A cœur ouvert

Ad Vitam Aeternam

Quand la vie nous échappe, que reste t-il ?
Quand le froid nous rattrape, que se passe t-il ?
Quand il s'insinue jusqu'au fond de notre âme,
Lorsqu'il nous tue, comme la pluie tue la flamme ?
Notre esprit est consumé sans espoir ni regret...

Mais c'est dans le noir que l'on voit la lueur,
Celle-là même qui séchera nos pleures,
Tel un phœnix de ses ailes mordorées,
Elle fend les ténèbres et vient se poser
Avec la passion et l'infinie douceur
Qui, depuis toujours, manquaient à mon cœur.

Oui c'est bien toi, le phœnix de mon âme
Celui qui, du néant, fit renaître ma flamme.
Simple étincelle dans les premiers instants,
Il brûle à présent plus qu'un brasier ardent.
Sois pour toujours le soleil de ma vie
Celui sans lequel jamais lune ne brille.
Je serais ta lune, ton ciel étoilé,
Celui sous lequel nous pourrons rêver.

C'est dans tes bras que je suis enfin moi,
C'est dans ta chaleur que je n'ai plus froid.
Et ce doux regard que tu poses sur moi
Me donne la force d'avancer pas à pas...
Plus rien désormais ne pourra m’ébranler
Car tu es mon amour, ma vie, mon éternité.

Petit soldat de chair avec des balles de plomb


Ma peau est noire comme du charbon,
La tienne est blanche comme le coton.
De tes gestes bien malhabiles,
Tu pratiques des jeux si futiles,
Pendant que moi, ceint de poussière,
Je m'en vais mourir à la guerre.
Tu ignores tout de la vraie peur,
Toi qui, sans lumière le soir, pleure,
Mes cauchemars sont bien plus réels,
Et nul ne répond à l'appel
De mes longs sanglots silencieux
Que je ne réserve qu'aux cieux.
Sur ton visage de chérubin
Se lit la joie ou le chagrin.
Sur ma face de très jeune tueur
Tu ne verras aucune lueur
Qu'elle soit de peine ou de gaieté
Car je n'ai le droit de penser
Qu'à l'arme que j'ai entre les mains
Qui sait qui je tuerais demain ?
Peut-être un homme ou une femme,
Mais pas une seule de leurs larmes
Ne pourra me rendre mes droits,
A moi, qui suis l'enfant soldat...

Petit chaton couleur laiton


Petit chaton couleur laiton,
Tu te dandines entre les plombs.
Tu ne crains rien,
Tu trottes, l’air de rien…
Je t’envie petit chaton,
Petit chaton couleur laiton.

Tu regardes les nuages,
Assis dans une cage,
Mais cette cage est la notre, chaton,
Petit chaton couleur laiton…
Tu n’en vois même pas l’ombre,
Tu ne vois pas la sombre
Et triste vie qu’est la notre.

Ton petit corps, souple et fragile,
Dans une danse volatile
Nous quitte puis nous rejoint
Tu ne vas jamais bien loin.
Mais pourquoi restes-tu chaton ?
Petit chaton couleur laiton…

A ta place je partirais,
Loin des hommes, dans des contrées
Où nul n’est jamais allé.
Je quitterais cette guerre,
Cette peine et mes prières
Qui ne servent jamais à rien…

Mais toi tu restes là,
Ton pelage entre mes doigts,
Si chaud, si doux
Contre la froideur des cailloux.
Tu es là et ne bouges pas,
Un ronronnement de-ci de-là.

Je t’envie petit chaton,
Mais bientôt nous partirons,
Et toi, sans une larme,
Nous regardant partir aux armes,
Tu trotteras gaiement,
Le museau en avant.
Profite bien petit chaton,
Petit chaton couleur laiton…

Présage


Dans les perles humides
Et dansantes du matin
Que le soleil timide
Sur les vagues peint au loin
Se reflète la silhouette
Imposante et calme
D'une terrible bête
Sans cœur et sans âme.
De ses ailes pesantes
Il domine les airs,
De son ombre puissante
Il recouvre les mers.
Dans ses yeux sans lumière
On peut lire la mort
Et le goût de la chair
Fait plaisir à son corps.
Dans un élan de haine
Et une fureur trop grosse
S épanouit sans peine
L'élégant Albatros.