C'est le débarquement !

En tout cas, la jeune fille avait le même genre d'espoir qu'elle: trouver un moyen de sortir de cette ville était le mieux. Ce qui l'amusa, c'est la voix qu'elle avait lorsqu'elle parlait de tombe. C'était d'ailleurs plutôt un cimetière à proprement parlé : plus de morts, et moins joyeux. Quoi que pour la joie, il pouvait s'en passer...

La proposition de Jerry concernant l'addition était plutôt alléchante. Cependant, il y avait plusieurs points qui ne lui plaisait pas. Déjà, ils étaient là pour être "exécutés", ou tout du moins banni de la société. Il n'était guère sûr qu'il fallait attirer l'attention sur eux. Il avait toujours eu pour vocation de rester dans l'ombre, ou de couvrir ses arrières. Mais ici, il ne le pouvait guère encore. Il faudrait donc faire très attention...

Et puis, ils pourraient toujours se venger plus tard, non? Mais cela, il fallait le lui dire... Sinon, il risquait d'y avoir de graves conséquences...
Pour lui, évidemment.

- En temps normal, cela ne m'aurait pas dérangé, mais je pense qu'il vaut mieux éviter cela ici... Nous ne sommes déjà pas apprécié, évitons de donner une mauvaise impression à ceux qui vont venir...

Puis il se pencha vers Jerry, dans un geste qui se voulait sensuel... Et qui pouvait faire peur aussi, pour chuchoter ses mots.

- Mais ne t'en fais pas.... Ils paieront tôt ou tard pour cette cuisine, et pour leur impertinence...

Puis elle lui avait posé une question fort intrigante. Ce qu'il ferait après Freedoom? Était-elle vraiment intéressée? Et puis, la façon dont s'était dit... Cela l'amusait. Elle envisageait le quitter? On n'abandonnait pas quelqu'un comme lui...

Sinon, cela devenait dangereux.

- Je compte explorer cet endroit étrange, en m'efforçant d’éviter les dangers, et de m'acquérir une fortune, afin que je puisse vivre comme je le fait dans le monde réel, si jamais je n'arrive à revenir dans celui-ci. Mais j'espère bien continuer le voyage avec vous, pour le moment. Qu'en pensez-vous?

Puis vinrent les desserts. Et la réaction colérique de Jerry. En temps normal, il aurait réagi de même, mais il devait éviter cela.

Il se leva donc, et paya sa part au serveur, en lui glissant ses mots.

- Ce que vous faites, c'est du vol: c'est la plus mauvaise nourriture que j'ai jamais eu. Mais je ne reviendrais pas ici.

Il fit signe à Jerry de payer, puis sortit calmement, à l'endroit où ils se trouvaient avant ce moment ignoble. Il se tourna vers la jeune fille, qui devait maintenant être dégoutée de cette ville, et était prête à être cuisiner.

- Voilà ce que je te propose : soit on reste tout le temps ici, et on finit notre partie d'échec.... je me rappelle du placement de chaque pièces. Je sais que cela ne te tente pas, mais on peut toujours essayer de corser le jeu, si cela t'intéresse...

Il avait ses idées sur "corser le jeu". Mais bien sûr, cela risquait d'être à son avantage, puisqu'il connaissait sa stratégie par cœur, et qu'elle n'en savait rien...

- ...Ou bien, nous faisons un tour de la ville, voyons pour plus tard les endroits intéressants, et revenir ici. Quoi qu'il en soit, nous pourrons parler tranquillement, ici ou ailleurs. Et vu que l'on ne désire pas être dans cette ville...

Il allait s'amuser, c'était sûr. Elle se faisait facilement manipuler....

Nikodim la dissuada de son plan préparé sous le coup de la colère. En effet, fallait peut être faire profil bas et un feu vert pouvait cacher un feu rouge, ils devaient encore patienter avant de pouvoir filer. Un détail plut néanmoins à Jerry. La vengeance ? On est décidément sur la même longueur d'onde mon bonhomme.. Eh oui, la machiavélique avait des projets d'avenir, si jamais on décidait de la garder dans ce cauchemar.. Son but était de faire payer aux ellipsiens leur justice chiquée et leurs meurtres aveugles. Le truc, c'est qu'elle manquait de moyen, une organisation criminelle avec un peu moins de loosers que dans la Team Rocket et hop, elle la rejoindrait.

Le russe avait donc une fortune dans le monde réel ? Et il voulait en acquérir une nouvelle en ce bas monde ! On pouvait voir des paillettes dans les yeux de Jerry, peut être qu'il allait lui expliquer comment il fallait s'y prendre, ça l'arrangerait pour aider Mamie Amanda et retaper son studio. Et hop une autre bonne nouvelle, il souhaitait rester avec elle. En même temps, je me suis bien débrouillée pour le hum.. Une joie se lisait sur les traits de son visage contrairement à ceux des habitants de l'île.

Il arriva le moment de l'addition. Ce n'était pas très cher apparemment, la cleptomane décida alors d'économiser son ticket et déboursa les 15 rubz qui était demandé. En sortant du restau.. enfin de cet attrape couillon, Nikodim lui proposa deux options, en gros soit faire un petit tour, soit jouer avec lui avec de nouvelles règles. Pour elle, le choix était déjà fait depuis longtemps.

- On part en reconnaissance. Je crois qu'il est préférable de prendre l'air avant de s'enfermer le soir.. soupira t-elle. Au fait, si nous devons passer d'autres nuits sur cette île se serait plutôt hors de cette maison non ? Les portes ont été détruites et je doute que celles qui tiennent encore debout ne résistent à la prochaine attaque. On devrait chercher une solution vous croyez pas ? Je ne doute pas de nos collaborateurs mais s'ils ne nous aident pas aujourd'hui..

En cas de coup dur, il leur faudrait un plan de secours. Dans les rues, les gens s'attelaient à leur tâche quotidienne en réparant leur maison de nouveau vandaliser chaque soir par les morts, de vrais Sisyphe ! Ici, même les estropiés suivaient le mouvement. La loi de la survie régnait en maître au grand dam des mendiants qui pour le coup ne mendiaient plus puisque personne ne leur donnait. Jerry constatait que les gens ici ne lambinaient pas quand il s'agissait de sauver leur peau. Dans le monde réel et principalement là où elle bossait, il y avait toujours des feignasses pour en faire le moins possible. Ah bin voilà comment les soigner ! se disait-elle.

La fourmi qu'elle était, avait été façonné par le monde impitoyable qui lui faisait face et sa lucidité. Quoi de mieux que de contribuer à payer les charges pour la personne qui l'avait élever au lieu de l'abandonner sans ménagement, ce qu'elle aurait très bien put faire à cause de son caractère. Maintenant, elle n'avait plus à payer ses dettes envers la vieille parce qu'elle était coincé ici ! Seul désormais comptait sa survie dans cet univers complètement déglingué régit par des bâtards en surnombre qu'elle s'est juré d'anéantir par un quelconque moyen efficace, même très efficace pour que la génération future de ces chiens filent la queue entre les jambes à chacun de leur passage.

Jerry allait peut être trop loin avec sa haine fondée sur la haine justement, mais elle estimait que la coupe était pleine et que maintenant, elle mettrait des limites, voir des bâtons dans les roues à ces détraqués. En cherchant un peu au de-là de cette île, il devait bien avoir quelques résistants avec qui s'allier. Elle esquissa un sourire mesquin, presque moqueur.

- Dites, par endroits intéressants vous pensiez à quoi au juste ? Toutes les enseignes sont pratiquement illisibles et l'on risque de chercher pendant longtemps si l'on ne se décide pas..

Le temps, c'est de la vie ma petite Jerry, profites-en..

Jerry avait choisi l'option la moins amusante... quel dommage.
Cependant, ils pourraient se rattraper plus tard, comme la nuit...

En parlant de nuit, Jerry avait soulever un problème auquel il avait déjà penser: fallait-il rester dans la maison de Griffin et la rénover, ou trouver une nouvelle demeure? Car il était vrai que sans porte, ils y auraient bien plus de difficultés à tenir une nouvelle offensive...

Et il doutait pouvoir renouveler l'exploit de la nuit dernière, surtout avec sa jambe. Tout du moins, l'exploit avec les zombies....

Il devait calmer sa libido pour le moment, et continuer son vaste plan. Pour le moment, il ne pouvait se permettre ce genre d’écart, et il devait travailler à sa survie. Ce qu'il avait prévu, lors de leur tour ,c'est voir si il n'y avait pas des maisons vides, ou des gens qui pourraient les renseigner sur leur prochaine destination après les collaborateurs, si cela se révélait infructueux. Mais pourquoi des maisons vides?

Pour récupérer du matériel bien sûr. On ne referait pas la psychologie de l'homme malhonnête et dangereux qu'il était...

Traverser ces rues crasseuses, et voir autant de moutons s'affairer avec désespoir à leur survie était d'un côté enrageant et de l'autre amusant. Enrageant, car il n'essayait rien d'autre pour leur survie, et amusant car le désespoir des hommes pouvaient pousser ceux-ci à tant de choses...

Puis, Jerry lui posa enfin une véritable question: ce qu'il cherchait.

- Comme tu l'as fais remarquer, notre maison n'est plus si sûr. On pourrait toujours chercher une maison vide digne de ce nom, ou une maison vide avec des matériaux utiles. Je ne suis pas vraiment du genre à faire les poubelles, mais ici, on parle de survie.

Il commençait cependant à se dire qu'il pouvait faire quelque chose de cette jeune fille fragile... Trop confiante en lui pour le moment, apparemment. Elle ne savait ce qui se cachait en lui.

Il était temps pour lui de savoir jusqu’où elle était prête à aller. C'était en quelque sorte... une mise à l'épreuve.

- Dis moi, tu ne m'as pas dis ce que tu comptais faire une fois sorti d'ici. Tu as une idée derrière la tête?

Lui, son chemin était tout tracé: il s'enrichirait, quoi qu'il arrive.

Et s'il ne pouvait revenir chez lui, il s'efforcerait de devenir l'être le plus puissant et influent dans ce monde.

Finalement, ils laisseraient de côté la maison de Griffin complètement sans dessus dessous au profit d'une autre baraque plus résistante. Jerry ne pouvait s'empêcher de rire jaune, elle n'aimait pas beaucoup passer pour une squatteuse mais ils n'avaient décidément pas le choix et comme le souligna Nikodim, ils pourraient trouver de nouvelles choses. Encore du pillage.. maugréa t-elle, avide de vol. Toutefois elle était bien contente que le pillage puisse la dépanner par exemple, en trouvant de l'argent caché par les propriétaires qui pensaient peut être revenir le chercher. Le quarantenaire évoqua la possibilité de faire les poubelles, pour un homme d'affaire ce devrait être un choc dur à encaisser. La cleptomane n'était pas contre et de la nourriture trouvée parmi les ordures serait peut être même meilleure que celle servie dans le restaurant du coin.

Une nouvelle question de l'homme d'affaire très curieux la fit rire intérieurement. Ce que je compte faire après être sorti d'ici ? Faire une collection de scalps d'ellipsiens ! Elle s'imaginait le dire sur un ton viril, très caricatural. Après tout, ce n'était pas faux, ici il n'y avait aucune égalité entre les voyageurs et les chasseurs de voyageurs. La seule chose qu'ils pouvaient lui envier ou même craindre n'était pas encore maîtrisée. Peut être qu'en trouvant des congénères avec la même opinion, elle pourrait développer ses talents. Jerry fronça les sourcils.

- Lorsque je serai enfin sortie d'ici je chercherai un moyen de retourner chez moi et s'il y en a pas.. Elle marqua une pause songeuse. Je ferai ce que n'importe quel étranger mal accueilli aurait l'idée de faire.. Faire de ce monde un bordel à l'image de ses occupants.


C'était là son dernier mot Jean Pierre. Pour dissuader ces ploucs de recommencer, elle serait prête à tout.. Sauf s'exposer un peu trop au danger. Poule mouillée ? Pie trempée ? Point du tout ! Elle souhaitait vivre sa vie comme toutes les citoyennes américaines et Dieu sait qu'à 19 ans, il restait des tas et des tas de choses à faire ! Comme aller dans un véritable restaurant.. couina Jerry. Elle se souvenait avec nostalgie des délicieux plats préparés par le cuisinier de son lieu travail et ils avaient de la gueule. Bien évidement, elle se retenait à chaque fois de les manger en cachette, sinon elle aurait été viré ! Mais elle voyait la réussite du plat à la tête des clients satisfaits et revenant demander la même chose.

En attendant, elle pouvait toujours courir pour avoir un plat digne de ce nom. En traversant les rues Freedoomiennes, elle chercha ce qui pouvait ressembler à une maison abandonnée. Par des rumeurs qu'elle avaient entendu en prêtant l'oreille, une énorme créature avait écrasé ou tué pas mal de personnes. Sans compter les pignoufs restés boire dehors, plusieurs maisons étaient dès lors disponibles prêtes à les loger. Il y avait de belles maisons, mais pas assez entretenues pour trouver le coin charmant. L'une d'entre elles était peut être sans habitant et la cleptomane s'approcha des fenêtres pour les pister.

Les qualités qu'ils recherchaient ? Une maison aux fondations solides, pas trop mal rafistolée avec que peu de travaux à faire. Bien sur, dans leurs rêves. Des gens devaient déjà avoir eût la même idée qu'eux. En déambulant, ils s'étaient éloignés du cimetière néanmoins, la brume cachait à peine la silhouette massive de la tour. En cherchant une maison, Jerry s'attarda sur l'une qui avait attiré son attention par ses vitres opaques et la saleté que l'on pouvait voir sur l'entré de celle-ci. Malheureusement, la porte faisait de la résistance. C'était à ce moment que Griffin aurait pu briller avec son histoire de crocheter les serrures. Elle se tourna dépitée vers son acolyte, il ne pouvait quand même pas essayer de défoncer la porte avec son état convalescent. non non..

