[job] Attention aux pépins

Lorsqu’il rejoignit son salon pour son petit déjeuner, en milieu de matinée, Augustus appela Ophélie au rapport. Elle frissonna lorsque le regard mou du collectionneur survola ses formes sans aucune once de passion, craignant que celui-ci ne lui demande de restituer la nuit qu’elle avait passé avec l’un de ses employés. En fait, l’homme voulait simplement savoir où en étaient ces derniers. La jeune femme se ressaisit juste à temps pour confier que seuls Liam et Yoru avaient quitté la demeure, tandis que ni elle ni aucune de ses comparses n’avaient vu paraître Gabriel.

- Bah voyons, s’exclama Augustus d’une voix qui aurait pu être effrayante si elle n’était pas si aigüe, on leur offre le confort, on les met à l’aise, et voilà qu’ils en profitent pour flemmarder ! Va me le chercher tout de suite !

Fuyant la colère de son maître – qui ressemblait fortement à un enfant bougon – l’esclave monta à la chambre de l’adolescent, ouvrit doucement la porte et… réalisa qu’elle était totalement vide. Seule le lit maladroitement refait prouvait que quelqu’un s’était bien allongé là, mais après une inspection minutieuse des lieux, Ophélie fut forcée de se rendre à l’évidence : le vampirophobe n’était pas là. Avant de redescendre avertir son employeur, elle passa par les toilettes, la salle d’eau, même par la pièce des œuvres, vaste salle où étaient entreposés des tableaux du monde entier. Rien. Elle redescendit donc à la hâte, ses seins ronds laissés nus tressautant à chacun de ses pas.

- Il n’est pas là monsieur…
- Comment ça « pas là » ?! grogna Augustus la bouche pleine.
- Eh bien, il n’y a plus aucun trace de lui et… on est formel, il n’accompagnait pas ses deux camarades ce matin. Je les ai servi moi-même au petit déjeuner.

Le collectionneur renifla d’un air dédaigneux. Expression qui disparut bien vite, remplacée par un sourire gorgé d’autosatisfaction.

- Il a dut fuguer pendant la nuit, petit lâche. Qu’importe ! J’ai bien fait d’envoyer un émissaire me trouver un homme de renfort hier soir, il devrait arriver avec lui ce matin.

Et en effet, Sydney pénétrait Hésyprius dans l’heure suivante et le chariot qui le portait s’arrêtait devant la villa Marcus un peu plus tard. Le maitre attendait, les bras croisés sur son ventre opulent, un sourire de victoire anticipé qu’il ne parvenait pas à effacer. Cependant cette fois, pas d’apéritif sous une feuille de palmier, pas de soirée confortable, mais seulement un salut solennel suivit de directives adoucies par la voix aigüe du collectionneur et ses manières exagérées :

- Bonjour monsieur, Augustus Marcus, humble chasseur d’œuvre d’art. J’espère que Jarmin vous a bien briefé pendant le voyage, parce que je vous saurai gré de bien vouloir rejoindre immédiatement le palais des Héséprydes. Vos deux collègues y sont déjà en repérage. Vous n’avez qu’à… vous présentez à la porte et dire que vous les connaissez, ils s’appellent Liam et Yoru.

Si Sydney avait eu une question, il pouvait la garder pour plus tard, car le fouet du dénommé Jarmin claqua et les chevaux se remirent en marche sans attendre.




==== HRP =====

Alors, j'avoue que je suis un peu feignasse sur les bords. Donc Sydney, considère que toutes les informations nécessaires à la mission, qui ont été données dans les 2 premiers posts du MJ, tu les as reçu en route par le biais de son chauffeur. Tu sais donc que tu as été employé pour voler aux Héséprydes leurs pommes pour le compte d'un homme qui vous paiera grassement, et tu as aussi eu les informations qui te renseignent sur les risques de l'opération. Le reste (la rencontre avec les dites Héséprydes), tu ne peux évidemment rien en savoir.

Partant de là, tu peux t'introduire dans le récit sans problème =)
En cas de question sur votre manière de mener le travail, n'hésite pas à te rapprocher par mp de tes compagnons de galère. En cas de question sur le job en lui-même, les PNJ, une incompréhension... envoie un mp sur le compte de Melena Autumn.
Enjoy

[HRP] : Merci beaucoup ! 'Devrait pas y avoir trop de problèmes, mais je retiens sait-on jamais.
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Sa rencontre furtive avec son employeur laissait Sydney dubitatif quand à la nature de la mission qu'on lui proposait. Il trouvait le trajet fort sympatique, moins pour les instructions de son chauffeur que pour le paysage. Cette région vallait vraiment le détour, et puis si le domaine des Héséprydes était aussi merveilleux qu'on le prétendait, ça serait une promenade de santé. Il prit cependant la peine d'écouter les recommandations ainsi que les mises en garde contre les gardiens des lieux. Les chiens, il n'aimait pas ça mais un coup de godasse dans la truffe devrait les maintenir à distance raisonnable au moins le temps de se mettre à l'abri. Il n'avait pas trop bien compris le danger que représentait le jour, et décida donc qu'il verrait par lui-même ce qui l'attendrait sur place.

Le chariot s'arrêta devant une propriété magnifique, certainement au-delà de toutes les espérances de Syd qui resta assis un moment yeux grands ouverts devant une telle beauté. Il fut tiré de ses rêveries par le cocher qui s'impatientait de voir descendre son passager. Sans rien dire, il s'executa, sautant à terre pour se retrouver face au portail d'entrée.
A peine s'approcha-t-il de ce dernier qu'un homme - sans doute un esclave - lui adressa la parole :

- Vous devez certainement être notre troisième hôte. Entrez donc, nous vous attendions. Lui ouvrant les portes du paradis des Héséprydes, il l'invita à le suivre par un geste du bras. Il n'en fallut pas moins pour que Syd commence à stresser. Il n'aimait pas rendre visite. Surtout à des inconnus et encore moins à des gens qu'il devait voler ! De toute manière, cette beauté apparente devait cacher quelque chose. C'est toujours de ce genre de lieux que le danger survient car on ne l'y attend pas. Son guide ne disait rien, se contentant de l'ammener devant l'imposant palais, demeure des quatre dames qui seraient les cibles de son larcin.

A sa grande surprise, le domestique tourna brusquement, déviant ainsi du chef d'oeuvre d'architecture.
- Mes maîtresses sont déjà au courrant de votre arrivée. Vos compagnons de voyage vous attendent près de la piscine et j'ai pour ordre de vous y conduire. Au fait, avez-vous bien dormi ?
- Dormi ? Euh... Oui. Oui j'ai bien dormi, je me sens en pleine forme déclara Syd sans trop comprendre pourquoi on lui posait cette question. Le cocher lui avait parlé de ses deux collègues : un certain Lim Baldwin ainsi que Yoru Nakatomi ; très certainement les "compagnons de voyage" dont parlait l'esclave.

Ils arrivèrent sur un sol dallé dont on imaginait dès le premier regard la sensation agréable que l'on pouvait ressentir en posant le pied dessus. La piscine se trouvait entre la demeure et des bosquets qui dessinaient un mur les séparant du monde extérieur. Le lieu, bien qu'isolé dégageait une aura apaisante, ce qui n'apaisait pas du tout Sydney. Au contraire. On voulait le mettre à l'aise. Pourquoi ? Dans quel but ? L'amadouer, ou encore faire de lui une cible plus facile ; le séquestrer pour le torturer ou bien ne jamais le laisser sortir ? Et si *Roooooh !! Arrête de penser à ça, mince !! Je savais à quels risques je m'exposais en venant ici. Et puis de toute façon il est trop tard pour reculer. Restons simplement sur nos gardes.*

A proximité du plan d'eau azur se trouvaient des tables de massages auprès desquelles se trouvaient quatre personnes : deux domestiques ainsi que ses deux compagnons, ça ne pouvait être qu'eux. Ils semblaient ravis de leurs massages, l'un encourageant même l'esclave à ouvrir son propre salon.
*Liam et Yoru. Hm... J'y pense : on m'a pas dit à quoi ils ressemblaient ! Lequel est lequel ? C'est Quitte ou double.* Les phrases dans des registres de jeux, Sydney adorait. Ca le mettait en confiance de pouvoir comparer sa situation à quelque chose, réduisant ainsi la part aléatoire et non maîtrisable de la chose. S'approchant à grands pas des deux hommes avec un large sourire, il les héla.
- Liam ! Yoru ! Vous êtes déjà là ! Haha vous êtes incorrigibles ! Puis il posa ses mains sur leurs épaules et leur adressa un clin d'oeil furtif. L'expression de son visage devint plus neutre, voire sérieuse puis il leur dit à voix basse :
- Je sais qu'on ne se connait pas, mais apparemment, ils croient que je fais partie de votre groupe. Au cas où j'ai joué le jeu. J'ai été envoyé par Augustus Marcus pour la même chose que vous.

Se redressant, il arbora de nouveau son sourire le plus large et sur un ton blagueur il lâcha enfin Alors comme ça on voulait laisser ce bon vieux Syd à la traine, Hm ? Il avait insisté suffisamment sur son prénom pour que cela n'éveille aucun soupçons chez les esclaves, déclinant ainsi son identité à ses compagnons. Fier de son double jeu, il ne pouvait pas s'empêcher de penser : *Je la sens mal, cette mission, je la sens mal !!*

Au fur et à mesure que la pluie de questions s’abattait sur le pauvre Ted, l’esclave semblait se recroqueviller sur lui-même comme s’il recevait des coups et non des mots. Le malaise et le stress suintaient par tous les pores de sa peau halée alors qu’il se bornait à répéter que oui, le travail était dur, mais qu’il se plaisait beaucoup ici. Impossible d’apporter le moindre crédit à ces paroles mais Liam lui adressa néanmoins un sourire bonhomme aux apparences naïves. Il en avait suffisamment appris. Les héséprydes étaient bien aussi dangereuses qu’elles en avaient l’air. Il ne pouvait en être autrement vu la terreur qu’elles faisaient naître dans l’homme qui lui faisait face.

Le taulard passa les minutes suivantes à profiter de son massage. Ce serait peut-être le dernier, alors autant ne pas le bâcler en effrayant les serviteurs avec une curiosité trop poussée. Mais sitôt se fut-il tu que Yoru prenait le relais, agitant la langue avec bien plus de dextérité qu’un spécialiste du cunnilingus. Il n’y avait pas à dire, le jeune homme était bien plus bavard sans une horde de femmes rapaces qui le détaillaient sans aucune gêne. L’asiatique était même si expressif que Liam craignit qu’il ne se laisse trop aller à des remarques vis-à-vis de leurs hôtes, ce qui faillit bien être le cas.

C’est alors que son camarade gesticulait comme un chimpanzé sous stéroïdes en vantant les bienfaits du massage qu’un inconnu déboula tout sourire en les appelant tous deux par leur prénoms. Le terme incorrigible lui tira un rictus étrange qu’il réprima du mieux qu’il put avant d’arborer un air naturel. Pour qu’il connaisse leurs noms il devait travailler pour le même patron… peut-être même remplaçait-il le mâle en solde qu’était Gabriel. Le look de pirate des temps moderne qu’affichait le nouveau n’était pas pour rassurer Liam sur ses compétences, mais la présence d’esprit qu’il eut de leur exposer brièvement la situation rassura un peu le tueur. De toute façon ils devraient faire avec.

- Et bien Syd’ ! Quand tu dors tu ne fais pas semblant… on était bien décidé à venir te tirer du lit si tu ne nous avais pas rejoint dans l’heure. On ne fait pas attendre de si charmantes demoiselles ! Tu verras, elles sont vraiment telles qu’on nous les avait décrites.

Si la phrase pouvait paraître anodine, elle l’était bien moins quand on savait tous les avertissements qu’on leur avait servis en guise de hors d’œuvre chez Augustus. Il se chargea d’ailleurs de faire rentrer l’information de force par un regard biaiseux plus qu’explicite. Yoru avait déjà failli les mettre dans la merde jusqu’au cou lors de leur première entrevue, mieux valait limiter les dégâts avec cet inconnu pour la seconde.

Le taulard repoussa gentiment Ted qui continuait à le masser consciencieusement et se redressa en position assise. Il resta là un moment, les jambes pendues dans le vide tout en détaillant leur collègue. Non, il n’y avait pas à dire, son accoutrement lui donnait tout sauf l’apparence d’un mec fiable.

- Si tu veux profiter d’un massage c’est le moment où jamais. J’aimerais bien qu’on retourne voir nos nouvelles amies à l’intérieur sans trop tarder, elles avaient l’air si pressées d’entendre nos histoires que ce serait criminel de les faire patienter trop longtemps.

Liam jeta un coup d’œil rapide à l’eau azur de la piscine avant d’ajouter avec désinvolture :

- Mais un petit plongeon ne peut pas nous faire de mal non plus…

Il pria pour que ses deux camarades comprennent qu’il proposait là plus une réunion de groupe qu’un bain. Le bassin était si vaste que les esclaves ne pourraient les entendre s’ils s’éloignaient assez. On ne pouvait laisser passer l’occasion d’organiser leur infiltration, surtout qu’une autre ne se présenterait peut-être jamais.

Le taulard plongea dans l’onde sans plus attendre, toujours nu comme un ver. La fraicheur de l’eau l’enveloppa bientôt complètement en emportant avec elle la désagréable sensation des yeux de rapace scrutant sa peau, ses pensées et son cœur. Oui, la piscine serait un endroit parfait pour discuter. Hélant ses collègues, faussement jovial, il agita la main pour leur faire signe de le rejoindre.

- Allez… ne me dites pas que vous ne savez pas nager !

