Les voyageurs à l'école des sorciers

Entre Selene qui s'extasiait comme une gosse et Sydney qui déclarait vouloir se tutoyer parce que ça donnait un air décontracté, Dakota ne pouvait qu'être tiraillée entre le dépit et le mépris. Elle se contenta donc de les fixer froidement avant de lever les yeux au ciel pour reporter son attention ailleurs. Sur ce vieillard par exemple, qui caché derrière un tronc épais les observait furtivement. L'adolescente avait rarement vu personnage aussi louche, et on ne pouvait pas se tromper sur l'activité qu'il exerçait en se moment même et qui pouvait se résumer en un mot : « espionnage ».

Personne dans son groupe ne l'avait remarqué, trop occupés à s'ébahir devant des boules de poils lumineuses ou à se réserver le meilleur arbre pour la nuit. Les questionnements de la rouquine et de son ami lui passèrent au dessus de la tête. Le lendemain et les projets qui allaient de paire lui paraissaient à des années lumières de là. Tout ce qui importait en cet instant était cet homme qui les épiait et la peur qu'il instillait en elle, douloureux poison.

**Il sait peut-être qui nous sommes. Il veut probablement nous chasser comme des bêtes. Il veut notre peau. A ta place j'aurais peur. Tu as peur n'est-ce pas ?**

Les doigts fins de la phobophobe saisirent un pli de peau à nu pour le tordre violemment. Le pincement avait pour but de chasser ses pensées paranoïaques suscitant irrémédiablement en elle la peur d'avoir peur de toutes sortes de choses en toutes occasions, mais malheureusement ce ne fut pas suffisant. Dakota ne réussit qu'à s'offrir un superbe hématome violacé qui apparaitrait dans les minutes qui suivraient. Elle pesta avant de se mettre debout avec une raideur plus importante qu'à l'accoutumée, puis adressa à ses compagnons un regard assez équivoque pour les dissuader de la suivre.

Il fallait qu'elle règle ça. Si Dreamland lui avait appris quelque chose c'était que pour être fixé il fallait affronter sa peur. Il n'y avait qu'à espérer qu'elle ne ferait pas de crise de panique avant d'avoir les réponses aux questions qui la taraudaient.

- Je reviens. J'ai une envie pressante.

Voilà de quoi venir à bout de la curiosité des derniers. Elle fila tout droit vers le bosquet ou se cachait l'inconnu en réprimant de toutes ses forces les tremblements qui agitaient ses membres au fur et à mesure que la distance entre eux se réduisait. L'homme en la voyant s'approcher avait disparu pour se fondre dans l'ombre mais elle le sentait, là, camouflé parmi les plantes. Son cœur battait la chamade en lui donnant l'impression dérangeante qu'il allait lâcher pour la laisser sur le carreau.

Lorsqu'elle pénétra le couvert des arbres, Dak' fit quelques pas en avant puis amorça un cri vite étouffé par la main plaquée sur sa bouche. Sans rien avoir pu comprendre elle s'était retrouvée prise en sandwich entre l'espion et un arbre centenaire, l'écorce lui mordant douloureusement la chair. Son esprit était comme paralysé par la terreur qui montait en elle, la peur d'avoir peur d'avoir eut raison, la peur d'avoir peur de ne pas pouvoir appeler à l'aide... la peur tout court.

Alors qu'elle s’apprêtait à mordre les doigts qui la muselait, l'inconnu se mit à lui murmurer tout un ramassis d'ineptie qui remplaça peu à peu sa peur par la perplexité la plus totale.

- Chuuuut ! Ne faites pas de bruit ils vont nous entendre ! Je cherche depuis longtemps quelqu'un avec un avenir, quelqu'un avec un destin... et j'ai eu une révélation en lisant un de vos articles. Depuis je vous suis et je sais que vous saurez quoi faire de ce cadeau. Vous ne me décevrez pas.

Il glissa ce qui ressemblait à une paire de lunettes de soleil dans la poche de la surdouée avant de la relâcher et de s'enfuir. Elle n'avait même pas pu voir son visage. Tout ce qu'elle savait, c'est que c'était un stalker dérangé, de toute évidence. Elle frissonna en repensant à l'une des phrases qu'il avait prononcé.

- Il me suivait ? Ce monde n'abrite vraiment que des malades...

L'adolescente sortit du bois en quatrième vitesse pour que l'inconnu ne revienne pas à la charge, non sans jeter moult regards dans son dos. On ne savait jamais, avec les fous.

[HRP : et comment trouver un gain de concours en une leçon XD]

A peine Selene avait-elle parlé du lendemain que la question de leur lieu de repos pour la nuit s’imposa. Sydney avança que le parc serait parfait pour lui. L’adolescente ne comprit pas vraiment sa référence aux caves et le dévisagea longuement d’un air interrogateur, jusqu’à ce qu’un boursouflet s’approche de lui trop brusquement. Ses exclamations la firent éclater de rire encore une fois alors qu’elle tendait la main pour accueillir l’animal chassé par son compagnon. Elle le caressa du bout d’un doigt avant de murmurer plus pour elle-même que pour le paranoïaque :

- Mais non, ils sont gentils…

Syd’ ne l’avait pas entendu. Il se choisit un arbre gros en guise de compagnon de nuit, tandis que Dakota se levait avec une raideur inquiétante. L’hilarité de la toquée disparut, mais la blondinette utilisa un argument à toute épreuve ne pour ne pas se faire suivre. Selene se pinça alors légèrement les lèvres, interrogative, puis laissa leur acolyte s’éloigner ; que pouvait-elle de mieux ? Le boursouflet qu’elle tenait s’échappa avec douceur, éclairant brièvement les traits fatigués de la rouquine, puis dériva jusqu’à la cime des arbres les plus proches. Le temps de le suivre des yeux et la phobophobe n’était déjà plus visible, son absence laissant à la galloise une étrange sensation de fragilité ; comme si toute la cohésion de leur bande reposait sur le charisme de la surdouée.

En l’absence de Dakota, la toquée ne savait pas trop où se mettre entre les deux hommes et le silence persistant de Zephyr. Cherchant à fuir les regards de ses compagnons pour oublier la sensation d’être obligée d’engager la discussion, ses yeux croisèrent une petite fontaine dont les eaux émanaient d’une étrange lueur qui se reflétait sur les arbustes alentours.

- Je reviens, déclara-t-elle seulement en se leva pour s’approcher du petit édifice.

Le bassin était rond, orné de plusieurs minuscules sculptures représentant des créatures proches de celles des contes celtes. Toutes sortes de figure de fées se côtoyaient, gancanagh et leanhaun shee, changelin et dereck, il y avait même Nuckelavee dressé dans un coin de toute sa majestueuse monstruosité. Un sortilège permanent semblait avoir été jeté à la fontaine pour que l’eau s’élève d’elle-même en gerbe dansante à l’approche d’un visiteur. Selene sursauta, mais s’avança jusqu’à poser ses mains sur les rebords du bassin. Le clapotis d'une musicalité magique la berçaient.

Sa blessure à l’avant-bras, comme l’entaille faite par le couteau de Liam sous son épaule, devaient être nettoyées et pansées un minimum. Elle retira lentement son gilet, vérifia bien que ni James, ni Sydney ne l’avait suivi, puis recueillit un peu d’eau dans une main pour la passer sur ses plaies. En frottant délicatement, les croutes de sang séché se diluèrent et disparurent, ne laissant sur sa chair blanche que de vieilles blessures à moitié cicatrisée. Poursuivant son idée, elle se souvint avoir aperçut au marché un stand de premier secours. Elle fit signe à ses camarades pour avertir qu’elle revenait, puis courut sur place marchande.

Pour 10 Rubz, une jeune femme accepta de lui vendre des bandages, et lui fit même les siens sans poser trop de questions. De retour dans le parc, l’adolescente retourna à la fontaine pour effacer ce qu’elle pouvait des traces de sang de la manche de son gilet, puis le remit pour dissimuler ses cicatrices et ses pansements. En revenant auprès de ses camarades qui avaient déjà commencé à s’organiser pour la nuit, elle baissa la tête en rougissant, de peur qu’on l’interroge avec trop d’insistance. Elle essaya alors de se faire la plus petite possible, afin qu’on l’oublie dans les délibérations de leur installation nocturne.

La sérénité légendaire de Sydney baissa d'un cran lorsque tour à tour Dakota puis Selene s'éloignèrent du groupe pour diverses raisons. Bon... Pour Dak', il n'irait pas vérifier ses dires, mais qu'était donc allé faire Selene ? *Un brin de suspicion ne peut pas faire de mal* pensa-t-il ironiquement. Malgré cela, il lui fut impossible de retrouver le calme dont il avait fait preuve jusqu'à présent, se crispant à nouveau à chaque bruit alentour, à chaque mouvement suspect, fut-ce celui d'un de ces "boursouflets".

Les mauvais pressentiments et l'impression que quelque chose l'épiais à l'autre bout du parc revinrent presque immédiatement. "Chassez le naturel, il revient au galop". Il décida cependant de ne rien dire, jugeant préférable d'être le seul à paraitre inquiet : ce(lui) qui chercherait à les traquer serait bien moins sur ses gardes ainsi. En tant que parano', son attitude ne devrait pas choquer outre mesure, mais il préféra garder une apparence (à moitié) calme. Cela lui ferait pourtant du bien d’extérioriser de temps en temps, personne ne peut tout garder en soi indéfiniment... Seulement s'il était une proie, il devait agir comme une proie pour ensuite prendre le prédateur dans son propre piège. A moins que ça ne soit ce qu'il cherche ? Dans ce cas il agirait exactement comme ce dernier l'avait prévu ? Il se posa longuement la question, les bras croisés, sa main gauche caressant son menton. Il jetait des regards furtifs aux arbres, au parc en lui-même, à chaque coin d'ombre suspect - ce qui ne manquait évidemment pas...