Nikodim eut un sourire en entendant les révélations de la jeune fille. Faire du monde un "bordel"? Non seulement, il aimait le double sens, mais en plus, elle pouvait bien plus lui servir qu'il ne le pensait. Ainsi, la douce mademoiselle qu'elle semblait être n'était qu'un voile: elle était aussi sauvage qu'au lit, et s'il n'aimait pas partager le pouvoir, il aimait les femmes de pouvoir.

Surtout lorsqu'elle se trouvait à ses genoux, en pleurs.

Mais peut-être n'aurait-il pas besoin de cela pour qu'elle sache qui commandait ici. Après tout... elle s'était débrouillé, et avait agi intelligemment jusqu'à maintenant. En tout cas, ce qui était sûr c'est que si elle restait avec lui, elle n'allait pas s'ennuyer : il allait trouver les pires "rebuts" de la société, et s'efforcer de les avoir sous sa botte, ou au moins en tant qu'alliés, pour asservir ce monde qui avait voulu l'asservir et le punir.
Personne ne soumettait un Vialkovitch sans en subir les conséquences. Personne ne le battait aux échecs sans y perdre la vie...

Il s'approcha de l'oreille de la jeune fille, et lui glissa ses mots à l'oreille.

- Ne t'en fais pas pour cela... Si c'est ce que tu désires, nous sommes deux. Mais il faut le faire finement.... Je t'apprendrais, si tu veux.

En cherchant une maison digne de ce nom, il entendait des rumeurs intéressantes... Apparemment, il y avait deux personnes influentes, dans une tour, accompagnés de serviteurs presque aussi influents... et des petits nouveaux qui étaient entrés à leur service... Il y avait aussi des histoires de monstres gigantesques, mais cela devait être l'histoire d'alcooliques ou de désespéré.

Les maisons se ressemblaient toutes: elles étaient toutes aussi décrépites, aussi minables, pleines de désespoirs. La jeune fille s'arrêta d'abord à une première, sans doute habitée. Vu comment elle était rafistolée, cela ne laissait aucun doute. Ils continuèrent leur chemin, en silence, tandis que Nikodim préparait chacun de ses plans pervers. Toujours avoir une formation sous la main.

Puis ils arrivèrent à une autre maison. Les vitres opaques et la saleté ne permettait pas de voir l'état réel de la maison. Et apparemment elle était fermé à clé.

Jerry se mit à regarder Nikodim, avec un air à faire peur...

- Un problème de porte, apparemment...


Il se dit que vu l'état de la maison, ce devait être un nouvel arrivant qui était ici. Et qui va à la chasse....

Il commença à inspecter le "paillasson" pourrie. Il n'aimait guère toucher ce genre de choses à la main, il le souleva donc du pied... Pour découvrir une petite clé.

... Perds sa place. Aucune règle dans le code de la survie n'interdisait de prendre une maison, à ce qu'ils sachent.

- J'ai souvent l'habitude des gens qui ne me désirent pas chez eux...

Il rentra. La maison était petite, mais comportait apparemment un étage. Plus petite, donc plus facile à protéger...
Et à attaquer massivement, aussi.

Il se tourna vers sa partenaire.

- Bon, voila ce que je te propose: on referme la porte à clé, on garde celle-ci sur nous, et on retourne au point de rendez-vous. Nous avons encore plusieurs heures devant nous, nous attendrons en jouant aux échecs et en discutant. Pourquoi pas, après tout? Et si ces individus ne viennent pas, ou ne nous apportent pas satisfaction... Nous rentrerons, barricaderons pour la nuit cette maison, et trouverons un autre moyen de fuir cette ile... Et de leur faire payer. Qu'en pense-tu?

Quoi qu'elle penses, cela n'avait aucune importance : ils feraient ce qu'il voudrait. Il était l'homme, la force dominante....

>> En provenance du monde réel

Le souffle coupé, Elie papillonna des yeux. La cuisine de l’aile réservée aux gardiens était déserte, pas un rat en vue pas plus que les restes de leur repas. Comme elle l’avait aperçu plus tôt Pa avait joué les charognards en mettant la main sur son plat et la mauvaise jumelle ne laissait pas laisser ça. Ce ne serait peut-être pas pour aujourd’hui, ni même pour demain mais quand cette connasse s’y attendrait le moins… elle frapperait ! La vengeance était un plat que se mangeait froid et même si la psychotique les préférait brûlants elle saurait faire une exception. Avec les fioles mortelles que l’indienne se baladait il valait mieux éviter de foncer tête baissée, c’était un coup à la voir se dissoudre avant d’avoir dit « ouf ».

Son reflet que lui renvoyait la rangée de casseroles accrochées au mur était tout aussi peroxydé que dans le monde réel. Alors comme ça les vêtements ne suivaient plus passé la première fois, mais le reste ne subissait pas les mêmes règles ? Ça collait à l’histoire de Jade qui disait Georges Mikles diminué, pas étonnant s’il s’était retrouvé à son retour avec son état post-comateux. D’ailleurs en parlant de piteux état elle se sentait toujours aussi lasse, les saignements de nez en moins. Elle prit donc le temps de s’asseoir et de boire un café, puis deux le temps que les autres arrivent. Ace surtout.

Même si ça ne valait pas une bonne transfusion ce fut le coup de fouet dont elle avait besoin elle le sandwich qu’elle se fit à la va-vite réussir à parfaire l’effet requinquant. Elle n’était pas au top, mais suffisamment retapée pour tenir sur ses guiboles ce qui était un progrès en soit. Elle put dès lors retourner à sa chambre pour récolter ses affaires et les caler dans sa hotte avant de la hisser sur son dos non sans réajuster régulièrement le décolleté de sa robe de soirée qui se dérobait sous son manteau écarlate.

Le pyromane n’apparut que lorsqu’elle fut fin prête, Melena ne tardant pas à son tour. La mauvaise jumelle la fixa un moment, se demandant si sa présence était une bonne ou une mauvaise chose, puis se détourna pour désigner la pendule qui indiquait 9h32.

- On s’est absenté pas mal de temps et c’est bientôt l’heure du rendez-vous avec « l’autre ». J’ai pas trop envie de me la trainer, mais ça me ferait chier de lui poser un lapin si elle a survécu. On a qu’à passer la chercher et filer au bateau, je m’occuperai de la cacher.

Malgré le caractère interrogatif de son discours elle n’attendit pas de réponse et se dirigea vers l’ascenseur d’un pas plus mesuré que d’habitude, sûrement parce que ça tête lui tournait lorsqu’elle pressait l’allure. Ne resta plus alors qu’à attendre patiemment que les autres soient prêts –même si elle n’avait visiblement pas la même définition de la patience que le reste du monde. Son pied battait le sol de manière rythmée alors que l’adolescente poireautait les bras croisés devant les portes dissimulées dans le mur. On pouvait entendre les râles des zombies à travers la paroi et ce n’était pas le meilleur accueil que l’on pouvait souhaiter pour un retour au bercail. La mauvaise jumelle tenta d’imaginer l’espace d’un instant une troupe de zombis affublés de chapeaux de fête et de langues de belle-mère, portant une banderole « bienvenus à la maison » sous une pluie de confettis mais c’était si irréaliste qu’elle préféra arrêter de penser. Mieux valait être lobotomisée que de visualiser ça.

Ses compagnons finirent par reparaitre après un temps indéterminé, leurs affaires sur le dos. Parfait ! Ne restait plus qu’à descendre jusqu’au rez-de-chaussée et faire un tour en ville…

Dehors le temps était grisâtre et humide – comme d’habitude diraient les mauvaises langues- tirant la chair de poule à Elie dont les gambettes étaient à l’air. La ville avait toujours l’air aussi dévastée de la veille, tout comme le cimetière, mais ça n’arrêtait pas les freedoomiens. Leur vie continuerait toujours malgré les morts, elle était aussi naturelle chez eux que de respirer. Après tout ils étaient tous condamnés à y passer non ? Il aurait été fâcheux d’oublier que la majeure partie des gens d’ici avaient été condamnés par un tribunal, engendrant le reste de la populace locale.

Dès les premiers pas qu’ils firent en ville les gestes se figèrent, les regards se tournèrent vers eux alors que les langues se figeaient aux palais. Les gens se faisaient peu à peu à leur statut et intégraient la notion de respect. Ce n’était pas un mal de l’avis d’Elie ! Après une petite trotte le groupe arriva en vue du coiffeur où elle s’était fait couper les cheveux la veille mais pas de… c’était quoi son nom déjà ? Bref, la nana n’était pas là. La blonde peroxydée se laissa tomber sur un banc qui jouxtait la boutique, resserrant les pans de son manteau contre son corps engourdi.

- ‘Tain… même pas capable d’être à l’heure ! elle marqua une pause avant d’ajouter, pensive, A moins qu’elle soit canée ?

Elle ne savait pas si elle était heureuse de retrouver la cuisine de la tour de la Paresse, ou si elle avait la sensation de reprendre un cauchemar là où elle l’avait laissé. Ce n’était qu’une chimère, qu’un foutu rêve bien trop réel qui ne résoudrait bien. Peut-être même était-ce pire s’ils guérissaient, parce que sans ses pouvoirs dans le monde réel, elle ne serait qu’une adolescente comme une autre. Une adolescente comme une autre traquée par tout un pays qui sera très certainement accueillie d’une balle dans la tête.

Melena ignora totalement le regard d’Elie et se dirigea vers sa chambre, facilement repérable avec la planche de bois qui évitait de tomber dans le trou creusé par l’une des fioles de Pas. Ses biens étaient toujours là, tous, et bien rangés la veille. Toutefois, l’irlandaise dut aller récupérer sa combinaison techyoïte qui était sèche désormais pour l’enfiler à la place de ses vêtements Miquitzliens totalement inadaptés à un temps pareil. La fibre futuriste avait souffert du combat contre Avok, mais l’habit noir et argent était encore largement portable.

Le lieu de rendez-vous, hein ? A vrai dire, elle avait déjà complètement oublié la nouvelle rencontrée la veille. D’ailleurs, ils n’avaient pas vraiment de preuves qu’il s’agissait bien de la veille, ils pouvaient très bien avoir fait un bond de plusieurs jours dans le temps durant leur absence, mais qu’importe : ils n’avaient que ça à faire sur cette ile que d’aller sur le « lieu de rendez-vous ».

La réponse à ce doute lui fut apportée par le numéro du DL soir posée sur son lit, sans doute déposé par son hibou pendant son absence, qui était dans la suite logique du dernier qu’elle avait reçu. Sans prendre la peine de lire le journal, Melena le balança dans sa hotte qu’elle prit sur son dos après avoir mit son manteau et enfilé son sac en bandoulière. Elle était alors prête à partir, et à quitter cet endroit qui était à la fois son chez elle et sa prison ; cet endroit où… bref, elle n’avait pas envie d’y penser encore une fois.

Le froid de l’extérieur lui remémora mieux qu’une bonne claque son arrivée sur Freedoom. La seule chose qui avait réellement changé était ses mèches de cheveux qui dansaient au gré du vent. Désormais, elles étaient d’un blond peroxydé qui lui faisait l’effet d’être marquée comme une bête : « criminelle fugitive ». Il ne manquait plus que ça après le tatouage des adeptes imposé au creux de ses petits seins. Même son corps la trahissait, il n’était plus qu’une page de chair où s’écrivaient les moments fort de sa dégénérescence vers la folie.

Ses yeux gris froids se promenaient passivement sur les gens qui les dévisageaient avec crainte et respect. Elle avait l’impression de les voir à travers une vitre eux aussi, à travers une cloison qui délimitait très fermement leur différence de classe. Toutefois, Melena avait aussi l’impression que ces regards effrayés lui hurlaient à chacun de ses pas le moindre de ses crimes dans le monde réel, lui renvoyaient les images de ceux qu’elle avait abattu. Elle avait l’impression d’être couverte de sang, alors qu’elle était présentement irréprochable.

Pour chasser ces chimères, la nécrophobe se massa les tempes de ses majeurs alors qu’ils arrivaient devant le dit coiffeur. Personne, évidemment. C’était stupide de penser que Naomie pourrait survivre seule songea-t-elle avec pessimisme avant même qu’Elie n’émette la supposition d’un décès à haute voix. Une mort de plus sur la conscience parce que cette fille, elle aurait pu la sauver, non ? Bah, elle n’était plus à ça prêt…

- Peut-être bien, répondit-elle simplement d’une voix absente.

Ses yeux d’orage étaient fixés dans le vide d’une vitrine crasseuse, illisibles. Elle ne savait pas trop ce que la nouvelle lui faisait, mais sans doute pas grand-chose de bien profond, puisqu’elle finit par enchainer avec une inexpressivité parfaite :

- On attend combien de temps avant d’y aller ?

L’amertume la rongeait pourtant, quelque part, mais son cœur restait insensible. S’il existait encore d’ailleurs, parce qu’il avait tendance à partir en miette ces derniers temps.

Profitant de ce silence presque religieux dont lui faisait cadeau Feufolé, le pyromane essaya de recadrer ce qui l’entourait. Gérer deux réalités à la fois, c’était peut-être marrant sur certains points, mais le truc lourd c’est qu’il avait oublié ce qu’il faisait avant de se réveiller.
L’odeur qui flottait encore dans la cuisine le mit sur la piste : ils avaient cuisiné, puis mangé un bout… Après être rentrés d’une ballade sur l’île. Pour quoi, déjà ? Les cheveux d’Elie, probablement.

Ah oui ! Et il y avait la gamine, aussi ! Celle qui parlait à son caillou à la con ! Il avait failli l’oublier, celle-là ! Avait-elle survécu à sa nuit au milieu des zombies ? Le pyromane attendait impatiemment de croiser cette dernière – ou son cadavre – pour savoir s’il avait gagné le pari qu’il s’était fait à lui-même pour s’amuser.