La venue de Syd' ne fut pas vraiment appréciée par Yoru qui s'inquiétait plutôt de savoir où était Gabriel, qu'était-il devenu et s'il viendrait plus tard... Néanmoins, l'asiatique joua le jeu et lorsqu'il entendit son nom, il leva les yeux vers l'inconnu et en un quart de seconde comprit qu'il fallait agir. En entendant la première phrase de Syd', il leva également le bras avec un sourire forcé et lança:

-Ahhh Syd' euh! T'es enfin.. là! Héhé Sacré Syd!

Évidemment, il ne le connaissait pas mais le pirate moderne lui fit un petit topo au creux de l'oreille une fois qu'il en fut assez proche pour que les esclaves ne l'entendent pas. Par la suite, Liam proposa un petit bain dans la piscine.

Yoru ne comprit pas quel était le but de cette baignade collective, et il n'aurait jamais imaginé qu'il s'agissait d'un stratagème pour dresser une réunion aquatique loin des esclaves. Il fronça les sourcils méfiant. Il porta de sévères soupçons quant aux ambitions de Liam une fois qu'il serait à l'eau.. Vue la scène qu'il lui avait faite au petit matin, c'était de sa faute après tout, la première fois qu'il le rencontre, il lui pique son salaire et la seconde fois, il lui fait des avances -__- (autrement dit des menaces). Impossible que cela recommence! L'hypocondriaque était désormais sans arrêt sur ses gardes et garderai toujours un œil sur le taulard. Faire des trucs pervers dans l'eau, très peu pour l'hypocondriaque. L'asiatique s'adressa alors au taulard qui flottait dans l'eau ainsi qu'au pirate:

-Allez vous baigner si vous voulez, moi j'm'en passerai..

Il regarda Liam avec insistance et rajouta:

-Les piscines.. De toute façon, je préfère pas y entrer!

A ces mots l'asiatique grimaça en remuant ses mains en signe de négation. Qui sait combien de personnes s'étaient baigné dans cette eau. Yoru avait toujours évité les piscines municipales ou les cours de natation à l'école. Combien se mouchaient dans l'eau? Combien faisaient pipi dans l'eau? Combien ne prenait pas de douche avant d'entrer dans l'eau (Comme Liam)? Il ne voulait même pas savoir la réponse. Et bien que ce bassin appartienne aux Héséprydes, il n'y rentrera pas! Il suivit néanmoins Liam le long de la piscine en gardant un œil sur lui jusqu'à arriver assez loin des esclaves. Là il s'accroupit et lança:

-C'est quoi le but? Tu crois pas qu'on a autre chose à faire que de barboter?

L'asiatique, Yoru, était loin d'être stupide. Entrer dans l'eau c'était prendre le risque qu'on nous noie, que l'eau soit empoisonnée ou bien d'autres choses. Le fait que la description des Héséprydes par son patron ait été confirmée par Liam donnait encore moins envie de se détendre. Être détendu c'est être faible car on est moins vigilant et à ce moment, bam ! On est cuit.

-Merci, mais tu sais bien que les piscines c'est pas mon truc. On sait jamais ce qu'on y trouvera... puis il ajouta plus pour lui-même que pour les autres ... ou ce qui vous y trouvera... Bon, juste les pieds, alors.
Il suivit donc Yoru au bord de la piscine pour arriver enfin près de Liam.
Une fois sur place, il retroussa son pantalon, enleva ses chaussures, ses chaussettes puis trempa les pieds dans l'eau. Elle était fraîche, agréable... Il aurait bien voulu s'y baigner mais bon, on avait assez d'un cobaye. S'il ne lui arrivait rien, peut-être qu'il reconsidèrerait la question.

Assis à une cinquantaine de centimètres de Liam et Yoru, il se pencha vers eux, posant son coude sur le rebord de la piscine en faisant attention de ne pas mouiller sa chemise. Son costume était peut-être ridicule aux yeux des autres, mais Syd l'adorait et il lui avait coûté un bon petit paquet de pognon à l'époque !

- Le but ? Eh bien je suppose qu'on va s'organiser pour la suite, étant donné que votre ami n'a pas l'air de vouloir se pointer. A propos de ça, inutile de demander, je ne sais pas où il est et je n'ai pas été invité à entrer dans le palais du Boss. Une chose est sûre, c'est qu'il était pas de bonne humeur et qu'il semblait m'attendre de pied ferme. Dites-moi juste ce que je dois savoir et je ferais au mieux.
Hm... Non. D'abord, dites-moi si je peux vraiment vous faire confiance. Enfin... je suppose que je peux étant donné que vous avez joué le jeu. Merci, d'ailleurs.

Au moins, c'était posé. Ce qu'ils en penseraient, Sydney s'en rendrait compte bien assez tôt. Pour l'heure, il fallait discuter de la marche à suivre pour mener à bien la mission sans se faire repérer. Il semblait que Liam était le leader du groupe ; en effet son initiative pour les regrouper loin des domestiques était bonne et s'il avait un plan, autant l'écouter.

- En parlant de ça, je connais vos noms mais je ne sais pas qui est qui, vous m'en excuserez. On m'a briefé pendant le voyage alors j'ai pas eu autant de détails que vous je suppose. Il observa un instant le jeune asiatique. Toi tu dois être Yoru Nakatomi, logiquement. Hm ? Sans vouloir être blessant ou quoi que ce soit ton nom va bien avec ton visage. Ça sonne japonais. Vous, vous devez être Liam Baldwin, donc. Enchanté de vous connaitre, je suis Sydney Miles. Mais appelez-moi Syd.

Les relations sociales n'étaient pas son fort, mais au moins il avait fait le tour. Il espérait simplement que ses nouveaux compagnons ne le lui reprochent pas trop. Encore une fois il avait beaucoup parlé... Un peu trop peut-être ?
*Il faut vraiment que j'apprenne à parler moins, moi... Ça va me jouer des tours un jour !*

**Bande de lopettes**

C’est agacé et un brin amusé que le taulard regardait ses deux compagnons rechigner à rentrer dans l’eau. S’il comprenait les motivations de Yoru, l’hypocondriaque à temps partiel, celles de Sydney lui était encore inconnues. Tout ce qu’il voyait, c’était que par leur faute leur petite réunion au sommet allait être grillée à 10 km. Il allait falloir leur donner des leçons de discrétion et surtout de sacrifice pour la bonne cause.

Sans les quitter des yeux Liam se laissa aller sur le dos pour faire la planche, agitant juste de temps en temps les pieds pour s’éloigner des esclaves sagement rangés à côté de leurs tables de massage. En quelques minutes ils se retrouvèrent tous près d’un bord, Yoru droit comme un i, Syd’ les pieds dans l’eau et le taulard barbotant jusqu’au cou. Le terme « suspect » s’imposait à son esprit en lui tirant un rictus alors que les deux hommes qui lui faisaient face s’interrogeaient quant à ses motivations avant que le petit nouveau ne se lance dans une grande tirade. Le tueur ne réagit qu’au moment où son interlocuteur annonça ne pas savoir qui était qui. Sérieusement ? Il avait une tronche de chinetoc à s’appeler Yoru Nakatomi ?

Un ricanement moqueur s’échappa de ses lèvres mais il tendit tout de même sa main trempée pour serrer discrètement celle du pirate. Non sans une ironie certaine, il prit la parole à son tour :

- Mais nous sommes aussi enchantés de devoir nous adapter sans aucun avertissement à un changement de cette importance.

Son sourire faux s’étira en un plus sincère alors qu’il raffermissait sa prise sur la main du paranoïaque… pour l’entrainer à l’eau tout habillé. Sans perdre de temps il se saisit dans la foulée de la cheville du japonais pour l’entrainer à son tour, manquant de lui fracasser la nuque sur le bord. Heureusement le pauvre garçon évita de peu l’impact et ils se retrouvèrent bientôt tous trois dans l’eau azur. Liam s’attendait à une déferlante de haine et de juron qu’il s’empressa de réprimer par quelques sous-entendus :

- Bah vous voyez bien qu’on est mieux dans l’eau ! S’exclama-t-il à voix haute avant de souffler, Votre putain d’attitude suspecte va nous faire repérer… vous trouvez ça naturel de faire le planton à côté de moi pendant que je nage ? Je me fiche de vos problèmes mentaux : il n’est pas question que je me fasse choper pour ça.

Rien n’échappait aux yeux des héséprydes. Le climat de terreur qu’elles instauraient ici pousserait probablement leurs esclaves à déballer tout ce qu’ils avaient pu entendre, observer, deviner. Et si le vol et complot venait à leurs délicieuses oreilles Liam ne donnait pas cher de sa peau. Ses compagnons n’avaient pas l’instinct de conservation qu’on acquiert après quelques années en prison mais il allait leur donner des cours de rattrapage et plus vite que ça.

Se remettant à nager, il leur fit signe de le suivre dans un dos crawlé leur permettant de discuter facilement sans rester immobile au centre du bassin. Tout en nageant il reprit la parole non sans distribuer des reproches à tour de bras.

- C’est fini les conneries maintenant. Ici on est en danger constant vous comprenez ? Il ne faut pas, surtout pas, laisser de failles à nos ennemis. Si vous n’êtes pas prêts à vous donner à fond vous pouvez aussi bien vous tirer tout de suite.

Leur trajet aquatique les avait amené jusqu’à une gigantesque sculpture de marbre, représentant des sirènes et des tritons sortant des flots, qui trônait au centre du bassin. Un regard circulaire permit de vérifier que d’ici personne ne pouvait les voir , Liam s’accrocha alors à un morceau de l’œuvre d’art en signifiant aux autres de s’arrêter ici.

- Pour commencer faut qu’on se mette d’accord sur notre « histoire commune ». Elles risquent de nous prendre à part et ça sera très mauvais pour nous. On a pas forcément vécu ensemble depuis longtemps, mais il nous faut tout de même une ou deux anecdotes croustillantes et pas difficiles à retenir. Plus ce sera simple mieux ce sera… c’est le moment de montrer ce que vous avez dans le crâne les mecs.

Ce qu'il avait dans le crâne ? Eh bien tout simplement "un sale type vient de me trainer dans la flotte !!"
Malgré ça, il se contenta de rire bruyamment comme si la farce de Liam était bonne. Ouais... Comme si...
Son premier geste fut de retirer ses habits qui l'empêchaient de nager à son aise. Trempées, ses chaussures, sa chemise et son pantalons vinrent s'aplatir sur le bord de la piscine comme un vieux tas d'algues. Pour sûr, il lui renverrait l'ascenseur car il l'avait fait exprès c'était certain. Il garda un œil sur Liam au cas où ce dernier aurait cherché à le noyer entre deux brasses. Voyant qu'il ne courrait pas ce risque (pour l'instant) il se rapprocha de lui et commença à réfléchir à l'histoire qu'ils allaient servir aux Héséprydes pour le dîner.

- Ben c'est simple, on est des voyageurs, et en arrivant à Dreamland - je vous laisse le choix de la ville - nous nous sommes rencontrés. Pas forcément en même temps, le troisième membre peut être arrivé après les deux premiers, mais ça ferait trop "déjà vu" par rapport à mon arrivée ce matin. Remarquez, ça peut coller...

Il retira son bandana qui vint retrouver le reste de ses habits. Il ne le retirait que rarement et n'aimait pas s'en séparer. Il avait une grande valeur sentimentale pour lui et c'est pourquoi il gardait également un œil sur son précieux. Bon, évidemment, il ne pouvait pas regarder ET Liam ET son bandana sans loucher c'est donc pourquoi il rapprocha le paquet de linge du groupe pour poser ses bras dessus. De la sorte, il tournait le dos aux esclaves et pouvait désormais parler sans peur d'être entendu par eux.

D'ailleurs il savait bien que même si ces derniers restaient de l'autre côté de la berge, mains jointes et tête baissées, ils faisaient de leur mieux pour entendre ne serait-ce qu'une bribe de conversation. C'est vrai que peu s'en fallait pour qu'ils soient grillés.

- Je sais pas si vous vous connaissez d'avant, Liam, Yoru... Mais il reste préférable que je sois ce troisième membre, celui qui est arrivé plus tard. Je ne fais pas assez confiance aux gens pour simuler une amitié de très longue date.
*En gros : Non, je ne vous fait pas confiance.*

Il tourna la tête en direction du duo dans l'attente d'une critique ou d'un hochement de tête approbateur. N'ayant pas vu de réactions sur le coup, il poursuivit.
- Lorsque que suis arrivé à Dreamland, j'ai voulu voyager à travers ce nouveau monde. Et lors d'une escale à... euh... Bref ! Quelque part, je vous ai rencontrés, et on a ainsi arpenté Dreamland ensemble. Aidez-moi pour les noms de ville, j'ai pas la mémoire des noms. Trouvez-en une, n'importe laquelle devrait aller. A part si vous proposez autre chose.

Ses compagnons ne seraient sans doute pas convaincus par son histoire, mais c'est la seule qui lui était venue en cet instant. Il faudrait bien qu'il se force au moins à coexister pacifiquement avec ses compagnons s'il voulait partir d'ici entier. Mais on verrait les détails plus tard.

- Et pour une anecdote ? Eh bien... un truc simple c'est bien. Je sais pas, moi... Un jour qu'on explorait une forêt, on a trouvé un champignon qui nous a flanqué un joli mal de bide. Je sais, c'est débile. Mais c'est justement pour ça que ça passera.

L'invention de scénarii n'était pas le point fort de Sydney, mais ce dernier était assez simplet pour intéresser les Héséprydes. Et puis ça justifierait le fait qu'il n'aime pas les champignons.