Il ne devait plus parler, cela faisait trop de bruit et dispensait des informations qui ne devaient pas être entendues par quiconque en dehors d'eux quatre. Son cœur fit un bond lorsqu'il crut apercevoir une forme humaine à travers des buissons. *Non... Ça doit être un chat ou un truc du genre... C'est bien d'être sur ses gardes mais là je le suis définitivement trop. Ça risque d'éveiller des soupçons chez tout le monde.*

Il essaya de se souvenir de la dernière fois qu'il avait campé en plein air, des recommandations de son père ou encore des mesures de sécurité, mais rien ne lui vint. Après ses 10 ans Sydney n'était plus jamais sorti de chez lui ce qui signifie que ce camping remonte à plus d'une dizaine d'années ; presque tous les souvenirs de ces temps sereins se sont envolés maintenant, dévorés par cette maladie. Il ne pardonnerait jamais. Cette colère qui monta imperceptiblement en lui l'aida à retrouver un aspect plus neutre extérieurement, ce qui était loin d'être le cas intérieurement. Les paroles de son ancien psychologue lui revinrent à l'esprit :
- Ce n'est pas un hasard si tes couleurs préférées sont le vert foncé et le noir Sydney : ce ne sont pas les couleurs de la peur mais des pensées négatives envers autrui. Cette maladie est là parce que tu ne peux t'empêcher de voir les autres comme des ennemis, tu en veux à tout le monde.
- Vous y compris ! Je veux plus croire les autres ! ils disent que des mensonges et puis après ils nous veulent du mal !! Tout le monde me ment alors moi c'est simple : j'écoute personne !

*... Vert sombre... Et noir. Comme ce parc à cette heure. Comme l'a dit le vieux je dois me trouver un havre. Alors pour cette nuit, ça sera ici et rien ni personne ne pourra me faire de mal tant que j'y serais !* Ses pensées le galvanisèrent et chassèrent la quasi totalité de ses angoisses. Il était confiant et sûr de lui à présent, ce qui était très inhabituel. Était-ce grâce à Dreamland, ou bien en état-il le seul responsable ? Ou encore son angoisse est telle qu'il n'était plus en mesure de la ressentir ?

- Je vais y aller. J'ai besoin de me reposer. lâcha-t-il enfin d'une voix déterminée. Puis, retrouvant un ton plus amical, il se retourna vers le groupe et leur souhaita Bonne nuit à vous.. En s'éloignant il adressa un signe de la main aux trois jeunes jusqu'à ce qu'il soit suffisamment enfoncé dans l'ombre du parc pour qu'on ne distingue plus de lui qu'une silhouette sombre.

Les formes inquiétantes des arbres étaient maintenant à une dizaine de mètres derrière elle. Dakota jeta un dernier regard à la végétation sans y discerner cette fois de visage et décida qu'il y avait désormais une distance assez importante pour ne plus être en danger immédiat. L'adolescente ralentit l'allure pour ne pas alarmer ses camarades ce qui lui permit du même coup de ralentir les battements effrénés de son cœur qui menaçait de jaillir de sa maigre poitrine.

Elle revint à peu près au même instant de Selene qui avait apparemment opté pour le look momie. Des bandages neufs dépassaient des manches de son gilet et l’œil vif de Dakota cru y déceler une légère rougeur à l'intérieur du bras. Il commençait à faire bien sombre et il était tout à fait crédible qu'elle se trompe, sans parler du fait que la toquée avait un droit légitime à masquer toute parties du corps qu'elle désirait mais... le cacher autant était plus source de curiosité que moyen d'être passe-partout. A vouloir fuir les regards et l'opinion elle braquait une sorte de projecteur géant sur ses blessures, ses angoisses, son passé trouble. Une bien belle erreur de jugement du point de vue de la phobophobe.

Se glissant aux côtés de la rouquine, Dakota lui souffla à l'oreille une requête dans l'espoir que personne ne capte les quelques mots qu'elle allait prononcer. S'ils comprenaient, s'ils faisaient le lien, ils mettraient le doigt sur ses faiblesses. Ce qui était tout bonnement inadmissible, n'est-il pas ?

- Ta pilule... je peux l'avoir ?

La surdouée n'avait aucune envie de développer les raisons qui la poussaient à exprimer un tel désir. Si elle exprimait un refus... soit. Il suffirait de trouver quelque chose à mettre dans la balance pour obtenir ce qu'elle désirait. La paix de l'esprit. Pouvoir passer un instant, un seul instant sans craindre, sans frissonner de peur, sans imaginer que le pire ne peut qu'arriver. S'extirper de ce pessimisme maladif permanent qui frôlait la paranoïa et avait fait de sa vie un enfer. Si on pouvait appeler ça une vie.

Avant d'avoir pu obtenir une réponse, le pirate déclara partir dormir. Il s'enfonça aussitôt dans les ombres jusqu'à l'arbre centenaire sur lequel il avait jeté son dévolu, et Dakota n'était pas d'avis de laisser un triste inconnu au courant de leurs dons et secrets disparaître dans la nature en prétextant sommeil et intimité. Elle lui emboita le pas vivement en plantant là la pauvre Selene, oubliant même l'objet de son désir une poignée de secondes auparavant.

Dakota arriva à la hauteur de Sydney au moment où celui-ci atteignait son lieu de repos. Elle le jaugea non sans que son regard sous-entende allègrement qu'il avait l'air d'avoir oublié quelque chose. Chose qu'elle se fit un plaisir d'expliquer non sans condescendance.

- Malgré tout le respect que je te dois, encore une fois, tu pensais vraiment qu'on allait te laisser gambader joyeusement des les bois en solitaire après qu'on t'ai révélé nos secrets ? Tu es potentiellement un menteur, un traitre et un espion. On dit qu'il faut garder ses amis près de soi et ses ennemis encore plus près alors parons à toutes les éventualités... je resterais ici avec toi.

On comprenait clairement que ce n'était pas une option. S'imposer ainsi ne ferait pas plaisir, mais c'était bien le dernier de ses soucis. Par pure politesse Dakota ajouta avec un sourire qui tendait vers le rictus crispé :

- Pour information je ne ronfle pas, je ne suis pas sujette aux terreurs nocturnes... et puis de toutes façons je pense trop donc je dors peu. Je suis insomniaque. Je semble toute désignée pour monter la garde n'est-ce pas ?

Sur ces paroles elle s'assit entre deux racines saillantes qui formait un abri relativement confortable. Alors qu'elle posa sa main grêle sur l'un des nœuds du bois en rectifiant sa position, celui-ci s'enfonça dans le tronc en ouvrant une porte béante vers un puits obscure dans lequel elle tomba, dos en avant. Dans un effort ultime pour éviter la chute elle tendit les bras vers Sydney, s'agrippa à sa chemise et... l'entraina avec elle. Oups.

James n'avait pas trop suivi le suite, Dakota était parti arroser l'herbe plus loin et puis Sélène s'était levé faire il ne savait quoi. l'adolescent s'était donc retrouvé seul avec Sidney, le pirate et Zephyr qui restait silencieuse dans son coin. Si il s'était retrouvé seulement en compagnie du nouveau nulle doute qu'il aurait stressé comme un dingue.
Les deux demoiselles revinrent en même temps, les deux très étranges mais James ne fit aucun commentaire, il n'avait rien à dire de toute façon. Sidney annonça qu'il allait rejoindre son arbre désigné tout à l'heure, lieu qu'il avait décidé lui même d'en faire son territoire. James lui souhaita bonne nuit en retour se demandant où lui allait dormir du coup...Dakota ne semblait pas vouloir laisser leur nouveau camarade tout seul et de loin James suivit l'échange jusqu'à ce que son amie se retrouve caché par l'ombre.

- Bon bah on va les rejoindre...?

Joignant le geste à la parole l'adolescent se leva et suivit le pas des deux autres voyageurs mais une fois arrivé à l'arbre nul trace de ces derniers. Ils s'étaient volatilisés comme par magie. Un kidnapping ? Un meurtre ? La panique commença à monter dans le sang de l'adolescent et le stress avec conduisant inévitablement à sa transformation laissant la place à Jules.

- Il me semble qu'on ne m'a pas présenté tout à l'heure...Ils sont passés où les deux zigotos ?

Jules se mit à tâter l'arbre comme si il y aurait pu avoir une porte, comme une sorte de maison arbre. Après tout dans ce pays il pouvait tout y avoir. Sa main finit par trouver le bouton qui s’enfonça et le tunnel s’ouvrit à nouveau.

- Il y en a qui devrait arrêter de regarder Harry Potteur...

Il se tourna vers Sélène et Zephyr qui avaient suivit le mouvement en venant jusqu'ici. Où est ce que chemin menant ? C'était une sacrée question et à vrai dire ça manquait un peu d'action par ici. Peut être il y avait il un gang la dessous, des terroristes ou bien d'autres chose encore plus "incroyables". Mais pas question de toute façon de rester avec deux pleurnichardes. Jules sauta donc dans le puits en espérant que les deux autres ai empruntés le même chemin.

Alors qu'il marchait d'un pas décidé vers son arbre, plongé dans une détermination qu'il se découvrait d'aujourd'hui, Sydney fut brusquement interrompu par Dakota. Il ne s'y attendait certainement pas mais ce qui le prit le plus au dépourvu fut ce qu'elle lui dit ensuite. Cette fois c'était sûr : elle aussi était paranoïaque. Ou alors elle cumulait, il n'en savait rien. Être traité de menteur, passe encore, de traitre et d'espion, par contre ça le titillait. Mais ce qui l'énervait littéralement c'était que le raisonnement de la jeune fille était si logique que cela rendait ses accusations presque plausibles : il n'avait donc rien pour se défendre pour le moment.

Impossible de ravaler sa fierté quand on a pas l'habitude d'essuyer de telles accusations. Il laissa la jeune fille parler, attendant un terrain sur lequel il pourrait répliquer, réfléchissant à une phrase qui mettrait les points sur les i à cette adolescente. Cette attente porta des fruits d'une nature inattendue : la frustration laissa place à un profond cynisme chez Syd qui répliqua sèchement :
- Si tu as pour habitude de te tenir plus près de tes amis que de tes ennemis alors j'ai l'impression que je vais passer une nuit atroce tant tu seras près de moi. On n'apprend pas au vieux singe à faire la grimace mais crois-moi, si j'avais eu envie de révéler votre secret je l'aurais déjà fait, tu crois pas !? Il joint les mains et laissa sa tête reposer sur elles avant d'ajouter une touche de provocation ultime :
- D'un autre côté, c'est pas souvent que je dors avec quelq-- WOOH !!

