrapa un barreau dans chaque main et secoua la grille de toutes ses forces mais celle-ci se contentait de grincer sans bouger de ses gonds, faute au cadenas rouillé qui la maintenait close.

Elle se démena un instant sans résultat tout en pestant entre ses dents avant de se rappeler qu’elle avait une batte de base-ball. Faisant signe à ses compagnons de reculer, l’adolescente brandit son arme pour l’abattre avec force sur l’ennemi de leur liberté. Une fois, deux, puis trois, puis d’autres fois encore, l’arme frappait sans relâche dans un fracas métallique hypnotisant jusqu’à ce qu’enfin le cadenas se disloque et tombe au sol dans un bruit d’éclaboussures. Jade poussa alors la grille du pied qui s’écarta en grinçant pour dévoiler une portion de la plaine félicité, lumineuse au point de leur blesser les yeux.

La main devant le visage pour ne pas être éblouie la mauvaise jumelle rejoignit l’extérieur, enfin. Le soleil commençait à emprunter sa courbe descendante en sublimant le paysage de plaines infinie balayées par un vent chargé de délicieuses senteurs. Elle resta un moment plantée dans l’herbe grasse à inspirer profondément dans l’espoir d’oublier l’odeur immonde qui imprégnait ses vêtements puis finit par se tourner vers Cassie et Matthew une fois que ses yeux se furent habitués à la luminosité ambiante.

- Et voilà, on y est !

On était toujours heureux d’atteindre un objectif mais elle ne pouvait s’empêcher de se demander quoi faire maintenant. Rejoindre Elie ? Après ce qu’elle lui avait fait il y avait de forte chance pour qu’elle la déteste à jamais et cette pensée lui crevait le cœur. Laisser un peu d’eau couler sous les ponts serait préférable avant de tenter une rencontre alors… quoi faire ? Et aller où ?

- Euh… vous avez des projets d’avenir immédiat ?

>> en direction de la plaine félicité