Un esclave approcha du groupe. Le regard fixé vers le sol et l'air penaud, il demanda à Sydney :
- Monsieur, voudriez-vous que je mette vos habits à sécher ?
Cela ne faisait aucun doute qu'il avait élaboré ce stratagème pour venir les épier de plus près. Lui lançant un regard noir, Syd lui donna son tas de frusques trempées en prenant soin de garder son bandana. Lorsque le serviteur tendit la main pour le prendre, il répliqua sèchement :
- Pas touche au bandana !! J'y tiens beaucoup, et puis il sèchera tout seul. Hm... Si vous voulez m'être utile, allez me chercher une serviette et posez-là dans le coin là-bas il indiqua le coin opposé de la piscine, là où se trouvaient les tables de massage. *Ça devrait l'éloigner un moment...*

WTF! Il avait osé! Liam avait osé entrainer Yoru dans la piscine!

*Bordel de merde!*

C'est tout ce qu'eut le temps de penser Yoru qui sentit la main de Liam lui agripper la cheville et le tirer dans la piscine. Yoru eut un vertige et manqua de peu de se fracasser le crane ou se péter la nuque contre le bord de la piscine mais ça, Liam en avait surement rien à foutre! Ca aurait été sympa à expliquer aux esclaves qui les regardaient de loin: "Oh j'ai juste tiré mon collègue dans l'eau et malheureusement, il s'est tapé la gueule contre le rebord! C'est balo!". Lorsque Yoru revint à la surface, il inspira une grande bouffée d'air et s'empêcha de gueuler toute la haine qu'il avait envers le taulard. De toute façon, maintenant qu'il était dans l'eau, c'était mort! Il allait surement choper un truc, une infection provenant d'une bactérie présente dans l'eau. Et maintenant ses vêtements étaient tout trempé alors s'il n'attrapaient rien dans l'eau, il choperai surement un rhume en en sortant! L'asiatique s'assura que les esclaves étaient bien loin et de là, il jugea qu'il était impossible pour eux de les écouter:

-Merde Liam! Tu fais chier bordel! Tsss...

Yoru était énervé à présent et cette petite réunion était maintenant bien loin de ses préoccupations. Il était certes prêt à se donner à fond, mais quel rapport avait ce job avec un plongeon dans la piscine! Cette attitude égoïste était ridicule et injustifiée! Ils auraient très bien pu faire mine de prendre le soleil en faisant tremper (ou non) leurs pieds dans l'eau comme le faisait Sydney et n'en serai pas moins suspect que barboter dans la piscine habillés! >.< Sans gène sérieux! Liam était sans gène!

Pas rassuré, Yoru nageait en se tenant au bord de la piscine au cas où il aurait besoin d'en sortir expressément si Liam s'approchait de lui. Tout comme Sydney, il se méfiait du taulard et faisait attention au moindre de ses gestes. Lorsque le pédophile (et heureusement que Yoru n'était pas au courant, sinon il aurait quitté le job!) leur demanda d'inventer une histoire, Syd' en proposa une de suite qui paru bien à l'asiatique. Il dit alors:

-Moi j'en ai vu plein des villes alors si vous pouviez choisir une que je connais.. Ce serai cool. Le plus simple c'est Sextus non? On se serait rencontré là.. Une ville où tout le monde est habillé en toges blanches, où il y a des Colisés, des vendeurs d'esclaves, à l'ancienne quoi! Imagine toi dans un péplum et ça ira pour les descriptions.. Et puis c'est pas loin alors ça colle parce que tu voulais dire que tu nous a rencontré plus tard. Et pour nous.. j'dirai Ellipse pour faire simple... Ellipse ou tout le monde chasse les voyageurs et que nous avons fuit pour trouver un endroit plus calme pour travailler.. Ici! Le paradis quoi et bla bla et bla bla, t'invente des trucs..

Yoru avait beaucoup parlé et vite, il ne voulait pas perdre de temps et s'éterniser dans l'eau. Sa seule envie, sortir de la piscine et se sécher. Il lança aussi:

-Ouai pour le champignon c'est pas mal! Mais un peu banal et y'a pas vraiment de quoi en rajouter des tonnes.. Et en plus moi, j'pourrai pas être des vôtres sur cette anecdote, ça colle pas avec ma maladie.. J'pencherai plutot sur du vécut et désolé Syd mais tu devra user de ton imagination.. J'raconterai bien comment Liam s'est transformé en pauvre chien de prairie dans la foret incarnation lors de notre job de la cueillette et comme c'était ridicule.

Un sourire en coin se dessina sur le visage de l'asiatique qui continua:

-Ou bien comment on a aidé pour retrouver le nom d'Asmodée, le bateau.. Ou j'sais pas moi.. Donne des idées toi aussi...!

Sur ces mots, un esclave vint à leur rencontre au moment où Yoru posa ses deux mains sur le bord de la piscine pour se hisser en dehors de l'eau, s'assoir puis se relever. Là, il en profita pour retirer ses vêtements mouillés et demanda une serviette qui lui arriva en quelques minutes. Il confia ses vêtements à l'esclave tout comme Syd' en lui demandant de revenir une fois qu'ils seraient secs. Le jeune homme s'éloigna. Yoru se tourna alors vers Liam en s'essuyant:

-Bravo, ça fait vachement naturel de sortir de la piscine habillé. Si avec ça, on parait pas suspect...

Yoru était toujours énervé, il lança tout bas:

-Putain j'vais attraper la crève avec ce vent..

Aussi sûrement que le soleil se levait tous les matins, son petit coup de mise à l’eau avait mis en rogne ses deux « amis ». Contrairement à l’asiatique qui se plaignait comme un môme à qui l’on a demandé d’aller se brosser les dents, Sydney eut au moins la décence de la fermer pour s’intéresser un peu à leur boulot. Heureusement il cessa bien vite de se regarder le nombril pour en venir aux choses sérieuses. Oui, ils avaient raison. Yoru et lui pouvait très bien partir sur l’histoire véridique de leurs aventures communes et y intégrer le paranoïaque sur le tard, au moment de Sextus. Quant à l’anecdote elle était simple, bien pour la mémoire et la crédibilité, mais totalement dépourvue d’intérêt pour les héséprydes. Il fallait autre chose, mais il avait bien assez de choses réelles en réserve pour avoir à broder là-dessus.

Les choses prenaient un bon tournant malgré les esclaves qui rôdaient au bord de la piscine avec de fausses bonnes intentions. D’ici ils ne pouvaient rien entendre, mais ça restait franchement contrariant. La diversion de Syd’ pour les envoyer loin d’eux fut accueillie par un sourire de Liam, sourire qui disparut bien vite alors que Yoru commençait à vouloir faire son malin. Alors comme ça il avait été ridicule ? De la part de celui qui avait servi autant qu’un frigo sur la banquise pendant ce même job, ça tenait de la blague pure et simple.

- Oh, et moi je détaillerais comme tu n’avais servi à rien d’autre qu’à porter un sac-à-dos pendant ce même job. Etre un kangourou ne t’avait donné aucun avantage à vrai dire. Une forme aussi inutile et manchote que toi ! Alors pas de quoi te vanter, ça ne fait que souligner ton incompétence évidente.

Le jeune homme ayant un don inné pour ignorer ce qui le contrariait le concernant, il embraya comme si de rien sur le manque de naturel de leur situation actuelle. A qui la faute ?

- C’est juste une taquinerie entre collègues voyons. Nous sommes amis, on s’amuse, on se chamaille, on se balance dans la piscine habillés. Rien d’anormal. Cela dit je n’aurais pas eu à recourir à ce genre de chose si t’avais pas fait ta chochotte à refuser d’entrer dans l’eau de ton plein gré.

L’ex-taulard sortit de l’eau à son tour non sans un regard explicite, avant de s’assurer furtivement que personne ne pouvait les entendre.

- On aura qu’à partir sur notre véritable histoire, Yoru et moi. La nuit sanglante, le bateau, la vente d’esclaves. Et on aurait rencontré Sydney après nos évasions respectives à Sextus. Ça nous évitera de trop patauger dans les mensonges. Syd’ pourrait nous avoir aidé à nous cacher, et l’association de nos talents fonctionnant bien on a décidé de rester ensemble pour un bout de chemin.

Il étira son corps nu avec désinvolture comme un vieux chat, ne dévoilant que plus les nombreuses cicatrices qui zébraient son corps. La chaleur du soleil sur la peau se rependait dans tout son être et donnait un aspect risible à la remarque murmurée par l’hypocondriaque. Attraper la crève ? Pour avoir été mouillé un jour superbe ou une chaleur de tous les diables régnait en maitre ?

Liam ignora superbement les reproches déguisés qu’on lui destinait et se mit à marcher droit vers les esclaves qui commençaient à emprunter la direction de leur groupe, les bras chargés de serviettes éponge. Le tueur leur adressa des grands gestes des bras avant de leur crier d’un ton jovial :

- Dépêchez-vous ! Yoru m’a l’air un brin frileux ! Et je dois avouer que je meurs de faim… on pourrait avoir de quoi grailler ?

A vrai dire il n’avait même pas encore fini de digérer son petit déjeuner, mais fuir trop longtemps les esclaves maintenant qu’ils étaient hors de l’eau risquait de leur attirer la suspicion de leurs hôtes. Ils prendraient le temps de manger puis demanderaient à voir ces demoiselles. On ne pouvait repousser l’inévitable éternellement. Et on était pas payé pour ça.

A sa grande surprise, l'anecdote ne fut pas rejetée comme un vieux chiffon. Elle semblait même avoir incité Liam et Yoru à en chercher d'autres, mais cette fois-ci dans leur vécu. Ça serait plus simple pour tout le monde si Sydney était arrivé après. Le risque d'incohérences diminuait, mais il risquait tout de même de se voir interrogé par les Héséprydes sur son passé personnel. Il inventerait. Dreamland avait l'air assez farfelu pour qu'une histoire démente tienne la route.

Tandis que Yoru râlait d'avoir été jeté à l'eau, prétextant qu'il allait chopper la crève, Sydney se concentra sur ce qui venait de se dire.
- Hm. Oui, on va partir sur l'idée de Liam. Quant à moi, je trouverai bien quelque chose de croustillant à leur sortir. Euh... A propos de ça, elles sont comment ? Enfin je veux dire... Elles sont aussi belles qu'on le dit ?
Ses questions tombèrent elles aussi à l'eau, puisque apparemment personne ne l'avait écouté. Le regard de Syd se posa par inadvertance sur le corps nu de Liam. Il tourna aussitôt la tête. *Erf ! Il aurait pu au moins m'éviter ça...*

Il ne s'en était pas rendu compte mais était le dernier à être resté dans l'eau. Il nagea jusqu'au bord opposé de la piscine avant d'en sortir et de prendre une serviette qu'un des serviteurs lui tendait. Il lui adressa un merci de la tête avant de rejoindre Liam qui demandait à ce qu'on lui apporte à manger. C'est vrai que ça leur ferait du bien pour commencer la journée, surtout quand - comme Syd - on n'avait pas eu l'occasion de déjeuner avant de partir...

Ce dernier sentait que les Héséprydes choisiraient ce moment pour venir leur parler. Sous un quelconque prétexte (vouloir manger avec eux, les inviter à leur table, leur faire visiter les lieux...), elles tenteraient de leur arracher le secret de leurs véritables intentions. A choisir entre les Héséprydes et ses deux collègues, Syd faisait bien plus confiance à ces derniers.
Bientôt, les esclaves revinrent avec des coupes de fruits, des plateaux garnis de mets délicieux ainsi que d'autres choses destinées au petit déjeuner. Ils disposèrent les plats puis attendirent que le trio s'installe pour se restaurer.

Hésitant, Sydney décida de laisser Liam s'installer en premier. Il aurait l'honneur de goûter les plats (et de mourir s'ils étaient empoisonnés) avant tout le monde. Quelle courtoisie de la part du paranoïaque, vraiment !
Il fit signe à un esclave de venir, puis lui demanda de lui apporter ses habits une fois qu'ils seraient secs. L'esclave acquiesça puis s'éloigna. Et hop ! Encore un de moins. Hélas ! ça n'était pas suffisant : tant qu'il y aurait des esclaves autour d'eux, ils ne pourraient pas se discuter de la méthode à adopter pour prendre ces fichues pommes.

Le seul moyen de parler de ça était de jouer double jeu ; quiproquos et métaphores étaient les bienvenus.
Vous savez quoi ? Ça me rappelle lorsque Yoru était tombé dans les pommes, dans cette foret. Il adressa un clin d’œil furtif à Liam. On s'en était sorti comment, déjà ? On avait pas demandé à quelqu'un de nous aider ou un truc du genre ? Raah ! C'est trop bête, je m'en souviens plus du tout...

Dans l'espoir que ses deux compagnons comprennent où il voulait en venir, il accentuait légèrement chaque mot clé, de sorte que les esclaves - extérieurs à la discussion - ne comprennent pas l'ambiguïté de ses propos.
- On avait du attendre tout la nuit, si je me souviens bien. Hahaha ! Enfin j'en ris... Mais ça ne serait pas arrivé si Yoru deuxième clin d’œil, cette fois-ci adressé à l'asiatique ne s'était pas trompé en remplaçant nos sacs de nourriture par des faux !

L'idée lui semblait bonne : amadouer un esclave pour que ce dernier aille chercher les pommes à leur place. Ils n'auraient ensuite qu'à faire passer les pommes des Héséprydes pour des pommes tout à fait banales ! Mais encore fallait-il que ses compagnons comprennent son stratagème... Et ça, rien n'était moins sûr...