Il n'eut pas le temps de finir sa phrase que Dak empoigna sa chemise. Ils tombèrent alors dans l'arbre, comme si son tronc se prolongeait dans le sol. Dans le noir total, impossible de savoir où ils atterriraient ni quand : la seule certitude était qu'ils tombaient. Le puits sans fond les entraina donc dans une chute infinie au cœur des ténèbres.

Comment cela était-il possible ? Était-ce un autre des pouvoirs de Dakota qui se manifestait, ou qu'elle aurait invoqué pour le plonger dans un piège indicible ? Non. Il avait vu son visage au moment de sa chute : elle paraissait tout aussi surprise que lui, elle n'avait donc pas pu le faire sciemment. Quelqu'un ou quelque chose d'autre leur en voulait mais si la chute leur était fatale, cette question serait bien futile.

Dakota était venu lui demander sa pilule. La rouquine commença à la chercher dans sa poche, avant même de se demander pourquoi sa camarade en avait besoin, mais elle la tendait à peine vers la phobophobe que cette dernière décida subitement de suivre Sydney, qui rejoignait l’ombre des arbres. Surprise, la toquée ne réagit que lorsque James proposa de les rejoindre. Soit. Selene emboita le pas au psychotique, s’assurant que Zephyr la suivait bien, et se rendit compte au même moment que lui que leurs compagnons avaient disparus.

- Ça alors…

Jules prit la place de son créateur et répéta à haute voix ce que la jeune fille pensait tout bas. Où leurs alliés étaient passés ? C’était une très bonne question. Manifestement, l’instinct de l’ami imaginaire paya, car il découvrit rapidement un tunnel dans le gros arbre. Dans une autre situation, la citation du saule cogneur aurait pu faire rire la galloise, mais elle ne put que se laisser paralyser par un frisson de crainte. Que cachait donc ce gouffre sombre dans lequel Jules venait de s’engouffrer ? Alors qu’elle s’apprêtait à l’imiter, un bruissement dans les feuilles de l’arbre attira son attention. La rouquine scruta le feuillage mais, n’y distinguant rien, s’introduisit définitivement à l’intérieur au moment où une petite silhouette ailée se dégagea des branches en couinant d’un air effrayé :

- Descendez ici ! Vous êtes les bienvenus !

Trop tard. Selene basculait dans les ténèbres épaisses, un temps interminable, jusqu’à ce que sa chute soit brutalement amortie à un mètre du sol, comme si elle venait de tomber sur un lit en mousse. Elle n’eut alors qu’à se redresser pour que ses pieds retrouvent la terre ferme. Au moins, tous ses camarades étaient là, mais le lieu dans lequel ils venaient d’atterrir était plus qu’étrange.

Ils se trouvaient au cœur d’un cercle blanc dessiné au sol avec force d’ornements. Au centre, deux ailes de papillons multicolores se déployaient comme si elles allaient les envelopper et sur les bords était écrit « Domaine Secret des Unseelies ». Au dessus d’eux, la sortie du tunnel avait disparu comme par enchantement. Depuis ce point central, plusieurs galeries perçaient les murs qui semblaient découpés à même la nature. Les racines constituaient des fondations sinueuses alors que la terre avait été lissée pour former des parois parfaites. A intervalles réguliers, ce n’étaient pas des boursouflets qui étaient enfermés dans des bocaux suspendus pour éclairer les lieux, mais de minuscules fées ailées de toutes sortes de couleurs.

Selene s’approcha doucement de Dakota et lui prit la main pour lui donner discrètement la pilule qu’elle lui avait demandée. Elle n’allait pas chercher à savoir pourquoi, ce n’était pas le moment, elle le savait, tout comme elle se doutait que la phobophobe ne lui répondrait pas. De toute façon, bien que surdouée, elle restait la benjamine du groupe ; et s’il demeurait la moindre part de l’enfant censée vivre en elle, alors il était normal que leur situation la stresse au point de lui demander une aide médicamenteuse. Sans lâcher les doigts maigres de la blondinette, la rouquine se pencha vers elle pour lui murmurer :

- Euh… je viens du Pays-de-Galles et… chez moi on entendait un peu parler des traditions celtiques. Dans ces histoires… les Unseelies, ce sont de mauvaises fées…

Comme pour enfoncer le clou, une voix juvénile retentit dans l’une des galeries. Elle était encore assez loin pour laisser le temps aux voyageurs de se cacher s’ils le désiraient, mais leurs propos étaient tout à fait audibles :

- Dépêche-toi ! La cérémonie va bientôt commencer, je ne veux pas rater le début de la Nuit du Foyson.

La provocation de Syndey eut juste le temps de faire tiquer l’œil de la gamine avant le grand plongeon. La chute était sans fin, sans visibilité aucune et seuls le mouvement ondoyant de ses vêtements et de sa robe prouvait à Dakota qu'elle tombait vraiment. On se serait attendu à observer toutes sortes d'objets étranges flottant dans l'air et des lapins pressés mais rien de tout ça. Juste une chute dans l'obscurité la plus totale. Pendant ce laps de temps qui paru durer des heures, il lui sembla ne jamais cesser de hurler. Un long cri aigu ininterrompu qui résonnait étrangement dans ce tronc creux allant on ne savait où.

C'est en touchant le sol qu'elle retrouva sa capacité à résonner correctement. Elle porta une main à sa gorge douloureuse, prenant appuis sur l'autre pour se remettre debout tant bien que mal. En remarquant Sydney à ses côtés elle s'écarta vivement alors que sa dernière remarque avortée lui revenait en mémoire. Il avait clairement sous entendu des choses peu catholique la concernant, elle en aurait mit sa main à couper. Et quand on avait croisé un Liam et pu observer ses exactions, ça ne donnait pas envie de donner le bénéfice du doute au premier péquin venu.

C'était probablement une provocation puérile, mais les chances infinitésimales pour qu'il ait été sérieux travaillaient Dak' avec acharnement. La peur d'avoir peur qu'il veuille lui faire quelque chose de sexuel naquit et, sans le vouloir, elle activa un de ses pouvoirs. Le don désespérément gênant de Kalyss connu pendant la nuit sanglante se mit en mode « on » alors qu'elle sifflait à l'adresse du pirate :

- Ne m'approche pas, ne me touche pas. On va garder une distance de sécurité de deux mètres.

Spoiler:

Aussitôt son corps de jeune fille à peine formé, maigre à l'extrême et à la pâleur cadavérique sembla d'un attrait extrême aux yeux de Sydney. Peut-être perçu-t-elle une lueur étrange dans ses yeux car Dak' recula encore d'un bon mètre, juste au cas où. Elle avait comme une impression de déjà-vu mais n'arrivait pas à mettre le doigt dessus, même après l'arrivée de Jules, Zephyr et Selene.

La main de la rouquine sur la sienne la fit sursauter violemment mais elle se calma lorsqu'elle se rendit compte que ce n'était qu'une pilule qu'on glissait entre ses doigts. L'envie de la gober sur l'instant était forte, mais ce n'était pas le moment de perdre jusqu'à la notion d'inquiétude alors qu'ils étaient dans un lieu inconnu et, vu les dires de la toquée, territoire de fées maléfiques.

La voie flûtée provenant d'une des galeries fit bondir son cœur dans sa poitrine. Elles avaient entendu son cri, elles avaient forcément entendu son cri...

- Il faut partir d'ici et vite ! Trouver un moyen de remonter et... souffla-t-elle à l'adresse de Selene.

Nouvelle victime, nouveau regard, nouvelle peur. La phobophobe récupéra sa main plus vite que l'éclair et se pressa de rejoindre de Jules. Ils ne s'appréciaient peut-être pas mais c'était encore bien le seul avec Zephyr qui ne la fixait pas d'un air étrange. S'en servant comme un rempart entre elle et le monde, elle fila dans son dos sur lequel elle posa ses mains tremblantes avant de lui murmurer qu'il y avait un truc qui clochait avec les autres... puis soudain elle comprit.

Et c'était déjà trop tard.

- Ce pornophobe ! C'est comme ce jour là ! C'est... c'est... merde !

Heureusement pour lui, Jules ne finit pas écraser sur le sol, ça aurai été grandement pitoyable. Non il atterrit en "douceur" sur une surface molle avant de poser ses pieds sur le sol. les deux autres filles l'avait suivit et ils retrouvèrent Dakota et le pirate. D'ailleurs ces derniers étaient très étranges, surtout Sidney qui regardait la petite comme si il allait la bouffer. Il avait déjà vu ça quelque part mais où ? Ou plutôt James l'avait vécu mais il y avait des trucs plus important à penser comme cette horrible voix qui parvint jusqu'aux oreilles des voyageurs.

- C'est quoi la Nuit du Foyson ?

demanda t-il à voix haute mais plus pour lui même qu'aux quatre autres mais la seule réponse fut la blondinette qui voulait partir d'ici, remonter au plus vite dans un état de panique mais seule un nouveau regard étrange, veant cette fois ci de la part de la rouquine éclairé par les fées lumineuse. Ca devenait vachement glauque ici.Dakota sembla prendre peur et décida d'utiliser le pauvre Jules qui ne comprenait rien à ce qui se passait devant ses yeux et encore moins ce qui suivit lorsque Dakota lui dit que quelque chose clochait. Une envie monta en lui et descendit jusqu'à son entre jambe, si ça avait été envers un mec, okay mais là c'était envers cette gamine ! Et il avait envie de la sauter en prime...C'était répugnant.
Jules s'éloigna rapidement d'elle, la fixant avec désir alors que dans sa tête c'était le bordel. pas question de niquer une fille, encore moins une gamine, et tromper James par ce truc. Il n'avait plus qu'une seule solution pour être sure de ne pas tomber dans le vice. Jules fixa Dajota et l'imagina plus petite, en poupée de porcelaine, à l'image de sa douce(?) froideur. Une fois fier de son résultat mais l'envie n'était toujours pas partie alors le jeune homme souleva Poupée Dakota et la serra contre lui en guise de câlin, à défaut d'autre chose. Sans le savoir il activa un autre pouvoir et se transforma en PedoBear sous le regard des autres voyageurs.

- Quoi ? Vous voulez ma photo ?