Elie n’étant pas là pour l’accueillir, le pyromane invita l’esprit de feu à le suivre d’un coup de tête. Direction : sa chambre d’adepte. Ils partiraient bientôt et même s’il s’agissait d’un tas de babioles, le pyromane refusait d’abandonner ses affaires. Pour qu’elles profitent à quelqu’un d’autre ? Et puis quoi, encore !?
Oui, c’était du « ma gueule » et de l’injustice totale quand on pensait que tout lui tombait dans le bec tout cuit, mais justement : les leçons d’humilité, Ace préférait les laisser aux autres. Il était trop cool pour ça.

Arrivé dans ses quartiers, le Ken n’eut aucun mal à retrouver sa hotte - *j’me souv’nais pas qu’elle était si moche ; ça m’sort par les yeux, c’est à chier !* - qu’il fouilla pour être sûr que personne n’était venu piocher dedans. Tout avait l’air d’y être, mais par contre, un papier posé sur son lit attira l’attention du pyromane.

C’était plié d’une drôle de façon et lorsqu’il prit le morceau de papier, il s’aperçut que ce dernier contenait quelque chose. Ouvrant ce qui était en fait une lettre comme un gosse déballerait un cadeau, il écarquilla les yeux alors que le petit Graal retombait sur le lit. Un briquet ! Un putain de briquet !!
Incapable de tenir plus longtemps, il l’essaya ; ô joie, ô bonheur : il fonctionnait ! Et plutôt bien, même !
Ace joua avec la pierre de son objet préféré tout en s’asseyant sur son lit pour lire sa lettre. L’écriture fine et aérienne tira une grimace à Ace qui mit quelques secondes à comprendre que ce truc tout bouclé, là, c’était un S.

C’était signé Fisher, et ça disait en gros :
« Cher monsieur Ridley,
lors d’une de mes promenades aux abords de la tour, j’ai trouvé cet objet à terre. Au vu de vos pouvoirs, je suppose que ce dernier vous appartient et sinon, vous en ferez certainement meilleur usage que son précédent propriétaire. »

Ça c’était bien vrai ! Quel bouseux avait besoin d’un briquet plus qu’un pyromane ? Nan, sérieusement ?
- ‘Tain, ça c’est carrément top ! T’as vu ça, Feu’ ? Sans dec’, ça déchire !!
- J’ai vu, j’ai vu. Bon, je vais pas te dire « fais pas de conneries avec », parce que je sais que tu en feras.. Mais c’est pas avec ça que tu allumeras un vrai incendie… Au regard interrogateur du Ken, la boule de feu s’expliqua plus en détails : entre un briquet et moi, je suis quand même le plus à même de faire cramer un truc, tu penses pas ? Hein, dis.. Tu penseras à moi, tu me délaisseras pas pour ce bidule, hein ? Souviens-toi des bons moments qu’on a passé ensemble, je t’en conjure ! Ace !

Loin de compatir, Ace partit dans une franche rigolade. Voir Feufolé craindre de se faire remplacer par un briquet, c’était vraiment trop marrant. La boule de feu qui voit dans la petite boîte à gaz un rival de taille… Alors ça c’était vraiment trop. Ace rangea son briquet dans sa poche droite, directement à portée de main au cas où avant de rassurer Feu’.
- T’inquiète, va.. Niveau ambiance tu l’aplatis, l’briquet.

Une fois l’invocation et le voyageur satisfaits, ils quittèrent la pièce avec leur barda, direction l’ascenseur où Ace espérait croiser Elie.
Il eut le nez creux et ne trouva pas que la mauvaise jumelle : Melena était là, elle aussi. Jade devait avoir amorcé le voyage aussi, du coup. Ça faisait bizarre de plus la voir : c’était comme si elle avait toujours fait partie du groupe alors que c’étaient des centaines de kilomètres qui les séparaient d’elle, à Dreamland.

Il acquiesça à la proposition de la mauvaise jumelle tout en la suivant.
- Ouais, j’ai trop envie d’voir sa gueule : après l’attaque des zombies, elle a dû s’chier d’ssus ! Hahaha !
- La pauvre, oui… Elle était sympa, j’espère vraiment qu’elle s’est pas fait bouffer. En plus elle avait l’air jeune, ça a dû lui faire un choc quand elle a vu les morts-vivants débouler. Enfin elle a peut-être trouvé un abris, des gens pour l’aider, ou quoi.. Hein.. ? Ouais. Ou pas !

Sortir fut un vrai régal. Le temps était dégueulasse, mais avec l’orage qu’ils s’étaient payés sur la gueule, ça contrastait pas trop. Non, ce qui était dément c’était de se pavaner comme des dieux au milieu des pécores juste parce qu’ils étaient adeptes. Un tatouage et hop : tout le monde faisait la courbette.
D’ailleurs, celui d’Ace était venu se réfugier dans sa poche gauche, réflexe qu’il avait gardé dès lors qu’il croisait des personnes autres que les filles. Personne d’autre n’avait le droit de savoir.

- Bah, on attend l’temps qu’y faut… J’me casserai quand j’en aurai raz l’cul d’attendre.
- Ou sinon, on peut aller demander à quelqu’un. Vous voulez que j’aille demander ? A ce type, par exemple ! Nan ! T’attends, c’tout. Méheu… ça irait quand même plus vite si on demandait… Je suis sûr que quelqu’un a dû la voir. M’en fous… ‘Verra.

Jerry répondit à l'affirmative. C'était sans doute mieux ainsi, pour elle, puisqu'elle n'aurait pas à subir de remontrances, ou pires, comme pour lui, puisqu'il préférait qu'elle reste de son côté.

Il repartirent donc vers le salon de coiffure indiqué par Naomie. Nikodim put apprécier le paysage, c'est à dire les maisons délabrés et les pauvres ou autres personnes demandant asile à d'autres réfugiés... L'entraide, un concept avec lequel il avait du mal. Ils étaient de simples moutons, destinés à l'abattoir.

Mais lui, il était différent. Il était le roi, le guide, et il aiderait Jerry à s'en sortir... Pour mieux en profiter. Mais il devait pour le moment se concentrer sur le point le plus important: leur survie, et leur sortie de cet endroit funeste. Et cela n'allait guère être chose aisée...

Ils arrivèrent au point de rendez-vous pour la seconde fois de la journée. Mais cette fois-ci, c'était différent: le banc qu'il avait occupé auparavant était maintenant occupé par trois personnes, bien différentes de celles qu'ils avaient pu apercevoir. Leur tenue était pour ainsi dire... Extravagante, et riche, pour un endroit pareil. Un peu comme sa tenue à lui, mais il faisait partie de la haute classe.

- Je pense que ce sont eux, les personnes qu'attendaient Naomie. Je vais engager la conversation

Ils se dirigèrent donc vers les trois inconnus, et pendant ce court laps de temps, Nikodim put les dévisager et se faire une idée.

Le premier tout d'abord était un jeune homme, plutôt grand, mais qui semblait frêle. Son apparence était cependant étonnante. Il y avait quelque chose chez lui que Nikodim ne pouvait pas encore percevoir... Mais qui le mettait au niveau des gens qui le servait. Quelqu'un d'utile. Et il n'avait sans doute aucun regrets à ses crimes... Le problème était qu'il était jeune. Dommage.

La seconde personne était une femme plutôt grande aussi, mais n'ayant que peu d'atout pour elle, pâle et plate comme la mort, ou une brindille d'arbre mort... Facile à briser. Ses mains semblaient allongés. Elle aussi avait quelque chose qu'il ne comprenait pas, mais ce fut l'effet contraire que celui du jeune homme: il n'aimait guère ce pressentiment.

La dernière personne, une autre femme, était contrairement aux autres plus petites, mais possédait des atouts plus certains que sa voisine, bien que Jerry n'est rien à lui envier, selon lui. Pâle elle aussi, elle n'avait cependant pas la carrure de l'autre. Et sa façon de se tenir, sa posture... Tout cela évoquait pour lui un charisme évident. La chef du groupe?

C'était face à ce groupe hétéroclite qu'il se trouvait à présent. Mais bien sûr, ils ne se doutaient peut-être pas de ce qui se passaient.

- Je crois que vous attendez Naomie? Elle nous a dis de vous rejoindre ici, et elle devrait être là depuis le temps... Nous avons survécu une nuit, et l'avons aidé dans cet tâche. Elle a dis que vous pourriez nous aider.

Il préférait parler ainsi, bien que les pièces d'échecs commençaient à se mettre en place. Puis il se rendit compte d'une erreur qu'il faillit faire en déplaçant son fou.

- Oh veuillez m'excusez, je manque à la politesse la plus élémentaire... Nikodim Vialkovitch, fraichement arrivé... Atterri dans un camion par je ne sais quel tour de passe-passe.

Il leur tendit sa main, pas aussi impeccable qu'habituellement, mais bien plus que n'importe quel crasseux de cette ville. Il leur sourit tout en même temps, sans narquoiserie ni moquerie. Il valait mieux les mettre en confiance, et en apprendre plus sur ce qui se passait. Voir sur leur moyens de survie. Mais il faudrait voir leur réactions.

Il grimaça au bout d'un moment, gardant sa main tendue, et regardant sa jambe bandé. Il faudrait s'occuper de cela plus tard.

Tous les trois assis en rang d’oignons sur le banc jouxtant le coiffeur, les nouveaux adeptes discutaient de la mort potentielle d’un être humain avec un je-m’en-foutisme qui forçait le respect. Les pronostics allaient bon train, du oui au non en passant par l’éternel peut-être, ne manquant plus que les paris pour compléter l’image de dépravation morale qu’ils véhiculaient. Mais comment réagir autrement quand on côtoyait la mort tous les jours ? C’était ça ou investir dans une usine de kleenex, le choix était vite fait.

- Demander ? Je crois que tu oublies un truc Feu’… c’est pas nous qui avons besoin d’aide là. On va pas se trouer le cul à interroger tous les clampins locaux pour retrouver une minette que je peux même pas piffrer. Si elle arrive pas d’ici 15 minutes on met les voiles vers le port, voilà tout. J’veux bien être gentille mais je suis pas mère Thérésa.

Un homme qui la regardait fixement depuis un moment déjà depuis la devanture de sa boutique commençait sérieusement à lui taper sur les nerfs ce qui n’était pas pour l’inviter à être aimable. L’enseigne au-dessus de son visage lunaire clamait « Déguisements, farces & attrapes Pumpy », le tout à la peinture écaillée depuis longtemps déjà. Pas le genre de commerce qui devait avoir une grosse clientèle même si les gens d’ici auraient vraiment eu besoin de rire un peu. Lorsque l’homme comprit qu’il était repéré il sursauta, pénétra dans sa boutique et en ressortit quelques minutes plus tard avec un paquet dans les mains.

En une minute il avait traversé la rue et tendait à Elie l’emballage en papier kraft, ses joues teintée d’écarlate. La mauvaise jumelle fixa le présent, puis l’homme, puis le présent, puis l’homme… jusqu’à ce que celui-ci bafouille en le lui fourrant entre les mains :

- Bonjour ! Je… euh… je voulais vous donner ça comme cadeau de bienvenue et pour vous féliciter de votre réussite ! Vous avez vraiment été… euh… super ! Et vous êtes tellement jolie que j’ai pensé que… vous pourriez… hm… porter ça… ça vous irait à ravir et ça ferait un peu… de publicité à ma boutique vous comprenez ?

Sous le regard interloqué d’Elie qui découvrait en ouvrant le paquet une tenue d’infirmière coquine, l’homme passa de la rougeur à l’écarlate le plus parfait avant de détaler comme un lapin en se confondant en excuses.

- Il se fout d’ma gueule ? finit par demander l’adolescente en se tournant vers ses compagnons.

Ce n’était pas le genre de tenue qu’on pouvait porter dans la rue même si il fallait au moins lui concéder sa bonne facture. Dans le contexte d’un jeu érotique à la rigueur… d’ailleurs l’idée semblait avoir effleuré l’esprit de son petit ami vu la tête qu’il tirait. El’ y répondit par un haussement de sourcil et un tirage de langue après quoi elle fourra le cadeau au fond de sa hotte. Elle aurait tout le temps de repenser plus tard au comportement étrange des gens de cette île mais pour l’heure un duo plutôt mal en point fonçait vers eux sans aucun doute possible quant à leur envie de venir leur parler. Qu’est-ce qu’ils voulaient ? Lui offrir un string pour compléter la tenue ?

Au lieu de ça l’ainé du duo, un homme d’une quarantaine d’année plutôt hautain, leur déballa tout à trac qu’ils étaient là sur recommandation de Naomie. Ah ouais, c’était ça le nom de cette fille, ça lui revenait. Ce mec pouvait bien s’appeler Nikodim ou Donald que ça importait peu à la psychotique. La seule chose à laquelle elle pensait à ce moment c’était qu’elle s’était engagée pour une personne et qu’on lui demandait d’en évacuer trois. On les prenait pour american airlines ou quoi ?

Son regard azur tomba sur la main crasseuse tendue vers elle et un rictus étrange étira ses lèvres. La serrer serait accepter de jouer les bons samaritains non ? Pas question, du moins pas sans avoir mis tout ça au clair. Mais parce que certains étaient déjà morts comme ça et qu’elle avait un minimum de scrupules elle tendit tout de même la sienne après une poignée de secondes, arrêtant ses doigts à quelques centimètres de ceux du Russe.

- Moi c’est Elie, mais que ce soit clair : on a jamais dit qu’on aiderait quelqu’un d’autre que cette fille. Et si on le fait pour vous c’est sous les mêmes conditions. Elle vous a prévenu pour ça au moins ?

Sa main se glissa enfin dans celle qu’on lui tendit et elle la serra avec une fermeté qui ne laissait aucun doute quant à son caractère bien trempé.

- Une semaine d’esclavage contre la liberté. Plutôt peu cher payé non ? ironisa-t-elle avec un grand sourire.