La suite des Héséprydes occupait à elle seule tout le troisième étage de la grande demeure. La pièce à vivre où elles passaient sans doute le plus clair de leur temps était un vaste salon richement décoré de rouge et d’or, où se trouvaient des étagères pleines de livres rares – voir uniques –, une vitrine où étaient exposés les plus beaux cadeaux qu’elles avaient reçus de touristes, toute sorte de jeux de réflexion aux pièces de cristal assimilable aux échecs ou aux dames et tout le nécessaire pour s’adonner à divers arts. Au centre de la pièce, une table circulaire aux ornements baroques accueillait une coupe de fruits frais dans laquelle Samara venait de piocher une framboise grosse comme une cerise. Elle était assise sur une chaise, jambes croisées avec une élégance indiscutable, tenant dans sa main gauche un livre épais qu’elle dévorait avec intérêt.

- Tu t’en fais trop Temara, dit-elle subitement sans lever les yeux de son ouvrage.
- Et toi pas assez, répliqua la concernée.

Celle-ci était debout devant l’une des grandes fenêtres qui donnait sur l’avant de leur jardin. Les tables de massage étaient visibles de là et ses yeux si perçants qu’elle pouvait lire jusqu’aux expressions de visage qui animaient les voyageurs. Rien de suspects ne s’y déroulait pourtant ; le dénommé Yoru se détendit enfin grâce à la dextérité de Neb et son ainé prenait déjà plaisir à en être remis aux soins de Ted. Lorsqu’un troisième protagoniste fit son apparition, quelque chose sembla imperceptiblement changer dans le comportement des deux autres. Ils gagnèrent rapidement la piscine, à l’abri des bosquets ou de la statue de marbre dressée en décoration. L’Hésépryde poussa un soupir et se détourna de son poste d’observation pour fixer sa sœur :

- Je ne les vois plus.
- De toute façon, les espionner n’est pas une manière convenable de faire. Tu sais bien que Ted et Neb nous rapporteront tout ce qui s’est passé dans les moindres détails, tes excès de paranoïa ne font qu’user ta santé.
- Ce sont des voyageurs Samara, et on ne sait toujours pas de quoi ils sont capables ! Tu les sous-estimes toujours trop, et moi, ceux là ne me reviennent pas.
- Personne ne te revient de toute façon. Est-ce que jusqu’à maintenant, quelqu’un a jamais été capable de nous voler quoique ce soit ? S’ils avaient eu la possibilité d’entrer furtivement nous piller et ressortir sans que personne ne les voit, ils n’auraient pas pris la peine de venir se présenter.
- Tu es trop naïve.
- Tu sais très bien que je ne le suis pas Temara, mais de l’accueil que nous faisons à nos visiteurs dépend immédiatement notre réputation, et celle de la ville. S’ils sont mal intentionnés, et qu’ils osent mettre leurs manigances à exécution, ils recevront ce qu’ils méritent et…

La jeune femme s’interrompit en sentant la présence de Neb dans l’entrée. Elle tourna vers lui ses iris mordorés, l’interrogeant du regard. Le garçon bafouilla que les invités avaient demandé à se restaurer. C’était plus tôt qu’elles ne l’avaient prévu, mais les cuisiniers devaient déjà avoir préparés de délicieux hors-d’œuvre à se mettre sous la dent. Accompagnés de fruits et quelques viennoiseries, ça suffirait avant le déjeuner. Samara fit un signe gracieux de la main pour demander à l’esclave de disposer, puis elle se mit debout avant de reprendre avec un sourire :

- Tu viens ? Allons tenir compagnie à nos amis, ce ne serait pas courtois de les laisser manger seuls.

***

Quelques minutes plus tard, les quatre Héséprydes rejoignaient la piscine de leur démarche sensuelle et élégante. Elles ne portaient plus leurs robes fines, mais des maillots de bain deux pièces outrageusement provoquants ; ou bien étaient-simplement leurs corps élancés exempts du moindre défaut qui étaient indécents en eux-mêmes ? Pour l’instant, elles arboraient de superbes paréos décorés de fils argentés, mais le groupe d’esclave qui les accompagnait en portant plateaux vides et serviettes s’empressa de les récupérer lorsqu’elles furent enfin au bord du bassin. Leurs jambes étaient longues et fines, incroyablement bien proportionnées, leurs mouvements souples et aériens. Toutes détachèrent leurs chevelures d’or qui étincelèrent harmonieusement à la lumière du soleil. Samara détailla chacun de ses invités de ses orbes perçantes :

- Nous sommes enchantées de rencontrer ce mystérieux compagnon lève-tard, salua-elle Sydney avec un brin d'amusement, l’eau de la piscine n’est-elle pas bonne que vous la quittez déjà ? J’espérais pourtant que profiter de nos en-cas en se baignant était une option tentante.

Elle plongea subitement avec une grâce et une légèreté sans pareille, nagea aussi habilement qu’une sirène sur quelques mètres, puis refit surface, ses cheveux plaqués contre sa peau crémeuse, ses grands yeux auxquels rien n'échappaient invitant les trois hommes à revenir dans le bassin. Ses sœurs la rejoignirent avec au moins autant de classe, puis elles s’installèrent contre les bords en quelques brasses, déjà assistées par huit esclaves qui leur proposaient de délicieux canapés garnis de ce qui ressemblait à du caviar, des toasts divers et des coupes d’une boisson fruitée.

- N’est-ce pas la un cadre idéal pour entendre vos histoires ? renchérit Samara. J’avoue que je suis impatiente !
- Sans compter que la compagnie d’hommes plutôt agréables à regarder est un luxe à ne pas laisser filer, compléta Melinda en détaillant de haut en bas le corps musclé de Liam.
- Certes…, acquiesça Temara le visage fermé.
- Alors, commença Sia après s’être emparée d’un amuse-bouche qu’elle tenait élégamment entre deux doigts, racontez-nous, comment vous-êtes vous rencontré ?

Tout en s'essuyant, Yoru accueillit les remarques tranchantes de Liam avec un air de mépris. Tout ce qu'il disait lui passa par dessus la tête. Il n'avait que faire de ce que pensait le taulard tellement il était bas dans son estime. Il haussa les épaules:

-Ouai bien sûr, c'est pour rire!

Ajouta-t-il a Sydney avec un sourire forcé. Puis jeta un regard noir à Liam, le visage sévère et les dents serrées. Une fois sec, Yoru posa la serviette à terre pour répondre au taulard en venant s'assoir sur le rebord de la piscine:

- Je suis désolé d'être comme je suis.. et si tu l'accepte pas, bah j'peux rien faire pour toi. Mais j'ai prévenu que je ne voulais pas entrer dans cette eau pour des raisons personnelles... Franchement, à part me contredire et satisfaire tes petits plaisirs de sadiques, ça n'a rien changé, je t'entend parfaitement d'où je suis!

Yoru ajouta un sourire à Syd comme pour tempérer son propos et lui rappeler ce qu'il venait de dire, comme quoi ce n'était que chamaillerie de routine. A ce petit jeu, Yoru pouvait aller loin. Et apparemment Liam était joueur. Il ne lui faisait pas peur. Néanmoins observer son corps meurtrit par de nombreuses cicatrices le fit grimacer, lui qui avait l'habitude de prendre tellement soin de son corps. Il ne voyait ici qu'un homme malmené et qui ne prenait vraiment pas soin de lui. Sans pouvoir se retenir, l'hypocondriaque demanda les yeux rivé sur le corps de Liam, comme hypnotisé:

-Ça vient d’où tout ça..?

Mais Liam était déjà parti sur son récapitulatif, à quoi s'en tenir, ce qu'il fallait dire, histoire d'indiquer un sens commun aux trois voyageurs. Ça lui allait, Yoru acquiesça d'un hochement de tête. Lorsque Liam quémanda à manger, il ajouta comme pour prévenir ses collègues a voix basse pour que personne n'entende sauf Liam et Syd, de façon réellement sincère et déterminée:

-J'suis prêt à tout pour amasser le maximum de thune sur ce coup.

Puis il s'adressa tout particulièrement a Liam:

-Toi tu me prend pour un con ou une lopette, et même si j'en ai strictement rien à foutre de ce que tu pense de moi, j'vais te prouver que j'vaux mieux que toi.

Comme un défis qu'il s'était lancé, Yoru jeta un regard au loin sur le jardin des Héséprydes. Il était même prêt à l'instant à courir vers le verger et arracher des pommes puis sortir de force des enceintes du palais. Il n'avait peur de rien, ne voulait plus avoir peur. Après tout, ces Héséprydes n'étaient que des femmes, qu'allait-il lui faire?
Bien sûr Yoru, malgré sa détermination naissante, Yoru savait que cette mission était des plus délicate et ce n'était pas dans son intention de se comporter comme un gros bourrin pour arriver à ses fins. Il accepta alors la seconde serviette que lui apporta un esclave et l'a mise sur ses épaules quand Syd commença a parler très fort en accentuant des mots légèrement à risque.
Yoru fit les yeux ronds et regarda Liam désemparé comme pour dire:

*Mais il fait quoi bordel!??*

La panique pouvait se lire sur le visage de l'asiatique, amadouer les esclaves n'était certainement pas une bonne idées. Les Héséprydes avaient surement bien des moyens de les faire parler une fois qu'ils furent dans leur appartements. De là où il était Yoru avait ses 2 collègues en face de lui et pouvait voir les Héséprydes approcher en maillots de bain. Il se redressa pour se mettre debout et la bouche bée, il souffla un:

-Woo..

Sa réaction attira l'attention de ses compagnons qui se retournèrent à leur tour pour regarder dans sa direction. Les 4 femmes entrèrent dans le bassin. Dans ces tenues, elles étaient vraiment belles et Yoru ne pouvait que l'admettre. Lui qui était trop stressé précédemment pour le remarquer et prendre soin de scruter la moindre parcelle de leur corps, trop préoccupé par leur regard intimidant. A l’invitation de Samara à les rejoindre dans l'eau, l'asiatique ne fit que se rassoir, d'ici, il serait plus à l'aise. Il avait les idées claires. S'il entrait dans l'eau, il serait préoccupé par plusieurs choses: L'eau, Liam, la réaction des Héséprydes à leur récit, l'impossibilité de fuir si nécessaire. D'ici en plus, il avait une vision d'ensemble, il lança alors:

-Excusez moi mais je préfère rester sur le bord, la vue n'est pas la même du bassin que d'ici.

Il accompagna ses propos d'un sourire. Et commença la conversation:

-Comme vous savez, nous sommes des voyageurs et notre périple n'a pas été de tout repos depuis notre venue en ce monde. Puisque figurez vous que nous sommes arrivé ici durant la nuit sanglante qui se déroulait à Ellipse. Triste nuit où tout les Ellipsiens étaient déterminés à nous exterminer, nous les étrangers.. (Yoru prit un air triste tinté d'une lueur d'espoir) J'ai heureusement rencontré Liam par un hasard miraculeux, moi qui croyait que j'allais y passer. Vous savez c'était très dur, toute cette violence. Il m'a beaucoup aidé dans ces moments difficiles...

Comme pour laisser la parole à Liam afin qu'il continu son propos, Yoru stoppa son discours sur une phrase qu'il pouvait facilement agrémenter d'autres détails tirés de sa mémoire ou de son imagination. Il esperait que leur discours sur leur venu en ce monde serait bien ficelé et glisserait comme sur du beurre pour paraitre le plus crédible et croyable possible.

- Mais vas-y ! Prouve-moi que tu n’es pas une triste merde si tu le peux. Je t’assure que ça me fera plaisir, vraiment, rétorqua Liam avec l’air le plus sérieux du monde tout en enfilent son caleçon qui l’attendait sagement près de la table de massage.

La question sur la beauté des héséprydes n’était même pas parvenu à ses oreilles tant l’ancien taulard portait tout son attention sur le Yoru gonflé à bloc qui lui faisait face. Il avait vraiment l’air de penser ce qu’il disait, mais de là à passer à l’acte il y avait une marge non négligeable. Ce gamin d’à peine vingt ans se dégonflerait probablement comme un ballon de baudruche lorsque les problèmes commenceraient à leur tomber dessus. Il était prêt à parier cher sur ce point, même si l’idée d’avoir enfin un compagnon utile en la personne du bridée se révélait séduisante. Bien sûr qu’il préférerait qu’il se décide à servir à quelque chose, mais il n’était pas assez naïf pour croire à ce genre de balivernes.

Une chaise confortable accueillit le corps fin et musclé du taulard qui attrapa avec nonchalance quelques grains de raisins qu’il croqua sans réel appétit. Le peu de faim qu’il aurait pu ressentir se serait de toutes manières envolées devant le manège de Sydney. A quoi jouait-il ? Même s’il usait de métaphore il n’était pas nécessaire d’être une lumière pour comprendre ce dont il parlait. Il était fort probable qu’un des esclaves pourrait aussi faire le lien et alors… ils seraient vraiment bien en peine de se dépêtrer de la suite du programme. Pour sauver le coup il se contenta de sourire en lâchant dans un haussement d’épaules :

- Ne compte pas sur moi pour me souvenir, j’étais complètement à l’ouest ce jour-là. J’avais mangé une de ces saleté de champignons hallucinogènes qui poussent dans le coin alors ce qui me reste ne doit pas être très fiable.

Ou comment couper court à une discussion qui commençait à déraper. L’arrivée des héséprydes fut le réel point final à cette tentative du pirate, la menace d’être découvert devant trop pressante. Les quatre femmes étaient encore plus magnifiques qu’à leur première rencontre, toutes en jambes et en peau veloutée. Seuls leurs yeux de faucon faisaient tâche dans ce tableau divin, mais cette fois ci ce ne fut pas suffisant pour réprimer la poussée hormonale qui grandissait en Liam. Juste après que Melinda eut commenté son physique le tueur commença à dresser le chapiteau.

Il fallait réagir et vite, son bras droit grandissant déjà. Il fallait stopper cette putain d’érection pour ne pas passer pour un pervers… à peine l’eut-il pensé que son piquet retomba comme un soufflé alors que son bras gauche prenait le relai, si bien qu’en une minute Liam se retrouva affublé de deux bras énormes qui auraient rendu jaloux un bodybuildeur expérimenté. Bon, c’était toujours mieux que rien.