[HRP : ... Mon dieu qu'ai-je fait !? ]
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Sydney vint s'aplatir allègrement sur le sol dans une volupté infinie... Bien sûr il n'en était rien. Étalé, vautré, la douleur parcourrait son corps alors qu'il se relevait péniblement. Entre les hurlements de Dakota et les siens, il n'avait pas remarqué que les autres avaient suivi jusqu'à ce qu'il se soit entièrement relevé.

Hm... D'ailleurs, il semblerait qu'il n'y ait pas que ça qui se soit levé, aussi embêtant que ça soit. Une envie irrésistible s'empara de lui et il comprit aussitôt ce que voulait dire Dakota lorsqu'elle imposa une distance de sécurité entre eux deux. Mais parbleu ! Elle n'avait que la quinzaine d'années, c'était de la pédophilie que de vouloir.... Sydney essaya tant bien que mal de chasser ces idées de sa tête.

Il ne voyait plus rien de ce qui se passait autour de lui, ne pensait plus qu'à une chose, en bref, Sydney était passé en mode zombie pervers. Ce n'est que lorsque Les pouvoirs de l'un d'eux se manifestèrent qu'il eut un moment de lucidité. Un ours qu'on croirait tout droit sorti d'un dessin animé faisait un câlin à une poupée Dakota...
C'est la voix de James qui sortit de l'ours, mais un James... Différent et pas seulement physiquement. Cette fois-ci il semblait bien plus rustre et antipathique ; un peu comme une version ours de Dakota qui bien que transformée avait tout autant d'intérêt pour Syd. Seulement voilà, là c'était juste dingue.

Décidé - malgré lui - à récupérer cette poupée, il s'adressa à l'ours en le toisant du regard :
- Et tu es ?? Non, parce que j'ai rien contre les ours, mais j'aimerais bien avoir une petite discussion d'homme à.... Ours... Concernant cette poupée.

Il n'en revenait pas d'avoir dit ça. Il compris alors que cet état dans lequel il se trouvait était dû à un autre pouvoir, mais celui de qui et comment l'arrêter ? Intérieurement Syd pria pour que ce pouvoir ne soit pas le sien. Il se souvint alors que Dakota pouvait bloquer les dons de quiconque se trouvait près d'elle. Hélas ! il fallait d'abord qu'elle se calme, ce qui d'après la situation semblait difficilement réalisable.

- Je sais pas qui a fait quoi, mais ça devient franchement gênant... Dakota, ça te dirais de *Ne dis pas de conneries, Syd !!!* euh... Te calmer un peu ? Avec un peu de chance ça bloquera les pouvoirs en cours et on pourra continuer euh... Notre chemin, oui. Notre chemin dans l'arbre.

Sans l'apparition de cet ours, c'est sûr il aurait eu du mal à retrouver ses esprits qui bien que troublé lui aura peut-être évité l'irréparable.

HRP : tu as été l'élément déclencheur d'une scène cultissime Sydney lol.

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Avant même que Jules ne le demande, Selene cherchait dans sa mémoire à quoi correspondait le Foyson dans les contes celtiques. Normalement, il s’agissait de la nourriture que les fées volaient aux humains pour compléter leurs apports nutritionnels mais ils étaient à Dreamland, et un mauvais pressentiment dictait à la rouquine que les Unseelies ne voulaient pas simplement piquer les récoltes de Gloutoniskaïa. Elle ne put malheureusement pas faire part de cette réponse au concerné, car Dakota lui souffla qu’ils avaient intérêt à vite mettre les voiles et, à cette instant, captiva la galloise.

La dernière fois que l’adolescente avait ressenti ce genre de chose, cette chaleur qui lui irradiait le bas du ventre, c’était dans la tour d’Asmodée, lorsque celle-ci usait de son pouvoir pour la faire se jeter sur Jonh. Nouveau souvenir foudroyant, nouvelle peur. Après l’éclat de désir qui brilla sur les iris noisette de Selene, le nuage sombre de l’horreur obscurcit son regard et elle recula frénétiquement jusqu’à avoir le dos collé à l’une des parois. Ce n’était néanmoins pas encore assez ; comme une allégorie de ses pulsions incontrôlables, son cœur accélérait et son sang circulait violemment dans ses veines.

La toquée jeta des appels silencieux et désespérés à ses camarades, mais elle ne put que réaliser que les yeux de Sydney brillaient du même désir ardent et que Jules, alors que la blondinette était cachée dans son dos, manifestait les mêmes symptômes. Aurait-il été possible que la gardienne de la tour de la luxure soit dans les parages ? C’était absurde, totalement irréaliste, mais ce pouvoir handicapant qui se répandait comme une trainée de poudre suffit à raviver les douloureux souvenir de la rouquine, et la peur que lui inspirait Asmodée. Son pouvoir se déclencha : sa chemise à carreau remplaça son tee-shirt, ses bras devinrent des branches mobiles, mais cette fois, elle sentit également la peau de son visage la piquer et s’étirer. Sa transformation s’était améliorée, elle arborait maintenant une tête en sac de toile bourré de paille et grossièrement grimée en homme. Ses lèvres n’étaient plus que des plis dans le tissus qui s’ouvraient et se fermaient avec maladresse, mais par un mystère qui ne pouvait qu’être magique, elle pouvait toujours parler :

- Dakota, qu’est-ce qui se passe ?!

Ce fut ce moment que choisit Jules pour changer la phobophobe en peluche avant de la prendre contre lui. Si seulement la folie s’était arrêtée là… mais instantanément, le psychotique se métamorphosa à son tour en un ours plus qu’évocateur qui, s’il était drôle en photo, était plutôt effrayant en réalité. Un vrai délire fantasmagorique. A bien y regarder, la scène était si parodique et caricatural qu’elle était sans doute culte. Jules venait de prendre l’apparence d’un ours pédophile alors qu’il ressentait des pulsions sexuelles irrépressibles envers une gamine de 13 ans qu’il venait de changer en peluche.

Si le désir qui brûlait encore le corps à demi-épouvantail de Selene ne s’amoindrissait pas, sa peur la tenait paralysée dos à la paroi contre laquelle elle s’était réfugiée. Les deux fées approchaient toujours, leurs ombres se découpaient déjà dans la galerie d’où elles provenaient, mais Sydney n’en tint pas compte lorsqu’il s’adressa à Jules puis à Dakota. Bloquer les pouvoirs ? La rouquine n’était pas d’accord. Certes, elle n’était pas sous son meilleur jour, mais leurs capacités étaient les seuls moyens qu’ils avaient pour se défendre dans une situation aussi critique que celle dans laquelle ils se trouvaient.

- Il… Il faut surtout qu’on s’en aille d’ici ! s’exclama-t-elle le plus silencieusement qu’elle le pouvait.

Mais il était trop tard. Les deux jeunes Unseelies firent irruption dans le petit hall central où se trouvaient les voyageurs. Ils avaient l’air de deux garçons d’une quinzaine d’année, arborant une chevelure blonde irisée, des nez fins malicieux, des petites lèvres et des yeux noirs comme des obsidiennes. Entièrement nus sous leurs robes de mage vertes, leurs doigts anormalement longs et pointus dépassaient de leurs manches épaisses. Sous le coup de la surprise, ils se figèrent et clamèrent d’une voix :

- Qu’est-ce que vous faites ici ?!

Leurs yeux sautèrent d’un intrus à l’autre, l’incompréhension s’affichant plus encore sur leurs traits délicats alors qu’ils passaient de l’épouvantail au Pedobear puis à la poupée vivante.

- Il faut prévenir les autres !

C'était un cauchemar, un véritable cauchemar. Elle allait se réveiller d'un moment à l'autre dans son lit trempée de sueur, les draps monochromes collés à sa peau moite. Et elle en rirait.

**Ou pas.**

La situation échappait désormais complètement à son contrôle : après avoir « contaminé » Jules, celui-ci n'avait rien trouvé de mieux que de la transformer en une poupée de porcelaine pour, comble de l'horreur, lui faire un câlin. Un câlin ! Et pourquoi pas une tartiflette ? Sans parler de la métamorphose plus qu'inquiétante qu'avait subit l'ami imaginaire avant de se lancer dans un nouveau débat avec Sydney qui se résumait à « à qui appartient la poupée Dakota ». Elle s'imaginait déjà ce qu'ils comptaient faire d'elle et c'était loin de la réjouir.

- Je suis une poupée, mais pas une poupée gonflable ! S'offusqua la gamine en tentant de s'extirper des pattes de Jules.

Sa force déjà ridicule avait été plus qu'atténué par sa nouvelle apparence. Et être faite de porcelaine la rendait si fragile qu'elle ne pouvait s'empêcher d'avoir peur d'avoir peur de finir brisée en mille morceaux. D'ailleurs le Pedobear la serrait si fort qu'elle en suffoquait, alors imaginer ce que cette pression pourrait causer comme dommage à son nouveau corps la glaçait d'effroi. La panique montait en elle par vague alors qu'elle gigotait pour se défaire de cette emprise et les demandes du pirate lui passait loin, très loin au dessus. Il voulait qu'elle se calme franchement ? Alors qu'elle était réduite à l'état de jouet et que trois personnes rêvaient d'en faire leur quatre heures ? C'était très drôle, hilarant même. Où ça aurait pu l'être si la grande victime de cette affaire avait été quelqu'un d'autre qu'elle-même.

Ça avait assez duré. Il était temps qu'elle recouvre sa liberté. La phobophobe se mit donc à se débattre plus que jamais, frappant de ses petits poings, de ses pieds minuscules, mordant de ses dents fragiles le tissu qui formait l'enveloppe du corps du pedobear. Si ses ongles de faïence avaient été plus long elle aurait probablement griffé avec acharnement mais faute de pouvoir le faire elle se contenta de crier.

- Mais lâche moi ! Lâche moi ! Lâche m...

Lorsque son regard de verre rencontra celui de l'un des unseelies qui venaient de pointer leur nez à l'embranchement le plus proche, Dakota se tut aussitôt pour se laisser retomber comme une poupée sans vie, ses bras pâles inertes alors que sa tête disproportionnée basculait en arrière. Ce simple réflexe de survie lui paru bien vite obsolète, elle reprit donc vie pour fouiller dans la poche de sa robe aussi vite que ses doigts de céramique le lui permettaient.