Ace et Elie n’avaient visiblement pas la même opinion de l’attitude à adopter dans le cas où Naomie ne venait pas au rendez-vous. Malgré que leur relation ne soit pas au beau fixe et le fait qu’elle avait compatis aux problèmes de la nouvelle lorsqu’ils l’avaient rencontrée, Melena était d’accord avec la mauvaise jumelle. Elle voulait quitter cette ile de malheur au plus vite, et il était hors de question de rater son bateau parce qu’une inconnue ne se pointait pas à l’heure. C’était peut-être dur, voire immorale de ne même pas tenter de la retrouver après lui avoir proposé de l’aide, mais aucun des membres du trio n’était un super-héros ou un quelconque justicier masqué.

Ce n’était pas leur rôle d’aider les malchanceux à s’évader de Freedoom. Il devait y en avoir plein qui avait appris à faire avec, les trois adeptes eux-mêmes faisaient partis du lot de prisonniers désignés par une crasse du destin, et personne ne les avait aidés. Non, personne ; ils avaient du arracher leur liberté au prix d’épreuves qui feraient pâlir plus d’un preux chevalier. Peut-être même qu’un preux chevalier y aurait échoué dès le départ : il fallait être fou pour supporter toutes les épreuves, suffisamment pour ne plus avoir une conscience parfaitement intacte.

L’irlandaise leva distraitement un sourcil lorsqu’Elie se vit offrir sa tenue d’infirmière, mais leva les yeux au ciel en détournant le regard. Les fantasmes des hommes étaient parfois sombrement minables et il fallait croire que la vie à Freedoom ne les annihilait pas – au contraire. D’ailleurs, voici un autre inconnu qui marchait vers eux désormais, accompagné par une fille dont les traits évoquaient quelque chose à la nécrophobe, mais elle ne se souvenait plus où elle les avait déjà vus.

- Bienvenu à Dreamland, souffla Melena lorsque Nikodim confia être arrivé dans un camion « par un tour de passe-passe ».

Cette réplique empruntée aux jumelles convenait parfaitement. Certains atterrissaient dans des véhicules, d’autres directement sur des iles de mort ; mais au final, le destin ne devait pas vraiment aimer les voyageurs, parce qu’ils se retrouvaient tous plus ou moins dans la même situation. Plutôt moins que plus à l’heure actuelle parce que si les deux plus jeunes étaient incertains quant à leur avenir, les adeptes avaient payé par le sang leur droit à s’en aller comme des touristes. Ou des locataires de marques.

- Et faudra pas non plus s’imaginer voyager en première classe, ajouta-t-elle en complément d’Elie.

Snobant la main qui lui était tendue, elle croisa les bras et dévisagea tour à tour Nikodim et Jerry de ses yeux glacés. Elle n’était pas vraiment d’humeur à un minimum d’amabilité cette fois, contrairement à lorsqu’ils avaient rencontré Naomie. Si ces personnes là voulaient se faire aider, ils avaient plutôt intérêt à se tenir à carreaux s’ils ne voulaient pas se faire… tuer. Oui. Littéralement, s’ils faisaient mine de causer des ennuis à la nécrophobe, elle s’en débarrasserait sans ménagement ; son karma n’était plus à un meurtre près désormais, dans un monde comme dans l’autre.

Un vent glacial balaya leur conciliabule, faisant tournoyer sa chevelure décolorée. Plusieurs personnes passant dans la rue ralentissant en les dévisageant avec des yeux ronds, sans doute surpris de voir ces nouveaux prisonniers s’adresser de la sorte à des adeptes. Nikodim et Jerry allaient-ils accepter alors ? Il était vrai qu’une semaine d’esclavage contre une carte « sortie de prison » n’était pas cher payé. Les gardiens eux, la monnayaient contre cinq épreuves d’un sadisme sans borne ; mais peut-être ces deux voyageurs étaient-ils masochistes suicidaires.

Alors comme ça, Nikodim était dans son camp. Le poids sur les épaules de Jerry venait de s'alléger, s'ils étaient deux se serait plus simple de se liguer contre cette faune d'individus. Le plus drôle, c'est qu'il la prenait pour son apprentie. Il lui cachait des choses au sujet de ses activités, c'était certain..

La chance était de leur côté, puisque Nikodim trouva la clef sous le paillasson de la baraque, une aubaine qui éviterait les courants d'air dans la demeure. Maintenant qu'il avait trouvé un refuge temporaire, Jerry avait moins de mouron à se faire. Une certaine satisfaction se lisait sur son visage suite à cette bonne nouvelle.

Bien sur, c'était le calme avant la tempête et le toqué voulait déjà qu'il recommence à jouer à son jeu, trop statique et déplaisant à la longue. Elle ne pouvait que compter sur la ponctualité de ses futurs associés pour éviter le drame.

- Allons voir s'ils sont arrivés.

En chemin, la cleptomane remarqua de loin un changement dans le décor. Le jeu des 7 différences ! Sur le banc, il y avait un trio de jeunes personnes contrastant parfaitement avec le décor sale et mal entretenu dans lequel ils avaient apparut. La première, celle que l'on voyait tout de suite était caractérisée par la couleur de son manteau rouge vif et sa robe de soirée noire. D'habitude on croisait par ici des vêtements de couleur terne, morne et triste ainsi que quelques gus en pyjamas rayés. Toujours les même tons. Au final, Jerry se demandait vraiment si elle ne voyait pas en noir et blanc comme les animaux. Dans le lot, il y avait aussi un beau garçon, ça ne l'étonnait guère qu'il soit déjà prit. La dernière au teint palot lui rappelait sa rencontre avec les joyeux cadavres d'hier soir, son visage lui rappelait quelque chose aussi. Elle avait du mal à mettre le doigt dessus, un certain prénom comme..

- Melena ?!

Évidement qu'est ce qu'elle pouvait être courge ! Elles avaient déjà bossé pour un certain Hide Glover pour lui rapporter un crustacé en cristal. Et bien qu'elle surprise.. Réalisant qu'elle avait quelque que peu baissé sa garde, elle regarda dans toutes les directions, même insoupçonnées d'où pouvait surgir l'autre folle qui l'avait jadis brutalisé avec un fusil harpon. C'était bien sa veine, elle n'était pas là. Réalisant que sa petite angoisse passagère avait un soupçon attiré les regards des curieux, elle se mit à tousser violemment et étouffa le bruit avec son foulard.

Discrète, elle écouta d'une oreille attentive la conversation entre Nikodim et Elie. La conversation la fit doucement rire. Naomie.. Tu t'es pas vantée des modalités de paiement.. hein ! Ah non, cette fille avait déjà eût le culot de lui voler sa magnifique et merveilleuse capsule de bouteille mais en plus elle ne les avait pas prévenu de tout.

En fin de compte ce n'était pas les rubz qui les motivaient, c'était l'esclavagisme ! En bonne Moïse, Jerry se serait déjà dressée avec son grand bâton en disant : 'Laisse partir mooon peupleuh !' Sauf qu'ici c'était chacun pour soi et Dieu pour tous, donc basta les autres iront se faire cuire un oeuf. Hum l'esclavagisme. Ce thème l'avait fait chier à mourir en histoire, leur professeur leur rabâchait que c'était une tâche sur leur beau drapeau américain. Le plus drôle, c'est que cela revenait à la mode. La cleptomane imaginait d'ici, le joyeux terroriste qu'elle appréciait pour et à cause de ses possessions, Mourad premier du nom en train d'attacher une bombe à la jumelle en lui disant bien où elle pouvait se le mettre son esclavagisme. Jerry était souvent restée bouche-bée sur les méthodes expéditives des terroristes, il était sur qu'elle en prendrait de la graine à l'avenir dans sa guérilla anti-ellipsienne. Les hippies auront beau lui faire peace and love, elle ne s'arrêterait pas.

Le mot esclavagisme résonnait en écho dans sa tête, le plus intéressant serait d'en savoir un plus à ce sujet.

- Dites-moi, que signifie pour vous ce terme ? Je ne veux pas qu'il y ait méprise vous comprenez..

Fallait être méfiant par ici et surtout ne pas faire confiance à la première voleuse de capsule du bled, Jerry comptait bien se renseigner sur le service qu'on lui demandait de faire. Être esclave pouvait signifier être un domestique. Ils avaient de la chance d'être tombé sur elle, elle était plus débrouillarde qu'une simple employée, déjà son poste de serveuse l'avait bien préparé. Elle savait aussi cuisiner grâce à Mamie Amanda, peut être servirait-elle aux taches domestiques, une évidence selon elle et la propre définition qu'elle se faisait du mot.

Tandis qu'elle étudiait la question, elle souvint que le complice qui l'accompagnait était un - supposé - homme d'affaire et même qu'il avait une très mauvaises opinion de son métier. Curieuse et amusée, elle tenta de discerner un nuage de fumée s'élevant de la tête de Nikodim. En même temps, il ne pouvait pas rêver de mieux comme proposition après avoir jeter son argent par la fenêtre en achetant ce maudit jeu !

Le problème était qu'un homme d'affaire pouvait se révéler plus difficile pour une histoire de hiérarchie, de dignité.. Bref la guerre froide réchauffée, sortie tout droit du four ! Jerry commençait à baver à l'idée de partir et de se retrouver dans un endroit où il y avait de la nourriture. Melena avait bien insisté sur le fait qu'ils ne voyageraient certainement pas en première classe, selon la cleptomane se serait beaucoup mieux que le restaurant où elle avait mit les pieds. Rien qu'en pensant à son ventre à moitié vide, elle en perdait la tête. C'était à peine si elle prenait au sérieux l'étrange boule de feu violette qui tournicotait tout au tour. Elle avait une hypothèse : le repas de ce midi..

Rien ne se passa comme prévu, ce qui désarçonna un instant le russe. La petite Naomie n'avait rien dit... Elle avait décidément baissé dans son estime. Pire qu'un mouton, un esclave... Un mouton qui ne choisit pas son chemin, suit les autres, et le sait, tout en souffrant. Un plaisir pour lui, mais ce n'était pas une qualité que devait avoir ses compagnons... Sauf s'ils étaient ses sbires.

Et puis, de l'esclavagisme? Sa famille n'avait été esclave que de la société de consommation. Et lui ne l'avait jamais été. Il avait toujours su faire face. Ceux qui avaient essayé de l'annihiler par l'esclavage, ou ce genre de choses, ils l'avaient tous payés de leur vie. Aucune chance pour ces gens-là.
Et ils allaient se passer la même chose avec ces gens. Cependant, pour le moment, il devait rester neutre. Une semaine à tenir... Et puis, vu la réaction, quoi que puérile, de Jerry, elle ne devait pas être d'accord non plus.

Mais demander ce qu'était l'esclavage? L'esclavage, c'était l'esclavage. Lécher les bottes d'un soit-disant plus fort, alors que si la volonté de l'esclave était forte, il pourrait terrasser le maître, même physiquement... Ici, le cas était légèrement différent pour lui: il se savait bien plus fort que ces individus, mais ils ne connaissaient rien d'eux, ni leurs points forts, ni leurs points faibles. Il lui faudrait du temps pour les analyser. Et encore plus pour se venger.

Il se rendit soudain compte d'un truc qu'il n'avait pas noté auparavant, ou plutôt qu'il avait ignoré: la "boule de feu violette" tournoyant près du jeune homme. Mais qu'est-ce que c'était que cette merde? Il était persuadé que c'était une hallucination, mais dans ce monde, rien n'était sûr...
Quoi que la viande manger à midi contenait peut-être des hallucinogènes.

Il oublia cette boule de feu, et se retourna vers les deux principales interlocutrices.

- Cela ne m'étonne pas, pour la première classe, que l'on ne puisse l'avoir... Bien que cela me désole. La richesse du monde réel me manque, parfois.

Cependant, même s'il ne pouvait être sûr de rien en l'état, il y avait encore une chose qui le dérangeait. Intérieurement, il déplaça les pièces, sous sa formation favorite, comme en réponse à un mouvement des adversaires... Si il pouvait jouer contre un individu, pourquoi pas trois? Il n'allait pas abandonner ainsi....

- Seulement, comment pouvez-vous nous garantir votre bonne foi? Qui nous dis que vous avez le pouvoir de nous sortir d'ici, et de nous commandez? Après tout, Naomie ne nous a rien dis pour le paiement, elle a pu mentir pour le reste... Est-il possible d'avoir une démonstration?

Un moyen simple, mais efficace, de voir leur bonne volonté, voir leurs talents. Oh, bien sûr qu'il accepterait. Il n'aurait sans doute pas le choix, sauf si Jerry ne le désirait pas. Mais il ne voulait pas partir sans une carte dans sa manche.

Le fou avait pris sa position, prêt à frapper la dame d'un revers de la main. Ils ne pouvaient espérer être victorieux....

Avachie sur son banc les bras croisés, Elie toisait leurs futurs « protégés » avec un mépris croissant alors que son sourcil gauche entamait une ascension fulgurante. Entre la brune à l’air garce qui les prenait pour un dictionnaire et le grand-père qui exigeait des preuves de leur toute puissance il y avait de quoi faire. Ces deux péquenots étaient totalement déconnectés de la réalité, ils auraient mieux fait de prendre exemple sur leurs collègues prisonniers qui les fuyaient comme la peste, mais en faisant preuve d’un certain respect.

Une seule chose était sure au terme de cet interrogatoire : elle ne jouerait pas les bêtes de foire. Si Ace, Melena étaient ici à la base c’était pour sauver Naomie et non deux personnes même pas capables d’être reconnaissantes. La mauvaise jumelle ne se priva pas de le faire remarquer dès que le silence ce fut de nouveau installé.

- Non mais je crois que vous n’avez pas pigé un truc… ici les demandeurs, c’est vous. Vous nous croyez ou vous allez vous faire foutre c’est aussi simple que ça.