** Faire comme si de rien n’était, faire comme si de rien n’était…**

Comme s’il avait perçu sa pensée, l’asiatique se lança dans une envolée lyrique sur les difficultés d’être un voyageurs à Elipse. Mais malgré ce bon départ il s’embourba rapidement dans un flot de mensonges. Ne s’étaient-ils pas mit d’accord pour garder intacte et sans mensonge cette partie de l’histoire ? Maintenant il n’avait plus qu’à improviser ce que le mit dans une colère noire qu’il camoufla sous un masque de bonhommie.

- Bof tu sais, c’était pas grand-chose. Dans ces moments-là on a pas vraiment d’autres moyens de survivre que de se serrer les coudes non ? Sortir tous de la ville était notre seul impératif, dommage qu’on se soit fait enlever juste derrière par ces esclavagistes opportunistes. Heureusement c’est aussi du passé ! conclu-t-il en tapotant amicalement l’épaule de Yoru.

Il se tourna ensuite vers Temara en se forçant à soutenir son regard d’oiseau de proie, sa sueur froide se mêlant à celle due à la chaleur écrasante de cette matinée ensoleillée.

- Je me joindrais bien à vous, mais pour ça il me faudrait soit m’exposer nu devant quatre charmantes demoiselles ce qui serait bien impudique, soit que l’on me prête un maillot de bain.

Le trentenaire s’assit au bord de la piscine, laissant ses jambes tremper dans l’eau. Ses bras énormes ne dérangeaient toujours mais les courbes de leurs hôtes sublimées par le miroitement de l’eau l’empêchaient de retrouver son calme. Tout ce qu’il espérait était qu’elles ne poseraient pas de questions sur sa métamorphose.

- Et pour en revenir à votre question, on n’a rencontré Syd’ que bien plus tard, dans la région. Yoru et moi avions été vendus à des propriétaires différents mais nous avons tous deux réussi à fuir. On s’est retrouvé un peu plus tard et c’est alors que l’on a rencontré notre ami. Il nous a aidé à nous cacher… rien ne l’y obligeait et c’est ça qui rend cet acte encore plus admirable. Une preuve de plus de la solidarité des voyageurs. Depuis on reste ensemble, on se débrouille bien et on reste en vie, je crois que c’est la preuve suffisante que cette association marche bien !

Il avait tenté de leur faire comprendre un esquisse de plan qui fut rapidement balayée par Liam. Eh bien s'ils ne voulaient pas travailler, soit. Par contre, le lieu de vacances n'était pas à leur goût... Fainéantise ou quoi ??
Sydney se jurait de ne plus rien proposer à ce groupe contreproductif et se mura dans un silence boudeur jusqu'à l'arrivée des Héséprydes.

Elles étaient semblables à des déesses. Même en imaginant la beauté suprême on serait encore loin du compte ; leur corps était parfait, leurs cheveux ondoyants flottaient avec grâce dans les airs, soulignant la finesse des traits de leur visage... Et stop !
Une telle beauté faisait froid dans le dos, en fin de compte ! Elles étaient si belles... Trop belles pour être dignes de confiance et ça se sentait à 3 kilomètres ! Ou plutôt ça se voyait : il suffisait de croiser leur regard pour se voir pétrifié en un instant, ce dont le pirate fit l'expérience.

L'une d'elles salua leur compagnon lève tard et- *ah ! C'est de moi qu'on parle..!! Oh... Et depuis combien de temps ma bouche est ouverte, déjà..?*
Arborant un sourire niais, le pirate finit d'achever sa transformation chromatique qui le faisait désormais ressembler à une tomate bien mure.
Incapable de dire quoi que ce soit sans balbutier, il céda la parole à Yoru et Liam - qui entre autres n'avaient pas attendu cet aval pour mettre en place l'histoire de leur rencontre.

Syd n'osa pas regarder les Héséprydes qui se baignaient, préférant récupérer son cerveau qui devait avoir coulé sur le sol après sa liquéfaction... Youpi... S'il y avait bien une chose à ne pas faire c'était de s'enticher de ces créatures !
Alors que Liam reprenait la conversation là où Yoru l'avait laissée, continuant le récit de leurs aventures, Sydney se tourna vers la piscine, observa chacune des quatre femmes. Entre parano', on se connait bien. C'est comme une grande famille (amis du parricide bonsoir) et le pirate ne mit pas longtemps à débusquer la plus méfiante de toutes. En effet, l'une d'entre elles était toujours plus distante, à l'aspect parfois un peu plus froid que ses... Euh... Sœurs..? Bref ! Autant de petits symptômes que Sydney traduisit à sa manière
*Celle-là... Elle a l'air très prudente, sur ses gardes. Peut-être même plus que je ne pourrais l'être en ce moment. Soit c'est la chef du groupe, et auquel cas elle est encore plus louche que toutes les autres, soit elle est tout simplement extrêmement louche... Ce qui en fait la plus dangereuse. Pffff... Quelle famille...*

Il sortit de sa réflexion lorsqu'il entendit son nom dans la bouche de Liam. C'était la partie qui le concernait ; indiquant à priori une entrée en scène. Diantre ! Il n'avait aucune idée d'histoire à leur raconter !! Plus le temps...
- Euh... Oui, à l'époque j'étais vers euh... Zut... J'ai vraiment une mémoire des noms affreuse, désolé... Bref ! Je m'étais retrouvé dans cette ville un peu par hasard, et j'y vivais comme je pouvais. Puis un jour, deux personnes il désigna Liam et Yoru de la tête se présentèrent dans l'auberge où j'étais. Ils portaient de vieux habits déchirés, imaginez des fringues d'esclaves, quoi... Et euh... Je ne sais pas pourquoi, mais j'ai senti qu'ils avaient besoin de moi et c'est pourquoi je les ai cachés pendant un temps. Puis quand la situation est redevenue plus calme, nous sommes partis tous les trois. On ne savait pas quoi faire ni où aller, mais on allait là où nos jambes nous portaient... Ce qui au final nous a amené à découvrir votre incroyable résidence.

- Oh, en parlant de ça... Je ne me suis même pas présenté... Quel rustre je fais... Je me nomme Sydney Miles, mais appelez-moi Syd. Voyageur et euh... difficile à réveiller... Veuillez m'excuser de ce désagrément... mode drague à 2F 50 : on L'accueil a été charmant, mais je n'ai pas eu l'occasion de vous rencontrer plus tôt... Vos prénoms sont-ils aussi beaux que vous ne l'êtes ?
Hm.... Pour une première mise en scène, c'était pas mal. Si on excluait la goutte de sueur qui coulait depuis sa tempe. Boh, on mettrait ça sur le dos du soleil ou de ses cheveux encore trempés. S'écouter parler l'avait un peu calmé ce qui lui permit d'adopter une attitude - sinon décontractée - moins tendue. Il était censé être un touriste, à la base !

Il tendit la main vers une pâtisserie qu'il commença à manger avec appétit : lui n'avait pas eu de petit dej'...
Et puis ça l'occuperait en cas de blanc. Un ange passe ? "Pas ma faute, j'avais la bouche pleine !"
Ça semblait valide...

Yoru refusa en premier leur invitation à se jeter à l’eau. La vue était meilleure depuis l’extérieur ? Aucune n’avait manqué son expression ébahi lorsqu’elles étaient arrivées, Samara lui fit la grâce de mettre cette réticence sur la timidité et se concentra sur son discours dramatique. Les échos de la Nuit Sanglante avait atteint leur ville c’était vrai, notamment parce que depuis ce drame, les œuvres d’art authentique d’artistes voyageurs étaient plus cotées et plus chères. On ne comptait plus non plus les représentations épiques qui avaient été faites en peinture sur ce sujet, ni les romans dénonciateurs, ni les recueils de poésies engagées.

De son coté, Melinda embrassait particulièrement Liam de ses yeux mordorés. Rien ne pouvait échapper à sa vue, encore moins un bras qui grossit, ni un frémissement d’érection dans un caleçon rapidement remplacé par la croissance d’un autre membre. Un sourire malicieux se dessina sur ses traits diaphanes, mais elle l’écouta parler jusqu’aux compliments qu’il fit à leur trio soi-disant gagnant. Sydney prit le relai de façon plus évasive, un trouble qui n’échappa non plus aux Héséprydes. Les flatteries qu’il glissa à la fin de son discours firent sourire poliment les sœurs, à l’exception de Temara qui le fixait sans ciller.

La porte-parole des jeunes femmes fit un gracieux signe de main pour demander à ce qu’on lui apporte d’autres amuses-bouches, puis répondit en désignant chacune de ses compagnes d’un geste élégant :

- Je vous remercie Syd, c’est la moindre des choses que d’accueillir convenablement les invités, surtout lorsqu’ils sont de marque. Je m’appelle Samara, voici Sia, Melinda et Temara. En espérant que nos humbles prénoms soient à la hauteur de ce que vous attendiez.

Un canapé au caviar dans une main, elle s’inclina très légèrement, une pointe d’amusement sur son sourire malicieux. Melinda profita de cet instant pour s’élancer avec souplesse au travers du bassin, afin de rejoindre le rebord sur lequel était assis Liam. En fait, elle le rejoignit même personnellement, car elle prit délicatement appui sur ses genoux pour s’amarrer juste face à lui. La jeune femme avait les mains douces et était d’une légèreté impressionnante. D’aussi près, avec les rayons ardents du soleil, sa chevelure dorée pouvait même sembler renvoyer des éclats irisés.

- Si vous vouliez un maillot de bain, il suffisait de le demander.

S’était-il éclipsé douce – et très rapidement – ou bien les hôtes avaient-elles tout prévu ? Impossible de savoir, mais l’un des esclaves se pencha pour proposer au taulard un élégant short brodé d’argent et impeccablement plié. Comme pour demander à se faire confier un secret avec malice, Melinda se pencha vers le trentenaire et murmura de façon suffisamment audible pour qu’en réalité, chaque personne présente en profite :

- Personnellement, j’aimerais beaucoup connaitre l’origine de ces bras impressionnants. Il m’a semblé voir qu’ils étaient en rapport avec une autre partie de vote anatomie.

Elle lui enfonçait sa requête dans le crâne à renfort de son regard mordoré. Son visage dévoilait l’amusement et la curiosité impudique qui l’animait, mais ses grands yeux en amande soulignaient qu’elle savait parfaitement de quoi elle parlait, et qu’il était inutile d’essayer de lui mentir. Elle posa alors ses coudes avec douceur sur les genoux du tueur, et plaça ses mains sous son menton, comme une enfant impatiente.

- Autre chose m’intéresse moi, reprit Samara en souriant au couple que formait sa sœur et Liam. Je dois déjà admettre que je trouve singulier de se pas se souvenir d’une ville où vous avez quelque chose d’aussi dangereux que de cacher vos amis… dans une auberge, c’est bien cela ? Si c’était ailleurs, où était-ce ? Faites-nous rêver avec des détails croustillants, nous ne sommes que des prisonnières qui ne voient chaque jour qu’Hésyprius au travers de grilles en or ; les récits d’aventures sont de vraies merveilles.
- A défaut de vous souvenir de la ville où vous vous êtes rencontrés tous les trois, intervint Sia avec un sourire engageant, vous souvenez-vous de là où vous êtes arrivé Syd ? Nous le savons pour vos amis, mais votre cas reste encore très trouble. N’avez-vous pas quelques périples personnels à nous conter ?
- Et ne soyez pas si tendu, le rassura Samara, je vous ais vu toutes nous dévisager comme si vous cherchiez à deviner un piège. Nous ne voulons vraiment qu’entendre de bonnes histoires et profiter de votre compagnie, mettez-vous à l’aise, tout vous est proposé de bon cœur.

Un grand sourire, sincère, étira son beau visage. Temara l’imita à la perfection, seuls ses yeux qui sautaient furtivement d’un voyageur à l’autre témoignait qu’elle ne perdait rien du moindre de leur mouvement, et déclara :

- Oui, c’est la vérité. Nos invités honnêtes n’ont absolument rien à craindre de notre compagnie.

Les mauvais menteurs étaient une vraie plaie. Le pirate était bien trop tendu et évasif pour être naturel et ce qui devait arriver arriva : les héséprydes se mirent à douter. Malgré leurs sourires et leurs airs engageant il aurait fallu être aveugle pour ne pas voir qu’ils étaient mal. Comment rattraper ça ? Mais surtout comment réfléchir à un plan avec cette déesse aux yeux de rapace qui s’appuyait sur ses cuisses ?

Le tueur avait à peine eut le temps de la voir venir que sa chevelure d’or scintillait déjà devant ses yeux. Sa position plutôt base renforçait le désir qui habitait son bas ventre, retransmit aussitôt à ses deux bras puissants. Après un coup d’œil vers le maillot de bain apprêté à son attention il s’humecta les lèvres alors que les explications potentielles se bousculaient dans sa caboche.

- On ne peut rien vous cacher, finit par lâcher Liam en affichant un air faussement gêné, C’est vraiment lié à mon entre-jambe qui n’a pu que réagir à vos charmes. C’est loin d’être poétique alors j’espérais que vous ne vous en rendriez pas compte… j’étais naïf !

Il écarta les bras pour signifier son impuissance avant de tenter un sourire complice. La vérité restait encore la meilleure solution face à ces choses aux corps de femme. Et puis son petit doigt lui disait que Melinda ne serait peut-être pas contre un rapprochement entre eux. En tout cas elle n’était pas le moins du monde gênée de stationner devant son service trois pièce en sachant les envies qui se bousculaient en lui.