Ses doigts finirent par rencontrer ce qu'elle cherchait : son miroir de poche. Il avait comme tous ses effets personnels qu'elle portait sur elle subit une miniaturisation. Connaissant la réticence de Mary à sortir de l'objet dans son état initial elle ne voulait même pas imaginer ce qu'elle allait prendre, mais ça restait la seule option. Se faire engueuler signifierait juste qu'elle était encore en vie.

- Bloody Mary, Bloody Mary, Bloody Mary...

Son reflet dans la miroir fut bien vitre remplacé par celui effrayant et ensanglanté de son invocation. Telle l'une des merveilles de Mary Poppins elle s'extirpa du petit cercle par on ne sait quel moyen, mais le fait est qu'en quelques secondes la revenante était prête à agir... et légèrement courroucée.

Un ours pédophile, une poupée vivante, deux "Unseelies" et maintenant Bloody Mary. Là ça faisait beaucoup trop de choses à comprendre pour Syd qui regroupa ce qui venait de se passer en deux catégories plus ou moins distinctes : les problèmes moindres et les problèmes sérieux.
Dans la deuxième catégorie, il classa d'office les deux Unseelies à qui il ne ferait confiance que lorsque les poules auront des dents, puis il décida d'inclure Bloody Mary, autant par crainte que par superstition. Il avait le choix : soit faire face à Bloody en plus des problèmes secondaires soit s'éloigner vite fait dans l'espoir de trouver une sortie illico presto !

Le choix fut aisé et dès qu'il fut à peu près certain que les Unseelies étaient suffisamment loin, il s'adressa au groupe d'une voix étouffée :
- Les jeunes vous faites ce que vous voulez, mais moi j'en peux plus ! 'Faut que je trouve une sortie. Et puis j'ai pas franchement envie de me retrouver encerclé par un troupeau d'Unseelies.

Sur ces mots il se dirigea vers l'embranchement le plus proche puis regarda discrètement de tous les côtés au cas où les renforts rappliqueraient. Il se retourna alors pour s'assurer que la séduisante *Arrête avec ça, Syd !!* poupée Dakota ne l'entrainerait pas par mégarde dans une autre chute. Voyant que l'ours n'était pas décidé à la lâcher sur l'instant, il lui fit geste ainsi qu'à Selene de le suivre sans faire de bruit. Ça ressemblait à un labyrinthe et se séparer maintenant n'était pas la meilleure idée.
Ses pensées parasitées lui arrachèrent une phrase plaintive qu'il adressait à qui voudrait l'entendre :
- Ils s'arrêtent quand, ces pouvoirs...? Dans un soupir il se mit à guetter à nouveau l'embranchement. Il se tenait près à partir dès que ses camarades le voudraient. Dans les méandres obscures dessinées par les racines de l'arbre on ne distinguait pas grand chose, mais on y voyait suffisamment pour voir quelque chose ou quelqu'un approcher.

La petite poupée Dakota s’était débattue comme une diablesse dans les bras du pedobear géant et après avoir visiblement estimé que faire la morte n’était pas l’option optimale pour échapper aux Unseelies, elle se saisit de son miroir de poche pour faire appel à la légendaire femme-fantôme. Pendant cette démonstration, Sydney s’était éloigné des fées – et rapproché de Selene – pour dire qu’il avait une envie pressante de déguerpir. La rouquine était tout à fait d’accord, mais elle ne réagit même pas à son discours tant elle était fascinée par l’apparition de la revenante sanguinaire qui s’extirpait du miroir minuscule. Son allure était pétrifiante, et nul doute que la jeune fille était soulagée de l’avoir dans son camp.

L’un des deux garçons leva une main qui étincelait d’une lueur magique, ses sourcils froncés, mais la lame de Bloody Mary fut la plus rapide. Son sang vermeil se répandit sur le cercle tracé au sol, masquant une partie de l’inscription. Son acolyte tenta la fuite, mais il fut rattrapé et le bruit du couteau qui s’enfonçait dans sa chair et dans ses os résonna longuement aux oreilles de la toquée. Si elle n’avait pas été sous sa forme d’épouvantail-humain, elle aurait sûrement rendu l’intégralité de son dernier repas, mais dans le cas présent, elle ne put que porter ses branches à sa bouche de toile. Dire que malgré cette effusion de sang, le pouvoir aphrodisiaque déclenché par mégarde par la phobophobe ne cessait pas, et le désir qui brûlait les entrailles de Selene survivait aux vagues d’horreurs.

Elle tourna enfin la tête vers le paranoïaque, visiblement prêt à emprunter l’une des galeries au hasard, mais l’ombre mouvante qui se dessinait sur les parois devint rapidement la silhouette significative d’une autre fée que l’adolescente connaissait. Buste nu de femme et longue queue de serpent, elle ondulait vers les intrus en les fixant de ses yeux reptiliens sombres comme des gouffres sans fond. Ses longs cheveux étaient aussi blancs que sa peau laiteuse alors que ses écailles étaient noires de jais.

Le hurlement de la galloise fut avorté puisqu’elle fut désignée comme la première proie de la créature. Celle-ci fondit sur elle avec une rapidité déconcertante et la souleva à bout de bras par son cou d’épouvantail. Sa voix sifflante perça le cerveau de la jeune fille, laissant immédiatement s’infiltrer une terreur immense devant ce monstre de conte.

- Les intrusssss vont mouriiiiir !

Sa bouche s’ouvrit alors démesurément, déformant ses traits humains, révélant deux crocs de serpent qui se plantèrent furieusement dans l’une des épaules de Selene. Cette dernière poussa un cri étouffé avant de réaliser que, comme les balles ou les flèches qui lui étaient inoffensives, la morsure venimeuse ne pouvait l’affecter dans son état métamorphosé. Malgré tout, il ne faudrait sans doute pas longtemps avant que Mélusine – car telle était son nom de fée – ne réalise que si elle réitérait son attaque sur une cuisse ou un mollet, elle ferait mouche.

L’adolescente se souvint alors brusquement de ses pieds qui pendaient dans le vide, et décocha sans réfléchir un coup de genou qui heurta l’Unseelie au menton. Elle se fit sans doute au moins aussi mal qu’à sa victime, mais un deuxième essai vif et bien placé sonna suffisamment la créature pour qu’elle lâche prise. La galloise chuta sur le sol et s’étala de tout son long. Une nouvelle fois, son corps empaillé minimisait les dégâts, et elle pu ramper pour s’éloigner en priant intérieur que Bloody Mary les tire une nouvelle fois de ce mauvais pas.

Un ours ? Qu'est ce qui racontait ce lui là ? Et en plus il voulait lui piquer Dakota, Jules le voyait bien. Cette poupée était à lui et à personne d'autre, il serait prêt à sortir ses griffes...car le jeune homme constata que à la lace de ses mains il avait des pattes qui appartenait à un certain mammifère poilu et fan de miel. Mais là Jules était plutôt à fond sur l'adolescente transformé en jouet qui tentait de s'extirper de l'emprise sans vraiment aucun résultat. La rouquine rejoignit la proposition de la plus jeune de quitter cet endroit évoqué il y avait peu mais c'était trop tard. Des fées firent leurs apparitions et heureusement Dakota appela Bloody Mary à travers son miroir qui avait rapetissé en même temps qu'elle. Cette dernière éventra les méchantes créatures imaginaires mais ce n'était pas fini.
Alors que la paranoïaque c'était éloigné pour sortir de cette impasse et Sélène à ses cotés une autre créature fit son apparition, un mélange de serpent et de truc bizarre. Tenant toujours fermement la poupée contre lui Jules ne bougeait pas d'un pouce, son jouet étant plus important qu'un épouvantail qui d'ailleurs s'en sortit très bien face à ce petit monstre qui sifflait. Ca lui rappela la collègue de Bergerac d'ailleurs cet accent.
La situation ne sentait pas bon du tout et le pouvoir de James prit fin, l'ours laissant place à l'adolescent.

- Euh...on fait quoi maintenant...?

Machinalement il serra la poupée contre lui comme si elle allait le protéger. Il avait beau, du moins, il essayait, de chercher des objets dans sa tête pour combattre cette fée étrange mais rien de très utiles ne parvenait pas à se manifester dans son cerveau. Que faire ? James chercha du regard un soutien quelconque et croisa celui de Jules plus loin. Il fallait protéger la jolie blondinette qui était trop fragile et son meilleur ami était d'accord avec ça. Rendre cette fée immonde inoffensive était une bonne idée. James fixa leurn ennemi qui était revenu à l'attaque sur Sélène, ne voulant pas abandonner sa proie et par le désir pour Dakota qui n'était toujours pas partie, il imagina Mélusine en peluche. Bloody Mary revint enfin parmi eux...

Les évènements tournaient à la boucherie pure et simple, mais comment faire autrement maintenant que Bloody Mary était dans la place ? Jamais jusqu'à présent elle n'avait eu besoin que son invocation mette un terme à une vie. Menacer, protéger, blesser... mais tuer, jamais. Savoir qu'elle avait un tel pouvoir entre les mains avec quelque chose de grisant et d'horrible à la fois. Si elle avait encore eu un cœur dans son corps de porcelaine, il se serrait sûrement emballé à cette idée.

Bientôt les unseelies ne furent plus que des morceaux de chair disloqués, de la purée à vague forme humaine. Une mare de sang sombre s'était étendue sur le sol jusqu'à frôler les pattes de Jules qui la tenait encore... avant de redevenir James. Dakota espéra un instant que son pouvoir s'arrêterait mais cet espoir fut vain ; Après tout les deux garçons n'en étaient qu'un seul, au fond. Le sentir la serrer contre lui en demandant quoi faire fit la gamine se sentir un peu plus mal. Être désirée par des connaissances était désagréable, mais l'être par un ami avec qui elle tenait à garder une relation purement platonique était pire que tout.

- Maintenant ? Tu vas commencer par me reposer par terre. Tout de suite, ordonna-t-elle avec froideur.

Elle se dégagea d'un geste sec et tomba au sol en manquant de se briser un pied. La poupée Dakota se tâta le membre pour vérifier qu'il n'était pas fêlé puis se mit en marche tant bien que mal vers Mélusine qui était maintenant réduite à l'état de peluche humano-reptilienne, Mary sur les talons. Se mouvoir sous cette forme était compliqué et désagréable mais c'était bien le moindre de ses soucis.