Et voilà c’était dit. S’ils n’étaient pas contents rien ne les empêchait d’aller faire un petit coucou à Kay et Chayan dans l’espoir d’acquérir un ticket de sortie. Ils mourraient forcément mais comme dirait l’autre « c’est leur problème, pas le mien ». Une mise en garde s’avérait malgré tout nécessaire, aussi El’ se mit en tête de présenter clairement les choses alors qu’elle se levait avec nonchalance en faisant craquer ses articulations, et après un bâillement sonore ne montrant que trop son intérêt limité concernant cette conversation. Elle pointa du doigt la silhouette lugubre de la tour visible même à travers le brouillard épais qui drapait l’île comme un linceul.

- Vous voyez ça ? C’est la tour de la paresse. Si nos conditions ne vous vont pas… ah oui mais j’oubliais que mademoiselle était une fausse brune… un esclave c’est quelqu’un qui fait tout ce qu’on lui demande, quand on lui demande sinon il passe par-dessus bord. Assez clair dit comme ça ? Bref, si ça vous va pas vous pouvez toujours aller toquer là-bas, mourir, ressusciter puis mourir encore et pour de bon cette fois. On en a chié pour avoir le droit de quitter cette île et vous n’avez même pas la moindre chance de pouvoir réussir à nous imiter avec vos gueules de flan. Alors soit vous tentez quand même, soit vous nous suivez et vous la fermez.

Les mains sur les hanches elle secoua la tête avant de glisser de manière très audible à l’adresse de ses compagnons :

- J’vous jure j’aurai pas la patience de me trainer des clampins. Y’en a un qui pose encore une question con ou réclame ne serait-ce qu’une pause pipi que je le livre directement au treizième. On a déjà assez de Feu’ pour la diarrhée verbale, elle ajouta à l’adresse de la boule de feu, C’pas contre toi, mais admet que t’es lourd mon chou.

Un miaulement s’éleva alors de sous son menton, bientôt suivi par une tête de chat émergeant au niveau du cou. Sous les chatouilles la psychotique lâcha un rire bref et attrapa la bestiole par la peau du cou pour le poser sur son épaule droite. Le chachat miaou tourna en rond une ou deux fois avant de se lover en ronronnant dans les plis du tissu. Cette bestiole était incroyable. On croyait l’avoir perdue mille fois et finalement elle était toujours là…

Cette intervention avait agi comme un point final au débat, pour Elie du moins. Elle se mit alors en tête de compléter le programme de la journée en se rendant au port pour voir si le bateau était enfin arrivé malgré son retard. D’ici on ne voyait rien car la brume tournait en véritable purée de pois aux abords de la côte et on ne pouvait pas compter sur les freedoomiens pour les renseigner. Comme ce gosse malpoli qui lui tirait la langue depuis le trottoir d’en face par exemple ! Elie lui rendit la pareille, dévoilant du même coup sa marque d’adepte qui fit pâlir le gamin, puis déguerpir comme l’éclair. Ils étaient tous comme ça ici : des enfoirés incapables d’assumer.

La route descendait en pente raide au seul endroit de l’île dépourvu de falaises, zigzagant entre les maisons partiellement détruites depuis la troisième épreuve. Ce spectacle de désolation n’émouvait pas le moins du monde la mauvaise jumelle. Peut-être parce que tuer sa propre sœur lui semblait bien pire que toute la misère du monde, peut-être aussi parce qu’elle pensait que ces cons méritaient leur sort. Soyons fous, la combinaison des deux était parfaitement crédible.

Elle aurait voulu faire le trajet de manière hautaine et digne sous les yeux de ceux qui leur avaient refusé de l’aide mais sa démarche anarchique dû aux escarpins estropiés de Lily gâchait l’effet d’ensemble. Si seulement elle avait pu avoir une paire de chaussure convenable comme… comme…

Un paquet cadeau apparu dans ses mains comme en réponse à son souhait et lorsqu’elle déchira l’emballage l’adolescente ne put retenir un sourire en coin. Ouais, des comme ça, exactement. Ce ne serait pas très fashion avec sa robe de soirée mais à Dreamland la mode devenait accessoire. Bientôt sa vieille paire sans talons atterrit dans un fossé alors qu’elle s’octroyait une pause d’une minute pour chausser son cadeau providentiel. Lorsqu’elle eut fini de les lasser elle adressa un sourire ravageur au pyromane, tapant son talon contre le sol pour tester ses nouvelles groles.

- Jackpot ! Mieux que les brosses à dent et les bouteilles d’eau habituelles nan ?

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'Super joyeux noël' :

Cette fille connaissait son prénom. Désormais, Melena était persuadée qu’elles se connaissaient, mais il fallut plusieurs secondes – le temps que Nikodim leur demande de « prouver leur bonne foi » – avant qu’elle ne se souvienne pouquoi. Effectivement, les cheveux mouillés, les traits tirés, la semi-obscurité et la tenue de plongé en moins, l’identité de la cleptomane ne lui avait pas immédiatement sauté au visage. Pourtant c’était bien elle, Jerry. Gardant pour l’instant cette réminiscence pour elle, la nécrophobe dévisagea le russe avec froideur.

Lui, elle ne pouvait déjà pas le voir. C’était le type de personne qui débarquait à Dreamland en s’imaginant avoir emporté avec eux leur bon statut du monde réel, alors qu’ils n’étaient plus rien. Plus rien du tout. Depuis quand est-ce qu’elle aurait des comptes à lui rendre, alors que c’était lui qui s’était volontairement rendu à un rendez-vous auquel il n’était pas convié ? S’il avait été si sceptique, il n’avait qu’à continuer à se planquer quelque part sur cette île de morts, jusqu’à ce qu’il se fasse dévorer et que peut-être, un aspirant adepte vienne le décapiter.

La réplique d’Elie résuma très bien la façon de penser de Melena, qui se contenta d’appuyer d’un signe de tête dédaigneux. Nikodim lui rappelait ce mec stupide qui se prenait pour dieu. C’était lorsqu’elle venait de s’échapper du colisée de Sextus, ça lui paraissait faire si longtemps désormais. Une vie en arrière, voire deux. Elle aurait volontiers décidé de laisser le fan d’échec à quai, pour le simple motif que ses manières ne lui revenaient pas mais… mais il y avait Jerry.

L’irlandaise ne connaissait pas vraiment la mystérieuse brunette, pas plus qu’elle ne pouvait dire qu’elles avaient lié une amitié quelconque, mais elle se souvenait d’une collègue qui s’était finalement avérée utile. Décalée, mais utile. La vérité, c’était qu’elle ne se sentait pas d’endurer le voyage avec pour seule compagnie une mauvaise jumelle déterminée à la voir comme un parasite et un Ace qui, bien qu’agissant toujours comme un ami – à sa manière – se rangerait forcément du coté de son aimée. Melena ne savait pas pourquoi elle avait cette étrange pointe au cœur lorsqu’elle fit un pas vers la cleptomane, comme si elle trahissait déjà l’importance que Jade avait pour elle ; mais la sensation douloureuse que cette dernière n’était plus autant sa « meilleure » amie qu’elle le prétendait être chassa sa culpabilité.

- Je t’assure que tu fais mieux de venir avec nous, confia-t-elle à voix basse pour que seule son interlocutrice l’entende, ce qu’ils vous feraient là-haut serait…

La nécrophobe ne réussit pas à finir sa phrase. Elle aurait pâlit plus encore si son teint n’était pas déjà désespérément proche de celui d’une craie. Son air inexpressif se tourna vers Jerry et enfin, pour la première fois depuis la tragédie du monde réel, un sourire faible mais sincère étira ses lèvres pâles :

- Ça faisait longtemps… on dirait que j’arrive toujours quand tu as besoin d’être tirée d’affaire.

C’était si étrange. Dans le désastre psychologique régnant dans la tête de Melena depuis qu’elle s’était réveillée chez le marabout, ses sens et ses émotions semblaient être à fleur de peau, décuplée. Comme si son cœur réduit en miette cherchait à flamboyer une dernière fois avant de s’éteindre, lui donnant cette envie intense de lâcher prise et de se laisser… exploser. De se lâcher, de faire quelque chose qu’elle ne ferait jamais. Juste pour oublier. Un instant, elle songea aux cachets d’extasie dans son sac, et elle comprit pourquoi Ace les avait consommés après les épreuves de la tour. Ce besoin de sortir de soi-même, de se sentir mal et à la fois bien, tout pour ne pas se focaliser sur la douleur intérieure.

Ils descendaient une pente menant au port désormais, et Elie en profita pour faire une halte « changement de chaussures ». Rejetant sa chevelure peroxydée dans son dos, mains dans les poches de son manteau-redingote, l’irlandaise regarda un instant Jerry de ses yeux d’orage. C’était stupide que la première pensée qui lui vienne en cet instant fût qu’elle la trouvait mignonne, mais sans que rien ne transparaisse sur son visage blême, elle se pencha une nouvelle fois vers la cleptomane pour lui confier à l’abri des oreilles indiscrètes :

- Je vais essayer de t’éviter les trucs trop durs ou humiliant… j’pourrai pas convaincre Elie de te faire voyager gratuit, mais j’peux toujours tenter de te garder à mon service le plus longtemps possible pour lui échapper. J’ai bien besoin qu’on me recoiffe tiens pour commencer, glissa Melena avec un sourire en coin complice.

Ses yeux dérivèrent alors vers Nikodim. Il n’avait pas l’air content, mais il fallait être sincère : lui, elle s’en moquait qu’il finisse usé jusqu’à la corde par la mauvaise jumelle et son petit ami. D’ailleurs, pour bien marquer qu’elle était en mesure de lui faire entendre raison si jamais il tentait quelque chose d’inconsidéré – on ne savait jamais avec ceux qui se prenaient pour dieu – l’adolescente fouilla quelque instant dans son sac à bandoulière pour en tirer sa couronne de méduse et l’installa sur sa tête. Aussitôt, ses longs cheveux d’un blond artificiel se changèrent en une foule de serpents pratiquement blancs qui sifflèrent avec force pour signifier qu’ils n’étaient pas que de la déco. Parmi les autochtones qui osaient encore la regarder en murmurant, plusieurs s’empressèrent de se détourner comme si elle risquait désormais de les changer en statut de pierre. C'était ça la puissance dans ce monde, pas un gros compte en banque aux Etats-Unis.

C'était dépaysant d'écouter la nostalgie de l'homme d'affaire au sujet de quelque chose qu'elle ne pouvait pas permettre de connaître. Forcément, la descente du luxe à la pauvreté avait dû lui faire un choc. Jerry quant à elle, faisait avec. La chance, on l'a ou on l'a pas et dans le cas présent c'était la petite serveuse qui était gagnante. Le problème était que Nikodim remettait en question le moyen de s'évader, ça n'allait pas leur plaire. Surement pas. Par ailleurs, la cleptomane savait pertinemment qu'ils pouvaient faire à peu près tout. Elle le savait grâce à la présence de Melena dont elle connaissait l'étendu de ses pouvoirs et Élie en rajouta une couche en disant qu'ils avaient galéré pour acheter leur ticket de sortie. En tout cas, sa curiosité grandissait au sujet de la tour, l'endroit le plus haut qui abritait les salopards de copains des ellipsiens. Dommage qu'ils ne puissent rien faire à leurs tortionnaires.

Alors qu'elle regarda la tour au loin, elle eût un sursaut. 'Fausse brune ?!' Décidément même en demandant calmement des éclaircissements, elle s'en prenait plein la figure. Au moins maintenant elle était fixée, son boulot était en quelque sorte comme elle l'imaginait mais elle n'était pas à l'abri de demandes plus ou moins fantaisistes, ce à quoi on lui répondrait : c'est les risques du métier Cocotte ! C'est bien ma veine je suis serveuse..

Melena lui glissa quelques mots au sujet de leur avenir. Bien sûr, elle pouvait faire une comparaison avec la policière qui lui avait donné quelques conseils qui avaient échoué lors de la séance au tribunal, mais là c'était différent. Elle pouvait lui faire confiance, elle était bien obligé de le faire dans le temple sous-marin et maintenant dans sa situation presque similaire - ironie du sort - elle sentait que le bon choix se présentait à elle. Même en ayant pas achevé sa phrase, Jerry devinait bien qu'il y avait eût quelques accrochages dans cet endroit mystérieux et dangereux.
En tout cas, la cleptomane voyait en la necrophobe un ange gardien qui n'arrivait jamais trop tôt ni en retard lorsqu'elle était en détresse. Cette fille est en or massif !

Tranquillement, ils se mirent en route vers la côte où les voyageurs malchanceux et criminels avaient débarqué hier. Partir comme ils étaient venus ne serait pas simple avec tous ces gardiens assignés à la surveillance du périmètre. Ce serait un coup dur que la tentative échoue, mais l'optimisme reprenait vie. Sans Melena, ce trio aurait paru totalement froid à leur égard en admettant la petite flamme n'émettant aucune chaleur, on se demandait bien à quoi elle pouvait servir celle-là.. à part causer..

En déambulant à leur côté, Jerry se rendait compte que les gens du coin fuyaient le trio. Elle les enviait, surtout si leur emprise s'étendait jusqu'aux ellipsiens sinon c'était bien pratique pour éviter les tapeurs. Durant la pause chaussures, la cleptomane ne pouvait que constater un sentiment de sécurité naissant auprès de Melena. Au départ, elle n'aurait jamais pensé qu'elle puisse se comporter de la sorte, elle et Élie avaient l'air tellement autoritaires que même ça paraissait encore irréaliste.

- Merci.. Merci beaucoup vraiment. Lui murmura t-elle avec un sourire enjoué.

L'instant d'après, la necrophobe arbora à l'aide d'un objet magique, une crinière de serpents qui ne manqua pas d'effrayer Jerry juste à côté et la plèbe aux alentours. Tandis que les têtes indépendantes la regardaient du coin de l'oeil tout en sifflant, elle put remarquer que c'était une démonstration à l'attention de Nikodim, lui qu'il voulait des preuves, le voilà servi !