D’une main il attrapa le vêtement qu’on lui prêtait et commençait déjà à se lever mais les questions pressantes stoppaient déjà son geste. Sydney risquait de s’embourber s’il répondait, alors même si ça pouvait sembler suspect cela restait quand même plus sûr de tenter de répondre lui-même. Il avait d’ailleurs une histoire partiellement vraie en réserve et ça restait toujours le plus fiable pour une excuse, surtout si les 4 donzelles se mettaient à fouiller dans leur passé pour vérifier la véracité de leurs dires.

- Il faut lui pardonner, en tant que voyageurs on traverse tellement de villes et certaines ont des noms assez durs à retenir avouons-le. Mais si vous voulez tous les détails croustillants je peux vous satisfaire à loisir j’ai bien meilleure mémoire !

Le tueur éclata de rire avant de se forcer à croiser le regard de la plus réticente d’entre toute qui répondait au nom de Temara. S’il y en avait une à convaincre c’était bien elle.

- Je venais de m’enfuir de la tour de Sextus avec quelques compagnons, quant à Yoru il avait quitté un convoi qui le transportait vers un prochain maitre… c’est bien ça non ? Un gardien aussi il me semble, bref. On s’est croisé et nos groupes ont commencé à voyager ensemble. On a dû attaquer un transport de marchandise pour récupérer des vêtements, des forces et un moyen de transport. On a ensuite rejoins la ville de Telehem et le maire nous avait offert soin et abri dans une étable jusqu’au lendemain. C’est là que ça a commencé à mal tourner. Le lendemain la milice de Sextus a débarqué et on a dû se séparer pour se cacher afin de ne pas se faire embarquer… et c’est là que Syd’ est intervenu. Il nous a caché Yoru et moi dans sa chambre quand il a compris ce que nous étions et ce qui se passait et ensuite… on s’est tiré. Loin, et vite. C’est pas très glorieux mais c’est une rencontre comme une autre je présume.

Avouer ainsi être un criminel en fuite ne lui plaisait pas, mais ça restait préférable à l’option où l’on découvrait leurs mensonges. Et étant donné que la quasi-totalité de ce qu’il avait dit était vrai, il y avait peu de risque que les choses tournent mal après son discours. Mais malgré ça les questions concernant le pirate restaient problématiques. Liam n’aimait pas les problèmes sauf quand il les causait, il se mit donc en tête de tout aplanir une bonne fois pour toutes.

- Et concernant l’arrivée de Syd’, vous vous doutez bien que tous les voyageurs arrivent à Elipse non ? C’est le passage obligé pour chacun de nous, malheureusement. Si vous le permettez je vais aller enfiler mon maillot, je serais bien plus à l’aise pour discuter dans l’eau !

Il adressa un clin d’œil coquin à Melinda après quoi il se détacha d’elle avec une douceur qu’on lui connaissait peu. Il avait si peur de sa force accrue qu’il se forçait à manipuler les mains de l’hésépryde comme s’il s’était agi d’une poupée de porcelaine… ce n’était pas le moments de briser des os.

Yoru adressa un regard noir à Liam lorsque qu'il entendit sa réponse méprisante à son égard. Il n'en avait rien a foutre de tout façon, ce taulard ne semblait pas être quelqu'un qui pouvait éprouver un quelquonque sentiment positif dans sa vie misérable et c'est en cela qu'il était inférieur à l'asiatique. L'hypocondriaque était fier de ce qu'il était, franche et vrai! et ca n'allait pas être ce genre de remarque qui allait le changer ou l'arrêter dans ses démarches et pensées. En revanche, pour ce qui était de jouer les comédiens et de duper les gens, Liam était un as en la matière. Yoru n'aimait pas les gens comme lui, il les détestait même. Mais il ne manqua pas d'afficher un grand sourire lorsque son "ennemi" posa sa main sur son épaule en reprenant ses direspour les confirmer. Yoru dupait peut-être à ce moment précis, mais ce n'était pas sa personnalité ni dans ses habitudes contrairement au taulard.

*se serrer les coudes.. c'est ça... Parle toujours -__-*

Plus tard Liam et Syd entreprient de raconter les fondements de leur rencontre et le lève tard ne tarda pas à attirer tout les soupçons sur lui par son discours trop évasif et imprecis! L'asiatique serra les dents discretement, il était en colère par cette attitude, ils n'avaient pas le droit à l'erreur. Il esperait qu'elles ne demandent pas de détails, heuresement Liam remit tout dans l'ordre en imposant sa version des faits, qui servira de base à d'autres mensonges.

Par la même, Yoru apprit un des pouvoirs de Liam lorsque celui-ci répondit aux interrogations de Melinda. Son pouvoir avait un rapport avec son entre-jambe, ses autres pouvoirs devaient également en avoir un. Yoru se questionna silencieusement sur la pathologie du taulard qui, combiné avec son attitude envers lui au petit dejeuner, l'orienta vers l'hypothèse qu'il fut un grand pervers. Mais dans un stade avancé. Un stade qui en devient maladif. Il n'allait pas remonté dans son estime de si tot!
Yoru lança alors un autre sujet:

-Sinon nous pouvons vous raconter notre arrivé à proprement dite à Ellipse! Je m'en souvient comme si c'était hier, c'est certainement la chose qui m'a le plus marqué, l'absence de repères, l'incompréhension, les révélations... Nous, nous aurions voulu rester dans notre monde comme vous vous souhaiteriez en sortir.. On souhaite toujours ce que l'on ne possède pas... C'est triste quelque part..

Plongé dans ses propres pensée, Yoru jeta un cup d'oeil au jardin des héséprides qui s'éternisa quand il dit:

-Votre jardin est magnifique, beaucoup de gens ici doivent vous envier de posseder un tel endroit si beau et reposant. Un petit coin de paradis!

L'asiatique adressa un sourire sincère à Temara, la plus suspicieuse des Héséprides. Pourquoi s'attarder sur des sujets innutiles alors que ce qui les interresse se trouve être dans le jardin, peut-être qu'en abordant le sujet, elles donneraient sans le vouloir des informations importantes pour la suite de leur mission. Sa remarque, selon lui était loin d'être suspecte mais tout simplement naturelle. Son objectif toujours bien en tête! Il était prêt à tout, et sur de lui!

Avait-il fait bonne impression ? Avait-il su les convaincre ?? En regardant trois d'entre elles, on aurait pu croire, mais dès que le regard se posait sur Temara, tout espoir de crédibilité s'envolait. Cette femme était une vraie parano' !!
Pendant que le pirate dégustait un éclair au café, les Héséprydes s'intéressèrent à nouveau à Liam qui - encore une fois - rectifiait le tir. Il était doué, c'est vrai. Un peu trop, même, pour être quelqu'un en qui Syd placerait sa confiance. Impossible de discerner le faux du vrai dans ses discours si on n'avait pas vécu la scène avec lui. Redoutable !!

Le seul détail qui chiffonna le paranoïaque était sa prétendue arrivée à Elipse. C'était quoi, ça Elipse ?? Il serait dans de beaux draps s'il devait expliquer quoi que ce soit ou même raconter le moindre détail sur cette ville. Il ne savait même pas où c'était ! Il improviserait... Et comme d'habitude, Liam rectifierait le tir... Incroyable... C'était comme si ce type avait trois longueurs d'avance sur les autres. Ça faisait de lui un bon leader pour ce job, mais également un suspect numéro un très honorable.

Yoru avait entamé un bref descriptif de la ville. Trop bref au goût du pirate. Il aurait au moins pu lâcher quelques détails qui l'auraient aidés à recadrer l'horizon ! Bon, tant pis. Son discours avait un arrière-goût d'inachevé et le paranoïaque ne comptait pas l'aider sur ce point-là : il n'y connaissait rien et moins il parlera, moins il larguerait d'imbécillités. Tout ce qu'ils avait à faire était de rapporter des pommes... POURQUOI ça devenait aussi dûr !?

Et surtout, pourquoi diable adressait-il un sourire à la plus parano' du groupe ? Il voulait paraître encore plus suspect ? Hm ! Joliment réussi, très cher ! Il fallait rectifier ça au plus vite, mais comment ?
*pense comme Liam, pense comme Liam !!* Inconscient de la débilité qu'il se répétait dans sa tête, il essayait néanmoins de réfléchir à une échappatoire à cette situation délicate.

- Nous aurons tout le temps de visiter la propriété, ne sois pas si pressé, Yoru ! T'as le feu aux fesses ou quoi ? Viens manger un bout, ça te fera du bien. C'est super bon ! il devait s'adresser aux Héséprydes, les faire parler pour qu'elles oublient de réfléchir à la demande implicite et suspecte du japonais. D'ailleurs, vous devez avoir un bon nombre de cuisiniers à votre disposition pour proposer de tels chefs-d’œuvre, non ? En tout cas, ils font des merveilles. Oh, et je... Excusez-moi, on doit vous poser la question tous les jours, mais... Qu'entendez-vous par "prisonnières" ?

Voilà. Ça devrait les faire parler suffisamment longtemps pour qu'on puisse récolter des informations. Pour les pommes il fallait hélas y aller en douceur : si personne jusque-là n'avait réussi à en voler, il faudrait jouer plus subtil que ça si on voulait se les procurer - et revenir vivants...

Il regarda tour à tour Liam et Yoru. Des deux, Liam semblait le plus détendu. Comment diable faisait-il ? Le pirate tenta de se détendre à son tour en évitant soigneusement le regard des Héséprydes dans la mesure du possible. Il fixait l'eau sur laquelle les rayons du soleil faisaient naître de brèves étincelles... Les jardins, au fond, dont ne s'échappait que le bruit calme du vent dans les feuilles, charriant divers parfums de fleurs et d'herbe fraîchement coupée. Il regardait le ciel, ainsi que les quelques nuages qui n'osaient faire d'ombre au soleil. Il baissa la tête, de peur de se faire calmement égorger par l'étincelle ondulante d'un poignard finement affuté.

Oui, vraiment, tout était là pour rassurer et tranquilliser les visiteurs... Il reprit une pâtisserie qu'il dégusta avec la même lenteur que la précédente. Il n'était pas pressé de s'exprimer à nouveau et un traditionnel *j'ai déjà donné* naquit dans son esprit.
Sa vie ne tenait qu'à un muscle : la langue. Alors il comptait bien s'en servir correctement.

Spoiler:

La réponse de Liam fit sourire Melinda alors que ses yeux mordorés ne le quittaient pas. Les hommes étaient des créatures si fragiles, si faibles, il suffisait d’une beauté diaphane pour éveiller l’attention de leur anatomie intime. Les Héséprydes avaient conclu bien des affaires en jouant de leur charme, acquérant ainsi des œuvres d’arts d’une grande valeur pour bien peu de choses.

La suite du discours du tueur fut captivante, et ses quatre interlocutrices buvaient ses paroles. Elles imaginaient à loisir les mésaventures du trentenaire, sa fuite, la rencontre avec l’hypocondriaque, le braquage de la charrette, l’arrivée à Telehem, la garde de Sextus qui débarque… de quoi réaliser de beaux tableaux, peut-être leurs invités accepteraient de poser quelques temps pour elles ?! La conclusion au récit, avouant le caractère peu glorieux de leurs actes, tira à Samara un geste gracieux semblable à celui qu’elle ferait pour chasser un insecte. Elle ouvrait la bouche pour parler, mais l’hypersexuel se levait déjà en prévenant qu’il allait s’habiller, s’écartant de son hôte la plus proche avec une douceur délicieuse.

Melinda lui répondit d’un grand sourire ensorceleur et se laissa basculer en arrière pour revenir près de ses sœurs en nageant sur le dos. Un esclave se pencha immédiatement vers elle pour savoir si elle désirait quelque chose, ce à quoi elle répondit en réclamant une boisson fruitée et alcoolisée qu’on ne produisait que dans leur ville. Yoru en profita pour relancer le sujet d’Elipse amorcé par son ainé, terminant sur une réplique qui se voulait compatissante. Le problème était-il vraiment de souhaiter ce qu’on ne possédait pas ? Quoi de plus normal que de vouloir sortir lorsqu’un maléfice vous gardait enfermé dans l’enclos d’un palais, aussi magnifique soit-il.

Ce ne fut pourtant pas sa maladresse qui froissa le plus ses hôtes, mais son regard insistant sur leur jardin qui s’agrémenta d’une question plutôt risquée. Il sourit ensuite sincèrement à Temara, mais cette dernière restait impassible, épiait le moindre de ses traits pour déceler le petit frémissement nerveux qui trahirait sa culpabilité. Bien que Sydney tenta de rattraper le coup après son éclair au café, la concernée ne put s’empêcher de rétorquer sur un ton beaucoup plus froid que celui avec lequel conversaient ses sœurs :

- Les gens nous envient surtout nos pommes d’argent que nous sommes les seules à savoir faire cultiver. Certains poussent même le vice jusqu’à se faire passer pour de pauvres voyageurs perdus afin de se voir offrir le gîte et le couvert, avant d’essayer de nous voler. On l’a déjà vu, conclut-elle en transperçant l’hypocondriaque de ses grands yeux.

Neb, qui s’était fait oublié jusque là, se pencha sur la plus réticentes des jeunes femmes pour lui glisser quelque chose à l’oreille. Un sourire qui n’avait rien d’engageant s’étira lentement sur les traits divins de Temara alors qu’elle renchérissait en feignant un détachement désinvolte :

- Mais d’après ce qui vient de m'être confié, monsieur Yoru s’intéresse de près aux conditions de vie dans notre demeure.