- Mary, tu peux t'occuper aussi de celle là s'il-te-plaît ?

- Bien sûr, c'est même si facile que s'en n'est même plus drôle, rétorqua l'invocation avec un rictus inquiétant.

Il fallut moins d'une demi minutes pour que le jouet soit réduit en pièces. Le silence s'était de nouveau installé dans le couloir où ils se trouvaient, à croire que les autres fées étaient trop occupées pour se rendre compte de ce qui se passait. L'occasion parfaite pour sortir... ne restait plus alors qu'à trouver comment. Bien sûr Mary pourrait les porter jusqu'à la surface, mais elle avait appris avec le temps qu'il ne fallait pas trop abuser de la « gentillesse » de la demoiselle ensanglantée. Et puis il fallait avouer que cette histoire de nuit du Foyson ne lui plaisait pas.

Les projets de fées maléfiques avaient de fortes chances de leur retomber sur la poire à un moment ou à un autre. Les contrecarrer seraient plus qu'utile pour prolonger leur durée de vie Dreamlandienne. Se renseigner pour éclaircir la situation ne coûtait rien, et si ça s'avérait trop difficile ils n'auraient qu'à s'enfuir. Ce n'était pas comme s'ils avaient leur honneur de sauveur en jeu.

- C'est quoi cette « nuit du Foyson » au juste Selene ? Demanda-t-elle de but en blanc avant d'ajouter, Parce qu'ils n'avaient pas trop l'air contents de nous voir.

La scène fut d'une rapidité incompréhensible. Au moment où les deux Unseelies proférèrent leurs menaces envers le groupe, Sydney entendit comme un bruit désagréable, une sorte de BIP sonore et perçant qu'il semblait être le seul à avoir entendu. Pendant la fraction de seconde où il boucha son oreille droite de la main comme pour atténuer ce son strident, Bloody Mary frappa. Éviscérant les Unseelies comme de vulgaires bouts de viandes.
La femme serpent qui les accompagnait finit sa course en peluche tout comme Dakota à la seule différence qu'elle ne resta pas en un seul morceau, déchirée par le fantôme du miroir.

A la vue de tout ce sang, Sydney eut un haut-le-cœur et ne put s'empêcher de dévier son regard. Il remarqua alors que James avait repris son apparence normale, ce qui n'était pas le cas de Dak' ni de Selene, transformée en épouvantail vivant. Il voulut demander à cette dernière si tout allait bien pour elle, mais il sentait de grosses goûtes de sueur perler de son front : ça ne serait pas des mots qui sortiraient de sa bouche s'il l'ouvrait. Se tenant le ventre, il voulut s'asseoir dans un coin de la salle avant de réaliser que celle-ci était inondée, maculée de sang. Du sang sue le sol, du sang sur les murs, du sang sur eux... Formant de petites veinures qui suivaient les imperfections du sol sinueux. Des petites rivières témoignant de l'atrocité qui venait de s'y dérouler.

La tête de Sydney tournait et il faisait son maximum pour garder le contrôle et ne pas flancher. C'était la première fois qu'il assistait à ce genre de chose et ça passait mal. C'était moins dur dans les films... Il se contenta de s'adosser au mur le plus proche, et fixa le vide, n'osant regarder aucun des jeunes droit dans les yeux. Eux aussi étaient passés par là, et peut-être même avant ça : il n'avait pas le droit de jouer les chochottes. Et dans une telle position de faiblesse, il ferait une cible idéale pour quiconque nourrirait de noirs desseins à son égard. Son corps tremblait. De peur ? Sans doute. Il passa ses mains sur son visage, ses doigts épousant la forme de son visage, ça le calmait un peu. Il fallait qu'il soit en état : c'était le meilleur moment pour bouger, après il serait trop tard.

- Je propose que tu nous dise ça en allant, Selene. Ça serait pas une mauvaise idée de vouloir sortir. Et m'est avis qu'on découvrira ça bien assez tôt, peut-être même trop si on s'attarde dans le coin.
Il lui tendit la main pour l'aider à se relever. Il jeta un œil à Dakota pour voir si sa transformation n'avait pas pris fin, et se rendit compte que rien n'avait pris fin, pas même son attirance pour elle qui semblait néanmoins atténuée par l'état nauséeux du pirate.

- Ces choses sont arrivées de par là. Si on va dans cette direction je pense qu'on devrait en rencontrer d'autres, mais rien ne nous dit que la sortie y est également. Au contraire, on risque de s'en éloigner.

Selene rampait sur le sol, mais la queue reptilienne de Mélusine se resserra autour de l’une de ses chevilles. Sans l’intervention de James qui transforma la mauvaise fée en peluche inoffensive, l’adolescente aurait peut-être déjà été à l’article de la mort. Dakota se libéra vivement de l’étreinte du psychotique et claudiqua jusqu’à la créature mécontente en demandant à son invocation de terminer le travail. L’Unseelie fut bientôt réduite en pièce et la rouquine n’avait pas envie d’être là lorsqu’elle reprendrait sa forme normale.

Le silence était revenu dans ce carrefour de galerie, un silence lourd et macabre. Les corps des victimes de l’apparition fantomatique avaient été salement lacérés, gisant tels des amas de chairs ensanglantés, témoins de la force destructrice dont étaient capable les voyageurs. La tête tourna à la galloise et encore une fois, si elle n’avait pas été sous sa forme de paille et de tissu, elle aurait sûrement vomit. Cela ne l’empêchait cependant pas de fixer le carnage, pétrifiée par l’horreur dont ils avaient été capables. Bloody Mary avait tué trois fées, avec l’aide de James, et elle-même avait joué un rôle de diversion dans l’histoire. Ils pâtissaient de l’image négative qui circulait généralement sur les voyageurs, pestant que « eux », n’étaient pas comme les autres ; mais ne venaient-ils pas de commettre un triple meurtre ? Pire, une boucherie ? Où était la limite entre légitime défense et l’enivrement du pouvoir ?

Selene reprit son apparence humaine, recouvrant par enchantement ses traits de jeune fille choquée par ce qu’il venait de se passer. Dakota la fit sursauter en posant une question, si bien qu’elle la regarda mais ses lèvres s’ouvraient et se fermaient lentement dans le vide sans produire le moindre son. Son désir pour elle demeurait vivace, l’obligeant à détourner ses yeux noisette, mais la situation lui retournait tant l’estomac qu’il n’était pas si difficile de se maitriser un minimum. Elle ne put empêcher ses joues de rosir, mais Sydney intervint pour l’aider à se lever, puis proposa de ne pas s’infiltrer dans la voie d’où provenaient les deux jeunes Unseelies. La rouquine secoua lentement la tête pour rétorquer d’une voix faible :

- Ils disaient être en retard à une cérémonie… ça veut dire que de la d'où ils viennent, il n’y a probablement plus personne. Où en tout cas,… comme on ne sait pas où ils allaient, c’est toujours le choix le plus sûr.

Elle avait envie d’un épouvantail. De SON épouvantail. Ses doigts tremblaient fouillèrent dans sa poche son rouge à lèvre carmin. Sa main gauche serait idéale pour accueillir une petite griffe familière. Ici, il serait assez proche pour la rassurer. Alors qu’elle dessinait de façon imprécise sur sa paume blanche, elle répondit à la question de la phobophobe :

- Je ne sais pas ce qu’est la nuit du Foyson… dans les récits irlandais, le foyson est la nourriture que les fées volent aux humains. Je ne pense pas que les Unseelies se réunissent pour piquer des récoltes… mais peut-être que ça a un rapport avec quelque chose qu'elles veulent voler...

Le visage de son ami était terminé. Son sourire tordu soulagea le cœur troublé de l’adolescente qui évita de poser de nouveau les yeux sur le carnage. Sans le savoir, encore une fois, elle avait activé son pouvoir et ses cibles furent Sydney et… Bloody Mary. A contre cœur, elle détacha son regard de son tracé rouge, et réalisa alors que dans tous les petits bocaux de verre fixés sur les parois pour les éclairer, les petits fées ailées dévisageaient les voyageurs dans un silence parfait.

L’une d’elle, admettant sans doute qu’il était inutile de rester immobile alors qu’elle et ses consœurs étaient découvertes, agita rapidement les doigts comme si elle écrivait quelque chose sur le verre qui l’emprisonnait. Lorsqu’elle eut terminé, une phrase s’afficha, luminescente de la même lumière cassis qu’elle émanait : Les Unseelies veulent voler la magie des mages de Gloutoniskaïa.

C'était une vraie boucherie qui venait de se passer dans l'espace des voyageurs qui venaient d'éliminer des fées. le plus dur était de voir les corps charpies et le sang qui tachait les sol et les murs. James n'eut même pas la force de retenir Dakota qui s'était échappé de son emprise. C'était elle de toute faon qui avait le pouvoir sur elle, le désir toujours présent mais la situation et tout ce sang rendait malade l'adolescent qui retint un haut le coeur. Il ne pouvait plus voir cela et c'est avec une joie dissimulé qu'il rejoignit Sidney sur le fait de quitter cet endroit rapidement mais fut vite déçu par la réplique de Sélène qui semblait en connaitre beaucoup sur ces fées vu la question que lui avait posé la poupée porcelaine.
C'était donc des voleuses...mais que voulaient elles voler ? La réponse ne se fit pas attendre et le regard de l'adolescent fut attiré par les lumières en haut qui affichait un message. Les mages de Gloutoniskaïa. Cette ville était donc composé de personnes comme eux, ce n'était pas seulement un lieu composé d’être magique.

- Il faut empêcher ça ! Enfin, je veux dire...Au point où on en est les fées seront pas copains avec nous alors autant se rallier aux mages ?

Au fur et à mesure de ses paroles, la voix de James diminuait comme si il avait envie de disparaitre, se rendant compte que c'était bien mieux quand il se la fermait. Gêné, l'adolescent se détourna d'autant plus qu'il avait toujours envie de toucher Dakota alors que, bon sang, il avait toujours été homosexuel ! Il se souvint alors que son amie pouvait copier les pouvoirs, comme lors de la nuit sanglante où elle avait prit celui d'un voyageur qui avait la lumière au fesse. La blondinette avait dû faire appel sans le faire exprès à l'une de ses rencontres et dans ses connaissances seul un homme avait fait ce genre de chose sur lui...Kalyss.