- Il me semble que ce miracle mythologique est plus que suffisant pour vous convaincre ! Lança t-elle à l'adresse de la descendance de saint Thomas.

Elle attendit que sa maîtresse du moment retire la couronne et annule le sortilège pour entamer sa première minute d'esclavage. Elle hésita tout d'abord, craignant que les serpents réapparaissent, puis finalement elle attrapa les mèches de cheveux avec ses mains de voleuse puis s'attela à la recoiffer sans oublier la frange. Des outils lui manquaient si elle voulait surpasser les coiffeurs, ce désavantage ne la fit que s'activer de plus en plus pour la satisfaire et égaler le peigne et sa copine la brosse. Une fois les mèches rebelles domptées, Jerry sortit de sa hotte un thermos puis le frotta avec la manche de sa veste et enfin, le présenta à Melena en tant que miroir improvisé.

- Il me semble que tu n'avais pas cette couleur auparavant.

En effet, ce ne pouvait pas être sa couleur naturelle bien plus sombre qu'éclaircie, mais ce changement avait don d'effacer les contrastes trop grands entre la pâleur de son visage et la teinte obscure de ses cheveux. C'était plus sexy ! Elle resta à son écoute pour réajuster ce qui ne lui convenait pas.

Après son intervention capillaire, Jerry se rapprocha un instant vers Nikodim toujours soupçonneux. Il fallait qu'elle lui explique que leur accord n'était pas du vent et lui parla à voix basse pour éviter les problèmes.

- Écoutez, j'ai déjà croisé une de ces personnes et je peux vous assurer qu'ils savent où ils mettent les pieds. La miss que vous voyez là-bas a toute ma confiance parce qu'elle a une certaine expérience de cet.. Elle décrivit un cercle avec son index en désignant le sol. Endroit.. Pour tout vous dire, vous serez bien plus en sécurité avec eux que dans votre baraque à 18 heures. Elle marqua une pause cherchant ses mots. Je vous dois beaucoup pour la nuit dernière vous savez.. Ça m'ennuierait de ne pas vous rendre service à mon tour..

Et une gifle aussi en prime, mais c'était partie remise !

Comme il se doutait depuis le départ, la jeune femme autoritaire était en train d’affirmer son pouvoir sur le reste du groupe… En essayant de les écraser, alors qu’eux ne demandait qu’à avoir une preuve de leur propos. D’une certaine manière, cela lui plaisait. Mais les mots qu’elle utilisait lui déplaisaient fortement. Le fait qu’elle cherche à les écraser ne prouvait pas grand choses. Et puis, ils avaient aussi affronté des choses coriaces, la nuit dernière. Et il était plus vieux qu’elle. Il méritait au moins le respect. Il ne dit rien sur le moment. Même à son âge, il était dur de ce contenir, notamment face à une pucelle aussi insolente.

Il restait cependant silencieux. Il devait se contenir, face à cette provocatrice. Plus tard, elle paierait pour tout ce qu’elle faisait à ce moment précis…. Et elle le paierait d’une souffrance si importante qu’elle resterait encrée dans son âme.

Il regarda ensuite la tour dont elle avait parlé. Quelque chose émanait de cette tour. La puissance, le pouvoir de cette ville, il en était sûr, était au sein de cette tour. Et ces jeunes avaient donc affronté cette tour, pour devenir des « sbires » du pouvoir ? Misérable. Ils devaient prendre le pouvoir, non pas le servir ! Ce n’était pas ainsi que cela allait marcher… Il allait aussi détruire ce pouvoir, dès qu’il le pourrait.

La remarque qu’Elie fit le fit rire intérieurement. Elle parlait de logorrhée, mais c’était elle qui avait le plus parlé, dans l’affaire. Il était parfaitement normal qu’il s’interroge. Il n’avait guère non plus aimé l’insulte fait à sa nouvelle « protégée ». Elle n’était certes pas très perspicace….. Mais ce n’était pas une raison.

Depuis leur départ, des messes basses se faisait entre sa protégée et celle qu’il avait jugé comme « la plus faible ». Que se disaient-elles ? Il n’aimait pas rester dans l’inconnu, mais alors vraiment pas…

Puis, la blafarde sortit une coiffure étrange, animée et occupé par des serpents. Et bien… Il n’était pas au bout de ses peines. Mais pour lui, ce n’était qu’un gadget. Rien de plus. Il n’y avait aucune preuve de sa force mentale.

Puis, ce fut à sa protégée de s’y mettre. Leur faire confiance ? Puisqu’elle disait connaître la blafarde… Très bien, il les suivrait. Mais il devait dire une chose. Cependant, il lui parla tout d’abord, aussi bas qu’elle, de façon inaudible pour les autres.

- Vous ne me devez rien. On était en danger, et vous m’avez aidé avant. De plus, je vous ai giflé. Considérez que votre éponge est payée.

Bien sûr, il ne le pensait pas. Mais elle pourrait toujours payer avec une de ces nuits de plaisirs…

- Bon, bien que je ne sois pas convaincu, je vais vous suivre… Je demanderais juste à ce qu’on respecte au moins mon âge ! Pour ce qui est de la classe, je ne suis rien ici.

Puis, il eut une idée. Il sourit intérieurement. Il désigna le silencieux jeune homme, puis la blafarde.

- Et… Si je dois servir d’esclave à quelqu’un, serait possible que ce soit par ce jeune homme, ou cette jeune femme ? Je ne les connais pas, mais c’est une simple préférence.

Dans un cas, il pourrait se rapprocher d’un éventuel serviteur. Dans l’autre, il pourrait… Eventuellement faire souffrir la jeune femme si elle faisait du mal à Jerry. Après tout… Il l’aimait bien, au final…. Pour un mouton.

Tous trois assis sur un banc en plein euh… ‘centre-ville’.. ? les adeptes de la paresses faisaient honneur à leur marque récemment acquise en attendant que cette flemmarde de Naomie daigne montrer ses fesses. Rien, personne, le vide total. Ace commençait à s’impatienter lui aussi quand un sombre blaireau accosta le jeune couple. Un sex shop en plein Freedoom ? Merde, le pyromane n’avait même pas remarqué ce truc pendant les épreuves !

La mauvaise jumelle reçut en cadeau promotionnel une tenue d’infirmière sexy. Pourquoi ? On s’en balançait carrément, mais Ace savait déjà que ce cadeau allait être utilisé. Oh ouais, ça serait vraiment le pied ! Il répondit à Elie par un sourire explicite avant que son attention ne soit reportée vers le vendeur qui lui glissa discrètement un paquet dans les mains à lui aussi.
Surpris, le pyromane déballa le cadeau pour découvrir une poupée gonflable. Bordel : une pourpée gonflable, quoi ! Qu’est-ce qu’il allait en faire..? Il avait déjà Elie pour ça…

Si le corps de la demoiselle sur la photo était plutôt pas mal, le pyromane savait que ça n’était même pas la peine de déballer la poupée : il se retrouverait avec un truc ignoble qui ne ressemble à rien. Mais il était trop tard pour rappeler le gérant du sex shop qui s’était d’ailleurs volatilisé.
Le Ken rangea ‘Amanda’ – c’était le nom du modèle qu’il tenait entre les mains – dans sa hotte comme si de rien n’était, espérant d’une part qu’Elie ne remarquerait rien, jurant d’autre part de se défaire de ce machin avant que la mauvaise jumelle ne lui coupe la tête justement parce qu’il ne l’avait pas encore fait.

Ce genre de cadeaux empoisonnés, il s’en serait bien passé. Et comme un truc chiant arrive jamais seul, un vieux croulant les aborda d’un air hautin qui tira au pyromane un rictus de dégoût : il n’aimait pas ce type. Il ne savait pas vraiment pourquoi, mais ce mec avait l’air glauque. D’ailleurs il semblerait qu’entre sales types on se reconnaisse, vu le regard que ce dernier lançait à Ace. Un ‘collègue’, sans doute ; on pouvait donc en tirer une conclusion plutôt rapide : ne jamais se fier à 100% à lui.

Le fait qu’il se présente de manière tout à fait courtoise ne contrebalançait en rien l’air fourbe de Nikodim ni même la mauvaise nouvelle qu’il venait d’annoncer. Naomie avait pris un peu trop de liberté aux yeux du pyromane. Inviter des copains, oh ouais, génial ! Risquons notre peau encore d’avantage, c’est tellement marrant.. Putain…
Ace regarda la main que le russe lui tendait d’un air dédaigneux avant de croiser à nouveau le regard de celui-ci sans changer d’attitude. Il ne serrerait pas la main d’un clodo ; il était adepte et en position de force. Feu’ fut un peu plus éloquent que son créateur en ne lançant pourtant qu’un simple salut ! enthousiaste.

Les négociations avaient débuté à une allure folle qui dégoûtait le pyromane encore d’avantage. Comment ces ploucs pouvaient se permettre de leur parler à eux, et de cette manière ? Sa raison criait à Ace de laisser faire sa petite amie sur ce coup-là, mais ses pulsions lui hurlaient de latter leur gueule à ces insolents. Ils ne savaient pas à quel point ils en avaient chiés pour devenir adeptes !

La mine renfrognée, le Ken se contenta donc d’acquiescer à chaque réplique de la mauvaise jumelle. Il lâcha même un rire moqueur en imaginant les deux futurs esclaves tenter de braver les épreuves de la paresse. C’était vraiment de l’insouciance, non : du suicide.
Et puis oui : il était hors de question de se trainer des boulets à longueur de journée. Remarque… on pourrait toujours leur demander de se taire ; en tant qu’esclaves, ils ne pourraient pas refuser. Malheureusement, ce genre d’ordre n’affecterait jamais Feufolé…
- Pas de problème, j’ai l’habitude… Enfin même si c’est pas vraiment exact de dire que je suis lourd, vu que je suis du feu, et un esprit, aussi… mais ça tout le monde s’en fiche.. Et j’ai pas de bras, alors je parle, j’ai que ça, moi…

Les bras toujours croisés, Ace toisait du regard ses futurs esclaves. Entre l’autre cruche qui ne comprenait même pas le mot « esclavagisme » et le vieux qui jouait à on ne sait quoi, le voyage risquait d’être assez chiant. Des preuves de bonne foi, hein ?
- Rien à cirer, j’ai rien à prouver, moi. On t’a dit qu’on pouvait t’faire sortir d’ici, alors soit tu nous crois, soit tu poses ton cul sur une tombe et t’attends la prochaine horde, ducon.
Naomie… Putain, cette fille avait intérêt à être déjà crevée parce que si c’était pas le cas, Ace s’en chargerait personnellement ! Oh le pauvre petit chou, on lui avait rien dit sur le paiement… Eh ben pas d’bol ? Des preuves, des preuves de quoi, de toute façon ? Il ne connaissait même pas la tour, alors lui montrer la marque d’adepte ne prouverait rien à ses yeux. En plus, il était hors de question qu’Ace sorte sa main de sa poche devant ces clowns.

Pas convaincu pour autant que se trainer ces deux clampins était une bonne chose, le pyromane suivit néanmoins le mouvement sans rien dire, direction : le port. Ils allaient enfin pouvoir quitter cet endroit merdique, s’enfuir de cet enfer sans vie.
A mesure qu’ils approchaient de leur embarcation, Ace se sentait revivre, comme si le bateau rapportait un peu de vie en provenance du reste du monde. Il se prit même à espérer que le voyage soit agréable, que la mer les porte vers une terre plus accueillante.
Elie l’interpella pour lui montrer sa paire de rangers qu’elle portait fièrement. Yeah, la classe ! Bottage de cul d’esclave en vue !
Une terre plus accueillante.. et elle. Ace ne demandait rien de plus. Ou peut-être un feu de camp, aussi. Ouais, pour l’ambiance, quoi.

Pendant que Melena et sa suivante papotaient dans leur coin, le Ken gardait un œil sur Nikodim. Il avait les yeux baladeurs et ça agaçait beaucoup le jeune homme. Le russe pouvait bien mater ce qu’il voulait, mais pas chez Elie !
D’ailleurs il tendait déjà le bâton pour se faire battre. Comme pour chaque jeu, il y avait ceux qui apprenaient vite.
- Beuh Mel a qu’à prendre l’aut’, là. Toi, par contre, tu restes avec moi : j’veux t’avoir à l’œil répondit-il à la demande de Nikodim. Répartir deux esclaves pour trois maîtres ne respectait pas vraiment l’équité, mais si Ace concédait à ce que la fille appartienne à Elie et Mel, il mettait un point d’honneur à ce que le russe n’approche pas de ses camarades féminines. Et puis de toute façon, le pyromane avait toujours préféré les domestiques mâles. Ils ont une prestance et une retenue que les femelles n’ont pas. Simple observation..

Les messes basses et les sourires que Melena échangeait avec Jerry lui restaient en travers de la gorge. Cette complicité ne pouvait qu’être le fait d’une rencontre passée et Elie voyait déjà venir gros comme une maison son « amie » s’attribuer l’esclave pour la préserver des basses tâches. Si elle croyait que la psychotique accepterait ça elle se mettait le doigt dans l’œil jusqu’au coude mais elle aurait tout le temps de leur faire comprendre sur le bateau. Et elle avait toujours son fouet d’obéissance comme ultime recours. L’irlandaise ne pourrait rien faire contre la magie dreamlandienne.

La mauvaise jumelle reporta son attention sur son petit ami, souriant de son invitation au bottage de cul alors que le duo de potentiels futurs esclaves se réunissait pour un conciliabule. Elle n’arrivait pas à entendre ce qu’ils disaient mais vu leurs tronches de dix pieds de long ils commençaient à se faire à l’idée. L’adolescente ne savait pas si c’était une bonne ou une mauvaise chose. Après tout ils risquaient leur peau sur ce coup, et pour de parfaits inconnus susceptibles de leur planter un poignard dans le dos à la première occasion. Ils avaient l’air aussi fourbes l’un que l’autre, chose qui se confirma lorsque Nikodim glissa l’air de rien vouloir être au service d’Ace, qui n’avait pas l’air contre d’ailleurs.