Il faisait toujours aussi beau et pourtant, la température eu l’air d’avoir chuté d’un ou deux degrés brusquement. Les huit yeux de rapace embrassaient toujours les voyageurs, prêts à capter le moindre geste, le moindre tressaillement compromettant. Samara finit par recouvrir son sourire après un instant de silence et s’adressa au paranoïaque d’une voix douce qui cherchait à tempérer les répliques de sa sœur :

- Nous avons parmi les meilleurs cuisiniers de la région en effet. N’hésitez pas à nous communiquer vos préférences afin qu’ils puissent vous les préparer.
- Nous sommes prisonnières dans le sens qu’un sort nous empêche de passer les grilles, intervint Sia. Personne n’a jamais rien su y faire jusqu’à aujourd’hui.

Trois des Héséprydes poussèrent un soupir à l’unisson, seule Temara restait murée dans un silence prédateur. Elle n’arrivait pas à faire confiance à ces intrus dont le comportement semblait parfois trop peu naturel, trop malaisé. Si son ainée mettait cela sur le compte de la timidité, elle préférait y voir de la fourberie mal dissimulée, de quoi aiguiser sa méfiance coriace.

- Vous savez, commença Samara d’une voix rassurante, nous nous moquons de la légalité des mesures que vous prenez pour survivre en dehors de cette ville. Votre condition doit sans doute être extrêmement difficile, a fortiori dans une région comme la notre. Je peux vous assurez que nous ne sommes pas liées à la justice sextusienne. Tout ce que vous raconterez ne sortira pas de cette résidence.
- Vous pouvez donc nous rapporter tous vos actes sans aucune crainte, assura Melinda.

Sia choisit ce moment pour traverser le bassin d’une nage aérienne et sortir de l’eau avec souplesse. Elle s’approcha de Sydney de sa démarche naturellement sulfureuse, le soleil jouant une symphonie de reflets irisés dans sa chevelure dorée, ses grands yeux en amande avalant le jeune homme. Face à lui, elle le dominait de pratiquement deux têtes. Un sourire amusée sur ses lèvres douces, elle prit la main du paranoïaque dans la sienne pour conduire sa pâtisserie à sa bouche. Elle mordit élégamment dans la chair sucrée et avala sa gourmandise avant de lancer, taquine :

- Pourquoi donc rester si distant ? Je serai ravie de vous voir faire quelques brasses à mes cotés.

Un autre domestique se présenta discrètement avec un maillot de bain en main, identique à celui qu’avait emprunté Liam, pour signifier que la demande tolérerait difficilement un refus. Melinda posa son verre vide et s’écarta du bord à son tour, divaguant avec légèreté en attendant que Liam ne vienne se mouiller en sa compagnie. Samara fit une brasse en avant, une mine illuminée par la curiosité. Sur le ton de la confidence, elle les appela à un changement de sujet plutôt inattendu :

- J’aimerais aussi que vous me parliez… de votre monde, comment c’est ?

Il entendit très bien les paroles de Yoru en s’éloignant mais ne se retourna pas pour autant. Rester naturel, il fallait à tout prix rester naturel… même si ses compagnons ne l’aidaient vraiment pas sur ce coup-là. Alors qu’ils devaient opter pour de la subtilité et de la douceur, en commençant par assouvir les caprices des héséprydes avant de penser à leur tâche, le bridé s’était mis en tête d’orienter la conversation vers les jardins. N’avait-il pas compris aux dernières paroles de Temara qu’ils étaient suspects à ses yeux ?

Liam enfila son maillot sans se presser à l’abri d’une colonne, l’oreille tendue pour ne pas perdre une miette de la conversation. Les efforts de Sydney pour détourner la conversation furent louables mais malheureusement insuffisant pour stopper les élans de la langue de vipère de la plus hostile de leurs hôtes. Comme on aurait pu s’en douter les esclaves avaient rapporté fidèlement leur discussion à table de massage et cette constatation lui fit serrer ses énormes poings. Bon, il fallait retourner sur le devant de la scène et vite, pour rattraper ça avec un bon bobard bien ficelé… mais quoi ? Oh et puis merde ! Rien ne valait l’improvisation !

Il n’avait disparu que depuis une minute lorsqu’il réapparu vêtu du maillot généreusement prêté par Mélinda en affichant un air pour le moins contrarié qu’il jugeait de circonstance. Liam saint patron des faibles, surtout quand ils étaient bridés, était dans la place. Il s’avança d’une démarche assurée jusqu’à ce planter sur le bord le plus proche de Temara et lâcha de but en blanc :

- Malgré tout le respect que je vous dois, je vous demande d’arrêter tout de suite ces insinuations insultantes à notre égard. J’avais essayé de passer outre au début, après tout je suppose que votre méfiance est légitime, mais il y a un moment où il faut savoir arrêter les frais.

Le tueur s’accroupit sur le bord de la piscine pour planter son regard dans celui horrible mais pourtant magnifique de la femme qui lui faisait face. Il avait l’impression de subir un viol de l’âme éhonté, mais c’était un sacrifice vital pour quiconque voulait remplir sa bourse… et survivre.

- Bien sûr nous aimerions voir vos pommes, on ne parle ici que de leur splendeur, mais de là à faire de nous des voleurs… maintenant je vous saurais gré de changer de sujet. On les verra quand vous souhaiterez nous les montrer, ou jamais d’ailleurs ce ne serait pas un mal vu les tensions dont elles sont la cause. Je préfère largement regarder de jolies femmes que des fruits aussi beaux soient-ils. Maintenant si vous permettez je vais faire une ou deux longueurs pour me calmer.

Et s’il était bien fou de rage, c’était plus contre ses compagnons que contre les quatre paires de longues jambes qui barbotaient dans l’eau. Il se glissa dans l’onde fraiche avant de se tourner sur le dos pour faire une longueur assez maladroite en dos crawlé. Ses bras énormes ne l’aidaient pas mais heureusement ils commençaient déjà à rétrécir en lui rendant sa fluidité de mouvement. Rien de tel de la colère et l’eau froide pour vous faire oublier vos couilles pleines.

Lorsqu’il revint enfin vers l’attroupement situé au bord de la piscine il s’était légèrement calmé, prêt à repartir sur un nouveau jet de la compagnie air mensonge. Il n’était pas bien confortable mais on s’y faisait rapidement. En quelques brasses il s’arrêta au niveau de Mélinda qu’il détailla longuement avant de daigner répondre à la question de Samara concernant leur monde. Que dire franchement ? A part lister une série de clichés qui au final ne rimaient à rien ? Il tenta tout de même alors que des rides pensives se formaient sur son front :

- Notre monde ? Il est totalement dépourvu de magie et son niveau technologique est grosso modo celui d’Elipse. On en est au stade télé-voiture-internet en somme. Après… ce n’est pas un monde très engageant, toujours une raison pour un pays de faire la guerre à un autre, la surpopulation fait son chemin, la pollution et le capitalisme aussi. Même s’il reste plus sûr que le vôtre je trouve que Dreamland est plus agréable sous bien des aspects… la mort n’est qu’un inconvénient à braver pour profiter du reste. Là-bas c’est d’ennui qu’on meurt… ou de cancer.

Le tueur haussa les épaules en s’adossant au bord de la piscine pour piocher dans une corbeille de fruit qui lui faisait de l’œil. Le monde réel était terriblement pâle quand on le comparait au monde des rêves, mais à vrai dire n’était-il pas que le reflet de l’imaginaire débordant des gens tristes et pâles qui déambulaient dans les rues de chez eux ?

- Néanmoins tout n’est peut-être pas perdu… Dreamland est fait de nos rêves vous savez. On a tous un peu de ce monde en nous, à notre manière.

Mais pourquoi Sydney s’efforçait-il de rattraper les propos, certes risqués, mais calculés de Yoru? Cela en devenait d'autant plus suspect. L'asiatique avait simplement voulut officiellement féliciter les héséprides de la beauté de leur demeure et de leur jardin, bien qu'officieusement, il en convoitait les informations les concernant. Temara ne tarda pas a sortir les griffes et traiter les voyageurs de voleurs ou tout du moins l'inscinuer! C'était prévisible! Mais comment savoir combien le sujet est tabou si il n'est pas abordé? Au moins, grâce à son intervention, les 3 collègues savaient maintenant ce que pensait réellement Temara à leur propos et ce qu'elle redoutait d'eux. Cette dernière ne manqua pas de transpercer Yoru du regard.

L'hypocondriaque répondit à ce regard par un plus doux, presque moqueur accompagné d'un sourire en coin. Ça c'était son côté rebelle qui ressortait. Car il n'aimait pas se faire marcher sur les pieds ou qu'on lui parle mal. Mais il réalisa bien vite que pour que leur mission aboutisse, pour son bien et celui de Liam et Syd, il fallait pour cette fois s'écraser et entrer dans les rangs. Son regard s'effaca subitement, son sourire également laissant place à un visage refermé avec des traits de vexation naissant.

L'asiatique ne voulait en aucun cas gouter à ces petits fours ou gourmandise en tout genre. Qui sait si elles ne les avait pas empoisonné avec une drogue qui te fait parler! C'était peut-être ça le piège! C'était peut-être comme cela qu'elle procédait pour dénicher les traitres et les taupes! Non merci! Lorsque l'esclave vint rapporter quelques propos à Temara et que celle-ci fit une remarque à Yoru, l'asiatique lança un regard froid à Neb puis à Temara. Puis il lança, haussant la voix pour que toute les 4 l'entendent:

-Vous avez l'air de ne pas beaucoup m'apprecier Temara. Seulement je pense que vous juger beaucoup sur l'apparence des gens sans vouloir vous offencer. Je n'apprecie que moyennement les insinuations que vous faite à mon sujet concernant mon interet pour votre demeure ou votre jardin. Moi qui souhaitait simplement vous en féliciter. Vous savez dans ma vie, je n'ai pas vraiment eut le loisir de fréquenter de tels endroits, c'est encore tout nouveau pour moi, excusez moi d'être comme je suis...

Yoru détourna le regard et afficha une mine presque triste, un pincement de lèvre et un froncement de sourcil. Pour confirmer ses propos, il tourna de nouveau la tête pour contempler le jardin. Quitte à passer pour un malheureux hypocondriaque confiné depuis des années dans son petit appartement hermetique et désinfecté, autant le faire à fond. Ce n'était pas parce qu'elle avait fait une remarque, qu'il allait changer son attitude, cela serait encore plus suspect!

A son tour, Liam reprit la parole pour répondre aux héséprydes tandis que l'hypocondriaque se mura dans un long silence. Il savait que surement, Temara l'observait à ce moment précis. Il savait qu'elle l'avait dans sa ligne de mire. Cela rendait ce job encore plus exitant!

Yoru avait réussi à dévoiler les tensions principales et c'était plutôt pas mal. Très risqué, mais pas mal. Seulement on ne pouvait pas toujours être là, à réparer les pots cassés à chaque fois qu'il décidait de creuser plus profond dans les secrets des Héséprydes !
Les efforts du paranoïaque furent moindres comparés à l'adresse avec laquelle Liam avait coupé court à ce désastre. Décidément, il ne savait pas s'il devait apprécier ou craindre ce type dont il ne connaissait pratiquement rien. Ce job n'était pas fait pour Yoru et Syd, de toute évidence... L'un comme l'autre s'emmêlaient les pinceaux à chaque mensonge et seul leur ainé semblait assez entrainé pour ce genre de choses.

Il fut tiré de sa réflexion vaseuse par l'une des Héséprydes, Sia, qui s'approchant du pirate vint mordre d'une manière assez équivoque dans sa pâtisserie. *Ma pâtisserie !!* s'insurgea mentalement Sydney. Cette femme était une pirate !! Et elle souhaitait maintenant avec une insistance redoutable lui faire subir l'épreuve de la planche... Inacceptable !!
Et pourtant, lorsqu'il vit arriver le maillot de bain qui lui était destiné, il comprit qu'il n'avait pas vraiment le choix. Il faut savoir se jeter à l'eau... Des brasses à ses côtés pff ! Tu parles ! Encore une excuse bidon pour faire semblant de le noyer (et pourquoi pas réussir) !

Voilà ! C'était à ça qu'elles lui faisaient penser : des sirènes !! Leur beauté extérieur n'était qu'un masque pour dissimuler le monstre qui avait perdu tant de marins en mer. Saletés !!
- Je vais me changer, j'en ai pour une minute. A peine eut-il déclaré son intention de se retirer quelques secondes qu'un esclave se mit à le suivre, ce que le pirate était loin d'apprécier. Mais tu fais quoi, toi !? Voyeur !

Vexé, il fila se changer dans une sorte de cabine prévue à cet effet non loin de là. *Juste au moment où je suis sec, tiens... Conspiration !!!*
De là où il était, il entendit Liam hausser la voix un instant sans réussir à entendre correctement le sujet de ce pic de colère.

Lorsque le pirate sortit, il observa que la tension avait baissé d'un cran ; Liam, calmé en apparence, peignait un tableau réaliste du vrai monde. Un peu trop réaliste, d'ailleurs... Ça rendait mal à l'aise.
Se glissant dans l'eau, il s'aspergea d'eau pour s'habituer à sa température. Il fit ensuite quelques brasses. Seul. *C'était bien la peine, tiens... Je commence à détester ce job...*

Il s'attendait néanmoins à ce que Sia le rejoigne d'ici peu, ce qui ne manqua pas...
L'idée de laisser Yoru seul le mettait mal à l'aise. Il avait le temps de révéler un millier de secrets compromettants avant que Liam ou lui ne puissent bâillonner l'asiatique. Diviser pour mieux régner ; les Héséprydes savaient s'y prendre et il craignait le pire pour la suite : interrogatoire séparé voire isolement les uns des autres jusqu'à ce que ces démons aient assez de preuves pour pouvoir les décapiter impunément.