- Euh Dakota, il finit bientôt ton pouvoir...? C'est méga gênant de désirer une fille

- Je suis d'accord avec James sur point : vu ce qu'on a fait aux Unseelies, c'est pas demain la veille qu'on fera copain-copain. Par contre pour les mages ça me dit rien qui vaille. C'est pas parce qu'on va les aider que eux vont nous laisser la vie sauve. Si j'ai bien compris, la plupart des habitants de dreamland exècrent les "voyageurs". Donc on peut pas résoudre le problème par l'équation "l'ennemi de mon ennemi est mon ami". Enfin bon je dis ça... Je dis rien, hein.

Apporter de l'aide à quelqu'un ? Non, pas à une seule personne mais à toute la population de Gloutoniskaïa ? C'était une nouveauté à laquelle Syd n'était pas préparé. Il n'avait aidé personne depuis une dizaine d'années maintenant et la dernière fois lui avait coûté assez cher pour que l'idée de renouveler l'expérience lui donne des frissons dans le dos.

Il leva la tête pour observer les fées dans les bocaux, au cas où l'une d'elles trouve quelque chose à leur dire : un détail qu'ils oubliaient, des recommandations pour contrecarrer les plans des Unseelies... Mais à quoi bon. Mieux vaut compter sur soi-même lorsqu'on doute.
Tout en scrutant les petites fées, il continua à s'adresser au groupe sur un ton dubitatif.

- Moi en tout cas, il y a quelque chose qui me chagrine : comment peut-on voler de la magie ? Soit les Unsee ont eux-mêmes un pouvoir qui leur permet d'extraire cette magie, soit ils ont des machines spécialement conçues pour. Et dans les deux cas, comment les arrêter ? A part nos pouvoirs, on a pas grand chose d'autre à ce que je sache. Et imaginez un instant qu'ils nous volent nos pouvoirs à nous aussi ! On ferait quoi ?

*Tout ça me dépasse. Parfois, jouer les justiciers apporte bien plus de problèmes que si on s'était abstenu. J'espère qu'ils savent ce qu'ils font, parce que les plans suicidaires c'est pas mes préférés...*

Tendant l'oreille, Sydney espérait entendre un bruit, des pas ou des voix qui trahiraient la présence de ces fées mal intentionnées. Une idée lui vint : si les fées étaient là depuis longtemps, alors ça ne devait certainement pas être la première fois qu'elles tentaient de voler la magie des Gloutoniskaiens. Donc ces derniers devaient au moins pouvoir témoigner ou même mieux : ils pourraient avoir de quoi se défendre !
Syd résuma brièvement la situation :

*Nous sommes face à deux ennemis. Celui qui l'emportera ce soir sera de loin le plus dangereux. Mais admettons que les mages puissent ruiner les plans des fées, qu'est-ce qui nous dit qu'ils nous croiraient si on allait tout leur révéler ? Et pire : si ils nous tuaient après s'être chargés des Unseelies !? On doit faire face au problème seuls, mais là : retour à la case départ. On est peut-être pas de taille.*

- Je crois que j'ai une idée : si lutter avec nos pouvoirs s'avère inutile, il nous suffira de les amener à sortir d'ici, puis à rameuter les mages qui s'en chargeront pour nous ! Si les Unseelies sortent de l'arbre, ils n'auront pas le temps d’exécuter leur rituel avant que les habitants ne soient sur eux. Mais ça reste quand même risqué.

- Blablabla, conclut Dakota en affichant un air hautain pour le moins agaçant.

Ils étaient là à débattre dans un couloir, à la merci potentielle de fées maléfiques et sanguinaires, pour savoir s'ils devaient ou non enfiler un slip par dessus leur pantalon et sauver ainsi les gloutoniskaïns en danger. Non seulement ils étaient dans une position de danger imminent, mais en plus la conversation tournait franchement à la pure paranoïa. D'accord les dreamlandiens ne les aimaient pas tous, mais une simple observation diurne leur avait permis de constater que la population locale était relativement pacifiste. Et pourquoi des gens débordant de dons magiques les haïraient ? C'était d'un illogisme si profond qu'elle en avait mal au crâne.

Et puis ce corps... ce corps ! Si James pensait bien à lui demander d'arrêter un pouvoir sur lequel elle n'avait de toute évidence aucun contrôle, il ne lui venait même pas à l'esprit de stopper le sien propre. L'adolescente avait beau apprécier le garçon il restait sur ce point profondément irritant.

Son visage de marbre se tourna vers l'un des bocaux où tourbillonnait désormais l'une des fées pourpres. Le fait qu'elle leur soit venu en aide en leur indiquant le but des unseelies ne pouvait signifier qu'une chose : elles n'étaient pas mauvaise. Elles avaient probablement été capturées et enfermées dans ces prisons de ver en guise de mauvaise blague vengeresse. Si les autres ne voyaient en ces fées que des informatrices et des éclairages colorés, Dakota voyait plutôt une solution, ainsi que des personnes à qui elle était redevable.

- Mary, aurais-tu l'extrême amabilité de libérer nos amies que voilà ? Demanda-t-elle en désignant du doigt les bocaux.

La revenante comprenant la pensée de sa maitresse ne put réprimer un étrange sourire avant de se mettre au travail. Les « lampes » explosaient les unes après les autres, libérant les prisonnières. Le couloir fut envahis en moins de deux par des lumières tourbillonnantes et virevoltantes, mais loin de se laisser attendrir la surdouée attira leur attention en s'éclaircissant bruyamment la gorge.

- Merci de votre aide, mais j'aimerais vous demander une petite attention supplémentaire si vous le voulez bien.

Les créatures ailées ralentirent leur danse aérienne pour fixer leur groupe, interrogatives. C'était tout ce que la phobophobe attendait.

- Pourriez vous allez prévenir les mages de la menace qui pèse sur eux ? Ils ne nous croiraient peut-être pas, mais je doute qu'il remettent en cause votre parole. Votre liberté vaut bien un léger détour...

Si la demande avait soulevé une vague de murmures, la dernière remarque glissée comme si de rien n'était fut le coup de grâce. Une sorte de culpabilité naquit dans le cœur des fées qui s'empressèrent d'aller remplir leur tâche pour s'en libérer. Elle valait bien ça, en effet.

Satisfaite, Dakota les regarder s'en aller, la lumière avec elles. Oh. Elle avait légèrement occulté ce détail. Le réseau de tunnel soudain plongé dans le noir, une angoisse terrible monta en elle. Celle d'avoir peur d'avoir peur du noir et de ce qu'il dissimulait. Étrangement cette fis ci elle ne copia pas le pouvoir de cet homme croisé dans le métro d'Elipse, même si pour l'heure elle l'aurait bien voulu. Au moins elle savait désormais qu'une limitation de temps était imposé à ce nouveau et dérangeant pouvoir....

- L'un de vous a une lampe de poche ?

Bien qu’elle n’aurait pas su dire comment faire, l’adolescente était d’accord accord James lorsqu’il affirmait qu’ils ne pouvaient pas laisser les Unseelies réaliser leurs plans. Néanmoins, le discours de Sydney la laissa perplexe. S’il était vrai que beaucoup de Dreamlandiens n’appréciaient aucunement les voyageurs, il avait clairement semblé que si les habitants de Gloutoniskaïa ne leur vouaient pas de l’admiration, ils faisaient au moins preuve d’indifférence et de tolérance.

Quant à savoir comment les fées voleraient la magie, il suffisait d’avoir vu les innombrables possibilités saugrenues qu’offrait le monde des rêves pour savoir que rien n’était impossible. Alors que le paranoïaque mettait sur pied un plan d’attaque, la benjamine du groupe fit part de son agacement vis à vis de la tournure que prenait la situation. Il était vrai que leur présence dans les parages n’était pas favorable à leur survie et qu’ils s’attardaient en spéculant sur des manœuvres aussi risquées qu’approximatives.

L’attention de la rouquine fut attirée par une fée pourpre qui tournoyait avec entrain, signifiant clairement un manque de liberté. Sans savoir ce qui la conduisait à le penser, Selene était sûre d’avoir croisé son regard magique, car un sourire s’étira de lui-même sur ses lèvres claires.

- Des Seelies…, murmura-t-elle.

Enfant, avant que les coups impitoyables de son père ne l’enchainent à la dure réalité, elle avait cru aux fées. Combien de temps avait-elle passé dans son jardin, avant même que l’épouvantail ne soit implanté, cherchant à apercevoir de petits êtres ailés en utilisant des cercles de pierres et en priant très fort. L’adolescente ne savait plus très bien ce qu’elle voyait dans ces moments, si les essaims de papillons qui tourbillonnaient ne lui apparaissaient pas quelques infimes secondes comme des fées malicieuses. La noirceur qui avait tâché sa vie à partir du moment où Mr Nymphadora avait commencé à battre sa femme et sa fille avait fait oublié à cette dernière toutes ces petites joies d’enfance, ces souvenirs fragiles brisés par les coups de ceintures.

Dakota demanda à Bloody Mary de libérer les prisonnières et bientôt, toutes les Seelies purent danser avec allégresse, diffusant leurs lueurs colorées sur les parois des galeries. Néanmoins, ce ne fut évidement pas gratuit, et le sourire qui illuminait le visage de Selene s’amoindrit. A l’instar de sa froideur à l’égard des boursouflets, la phobophobe ne voyait encore une fois que le coté pratique des choses, troquant aux fées un service contre leur liberté. Celles-ci obéirent malgré tout, leur petit cœur incapable d’ingratitude, et elle filèrent en laissant les voyageurs dans le noir.

- Pas moi, désolé, répondit la rouquine qui n’avait pas de lampe torche.

Elle attendit de voir si James les sauverait mais soudainement, un halo jaune fit son apparition en épousant les murs du chemin par lequel étaient parties les Seelies. La toquée craignait déjà de tomber face à une nouvelle ennemie, mais une lanterne minuscule passa le dernier virage, tenue par une petite main appartenant à un être ailé. Il avait un visage d’enfant farceur, un grand sourire scotché sur ses lèvres, des yeux en amande noir brillant et des cheveux noisette ébouriffés. Sa peau était brune comme l’écorce d’un arbre et il était habillé d’un accoutrement de feuille parfaitement bien cousu.