Les bras croisés elle toisa la petite troupe qu’ils formaient, un sourcil haussé. Si les deux duos en formation devenaient réels elle l’aurait dans le cul et étant donné qu’elle était probablement la seule à pouvoir les faire monter à bord incognito, l’impression de se faire avoir faisait son bonhomme de chemin sous son crâne. Hors de question que ça se passe comme ça et elle comptait bien le leur faire comprendre.

- Non mais vous avez craqué là… elle secoua la tête en signe de profond désaccord, Vous êtes deux, on est trois alors personne ne sera attribué à quelqu’un. Vous croyez que je le vois pas venir ? J’aime pas qu’on essaye de m’enculer.

Elle déposa sa hotte sur le sol, détachant son regard de ses interlocuteurs pour survoler le quai auquel était amarré un gigantesque rafiot. Il avait l’air de dater de mathusalem, entièrement fait de fer et d’acier que la mer avait commencé à faire rouiller. Les adeptes qu’ils étaient avait droit de monter à bord, mais pas d’emmener quelqu’un avec eux. Jamais Jerry et Nikodim ne tiendraient sous leurs manteaux aussi ne voyait-elle qu’une solution. Risquée, applicable uniquement par elle-même… il y avait donc intérêt à ce que ce deal vaille le coup.

Un regard vers son énorme panier d’osier suffit à lui faire comprendre qu’elle n’aurait jamais la place de faire tenir quelqu’un au milieu de la brocante qu’elle se trimballait en permanence. Armes, boites de conserves, couvertures et j’en passe… la hotte ressemblait à une corne d’abondance version la foir’fouille. Par contre se serait sûrement gérable avec celles de ses deux compagnons adeptes, ne restaient plus qu’à lancer l’idée.

- Mel’, Chou’, je peux avoir vos hottes ? On va tenter de caser Bonnie and Clyde dedans. On foutra des couvertures par-dessus et comme il est hors de question qu’on laisse le personnel du bateau fouiller nos affaires ça devrait le faire.

Devant les regards sceptiques, voire franchement interloqués qu’on lui lança elle ajouta avec un certain agacement :

- No panic, c’est moi qui porterais les deux. Je sais bien que vous pourriez pas le faire, je suis pas blonde. Enfin… pas réellement.

Plus ou moins de mauvaise grâce Elie finit par obtenir ce qu’elle avait demandé et entreprit de transvaser le peu de contenu dans sa hotte personnelle, ne gardant de côté que deux ou trois babioles et deux couvertures. Elle jaugea la place disponible en se grattant la nuque. A vue de nez il y aurait juste la place de les caser et encore, il faudrait vraiment qu’ils se tassent mais ils pouvaient bien faire cet effort non ? Ne resterait plus ensuite qu’à les dissimuler sous les couettes et les porter jusqu’à leur porte de sortie. Un vrai jeu d’enfant, à condition que son anémie dont elle n’était pas encore complètement remise ne fasse pas des siennes.

C’est n’est qu’une fois qu’elle eut fini d’organiser tout ça qu’elle réalisa que la boite en carton qu’elle avait gardé de côté était l’emballage d’une poupée gonflable. Elle cligna des yeux une fois puis deux avant d’octroyer à Ace un regard moqueur. Une main sur la hanche elle agita sa trouvaille devant l’air renfrogné de son cher et tendre.

- Alors c’est ma remplaçante ? Je suis déçue, je croyais que tu avais de meilleurs goûts… enfin l’amour est aveugle non ?

Elle lui tira la langue, dévoilant subrepticement sa marque d’adepte avant de tapoter l’osier des deux hottes vidées.

- Allez, en voiture ! Par contre va falloir vous faire tous petits, j’espère que vous n’avez pas forcé sur le nutella sinon je ne pourrai plus rien pour vous, esclavage ou non.

C’était idiot, mais quelque chose la démangeait à l’arrière du crâne. Trop désagréable pour être ignoré, mais elle n’était pas encore assez téméraire avec sa couronne de méduse pour oser glisser ses doigts au milieu des serpents – sait-on jamais. A peine l’adolescente avait-elle ôté son diadème aux allures ridicules que la cleptomane fondit sur ses cheveux peroxydés pour entreprendre de les coiffer avec les moyens du bord. Surprise, Melena ouvrit la bouche sans émettre le moindre son : quand elle parlait de se faire offrir un soin capillaire, elle voulait évidemment dire plus tard, histoire d’avoir une raison de s’approprier Jerry, pas dans l’immédiat. Toutefois, son ancienne collègue était lancée désormais, avec une ferveur presque religieuse. L’irlandaise n’osa alors pas l’interrompre, histoire de garder secret le fait qu’elle ne souhaitait pas être une esclavagiste rigoureuse avec la brunette.

Etre prête à se soumette aux moindre désirs du premier venu, juste pour un billet de sortie de ce cauchemar ; voilà à quoi en était réduits Nikodim et sa comparse. La nécrophobe se demanda un instant si elle aurait supporté de faire la même chose, mais la vérité était plus effrayante encore : elle aurait vendu son corps à l’instar d’une catin, si ça lui avait permis d’échapper à la mort. D’ailleurs, n’avait-elle pas offert son âme au diable en devenant adepte ? Quelque part, si. Sa conscience n’était qu’une ombre désormais, une pâle réplique de ce qu’elle était, laissant la porte ouverte à la démence la plus totale.

- Non, répondit-elle à Jerry en s’observant distraitement dans le miroir improvisé, j’ai eu… j’ai du changer, acheva-t-elle sans vouloir expliquer pourquoi.

Melena replaça alors sa couronne de méduse, recouvrant la horde sifflante qui ondulait paisiblement autour de son crâne. Après quelques messes basses, le russe affirma qu’il acceptait de suivre le trio… mais demanda préférentiellement à ne répondre qu’aux requêtes d’Ace ou elle-même. L’irlandaise leva un sourcil, avant de laisser éclater un rire glacé, sans joie. Il lui voulait quelque chose ce type ? Ou bien souhaitait-il simplement échapper à Elie ?

Quoiqu’il en soit, alors que le pyromane insistait pour garder le toqué à l’œil, la mauvaise jumelle s’insurgea immédiatement en affirmant que personne ne s’attribuera personne. La nécrophobe leva les yeux au ciel : bien évidemment qu’elle râlait, ce ne serait pas normal sinon ; mais elle était bien décidée à s’octroyer son esclave quoi qu’en dise son ancienne-(nouvelle ?) rivale, et dans un sens, c’était son droit le plus total. Elle fronça les sourcils lorsqu’on lui demanda de prêter sa hotte, mais elle n’avait pas le choix : c’était effectivement le meilleur moyen pour faire entrer discrètement Nikodim et Jerry.

Ils étaient censés évacuer une adolescente et voilà que le ticket de sortie revenait à deux inconnus sans doute bien moins innocent. Qu’importe, Melena voulait juste quitter cette île maudite ; qu’elle soit suivie par dix ou vingt autres personnes ne changeait rien. Le bateau était gigantesque, mais dans un état à faire peur. Rouillé, usé par un cumul d’années entières sur les flots glacials, parfaitement assorti à l’ambiance du pays. Un instant, l’irlandaise crut même qu’on allait les faire dormir dans l’une des cages réservées aux esclaves, avant que ne soit poussée la porte qui ouvrait sur un quartier réservé aux adeptes.

Une fois encore, comme les appartements de la tour, c’était d’une décoration épurée et glaciale. Le strict minimum se trouvait où il fallait, et c’était bien tout. Les clandestins purent enfin sortir de leur cachette et la nécrophobe récupéra sa hotte en murmurant un « merci Elie » du bout des lèvres. Un couloir étroit menait vers d’autres pièces que l’adolescente inspecta rapidement d’un air dédaigneux. Au moins, il y avait assez de cabine pour qu’elle s’en attribue une pour elle toute seule.

- C’est super, lança-t-elle d’un ton laconique, je crois que je vais aller m’installer déjà.

Un sourire carnassier plus vrai que nature s’étira sur son visage blafard alors que l’un de ses serpents s’allongeait pour s’enrouler autour d’un poignet de Jerry. Plusieurs de ses confères se tournèrent vers Nikodim, le défiant de s’approcher en dardant leurs langues fourchues et montrant leurs crocs suintant de venin.

- Viens avec moi toi, tu vas m’aider.

Ne laissant le temps à personne de protester, Melena entra au hasard dans une cabine et referma la porte derrière elle. Là, elle libéra son ancienne collègue et s’adossa au panneau métallique, poussant un long soupir triste. S’isoler, c’est tout ce qu’elle voulait ; fuir le plus longtemps possible Elie et accessoirement les papouilles qu’ils s’échangeaient avec Ace. De toute façon, la mauvaise jumelle ne voulait plus entendre parler d’elle, alors à quoi ça servirait de rester dans la même pièce ? Une main sur son front comme si elle était sous le coup d’une migraine, elle ordonna à mi-voix :

- Faut que j’te fasse faire un truc alors… t’as qu’à re-ranger ce qu’il y a dans ma hotte, t’as dû y mettre le bazar en t’asseyant dessus. Je te fais confiance pour ne rien me voler, ajouta-t-elle avec lenteur, je le verrai s’il manque quelque chose et… j’ai... tué ma mère, alors j’peux le faire avec n’importe qui d’autre.

Elle s’en voulait de menacer la cleptomane, surtout avec cet argument monstrueux, mais refusa de baissant ses yeux d’orage lorsqu’elle croisa son regard. Peut-être saurait-elle lire la douleur sans fond dans ses prunelles grises, ou bien le mal-être qui la rongeait. Melena croisa les bras, ses serpents sifflant doucement, et alla s’assoir sur son lit-couchette. Malgré son air froid, elle ne put s’empêcher de murmurer un « excuse-moi » dont elle n’était pas certaine qu’il soit parvenu aux oreilles de la concernée.

Hourra ! Nikodim avait l'air un peu plus décidé à suivre le plan, cependant Jerry ne put s'empêcher de voir un autre problème venir. Ok, il refusait d'être aux ordres d'Élie, mais ce n'était pas une raison pour se rabattre sur les autres dans le risque que se soit encore pire ! Maintenant qu'il avait exposé son choix, il ne pouvait plus faire marche arrière. La cleptomane bien que soucieuse, remarqua très vite que leur distribution inéquitable commençait à agacer certaines. Aller et venir d'une personne à l'autre.. Ils la prenaient vraiment pour de la marchandise.. Oh ! Et d'ailleurs on leur trouva un packaging. La même hotte en osier qu'elle se trimballait sur le dos, la garantie que ces gens se trouvaient être des voyageurs.

Le plan faisait rêver, les courbatures un peu moins mais c'était ça ou finir dans une boîte à six pieds sous terre. Elle ne pouvait que s'interroger à propos des forces de la blondinette, avant de hausser les épaules bien résignée à admettre que la logique de ce monde était sans dessus dessous. Il ne manque plus que des cochons volants.. Après le regroupement de leurs affaires nombreuses et la découverte d'une poupée gonflable qui.. Mmh.. Finalement, j'ai pas besoin des tuyaux de Nikodim pour m'apercevoir que le commerce des sex-shop est à exploiter par ici.. on leur présenta les hottes vides de deux adeptes. Entretemps, Jerry avait confié à Melena sa hotte avec ses objets personnels et s'avança vers Élie et les hottes vidées, bien décidée à rentrer dans l'une même si le bateau qui les attendait était bon pour la casse.

- Je suis un poids plume, ça ne pose aucun problème, répliqua t-elle suite à l'allusion de la mauvaise jumelle.

D'une enjambé, elle se trouva dans son emballage et disparut sous la couverture. Aucun don de contorsionniste, mais tout rentrait ! Après quelques ballottements et frayeurs lorsqu'à chaque fois l'ombre d'un passant annonçait la proximité de celui-ci, les deux esclaves sortirent de leur cachette pour se retrouver dans les quartiers des adeptes, un lieu très austère et tristounet.. Mais ce n'était que le prélude avant leur véritable salut ! Après avoir rendu la hotte et récupéré la sienne, la cleptomane savoura un maigre instant de liberté avant de se faire tirer le bras par un cheveu-serpent dont le contact glacé lui avait quelque peu jeté un froid. Ça y est j'vais me faire bouffer !!! se lamenta Jerry. N'ayant visiblement pas le choix à cause du reptile solidement enroulé autour de son poignet, Cleptogirl suivit la phobique dans la cabine de son choix.

En s'isolant de Nikodim, elle se demanda si elle avait fait le bon choix.. Elle était livrée à elle-même devant une gorgone aux préférences culinaires pour les morts, la seule satisfaction qu'elle pouvait éprouver à l'instant était d'avoir la certitude de ne pas être dévorée vivante. Tout s'était passé si vite, tellement vite qu'elle avait eût l'impression de fuir la compagnie des autres. Mais qu'est-ce qu'elle foutait ? Elle cherchait à la protéger ou à fuir son couple d'amis ? Les deux hypothèses ne se contredisaient pas, il avait dû il y avoir de la brouille.. Enfin, elle ne se plaignait pas puisque justement ça lui profitait. Si elle voulait rester par contre elle devait bosser !

Elle s'installa sur une chaise et commença à enlever toutes les affaires de Melena pour mieux les remettre en ordre. Le mot 'voler' ressurgit d'outre-tombe la fit sourire.

- Non tu pense..

La suite de son discours n'était pas bien marrante, mais au lieu de prendre peur comme n'importe lequel des mioches qui adoraient leurs mères, Jerry eût une tout autre réaction.

- T'as tué ta môman parce qu'elle t'avait volé un truc ? Quelle manière expéditive de traiter les querelles familiales..