Le sourire en coin de l’asiatique ne lui échappa pas, non ; pas plus que ce regard moqueur qui ressemblait à ces lueurs d’adolescents en pleine crise de rébellion. Néanmoins, il ne fit pas frissonner Temara un instant : elle savait pertinemment qui avait le pouvoir dans l’enceinte de cette résidence, et l’asiatique serait surprise de savoir à quel point l’inhospitalité des jeunes femmes pouvait être, quand elles le voulaient, plus grande encore que leur sens de l’accueil. Le coup d’œil glacial que l’hypoconcriaque jeta à l’esclave et la plus méfiante des Héséprydes scella son sort dans l’opinion de celle-ci. Sa tirade sonnait si faux qu’elle passa par au dessus la tête de Temara : sa jonglerie expressive était trop dissonante pour être naturelle, et s’il pensait s’en tirer avec un si mauvais jeu d’acteur, il était plutôt mal parti.

Liam reparut à son tour et s’accroupit juste à ses cotés. De si proche, son visage était un livre ouvert d’expressivité, et sa contrariété semblait tout à fait sincère. En le voyant plonger pour nager et se « détendre », Temara ouvrit sa bouche pour rétorquer une autre pic acerbe chargée de sous-entendus, mais son ainée s’était retournée vers elle pour lui jeter un regard de reproche. Ses lèvres se pincèrent alors, enfermant ses paroles empoisonnées, mais la suspicion embrasait son incendie de méfiance. Yoru en premier lieu, elle ne leur faisait pas confiance.

Alors que Sydney partaient s’habiller, Samara attendit patiemment que le trentenaire finisse ses longueurs pour qu’il assouvisse sa curiosité. C’était un tableau bien pessimiste du monde réel qu’il peignait là, vantant même les avantages de Dreamland. Effectivement, la porte-parole des Héséprydes savait que leur monde était né des songes de « l’autre » dimension et souvent elle s’était demandé… qui avait bien pu songer à leur existence ? Certains voyageurs, lorsqu’elle avait posé la question, avaient répondu que c’étaient certainement eux, car les jeunes femmes incarnaient "l’image de la beauté féminine dans toute son ampleur" ; et si cela était flatteur, ça n’était pas satisfaisant.

- Je vous souhaite que tout ne soit pas perdu, commença Samara avec une pointe d’amertume dans la voix, sincèrement.

Certains voyageurs lui avaient aussi raconté de merveilleuses choses sur le monde réel. Suffisamment pour que subsiste, un peu comme un souhait curieux refoulé, la volonté de le visiter si cela était possible. Melinda de son coté, rejoignit Liam avec la souplesse d’une sirène et piocha à son tour dans la corbeille de fruits en lui jetant un regard enchanteur.

- Ce maillot vous va merveilleusement bien.
- Aussi, veuillez excusez ma sœur, reprit Samara. Il est vrai que nous avons plus d’une fois été confrontées à de vils personnages qui ne cherchaient qu’à nous piller, alors elle se sent particulièrement investie du devoir de protéger sa famille. Je vous saurais néanmoins gré monsieur Yoru, de ne pas la provoquer par le genre de regards que vous venez de lui lancer, c’est encore la façon la plus simple d’éviter un conflit ou un malentendu.

Elle marqua une pause tandis que Temara adoptait une moue contrariée. Ses yeux mordorés paraissaient étinceler plus encore, de concert avec l'or de ses cheveux.

- Je comprends que nos pommes suscitent la curiosité, beaucoup de gens traversent le monde pour les voir. Afin de nous faire pardonner les suspicions peu agréables dont vous vous êtes sentis victimes, je vous propose d’aller nous promener dans les jardins dès à présent. Je suppose que si le déjeuner n’est pas prêt à notre retour, la piscine sera toujours là pour nous laisser profiter de quelques brasses avant de passer à table. Qu'en dites vous ?

Sia, qui s’était glissée auprès de Sydney pendant ses brases solitaires éclata de rire. Un rire cristallin et ensorceleur, de ceux qui donnent l’impression d’avoir affaire à autre chose que des femmes humaines.

- Pourquoi maintenant, interrogea-t-elle comme une enfant réticente, je préfère largement converser avec nos amis ici !

Qu’est-ce qui le retenait de tout plaquer déjà ? Liam ne s’en souvenait pas. Ses collègues maladroits lui cassaient les couilles, les héséprydes trop méfiantes les concassaient et le boulot qui piétinait les finissait au broyeur. S’il s’était calmé l’espace d’un instant, il ne put que s’énerver de nouveau devant la plus d’insinuations, de regards biaiseux et de mauvaises intentions. On les traitait de voleur – ce qu’ils étaient mais là n’était pas la question – puis on les invitait à admirer l’objet possible de leur convoitise ? Ou était l’arnaque ?

- Je refuse, rétorqua-t-il simplement en croisant les bras, son regard brillant de détermination.

Marre d’être pris pour un con. Marre d’être soumis aux caprices des uns et des autres, ballotté comme un fétu dans la tourmente. Droit comme un i et immergé jusque sous les pectoraux, le tueur faisait front à l’hypocrisie ambiante. S’il fallait vraiment voler ces pommes, il voulait le faire dans une ambiance détendue, et en enfilant des brochettes de servantes si possible. Pourquoi pas une de ces femmes faucon même ! Mais se balader pour mater des pommes dans une ambiance lourde de suspicion très peu pour lui.

Néanmoins il sentait bien que sa réponse pouvait être mal prise et que ce serait donc forcément le cas. Temara veillait après tout, sa langue de vipère prête à jaillir à la moindre perche qu’on lui tendrait. Le trentenaire pris donc sur lui en se forçant de développer sa pensée malgré son envie pure et simple de les laisser tous en plan.

- Non pas pour vous vexer, il est juste hors de question de visiter vos jardins qui comprennent le verger aux pommes de la discorde – car c’est ce qu’elles sont – tant que certaines douteront de nous. Je ne veux pas passer ces moments qui pourraient être fort agréables à me demander si l’une ou l’autre d’entre vous craint que je ne tente un coup d’éclat.

Il sortit de l’eau prestement avant de se saisir d’une serviette que des esclaves avaient laissé près du bord à leur intention. Ce n’est qu’après s’être séché complètement qu’il reprit la parole avec déjà sous le bras ses vêtements roulés en boule. La séance piscine avait assez duré comme ça. Il était un homme pas un poisson.

- Mais si vous avez une autre activité à proposer, n’importe quoi, j’accepterais. Tant que ça ne touche pas ce point sensible. Je vous saurais d’ailleurs gré de réitérer votre proposition seulement lorsque vous aurez au moins un peu confiance en nous.

Sur ces belles paroles il partit s’habiller à l’ombre d’un pilier. Bien sûr des espions avaient été envoyé pour lorgner à loisir et s’assurer qu’il ne se cachait pas une ou deux pommes dans le cul mais il fit mine de ne pas les remarquer pour ne pas perdre son sang-froid. Bientôt il réintégra son jean et sa vieille chemise, des frusques qui même défraichies lui apportaient une indéniable confiance en soi. Il savait qui il était et où il allait. Or de question d’échouer ou de se faire trainer au fond du gouffre par des incompétents. Il était Liam Baldwin, et Liam Baldwin n’admettait pas l’échec. Jamais.

Fort de cette conviction il quitta son abri pour revenir auprès du groupe qui continuait à babiller. L’un des héséprydes donnaient d’ailleurs l’impression de vouloir débarrasser Syd’ de ses vêtements ce qui – pauvre fou – ne semblait pas lui plaire du tout. S’en taper une ou deux était pourtant l’une des manières les plus sûres de se les mettre dans la poche, mais il fallait croire que la paranoïa de son collègue dépassait ce genre de considérations.

Liam prit une chaise avec nonchalance avant de tourner un visage qui se voulait plus calme vers Samara. C’était celle qui lui paraissait la plus accessible sentimentalement parlant, ou plutôt elle avait montré une certaine attirance pour lui. C’était là où il devait attaquer avec tout son talent de beau parleur afin de redorer leur image, et d’ailleurs n’étaient-il pas ici pour ça ? Raconter de belles histoires ?

- Si vous le souhaitez je pourrais vous raconter une ou deux anecdotes pour vous distraire. Quel type d’histoire vous ferait plaisir ? De l’horreur ? De l’aventure ? De la romance ? Je pense bien avoir accumulé de quoi écrire un bon roman, alors n’hésitez pas à piocher à loisir dans vos thèmes favoris… Dreamland est une source inépuisable d’aventures pour les étrangers que nous sommes.

Il se gratta le menton alors qu’il réfléchissait à un exemple à donner, puis finit par tenter :

- Je pourrais par exemple vous conter un travail que j’ai effectué pour un vieux fou féru d’énigmes du nom de Roger Clampin. Si le cœur vous en dit bien sûr.

Les Héséprydes usaient d'arguments retors pour forcer les voyageurs à dévoiler leur jeu et même si Sydney s'en rendait compte, il voyait aussi qu'il manquait d'exercice par rapport à Liam qui avait dû faire face à ce genre de situations un nombre incalculable de fois. Il devait également avoir eu un nombre incalculable de conquêtes amoureuses à son actif à le voir se pavaner devant l'une des sirènes.

Le pirate n'avait pas remarqué Sia qui s'était faufilée derrière lui - on aurait pu croire à de la téléportation - pour l'accompagner dans ses brasses et dont le rire le fit sursauter. Il manqua de boire la tasse mais fit passer cette noyade grotesque pour une acrobatie aquatique, effectuant un salto dans l'eau avant de refaire surface. Si Samara leur proposait d'aller faire le tour du propriétaire, Sia était d'un tout autre avis et c'était une bonne chose pour elles car Sydney sentait qu'il en avait plus que marre de sortir, entrer, sortir et re-rentrer dans l'eau pour le plaisir de ces dames. Il avait de la patience, mais il arrive un point où même le plus sage des stoïques craque. Or notre ami parano' n'étant pas de ceux-ci, sa jauge zen était déjà presque vide.

Liam exprimait quant à lui un refus catégorique qu'il tenta d'expliquer du mieux qu'il put et l'on sentait que si la courtoisie était là, la patience de ce dernier était mise à rude épreuve. Seul Yoru ne semblait pas encore assailli de toutes parts mais cela ne saurait tarder, d'ailleurs il avait déjà assez à faire avec son stress. Quoi qu’il en soit, Liam avait bien raison de refuser l’offre de ces monstres. Il était inutile de courir d’avantage le risque de se voir emporté par la tentation ou même de commettre un faux-pas irréparable.

Le paranoïaque fit un gros effort pour prendre sur lui. Il fallait gérer le stress, ne pas céder à la pression. Ok. Maintenant on sort le sourire marketing à Sia. Voilà ! Parfait ! Une petite phrase gentille ? Je croyais que vous ne viendriez pas. La baignade semble bien terne lorsque vous n’êtes pas là. Phrase gentille, checked. Veuillez nous excuser… Nous avons voyagé pendant longtemps avant d’arriver ici et nous n’avons que rarement l’occasion de nous reposer comme nous le souhaiterions ou encore de goûter au luxe. Haha ! Je crois que moi-même je ne suis plus très habitué à prendre autant de bon temps. Ne laissons pas nos sentiments négatifs gâcher cette belle journée. Holà matelot… N’en fais pas trop quand même !

D’un geste il invita galamment Sia à nager avec lui. Les rayons du soleil faisaient étinceler les vagues et se reflétaient avec grâce sur les cheveux de l’hésépryde au regard charmeur. S’être remis à l’eau avait du bon : cela le rafraîchissait, empêchant les bouffées de chaleur dues au stress de faire tomber à l’eau sa tentative de séduction à deux francs cinquante. Il n’aimait pas ça, mais si les quatre femmes avaient pour but de les diviser, en tenir une éloignée des autre et la distraire ne pouvait être que bénéfique. Et pour ne rien celer, elle était vraiment jolie. MAIS : ça n’en demeurait pas moins une créature diabolique. Diaboliquement belle. MAIS ! Mais. Mais…

Syd aurait bien voulu voir la tête de Samara lorsque Liam avait exprimé son refus. Cela aurait été un bon indicateur. Indicateur de quoi ? De beaucoup de chose et c’est pourquoi était frustré de ne participer qu’à moitié et cependant rassuré car Liam se chargeait de raconter des aventures à sa place. Le pirate n’était pas à Dreamland depuis aussi longtemps que ce dernier ne le laissait entendre et ses péripéties paraissaient bien minces en comparaison. Il était arrivé à Gloutoniskaïa et… Ah non ! Il était arrivé à Elipse. A moins qu’il n’ait rejoint ses amis ailleurs..? Il était embrouillé avec tous ces mensonges… Liam avait pourtant dit de faire simple…

A écouter ses hôtes se plaindre de toutes ces tentatives de vol, le paranoïaque doutait, intérieurement. Voulait-il encore les voler ? Il n’avait jamais été hors-la-loi et la simple idée de défendre la thèse qu’ils n’étaient pas là pour ça sonnait horriblement faux à ses oreilles. Il se dégoûtait presque lui-même… Ne fais pas aux autres ce que tu ne voudrais pas qu’on te fasse ; il était pourtant sur le point d’enfreindre ce principe. Être trahi serait pour lui la pire des choses et il amadouait ces quatre femmes pour mieux les voler par la suite, non vraiment, il ne se sentait pas bien dans sa peau. Un bref coup d’œil en direction de Liam lui annonça la couleur : son regard déterminé signifiait clairement qu’il ne comptait pas subir la défaite et finirait cette mission coûte que coûte. Que faire, que faire..?

Il ne pouvait décemment pas abandonner ses collègues sans risquer de les démasquer : ils étaient dans le même bateau !! Il n’avait plus le choix. En y repensant, il ne l’avait plus depuis longtemps.
Eh bien soit… Cela signifiait qu’il devrait s’investir à 100% dans cette quête, à commencer par jouer le jeu de Sia.