- Il fallait descendre ! Je ne t’avais pas prévenu, mais il n’était pas trop tard ! s’exclama-t-il d’une voix chantante en pointant Selene du doigt. Heureusement que je n’ai pas croisé mes sœurs en chemin, sinon je n’aurai eu aucun mal à vous trouver.

Abasourdie par ce discours, la rouquine dévisagea le petit bonhomme qui se posa tranquillement sur la main qu’elle lui tendit. Son expression rieuse avait l’air si sincère et adorable qu’elle ne pouvait pas croire qu’il soit complice aux Unseelies. La galloise se souvint alors de quel genre de fée il pouvait s’agir.

- Je… je crois que c’est une Dereck…, avança-t-elle doucement. Elles ne peuvent pas s’empêcher de… de dire le contraire de ce qu’elles veulent vraiment faire comprendre…

Un petit rire secoua le concerné alors qu’il gigotait sur sa paume comme un gamin turbulent.

- Je ne connais pas la sortie, alors je ne peux pas vous y conduire. Ne me suivez pas !

Et sur ces mots, il bondit et rebroussa chemin, disparaissant très vite à l’angle de la galerie de laquelle il venait.

Devait il être rassuré que Sidney rejoigne son opinion ? Allez savoir mais en tout cas leur nouveau camarade se trompait sur une chose. Ce n'était pas tous les habitants de ce monde qui détestait les voyageurs mais juste les elipsiens. Ici, où semblait régner la magique cela aurai illogique qu'ils les détestent, une preuve de la grande paranoïa du pirate. Si pour lui voler la magie semblait être relevé de l'inimaginable pour l'adolescent qui avait déjà vu un cactus bougé et d'autres créature surnaturelles, s'accaparer les pouvoirs des autres semblait possibles.
Dakota mit fin à la discussion, qui n'avait toujours pas retrouvé sa forme humaine et James se sentit désolé pour elle, surtout qu'il ne pouvait rien faire. Son pouvoir disparaissait tout seul au bout d'un certain temps. La blondinette demanda alors à Bloody de libérer les petites fées qui une fois libre s'en donnèrent à cœur joie de virevolter dans la pièce. L'adolescente n'en perdit pourtant pas le Nord et leur demanda en échange d'aller prévenir les mages, ce que les petites créatures ailées s'empressèrent de faire. Seulement en partant la lumière s'envola avec et le groupe se retrouva dans le noir complet.
Une lampe de poche ? James en avait acheté une à une époque mais là il ne l'avait plus, ce qui était dommage vu l'utilité qu'il aurait pu en avoir maintenant. Et puis où l'aurait il mit sans poche ? Réflexion qui se stoppa lorsqu'une lumière jaune les éclaira faisant apparaitre encore une petite créature mais qui cette fois parlait trop. Sélène semblait en savoir beaucoup sur les fées et les informa que ceci était un Derek et qu'il disait le contraire de ce qui était. Du moins c'est ce que compris James. Alors si la créature disait ne pas savoir où était la sortie...

- Il faut le suivre...

De toute façon que faire d'autre à part rester planté là sinon ? Personne n'avait le pouvoir de se téléporter. James s'engagea donc à la suite du Derek en espérant que les autres feraient de même. Rien que de penser qu'il serait peut être seul là dedans le tiraillait de peur.

- Il tombe à pic, celui-là ! On va enfin sortir. lâcha Syd d'un ton amer. Il se sentait vexé qu'on ne le prenne pas au sérieux. De par sa maladie, il ne pouvait s'empêcher de voir le mal partout, mais au fond de lui son plan était plutôt bon. L'arrivée du Dereck devait surement apporter une solution bien moins dangereuse. Dakota, ça ira pour marcher ou tu veux que quelqu’un te porte ? demanda-t-il à la jeune fille. Il se reprit presque aussitôt Hm… Remarque, tu dois pas avoir très envie que l’on te porte après ce qui s’est passé. Mais si tu changes d’avis fais-nous signe. Il se mit ainsi à suivre James lorsque celui-ci déclara qu'il fallait suivre la créature.

En chemin, il se mit au niveau de Selene puis lui glissa à l'oreille :
- Quand il y avait les Unseelies, j'ai entendu un son... Une sorte de bip strident. Tu l'as entendu, toi aussi ? Vu que tu étais proche de moi à ce moment là, je me demandais si tu savais ce que c'était. Ce bruit distinct et perçant, c'était la première fois qu'il l'entendais et le fait qu'il entende ça à l'instant où il se faisaient attaquer était peut-être une coïncidence ; à moins qu'il ne vienne des Unseelies ou bien de la femme serpent.

Dès qu'il serait sortis d'ici, il réfléchirait à s'acheter une arme, ou à en trouver une à défaut d’être fauché, afin de ne pas se faire surprendre une deuxième fois. Si Bloody Mary n'avait pas été là au bon moment, Selene et lui ne seraient sans doute plus de ce monde. Malgré le fait que la personnalité de Dakota soit agaçante par moment, Sydney venait de comprendre qu’il ne lui devait rien de moins que la vie, ou du moins lui avait-elle évité de passer un sale quart d'heure... Il prendrait le temps de la remercier plus tard. Si tant est qu'elle ne se montre pas froide et cynique même en recevant des remerciements !

Quelque chose lui disait que ça ne serait pas simple tous les jours de vivre dans ce monde avec eux. Lorsqu’on vit reclus trop longtemps, on oublie que dans un groupe il faut savoir supporter les autres, vivre avec eux. Il n’était pas trop tard pour changer, si ? Est-ce que le Dr. Thores était conscient de ce qui leur arriverait une fois à Dreamland ? Auquel cas il fallait effectivement vivre ça comme une expérience. Une expérience dont la nouveauté laissait apparemment Syd sur le carreau. Il fallait qu’il se rattrape vite s’il ne voulait pas devenir un boulet pour le groupe.

*Pff… Un jour on rira de tout ça, je suppose. Ou alors on finira vautrés à terre, déversant nos entrailles sur les pieds d’une quelconque créature. * Penser à ça fit un écho en lui et la nausée lui revint. Heureusement trop faible pour le ralentir, il ne put cependant retenir une grimace.
Le Dereck était toujours devant eux. Ce n’était pas le moment de le perdre de vue, sans compter que peu importe où se posait le regard, aucun indice ne laissait entrevoir une sortie, fut-elle proche. Et en l’occurrence, cette dernière semblait encore bien loin…

Selene fut d’accord quand à la décision de James de suivre la fée. Avaient-ils le choix de toute manière ? Ils auraient déjà eu du mal à se repérer dans ces dédales de galeries souterraines avec la lumière, alors sans, autant se jeter directement dans la gueule du loup. La petite lanterne du Dereck s’éloignait un peu trop vite et l’adolescente dut trottiner un petit moment pour le rattraper. De cette façon, elle avait involontairement mis une douzaine de mètre entre elle et la poupée Dakota à laquelle Sydney proposait ses services. Comme si on lui décrochait enfin le bas-ventre d’un hameçon qui y était fermement planté, ses ardeurs inconvenantes retombèrent aussitôt et son corps cessa de lutter contre ses envies sexuelles inhabituelles. Il s’en suivit alors une vague de honte ; naturellement bien moins percutante que lorsqu’elle avait couché avec Jonh sous l’emprise des pouvoirs d’Asmodée, mais suffisamment pour faire son regard épouser le sol.

Ces souvenirs ne cesseraient sans doute pas de la hanter. Dans la demi-pénombre qui l’encerclait, son imagination redessinait l’intérieur de la tour de Sextus, le grand lit circulaire, les sofas, la table garnie de nourriture en abondance outrageuse, la salle d’eau somptueuse… tous ces lieux qui avaient été pour elle la scène d’un véritable cauchemar. Elle se souvint de sa nudité forcée, des regards jetés par la maitresse vampire, de la force de Liam lorsqu’il l’avait empoigné, de sa sauvagerie lorsqu’il l’avait pénétré. Un spasme secoua ses épaules et la rouquine serra ses bras autour de son corps fragile.

Son esprit fuyait ces pensées chaotiques, cherchant le réconfort de son ami de toujours. Elle avait toujours fuit sa souffrance, toujours. Depuis les premiers coups de son père jusqu’au traitement de l’hypersexuel. Selene ne se souvenait pas d’avoir jamais affronté quoique ce soit, et peut-être était-ce de cela dont elle avait besoin. Faire voler en éclat la toile d’ombres qui se tissait autour d’elle, détruire la tour d’Asmodée d’une manière ou d’une autre. C’était un but démentiel pour une si insignifiante personne. Mais… peut-être…

Elle dressa la main devant elle, profitant de la lumière procurée par la lanterne de la fée pour observer le sourire déformé de son visage d’épouvantail tracé au rouge à lèvres. Son sourire tordu avait quelque chose de presque malheureux, tristement compatissant. La galloise sursauta lorsque Sydney s’arrêta à sa hauteur pour lui parler à voix basse. Elle souleva un sourcil, songeuse, mais finit par secouer la tête en signe de négation.

- Je n’ai rien entendu… désolé.

Gênée, la rouquine ne voulait pas laisser sous-entendre qu’elle prenait son collègue pour un fou. Tant de choses étaient possible dans ce monde imaginaire que celles qui ne l’étaient pas devaient se compter sur les doigts de la main. Très peu convaincue, mais ne trouvant pas d’autres explications, Selene proposa :

- C’était peut-être le signe avant coureur d’un… pouvoir ?

Après tout, comment savoir ? Elle n’était déjà pas vraiment consciente elle-même de comment fonctionnaient les siens. Mais après réflexion, peut-être simplement que le paranoïaque avait entendu un son qu’elle n’était pas capable de percevoir sous sa forme d’épouvantail humain ? Elle n’avait pas non plus la certitude que ses perceptions soient les mêmes quand elle était transformée, d’autant plus désormais que sa tête était incluse dans la métamorphose.

- Demande à James s’il a entendu, murmura-t-elle finalement. Peut-être que moi, je ne pouvais pas l’entendre comme j’étais… euh… enfin tu vois.