Bien évidement Jerry n'avait aucune affection pour sa mère, ni même pour son père. Ce qu'il lui manquait ressortait parfois par jalousie, le bonheur et les échanges de tendresse des parents de ses camarades par exemple. Ils avaient tout eux et elle rien du tout. Ce manque avait construit sa pathologie de voleuse qui cherche par tous les moyens de se faire remarquer. Inconsciente de la porté de ses paroles, ni même de celle de Melena, elle continua de trier les babioles qu'elle avait sous le nez et fit une grimace de dégout lorsqu'elle tomba sur un porte-clef. L'objet qu'elle maudissait. Dites-vous bien que cet objet est immunisé contre le vol par son inutilité flagrante et son peu d'intérêt que porte les propriétaire à lui. Progressivement, elle rentra chaque affaire avec une petite pensée pour le toqué avec un couple à charge.

- Fini, annonça t-elle avec un sourire satisfait. Tu as besoin d'autre chose ?

Bien évidement le secret pour vivre était d'être utile et la cleptomane n'avait pas envie de rejoindre la flotte déchainée de la traversée. Jusqu'ici elle avait été chanceuse et elle voulait rester en compagnie de Melena autant que possible pour éviter les autres, alors autant être agréable elle l'était plus qu'avec les deux autres. Si l'attitude menaçante des serpents lui faisait peur, elle espérait que se soit le cas pour ses acolytes.

La réplique de Jerry au sujet de sa mère de la fit pas rire. Elle reconnaissait pourtant là le caractère de la brune qui se pavanait devant la mort alors qu’elles étaient en train de se torturer les méninges pour résoudre un puzzle salvateur. Toutefois, le souvenir de son meurtre était trop présent, trop douloureux, trop irréel pour qu’une boutade lui tire la moindre esquisse de sourire. C’était comme si son cerveau fuyait l’information. Elle « savait » qu’elle l’avait fait, mais une partie de son inconscient refusait de voir le fait en fasse, pour ne pas céder à la folie.

Son regard d’orage s’était perdu dans le vide pendant que la cleptomane rangeait son fourbi. Cette dernière le tira du vide froid dans lequel il était figé en signalant qu’elle avait terminé. Autre chose d’autre à faire ? Melena réfléchit, mais elle ne voyait rien qu’un stupide « masse-moi les pieds » et elle n’avait ni envie que quelqu’un lui triture la voûte plantaire, ni envie de rabaisser son acolyte à ce point. Sa visible soumission était déjà de trop, ce n’était pas d’une esclave dont elle avait besoin.

- Non, répondit l’irlandaise d’une voix blanche, ça va merci.

Les ondulations et les sifflements de ses serpents l’agaçaient. Personne n’avait encore essayé de faire irruption dans sa cabine, alors elle se permit de retirer sa couronne de méduse, laissant sa chevelure peroxydée retomber sur ses épaules avec une lenteur surnaturelle. L’un de ses bras s’étendit silencieusement pour qu’elle puisse attraper la main de Jerry et l’amener à s’assoir sur la couchette à ses cotés. Un petit instant, la nécrophobe resta ainsi, immobile, à serrer la main de son ainée comme si la lâcher impliquait de sombrer dans le néant, puis elle parla avec un douloureux vide d’émotion :

- Excuse-moi de… enfin… finalement, on se connait pas, on a juste bossé ensemble. Et…

Melena lâcha brusquement sa comparse, comme si elle avait soudainement l'impression de l’importuner. Elle avait envie de parler, encore, de larguer du leste devant quelqu’un d’autre que ses « amis », qui lui sortaient des phrases subjectives qui ne changeaient plus rien. Mais au fond, à quoi bon ? Rien ne garantissait que Jerry ait les mots. En fait, elle ne les aurait sûrement pas. Ce n’était pas de paroles dont avait besoin l’adolescente ; pas de faux réconfort, de déclarations toute faites ou de blagues feignant la désinvolture. Elle voulait se perdre, s’oublier le temps d’un éclatement interne. Ne plus être Melena Autumn, ruiner ce qu’elle avait toujours été, parce que sa vie était foutue.

« Si tu acceptes de devenir un monstre, tu n’auras plus peur d’en être un » susurra une voix glaciale dans un recoin de son crâne. Cette pensée, déjà présente en toile de fond depuis longtemps, mais si clair désormais. Avec plus d’assurance, l’irlandaise secoua négativement la tête avec un sourire en coin qui se moquait d’elle-même. Passant une main nonchalante dans ses cheveux blonds, elle reprit :

- Rien en fait. J’me demandais juste si tu voulais bien rester avec moi cette nuit. Je sais que la couchette n’est pas grande mais… après tout ce qui m’est arrivé, je crois que j’aurais un peu de mal à dormir seule.

Elle avait l'impression de s'entendre avec la voix de Jade. Les désastres récents explosèrent dans son crâne en un flash aveuglant qui lui donna une nausée qu'elle ignora en fixant ses yeux gris dans ceux de son interlocutrice. L’étrange et inconcevable envie de l’embrasser surgit de nulle part, comme une pulsion animale suscitée par la pression écrasante de la mort qui l’avait frôlée. Melena se contenta pourtant de pencher la tête sur le coté pour demander avec une sincérité presque candide :

- Tu as déjà pris de l’extasie ? Tu sais ce que ça… fait ?

Bien sûr, elle avait déjà vu les effets sur les autres, mais elle aurait aimé avoir une description du vécu intérieur. Certes, si elle voulait être certaine d’avoir une réponse, elle devrait plutôt aller interroger le pyromane. Mais malheureusement, Elie verrait d’un mauvaise œil son intérêt soudain – mais passager – pour la drogue et ce ne serait qu’un conflit supplémentaire.

La cleptomane était vraiment entre de bonnes mains. Loin de l'exploiter comme certains l'avaient prévu, Melena ne lui demandait pas des tonnes et même presque rien. Enfin ! Elle retira la couronne reptilienne pour le plus grand soulagement de Jerry qui était loin d'aimer ce genre de bestioles comme la plupart des gens normaux. Maintenant que ses cheveux ne serpentaient plus, l'appréhension venait de se volatiliser. Le contact avec sa main n'était plus vécu comme un supplice dû à la peur de se faire croquer, puis envenimer. Non, non plus raison de s'inquiéter et voilà qu'elle l'entraina sur sa couchette sans la lâcher. Une petite confidence ? Une réprimande ? Jerry avait du mal à saisir l'état d'esprit de sa maîtresse, son visage n'était pas si expressif que ça. Souris un peu !

Surprise ! La phobique souhaitait juste dormir avec elle. En réfléchissant bien, Jerry pensait qu'elle aussi aurait du mal à dormir toute seule déjà qu'elle s'était habituée durant son périple à dormir chaque soir - ou presque - à côté de quelqu'un.. Sur les genoux de Griffin, sous les draps avec Nikodim… un peu de compagnie féminine que diable ! Elle hocha lentement la tête sans décoller son regard profondément ancré dans celui de Melena pour indiquer son choix. La suite la surprit.

- De l'extasie.. J'ai une tête à prendre de l'ecstasy ?

La question l'avait vraiment intrigué, sérieusement.. Elle avait dû louper un épisode ! C'était cet espèce de calendrier de l'Avent bidon qui avait apporté son lot de cochonneries et qui.. bref, il y avait deux cachets dans sa hotte. Dans la réalité, on ne lui aurait jamais offert de l'ecstasy, on lui aurait fait payer plutôt : c'était cet aspect couplé à l'addiction qui la rebutait. C'est pour cette raison qu'elle ne s'était jamais procurer de drogue.. Mais maintenant qu'un adulte incapable avait refilé à cette gamine un joli cachet comparable à un bonbon, elle n'allait pas se priver de le consommer. La cleptomane se leva d'un bond énergique et se dirigea vers sa hotte d'où elle sortit son lot empaqueté. Pourquoi QUE ses cachets d'abord ? Cleptogirl nourrissait une appréhension à se servir, maintenant qu'il était question de tuer les voleurs ! Ce n'était pas tout, elle n'avait pas encore testé la limite de son pouvoir et se transformer en piaf maintenant, tout de suite, serait vraiment très con.

- Je n'ai jamais testé, mais j'ai eût le retour de certaines personnes.. Elles ont dit des choses, elles ont fait des choses qui.. ne leur ressemblaient vraiment pas.

Un petit rire s'échappa à la fin de sa phrase. Elle se souvenait avec nostalgie d'une fin de soirée durant laquelle, elle avait dû se trimballer avec deux bourrées. L'une sage habituellement, s'était retrouvée à se prendre pour un oiseau, à battre des bras, puis à se jeter du haut du lit superposé.. Heureusement que Jerry l'avait attrapé en vol, dis donc ! Bon maintenant que les délires devenaient réalité, c'était moins drôle.. En examinant la pièce de chaque côté et à condition que personne n'ouvre la porte et les laisse se balader à l'intérieur du navire, l'endroit était sur, suffisamment pour se laisser happé par un stupéfiant.

Revenue à côté de Melena, elle lui distribua une capsule et avala la sienne à l'aide du chocolat chaud de son thermos, provenant du même fournisseur. Espérons aucune réaction chimique indésirable.. La cleptomane resta dubitative un moment, le temps que le produit agisse. Après un petit silence insupportable, elle décida de passer à autre chose et puis si ça se trouve un poisson d'Avril s'était peut être glissé dans le calendrier de l'Avent. Une hypothèse comme une autre.. Elle se leva une seconde fois, prudemment.. Mais rien..

- Bon en attendant, tu as d'autres projets peut être ? Un petit jeu.. Quelque chose..

Elle s'agenouilla les bras en croix sur le matelas avec un air de chien battu.

- Par pitié, si c'est le cas.. Pas les échecs ! On m'a harcelé pour y jouer, j'ai eût ma dose !

Bien sûr, Jerry exagérait. Mais la répétition était d'un ennui.. à en mourir !


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Hrp : Ecstasy.. Impact dans.. 3o minutes.. DriiiIIIIIiiiiig !!!

À bientôt, à Bisounoursland

« Faire des choses qui ne leur ressemblaient pas » ? Melena resta pensive. Qu’est-ce qui ne lui ressemblait pas désormais ? Elle savait ce que n’aurait jamais fait l’adolescente pâle qu’elle était avant de rencontrer le docteur Parkinson, mais qu’en était-il de la personne qu’elle était devenue ? Dreamland lui avait appris à se battre pour sa survie, à n’importe qu’elle prix, même celui du sang de ses proches. Elle avait appris à épouser le mal qui la rongeait pour en faire une force, à vendre son âme au diable pour rester en vie. Désormais, elle se sentait souillée toute entière, des pieds à la tête et jusqu’au plus profond de son cœur. Cette fille là, de quoi serait-elle réellement capable de faire, avec ou sans drogue ?

Ses yeux gris baissés dans un vide indistinct, l’irlandaise ne les releva que lorsque la cleptomane lui tendit une pilule rose provenant de sa hotte. Elle l’accueillit dans sa paume blanche avec appréhension, son cœur s’emballant légèrement. Etait-ce vraiment ce qu’elle s’apprêtait à faire ? Après tout, oui. C’était une échappatoire temporaire et factice, une fausse porte de sortie qui ne rendraient ses maux que plus douloureux encore, mais s’automutiler apparaissait comme… étrangement salvateur dans le chaos qui régnait dans sa tête. Souffrir pour oublier d’où vient exactement la douleur. Souffrir pour se souvenir qu’elle était encore humaine.

Melena goba son cachet juste après son ainée puis attendit, ne sachant trop combien de temps allait s’écouler avant que la drogue ne fasse effet. Jerry lui posa une question qui lui fit pencher légèrement la tête de coté, avant qu’un sourire pâle sans aucune joie n’étire doucement la commissure de ses lèvres fines.

- Je n’ai pas de jeu d’échec sur moi si ça peut te rassurer. Quant à autre chose… je n’ai rien « d’amusant » sur moi. Je n’ai jamais eu le temps de jouer ici…

C’était la réalité. Les fois où elle avait pris du bon temps dans le monde des rêves se comptaient sur les doigts de la main, et étaient rarement enveloppée d’un contexte idéal. La première fois, elle s’en souvenait, c’était dans le colisée de Sextus, lorsqu’elle et Jade avait profité de leur douche au tuyau d’arrosage pour s’asperger copieusement. Ce souvenir infime, si lointain, lui tirait une nostalgie mordante. Qu’y avait-il ensuite ? La fois où elle avait fait les boutiques avec la bonne jumelle à Formatek ? Ça s’arrêtait là. Il y avait bien eu cette espèce de « jeu de la vérité » avec Elie et Ace, à Freedoom, mais il s’était plutôt mal terminé.

- Tu n’as qu’à me parler de toi, dit finalement la nécrophobe, tu as quel âge ? Tu fais quoi dans le monde réel ? Pourquoi tu… comment tu es arrivée ici ?

C’était vrai qu’elle ne connaissait rien de Jerry, hormis son prénom. Elle n’avait vu que certains de ses traits de caractère, qui peignaient une jeune femme indépendante, qui détestait se voire dominée ou commandée. Pourtant, elle était là, sur ce bateau, censée servir d’esclave aux trois nouveaux adeptes de la Paresse. La cleptomane intriguait l’irlandaise en fait. Celle-ci lui donnait l’impression d’avoir un penchant espiègle, avec toujours un petit tour imprévisible dans son sac. Dans le bon comme dans le mauvais sens.

- Je veux juste en savoir un peu plus sur la personne avec qui je vais sûrement dormir ce soir, ajouta Melena avec un léger sourire en coin, c’est tout.

Elle renvoya alors sa chevelure blonde dans son dos et retira son manteau dans elle n’avait pas besoin. Sa combinaison techyoïte noir et argent moulant fidèlement le contour de son corps fin était suffisamment isolante. L’adolescente n’avait pas faim du tout, mais uniquement pour s’occuper les mains pendant qu’elle discutait avec Jerry, elle piocha dans sa hotte sa boite de Ferrero cailloux. Elle avala un chocolat sans conviction, avant de tendre la boite vers son interlocutrice pour lui en proposer.